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12 mars 2014 3 12 /03 /mars /2014 14:36

 

 

Source : www.mediapart.fr

Comment l'Occident a inventé la notion de dette

|  Par La rédaction de Mediapart

 

 

A la fois morale et métaphysique, la notion de dette est une dimension essentielle de la civilisation occidentale qui n'aurait pu prendre une telle ampleur en Occident sans l'idée religieuse du “péché” qui structure encore nos sociétés.

A la fois morale et métaphysique, la notion de dette est une dimension essentielle de la civilisation occidentale qui n'aurait pu prendre une telle ampleur en Occident sans l'idée religieuse du “péché” qui structure encore nos sociétés, selon une analyse republiée mardi 11 mars par Philosophie magazine, alors que la Banque des règlements internationaux vient d'évaluer à 100 000 milliards de dollars le montant de la dette mondiale.

Lire sur le site de Philosophie magazine (ou à la suite de cet article)

 

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*Un commentaire faisant suite à cet article sur Médiapart

Nouveau 12/03/2014, 12:55 | Par Pizzicalaluna


Lacroix s'inspire énormément de Graeber...

 

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"Un essai essentiel et foisonnant qui nous permet de mieux comprendre l’histoire du monde, la crise du crédit en cours et l’avenir de notre économie.



Voici un livre capital, best-seller aux États-Unis – plus de 100 000 exemplaires vendus – et en Grande-Bretagne, commis par l’un des intellectuels les plus influents selon le New York Timeset initiateur d’Occupy Wall Street à New York.


Un livre qui, remettant en perspective l’histoire de la dette depuis 5 000 ans, renverse magistralement les théories admises. Il démontre que le système de crédit, apparu dès les premières sociétés agraires, précède de loin l’invention des pièces de monnaie. Quant au troc, il n’a toujours été qu’un pis-aller et ne s’est réellement développé que dans des situations particulières ou de crise. La dette a donc toujours structuré nos économies, nos rapports sociaux et jusqu’à nos représentations du monde.


David Graeber montre que le vocabulaire des écrits juridiques et religieux de l’Antiquité (des mots comme « culpabilité », « pardon » ou « rédemption ») est issu en grande partie des affrontements antiques sur la dette. Or il fonde jusqu’à nos conceptions les plus fondamentales du bien et du mal, jusqu’à l’idée que nous nous faisons de la liberté. Sans en avoir conscience, nous livrons toujours ces combats…

Selon l’auteur, l’endettement est une construction sociale fondatrice du pouvoir. Si autrefois les débiteurs insolvables ont nourri l’esclavage, aujourd’hui les emprunteurs pauvres – qu’il s’agisse de particuliers des pays riches ou d’États du tiers-monde – sont enchaînés aux systèmes de crédit. « L'histoire montre, explique Graeber, que le meilleur moyen de justifier des relations fondées sur la violence, de les faire passer pour morales, est de les recadrer en termes de dettes – cela crée aussitôt l’illusion que c’est la victime qui commet un méfait. » Trop d’économistes actuels perpétuent cette vieille illusion d’optique, selon laquelle l’opprobre est forcément à jeter sur les débiteurs, jamais sur les créanciers.


Ils oublient aussi une leçon déjà connue de la civilisation mésopotamienne: si l’on veut éviter l’explosion sociale, il faut savoir « effacer les tablettes »

 

Source : www.mediapart.fr

 

 

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Source : www.philomag.com

 

 

Comment l’Occident a inventé la dette

 

 

 

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100.000 milliards de dollars : c’est le montant de la dette mondiale dévoilé par la Banque des règlements internationaux, le lundi 11 mars 2014. L'occasion de rappeler que la dette n’est pas qu’un problème économique. Elle est la grande invention métaphysique de l’Occident, qui remonte au moins au péché originel. Si nous voulons lui échapper, c’est toute notre conception de la culpabilité, du temps et de l’action historique qui est à revoir.

Publié dans
54
27/10/2011

Tous les analystes sont d’accord : nous traversons aujourd’hui une crise de la dette. Bien sûr, la spéculation sur les marchés financiers est un facteur aggravant. Bien sûr, certaines erreurs ont été commises – il n’aurait pas fallu créer tant de subprimes aux États-Unis, les États n’auraient sans doute pas dû vider leurs caisses pour sauver les banques en 2008 sans exiger un encadrement des activités boursières –, et pourtant les faits sont là : l’Occident a trop longtemps vécu à crédit. Après l’euphorie, l’époque est à la gueule de bois. Notre système d’imposition et de redistribution est pensé pour les époques fastes, dont il est l’enfant ; il ne peut pas gérer la stagnation et encore moins la dépression.

Chaque Français devra rembourser, par ses impôts, 25 928 euros. La dette publique française est passée de 1 079,5 milliards d’euros fin 2004 à 1 693 milliards d’euros aujourd’hui – sans compter le déficit de la Sécurité sociale, ni les retraites dues par l’État, qui pèsent à elles seules 900 milliards d’euros. Le remboursement des intérêts de la dette représente 20 % du budget de l’État, c’est la première dépense publique derrière l’éducation. Un drame ? Pas du tout, car la France est le 19e pays le moins endetté au monde, et notre situation est bien moins inquiétante que celle de la Grèce, de l’Italie, de l’Espagne ou même des États-Unis… Sur son site Web, le magazine britannique The Economist a créé une spectaculaire « horloge de la dette publique mondiale », dont le montant s’actualise en temps réel : à l’heure où j’écris, l’ardoise globale des États est de 40 291 895 439 918 dollars ! Quant aux ménages, ils tirent eux aussi le diable par la queue. Non seulement ils sont une majorité, en France, à avoir contracté un emprunt sur leur habitation principale (d’autant plus lourd qu’on vit en famille plus nombreuse), mais, si la consommation des ménages a continué à progresser depuis l’éclatement de la première crise il y a trois ans, elle est nourrie exclusivement à coût de crédits, d’équilibrisme à base de découverts bancaires, de tours de passe-passe à la Cofinoga.

 

Les chanceu​x héritiers de la Préhistoire

Maintenant essayons de prendre du recul : un tel malaise dans la civilisation occidentale doit-il être attribué exclusivement à l’imprévoyance des responsables, à une pandémie de mauvaise gestion ? Non, les racines du problème sont bien plus profondes. En réalité, le discours économique sur la dette n’offre qu’une vue partielle de la crise. Car la dette c’est, ni plus ni moins, la structure morale et métaphysique première de notre culture.

D’un point de vue moral, la dette est véritablement une invention géniale, qui a modifié les destinées de l’humanité. Friedrich Nietzsche, dans la deuxième dissertation de la Généalogie de la morale (1887), consacre un long passage au concept de « dette-culpabilité » (précisons qu’en allemand, le mot Schuld signifie à la fois dette et culpabilité, si bien que le lien entre les dimensions économique et morale du problème se fait spontanément). Selon la conception nietz-schéenne de l’Histoire, c’est par la dette que l’humanité est sortie du règne animal et qu’elle a pu entrer dans le temps historique. « Élever un animal qui puisse promettre, n’est-ce pas là cette tâche paradoxale que la nature s’est fixée à propos de l’homme ? N’est-ce pas là le véritable problème de l’homme ? » Il y a eu, explique Nietzsche, un long et violent travail préhistorique de l’humanité sur elle-même, qui a permis à cette espèce d’acquérir une mémoire. Ce n’est pas la même chose d’être un homme au XXIe siècle, au XIXe ou dans la Grèce antique. Pourquoi ? Parce que les hommes n’oublient pas. Mais la mémoire n’est pas une aptitude innée. Elle est le fruit d’un terrible dressage. Pour commencer, elle a été inculquée par des châtiments. L’espèce humaine n’a pu assurer sa survie qu’en contractant des dettes en son sein. Au départ, le recouvrement des dettes s’effectuait manu militari, rappelle Nietzsche. « Le créancier pouvait infliger au corps du débiteur toute sorte d’humiliations et de tortures, par exemple en découper un morceau qui paraissait correspondre à la grandeur de la dette – et de ce point de vue, très tôt et partout, il y eut des estimations précises, parfois atroces dans leur minutie, estimations ayant force de droit, de chaque membre et de chaque partie du corps. Pour moi, c’est déjà un progrès, la preuve d’une conception juridique plus libre, plus romaine, que la loi des Douze Tables décrète qu’il importe peu que le créancier prenne plus ou moins dans pareil cas. » Au fond, l’animal humain n’aurait jamais pu se doter d’une telle mémoire s’il n’y avait eu la menace du châtiment corporel, de la douleur.

Mais la dette n’est pas seulement ce qui a permis le développement d’une faculté nouvelle chez l’homme – la mémoire – et un premier partage entre le bien et le mal. Elle n’a pas seulement une dimension morale, mais aussi métaphysique. S’endetter n’est possible que si l’on a une vision linéaire du temps. Si l’on pense que l’Histoire est cyclique, qu’elle est marquée par le retour perpétuel des mêmes maux, alors il serait totalement irrationnel de prendre des paris sur l’avenir. Chaque fois qu’on accorde ou qu’on demande une créance, on accomplit un acte de foi. On suppose implicitement que l’écoulement du temps est tendu vers une amélioration. Ainsi, la dette n’aurait jamais pu prendre une telle ampleur en Occident sans la vision religieuse du monde caractéristique de notre civilisation. Ce sont bien le judaïsme, puis le christianisme et le protestantisme (lire l’encadré ci-dessous) qui ont déployé l’horizon historique, qui ont propagé l’idée d’une Providence guidant l’humanité sur la voie d’un progrès indéfini. La conception judéo-chrétienne du temps est en quelque sorte la condition mentale d’une action économique pariant sur la croissance.

 

Quand l​a bête meurt

L’invention de la dette est donc un coup de génie, puisqu’elle a propulsé l’humanité en avant. Mais pourquoi cette dynamique s’est-elle grippée ? Là encore, Nietzsche apporte un éclairage stimulant. Plus une civilisation avance, plus ses membres sont interdépendants ; plus les contrats, les engagements, les dettes de toute sorte resserrent leurs filets autour d’eux. « Nous, hommes modernes, nous sommes les héritiers d’une vivisection de la conscience, d’une torture de soi qui a duré des millénaires : c’est en cela que nous sommes sans doute passés maîtres, en tout cas c’est notre raffinement, la perversion de notre goût. » Plus tard arrive l’homme occidental, et plus il est empêtré dans un réseau d’obligations multiples, envers sa famille, envers son patron, envers sa banque, envers l’État, envers la société toute entière, moins il y a de jeu et de liberté. Les instincts finissent par succomber, et, avec eux, le niveau d’énergie général tend à diminuer.

Cette analyse est reprise et amplifiée dans Malaise dans la civilisation (1929) de Sigmund Freud. Le fondateur de la psychanalyse reformule le pessimisme nietzschéen : pour lui, plus l’ordre et la connaissance progressent, plus il faut renoncer à ses pulsions, notamment sexuelles et agressives. « Si la civilisation impose de si lourds sacrifices, non seulement à la sexualité mais encore à l’agressivité, nous comprenons mieux qu’il soit si difficile à l’homme d’y trouver son bonheur. » Le Surmoi de Freud veille sur notre système psychique comme le Fonds monétaire international surveille le budget des petits pays endettés : il nous ordonne d’honorer nos dettes, c’est lui qui nous commande de renoncer à toutes les jouissances aussi animales qu’immédiates. Or, paradoxe, le Surmoi « se comporte avec d’autant plus de sévérité, et manifeste une méfiance d’autant plus grande, que le sujet est plus vertueux ; si bien qu’en fin de compte ceux-là s’accuseront d’être les plus grands pécheurs qu’elle aura fait avancer le plus loin dans la sainteté ». Les criminels et les bandits de grands chemins jouissent de leurs exactions sur le moment et les oublient l’instant d’après ; au contraire, les bourgeois se sentent affublés de culpabilités obscures et innombrables envers leurs parents, leurs maîtres d’école, puis leurs conjoints et leurs enfants…

Ces analyses convergent donc : ce qui a permis la grandeur de notre civilisation, ce qui nous force à travailler, à construire de fabuleux projets d’avenir, à vouloir améliorer notre condition sans trêve – cette force-là est aussi une hantise, une sorte d’excroissance de l’action qui finit par éteindre tous les élans, tous les désirs, par absorber une énergie si considérable que le ralentissement est inévitable.

 

La cu​lpabilité sans le plaisir

Mais c’est un texte méconnu de Walter Benjamin – en fait, trois pages de notes publiées à titre posthume – qui permet de préciser ce trait. Ce petit texte est intitulé « Le capitalisme comme religion » (1921). Le Dieu du capitalisme est incontestablement l’argent. Nietzsche le prophétisait déjà dans Aurore (1881) : « Ce que l’on faisait autrefois pour l’amour de Dieu, on le fait maintenant pour l’amour de l’argent, c’est-à-dire pour l’amour de ce qui donne maintenant le sentiment de puissance le plus élevé et la bonne conscience. » Mais le culte capitaliste a une originalité, remarque Benjamin : il ne propose aucun rite expiatoire. Il n’y a pas de rédemption ni d’effacement des dettes. Pas de Yom Kippour, pas de crucifixion, pas d’absolution. Pas de moratoire international sur l’état des créances. Des têtes tombent, Madoff est en prison, mais les déficits se creusent. Les boucs émissaires ne jouent pas leur fonction régulatrice. « Le capitalisme est probablement le premier culte qui n’est pas expiatoire, mais culpabilisant », écrit Benjamin. Les pauvres sont coupables d’être des ratés ou d’avoir échoué ; les riches sont coupables de jouir d’un confort qu’ils défendent jalousement. Plus les inégalités se creusent, plus la dette morale s’alourdit pour les uns comme pour les autres. « En cela, le système religieux est précipité dans un mouvement monstrueux. Une conscience monstrueusement coupable qui ne sait pas expier s’empare du culte, non pour y expier cette culpabilité, mais pour la rendre universelle. » Non seulement Benjamin a prophétisé la mondialisation du problème de la dette, mais il prévient que l’ascétisme n’est pas la solution : rien ne sert de prêcher la décroissance. Les décroissants sont probablement ceux qui prennent sur eux, symboliquement, la part de la dette la plus grande. Mais leur sacrifice est vain. Ils ressemblent aux ermites ou aux ascètes les plus radicaux du Moyen Âge : « La pauvreté, celle des moines gyrovagues, n’offre pas d’issue spirituelle. » Le pauvre est envahi par des soucis sans cesse grandissants, qui, au lieu de l’élever, finissent par briser ses forces.

Reprenons  : la dette est une invention géniale, qui a donné sa première et plus fondamentale impulsion à la civilisation judéo-chrétienne. Mais cela ne fonctionne que si quelqu’un la garantit – le Dieu de la Bible et la Providence dans le cas de la dette métaphysique, l’État et la Croissance dans le cas de la dette économique. Sans une telle assurance suprême, il n’est plus possible d’apprécier dans le phénomène de la dette – ou dans le sentiment de culpabilité – les forces de traction avant de la transcendance. Tout se passe comme si le moteur de notre voiture était tombé en panne et qu’il nous fallait désormais porter ce moteur à pied. Son poids est d’autant plus écrasant que l’effort pour le transporter semble absurde. Dans de telles conditions, que faire ? Les philosophes – Nietzsche en tête – ont rêvé d’un esprit libre, d’un individu qui ne ressentirait nullement le joug de toutes ces contraintes civilisatrices et qui serait par là même susceptible de porter la civilisation à son plus haut degré. C’est ainsi qu’il faut interpréter cette citation du même fragment de Benjamin qui a semblé très obscur à ses commentateurs : « La pensée du surhomme déplace le “saut” apocalyptique non dans la conversion, l’expiation, la purification et la contrition, mais dans une intensification. » Autrement dit, le surhomme est celui qui accepte toutes les contraintes, les intègre et trouve sa liberté au-delà d’elles. Mais l’Occident est-il aujourd’hui capable d’une telle transmutation des valeurs ? Peut-il encore faire de la dette sa force ? Pour cela, il lui manque quelque chose de simple, et pourtant d’indispensable : un but auquel aspirer vraiment.

Directeur de la rédaction

 

 

Source : www.philomag.com

 

 

 

 

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11 mars 2014 2 11 /03 /mars /2014 17:56

 

Source : www.bastamag.net

 

Justice

Délits et crimes financiers : pourquoi les banquiers ne vont jamais en prison

par Eric Toussaint 11 mars 2014

 

 

    De nombreux délits ont été commis ces dernières années par des banques et leurs dirigeants – escroquerie, blanchiment d’argent, organisation de la fraude fiscale, délits d’initiés ou manipulations, notamment. Pourtant aucune banque n’a perdu sa licence ou n’a été démantelée par décision de justice. A quelques rares exceptions, aucun banquier n’a été condamné à une peine de prison. Les banques seraient-elles au-dessus des lois ? Les banques seraient désormais « trop grandes pour être condamnées » : les inculper auraient des répercussions trop importantes pour l’économie. Explications.

    On connaît la maxime : « Trop grandes pour faire faillite » ("Too Big To Fail"). La manière dont les gouvernants ont géré la crise provoquée par les banques débouche sur une nouvelle doctrine, qui peut être résumée par : « Trop grandes pour être condamnées ». Ou « Trop grandes pour être emprisonnées », si on traduit littéralement le nouvel adage qui fait florès aux États-Unis et au Royaume-Uni, « Too Big to Jail » [1]. En effet, alors que le gouvernement des États-Unis a laissé la banque Lehman Brothers faire faillite en septembre 2008, aucune banque n’a été fermée, ne s’est vu retirer la licence bancaire, n’a été démantelée par décision de justice. Aucun dirigeant de banque n’a été condamné à une peine de prison.

    L’unique exception dans le monde occidental concerne l’Islande où la justice a condamné à des peines de prison ferme trois dirigeants de banque. Larus Welding, principal dirigeant de la banque Glitnir, qui a fait faillite en 2008 quand elle était encore la troisième banque du pays, a été condamné fin décembre 2012 à neuf mois de prison. Sigurdur Einarsson et Hreidar Mar Sigurdsson les deux principaux dirigeants de la banque Kauphing [2] ont été condamnés respectivement à cinq ans et cinq ans et demi de prison en décembre 2013 (sur le sujet, lire l’enquête de Basta ! Comment jeter les banquiers voyous en prison, en dix leçons).

    Pourtant, la justice des États-Unis et d’Europe est confrontée à de très graves délits commis par les plus grandes banques : escroquerie en bande organisée à l’encontre des clients, des (petits) actionnaires et des actionnaires publics, blanchiment d’argent du crime organisé, organisation systématique de la fraude fiscale à très grande échelle, manipulation en bande organisée des taux d’intérêts (Libor, Euribor,…), manipulation en bande organisée des marchés de change, faux et usage de faux, délits d’initiés, destructions de preuves, enrichissement abusif, manipulation en bande organisée du marché des Credit Default swap, manipulation du marché physique des commodities (matières premières), complicité dans des crimes de guerre… Et la liste n’est pas exhaustive !

     

    Traitement de faveur et négociation avec la justice

    Eric Holder, procureur général des États-Unis, interrogé en juin 2013 par une commission du Sénat de son pays, a résumé clairement le fond de la doctrine « Trop grandes pour être condamnées ». Il a déclaré en substance à propos des grandes banques que « ces institutions sont si grandes qu’il est difficile de les poursuivre en justice, et si on le faisait, on se rendrait compte qu’effectivement, les inculper pour activités criminelles pourrait avoir des répercussions négatives pour l’économie nationale, voire mondiale » [3].

    Les retombées de cette position sont claires. Le fait que la spéculation et les crimes financiers ont causé la pire crise économique depuis le siècle dernier pèse fort peu dans la balance de la justice. Bien que de tels excès soient associés à une épidémie de fraudes [4], à tous les niveaux des opérations des banques des États-Unis, ces institutions sont autorisées à poursuivre leurs opérations. Il leur suffit de passer un accord avec la justice afin de payer une amende pour éviter une condamnation.

    Imaginez la situation suivante : après un mois d’enquête, la police retrouve une personne qui a commis un vol d’un million d’euros. Au moment d’être appréhendée, la personne en question déclare au juge d’instruction et à la police : « Je propose de payer deux mille euros d’amende, vous me laissez en liberté et vous n’entamez pas de poursuite. D’accord ? ». Le juge et la police lui disent : « Ok, pas de problème, excusez du dérangement. Bonne continuation. Essayez de ne pas vous faire prendre une prochaine fois, ce serait dommage ». Le traitement de faveur auquel ont droit les banques responsables de délits et de crimes financiers n’est pas très différent de cette situation imaginaire. Bertold Brecht avait pleinement raison de poser la question : « Qui est le plus grand criminel : celui qui vole une banque ou celui qui en fonde une ? » [5].

     

    Des banques au-dessus des lois ?

    Les conséquences directes des méfaits des banques sont particulièrement graves : 14 millions de familles aux États-Unis ont été expulsées de leur logement entre 2007 et 2013 (voir tableau ci-dessous), parmi elles, il est avéré qu’au moins 495 000 familles l’ont été de manière parfaitement illégale [6], des millions de personnes ont perdu leur emploi, une partie d’entre elles sont tombées sous le seuil de pauvreté, le taux de suicides a augmenté parmi les personnes affectées, la dette publique a explosé et les fonds de pensions des pays développés ont perdu près de 5 400 milliards de dollars [7].

     

    Saisies immobilières aux États-Unis et en Espagne

    Source : Etats-Unis / Espagne.

     

    Le rôle des banques privées est manifestement si important et indispensable au système capitaliste que leur fonctionnement transcende les contraintes légales et constitutionnelles des sociétés modernes. Dès lors, la justice se voile la face devant les délits et crimes commis par les banques et leurs dirigeants, afin de leur éviter de passer ne serait-ce qu’un jour en prison. En fin de compte, on ne peut tout de même pas poursuivre en justice un dirigeant d’une institution bancaire qui « ne fait que le travail de Dieu », pour citer Lloyd Blankfein, patron de Goldman Sachs.

    La déclaration ci-dessus pourrait prêter à sourire si des transactions entre banques et autorités judiciaires ou de contrôle ne venaient pas régulièrement confirmer l’application de la doctrine « trop grandes pour être condamnées » des deux côtés de l’Océan Atlantique. Les affaires se suivent et la justice se borne à des amendes qui représentent bien souvent une maigre fraction des bénéfices issus d’activités illégales, sans qu’aucun dirigeant ne soit inquiété. Tout au plus comparaissent devant des tribunaux et sont condamnés, des lampistes comme Jérôme Kerviel, jamais les patrons qui les ont poussés à augmenter les bénéfices de l’entreprise en utilisant toutes les entourloupes possibles et imaginables.

     

    Banalisation des conduites illégales ou criminelles

    Six exemples suffisent pour témoigner de la situation actuelle : 1. les accords passés entre les banques des États-Unis et différentes autorités du pays afin d’éviter une condamnation en justice dans l’affaire des prêts hypothécaires abusifs et des expulsions illégales de logement (foreclosures) ; 2. HSBC (1ère banque britannique) mise à l’amende aux États-Unis pour blanchiment d’argent des cartels mexicains et colombiens de la drogue ; 3. la manipulation des taux d’intérêt interbancaire et des taux sur les dérivés connue comme l’affaire du LIBOR ; 4. le scandale des « prêts toxiques » en France ; 5. les activités illégales de Dexia en Israël ; 6. l’évasion fiscale internationale organisée par la principale banque suisse UBS.

     

     

    Il apparaît clairement que les banques et autres grandes institutions financières de dimension mondiale, agissant souvent en bande organisée (en cartel), font montre d’un niveau rarement observé à ce jour de cynisme et d’abus de pouvoir. Aujourd’hui, après que les États aient mis l’argent public à disposition des entités financières dont les paris spéculatifs ont mal tourné, les magistrats en charge de faire appliquer la loi s’emploient à protéger les responsables de ces entités et banalisent ainsi, voire justifient a posteriori la conduite illégale ou criminelle dont ils se sont rendus coupables.

     

    Une impunité qui encourage la prise de risque

    Un tel contexte, où règne l’impunité, encourage les dirigeants des firmes financières à davantage d’abus et de prises de risque. Les banques en tant qu’institutions ne sont pas condamnées, et le plus souvent ne sont même pas convoquées devant un tribunal. Ces banques font porter l’entière responsabilité à des traders comme Jérôme Kerviel et quelques dizaines d’autres et obtiennent que la justice les condamne pour leur avoir porté préjudice.

    La situation des principaux dirigeants des banques est bien différente : le montant de leurs bonus croît suite à l’augmentation des revenus de la banque (il n’est pas rare de voir que le bonus augmente même en cas de baisse de la rentabilité de la banque), indépendamment de l’origine illégale des ressources, ou du fait qu’elles soient issues d’activités financières spéculatives extrêmement risquées. Dans le pire des cas, s’ils sont découverts, ils n’ont qu’à quitter l’institution (souvent avec un parachute doré), ils ne seront pas poursuivis par la justice et conserveront sur leurs comptes bancaires l’entièreté des bénéfices obtenus.

     

    Poursuivre les dirigeants en justice et obtenir des réparations

    Tant que ce genre de dispositif pervers est maintenu, les abus et le pillage des ressources publiques de la part du système financier ne peuvent que se prolonger au fil du temps. Au-delà des hauts dirigeants, il faut souligner l’impunité des banques elles-mêmes à qui les autorités appliquent la doctrine « Too Big To Jail ». Il s’agit surtout de la démonstration de l’imbrication étroite entre les directions des banques, leurs grands actionnaires, les gouvernants et les différents organes vitaux des États.

    En cas de graves manquements, il faut mettre en pratique une solution radicale : retirer la licence bancaire aux banques coupables de crimes, bannir définitivement certaines de leurs activités, poursuivre en justice les dirigeants et les grands actionnaires. Il faut aussi obtenir des réparations de la part des dirigeants et des grands actionnaires. Enfin, il est urgent de diviser chaque grande banque en plusieurs entités afin de limiter les risques, de socialiser ces banques en les plaçant sous contrôle citoyen, et de créer ainsi un service public bancaire qui donnera la priorité à la satisfaction des besoins sociaux et à la protection de la nature.

     

    Eric Toussaint, maître de conférence à l’université de Liège, président du Comité pour l’annulation de la dette du tiers monde (CADTM) Belgique [8].

    - Voir également l’article de Daniel Munevar, « La doctrine « trop grandes pour être condamnées » ou comment les banques sont au-dessus des lois », 20 septembre 2013.

     

    Notes

    [1Les médias anglo-saxons utilisent régulièrement cette expression depuis deux ans. Voir par exemple : Abcnews, "Once Again, Is JPMorgan Chase Too Big to Jail ?", 7 Janvier 2014. Ou Forbes, "Why DOJ Deemed Bank Execs Too Big To Jail", 29 juillet 2013.

    [2La faillite de sa filiale nommée Icesave au Royaume-Uni et aux Pays-Bas a provoqué une crise internationale entre ces deux pays et l’Islande. Cette crise se poursuit encore en 2014 car le Royaume-Uni et les Pays Bas vont en appel contre la sentence de la Cour d’arbitrage qui a donné raison à l’Islande en janvier 2013. Voir Financial Times, « Iceland premier repels Icesave lawsuit », 12 février 2014. Comme l’écrit le Financial Times : “Iceland, almost uniquely in the western world, has launched criminal cases against the men who used to lead its three main banks that collapsed after the global financial crisis in 2008 after collectively becoming 10 times the size of the island’s economy.” 13 décembre 2013. Voir ici.

    [3Huffingtonpost, “Holder admits some Banks too big to jail”. On peut voir et écouter la partie du témoignage du procureur général des États-Unis où il déclare : "I am concerned that the size of some of these institutions becomes so large that it does become difficult for us to prosecute them when we are hit with indications that if you do prosecute, if you do bring a criminal charge, it will have a negative impact on the national economy, perhaps even the world economy,…". Durée de la vidéo : 57 secondes. Cela vaut la peine.

    [4Une étude récente sur les pratiques de crédits des banques aux États-Unis signale qu’en dépit de leur hétérogénéité, les irrégularités et les faux sont présents à divers degrés dans toutes les institutions financières analysées. Voir “Asset Quality Misrepresentation by Financial Intermediaries : Evidence from RMBS Market”.

    [5Bertold Brecht, L’Opéra de quat’sous. Comédie musicale de Bertolt Brecht (musique de Kurt Weil), présentée pour la première fois le 31 août 1928 au Theater am Schiffbauerdamm de Berlin, puis en version française le 14 octobre 1930 au théâtre Montparnasse.

    [6Source : The New York Times, “Banks to pay $8,5 billion to speed up housing relief”, 7 janvier 2013.

    [8Il est auteur du livre Procès d’un homme exemplaire, Éditions Al Dante, Marseille, 2013 ; Un coup d’œil dans le rétroviseur. L’idéologie néolibérale des origines jusqu’à aujourd’hui, Le Cerisier, Mons, 2010. Il est coauteur avec Damien Millet du livre AAA, Audit, Annulation, Autre politique, Le Seuil, Paris, 2012 ; La dette ou la vie, Aden/CADTM, Bruxelles, 2011. Ce dernier livre a reçu le Prix du livre politique octroyé par la Foire du livre politique de Liège. Prochain livre à paraître en avril 2014 : Bancocratie chez ADEN, Bruxelles.


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    Source : www.bastamag.net

     

     

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    11 mars 2014 2 11 /03 /mars /2014 17:41

     

     

    lien

     

    *Note perso : quand on pense que cet aberrant constat date de 1962... cela reste pourtant plus que jamais d'actualité !

     

     

     

    )

     

    Publiée le 10 mai 2012

    Le philosophe et religieux Louis Even, dévoile l'arnaque des banksters et du système financier. Il faut l'écouter jusqu'au bout. Comment se fait-il que le Canada s'enréchi de plus en plus et que l'on n'est de plus en plus endetté? Une vidéo brûlante de vérité, qui fait réfléchir.

    Retrouvez aussi cette vidéo sur http://www.democratiepropre.com/la-co...

     

     

     

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    11 mars 2014 2 11 /03 /mars /2014 16:33

     

     

    Source : www.marianne.net

     

    Neuf millions de demandeurs d’emploi, et maintenant ?
    Mardi 11 Mars 2014 à 12:00

     

    Francis Journot*

     

    Le chômage en France atteint aujourd’hui un niveau inégalé. Mais la classe politique se focalise sur la courbe du chômage de la catégorie A de Pole Emploi qui pourtant, selon plusieurs études, ne représenterait que le tiers du nombre réel de demandeurs d’emploi.

     

    LCHAM/SIPA
    LCHAM/SIPA

    Le chômage en France atteint aujourd’hui un niveau inégalé. Mais la classe politique se focalise sur la courbe du chômage de la catégorie A de Pole Emploi qui pourtant, selon plusieurs études, ne représenterait que le tiers du nombre réel de demandeurs d’emploi. Il nous faut aujourd’hui affronter la réalité des chiffres pour enfin penser des solutions à la mesure de ce fléau. 

    Le nombre de chômeurs pourrait, au rythme ininterrompu des fermetures d’usines, encore augmenter et à terme, compromettre, faute de cotisants, jusqu'à l’existence même de notre protection sociale. Peut-être s’avère t-il maintenant indispensable, après quatre décennies de politique économique néolibérale mondialiste de libre échange prônant la délocalisation, de relancer l’industrie manufacturière des biens de consommation.  
     

    DEMANDEURS D’EMPLOI  OU CHÔMEURS ?  

     

    La définition du chômeur au sens du Bureau International du Travail (BIT) ne reconnait que la catégorie A de Pole Emploi qui comptabilise exclusivement les 3.3 millions de chômeurs sans aucune activité inscrits en métropole et constitue 10.8 % de la population active. Citons l’exemple des contrats aidés : lorsqu’un chômeur inscrit en catégorie A signe un contrat d’Avenir ou de Génération, celui-ci, bien qu’il soit toujours demandeur d’emploi, intègre la catégorie E et sort des statistiques du chômage. 

     

    Quelque soit la définition adoptée, demandeurs d’emploi ou chômeurs, la lutte contre le chômage n’est pas affaire de sémantique. 

    Pole Emploi, recensait en janvier 2014, toutes catégories et territoires confondus, 5 972 000 inscrits, auxquels il faut ajouter les chômeurs invisibles dont une part importante des 2.2 millions d’allocataires du RSA, les non inscrits découragés et les temps partiels subis. 

    Selon une enquête récente de l’émission Envoyé Spécial sur « les chiffres de Pole Emploi », 7.5 millions de femmes et hommes rechercheraient un travail mais ne seraient pas toujours inscrits. Des associations de chômeurs, syndicats ou formations politiques contestent également les chiffres officiels. Certains avancent un chiffre officieux de 8 millions quand d’autres affirment que notre pays compterait plus de 9 millions de demandeurs d’emploi.

     

    Une enquête du Parisien/Aujourd’hui, « Le chiffre noir des chômeurs invisibles », semble donner raison à ces derniers : Celle-ci s’appuyait sur les données de l’INSEE et de la DARES et dévoilait déjà en décembre 2012 un chiffre de 9 211 800 personnes touchées par le chômage. La chaine publique France 3 corroborait un chiffre de 9 millions dans son dossier « Les vrais chiffres du chômage »  au cours de son journal télévisé du 27/12/2012.

     

    Depuis la révélation de ces chiffres, 63 000 entreprises ont fermé leurs portes et selon la DARES (direction de l'animation de la recherche, des études et des statistiques), la hausse du chômage sur un an s’élève à 5.7 %.

     

    LE LEURRE DU BASCULEMENT VERS UN AUTRE MONDE 

     

    Le basculement vers une nouvelle économie génératrice d’emploi pour chacun d’entre-nous, promis par les gouvernements français depuis 40 ans n’a pas eu lieu et n’aura, sans doute pas lieu. L’antienne des produits innovants ou hautement technologiques, et plus récemment, de transition énergétique et à haute valeur ajoutée, qui devaient compenser les millions d’emplois industriels délocalisés, est rabâché chaque jour depuis des décennies. 

     

    La dédaigneuse et récurrente assertion selon laquelle nous devrions considérer les industries manufacturières qui produisent les biens courants que nous consommons chaque jour,  comme des industries d’hier, est significative d’une volonté obstinée de condamner celles-ci à la disparition. Ce postulat idéologique invoque généralement un manque de compétitivité, qui par ailleurs n’est pas toujours avéré si l’on tient compte des coûts cachés. Il ne repose guère sur un fondement économique sérieux si l’on considère également le déficit de notre balance commerciale ou les ravages d’un chômage qui plombe maintenant toute l’économie. Ce discours est associé au dogme néolibéral du libre échange qui depuis toujours, a préconisé la délocalisation de l’industriel française. Depuis les États Généraux de l’Industrie de 2009, bon nombre d’industries manufacturières traditionnelles sont maintenant exclues des dispositifs de financement de l’économie sans lesquels il est impossible pour une PME industrielle de s’adapter et de survivre.  

     

    Nicolas Sarkozy et François Hollande, sont d’ardents partisans de cette politique économique qui a pour effet de dévaster notre pays tout en esclavagisant les populations des pays émergents. De nombreuses régions françaises sont aujourd’hui exsangues et la paupérisation gagne du terrain. L’explosion du nombre d’allocataires de minimas sociaux, de repas servis par  les restos du cœur ou le chiffre croissant de SDF, nous rappelle chaque jour la trahison des élus envers le peuple. 

     

    PACTE DE RESPONSABILITÉ, QUE PEUT-ON ESPÉRER ?

     

    Le plan de relance de Nicolas Sarkozy en 2009, d’un montant de 34 milliards d’euros n’à créé selon les sages de la cour des comptes, que 18 000 à 72 000 postes soit un coût par emploi entre 472 000 et 1900 000 euros. Selon plusieurs économistes, le Grand emprunt de 35 milliards lancé en 2010, n’en a pas généré davantage. Le chiffre de 1 million d’emplois, slogan du patron du MEDEF Pierre Gattaz et celui de 300 000 emplois, estimé par le Haut conseil de la protection sociale, peuvent paraitre très optimistes et pourraient décevoir. Le pacte de responsabilité ne semble guère plus contraignant en termes de création d’emploi que les deux précédents plans gouvernementaux et il est peu certain qu’il crée davantage d’emploi en France.     

     

    Le crédit d’impôt compétitivité/emploi (CICE)) d’un montant de 20 milliards d’euros est maintenant inclus dans le pacte de  responsabilité de 35 milliards d’euros. Il a été inspiré par le rapport Gallois et était initialement pensé pour alléger les charges de  l’industrie. Finalement, 16 milliards d’euros iront aux services et à la distribution et 4 milliards d’euros seulement iront aux entreprises industrielles. 

    Pourtant, si l’on considère que les emplois industriels génèrent d’autres emplois, il aurait été, d’un point de vue purement économique, plus efficient pour l’emploi, d’encourager l’industrie. Par ailleurs, les entreprises peuvent bénéficier des allégements de charges sans recruter de nouveaux salariés :  « Le CICE a pour objet de financer les efforts de l'entreprise en matière d'investissement, de recherche, d'innovation, de formation, de recrutement, de prospection de nouveaux marchés, de transition écologique ou énergétique et de reconstitution de leur fonds de roulement ».

     

    RÉINVENTER L’INDUSTRIE MANUFACTURIÈRE DES BIENS DE CONSOMMATION 

     

    On peut toujours continuer à déplorer l’augmentation du chômage, attendre le retour d’une croissance qui crée peu d’emplois industriels depuis que nous importons la plupart des produits que nous consommons, invoquer une baisse de l’euro que l’Allemagne ne souhaite pas ou parier sur une sortie de la zone euro pour retrouver notre indépendance budgétaire, attendre que les salaires des pays émergents rejoignent notre salaire minimum ou même croire que le Pacte de Responsabilité  impactera le taux de chômage, mais pour l’heure, il convient de penser et mettre en œuvre rapidement, quelles que soient les oppositions, des solutions pragmatiques susceptibles de faire baisser significativement le taux de chômage sans que cela ne coûte de l’argent à la collectivité. 

    L’industrie manufacturière des biens de consommation pourrait bien constituer l’un des rares leviers majeurs dont nous disposons pour recréer à terme plusieurs centaines de milliers d’emplois, auxquels s’ajouteraient par effet mécanique, deux à trois fois plus d’emplois indirects et induits. L’implantation d’usines dans des régions exsangues redonnerait vie à des territoires entiers. Certes, face au dumping salarial, fiscal, social, environnemental ou monétaire des pays à bas coûts, la fabrication française est souvent peu compétitive. Néanmoins, en modifiant les modes de gestion et les processus de production, il serait tout à fait possible de fabriquer à nouveau en France, une part importante de nos biens de consommation moyen/haut de gamme. Un outil de production plus automatisé corrigerait les coûts de produits exigeant davantage de main d’œuvre et de savoir-faire  artisanal. Parfois, un raccourcissement du circuit de distribution, sur le modèle économique de l’intégration verticale, augmenterait considérablement la compétitivité. 

    Pour financer cette relance, Il suffirait de réorienter chaque année, parmi les aides les moins efficientes pour l’emploi, 1 à 2 % des 220 milliards d’euros annuels de subventions aux entreprises et dépenses pour l’emploi, pour recréer plusieurs centaines de milliers d’emplois industriels en quelques années. Il conviendrait en outre, de mutualiser des outils de distribution et de commercialisation qui optimiseraient la compétitivité des produits, permettraient de juguler la disparition d’entreprises industrielles et favoriseraient la reconstitution d’écosystèmes. Un plan d’un montant total de 15 à 20 milliards d’euros sur 5 à 10 ans, permettrait de se fixer un objectif de 300 000 emplois industriels. L’activité et les emplois industriels, généreraient  mécaniquement, 600 000 à 900 000 emplois indirects et induits. Ceux-ci, il faut l’admettre, ne compenseraient pas totalement la perte de 2.5 millions d’emplois industriels -  en un peu plus de deux décennies. Cependant, au terme du plan, plus de 20 milliards d’euros de nouvelles cotisations salariales et patronales, pourraient abonder chaque année les caisses des régimes de protection sociale. L’augmentation progressive du nombre de cotisants réduirait d’autant les déficits et permettrait d’envisager une baisse durable du montant des cotisations. Par ailleurs, l’économie pour la collectivité en dépenses pour l’emploi (DPE) et dépenses connexes pourrait dépasser chaque année, 22 milliards d’euros.   

     

    Une relance de l’industrie manufacturière, même si celle-ci s’avérait longue et difficile, démontrerait une volonté nouvelle du gouvernement, indiquerait une remise en question du dogme et enverrait un signal fort et positif aux français qui, en majorité, s’inquiètent de la délocalisation de l’emploi. Elle rassurerait et insufflerait une dynamique pouvant s’étendre à l’ensemble de l’économie française. 

     

    Le gouvernement devra, pour fixer un cap économique à notre pays, renoncer a sa politique dogmatique et peut-être tiendra-t-il compte de nos propositions : A l’invitation des Rencontres parlementaires sur le Travail et l’Emploi qui auront lieu le 21 mai 2014 à Paris, j’interviendrai au nom de notre mouvement sur le thème « Quelles idées pour créer plus d’emploi ? » Le colloque réunira plusieurs autres conférenciers, directeurs d’étude et de recherche, économistes, universitaires et rapporteurs de budgets et projets de loi sur le travail et l’emploi, et devrait se dérouler en présence de Pierre Moscovici, ministre de l'Économie et des Finances et de Michel Sapin, ministre du Travail et de l’Emploi.  

     


    *Francis JOURNOT est membre des associations à but non lucratif et sans appartenance politique  

    www.vetements-made-in-france.com

    www.rendez-nous-notre-industrie.com , 

    www.international-convention-for-minimum-wage.org

     

     

     

     

    Source : www.marianne.net

     

     

     

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    10 mars 2014 1 10 /03 /mars /2014 21:47

     

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    Biens publics

    Privatisation de l’eau : Suez sur le banc des accusés en Indonésie et au Maroc

    par Olivier Petitjean 10 mars 2014

     

     

     

    À Jakarta, capitale de l’Indonésie, est actuellement en train de se tenir un procès inhabituel : celui de la privatisation de l’eau. Et aussi, d’une certaine manière, celui de Suez environnement, la multinationale française en charge du service de l’eau dans la moitié Ouest de la ville. Cédant à la pression de ses administrés, le gouverneur de Jakarta, Joko “Jokowi” Widodo, a annoncé l’année dernière son intention de remunicipaliser le service, après seize années de gestion privée. Mais il souhaite le faire à travers une transaction commerciale, en rachetant les parts du groupe français, pour un coût vraisemblablement élevé. Les plaignants – une coalition de syndicalistes et d’opposants à la privatisation – espèrent de leur côté faire annuler purement et simplement le contrat liant Suez à la ville, au motif qu’il ne respecte pas les dispositions de la Constitution indonésienne.

    Au cours du procès, un représentant de la Commission indonésienne des droits de l’homme a ainsi estimé que la privatisation de l’eau de Jakarta avait occasionné des « violations des droits humains » [1]. Un autre témoin est revenu sur les conditions de passation du contrat, à la fin de la dictature de Suharto, en violation du droit indonésien et des règles internationales.

    Dans le même temps, au Maroc, la Cour des comptes de Casablanca vient de publier un rapport accablant sur la gestion du service de l’eau et de l’électricité de la principale ville du Maroc par la Lydec, filiale de Suez environnement. Les magistrats évoquent une série d’opérations financières douteuses au profit de sociétés parentes, et plus généralement un système biaisé en faveur de la Lydec et de ses actionnaires, au détriment de la collectivité locale et de ses habitants.

    Les contrats de privatisation de Suez environnement à Jakarta et Casablanca datent tous les deux de la fin des années 1990. Dans les deux cas, ils ont été conclus dans des conditions opaques, directement avec les dirigeants nationaux (non élus démocratiquement). Si ces contrats se sont avérés profitables pour la multinationale française, on ne peut pas en dire autant pour les habitants des deux métropoles. À Jakarta, le taux d’accès au réseau d’eau n’a pas progressé en seize ans de gestion privée, l’eau est souvent d’une qualité exécrable, et les tarifs pratiqués sont parmi les plus élevés d’Asie. Dans le cas de Casablanca, la Cour des comptes relève que les habitants les plus pauvres, ceux qui doivent s’approvisionner auprès de bornes-fontaines collectives, sont aussi parmi ceux qui paient leur eau le plus cher : 20 dirhams (1,78 euro) par mètre cube, contre 8 en moyenne dans le reste de l’agglomération.

    A lire sur l’Observatoire des multinationales :
    - Eau et électricité : la Cour des comptes de Casablanca dénonce les manipulations financières de Suez environnement
    - Suez à Jakarta : quinze ans de malheur ?

     

    Notes

    [1Source : Jakarta Post.


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    Source : www.bastamag.net

     

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    10 mars 2014 1 10 /03 /mars /2014 21:23

     

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    Agriculture

    Ruée sur les terres d’Europe de l’Est : un accaparement avec la bénédiction de l’Union européenne

    par Marianne Rigaux 10 mars 2014

     

     

     

     

    Paradis agricole, la Roumanie est de plus en plus convoitée par les investisseurs étrangers, au risque de voir ses terres arables lui échapper. Attirés par des terres grassement subventionnées par les aides européennes et une main d’œuvre bon marché, de nombreux Européens, mais aussi des Libanais ou des Qataris, s’y sont installés ces dernières années. Bruxelles nie tout accaparement des terres : la venue des investisseurs étrangers ne serait que la suite logique de l’intégration européenne. C’est bien pourtant une nouvelle forme de spoliation qui s’est mise en place, avec la complicité, au moins tacite, du gouvernement roumain.

    En Roumanie, l’agriculture est faite de paradoxes. La terre roumaine est à la fois la plus riche et la moins chère d’Europe. Elle est noire, grasse, fertile, riche en humus. En 2012, elle s’achetait encore autour de 2 500 euros l’hectare, contre 5 400 en moyenne en France, ou dix fois plus au Danemark. A l’Ouest du continent, les terres disponibles manquent pour s’installer comme agriculteur ou agrandir les exploitations. Avec 10 millions d’hectares de terres arables à bas prix – l’équivalent de la superficie du Portugal ou de la Hongrie – la Roumanie, cinquième surface agricole de l’Union européenne, attire forcément. Notamment les entreprises agro-alimentaires, comme les groupes français Limagrain, Guyomarc’h, Bonduelle, Roquette, Bongrain et Invivo. Ou les fonds d’investissement Agro-Chirnogi (Liban) ou Velcourt SRL (Grande-Bretagne).

    Cet engouement risque de s’accélérer avec la libéralisation du marché foncier, depuis le 1er janvier 2014. Toute personne physique de l’Union européenne et de l’espace économique européen (incluant Islande, Liechtenstein, Norvège) peut désormais acquérir directement des terres agricoles en Roumanie. Il fallait jusqu’à présent être associé à un partenaire local dans le cadre d’une société de droit roumain. Même si elle était prévue depuis l’adhésion de la Roumanie à l’Union européenne en 2007, cette ouverture inquiète aujourd’hui.

     

    Le prix des terres multiplié par trois

    Avocate à Paris et à Bucarest, Dana Gruia-Dufaud conseille les Français qui investissent en Roumanie. Elle relativise le changement de législation : « Les restrictions jusqu’au 31 décembre 2013 n’ont pas empêché de s’installer ceux qui le voulaient ». Initialement, le gouvernement roumain souhaitait demander aux citoyens étrangers de démontrer une expérience dans l’agriculture et limiter les surfaces achetées à 100 hectares. Mais il a renoncé sous la pression des investisseurs.

    L’intérêt pour la Roumanie a fait grimper le prix de l’hectare depuis quelques années. Le prix des terres agricoles a augmenté de près de 60 % entre 2012 et 2014, un hectare atteignant en moyenne 3 100 euros, selon une étude de la compagnie de services immobiliers DTZ Echinox. Depuis 2007, le prix aurait été multiplié par trois, plaçant l’investissement hors de portée pour la plupart des agriculteurs roumains. « On pensait qu’en sept ans le pouvoir d’achat roumain aurait suffisamment monté pour rivaliser avec celui des Occidentaux, mais le rattrapage a été insuffisant », constate l’avocate.

     

    « Un accaparement légalisé par Bruxelles »

    A Cluj, une ville au centre de la Roumanie, l’ONG EcoRuralis [1] est la seule à dénoncer l’accaparement des terres. Selon ses calculs, 700 000 à 800 000 hectares, soit 7 à 8 % des terres arables du pays (l’équivalent de la surface de 12 000 fermes françaises environ), seraient déjà aux mains d’investisseurs étrangers. Ceux venus de pays arabes, comme le Qatar, l’Arabie Saoudite et le Liban, ont investi les plaines du sud. Les Européens, Italiens (172 000 ha), Allemands (110 000 ha) et Hongrois (58 000 ha) en tête, ont pris d’assaut l’ouest du pays [2].

    « J’ai étudié l’accaparement des terres en Asie et en Afrique. Les investissements du nord vers le sud sont régulièrement dénoncés, mais pas ceux au sein de l’Union européenne. C’est une sorte d’accaparement légalisé par Bruxelles », déplore Attila Szocs d’EcoRuralis. L’ONG, qui défend les intérêts des petits producteurs roumains, éprouve de vraies difficultés à se faire entendre. « Nos discussions avec les autorités locales sont limitées car le développement durable que nous promouvons est inconcevable pour eux. Quelques maires nous écoutent, mais la plupart préfèrent les gros investissements ».

     

    Des investissements qui arrangent tout le monde

    Autre obstacle de taille : l’incapacité des agriculteurs locaux à se défendre. En Roumanie, la majorité des 4,7 millions de paysans sont âgés, pauvres et sous-informés. Attila s’avouerait presque vaincu. « Quand on essaie de sensibiliser les paysans dans les villages, la plupart disent qu’ils vont vendre parce qu’ils sont vieux et que leurs enfants ne veulent pas prendre la relève. On leur conseille de louer plutôt que de vendre, mais souvent ils ont besoin d’argent en cash ». Des dizaines d’intermédiaires sont apparus. Ils sillonnent les campagnes pour le compte d’investisseurs qui cherchent des hectares de terres agricoles.

    « Le plus tragique, c’est qu’il n’y a pas vraiment d’opposition. Tout le monde est content de vendre au final », s’indigne Judith Bouniol. Stagiaire à EcoRuralis en 2012, elle a réalisé la première vraie étude sur l’accaparement des terres en Roumanie [3]. Elle a notamment enquêté sur le cas d’Agro-Chirnogi, une firme installée par deux hommes d’affaires libanais, dans la commune de Chirnogi, au Sud-est du pays. « Les habitants ont très peu d’informations, à part la propagande des élus locaux, eux-mêmes intoxiqués par le discours des investisseurs ».

     

    Accaparement et connexions politiques

    L’exemple d’Agro Chirnogi est éloquent. La firme est implantée depuis 2002 à Chirnogi. Cette commune de 7 000 habitants comptaient encore 40 000 âmes en 2002. Ici, l’agriculture de subsistance disparait au fur et à mesure du vieillissement de la population. Agro Chirnogi emploie entre 600 et 700 personnes, principalement des saisonniers originaires de la région, sur 11 300 hectares. Soit plus des deux tiers des terres de la commune ! L’entreprise cultive des céréales – blé, maïs, colza, orge, tournesol, luzerne – destinées à l’export vers les pays du Moyen Orient (Liban, Syrie, Egypte).

    Les deux actionnaires libanais de la maison mère, El khalil Jihad et Youness Laoun, sont proches de membres du gouvernement et des autorités locales. Agro Chirnogi a notamment financé la campagne électorale d’Adrian Năstase, Premier ministre de 2000 à 2004, condamné depuis à 4 ans de prison ferme pour corruption, et celle de Vasile Checiu, ancien maire de Chirnogi. Ils sont accusés d’être au cœur d’une affaire d’évasion fiscale, de contrebande et de blanchiment d’argent, par la Direction d’investigation des infractions de criminalité organisée et de terrorisme (DIICOT). Les habitants de Chirnogi subissent des nuisances quotidiennes : bruit des silos, poussières de maïs qui rendent l’air irrespirable et machines agricoles qui circulent dans la commune. Sans compter l’impact sur les écosystèmes de l’utilisation d’engrais minéraux, de pesticides et de fongicides par Agro Chirnogi.

     

    L’attitude ambiguë des pouvoirs publics

    Raluca Dan, 27 ans, militante au sein de l’association Re-generation, cherche à sensibiliser l’opinion publique. Son groupe d’activistes organise régulièrement tractages et manifestations à Bucarest. « Les gens comprennent doucement qu’ils ont le droit de se défendre. Mais les paysans se disent : "si le maire dit que c’est bien, pourquoi j’essaierais de changer les choses ?" ».

    Les investisseurs étrangers se concentrent sur la production de céréales (blé, maïs, orge, colza, tournesol), exportées dans l’Union européenne. Et sur la production animale, de volaille et de porc, pour les marchés locaux, comme l’Américain Smithfield, qui avait été mis en cause dans un scandale sanitaire au Mexique et plusieurs fois condamnés aux États-Unis. Les investisseurs fournissent du travail aux populations locales dans des conditions relativement décentes pour la Roumanie. Mais avec un salaire minimum de 180 euros et salaire moyen 400 euros, les investisseurs sont aussi attirés par cette main d’œuvre roumaine à bas coût.

    Cet accaparement a plutôt pour effet de freiner un exode rural massif déjà en cours, faute de trouver du travail dans les campagnes. Ce qui explique aussi l’attitude ambiguë du gouvernement. Régulièrement, les autorités expriment leur inquiétude dans la presse, sur le thème « il ne faut pas vendre le pays ». « Un message populiste », juge Attila Szocs d’Eco-Ruralis. Le service de presse du ministre de l’Agriculture Daniel Constantin assure que « le gouvernement roumain se soucie en permanence de développer les investissements dans l’agriculture, car celle-ci fournit des emplois dans le milieu rural, et ce quels que soient les investisseurs ».

     

    Une agriculture à deux vitesses

    « Le gouvernement est en train de laisser les paysans mourir », tranche Raluca Dan. C’est là l’autre paradoxe de la Roumanie. Le pays compte à la fois les plus petites et les plus grandes exploitations d’Europe. L’agriculture de subsistance sur un ou deux hectares cohabite avec des complexes agro-industriels gigantesques, pouvant aller jusqu’à 50 000 hectares [4]. Entre les deux, le choix du gouvernement est clair. Dans son programme de gouvernement 2013-2016, le Premier ministre Victor Ponta indique que l’agriculture roumaine doit « augmenter sa compétitivité afin de faire face à la concurrence sur les marchés européens et internationaux » et prendre « des mesures qui conduiront à la fusion des terres et à la réduction du nombre de fermes et d’exploitations ». Aujourd’hui, la Roumanie compte près de quatre millions de fermes (contre 500 000 en France), d’une surface moyenne de 3,5 hectares (54 ha en France) [5].

    Cette dualité dans l’agriculture se traduit concrètement par une répartition très inégalitaire des aides européennes. La moitié des subventions de la Politique agricole commune (PAC) destinées à la Roumanie profitent à 1 % des agriculteurs du pays, exploitant des fermes de plus de 500 hectares ! Une distorsion que le commissaire européen à l’Agriculture, le Roumain Dacian Ciolos, a essayé d’atténuer dans la nouvelle PAC 2014-2020 avec un plafonnement des aides. Sans succès.

    Les subventions à l’hectare rendent le pays encore plus intéressant pour les investisseurs étrangers. Un terrain loué 100 euros l’hectare à un propriétaire roumain rapporte 160 euros d’aides à l’exploitant, avant même qu’il ait commencé à produire. La nouvelle Politique agricole commune prévoit désormais une compensation pour inciter les propriétaires de fermes et de terres agricoles non exploitées à vendre ou à louer. Objectif : exploiter la terre intensivement et adosser la croissance du pays à celle de l’agriculture, un secteur qui pèse 8 à 10 % dans le PIB roumain. Mais tous les éléments sont en place pour que l’accaparement des terres roumaines au profit d’investisseurs étrangers s’aggrave lourdement dans les prochaines années.

    Marianne Rigaux

     

     

    Notes

    [1Eco-Ruralis est membre de la coordination européenne Via Campesina et du mouvement Arc2020 qui prône une PAC verte et sociale.

    [2Source : ministère roumain de l’Agriculture, 2012.

    [3Son travail a été traduit en anglais et incorporé dans une étude à l’échelle européenne.

    [4La transition entre agriculture traditionnelle et agriculture industrielle a été étudiée par Elisabeth Crupi, Lauranne Debatty, Thomas Deschamps et Jean-Baptiste Lemaire.

    [5Source : Eurostat, 2010.


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    Source : www.bastamag.net

     

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    10 mars 2014 1 10 /03 /mars /2014 18:38

     

    Source : blogs.mediapart.fr/blog/attac-france

     

    Profiter de la crise - comment les multinationales poursuivent les États en justice

    A l’occasion du 4ème cycle de négociation de l’accord UE-US du 10 au 14 mars à Bruxelles, le Transnational Institute et le Corporate Europe Observatory sortent un rapport intitulé « Profiter de la crise » qui explique comment entreprises et avocats d’affaires font des profits au détriment des pays européens frappés par la crise. Voici une traduction du résumé du rapport (la version complète en anglais est disponible ici).


     

    Les règles de protection des investissements sont particulièrement employées en situation de crise économique, et ne font pas les affaires de tout le monde : si elles protègent les spéculateurs et leurs investissements risqués, elles laissent les citoyens, dont les droits sociaux les plus élémentaires sont remis en causes par les politiques d’austérité, sans protection.

    Pendant longtemps, les pays européens ont été épargnés par la vague de différends investisseur-État qui ont particulièrement affecté les pays en développement. Dans le sillage de la crise financière, les entreprises et avocats spécialistes de l’investissement se sont tournés vers de possibles opportunités de profit en Europe. Des règles de protection des investissements, dessinées en secret dans les enceintes des conseils d’administration et qui donnent aux entreprises le droit de poursuivre les gouvernements, ont peu à peu été mises en place.

    « Profiter de la crise » commence par revenir sur l’histoire des poursuites entre investisseurs et État dans le cadre de crises économiques comme celles du Mexique en 1994 et de l’Argentine en 2001. Ces États ont désespérément tenté, face à la crise, de prendre des mesures pour protéger leurs économies en décomposition ; et ces mesures ont alors fait l’objet d’attaques systématiques des entreprises. Les gouvernements de ces pays ont été poursuivis pour avoir par exemple essayé de remettre en place un système financier national ou de bloquer les prix des services publics afin qu’ils restent abordables pour les populations. Des mesures, comme la restructuration de la dette publique, pourtant nécessaires aux accords de renégociations des dettes, ont-elles aussi fait l’objet de poursuites.

    Ce type de de poursuites se fonde sur les plus de 3000 traités internationaux d’investissements actuellement en vigueur. Ceux-ci contiennent des dispositions très fortes en matière de protection de la propriété privée incluses dans des clauses très générales comme les clauses, de « traitement juste et équitable » ou de « protection contre l’expropriation indirecte ». Le problème étant que ces clauses sont interprétées si largement qu’elles donnent carte blanche aux entreprises pour poursuivre les États pour n’importe quelle réglementation qui affecteraient leurs profits actuels ou futurs. Les traités d’investissements garantissent aux entreprises des protections conséquentes sans donner de droits équivalents aux États pour protéger leurs propres citoyens.

    « Profiter de la crise » s’intéresse tout particulièrement à la manière dont les investisseurs privés ont réagi aux mesures prises par l’Espagne, la Grèce ou encore Chypre pour protéger leurs économies dans le sillon de la crise de la dette européenne.

    Ainsi la banque slovaque Postová Bank a-t-elle acheté des obligations grecques après que celles-ci ont été dégradées, bénéficié d’un très généreux accord de restructuration de dette, et néanmoins tenté d’en obtenir un meilleur en poursuivant la Grèce sur la base du traité d’investissement bilatéral (TIB) entre la Slovaquie et la Grèce.

    A Chypre, un fonds de placement référencé en Grèce, Marfin Investment Group, impliqué dans une série de prêts douteux, réclame à Chypre 823 millions d’euros en compensation d’investissements perdus au motif de la nationalisation de la Laiki Bank, qui figurait dans l’accord de restructuration de la dette passé avec l’Union européenne.

    En Espagne, 22 entreprises (au moment où nous écrivons), pour la plupart des fonds d’investissements, poursuivent le gouvernement devant des tribunaux internationaux pour des coupes dans les subventions aux énergies renouvelables. Ces coupes ont été aussi critiquées par les écologistes, mais seuls les investisseurs étrangers ont la possibilité de les attaquer en justice, et il va sans dire que s’ils gagnent, ce seront les citoyens espagnols, déjà largement affectés par la crise, qui paieront pour enrichir ces fonds d’investissements.

    « Profiter de la crise » révèle comment :

    - Après le sauvetage des banques, qui a débouché sur la crise de la dette en Europe, un second sauvetage pourrait voir le jour : celui des investisseurs spéculatifs. Les investisseurs privés ont réclamé, dans leurs poursuites, près de 700 millions d’euros à l’Espagne ; plus d’un milliard à Chypre et des sommes non connues à ce jour à la Grèce. L’addition, à laquelle s’ajoutent les frais juridiques exorbitants, sera un poids supplémentaire pour les budgets publics, alors même que l’austérité impose des coupes dans les dépenses sociales affectant directement les populations les plus vulnérables. En 2013, alors que l’Espagne dépensait des millions pour se défendre dans ces procès, les dépenses de santé étaient diminuées de 22% et les dépenses de santé de 18%.

    - Nombre de poursuites en cours contre les pays européens frappés par la crise sont lancées par des investisseurs spéculatifs. Il ne s’agissait pas d’investisseurs de long-terme puisqu’ils ont investi après le déclenchement de la crise ; ils étaient donc pleinement conscients des risques. Ils utilisent pourtant des accords d’investissement pour ne pas payer les coûts de ces investissements risqués, et soutirer de l’argent aux pays en crise. La banque Postová Bank, par exemple, a acheté des obligations début 2010 au moment où Standard & Poor’s qualifiait la dette grecque d’actif toxique. En Espagne, sur les 22 entreprises impliquées dans des poursuites, 12 ont investi après 2008 alors que les premières restrictions sur les subventions à l’énergie solaires étaient mises en place ; huit autres ont continué à investir dans le pays malgré les « menaces » sur les investissements.

    - Les investisseurs impliqués dans des poursuites ont dégagé des profits considérables malgré les « menaces » sur leurs investissements dans les pays en crise. Postová Bank a ainsi annoncé un profit net de 67,5 millions d’euros en 2012 ; l’investisseur dans les énergies renouvelables Abengoa SA a annoncé une augmentation de 17% de ses bénéfices à hauteur de 5,23 milliards d’euros dans les neufs premiers mois de 2013. Cela a été une toute autre affaire pour les citoyens des pays qui ont fait l’objet de poursuites. Les grecs par exemple, sont en moyenne 40% plus pauvres qu’ils n’étaient en 2008, et on a assisté à une hausse considérable du nombre de sans logis. Un enfant sur trois (environ 600 000) vit désormais sous le seuil de pauvreté.

    - Les investisseurs privés ont été soutenus et encouragés par des juristes spécialistes de l’investissement, généreusement rémunérés, qui ont continument et activement identifié les opportunités de poursuites. Dans certaines affaires, les cabinets de conseils qui organisent les poursuites envers les pays en crise conseillaient les mêmes compagnies qui ont réalisés les investissements risqués concernés par ces poursuites. Le cabinet juridique Allen & Overy basé en Grande-Bretagne, qui conseille désormais des investisseurs dans cinq des sept poursuites (au moment où nous écrivons ces lignes) contre l’Espagne en lien avec les coupes budgétaires dans le secteur de l’énergie, conseillait déjà ces investisseurs au moment où ils ont acquis des centrales électriques. Le marketing des avocats d’affaires a payé, avec une explosion des poursuites et des profits importants pour ces firmes ‘élite. Herbert Smith Freehills, qui conseille désormais l’Espagne dans au moins deux affaires, par exemple, pratique des tarifs à hauteur de 300€ de l’heure et ses profits sont estimés à 1,6 millions d’euros pour ces affaires.

    - Les juristes spécialistes de l’investissement et entreprises utilisent la menace de poursuites juridiques pour modifier les politiques ou pour empêcher la mise en place de réglementations qui affecteraient leurs profits. Dans un document d’information à destination d’un client daté d’octobre 2011, le cabinet juridique K&L Gates basé aux États-Unis recommandait aux investisseurs d’utiliser la menace de poursuites comme un « levier de négociation » dans les discussions sur la restructuration de la dette avec les gouvernements. De la même manière, le cabinet britannique Clyde & Co suggérait d’utiliser la « mauvaise publicité potentielle » d’une poursuite comme « levier de négociation en cas de conflit avec un gouvernement étranger ».

    - La Commission européenne a joué un rôle complice et trompeur, encourageant de fait cette vague de poursuites visant les pays frappés par la crise. Certaines de ces poursuites sont liées avec des mesures de restructurations de la dette ou du secteur bancaire prises en lien avec l’adoption de « sauvetages » à l’initiative de l’Union européenne. Par ailleurs, alors que la Commission européenne a été critique des TIB (traités d’investissements bilatéraux) entre Etats membres (ou TIB intra-UE), elle continue à promouvoir activement l’utilisation de l’arbitrage investisseur-État dans le monde, et notamment dans le cadre des négociations en cours sur le controversé accord de commerce UE-US (ou PTCI). Défendre la protection des investisseurs privés tout en remettant en cause la protection sociale, voilà la tendance problématique qui caractérise les politiques économiques et commerciales de l’Union européenne.

    - Les règles de protection des investissements offrent aux investisseurs privés un statut à part et privatise la justice. Les investisseurs privés se voient dotés de droits plus importants que les entreprises nationales, les individus ou collectivités locales, quand bien même ceux-ci seraient affectés au même titre par les mesures incriminées. Les affaires sont par ailleurs jugées par un tribunal de trois avocats privés qui sont à même de prendre des décisions qui concernent la vie de millions de personnes. Des précédents montrent comment ceux-ci peuvent passer par pertes et profits les principes juridiques qui permettent aux États de violer leurs obligations internationales quand cela est nécessaire pour protéger les intérêts de leurs citoyens, en particulier dans les situations de crises.

    L’approfondissement de la crise dans la périphérie de l’Union européenne a attiré de plus en plus de vautours, attirés par les profits. En 2012, le new-yorkais Greylock Capital annonçait que les obligations grecques étaient « l’affaire de l’année ». Les investisseurs payaient alors les obligations à 19 à 25% de leur valeur.

    En avril 2013, le cabinet d’affaires Skadden qui représente la Cyprus Popular Bank (Laiki) dans une poursuite imminente à hauteur de plusieurs milliards d’euros contre la Grèce applaudissait « l’intérêt croissant et l’utilisation novatrice des traités bilatéraux d’investissement ». Le cabinet expliquait : « l’intérêt des tribunaux prévus dans les TIB et l’incertitude économique ambiante expliquent le recours croissant au TIB pour résoudre les conflits, et nous estimons que cette tendance devrait se poursuivre ». L’expérience de l’Argentine, qui a dû faire face à 55 poursuites par des investisseurs dans le sillage de la crise de 2001, montre combien ces initiatives sont courantes en temps de crise. Les affaires évoquées dans ce rapport ne représentent probablement qu’une première salve de poursuites contre des pays européens.

    Ces différends investisseur-État s’inscrivent dans un contexte particulier révélé par la crise économique qui frappe l’Europe, dans lequel les entreprises et leurs investissements à risques sont protégés alors que les citoyens doivent subir les conséquences des coupes budgétaires ; où les pertes privées sont socialisées, les contribuables payant l’addition ; et où les entreprises se voient garantir des recours juridiques alors même que les droits fondamentaux sont mis de côté.

    En Europe comme aux États-Unis, les sauvetages bancaires ont provoqué la colère du public, ce qui se conçoit aisément. Il est désormais urgent de jeter la lumière sur le sauvetage des investisseurs qui s’annonce et d’appeler à une refonte des règles internationales de protection des investisseurs.

    Une première étape pourrait consister, pour les gouvernements européens, à remettre en cause les accords d’investissement existant. En particulier, les citoyens européens et élus devraient exiger que les mécanismes de règlement des différends investisseur-État soient exclus des nouveaux accords commerciaux en cours de négociation, comme l’accord de commerce UE-US. En tout, ce sont près de 75 000 entreprises enregistrées de part et d’autre de l’atlantique, avec des filiales à la fois dans l’Union européenne et aux États-Unis, qui pourront lancer des poursuites sur la base d’un tel accord transatlantique. L’exemple des spéculateurs qui tentent de tirer parti de la crise européenne, évoqué dans ce rapport, est un avertissement salutaire : les droits dont bénéficient les investisseurs devraient être revus et passer après les droits des populations.

    Traduction par les Dessous de Bruxelles

     

    Source : blogs.mediapart.fr/blog/attac-france

     

     

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    10 mars 2014 1 10 /03 /mars /2014 18:32

     

    Source : blogs.mediapart.fr/blog/attac-france

     

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    10 mars 2014 1 10 /03 /mars /2014 18:13

     

    Source : www.lesechos.fr

    L’encours de dette mondiale franchit le cap des 100.000 milliards de dollars
    Par Pierrick Fay | 10/03 | 06:15

                                                                                                                                           Il a été multiplié par 2,5 en à peine douze ans. Un niveau explosif qui risque de peser sur la croissance et qui complique la tâche des banques centrales.

     

    Mi- 2007, avant la crise, la dette mondiale était de 70.000 milliards de dollars. - AFP
    Mi- 2007, avant la crise, la dette mondiale était de 70.000 milliards de dollars. - AFP

     

    100.000 milliards de dollars : plus de quatre fois le PIB réuni de la Chine et des Etats-Unis. C’est le montant de la dette mondiale. Cela inclut les obligations des Etats et les dettes cotées des entreprises et des sociétés financières, mais pas celle des ménages. Une dette qui s’est envolée ces dernières années. Mi- 2007, avant la crise, elle était de 70.000 milliards de dollars. Elle n’était que de 40.000 milliards en l’an 2000, selon les chiffres qui seront dévoilés lundi par la Banque des règlements internationaux (BRI).

    L’explication ? « C’est une conséquence d u ralentissement économique et de la façon dont il a été compensé, explique l’économiste Jean-Paul Betbèze. Il y a d’abord eu les aides à la finance aux Etats-Unis pour éviter l’effondrement du système après la crise des “subprimes”. Ensuite, c’est lié à la montée de la dette publique. Il y a eu moins de croissance, moins de rentrées fiscales et, à l’inverse, beaucoup plus de mesures d’aide et de soutien à l’économie et plus de déficit. La montée de la dette mondiale, c’est le prix de la crise. » Ce que confirme le rapport de la BRI. L’encours des titres de dette souveraine a bondi de 80 % en six ans, à 43.000 milliards de dollars en juin 2013. Autrement dit, la dette publique de chaque humain se monte à 6.142 dollars. Un exemple parmi d’autres, l’endettement public espagnol est passé de 36 % du PIB à 84,1 % entre 2006 et 2012.

    Un pilotage délicat

     

    L’encours de dette mondiale franchit le cap des 100.000 milliards de dollars

     

    Mais le montant des dettes des entreprises non financières a progressé à un rythme comparable, pour dépasser les 10.000 milliards de dollars, constate la BRI, même si « elles étaient parties d’un niveau plus bas ». Dans un contexte de crise financière, les banques mondiales ont en effet réduit le crédit aux grandes entreprises, qui se sont tournées vers les marchés financiers pour trouver du financement.

    A 43.000 milliards de dollars, le montant de la dette d’Etat dépasse 72 % du PIB estimé pour cette année. C’est une moyenne. Certains franchissent allégrement le cap jugé fatidique de 90 %. « Des études du FMI et de la BCE montrent que l’on peut vivre avec 90 % de dettes, tempère Jean-Paul Betbèze. Mais il y a une condition : accepter une croissance et une inflation modestes pour que les taux d’intérêt ne remontent pas trop, pour ne pas asphyxier la reprise. C’est la stratégie de la Fed. Quant à la BCE, elle a réussi à faire baisser les taux des pays les plus fragiles, comme l’Espagne ou l’Italie. Pour eux, c’est un phénomène beaucoup plus important que la hausse de l’euro. » Mais, pour cela, il faudra faire en sorte que le loyer de cette dette soit le plus bas possible sur longue période. Un pilotage délicat pour les banques centrales.

    Dans le même temps, les Etats, notamment en Europe, sont incités à être plus efficaces, à diminuer les dépenses publiques pour réduire petit à petit la dette dans la durée. « L’important, c’est que ce niveau se stabilise. On le voit aux Etats-Unis, mais aussi en Europe, estime Jean-Paul Betbèze. Nous n’avons pas fini de payer cette crise, mais c’est préférable à une solution d’effacement de la dette, qui serait synonyme de crises, de tensions sociales, etc. »

    Écrit par Pierrick FAY
    Journaliste
    Source : www.lesechos.fr
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    10 mars 2014 1 10 /03 /mars /2014 18:03

     

    Source : www.liberation.fr

     

    David Van Reybrouck : «Les élections n’ont jamais été conçues pour être démocratiques»

    Béatrice VALLAEYS 7 mars 2014 à 17:46

     

     

     

    Un panneau à Roubaix incitant les citoyens à aller voter pour les prochaines élections municipales.Un panneau à Roubaix incitant les citoyens à aller voter pour les prochaines élections municipales. (Photo: PHILIPPE HUGUEN.AFP)

     

    IDÉES

    Pour déjouer la défiance vis-à-vis des politiques, l’historien et écrivain belge David Van Reybrouck prône la démocratie délibérative, où des citoyens tirés au sort prêteraient main-forte aux élus.

    «Nous méprisons les élus, nous vénérons les élections.» Ainsi parle David Van Reybrouck (1), dans un essai récemment paru, Contre les élections. Né en 1971 à Bruges, David Van Reybrouck s’évertue avec un incontestable talent à démontrer «la fatigue de la démocratie occidentale», mais il propose un remède : au lieu de rendez-vous rituels où la population est conviée à déposer un bulletin de vote en faveur de tel ou tel candidat, il défend l’instauration d’un tirage au sort de citoyens qui se verraient légitimés à changer des lois. «Le fonctionnement de nos démocraties use les gens à un rythme effrayant. Nous devons veiller à ce que la démocratie ne s’use pas elle-même», estime-t-il, convaincu que les élections sont un facteur de paralysie de la démocratie. Son credo : non plus seulement le droit de vote, mais le droit à la parole.

    La démocratie se porte mal. C’est grave, docteur ?

    La méfiance des citoyens vis-à-vis de la politique et des grandes institutions est le signe le plus inquiétant. C’est vrai pour l’Europe, mais la situation est plus dramatique encore pour les gouvernements nationaux. Les citoyens sont de plus en plus nombreux à voir les partis politiques comme les instances les plus corrompues, voire très corrompues.

    J’ai écrit ce livre en grande partie parce que la Belgique a connu une crise, restant sans gouvernement pendant un an et demi. Preuve que les élections sont devenues un instrument archaïque et primitif. Elles ont 200 ans et cela se voit.

    La France et les Etats-Unis, qui ont connu des révolutions, ont, selon vous, toujours appliqué des démocraties dites aristocratiques, avec les élections pour viatique absolu.

    En vérité, les élections n’ont jamais été conçues pour être une procédure démocratique. Au contraire, elles ont été inventées pour freiner l’installation de la démocratie. Ce que Bernard Manin a déjà écrit il y a vingt ans dans Principes du gouvernement représentatif (Calmann-Lévy) est en passe de devenir un grand classique. Les révolutions française et américaine n’ont jamais voulu mettre un terme à l’aristocratie pour la démocratie. Il s’agissait alors de remplacer une aristocratie héréditaire par une autre aristocratie, élective celle-là. Au cours des XIXe et XXe siècles, cette procédure aristocratique a été démocratisée par des élections, notamment en augmentant le droit de vote.

    Il est surprenant de voir que la France, qui compte le plus grand nombre d’intellectuels penseurs de la démocratie - Bernard Manin donc, Pierre Rosanvallon, Loïc Blondiaux, Yves Sintomer, Etienne Chouard… -, possède aussi le système politique le plus sclérosé de toute l’Europe occidentale.

    Tous les pays sont-ils prêts à innover ?

    Les pays les plus avancés dans l’innovation démocratique en Europe sont souvent ceux dont les populations sont assez petites : Islande, Irlande, Danemark, Hollande, Belgique. Ce qui me semble normal. L’innovation démocratique passe toujours du local au national, voire au transnational. Les petits pays européens sont des laboratoires démocratiques très intéressants.

    Par exemple, en Irlande, vient de s’achever la Convention constitutionnelle, où ont travaillé ensemble, une année entière, 66 citoyens tirés au sort avec 33 élus. Les résultats, tout récents, sont spectaculaires : cette assemblée de 99 participants a révisé 8 articles de la Constitution irlandaise, notamment celui sur le mariage homosexuel.

    On a vu ce que la France a connu d’instabilité politique pendant plus d’un an sur cette question. L’Irlande a eu une approche beaucoup plus juste, alors que ce sujet est nettement plus sensible là-bas, en invitant les citoyens à soumettre à la convention des réflexions, des dossiers, des arguments. Ceux-ci ont lu, entendu, consulté des experts, des lobbys, des prêtres catholiques, des organisations homosexuelles et pour finir, cette assemblée constituante a voté à 79% en faveur du mariage homosexuel.

    Le Texas a aussi montré que, dans une démocratie délibérative, la population est capable de proposer des lois ou des mesures extrêmement nuancées, sophistiquées. Cet Etat, pétrolier par excellence, détient aujourd’hui le record des éoliennes. L’évolution s’est faite dans un processus délibératif, en dépit des intérêts locaux favorables au système pétrolier.

    Quand les citoyens sont considérés comme des citoyens et pas seulement comme du bétail électoral, ils se comportent en adultes et non plus comme un troupeau. A l’inverse, beaucoup de partis politiques se conduisent comme des acheteurs de votes. Ils sont des chasseurs cueilleurs, alors qu’il faut des agriculteurs. Ils ne font plus leur travail : celui de mobiliser en instruisant.

    On accuse aussi la politique d’être devenue professionnelle…

    Pour moi, le tirage au sort ne doit concerner que le législatif, pas l’exécutif. J’aurais horreur d’une France, Belgique ou Allemagne où le ministre du Budget serait tiré au sort. On aura toujours besoin des partis politiques et de gens compétents, responsables et prêts à assumer des fonctions majeures. C’était le cas dans l’Athènes classique, où environ 90% des postes étaient tirés au sort, les postes les plus complexes - notamment l’armée, et la caisse - restant entre les mains des élus, compétents.

    Il ne faut pas passer du fondamentalisme électoral au fétichisme du tirage au sort. Ce système permet simplement de constituer un échantillon équilibré de gens à qui on donne le temps et les moyens nécessaires, au contact d’experts, pour se forger une opinion, et parvenir à une vision sociétale qui va beaucoup plus loin que les élections, les sondages et les référendums.

    Cette idée de démocratie par tirage au sort effraie une majorité de l’opinion.

    Et pourtant, on s’en sert tous les jours : regardez l’impact des sondages ! Malheureusement, dans un sondage, le peuple dit ce qu’il pense sans avoir pensé. Mais que dirait-il s’il avait pensé ? Le tirage au sort est encore un peu comme le droit de vote pour les femmes en 1850. Une idée courte et farfelue pour une partie de la population. Elle est encore très précoce dans l’opinion publique, pas dans le domaine académique, où elle est très connue et respectée.

    Pourquoi le tiré au sort serait-il plus crédible et pourquoi devrait-on avoir foi dans le peuple ?

    Parce qu’on aurait des représentants du peuple qui pourraient décider sans souci des prochaines élections. Maintenant, pour la première fois dans l’histoire, les élections suivantes pèsent plus que les précédentes. Soyons pragmatiques ! Une démocratie avec des gens tirés au sort sera-t-elle dépourvue de corruption ? Je ne le pense pas. Les tirés au sort seront-ils compétents ? Je ne le pense pas non plus. Mais notre système actuel repose-t-il sur des gens compétents ? Il est très étonnant de voir que lorsqu’on commence à parler du tirage au sort, on me pose systématiquement des questions sur un idéal démocratique utopique, une démocratie à l’état vierge en quelque sorte. Voyons si le tirage au sort améliore le système actuel. Là, je dis oui. Je ne pense pas que les gens soient si populistes. Certes, ils votent populiste, ce qui est autre chose. Je ne crois pas non plus qu’ils sont tellement violents, mais ils le sont sur Facebook et Twitter, faute de mieux.

    Je n’ai pas une vision utopique de l’homme, mais je pense que l’on peut améliorer de façon substantielle le contexte dans lequel un consommateur devient un citoyen. Qu’il s’intéresse à la cité et pas à lui tout seul. Avec le G 1000 organisé en Belgique (2), on a vu les citoyens mesurer la complexité des choses, la légitimité de la parole de l’autre et même de l’adversaire. Il serait naïf de penser que la démocratie délibérative trouvera toujours une solution consensuelle. L’essence de la démocratie est le conflit, pas le consensus. Il faut réapprendre à vivre avec le conflit. Notre démocratie ne l’enseigne plus du tout.

    La foi dans l’homme ou la femme providentiel(le) en prend un coup.

    Un citoyen informé n’est pas forcément un emmerdeur. Notre système électoral a été inventé dans une époque lente, où la communication circulait laborieusement parmi peu de gens. Aujourd’hui, l’information passe très vite entre énormément de gens qui ne sont pas seulement des consommateurs d’informations, mais aussi des agitateurs et des producteurs d’informations. Ça change tout. Prôner la transparence ne suffit pas. Cette idée en France que tout le personnel politique doit déclarer son patrimoine est complètement absurde. La confiance entre les citoyens et le gouvernement va-t-elle être restaurée parce qu’on sait combien de litres d’eau contient la piscine de tel ou tel homme politique ? C’est de la chirurgie cosmétique pour une crise politique colossale.

    La méfiance des élus vis-à-vis des citoyens est énorme, ce qui est compréhensible quand on voit le populisme, l’extrême droite, la violence dans les réseaux sociaux. Mais cette violence verbale sur la Toile est un cadeau. C’est un cadeau dans du fil barbelé, il faut juste enlever le barbelé et récupérer le message. Le principal est qu’il n’y a pas d’apathie politique en France et ailleurs en Europe. On n’a jamais vu de citoyens aussi impliqués, aussi engagés.

    (1) Auteur de «Congo, une histoire» (Actes Sud), Médicis essai 2012 et prix du meilleur livre étranger. (2) En 2011-2012, David Van Reybrouck a été l’initiateur d’un sommet citoyen à Bruxelles, devenu la plus grande initiative pour l’innovation démocratique en Europe. www.g1000.org/fr/

    Dessin Yann Legendre

    Recueilli par Béatrice Vallaeys

     

    Contre les élections de David van Reybrouck Actes Sud, 220 pp., 9,50 €.

     

     

    Source : www.liberation.fr

     

     

     



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