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6 janvier 2015 2 06 /01 /janvier /2015 18:53

 

Source : www.marianne.net

 

 

Le graphique de l'année selon Krugman

Les ravages de la mondialisation expliqués en une courbe
Mardi 6 Janvier 2015 à 05:00 | Lu 17145 fois I 94 commentaire(s)

 

Journaliste économique à Marianne En savoir plus sur cet auteur

 

Paul Krugman, le célèbre chroniqueur du "New York Times", a choisi de saluer au titre du meilleur graphique de l'année 2014 une courbe réalisée par Branko Milanovic, l’ancien économiste en chef de la Banque mondiale. Déjà publiée par "Marianne" au début de l'an dernier, celle-ci montre sans fard comment, au cours des deux dernières décennies, les inégalités de revenus se sont creusées sous l'effet de la mondialisation.

 

Evolution des revenus réels entre 1988 et 2008, en fonction du niveau de revenu (en dollars de 2005)
Evolution des revenus réels entre 1988 et 2008, en fonction du niveau de revenu (en dollars de 2005)

Quel est le graphique de l’année ? Pour les économistes, qui goûtent ce genre d'images, la question n’est pas secondaire. Résumer en une courbe, un diagramme ou un histogramme une information devenue ainsi immédiatement compréhensible par le plus grand nombre est un exercice délicat auquel tous doivent se plier s’ils veulent diffuser leurs analyses. Paul Krugman, le célèbre chroniqueur du New York Times, a fait son choix pour l'année 2014 : il s’agit du graphique réalisé par Branko Milanovic, l’ex-économiste en chef de la Banque mondiale.

Ce graphique décrit la croissance des revenus entre 1988 et 2008 et donne à voir les effets de vingt années de mondialisation, et ce non à l’échelle nationale comme il est classique de le faire, mais à l’échelle de la planète. On peut y contempler les énormes inégalités qui ont fini par se creuser. A Marianne, on se félicite de ce choix d'autant plus que nous avions publié pour la première fois en France ce graphique en forme d’éléphant au début de l’année dernière sous le titre : « Dessine-moi les inégalités ». En le distinguant, Paul Krugman nous donne l’occasion de le diffuser une nouvelle fois, en attendant (on peut toujours rêver) que François Lenglet, grand fan de graphiques, le montre un jour a l'écran.

 

Qu’y voit-on plus particulièrement ?
 

- La progression impressionnante des revenus de l'élite mondiale dont les membres fréquentent le club très fermé des 0,1 % - 0,01 % les plus riches.
- Une partie de la population, en gros les habitants des pays émergents, a aussi largement profité de la mondialisation à l’œuvre entre 1988 et 2005.

- Entre ces deux catégories de personnes, à la base de la trompe de « l'éléphant » en somme, on remarque un trou synonyme d'une perte de revenus. Branko Milanovic suggère que cela correspond à la classe moyenne inférieure des États-Unis et, plus généralement, aux classes populaires des pays avancés. Il y a fort à parier, comme le précise Krugman, que les effets de l'austérité post 2008 aient accru cette dégradation. Le chroniqueur estime que ce « creux » clairement identifiable grâce au graphique de Milanovic va avoir des conséquences importantes dans les années à venir. Il lui a même trouvé un nom, à la fois pertinent et glaçant : « la vallée du découragement »...
 

 

                                                                                                                                                                                                                          Source : www.marianne.net

 

 

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6 janvier 2015 2 06 /01 /janvier /2015 17:59

 

Source : www.mediapart.fr

 

Lutte contre la corruption: «Les candidats devraient présenter un casier judiciaire vierge»

|  Par Mathilde Mathieu

 

 

 

Dans un entretien à Mediapart, François Badie, chef du Service central de prévention de la corruption (SCPC) auprès du ministère de la justice, préconise de nouvelles mesures pour lutter contre la corruption des élus. Il déplore la quasi-disparition du contrôle de légalité fait par les préfectures sur les collectivités locales.

Sur la corruption des élus, il connaît toutes les statistiques. Chef du Service central de prévention de la corruption (SCPC) auprès du ministère de la justice, François Badie sait que trois élus locaux sont poursuivis chaque semaine en France, qu’aucune peine de prison ferme n’a été prononcée pour « favoritisme » en 2012 (sur 34 condamnations), que 51 affaires de « détournements de fonds publics » ont été poursuivies par les procureurs en 2013 (contre 207 arrivées dans les tribunaux), etc. Bref, il sait que la France doit mieux faire.

Dans un entretien à Mediapart, ce magistrat (dont le statut contraint en partie la parole) livre ses préconisations pour mieux prévenir et sanctionner les atteintes à la probité chez les élus. Ce mercredi 7 janvier, François Hollande attend également les recommandations de Jean-Louis Nadal, le président de la Haute autorité pour la transparence (HAT), qui doit lui remettre un rapport sur « l’exemplarité » des responsables publics. Un an après les lois « post-Cahuzac », le chef de l’État prétend en effet franchir une nouvelle étape dans la moralisation de la vie publique. Comment faire ?

 

François Badie 
François Badie © DR

Vous recommandez de créer une infraction d’« enrichissement illicite » dans le code pénal, qui viserait les élus et les milliers de personnes publiques remplissant une déclaration de patrimoine. Pourquoi est-ce nécessaire ?

Il arrive que la justice ait des soupçons sur un élu parce qu'il mène un train de vie incompatible avec ce que sont a priori ses revenus (par exemple un député qui jouit d’une maison sous les tropiques valant plusieurs millions d’euros...). Il arrive que la distorsion entre ces revenus et le patrimoine accumulé apparaisse évidente. Mais il est souvent difficile pour le procureur de la République d’apporter la preuve de l’origine illicite du patrimoine.

Il s’agirait, avec cette nouvelle infraction, de renverser la charge de la preuve en matière de corruption : ce serait à l’élu de prouver l’origine licite des biens dont il dispose. Ce renversement de la charge de la preuve existe déjà dans le code pénal pour les trafiquants de drogue et les proxénètes, ça n’est pas nouveau. Pourquoi ne pas l’appliquer aux atteintes à la probité (favoritisme, prise illégale d’intérêt, trafic d’influence, etc.) ? Cette infraction pourrait être punie de trois ans d’emprisonnement et de 75 000 euros d’amende.

Certains députés l’ont proposé en 2013 lors de l’examen des lois sur la transparence, sans succès. Le gouvernement s’y est opposé…

Ce principe existe en France pour d’autres formes de délinquance sans que cela heurte le principe de présomption d’innocence. Il existe à l’étranger, au Royaume-Uni, dans certains pays du continent africain… C’est un sujet dont on discute dans le cadre du groupe de travail anti-corruption du G20, auquel je participe pour la France. Ce délit « d’enrichissement illicite » compte parmi les prescriptions, certes facultatives, de la Convention des Nations unies contre la corruption (dite de Mérida), ratifiée par la France. Je crois que ce serait à la fois très efficace dans la répression et très dissuasif.

 

 
© SCPC (données extraites du casier judiciaire national)

Prévoir l’inéligibilité à vie pour les élus condamnés dans les affaires les plus graves, ne serait-ce pas la meilleure dissuasion possible ? Après les aveux de Jérôme Cahuzac, le président de la République l’avait d’ailleurs annoncée (« Les élus condamnés pénalement pour fraude fiscale ou pour corruption seront interdits de tout mandat public »), avant que les députés y renoncent…

Les parlementaires ont préféré porter de cinq à dix ans la peine maximale d’inéligibilité (une peine complémentaire et non automatique qui reste à l’appréciation des tribunaux). Alors sans doute faut-il aller plus loin pour restaurer la confiance des citoyens envers la classe politique. Mais l’inéligibilité à vie me semble un peu extrême, il ne faut pas non plus en arriver à la mort civile des individus. Nous proposons donc un autre dispositif, qui revient un peu au même : tous les candidats à une élection locale ou nationale devraient présenter un casier judiciaire vierge, au moins vierge de certains types d’infractions comme les atteintes à la probité – une affaire bénigne dans votre jeunesse ne doit évidemment pas vous priver de vous présenter. C’est parfaitement envisageable puisque les candidats à un concours de la fonction publique sont déjà tenus de présenter un casier vierge (l’extrait B2 pour être précis). Ce serait plus équitable.

En attendant, les tribunaux ne devraient-ils pas condamner plus souvent à des peines d'inéligibilité ? Les procureurs en requérir plus souvent ?

Il est certain que l’inéligibilité est une sanction beaucoup plus dissuasive pour l’homme politique, dont c’est toute la vie, qu’une peine d’amende ou même de prison avec sursis. Les tribunaux sont indépendants bien sûr, mais ils devraient, à mon avis, considérer la question de manière un peu plus systématique.

Ne faudrait-il pas, pour mieux sanctionner la corruption chez nos élus, instaurer surtout l’indépendance du parquet, c'est-à-dire des procureurs ? Aujourd'hui, les procureurs peuvent classer une affaire ou bien la confier à un juge d’instruction indépendant, élargir le périmètre de ses investigations ou le circonscrire, recommander telle ou telle peine au tribunal, alors même qu'ils sont soumis hiérarchiquement au ministre de la justice...

Affirmer que « le parquet est à la solde du pouvoir », c’est globalement faux et c'est un peu tarte à la crème. Il ne faut pas s’imaginer non plus que les procureurs détournent les yeux dès qu’un élu commet une infraction ! Mais tant que la suspicion demeure, il y a un problème. Cela dit, ce problème est globalement résolu depuis qu'une loi de 2013 a interdit au garde des Sceaux d'adresser des instructions aux procureurs dans des dossiers individuels. Et surtout, en matière de corruption, depuis que la possibilité a été donnée à des associations agréées de se constituer partie civile dans les dossiers. Elles sont au nombre de deux pour l'instant : Transparency international et Sherpa.

Ces associations peuvent désormais déclencher l'action publique : en cas d'inertie d'un procureur, elles peuvent passer outre en saisissant un juge d'instruction directement. Cette avancée adoptée en 2013, que l'on n’a pas saluée à sa juste valeur, contrebalance le soupçon d’inertie ou de mauvaise foi du parquet. Honnêtement, ça rend le débat sur l’indépendance des procureurs un peu théorique.

Je vous rappelle par ailleurs la création en 2013 du procureur national financier (qui se saisit des atteintes à la probité particulièrement complexes, ndlr), d'une chambre correctionnelle qui lui sera dédiée au tribunal de Paris pour accélérer le jugement de ses affaires, ou encore d’un office central anti-corruption doté de plus de 80 enquêteurs (policiers, gendarmes, etc.). Tout cela va dans le bon sens.

Vous pointez tout de même des insuffisances dans les lois de 2013, au moins vis-à-vis des lanceurs d'alerte ?

Dans les affaires de corruption, où la victime c'est la collectivité, c'est tout le monde, c'est-à-dire personne, où il n'existe aucune victime directe, il est capital que l'infraction puisse être détectée. Pour cela, il faut améliorer la protection des lanceurs d'alerte.

Or si la réforme de 2013 constitue une avancée, elle n’est pas aboutie. Elle a certes confirmé une certaine protection des lanceurs d’alerte du secteur privé contre les risques de licenciement, pour en faire un peu des salariés protégés (tels les délégués syndicaux). Elle a introduit une protection similaire dans le secteur public, où ça n'existait pas. Mais il faut encore améliorer les modalités de protection, car il y a mille manières de casser les pieds à un lanceur d'alerte « nuisible » : la placardisation, le harcèlement moral, etc.

La réforme n'est pas allée au bout. Par exemple, la loi prévoit que les lanceurs d'alerte qui ont signalé une infraction peuvent entrer en contact avec le SCPC. Mais elle ne dit pas ce que peut faire le SCPC pour les aider ! Il nous faudrait des pouvoirs de communication, c'est-à-dire qu'on puisse entrer en contact avec l'entreprise ou l'administration concernée, faire une petite enquête administrative, leur rappeler le droit, etc. Un rappel à la loi pourrait suffire dans certains cas pour éviter la maltraitance. Or pour l'instant, nous avons une mission mais pas les moyens de l’accomplir.

Dans votre dernier rapport, vous pointez particulièrement les risques de corruption au sein des collectivités locales. Vous recommandez de limiter encore le cumul des mandats, facteur de risques. Vous évoquez aussi les chambres régionales des comptes, ces juridictions financières chargées de contrôler la gestion des collectivités, qui ont vu leurs moyens réduits. Sept ont été supprimées sous le mandat de Nicolas Sarkozy. À quoi bon de nouvelles infractions dans le code pénal, si on crée un contexte aussi favorable à la corruption des élus ?

Le contrôle des chambres régionales des comptes fonctionne encore très bien. Quand elles examinent les budgets des collectivités, elles sont parmi les autorités qui font le plus de signalements aux procureurs de la République sur des atteintes à la probité (29 signalements en 2013 pour toute la France, ndlr). Le problème, c’est que ça vient tard, puisque c’est après l'exécution des budgets. Par ailleurs, les chambres régionales des comptes ne contrôlent évidemment pas toutes les collectivités tous les ans, donc des secteurs entiers restent à l'abri pendant des années. Et c’est vrai que leurs effectifs sont un peu diminués.

Vous regrettez aussi l'affaiblissement du contrôle exercé sur les actes des collectivités par les préfectures (en matière de marchés publics, d'urbanisme, etc.). Jadis très étendu, ce contrôle de légalité en amont est devenu une passoire. N'est-ce pas un facteur structurel de corruption, totalement ignoré par les politiques et les médias ?

C'est un vrai problème. Avec la décentralisation, les collectivités ont été dotées de plus en plus de compétences. Or dans le même temps, on constate que le contrôle de légalité effectué dans les préfectures s'est réduit comme peau de chagrin, à sa plus simple expression. Le contrôle a été « simplifié » (on a augmenté le champ des actes non soumis à transmission, par exemple pour les marchés publics, ndlr). On a supprimé des services et des fonctionnaires chargés de ce contrôle en amont (les effectifs ont diminué de 20 % en trois ans avec la révision générale des politiques publiques entreprise sous Nicolas Sarkozy, ndlr). Ce contrôle de légalité est maintenant de pure forme, et il concerne le plus souvent des irrégularités mineures. Il faut en refaire une priorité.

 

Lire aussi

 

 

Source : www.mediapart.fr

 

 

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5 janvier 2015 1 05 /01 /janvier /2015 17:29

 

Source : www.lemonde.fr/les-decodeurs

 

 

 Fraude fiscale 3,42 Milliards, fraude sociale 694,77 Millions

 

 

05.01.2015 à 15h31 • Mis à jour le 05.01.2015 à 16h07 | Par Samuel Laurent

Près de 700 millions d'euros de fraude sociale en France (soit un cinquième de la fraude fiscale)

 

 

Fraudes en France

Les fraudes à la Sécurité sociale et à Pôle emploi représentent un montant de 694,77 millions d'euros en 2013, selon le bilan annuel de la Délégation nationale à la lutte contre la fraude. En hausse record par rapport à l'année précédente, elles représentent l'équivalent d'un cinquième de la fraude fiscale. L'organisme le plus touché est l'Assurance maladie, où la perte dépasse 174 millions d'euros.

 

Source : www.lemonde.fr/les-decodeurs

                                                                                    **************************************

Source : www.atd-quartmonde.fr
« Les pauvres sont des fraudeurs » : vrai ou faux ?

 

Faux. Ils fraudent beaucoup moins que les autres.

Il ne s’agit pas de nier ni la fraude aux prestations sociales, ni la nécessité de lutter contre elle. Mais elle est très faible par rapport aux autres types de fraudes – notamment la fraude fiscale.

 

Montant des fraudes estimées

 

*Source internet consultée en avril 2014.
(1)Lutte contre la fraude, bilan 2011, Délégation nationale à la lutte contre la fraude (DNLF)
(2)Rapport du syndicat national Solidaires Finances Publiques « Évasions et fraudes fiscales, contrôle fiscal », 2013

 

Montants des fraudes effectivement détectées

 

Montant de fraudes détectées

(1) : Conférence de presse de la CNAF du 17 septembre 2013

44 millions d’euros de fraude au RSA en 2012 pour 2,3 millions de foyers bénéficiaires (en décembre 2013), cela représente en moyenne 20 euros par foyer et par an. « La fraude des pauvres est une pauvre fraude », estime le Conseil d’État en février 2011(1).

Dernier point : en face des 698 millions de fraude estimée aux prestations familiales, alignons les montants estimés des non-recours à ces mêmes prestations : 5,3 milliards pour le RSA, 4,7 milliards pour les prestations familiales et le logement, 828 millions pour l’allocation personnalisée d’autonomie (APA)…, soit, au total, environ 11 milliards « économisés » chaque année par l’État parce que, pour différentes raisons, une partie des personnes qui ont droit à ces prestations ne les sollicitent pas(2) !

Au Royaume-uni, les non-recours s’élèvent à 22 milliards d’euros. Le taux de fraude aux prestations sociales s’élève à seulement de 0,9 % du budget (soit 2,3 milliards d’euros)(3), alors que 80 % des Britanniques pensent qu’un grand nombre de bénéficiaires fraudent. Il existe un numéro d’appel pour dénoncer les fraudeurs aux prestations sociales, qui reçoit plus de 250 000 appels par an. Mais la fraude n’est avérée que dans 3 % des cas(4)… et des dizaines de milliers de bénéficiaires honnêtes sont l’objet d’enquêtes coûteuses et inutiles. En Irlande, le montant des fraudes détectées s’est élevé en 2012 à seulement 0,1 % du budget de la protection sociale(5).

Commandez la série de 15 affiches sur les idées fausses sur les pauvres et la pauvreté (prix 15 euros)

  • 1 Entretiens « Fraude et protection sociale » publiés dans la revue Droit social n°5, mai 2011
  • 2 Source : Odenore, op. cit.
  • 3 House of Commons Library paper SN/SG/2656, « Social security benefits and expenditure », 2013
  • 4 House of Commons written answers, Hansard, 2011, www.parliamentonline.co.uk/hansard/hocw/110307w0005.htm (consulté en avril 2014)
  • 5 « Living in Poverty – Facts or Fiction », Vincentian Partnership for Social Justice, été 2013


Fraude au RSA

44 millions en 2012 (CNAF)(1)

Fraude à la CMU-C et à l’Aide Médicale d’État

0,9 millions en 2011 (DNLF)

Fraude à l’assurance-maladie par les professionnels de santé

120 millions en 2010 (source DNLF)

Travail non-déclaré par les entreprises

260 millions en 2012 (DNLF)

Fraude douanière

366 millions en 2012 (DNLF)

Fraude fiscale

3,66 milliards en 2012 (DNLF)

Fraude estimée Total des prestations versées ou des montants collectés Par rapport au total des montants alloués ou collectés
Prestations familiales CNAF 698 millions(1)

64,4 milliards

1%
Sécurité sociale (famille, maladie, vieillesse)* 2 à 3 milliards 400 milliards

Moins de 1%

TVA

7 à 9,3 milliards (DNLF) 138 milliards*

5 à 7%

Travail au noir des entreprises (DNLF)

entre 15,5 et 18,7 milliards 250 milliards

6,2 à 7,5%

Impôt sur les sociétés

10 milliards* 42 milliards

24 %

Impôt sur le revenu

15 à 19 milliards(2) 50 milliards*

30 à 38 %

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5 janvier 2015 1 05 /01 /janvier /2015 17:16

 

Source : www.marianne.net


 

Petite leçon d'austérité pour les nuls : le laboratoire grec
Lundi 5 Janvier 2015 à 05:00

 

David Nemtanu

 

Initiée en 2010, la cure d'austérité grecque aura 5 ans au mois de janvier 2015. En quasi défaut de paiement, la Grèce a été "sauvée", dit-on, par les institutions internationales et européennes. Pour un bilan désastreux.

 

C’était en janvier 2010. Il y a presque cinq ans, jour pour jour, la Grèce demandait une assistance technique au Fonds monétaire international (FMI), quelques mois après que Georges Papandréou, Premier ministre de l’époque, révèle les vrais chiffres du déficit hellène : 12,7 % du PIB, au lieu des jusqu’ici « officiels » 6 %.
 
Dès lors, un parfum d'austérité parcourait lentement, mais sûrement, les travées du pouvoir. En Septembre 2011, le vice-Premier ministre et ministre des Finances grec, Evangelos Venizélos, déclarait ainsi que les défaillances du pays « ne sont pas un problème d'intentions mais de capacité, d'habitudes, de structures (...). Heureusement que nous sommes sous contrôle, car cela nous permet d'avoir du "self-control", et nous sauve. »
 
Du « self control », la Grèce en avait effectivement besoin, puisque celle-ci a appliqué scrupuleusement les six plans formulés par la fameuse Troïka (FMI, Commission européenne, Banque centrale européenne), en échange des 240 milliards d’euros versés par cette dernière, en seulement quatre ans. Au menu : des réformes structurelles d'ampleur, dont notamment la suppression de 150 000 emplois dans le secteur de la fonction publique.
 
On pourrait sans aucun doute faire de l’idéologie, en soulignant que l’austérité est un passage obligé pour la Grèce, surtout que « ça a marché » en Allemagne. Regardons donc, tranquillement mais objectivement, les résultats de l’austérité appliquée en Grèce, cinq ans après les pare-feux de la Troïka. Ce qui permettra très vite de s’apercevoir que le sauvetage est plutôt digne du Titanic…
 
Premier détour par les chiffres du chômage : 7,5 % en 2009, contre 28 % en 2014, soit près de 2 grecs sur 3, et une augmentation de 373,5 %... D’autant que ce taux atteint 49,8 % chez les moins de 25 ans, en 2014 ! 
 
Les statistiques de la croissance ne sont pas rayonnantes, non plus... 3,5 % en 2007, suivie d’une récession abyssale de 22 % sur cinq ans, dont 7,1 points en 2011 et 7 points en 2012.  
 
Quand à la dette publique grecque, elle devrait culminer à 177 % du PIB en 2014, dont une augmentation de 17,9 points entre 2011 et 2012. On est bien loin des 76,9 % de l’Allemagne, et encore plus des 60 % exigés par le Traité de Maastricht…
 
Les salaires, pour leur part, avaient diminué de 22 % en seulement trois ans, passant de 751,39 euros en 2009 à 586,08 euros en 2012… auxquels s’ajoutaient - en plus - des versements de salaires incomplets ! Le Monde rappelait ainsi que le plan d’austérité mis en œuvre en 2011 aboutissait à verser seulement 60 % du salaire de 30 000 fonctionnaires, agrémenté d’une obligation pour ces derniers de trouver un nouveau boulot dans les douze mois, au risque de perdre définitivement leur emploi. 
 
Vous en voulez encore ? Près de 30 sociétés ont été privatisées … Pour ne citer qu’un exemple, 74 % du port du Pirée à Athènes a été cédé par l’Etat. Sans compter qu’environ 240 000 PME sur un total de 780 000 ont fermées depuis six ans.
 
Ne nous étonnons pas, dans ces conditions, que l'adversaire de la finance et leader de la coalition de gauche radicale, Alexis Tsipras, devienne le favori des élections législatives anticipées, le 25 janvier. Car le candidat à la présidence désigné par le gouvernement, Stavros Dimas, a subi un cuisant échec lors des élections des 17, 23 et le 29 décembre, entraînant une dissolution de l'Assemblée nationale. Il faut dire que le poulain du Premier ministre conservateur Samaras était un ancien commissaire européen... 

 

 

Source : www.marianne.net

 

 

 

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4 janvier 2015 7 04 /01 /janvier /2015 22:16

 

 

Source : www.mediapart.fr

 

Pourquoi le prix du pétrole est redevenu une arme géopolitique

|  Par Philippe Riès

 

 

Le prix du baril de pétrole brut a été divisé par deux en six mois. Le cours de l'or noir est un prix de marché. Mais un marché « orienté », pour ne pas dire « manipulé », quand les circonstances s'y prêtent. Un prix très politique donc, forgé par la dégradation accélérée des relations entre les États-Unis et la Russie. Il y a des gagnants et des perdants.

Quand il s’agit du prix de l’or noir, autrement dit le cours du baril de pétrole brut, le commentaire public dominant semble affecté d’un étrange strabisme. Que le prix s’envole vers de nouveaux sommets, et c’est haro sur les spéculateurs. Mais qu’il s’effondre, et ce sont les théories du complot qui sont appelées à la rescousse d’une toujours subtile causalité. Comme si les « spéculateurs » ne jouaient qu’à la hausse.

Donc, depuis le printemps dernier, le cours de l’or noir est en chute libre. De quelque 115 dollars le baril aux plus hauts de l’année qui vient de s’achever, à moins de 55 dollars aux plus bas pendant la trêve des confiseurs. Une division par deux. En six mois. Pour les consommateurs des pays importateurs, ce nouveau « contre-choc » pétrolier est l’équivalent d’une soudaine, inespérée et significative réduction d’impôt. « Si un prix moyen du baril se maintient à 65 dollars le baril sur les douze prochains mois, cela équivaudrait pour l’économie mondiale à une baisse d’impôt de 1 500 milliards de dollars », a calculé l’économiste et financier canadien Kenneth Courtis.

Excellent pour le portefeuille de l’automobiliste quand chaque passage à la pompe se traduit par une facture allégée. Le prix du litre de gasoil, le carburant préféré des Français, est même passé brièvement en décembre sous le seuil symbolique de l’euro dans certaines stations. Bon pour le moral et pour la « confiance », la clef jusqu’ici introuvable de la « sortie de crise ». Pas terrible sans doute pour le climat, mais si les pouvoirs en place prenaient le sujet au sérieux, cela se saurait.

La chute du prix du brut serait pour beaucoup dans l’accélération récente de la reprise économique aux États-Unis. Un remède semble-t-il plus efficace que les acrobaties monétaires de la Réserve fédérale des États-Unis. Sans doute moins dangereux, à terme. Et dont profite également « Joe Sixpack » et pas seulement les « 1 % » d'acteurs ou clients de Wall Street. Et pourtant, personne n’a songé à remercier les « spéculateurs » (on trouvera dans l’onglet Prolonger un lien vers une analyse intéressante du rôle de la spéculation).

Par contre, les amateurs de « complots » géostratégiques sont à la fête. La thèse la plus en vogue, et la plus crédible, est bien celle d’une manœuvre conjointe de l’Arabie Saoudite et des États-Unis (deux des trois premiers producteurs mondiaux d’huile, avec la Russie) visant à déstabiliser leurs ennemis respectifs (et parfois communs). Pour Kenneth Courtis, qui réfute le terme de complot, le moment clef aurait été la rencontre de six heures, à Djeddah, le 11 novembre dernier, entre le secrétaire d’État américain John Kerry et le roi Abdallah, non annoncée et confirmée seulement quelques jours plus tard.

« Après cette date, nos traders nous expliquent que toute tentative de renverser la tendance baissière s’est heurtée à la présence sur le marché de ce qu’ils appellent des “big hands”, explique-t-il. Autrement dit un acteur public suffisamment puissant pour opérer des « ventes soutenues et systématiques » de plusieurs centaines de milliers de barils, voire beaucoup plus, sur un marché déjà structurellement excédentaire et où le prix marginal fait référence.

L’accord de Djeddah s’est traduit par un changement d’attitude des monarchies du Golfe vis-à-vis des mouvements djihadistes qu’elles avaient financés et armés depuis le début de la guerre civile en Syrie. Et par une hausse de l’engagement américain, y compris sur le terrain avec des « conseillers » supplémentaires, contre le groupe de l’État islamique. Dans le collimateur de cette alliance américano-saoudienne renouvelée, avant tout les Russes et les Iraniens, principaux soutiens de Bashar al-Assad. Alliés objectifs face au terrorisme djihadiste au Moyen-Orient, les négociateurs américains et iraniens peinent cependant à trouver sur le programme nucléaire de la République islamique un accord qui aurait une chance de passer auprès de leurs conservateurs respectifs, le Congrès, désormais entièrement dominé par la droite républicaine, n’étant pas le moindre obstacle.

La Russie dans le collimateur de Washington

Mais amener Téhéran à résipiscence est sans doute désormais moins crucial que déstabiliser une Russie poutinienne dont le jeu géostratégique est devenu pour le pouvoir américain bien plus qu’une nuisance. « La Russie apparaît comme le principal obstacle à leurs menées politiques », observe Kenneth Courtis. L’opposition de Moscou à la stratégie, à vrai dire incohérente, de l’administration Obama en Syrie est désormais presque anecdotique. Coopération sans cesse renforcée avec la Chine, y compris dans le domaine de l’énergie, nouvelles ouvertures nucléaires en direction de l’Inde, complicité active avec l’Iran (notamment pour aider ce pays à contourner l’embargo pétrolier occidental), et enfin, situation de guerre plus vraiment « froide » en Ukraine : cela fait beaucoup vu de Washington où le retour de la confrontation avec le Kremlin semble avoir redonné audience à certaines voix néo-conservatrices au département d’État et même à la Maison-Blanche.

« Les Américains lucides savent que c’est bien davantage la baisse continue du prix du pétrole à partir de 1979 que la stratégie offensive de Ronald Reagan qui a mis à genoux une Union soviétique rendue incapable de se refinancer », rappelle Kenneth Courtis. La question est de savoir si l’approche « énergétique » peut donner les mêmes résultats avec la Russie poutinienne qu’avec l’URSS brejnévienne, et dans quels délais.

Calculée en rouble dévalué, la chute des prix du brut n’est pas aussi dramatique qu’en dollar réévalué. « Le baril en rouble vaut plus cher qu’il y a un an », relève Kenneth Courtis. D’autre part, poursuit-il, les sanctions des États-Unis et de leurs alliés européens ainsi que les mesures de représailles décidées par le Kremlin conduisent la machine économique russe à modifier ses sources d’approvisionnement. Auprès de pays qui, le « hasard » faisant bien les choses, ont aussi connu des dévaluations parfois même supérieures à celles de la Russie. « Les entreprises japonaises ne demandent qu’à se substituer à leurs concurrentes allemandes pour les biens d’équipement, explique-t-il. Le Brésil, la Turquie, et demain peut-être la Thaïlande, prennent des parts de marché agricoles aux Européens. »

Beaucoup plus nocives, les sanctions financières « furtives »,qui ont pratiquement coupé l’accès de la Russie, et spécialement de son système bancaire, aux marchés de capitaux internationaux. « En marge des réunions annuelles du FMI et de la Banque mondiale à Washington, nous avons interrogé 36 des principaux groupes bancaires mondiaux. Plus aucun n’accepte de prêter aux Russes, confie Courtis. La peur du gendarme. » L’amende de près de 9 milliards de dollars infligée à BNP Paribas par les autorités américaines a laissé des traces profondes.

Ce qui veut dire que les entreprises russes faisant face à des échéances de remboursement en dollar doivent se tourner vers l’État. La journée noire du 16 décembre 2014, qui a vu le rouble chuter de 50 à 80 pour un dollar, les banques russes avaient dû émettre pour 16 milliards d’obligations en dollars pour en prêter une douzaine au géant pétrolier public Rosneft, la Banque centrale du pays s’étant révélée être le seul acheteur. « Les Chinois sont prêts à aider la Russie mais ils ne peuvent se substituer aux marchés mondiaux de capitaux », explique Courtis.

À la fin 2013 (voir graphique), la dette extérieure russe dépassait les 600 milliards de dollars, soit plus que les réserves de la Banque centrale, estimées à quelque 400 milliards. La Russie peut-elle endurer une crise qui durerait encore deux ans, comme l’affirme Vladimir Poutine ? Une part majoritaire de la dette, celle des entreprises privées et étatiques non financières, est adossée à des actifs relativement liquides, qui vont du pétrole et du gaz aux diamants en passant par toute la gamme des métaux non ferreux. Des transactions récentes, par exemple concernant l’aluminium sur le London Metal Exchange, démontrent que les vendeurs russes peuvent obtenir des dollars, même s’il leur faut pour cela sacrifier leurs bénéfices.

 

La dette extérieure russe par catégories 
La dette extérieure russe par catégories © Starfort Holdings

La dette des banques d’État russes, à quelque 120 milliards, ne représentait que 20 % du total. « Ce n’est pas mortel », commente Kenneth Courtis. Pour le moment, la Banque centrale peut faire face. Elle vient d’annoncer la recapitalisation de VTB, la deuxième banque publique, pour 1,4 milliard d’euros. En face, il faut mettre en balance l’exposition des banques étrangères, c’est-à-dire pour l’essentiel européennes, à la Russie, estimée à 170 milliards de dollars.

Autrement dit, sur les plans économiques et financiers, ce sont clairement les Européens qui payent la facture et assument le risque de la confrontation entre Washington et Moscou. Jusqu’à quel point et pour combien de temps ?

L'équilibre structurel modifié du marché pétrolier mondial

C’est ici que le facteur temps doit être pris en compte dans l’équation. Autrement dit, la chute des cours du brut est-elle un accident de parcours ou au contraire un phénomène durable, imposé par des facteurs structurels que les différents acteurs ont plus ou moins bien anticipé pour en tirer avantage ?

Selon Anatole Kaletsky, le « kal » de Gavekal, « le prix du pétrole va rester déprimé au moins pour toute l’année 2015, jusqu’à ce que les Saoudiens soient convaincus d’avoir fait suffisamment mal à leurs concurrents géopolitiques et économiques pour regagner leur pouvoir de fixer les prix. La grande question est maintenant de savoir si un prix autour de 50 dollars le baril, soit encore 10 à 15 % inférieur au niveau actuel, sera le plancher de la fourchette pour les années à venir, comme ce fut le cas entre 2005 et 2014, ou si 50 dollars s’installe comme le plafond d’une nouvelle fourchette basse, qui prévalait de 1986 à 2004 ».

Un élément essentiel est la modification structurelle du marché provoquée par la « révolution de l’huile de schiste » venue des États-Unis. Non seulement, elle contribue à l’excédent durable de l’offre sur une demande mondiale déprimée mais à une redistribution des rôles. Il est vrai que les coûts de production dans les plaines du Dakota sont très supérieurs à ceux du désert de la péninsule arabique, mais les investissements sont relativement modestes par rapport à l’exploration/production traditionnelle et l’extraction elle-même, bien plus flexible.

« Dans l’avenir, explique Anatole Kaletsky, les producteurs d’équilibre (swing producers) qui assurent l’équilibre global entre l’offre et la demande de pétrole seront les producteurs américains de pétrole de schiste plutôt que les responsables saoudiens. S’il y a une rationalité économique derrière l’action récente des Saoudiens, c’est bien de garantir que les producteurs à bas coûts de l’OPEP puissent pomper à pleine capacité, les producteurs américains réduisant leur production quand les prix sont bas pour la doper quand ils remontent. C’est pourquoi, sur le marché pétrolier du futur, le coût de production marginal des producteurs américains d’huile de schiste fixera le plafond des prix globaux, pas le plancher. »

Or, ce coût de production, en moyenne de 60 dollars le baril, mais parfois à peine 30, devrait encore baisser dans l’avenir. L’industrie est engagée dans une course technologique à la réduction des « intrants » (eau, produits chimiques) nécessaires à la fracturation. La mise de fond pour chaque puits est relativement modeste (de 2 à 7 millions de dollars), la durée de vie brève mais le taux de récupération de l’huile très élevé (jusqu’à près de 100 %).

Les producteurs d’huile de schiste américains sont donc probablement moins vulnérables à des cours tournant autour de 50 dollars que les exploitants de gisements, certes géants, mais qui nécessitent des investissements colossaux (déjà 36 milliards investis pour Kashagan en mer Caspienne, et ce n’est pas fini) et des prouesses technologiques (offshore très profond au Brésil ou dans le golfe de Guinée). En dessous de 90 dollars le baril, ces gisements pourraient rejoindre ce que Anatole Kaletsky appelle des « actifs échoués », à l’image de ces immenses réserves mondiales de charbon qui ne seront jamais exploitées. L’équipe de Kenneth Courtis évalue les investissements menacés à quelque mille milliards de dollars. Et cela inclut l’Arctique, y compris en Russie, et les sables bitumineux au Canada.

Poutine peut attendre ? Peut-être. Mais moins longtemps que les États-Unis dont l’économie diversifiée va bénéficier globalement de la chute des cours du brut, le secteur de l’énergie, et plus encore de la seule exploration/production (E/P), y tenant une place somme toute modeste. L’E/P pèse 2,5 % du PIB américain, 0,2 % de l’emploi, 3 % de la capitalisation du S&P 500 et même seulement 11,8 % du secteur des obligations à haut risque (junk bonds) qui ont financé une bonne part de l’investissement dans l’huile de schiste. À l’inverse, la chute des cours du brut va transformer la stagnation russe en récession brutale en 2015.

À noter enfin que dans cette partie de poker planétaire, les Européens, une fois de plus, ne sont même pas conviés à la table de jeu. Si leurs consommateurs et leurs entreprises peuvent espérer bénéficier du contre-choc pétrolier (à condition que les retombées ne soient pas captées par les prélèvements fiscaux de leurs États banqueroutiers, en France notamment, au nom de « l’environnement »), leurs dirigeants politiques apparaissent comme des spectateurs contraints et résignés d’un « show » qui se joue pourtant à leur porte. Pour pouvoir peser sur un prix aussi « politique » que celui de l’or noir, encore faudrait-il avoir des politiques communes adéquates : étrangère, de défense, d’énergie. Plus ça change…

 

 

Source : www.mediapart.fr

 

 

 

 

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3 janvier 2015 6 03 /01 /janvier /2015 18:23

 

Source : www.marianne.net

 

 

"Pacte" ou la responsabilité à sens unique
Samedi 3 Janvier 2015 à 14:00

 

David Nemtanu

 

"Les mots qui vont surgir savent de nous des choses que nous ignorons d’eux", écrivait René Char. Les mots qui ont surgi en 2014 en disent en tout cas long sur nous, notre monde et ses maux. Marianne.net a décidé de clore l'année en les passant en revue. Place aujourd'hui au "pacte".

 

REVELLI-BEAUMONT/SIPA/1401271546
REVELLI-BEAUMONT/SIPA/1401271546
Ca y'est! Il est là! Il était là, en tout cas... Le Pacte de Responsabilité devait restaurer la compétitivité de la France, relancer l’emploi, permettre à la France de grignoter quelques dixièmes de points de croissance… bref, désinhiber nos entreprises, et par la même occasion, notre économie. Dans cette optique, pas moins de 40 milliards d’euros de cotisations sociales étaient supprimés par l'Etat, au bénéfice des entreprises. Ces dernières devaient créer, en contrepartie, un million d’emplois dans les cinq ans , selon le Président du Medef, Pierre Gattaz… et même 2 millions , à écouter notre ex-Ministre du madeinfrance Arnaud Montebourg. 

Alors, qui dit mieux ? Devant les 2,5 millions de salariés concernés par la réforme, le Pacte créerait, en réalité, 700 000 emplois  en tout et pour tout... Moins impressionnant, d’un coup. 
 
Qu’en est-il, aujourd’hui ? Pas grand chose… Comme nous l’évoquions à Marianne, cette année, Hollande a fait preuve d’un fatalisme assez déconcertant sur le dossier, « attendant »  vaillamment que les patrons fassent leur boulot, sans leur imposer le début d'une contrainte. De son côté, le consciencieux néoministre de l’Economie, Emmanuel Macron, tablait sur ses réseaux pour impulser une dynamique… sans grand succès
 
Le « je t’aime, moi non plus » se transformera vite en un « je t’aime pas, moi aussi … »
Logiquement, une séquence « passes d’armes » s’en suivra entre le gouvernement et les grandes entreprises. Au point que le Premier Ministre, Manuel Valls, fustigeait, début décembre, les nombreuses « provocations » de certains dirigeants, « pas à la hauteur de leurs responsabilités. » Sans blague ?  
Et Bruno Le Roux, président du groupe PS à l’Assemblée Nationale, de dénoncer publiquement l’attitude de Pierre Gattaz, « un comportement peu citoyen ». Surtout qu'« un observatoire national tripartite » composé du patronat, des syndicats, et du gouvernement devait s'assurer, initialement en tout cas, que les entreprises ne profitent pas de ces allègements pour augmenter leurs dividendes, mais bien plutôt créer de nouvelles embauches ! 
Mais si ce n’était que ça... il se trouve que la communication gouvernementale pâtit (encore), quelques mois seulement après la mise en œuvre de la réforme : alors que Manuel Valls assurait, début décembre, que six accords sur des contreparties au pacte avaient déjà été signés, il n’en était plus question que de 2, selon Emmanuel Macron… et de 7, selon le Medef ! Dans tous les cas, ça fait bien peu par rapport aux 50 branches potentielles suivies par le Ministère du travail… D’autant plus que les syndicats CGT et FO, publiquement opposés au pacte, sont majoritaires au sein de plusieurs branches…  
 
Au final, ce combat à distance n’a pas abouti à grand chose, si ce n’est de constater l’échec cuisant du sacro-saint pacte de responsabilité. Rien que dans le secteur de la chimie, 45 000 emplois salariés devaient être crées sur trois ans..! Ce sont finalement 6300 postes supplémentaires annuels qui seront concernés jusqu’en 2018… 
 
Surtout qu’embaucher quelqu’un, c’est bien, mais l’embaucher pour de bon, c’est encore mieux ! Ce qui ne semble pas être la préoccupation majeure de nos patrons, à en croire le secrétaire national CGT de la Fédération nationale des Industrie chimique (FNIC), Carlos Moreira. Dans nos colonnes, au mois de juillet, celui-ci rappelait déjà que les entreprises françaises respectaient à moitié le pacte, en jouant sur la durée des embauches. Un frein, autrement dit, à la stabilité de l’emploi, et donc à la baisse du chômage…  
 
Dès lors, peut-on assister, en 2015, à un « Pacte de responsabilité 2 », encore plus ambitieux que le « Pacte de responsabilité 1 », lui-même plus ambitieux que le CICE, lui même plus ambitieux que le rapport Attali de 2010 ? Si vous souhaitez encore des passes d’armes, encore des annonces sans lendemain, n’hésitez pas, attendez 2015 ! 

 

 

Source : www.marianne.net

 

 

 

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3 janvier 2015 6 03 /01 /janvier /2015 18:02

 

Source : rue89.nouvelobs.com

 

Le grand entretien 03/01/2015 à 18h24
Antonio Casilli : peut-on encore aimer Internet ?
Xavier de La Porte | Rédacteur en chef Rue89
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On a beaucoup cru en Internet, et Internet nous déçoit : prolifération des extrémismes, géants économiques arrogants, surveillance de masse... Alors, peut-on encore aimer Internet ?

A Rue89 comme ailleurs, nous avons beaucoup cru en Internet. Dans les vertus du participatif qui allait mettre en relation journalistes et lecteurs et renouveler le traitement de l’information. Dans le pouvoir politique du Web qui allait changer les techniques de lutte et imposer de nouveaux rapports de force avec les gouvernements. Dans la force émancipatrice des réseaux qui allaient ouvrir au savoir, à la discussion, à de nouvelles prises de parole. Dans leur inventivité sociale qui allait améliorer notre manière de travailler, d’être en relation avec les autres.

Et puis voilà. en ce début d’année, on ne peut que compter les désillusions : des sites d’informations ferment les commentaires parce qu’ils sont sans intérêt ou trollesques, les gouvernements gouvernent à peu près comme avant et installent des systèmes de surveillance de masse de leur population, Facebook est une pompe à publicité, la morgue d’Uber éteint la croyance en l’économie du partage, le Web pullule de nazillons et de conspirationnistes. Et de plus en plus de voix, même parmi les plus grands défenseurs de l’Internet, s’élèvent pour regretter ce qu’il est devenu.

Bref, on déprime. et on se demande si on peut encore aimer Internet.

Alors, on a voulu en discuter avec un défenseur de l’Internet, un défenseur lucide mais enthousiaste : Antonio Casilli, qui enseigne la sociologie à Télécom Paris-Tech et qui est l’auteur de « Les Liaisons numériques » (Paris, Seuil, 2010).

On a commencé franco.


Antonio Casilli « Les liaisons numériques »

Est-ce qu’on peut encore aimer Internet ?

Oui, bien sûr. D’ailleurs, la question est assez épatante. Si on examine les critiques qu’on fait à Internet aujourd’hui, on retrouve le même répertoire qu’il y a une quinzaine d’années. Je ne vois pas un glissement profond de nos sensibilités qui pousserait vers une désillusion ou un rejet.

Comment alors expliquez-vous que des personnes qui ont été des pionniers de l’Internet, et donc de ses grands défenseurs au début – je pense à des gens comme Jaron Lanier, Sherry Turkle ou Lawrence Lessig – tiennent aujourd’hui des propos très durs sur ce qu’est devenu Internet ?

Je pourrais vous répondre au cas par cas.

Jaron Lanier a été un pionnier d’Internet, mais surtout de la réalité virtuelle. Sa désillusion est aussi une désillusion commerciale. Ce n’est pas son paradigme qui s’est imposé, celui qui aurait voulu qu’on soit très équipé, dans un contexte immersif. Aujourd’hui Oculus Rift et les casques 3D semblent ouvrir cette voie, mais de manière complètement différente. Et il a fallu attendre tout ce temps...

Sherry Turkle, c’est autre chose. Quand elle écrivait dans les années 80 et 90  « Life on the screen » et les autres livres qui l’ont rendue célèbre, elle n’était pas enthousiaste à 100% . Quant à son dernier livre, « Alone together », il a été présenté comme extrêmement négatif, mais elle ne dit rien d’autre que : « Internet reconfigure notre manière de vivre la solitude. » So what ? Oui, bien sûr, elle a raison. Internet modifie notre sociabilité. En creux, je développe le même argument dans « Les Liaisons numériques », sauf que je me concentre sur l’amitié et les relations, et pas sur la solitude.

Un point commun, ils sont américains

Et puis tous ces gens dont vous me parlez, ils ont un point commun, ils sont américains. Là, Il faut prendre en compte le choc culturel que c’est pour eux de se confronter à un Internet qui parle chinois, à un Internet qui parle russe, à un Internet européen ou africain. Ils ne sont pas complètement prêts à accepter.

Prenez, par exemple, la manière dont la Chine envisage Internet. Ce principe consistant à dire « on bloque tout ce qui vient de l’extérieur et on reconstruit en interne » est impensable pour quelqu’un comme Lawrence Lessig qui avait participé à la naissance d’un Internet où tout le monde est connecté avec tout le monde et où il n’y a plus de frontière.

D’accord, mais parlent-ils vraiment de ça quand ils s’inquiètent de ce qu’est Internet aujourd’hui ? N’est-ce pas plutôt une crainte des effets de la massification ?

Initialement, Internet se composait en grande majorité de gens provenant du milieu universitaire, dont les niveaux socio-économique ou socio-culturel étaient très élevés. C’est vrai qu’avec la massification de son usage, Internet se démocratise. On commence à voir un Internet qui est littéralement plus pauvre, comptant plus de gens issus des milieux populaires, qui arrivent avec leurs revendications, leurs besoins, leurs orientations. Parfois, ces pionniers ont du mal à l’accepter, c’est certain. Ça peut compter dans leur rejet de l’Internet contemporain.

Pour autant, incriminer leur élitisme est un peu facile. Parce qu’on a le sentiment qu’Internet n’est pas seulement le lieu où s’expriment désormais les tensions de la société dans son ensemble, ce qui serait acceptable, mais qu’il en exagère les traits, qu’il est devenu le lieu où se rassemblent tous les extrémismes, qui favorise tous les complotismes et les comportements les plus agressifs.

Derrière ce que vous dites, il y a deux préjugés qu’il faut discuter.

Le premier consiste à considérer qu’Internet favorise les rassemblements de gens qui pensent la même chose, pour le meilleur et pour le pire. C’est loin d’être certain.

En sociologie de l’Internet, on se pose depuis longtemps une question à laquelle on ne trouve pas de réponse cohérente : Internet nous enferme-t-il dans nos croyances ou nous ouvre-t-il à l’autre en nous exposant à une variété d’expériences et de trajectoires de vie qui nous enrichit ? On a tendance à considérer qu’il favorise la reproduction de l’entre-soi.

Et là, on incrimine les solutions socio-technologiques trouvées par les plateformes elles-mêmes – type l’algorithme de recommandation de Facebook qui nous met constamment face à des choses proches de ce que nous avons déjà « liké » et renforce nos orientations. Donc Internet tendrait à ce qu’on appelle l’« homophilie », le fait qu’on a tendance à s’associer avec des personnes qui partagent avec nous certaines caractéristiques – genre, âge, niveau socio-économique ou langue.

Internet exagère-t-il cette tendance à l’homophilie ou l’inverse ? On ne le sait pas encore. Il y a autant d’indicateurs qui vont dans les deux sens. Donc il n’est pas du tout certain qu’Internet soit un lieu où se créent seulement des abcès politiques. Il se pourrait aussi bien que, globalement, ce soit un lieu d’ouverture à d’autres opinions.


Antonio Casilli, décembre 2014 (Oriana Perrot/Rue89)

Second préjugé, celui qui concerne les codes de communication, et l’idée que sur Internet, on parle sans filtre. C’est une question compliquée.

On dit souvent de la communication sur Internet qu’il s’agit d’une communication écrite qui reproduit certains traits de la communication orale, une communication qui passe par l’écrit, donc, mais sans les rigueurs de l’écrit en termes d’argumentation, de niveau langue, de syntaxe etc. Oui, certes. Mais il faut ajouter que la communication sur Internet reproduit ces élements de la parole qu’on appelle « phatiques » – tous ces mots comme « Allô », qui n’apportent pas d’autre information que de signaler une présence, qui ne disent rien d’autre que « Je suis disposé à te parler ».

La communication internet regorge de ces éléments phatiques : la boule verte qui dit que je suis disponible pour tchater, le « like », le « poke », mais aussi le simple fait de retweeter ou d’ajouter à ses favoris.

Cette communcation phatique devient de plus en plus omniprésente, et le malentendu peut s’installer. En effet, elle renvoie constamment à l’autre la responsabilité d’interpréter ce que je suis en train de dire. Que suis-je en train de dire quand je « like » un contenu sur Facebook ? Si je retweetee un message ambigu sur Twitter, suis-je en train d’y adhérer ? Parfois, non. Le fait de retweeter un message peut complètement inverser son sens. Et ces glissements de sens peuvent entraîner des réactions fortes.

Donc Internet est moins le lieu d’une communication agressive, que celui d’une communication ambiguë, complexe, créatrice de malentendus, et pour laquelle nous n’avons pas encore tous les codes.

Plus spécifiquement, comment expliquez-vous le fait que les journaux, après avoir ouvert les commentaires sous leurs articles, réfléchissent parfois à les fermer, quand ils ne le font pas déjà ? N’est-ce pas là le renoncement à une utopie première de l’Internet, qui rêvait d’une coproduction de l’information par les journalistes et les lecteurs ?

Je pense que le problème ne réside pas dans le participatif en tant que principe, mais dans le modèle qui s’est imposé, à savoir le modèle texte + commentaires. Ce modèle est basé sur un malentendu. Il donne l’illusion d’une participation alors qu’il créé une ligne imaginaire séparant une parole autorisée (l’article), d’une parole moins autorisée car filtrée, encadrée, transformée (les commentaires). Avec derrière, l’idée qu’il faudrait que les commentateurs soient au diapason de la sensibilité du média (diapason politique, morale). Du coup, les médias filtrent. Mais en filtrant, ils disent que la seule parole autorisée émane de la rédaction, le reste étant une parole par essence problématique.

Le problème fondamental est à mon sens que le dispositif n’est pas bon. C’est une machine à moudre les opinions. Le commentateur est invité à dire « oui » ou « non » à ce que l’article propose, mais il ne peut pas recadrer la question qui est posée au risque d’être qualifié de « hors sujet », et donc d’être filtré car « non pertinent ».

Ça vaut dans le journalisme, mais ça vaut ailleurs aussi. Pensons aux marques. Depuis 15 ans, les marques cherchent non pas à être un produit ou un service, mais à être une conversation. Mais quel type de conversation sont-elles ? Quand Apple lance un nouveau produit, la marque s’attend à avoir 50% de gens qui sont pour et 50% de gens qui disent qu’Apple c’est affreux, tout simplement parce que c’est Apple. Les gens d’Apple sont prêts à ce type de conversation polarisée. Mais toute personne qui interviendrait pour dire « Apple n’est pas le problème, ce sont les sytèmes propriétaires qui sont le problème » n’aurait pas droit de citoyenneté dans la discussion.

Et c’est pour cela que dans les pages de commentaires sur Amazon, sur le Boncoin ou que sais-je, les messages sont du type « oui » ou « non », mais ne font pas de critique radicale. Si j’ai une critique radicale vis-à-vis d’Apple, je vais sur un forum consacré au logiciel libre.

Si je comprends bien, le participatif est certes une désillusion, mais pas à cause des gens qui participent, plutôt à cause des dispositifs de prise de parole ?

C’est ça. On a trouvé des dispositifs qui sont structurellement biaisés, chacun dans un sens précis. Dans mon travail, je m’intéresse à trois types de dispositifs : les forums, les commentaires et les plateformes de flux comme Facebook ou Twitter. Dans chacun, la participation se fait de manière différente et la partie sombre de la participation se manifeste aussi de manière très différente.

  • Les grandes controverses qui ont lieu sur les forums depuis les années 80, et aujourd’hui sur Wikipédia, peuvent être violentes mais ce sont des controverses classiques, habermassiennes si je puis dire, avec des paroles reconnaissables, des arguments souvent rationnels – et qui, s’ils ne sont pas rationnels, se font traiter de trolls et sont exclus de la conversation. Tout y est enregistré avec un souci de documentation de la controverse parce que la controverse est considérée comme légitime.
  • C’est très différent avec les commentaires : on ne garde pas les commentaires qui ne sont pas légitimes. On jette les commentaires hors de propos. En revanche, on archive le texte journalistique.
  • Quant à la participation par le flux, c’est un autre contexte. La participation est encore plus rapide, plus éphémère, plus phatique, moins basée sur des éléments rationnels, sur la reconnaissabilité de la personne qui porte la parole. C’est un autre trouble de la participation, un effet de foule. On peut se faire troller par 10 000 personnes en même temps.

Mais on est dans un moment de rélexion profonde sur ces dispositifs, c’est bon signe.

Est-ce qu’il n’y pas aussi la déception d’un espoir politique ? Parce qu’on pensait qu’Internet allait permettre d’organiser de manière différente les mobilisations – il y a eu des exemples de réussite, mais tellement contrebalancés par la mise en place des systèmes de surveillance qu’on ne sait pas si c’est un bénéfice véritable. Parce qu’on pensait aussi qu’il allait changer le rapport des citoyens à leurs représentants – et là aussi on a le sentiment que la vie politique de pays comme la France n’a pas été bouleversée radicalement. Vous trouvez des raisons de vous réjouir ?

En fait, on est dans une situation enviable. Si on parle d’espoir politique, c’est qu’on considère qu’il y a quelque chose de réalisable. Il s’agit de se donner les moyens.

Mais je partage une certaine désillusion vis-à-vis des discours qu’on a entendus par exemple sur les révolutions dites « Twitter » ou « Facebook ». Ca fait 20 ans qu’on a des mouvements sociaux qui sont assistés par Internet, mais ce n’est pas la solution magique. On le sait maintenant.

Ce moment d’aveuglement nécessaire

En même temps, prenons un peu de recul. Dans n’importe quel choix et n’importe quelle prise de décision politique, il y a un niveau d’aveuglement nécessaire, un moment de folie où on accepte de faire quelque chose tout en sachant que ce n’est pas la solution parfaite. Dans tout mouvement politique, il y a des moments où on dit « arrêtons de discuter, faisons, et on verra après ».

Nous avons eu ce moment d’aveuglement nécessaire, ce moment où nous avons cru aveuglément en Internet, et les conséquences de ce moment ne sont pas négligeables. Car si le but, consistant par exemple à établir les conditions d’un débat vraiment démocratique, n’est pas encore atteint, nous avons tout de même fait le premier pas consistant à considérer ce but comme souhaitable.

C’est un peu grâce à Internet si on considère comme souhaitable l’« empowerement » citoyen, la transparence, l’ouverture des données, la rupture d’équilibres hérités du 19ème siècle, la remise en cause des logiques défectueuses de la représentativité en politique. On a eu le moment d’aveuglement nécessaire. Un premier pas a été franchi. Bien sûr, la réalité est moins parfaite que souhaitée, il y a encore beaucoup de travail. Mais quelque chose s’est passé.

Politiquement, Internet n’est donc pas si décevant que ça ?

Ce qui m’insupporte au plus au degré, c’est l’alarmisme et la panique morale qui s’installent d’un côté ou de l’autre. Chez ceux qui voudraient conserver les vieux équilibres et qui disent qu’Internet, c’est le triomphe de l’anarchie (si seulement c’était vrai...). Et chez ceux qui y voient seulement le triomphe de la surveillance. Ces types d’alarmisme et de clivage manichéen desservent tout progrès politique.

La question principale, c’est de s’interroger sur les éléments valorisants dans l’Internet actuel. A tous les points de vue : politique, culturel et social. Et parfois, on trouve de l’enrichissement, même dans des endroits où on ne l’attendait pas.

Par exemple ?

Dans les comportements disruptifs des internautes. Même les commentaires méchants contiennent parfois des graines d’enrichissement ou de changement de perspective qu’il ne faut pas sous-estimer.

Dans certaines actions semi-légales ou illégales, qui sont très intéressantes. Tout ce qu’Internet nous propose en termes de collectivisation plus ou moins forcée de l’information, des ressources, des contenus. C’est problématique, mais on le fait tous les jours. A chaque fois qu’on partage un article payant sur Facebook. Et on le fait de manière plus structurée quand on organise des fuites, comme Aaron Swartz l’avait fait avec des articles scientifiques propriétaires, ce qu’il a payé de sa vie d’ailleurs. Le pair-à-pair en général s’inscrit dans cette logique de collectivisation. Et si on pousse la logique de l’illégalité jusqu’au bout, ce qu’on a vu depuis cinq ans avec les fuites qui ont eu lieu dans les entreprises, mais aussi dans les Etats, est très impressionnant. Surtout parce qu’il s’agit de personne qui ont pour but de mettre en commun.

On peut relire sous cet angle l’histoire du piratage de Sony. Les spin doctors de Sony l’ont présentée comme une tentative de censure d’un navet. Il s’agissait au contraire d’une collectivisation de la base mail de Sony. Le patrimoine informationnel énorme d’une multinationale de l’industrie culturelle a été mis en commun.

Prenons un autre champ, celui de la surveillance. Encore une raison de ne pas aimer Internet, qui est devenu le moyen par lequel s’exerce le plus facilement la surveillance des populations.

C’est vrai que s’est mis en place un grand système de « surveillance participative », les internautes se surveillant entre eux. Là, il y a un changement de paradigme. La surveillance n’est plus centralisée, mais s’appuie sur la responsabilité et le choix cognitif de l’utilisateur qui doit non seulement se surveiller lui-même mais aussi surveiller les autres (les « like », les share).

Mais il y a aussi, depuis 2013, de grands changements institutionnels. Ce qui se passe du côté des Etats est complètement paradoxal. D’un côté se multiplient les initiatives d’Etats démocratiques pour chercher à contrer un certain type de surveillance de masse qui passe par les grandes multinationales américaines, tout en cherchant à se faire de son côté sa petite NSA. On le voit par exemple en France, en Australie, en Grande-Bretagne. Entre 2013 et 2014, ces trois pays ont voté trois lois liberticides : comme la Loi de programmation militaire en France et la Drip au Royaume-Uni, qui sont des dispositifs de surveillance de masse autorisée très similaires au système mis en place par la NSA aux Etats-Unis.

Mais je ne suis pas pessimiste parce que je vois trop d’indicateurs qui montrent des réactions, surtout depuis 2013 et les révélations Snowden.

Je vois une montée incroyable des sensibilités vers la cryptographie, vers les VPN (réseaux privés virtuels), vers Tor ; et même les changements apportés par les grandes plateformes comme Amazon, Facebook ou Google qui ont compris – pour des raisons commerciales évidemment – qu’elles doivent être compétititives sur le plan de la vie privée. Aujourd’hui, on peut accéder à Facebook via Tor, les mails de Google sont cryptés. Mises face à leur lourde responsabilité dans le système de surveillance de masse mis en place par les Etats, elles ont dû réagir.

Un autre domaine très décevant, l’économie. On est dans un moment étrange où on se retrouve à prendre la défense de systèmes pas satisfaisants parce que ce qui nous arrive par l’économie dite « du partage » est encore pire. On pensait que le numérique allait apporter de nouvelles manières de travailler plus émancipatrices et épanouissantes et au contraire, ce qu’on voit se profiler c’est un nouveau nouvel esprit du capitalisme, qui n’a rien à envier aux précédents. Car derrière le cool, le flou des limites entre vie personnelle et vie professionnelle, ce sont de nouvelles formes d’aliénation qui se font jour.

Certes. si l’on exclut les initiatives vraiment contributives et non marchandes, ce qu’on appelle « économie du partage » est en fait une économie « à la demande », une économie où on cherche à faire de la production de service à la demande en optimisant la chaîne logistique et en se basant sur un système de captation de la générosité des foules.

Ce qui m’impressionne, c’est que le discours politique qui se produit autour de l’ébranlement de certains grands secteurs de l’économie traditionnelle – transport urbain avec Uber, hôtellerie avec Airbnb – ressemble beaucoup aux types de débats qu’on avait au début des années 80 avec le thatchérisme. Le thatchérisme, c’était la privatisation de tout pour pallier l’inefficacité des structures existantes. On connaît très bien les conséquences de ce type de logique sur la société anglaise. L’uberisme, c’est du thatchérisme 2.0 : optimisation des chaînes productives, avec un discours de la prospérité généralisée, de la relance de la croissance, du bien-être du consommateur.

Mais est-ce que l’avoir vécu dans les années 80 nous en protège aujourd’hui ?

Non. Sur ce point, je suis pessimiste, parce qu’on n’a pas reconnu encore que c’était la même logique qui était à l’oeuvre. Car c’est bien de cela qu’il s’agit dans ce versant marchand de l’économie du partage : ce sont des économies de la privatisation extrême.

Regardez un service d’aide à domicile comme TaskRabbit (quelqu’un se met à votre service pendant trois heures pour vous monter une étagère pour 10 euros). Qui s’occupe de la retraite de ces gens ? De leurs cotisation sociale ? De leur assurance maladie et accident ? De leur formation ? Ça c’est de la privatisation, sous le label du partage, alors qu’il existe par ailleurs une vraie économie du partage qui souffre de voir sa réputation ternie.

Mais on voit se développer des mouvements corporatistes qui indiquent que des corps intermédiaires et des structures collectives existent toujours. Et ce sont eux qui peuvent freiner ces logiques de privatisation sauvage.

Par ailleurs, et au-delà, l’économie numérique a créé des entités inquiétantes. Google était peut-être admirable au début des années 2000. Aujourd’hui Google X a des projets sur le vivant, Google lorgne du côté de l’industrie militaire et Eric Schmidt, dans son livre avec Jared Cohen, propose de se substituer aux Etats pour garantir un meilleur ordre mondial. Comment aimer un monde qui a créé un tel monstre ?

Si on ne considère la question que sous l’angle de l’abus de position dominante, on peut dire qu’on a connu cette situation dans les décennies passées avec Microsoft et IBM par exemple. Et on a trouvé des manières de composer avec eux. Dans le cas de Microsoft, ce sont des décisions de justice américaines qui ont cassé la logique de monopole.

Mais c’est vrai qu’aujourd’hui, il n’y a pas de volonté politique aux Etats-Unis d’aller dans ce sens contre Google. Pour la simple raison que la campagne Obama a largement été financée par Google.

Mais ailleurs qu’aux Etats-Unis, il en va autrement. Chacun à leur manière, la Russie, la Chine et l’Europe essaient de casser ces oligopoles.

Malheureusement, les uns et les autres cherchent à remplacer ces monopoles américains par des monopoles nationaux. C’est dangereux. Ce qu’il faudrait faire, et que d’autres cherchent à faire, c’est de rééquilibrer le pouvoir dans le marché. Ca donne des initiatives très minoritaires mais intéressantes qui consiste, par exemple, à essayer de « dégoogliser » Internet.

C’est drôle, parce qu’à toute critique que l’on adresse à Internet, vous répondez : globalement, ça va pour le mieux, mais quand on regarde dans le détail, on voit des initiatives minoritaires et intéressantes qui vont dans un meilleur sens. On en est donc réduit à ça ? A la croyance dans les petites initiatives minoritaires ? C’est beau, mais pas très rassurant.

Si je parle de ces petites initatives, c’est parce qu’il y a un foisonnement de petites choses très intéressantes. Et je ne parle que de ce que je connais, qui est minuscule par rapport à ce qui existe.

Il se passe des choses très intéressantes en Afrique, avec Ushahidi notamment. En Chine avec des activistes et des militants qui cherchent à casser la logique non seulement de la censure mais aussi des grands géants type Alibaba ou Baidu. Même chose en Russie.

Il faut trouver des manières de réglementer les géants industriels, d’imposer la transparence aux gouvernements, tout en garantissant le contraire de ça pour les petites collectivités et les individus. C’est la logique initiale du Parti pirate. Les individus doivent avoir un droit à l’opacité, à la vie privée, alors que les gouvernements doivent avoir un devoir de transparence.

Il faut réglementer les grandes entreprises industrielles pour donner plus de liberté et garantir l’autonomie des individus. C’est cette opposition qui est significative, et pas celle qui consiste à mettre en regard les grands trucs de masse avec les petits trucs de niche.


Antonio Casilli, décembre 2014 (Oriana Perrot/Rue89)

Si je comprends bien : il faut avoir un discours critique sur ce qu’est l’Internet d’aujourd’hui, mais il faut investir dans la compréhension, la valorisation et la promotion des inititiatives.

Oui, ces initiatives issues de la société civile d’Internet et de la société civile qui passe par Internet. Je suis extrêmement critique, mais je ne suis pas pessimiste.

Qui peut se permettre d’être pessimiste ? Toutes les personnes qui se sont penchées sur Internet trop récemment et qui ne connaissent que l’Internet de la fin des années 2000 et du début des années 2010, qui est en effet caractérisé par un ensemble de tensions fortes et exige de passer à l’action, ou au moins de prendre des positions fermes.

Les autres pessisimistes sont ceux qui ont toujours eu une foi inébranlable – par exemple ceux que vous citiez au début : Turkle, Lanier, Lessig et tous les autres – dans une sorte de grand récit du progrès : « Internet est arrivé, les lendemains qui chantent sont pour aujourd’hui. Il faut juste s’assoir face à son écran et laisser la magie opérer. » Non. Au contraire. Je n’ai jamais cru en ce grand récit. L’Histoire est faite de tensions. Ces tensions existent toujours. Elles existaient dans les années 80, elles existent encore aujourd’hui. Et je pense d’ailleurs que les oppositions sont toujours les mêmes : les clivages anonymat/identification, liberté/surveillance, libéralisme/régulation.. tout ça avait déjà lieu avant Internet. La lutte continue.

 

 

Source : rue89.nouvelobs.com

 

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3 janvier 2015 6 03 /01 /janvier /2015 17:54

 

 

Source : www.mediapart.fr

 

Le Club Med bientôt chinois

|  Par La rédaction de Mediapart

 

 

 

La bataille entre Guo Guangchang et Andrea Bonomi avait conduit les deux rivaux à envisager un prix d'acquisition sans lien avec l'état de santé du Club Med : le groupe perd de l'argent depuis plusieurs années, son exercice 2013-2014 s'étant achevé sur une perte nette de 12 millions d'euros.

L'homme d'affaires italien Andrea Bonomi a annoncé, vendredi 2 janvier, à travers sa société Global Resorts, qu'il renonçait à contrer l'offre du conglomérat chinois Fosun pour racheter le Club Méditerranée. « Après avoir analysé attentivement la situation de l'offre publique visant les titres de la société Club Méditerranée SA et, en particulier, les niveaux de valorisation atteints pour la société, le conseil d'administration de Global Resorts SAS a décidé de ne pas surenchérir et, en conséquence, a l'intention de retirer son offre », indique-t-il dans un communiqué.  

« En tant qu'investisseur institutionnel, Global Resorts estime que la situation actuelle et les niveaux de valorisation ne permettent plus de considérer que le Club Med constitue une opportunité d'investissement », déclare Andrea Bonomi, cité dans le document.

La bataille entre Guo Guangchang et Andrea Bonomi avait conduit les deux rivaux à envisager un prix d'acquisition sans lien avec l'état de santé du Club Med : le groupe perd de l'argent depuis plusieurs années, son exercice 2013-2014 s'étant achevé sur une perte nette de 12 millions d'euros.

Gaillon II, le véhicule d'investissement mis en place par Fosun, propose désormais 24,60 euros par action pour acquérir le Club Med. M. Bonomi proposait, lui, 24 euros. La nouvelle offre de Fosun valorise le Club Med à 939 millions d'euros. En mai 2013, Fosun, alors associé au fonds Ardian (ex-Axa Private Equity), s'était lancé à l'assaut du Club avec une offre de 17 euros par action.

L'offensive de Fosun avait reçu le soutien de la direction du Club Med et tout particulièrement du PDG, Henri Giscard d'Estaing, qui avait pourtant juré, à l'origine, que son groupe devait garder une majorité du capital entre des mains françaises.

 

 

Source : www.mediapart.fr

 

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3 janvier 2015 6 03 /01 /janvier /2015 17:04

 

Source : www.mediapart.fr

 

Affaire Piketty : histoire d’une amnésie collective

|  Par Hubert Huertas

 

 

 

L’affaire Piketty ne se résume pas à une histoire de breloque et de vanités. Elle est un symbole ravageur. Elle ne parle pas d’un homme qui refuse une médaille, mais d’un chef de l’État qui ne tient pas sa parole. C’est ce face-à-face avec soi-même qui donne son côté accablant à une affaire au départ insignifiante.

Des artistes, des savants, des acteurs publics qui refusent la légion d’honneur, il y en a des dizaines, pour des motifs les plus divers. L’indépendance, comme Edmond Maire l’ancien patron de la CFDT, la protestation, comme la chercheuse Annie Thébaud-Mony en 2012, la colère, comme Hector Berlioz à qui l’Etat devait de l’argent, le haussement d’épaules comme le dessinateur Jacques Tardy en 2013, ou Georges Brassens en son temps, se moquant du “fatal insigne qui ne pardonne pas”, ou Léo Ferré dénonçant “ce ruban malheureux et rouge comme la honte”. Claude Monet, Georges Bernanos, Jean-Paul Sartre, Simone de Beauvoir, Albert Camus, Georges Sand, Pierre Curie, à chaque refus son anecdote et son bon mot.

La différence avec Piketty, c’est que l’Etat n’a pas écrit de roman avec Georges Sand, n’a pas cherché avec Pierre Curie, n’a pas chanté avec Brassens ou Ferré, ni dessiné avec Tardy, alors que le candidat François Hollande n’avait à la bouche que “la grande réforme fiscale” inspirée par un économiste en vue, dont le nom circulait sur toutes les lèvres.

Thomas Piquetty, dans la campagne victorieuse de François Hollande, de l’automne 2011 au printemps 2012, ce n’était pas un conseiller parmi tant d’autres, c’était l’inspirateur, et la caution. La preuve que les quelques hardiesses économiques du candidat n’étaient pas improvisées. Si l’équipe entourant le futur président, et si le candidat lui-même promettaient d’agir sur la relance en pleine période de crise, c’est qu’une répartition plus juste de l’argent public recueilli par l’impôt allait créer un choc de confiance. A chaque question sur le déficit, ou sur la faisabilité de telle ou telle mesure, François Hollande répondait par “la grande réforme fiscale”, et cette grande réforme fiscale, avec, entre autre, la fusion de la CSG et de l’Impôt sur le revenu, était issue des travaux de Thomas Piketty...

“Piketty” c’était le Sésame, un mélange de magie et de science...  La réponse globale et la réponse à tout.

Après les élections, la réponse globale s’est transformée en une succession d’ajustements qui ne répondaient qu’aux exigences de la droite et des organisations patronales, et le Sésame fut renvoyé à ses chères études, ses conférences, ses critiques, puis son best-seller mondial, tandis que le nouveau Président se consacrait aux 20 milliards d’allègements de charge du CICE, puis aux 40 milliards du pacte de responsabilité.

La grande réforme fiscale fut vaguement évoquée par Jean-Marc Ayrault en décembre 2013 avant d’être définitivement enterrée par la nomination de Manuel Valls au printemps 2014.

Si bien que l’attribution de cette Légion d’honneur apparait, au seuil de 2015, comme une brassée fleurs et de couronnes jetée sur la tombe d’une promesse, plutôt que l’aboutissement d’une carrière au service de la Nation...  Geneviève Fioraso, la secrétaire d’Etat chargée de l’enseignement supérieur, à l’origine de cette proposition, aurait pu deviner que cette “récompense” ne chatouillerait pas la vanité du bouillant Piketty, mais l’agacerait plutôt.

Elle n’a pas réalisé. Elle n’a pas mesuré la dimension symbolique de cette décision à priori anecdotique, et elle n’est pas la seule. Quand l’affaire a éclaté, c’est tout le gouvernement qui a semblé frappé d’amnésie. Piketty n’était plus l’homme qui avait travaillé avec les ministres d’aujourd’hui, autour du candidat devenu Président, il était un intello, une espèce d’allumé, une star de l’édition dont on moquait les caprices…

Pour l’excellent Stéphane Le Foll, porte parole du gouvernement, il y a d’un côté quelqu’un “qui a des idées intéressantes mais qui est un chercheur dans son bureau, qui fait des calculs”, et de l’autre “la politique, qui est confrontée à la réalité”. Ah bon… Donc François Hollande ne faisait pas de politique pendant sa campagne présidentielle !

Pour le secrétaire d’Etat Thierry Mandon, la réforme fiscale de Thomas Piketty est simplement inapplicable. Ah bon… Une réforme peut donc être inapplicable et promise à la fois !

Pour Axelle Lemaire, Secrétaire d’Etat chargée du numérique, Thomas Piketty “confond peut-être le fait qu’une légion d’honneur est une récompense pour un mérite reconnu par la Nation, et pas une adhésion à une politique économique”... Ah bon. Donc François Hollande n’adhérait pas au discours de sa campagne.

De bout en bout, de l’attribution de la médaille aux éléments de langage distillés dans les médias, le gouvernement et le Président se retrouvent confrontés à eux-mêmes, dans une sorte d’amnésie collective, et c’est ce face à face avec soi-même qui donne son côté accablant à cette affaire au départ insignifiante.

Pire encore. En opposant le mauvais coucheur Piketty au bon récipiendaire Jean Tirole, prix Nobel d’Economie qui a accepté la médaille, les ministres confirment leur virage politique, c’est à dire la “trahison” que leur reproche le Front de gauche, la plupart des écologistes, et les frondeurs du PS. Car Tirole, pour Nobelisé qu’il soit, n’est pas un homme de gauche. Il a du frémir au discours du Bourget (“mon ennemi c’est la finance”) inspiré par Piketty. Jean Tirolle, le nouveau compagnon de route, est d’abord un libéral, et c’est lui le bon élève.

Pour compléter le tableau notons encore ce “détail” de l’histoire... L’année éditoriale de la France a été marquée par deux livres. La vengeance de Valerie Trierweiller, et les errances d’Eric Zemmour. Tout le monde en parle parce qu’ils se sont beaucoup vendus. Le succès de Zemmour serait même un symptôme de l’extrême-droitisation de la société française. Or Piketty, dans un pavé de 900 pages publié en 2013, un ouvrage exigeant qui démonte les excès d’un libéralisme tout puissant en Europe, a vendu trois fois plus, et que trouve à déclarer le gouvernement PS, vexé : que cet économiste ferait mieux de retourner à ses chères études.

Si ce n’est pas un divorce, c’est carrément une fracture.   

 

 

Source : www.mediapart.fr

 

 

 

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2 janvier 2015 5 02 /01 /janvier /2015 18:31

 

Source : www.liberation.fr

 

 

 

 

2015 : quels chocs pour faire bouger l’Europe ?
29 décembre 2014 à 18:06 (Mis à jour : 2 janvier 2015 à 14:18)

 

L'auteurThomas PIKETTYThomas PIKETTY directeur d’études à l’EHESS et professeur à l’Ecole d’économie de Paris.

 

Le plus triste, dans la crise européenne, est l’entêtement des dirigeants en place à présenter leur politique comme la seule possible, et la crainte que leur inspire toute secousse politique susceptible d’altérer cet heureux équilibre.

La palme du cynisme revient sans doute à Jean-Claude Juncker, qui depuis les révélations LuxLeaks explique tranquillement à l’Europe ébahie qu’il n’a eu d’autre choix, lorsqu’il était à la tête du Luxembourg, que de siphonner la base fiscale de ses voisins : l’industrie déclinait, voyez-vous, il fallait bien trouver une nouvelle stratégie de développement pour mon pays ; que pouvais-je donc faire d’autre que de devenir l’un des pires paradis fiscaux de la planète ? Les voisins, en prise eux aussi avec la désindustrialisation depuis des décennies, apprécieront.

Aujourd’hui, il ne suffit plus de s’excuser : il est temps de reconnaître que ce sont les institutions européennes elles-mêmes qui sont en cause, et que seule une refondation démocratique de l’Europe permettrait de mener des politiques de progrès social. Concrètement, si l’on veut vraiment éviter que de nouveaux scandales LuxLeaks ne se reproduisent, il faut sortir de la règle de l’unanimité en matière fiscale, et prendre toutes les décisions concernant l’imposition des grandes sociétés (et idéalement des plus hauts revenus et des plus grandes fortunes) suivant la règle de la majorité. Et si le Luxembourg et d’autres pays le refusent, cela ne doit pas empêcher les pays qui le souhaitent de constituer un noyau dur avançant dans cette voie, et de prendre les sanctions qui s’imposent contre ceux qui continuent de vouloir vivre de l’opacité financière.

La palme de l’amnésie revient quant à elle à l’Allemagne, avec la France en fidèle second. En 1945, ces deux pays avaient une dette publique dépassant 200% du PIB. En 1950, elle était tombée à moins de 30%. Que s’est-il passé, aurait-on soudainement dégagé les excédents budgétaires permettant de rembourser une telle dette ? Evidemment non : c’est par l’inflation et la répudiation pure et simple que l’Allemagne et la France se sont débarrassés de leur dette au siècle dernier. S’ils avaient tenté de dégager patiemment des excédents de 1% ou 2% du PIB par an, alors on y serait encore, et il aurait été beaucoup plus difficile pour les gouvernements de l’après-guerre d’investir dans la croissance. Ce sont pourtant ces deux pays qui expliquent depuis 2010-2011 aux pays d’Europe du Sud que leur dette publique devra être remboursée jusqu’au dernier euro. Il s’agit d’un égoïsme à courte vue, car le nouveau traité budgétaire adopté en 2012 sous la pression de l’Allemagne et la France, qui organise l’austérité en Europe (avec une réduction excessivement rapide des déficits et un système de sanctions automatiques totalement inopérant), a conduit à une récession généralisée en zone euro. Alors même que l’économie est repartie partout ailleurs, aux Etats-Unis comme dans les pays de l’Union européenne restés au dehors de la zone euro.

Dans ce duo, la palme de l’hypocrisie revient sans conteste aux dirigeants français, qui passent leur temps à rejeter toutes les fautes sur l’Allemagne, alors qu’il s’agit clairement d’une responsabilité partagée. Le nouveau traité budgétaire, négocié par l’ancienne majorité, et ratifié par la nouvelle, n’aurait pu être adopté sans la France, qui en vérité a fait comme l’Allemagne le choix de l’égoïsme vis-à-vis de l’Europe du Sud : puisque l’on paie un taux d’intérêt très faible, à quoi bon le partager ? En vérité, une monnaie unique ne peut fonctionner avec 18 dettes publiques et 18 taux d’intérêt sur lesquels les marchés financiers peuvent librement spéculer. Il faudrait investir massivement dans la formation, l’innovation et les technologies vertes. On fait tout le contraire : actuellement, l’Italie consacre près de 6% du PIB à payer des intérêts de la dette, et investit à peine 1% du PIB dans l’ensemble de ses universités.

Alors, quels chocs pourraient permettre de faire bouger les lignes en 2015 ? Il y a, en gros, trois possibilités : une nouvelle crise financière ; un choc politique venant de la gauche ; ou bien un choc politique venant de la droite. Les dirigeants européens actuels devraient avoir l’intelligence de reconnaître que la deuxième possibilité est de loin la meilleure : les mouvements politiques qui prospèrent aujourd’hui à la gauche de la gauche, comme Podemos en Espagne ou Syriza en Grèce, sont fondamentalement internationalistes et proeuropéens. Plutôt que de les rejeter, il faudrait au contraire travailler avec eux pour formuler les contours d’une refondation démocratique de l’UE. Faute de quoi, on risque fort de se retrouver avec un choc autrement plus inquiétant, venu de la droite : compte tenu du mode de scrutin, il est tout à fait possible que le FN emporte des régions lors des régionales de décembre 2015. On peut aussi, car c’est l’heure des vœux, espérer l’impossible. Au point où il en est, François Hollande serait bien inspiré de reconnaître ses erreurs de 2012, et de tendre la main à l’Europe du Sud, afin de formuler enfin des propositions audacieuses pour notre continent.

Thomas PIKETTY directeur d’études à l’EHESS et professeur à l’Ecole d’économie de Paris.

 

Source : www.liberation.fr


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