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13 janvier 2015 2 13 /01 /janvier /2015 17:07

 

Source : www.mediapart.fr

 

Aux origines de la loi Macron: un projet néolibéral concocté pour Sarkozy

|  Par Laurent Mauduit

 

 

 

Rapporteur de la commission Attali, qui avait fait 316 propositions de déréglementation en 2008, Emmanuel Macron en a instillé de nombreuses dans son projet de loi contesté dont l'Assemblée a commencé l'examen lundi. Radiographie d'une réforme née sous Nicolas Sarkozy et dont la mise en œuvre législative est engagée sous François Hollande.

Ce n’est qu’une anecdote mais elle éclaire la philosophie très conservatrice du projet « pour la croissance et l’activité » dont une commission spéciale de l’Assemblée nationale a commencé l’examen lundi 12 janvier, et dont l’examen en séance publique est prévu à partir du lundi 26 janvier. Tout comme elle éclaire le cheminement intellectuel néolibéral du ministre de l’économie, Emmanuel Macron, qui est l'un de ceux qui ont conçu cette réforme... dès 2007 ! Car après la grande communion nationale de ce dimanche 11 janvier, brutal télescopage de l’actualité : voici venir, dès le lendemain, la grande division suscitée par ce très controversé projet de loi Macron…

La scène se passe le 26 septembre 2011, au bar d’un palace parisien où Emmanuel Macron, m’a donné rendez-vous. Quelque temps auparavant, j’avais appris que François Hollande avait enrôlé le jeune associé gérant de la banque Rothschild dans son équipe pour le conseiller, en prévision de la campagne des primaires socialistes et, en cas de victoire, en prévision de la campagne de l’élection présidentielle. À l’époque, je n’avais jamais rencontré celui qui allait devenir à la mi-2012 d’abord secrétaire général adjoint de l’Élysée puis ministre de l’économie, mais ayant suivi de près les travaux, au second semestre de 2007 et début 2008, de la commission dite « pour la libération de la croissance », créée par Nicolas Sarkozy et présidée par Jacques Attali, je me souvenais du rôle majeur qu’Emmanuel Macron y avait joué, en sa qualité de rapporteur de ladite commission. J’étais donc très intrigué, et même pour dire vrai stupéfait, que François Hollande prenne pour conseiller un banquier d’affaires qui avait joué un rôle aussi marquant dans les travaux d’une commission dont les travaux s’étaient inscrits dans une philosophie si nettement néolibérale, en contradiction complète avec les premiers accents de la campagne du responsable socialiste. J’avais donc souhaité faire la connaissance d’Emmanuel Macron, pour mieux cerner la personnalité de l’inattendu conseiller de François Hollande.

Quand Emmanuel Macron est arrivé à notre rendez-vous – j’en ai un souvenir très précis –, nos premiers échanges ont d’abord porté sur sa discrétion. Car à l’époque, des deux personnalités qui conseillaient François Hollande sur les questions économiques, l’ex-secrétaire d’État sarkozyste Jean-Pierre Jouyet et Emmanuel Macron, le premier faisait une campagne tapageuse en faveur de son mentor, courait micros et caméras et multipliait même les gaffes et les faux pas (lire Jouyet en sulfureux attaché de presse de Hollande) tandis que le second prenait bien soin de se tenir dans les coulisses, au point qu’une bonne partie de la presse ignorait même le rôle qu’il jouait auprès de François Hollande.

C’est donc d’abord de cela que nous avons parlé. Et j’ai été surpris de constater la lucidité d’Emmanuel Macron. « Jean-Pierre Jouyet est maladroit. Il ne comprend pas que lui et moi sommes hautement toxiques pour François Hollande si on s’affiche à ses côtés », m’a-t-il expliqué, pour justifier qu’il se tienne à l’écart des médias.

« Toxique » ! C’est précisément le mot qu’il a employé ce jour-là – j’en ai un souvenir très net, parce qu’une telle lucidité et une telle franchise m’avaient surpris. Plusieurs années plus tard, la formule prend une étrange résonance, car Emmanuel Macron n’a plus du tout ces prudences. Loin de se tenir à l’écart des médias, il en est devenu la coqueluche, et mène une campagne tapageuse en faveur de son projet de loi qui arrive devant le Parlement. Un projet de loi qui, pour une bonne partie de la gauche, y compris socialiste, pourrait être affublé du même qualificatif : toxique !

L’anecdote est d’autant plus révélatrice que ce projet de loi mis au point par le ministre de l’économie s’inscrit dans une histoire longue : par bien des aspects, il est dans la continuité directe du rapport Attali-Macron, qui avait été préparé à la demande de Nicolas Sarkozy. Pour bien comprendre la philosophie du projet de loi Macron, il faut donc aussi se replonger dans le rapport Attali et cerner le rôle qu’Emmanuel Macron y a joué.

Remontons à la genèse de ce rapport Attali-Macron. Peu après la victoire de Nicolas Sarkozy à la présidentielle de 2007, Emmanuel Macron devient rapporteur de la commission présidée par Jacques Attali, dite « commission pour la libération de la croissance ». L’intitulé même de cette commission, cadeau de Nicolas Sarkozy à Jacques Attali en récompense de sa trahison, fleure bon le néolibéralisme : la commission doit chercher des pistes de réforme pour « libérer » la croissance. Ce qui sous-entend que, jusque-là, elle était entravée. Et l’on devine bien pourquoi : entravée par un État omnipotent, par des contraintes légales, réglementaires ou sociales qui brident l’initiative et le profit. Bref, du Madelin pur jus !

Ainsi naît cette commission à la mi-2007, dont Emmanuel Macron est le rapporteur. À ses côtés, au sein de cette commission, on trouve une ribambelle de grands patrons : le PDG de Virgin Mobil, Geoffroy Roux de Bézieux, futur numéro deux du Medef, qui, en sa qualité de membre du comité des rémunérations du groupe PSA, s’est illustré en 2013 en octroyant une retraite chapeau de 21 millions d’euros au PDG Philippe Varin ; le PDG de Sanofi, Serge Weinberg, ancien collaborateur de Laurent Fabius et l’une des grandes figures du CAC 40 et de l’Association française des entreprises privées (AFEP). On trouve aussi des économistes marqués à droite, Christian de Boissieu ou Jacques Delpla, des personnalités d’une sensibilité avoisine, des Gracques – une variété improbable de hauts fonctionnaires ou d’économistes représentatifs d’une gauche radicalement de… droite ! Dans cette catégorie, il y a l’économiste de Harvard Philippe Aghion et le directeur général du secteur banque d’investissement de Banco Santander France, Stéphane Boujnah, qui a fait ses classes comme collaborateur de Dominique Strauss-Kahn à Bercy. Ainsi composée, la commission se met au travail et produit quelques mois plus tard, en janvier 2008, un premier rapport strictement conforme aux requêtes de l’Élysée. À bas l’État ! Vive le marché ! Et vivent les dérégulations en tout genre.

Les stupéfiantes âneries du rapport Attali-Macron

Longtemps après, la relecture de ce premier rapport de la commission est presque savoureuse car elle permet de comprendre « le système Attali » – en vérité assez voisin de celui mis en œuvre par de nombreux économistes. Jacques Attali est tellement impliqué dans la vie financière parisienne, tellement englué dans ce monde gangrené, il a tellement d’intérêts personnels à défendre, qu’il ne voit rien venir de la grande crise. Ce rapport est remis en janvier 2008, à une époque où la première étape de la crise financière américaine, celle des subprimes, s’est déjà propagée depuis plus de dix mois, mais le document n’en fait aucune mention. Incapable de penser que le monde qui l’enrichit est entré dans une crise historique, le grand intellectuel, épaulé par son jeune et talentueux rapporteur, présente un rapport consternant d’aveuglement. Le mot « crise » n’y est pas même mentionné. Pas une seule fois !

Le diagnostic central du rapport est même totalement à l'opposé : le monde entre dans une période formidable de prospérité, mais la France, enfermée dans ses rigidités, est en train de louper le coche. Cette stupidité parcourt toute l’introduction : « Le monde est emporté par la plus forte vague de croissance économique de l’histoire, créatrice à la fois de richesses inconnues et d’inégalités extrêmes, de progrès et de gaspillages, à un rythme inédit. L’humanité en sera globalement bénéficiaire. La France doit en créer sa part. » Comment le rapporteur de la commission Attali, qui tenait la plume du document, a-t-il pu écrire une telle ânerie, alors que la planète entière entrait dans une crise économique historique ? Sans doute cela en dit-il beaucoup sur l’aveuglement doctrinaire de celui qui est aujourd’hui ministre de l’économie.

Le rapport veut tellement démontrer que le monde change, et que la France ne s’y prépare pas, à la différence de nombreux autres pays, dont beaucoup de ses voisins, qu’il empile clichés et contrevérités. Toujours en introduction, il y a cette perle stupéfiante : s’appliquant à prouver que la France ne suit pas la voie vertueuse de l’Allemagne ou de la Grande-Bretagne, le rapport cite en exemple d’autres pays qui ont le courage de réduire leur déficit… « L’Italie, le Portugal, la Grèce et plusieurs nouveaux États membres ont eux aussi mené des réformes courageuses, pour contrôler leurs dépenses publiques, moderniser leur administration, et mieux recruter leurs agents publics. » L’Italie, le Portugal, la Grèce… avec le recul, la liste prend une curieuse résonance puisqu’il s’agit des premiers pays mis à genoux par la spéculation sur les dettes souveraines.

Le rapport Attali, dont Emmanuel Macron est le rapporteur, constitue un brûlot libéral qui arrive au plus mauvais moment. Il préconise une brutale déréglementation au moment précis où les folles déréglementations des trois décennies antérieures vont conduire à une crise historique. Au travers de trois cent seize propositions de réforme, tout y passe. Le rapport propose pêle-mêle « d’ouvrir très largement les professions réglementées » ; de « réduire dès 2008 la part des dépenses publiques dans le PIB » à hauteur de 1 % par an ; « d’assouplir les seuils sociaux » pour le plus grand bénéfice du patronat et notamment dans les PME ; « d’autoriser plus largement le travail le dimanche » ; de déréglementer gravement le Code du travail en autorisant « la rupture à l’amiable » du contrat de travail ; de « favoriser l’émergence de fonds de pension à la française ». Et, pour faire bonne mesure, il y a même un coup de chapeau indirect à la privatisation de l’université puisque le rapport recommande chaleureusement de « développer les financements privés » dans l’enseignement supérieur.

Pour mémoire, voici ce rapport Attali-Macron. On peut le télécharger ici ou le consulter ci-dessous :

La pensée unique de l'oligarchie française

Ce rapport – suivi d’un second, plus violent, en 2010 – est précédé d’une invraisemblable note de méthode. Comme s’ils étaient investis d’on ne sait quelle autorité supérieure, Jacques Attali et Emmanuel Macron donnent leurs ordres aux chefs de l’État – à Nicolas Sarkozy et à ses éventuels successeurs : « Ces objectifs peuvent être partagés par tous, quels que soient leurs choix politiques. Les moyens d’y parvenir, détaillés dans ce rapport, doivent l’être aussi. Chaque majorité politique pourra ensuite répartir en détail les fruits de cette croissance au profit des catégories qu’elle entend privilégier [...]. [La réforme] ne peut aboutir que si le président de la République et le premier ministre approuvent pleinement les conclusions de ce rapport, le soutiennent publiquement, dès maintenant, personnellement et durablement, en fixant à chaque ministre des missions précises. Pour l’essentiel, ces réformes devront être engagées, selon le calendrier proposé à la fin de ce rapport, entre avril 2008 et juin 2009. Elles devront ensuite être poursuivies avec ténacité, pendant plusieurs mandats, quelles que soient les majorités. »

« Pendant plusieurs mandats, quelles que soient les majorités. » Nous y sommes ! Toute la « pensée unique » est contenue dans cette formule. Voilà ce que sécrète le système de l’oligarchie française, dont Jacques Attali est l’un des représentants et Emmanuel Macron le dernier rejeton : elle garantit l’enrichissement de ceux qui y participent et en même temps elle distille une idéologie qui tient la démocratie pour méprisable ou quantité négligeable. Peu importent les alternances démocratiques, peu importe le suffrage universel : il faut que « pendant plusieurs mandats, quelles que soient les majorités », la même politique économique se poursuive. L’enrichissement pour les uns, la punition sociale pour les autres. Et toujours aucune perspective en faveur de la relance de l’économie et de l’emploi…

Soit dit en passant – mais c’est tout sauf anecdotique –, durant ce quinquennat de Nicolas Sarkozy, Emmanuel Macron ne se borne pas à se dévouer dans les coulisses d’une commission truffée d’experts réactionnaires ou néolibéraux. Banquier d’affaires de son état, il aide aussi au même moment quelques très grandes fortunes ou très grands groupes financiers à réaliser de bonnes affaires. Dans la cour de récréation du capitalisme parisien, les frontières sont poreuses entre vie publique et vie des affaires ; participer à l’une peut s’avérer utile pour prospérer dans l’autre. C’est ce perpétuel mélange des genres qui a fait le succès de certains grands oligarques, Alain Minc ou Jacques Attali, et c’est sur ces brisées que marche à son tour Emmanuel Macron. Grâce à la commission Attali, ce dernier fait ainsi la connaissance du PDG du groupe suisse Nestlé, le richissime Peter Brabeck-Letmathe (aujourd’hui président de son conseil d’administration), qui en est également membre.

C’est ainsi que le jeune banquier de Rothschild se fait enrôler comme conseil par Nestlé, dans les mois qui précèdent la présidentielle de 2012, pour le rachat par le conglomérat suisse de la filiale nutrition du groupe pharmaceutique américain Pfizer. Un « deal » gigantesque de près de 9 milliards d’euros, qui permet au banquier d’affaires de faire fortune, comme on en aura la confirmation quand, devenant ministre de l’économie, il devra déclarer son patrimoine à la Haute autorité pour la transparence de la vie publique (lire Déclaration d’intérêts de Macron : 2,4 millions € chez Rothschild en 18 mois).

Ces premiers pas d’Emmanuel Macron, sous le quinquennat de Nicolas Sarkozy, éclairent donc indiscutablement ceux qu’il franchit ensuite sous le quinquennat de François Hollande. Car si on regarde maintenant de près le projet de loi Macron, on trouve de très fortes similitudes avec le rapport Attali.

L’ensemble du dossier législatif du projet de loi Macron peut être consulté ici. Le projet de loi, lui-même, peut être téléchargé ici ou alors consulté ci-dessous :

Opération « copié-collé »

Quand on compare les deux projets, un premier constat saute effectivement aux yeux : les deux textes sont jumeaux. D’abord, c’est le même fouillis, le même catalogue à tiroir désordonné. Ensuite, d’un projet à l’autre, c’est la même petite musique néolibérale, celle de la déréglementation. Car c’est cela le fil conducteur des deux textes : si l’économie française est anémique, c’est parce qu’elle étouffe dans un ensemble insupportable de contraintes, règlements et autres codes. De 2008 à 2015, un seul mot d’ordre, donc : il faut libérer l’économie française.

Mais ce n’est pas seulement la petite musique qui, du rapport Attali au projet Macron, est identique. Quand on observe les deux textes de près, on se rend compte qu’Emmanuel Macron a aussi instillé dans son projet de loi beaucoup de dispositions très précises qu’il est allé picorer dans le rapport Attali.

Ainsi, dans le projet de loi Macron, le volet-phare devait porter sur la déréglementation des professions réglementées – déréglementation qui a été fortement amendée au fil de ces dernières semaines, à cause des oppositions que la réforme a rencontrées. Or, comme on l’a vu plus haut, cette réforme des professions réglementées était aussi le morceau de choix du rapport Attali-Macron.

Sous la tête de chapitre « Supprimer les rentes, réduire les privilèges et favoriser les mobilités », on pouvait lire ceci : « Pour tenter de se protéger, d’innombrables groupes ont construit des murs au fil du temps. Dans un monde ouvert et mouvant, l’accumulation, à tous niveaux, de rentes et de privilèges bloque le pays, pèse sur le pouvoir d’achat et freine sa capacité de développement. Sans mobilité sociale, économique, professionnelle, géographique, aucune croissance n’est possible. » Et cela débouchait sur la décision 14 du rapport Attali, ainsi formulée : « Ouvrir très largement les professions réglementées à la concurrence sans nuire à la qualité des services rendus. » Le projet de loi Macron est donc le décalque exact de ce projet concocté sous la présidence Sarkozy.

Autre exemple : la libéralisation du travail le dimanche est une autre grande ambition du projet de loi Macron, l’une de celles qui suscitent le plus de controverse. Or, là encore, Emmanuel Macron a réalisé une pure opération « copié-collé ». Lisons en effet sur le sujet le rapport Attali. La réforme fait l’objet de la proposition 137. Le passage est intitulé « Autoriser plus largement le travail le dimanche ». Et l’ambition est ainsi formulée : « Une évolution du travail du dimanche est nécessaire pour des raisons économiques et des motifs liés aux transformations sociales et culturelles de la société. Il faut donc aujourd’hui simplifier et adapter les dispositions du droit du travail pour élargir la possibilité du travail dominical. Une partie des salariés peut trouver un intérêt à cette forme de travail : souvent à temps partiel, mieux rémunérée, elle permet aussi des activités personnelles, familiales ou de formation en semaine. La possibilité de travailler le dimanche doit être proposée prioritairement à certains métiers, certaines régions, certaines catégories de salariés à temps partiel qui souhaiteraient pouvoir augmenter leur nombre d’heures de travail. Elle doit être proposée en priorité aux petits commerces de centre-ville avant de l’être aux grandes surfaces. »

Et l’on pourrait ainsi citer de nombreux autres exemples attestant que le rapport Attali commandité par Nicolas Sarkozy a servi d’inspiration au… projet de loi Macron, soutenu par François Hollande. Pas seulement au projet de loi Macron d’ailleurs : il faut aussi observer – et c’est très révélateur – que le projet réactionnaire qui est défendu par le Medef et qui sera au cœur des négociations entre les partenaires sociaux des 15 et 16 janvier prochains, visant à dynamiter les instances de représentation des salariés dans les entreprises (délégués du personnel ; comités d’entreprise ; comité d’hygiène, de sécurité et des conditions de travail) pour y substituer une instance unique, le « conseil d’entreprise », est la reprise, mot pour mot, d’une proposition du rapport Attali.

Au chapitre « Assouplir les seuils sociaux » de ce rapport, on pouvait en effet lire ceci : « Les seuils sociaux constituent aujourd’hui un frein à la croissance et à la création d’emploi. À titre d’exemple, le passage de 49 à 50 salariés entraîne actuellement l’application de 34 législations et réglementations supplémentaires dont le coût représente 4 % de la masse salariale. » Et cela débouchait sur la proposition n°37, ainsi libellée : « Mettre en place une représentation unique dans toutes les PME de moins de 250 salariés, sous la forme d’un conseil d’entreprise exerçant les fonctions du comité d’entreprise, des délégués du personnel, des délégués syndicaux et du comité d’hygiène, de sécurité et des conditions de travail. Ce conseil d’entreprise serait le lieu privilégié de la négociation. »

On peut donc, sans la moindre caricature, résumer la situation de la manière suivante : si contesté par la plupart des syndicats, ce projet du Medef qui vise à mettre par terre un pan entier décisif du Code du travail, un rouage décisif de la démocratie sociale, c’est Emmanuel Macron, dans les derniers mois de 2007, qui l’a couché sur le papier, quand il a tenu la plume du rapport Attali.

En somme, le commandement du rapport Attali-Macron a été respecté à la lettre. Il édictait que les propositions du rapport devraient « être poursuivies avec ténacité, pendant plusieurs mandats, quelles que soient les majorités ». Au mépris de la démocratie, et du vote émis par les citoyens français en 2012 en faveur d’un changement de politique économique et sociale, c’est ainsi que les choses se passent : François Hollande met en œuvre une réforme qui avait été voulue par son prédécesseur, Nicolas Sarkozy. Et la continuité est d’autant mieux assurée que l’artisan du projet, Emmanuel Macron, n’a pas changé, de sa genèse en 2007, jusqu’à sa traduction législative en 2015.

 

Lire aussi

 

 

 

Source : www.mediapart.fr

 

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12 janvier 2015 1 12 /01 /janvier /2015 18:49

 

Source : multinationales.org

 

 

Prix Pinocchio 2014

Envahis par le gaz : les paysans du Nigeria face à Total

4 novembre 2014 par Olivier Petitjean

 

 


 

Depuis les années 1960, le Nigeria est l’un des principaux terrains d’action des multinationales pétrolières occidentales. Leurs activités y ont entraîné un désastre environnemental de grande ampleur, qui laisse les communautés locales de plus en plus dépourvues de moyens de subsistance, ainsi qu’une explosion de violences. Les opérations de Total dans le territoire du peuple Egi ne semblent pas déroger à la règle. Si le géant français vante ses relations « cordiales » avec les populations environnantes, les témoignages recueillis sur le terrain racontent une tout autre histoire.

Tout a commencé par une « explosion souterraine, accompagnée d’un incendie sous la terre ». Ils ont été suivis d’« éruptions de gaz très explosives ». « Le premier jour de ces fuites, les gens fuyaient pour s’abriter, car le gaz sortait de terre mélangé à la boue, en faisant d’énormes trous. » « J’ai des images vidéo, et lorsque vous verrez la manière dont le gaz rugit et bouillonne, vous comprendrez notre inquiétude. » « L’éruption était si forte que la pression a transporté la boue jusqu’à la hauteur d’un très grand palmier. »« Il y avait des expatriés [de Total] sur place et nous leur avons posé des questions. Ils nous ont dit qu’il n’y avait pas de solution au problème et qu’il fallait leur laisser quelques mois pour en trouver une. » « Nous ne pouvons plus dormir à cause du vacarme causé par les gaz en furie. En plus du bruit, nous inhalons ce gaz et nous constatons des effets étranges sur notre santé. » « Même dans mon champ de manioc, les feuilles sont toutes devenues anormales. Celles que nous avons réussi à récolter ne sont pas assez bonnes, et nous avons peur de les consommer. » « Un homme d’Obite a commencé à creuser des fondations pour construire sa maison, et du gaz a commencé à jaillir. La compagnie pétrolière lui a interdit de poursuivre la construction. » « Même l’eau de notre puits, on nous a dit de ne plus la boire, parce que le gaz est partout. Et c’est la même chose avec la source d’eau qui approvisionne toute la communauté. Je me demande comment nous allons tenir si nous ne pouvons même pas boire d’eau. » « Comme vous pouvez le voir, il y a des panneaux de mise en garde dans toute la zone. Total vient de les installer pour avertir les gens des risques liés aux fuites de gaz. Imaginez-vous, on ne peut même plus utiliser un téléphone portable par crainte de provoquer un incendie ! »

Ces témoignages, recueillis quelques mois après les faits par l’ONG Environmental Rights Action (ERA), membre nigérian du réseau mondial des Amis de la terre, offrent une image saisissante de ce que signifie vivre au quotidien dans une zone d’exploitation intensive d’hydrocarbures, comme l’est le territoire du peuple Egi, dans le delta du Niger [1]. Particulièrement lorsque tout ne se passe pas comme prévu, comme ce fut le cas en ce début d’année 2012 pour Total. Les enquêteurs d’ERA ont confirmé la présence sur place de « panneaux de sécurité avertissant les gens de ne pas allumer leurs téléphones, de ne pas venir avec des flammes nues, et de ne pas conduire de motos » et celle du « bruit montant et descendant des éruptions de gaz, semblable à celui que font les vagues de l’océan, et très effrayant ». Sans oublier l’« importante présence policière ».

Le géant pétrolier et gazier français s’apprêtait alors à fêter ses cinquante années de présence dans la région. « Lorsque les éruptions de gaz sont survenues, les gens de Total qui préparaient les célébrations ont sérieusement paniqué. » Accidents, pollutions et violences sont une réalité quotidienne pour le peuple Egi depuis 1962. Les incidents de 2012 suggèrent que, malgré les timides tentatives de Total pour mettre un peu d’ordre dans ses relations avec les communautés environnantes, ce passé mouvementé est encore loin d’être révolu. Deux ans plus tard, les panneaux installés par l’entreprise pour mettre en garde les riverains contre les dangers du gaz dans l’air sont encore en place. Et l’entreprise se trouve aujourd’hui nominée, sur proposition d’ERA, de Sherpa et des Amis de la terre France, au prix Pinocchio décerné à « l’entreprise ayant mené la politique la plus agressive en terme d’appropriation, de surexploitation ou de destruction des ressources naturelles ».

Des communautés sans recours face aux multinationales

Le sort du peuple Egi reflète celui de nombreuses autres communautés de la région du delta du Niger. Les grandes multinationales pétrolières occidentales – Shell, BP, ExxonMobil, Chevron, ENI, Total… – se sont installées depuis les années 1960 dans cette vaste zone humide riche en hydrocarbures [2]. Alors qu’il ne représente que 7% du territoire du Nigeria, le delta du Niger abrite plus de trente millions de personnes, réparties en une mosaïque d’ethnies. Des communautés condamnées à une coexistence forcée avec l’industrie pétrolière et gazière. 10 000 kilomètres de pipelines – souvent anciens et mal entretenus – sillonnent la région. De nombreux rapports d’ONG ou d’organisations internationales comme le Programme des Nations unies pour l’environnement ont révélé l’ampleur de la pollution pétrolière qui sévit dans le delta du Niger, et le peu d’empressement des multinationales pour nettoyer les dégâts occasionnés directement ou indirectement par leurs activités [3].

La sévère pollution de l’air et de l’eau qui en résulte affecte directement les moyens de subsistance des populations locales, qui dépendent de la pêche ou de l’agriculture pour leur survie. Les bénéfices économiques du pétrole et du gaz n’existent pas pour ces communautés, qui vivent pour la plupart en dessous du seuil de pauvreté. Pire encore, le delta du Niger subit une violence endémique, attisée par les conflits liés à l’accès à la terre – de plus en plus rare - et par l’appât des revenus pétroliers. Conséquence : l’espérance de vie dans la région ne dépasse pas 43 ans !

Non-droit

Littéralement envahies par les opérations pétrolières et gazières et le cortège de maux qui leur sont associés, les communautés du delta ne peuvent pas compter sur la protection des autorités publiques nigérianes. Celles-ci semblent souvent davantage intéressées par les avantages économiques légaux ou illégaux qu’elles retirent de la présence des multinationales et de leurs filiales. Le Nigeria est classé 144e sur 177 dans l’indice de perception de la corruption établi par l’ONG Transparency international. Les décisions de justice favorables, lorsqu’elles existent, ne sont pas toujours suivies d’effet. Les communautés ont donc été contraintes de recourir au droit international, en saisissant la justice des pays d’origine des multinationales concernées. Des procédures judiciaires très médiatisées ont ainsi été lancées, avec des fortunes diverses, contre le groupe anglo-néerlandais Shell aux États-Unis, en Grande-Bretagne et aux Pays-Bas [4].

Le torchage du gaz constitue une bonne illustration de l’atmosphère de non-droit qui règne autour des activités pétrolières et gazières au Nigeria. La pratique consiste à brûler, pour des raisons purement économiques, le gaz s’échappant dans l’atmosphère lors des forages pétroliers, avec pour conséquence d’augmenter encore les émissions de gaz à effet de serre de ces opérations. La pollution de l’air qui en résulte entraîne des pluies acides, qui aggravent encore les difficultés d’approvisionnement en eau potable saine. « En ce moment, nous ne consommons plus d’eau de pluie dans notre communauté en raison de la pollution causée par le torchage de gaz. Nos toits en tôle ondulée n’y résistent plus non plus. » Si les multinationales ne raisonnaient pas uniquement en termes de maximisation de leurs profits, ce gaz pourrait pourtant être mis à disposition des populations environnantes, qui souffrent de difficultés d’accès à l’énergie.

Pour toutes ces raisons, la pratique du torchage est légalement interdite au Nigeria depuis 1984, mais les multinationales pétrolières et gazières continuent à y recourir, en profitant des atermoiements du gouvernement. Dans sa réponse aux Amis de la terre suite à sa nomination au prix Pinocchio [5], Total avance que « pour être plus précis, depuis 1984, le torchage est soumis à une autorisation ». Argument réfuté par les Amis de la terre et Sherpa [6], qui rappellent que la Haute cour fédérale du Nigeria a confirmé l’interdiction du torchage en 2005, et demandent à Total de publier ces « autorisations » dont le groupe se prévaut. Le groupe ajoute être engagé dans une démarche de réduction progressive du torchage « hors démarrage » dans ses opérations et être « très actif » dans un groupe mis en place par la Banque mondiale sur le sujet. Il ne précise pas à quelle date il envisage de respecter la loi nigériane.

Accaparement

Autre enjeu, celui des terres et des ressources naturelles dont ces communautés dépendent pour leur subsistance. Celles qui ne sont pas rendues inutilisables par la pollution quotidienne et les accidents sont peu à peu grignotées pour les besoins des multinationales. Le gouvernement nigérian a mis en place une législation facilitant l’expropriation des paysans au bénéfice des opérateurs pétroliers, avec des obligations de compensation très limitées. Dans le territoire du peuple Egi, Total a engagé en 2006 un processus d’acquisition de nouvelles terres pour étendre son usine locale, contre le gré de leurs propriétaires, provoquant un mouvement de protestation qui a dégénéré en violences [7]. Dans d’autres cas, Total est accusée d’avoir délibérément ignoré les propriétaires traditionnels, s’accaparant leurs terres comme s’ils n’existaient pas ou comme si elles appartenaient à d’autres. Certains auraient même littéralement « inventé » une tradition de propriété collective de la terre dans la région - alors qu’elle semble avoir toujours été possédée individuellement - pour détourner l’argent des compensations. Et les éruptions de gaz de 2012 sont attribuées par beaucoup de riverains à l’usage mal contrôlé par Total d’une technique de forage horizontal, mise en œuvre pour opérer « sous » de nouveaux terrains sans avoir à compenser leurs propriétaires.

De nombreux Egi et les associations qui les soutiennent n’hésitent donc pas à parler d’accaparement des terres. Total indique dans sa réponse aux Amis de la terre avoir mis en place une « équipe de 5 personnes, dont l’une des missions est précisément de visiter les communautés et de négocier les accords lorsqu’il y a acquisition de terrains, qui font l’objet de contrats agréés par les parties ». Mais, pour les associations, cela ne signifie pas grand chose dans le cadre d’un rapport de forces totalement déséquilibré, et que les paysans n’ont souvent pas d’autre choix que de partir. Qui est là pour s’assurer que la compensation est équitable et transparente ? Les témoignages recueillis sur le terrain font état de compensations partielles ou symboliques : « Ils ne nous ont pas donné de compensation proprement dit, il nous ont offert un peu d’argent, en parlant de ‘désagréments’. » « Ils ont seulement payé pour les cultures qui étaient sur les terres, rien de plus. »

Et, plus largement, quelle « compensation » pourrait-on envisager pour la pollution progressive de la terre, de l’eau et de l’air occasionnée par les activités pétrolières et gazières ? Les possibilités d’emploi offertes par Total sont loin de compenser la destruction des moyens de subsistance traditionnels. L’entreprise elle-même parle de 100 emplois directs, auquel il faut ajouter une multitude de petits boulots auxiliaires, pour une population de plusieurs centaines de milliers de personnes. Pour de nombreux Egi, les perspectives d’avenir sur leurs terres ancestrales s’amenuisent de plus en plus : « Nous attendons que Total vienne et nous reloge. Non pas que nous soyons désireux de céder nos terres et nos maisons à l’entreprise. Si nous voulons être relogés, c’est que nous ne voulons pas mourir. »

Diviser pour régner ?

Pour couper court aux critiques, Total ne manque pas une occasion de mettre en avant le « protocole d’accord » et le « plan de développement » qu’elle a initiés après les manifestations violentes de 2006. Avec un interlocuteur que l’entreprise s’est elle-même choisi, l’Egi People Assembly (« Assemblée du peuple Egi »), que Total considère comme représentative puisqu’élue « selon un processus local ». Là encore, les associations sont loin d’être convaincues, citant des dizaines d’exemples et de témoignages de membres de la communauté critiquant l’Egi People Assembly ou lui déniant toute légitimité. « Total ne reconnaît et ne veut avoir affaire qu’avec les groupes avec lesquels ils se sentent à l’aise. » Ces critiques accusent notamment l’Egi People Assembly de regrouper des personnes ayant des relations commerciales avec Total, qui utilisent l’argent du « plan de développement » pour des projets fantoches, de manière autocratique, et qui n’hésitent pas à recourir à l’intimidation pour faire taire les critiques. « Si vous critiquez l’Egi People Assembly, soit ils cherchent à vous corrompre et à faire de vous un espion dans votre propre communauté, soit ils menacent de vous tuer. » Certains témoignages signalent même une augmentation des violences en lien avec la répartition de l’argent déboursé par Total aux représentants de l’Egi People Assembly.

Pour les Amis de la terre, derrière les programmes de responsabilité sociale affichés par Total en pays Egi se cache en réalité une stratégie consistant à « diviser pour régner », prenant le risque d’aggraver les tensions au sein des communautés pour dissimuler les conflits fonciers et les pollutions. Il est des circonstances où des réponses partielles et partiales, qui ne remettent pas en cause les fondements même du système – en l’occurrence l’absence d’état de droit –, ne font qu’aggraver les problèmes. La situation actuelle dans le delta du Niger semble bien être de celles-là.

Olivier Petitjean

— 
Photo : Rhys Thom CC

[1Les témoignages recueillis en 2012 sont rassemblés ici (en anglais). Les citations de riverains dans la suite de cet article sont issues soit de ce document, soit du rapport de la mission de suivi effectuée par Environmental Rights Action en octobre 2014, qui a été traduite en français par les Amis de la terre. Voir aussi ici une vidéo montrant les éruptions de gaz et donnant la parole aux riverains affectés.

[2Elle représenterait encore aujourd’hui environ 10% de la production globale de Total.

[4Plusieurs militants de la minorité Ogoni, dont le poète Ken Saro-Wiwa, ont été assassinés en 1995, après avoir réussi à chasser Shell de leur territoire, ce qui avait donné lieu à une procédure judiciaire contre l’entreprise aux États-Unis – procédure cassée en 2013 par la Cour suprême américaine (voir ici pour plus de détails sur cette affaire). En quittant l’Ogoniland, Shell avait laissé derrière elle un véritable désastre environnemental, dénoncé par un rapport des Nations Unies de 2011, suite auquel l’entreprise avait promis de procéder à une restauration environnementale de la zone, pour un coût estimé à un milliard de dollars. Selon un rapport publié il y a quelques semaines par les Amis de la terre et Amnesty international, Shell n’a encore rien fait malgré ses promesses. Parallèlement, plusieurs procédures judiciaires ont été initiées aux Pays-Bas et en Angleterre pour mettre en cause la responsabilité juridique de Shell pour des pollutions pétrolières dans le delta du Niger - voir par exemple ici et ici.

[5À lire dans son intégralité ici.

[6Voir leur réponse à la réponse ici.

[7Voir le rapport de mission de 2011 des Amis de la terre ici.

 

 

Source : multinationales.org

 

 

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12 janvier 2015 1 12 /01 /janvier /2015 18:03

 

 

Source : www.marianne.net


 

Ah bon ? Y a un problème avec le Qatar ?
Lundi 12 Janvier 2015 à 17:15

 

Régis Soubrouillard
Journaliste à Marianne, plus particulièrement chargé des questions internationales En savoir plus sur cet auteur

 

Invités sur RTL et France inter ce matin, Nicolas Sarkozy et Laurent Fabius, interrogés sur le financement terroriste opéré par l'allié qatari, ont chacun récusé ces accusations. Sur ce plan-là, rien n'a changé, l'hypocrisie et le mensonge demeurent la règle.

 

L’union nationale de nos politiques a atteint ce matin un point inattendu. C’est sur le Qatar que Nicolas Sarkozy sur RTL et Laurent Fabius, sur France inter sont tombés d’accord. L’ancien président de la République et l’actuel ministre des Affaires étrangères ont chacun défendu la pétromonarchie comme un seul homme.

 

Nicolas Sarkozy réagissait notamment au déploiement d’une banderole lors du match Bastia-PSG : « Le Qatar finance le PSG…et le terrorisme »Une accusation déplacée selon Nicolas Sarkozy : « Le Qatar est un pays ami de la France. Pas depuis moi, c'est François Mitterrand ». « Vous croyez, a-t-il poursuivi, que François Mitterrand, Jacques Chirac, moi-même hier, François Hollande aujourd'hui, on aurait cette politique d'amitié avec le Qatar si nous pensions que le Qatar, c'était uniquement le financeur du terrorisme ? »

 

C’est bien ça le problème. Habitué des tribunes VIP du PSG, et copain avec toutes les têtes fortunées et enturbannées de l’émirat, Nicolas Sarkozy fait régulièrement des conférences grassement rémunérées dans le pays. La dernière datant de décembre 2014.  On notera que Jean Michel Aphatie, grand donneur de leçon de journalisme, s’est d’ailleurs bien gardé de rappeler les « ménages » que l'ex-président fait régulièrement au Qatar. Ou de l'interroger sur le livre de Vanessa Ratignier et Pierre Péan, Une France sous influence, qui raconte par le menu comment Sarkozy a participé à faire du Qatar une puissance incontournable du Moyen-Orient.

 

De son côté, Laurent Fabius a été interpellé par un auditeur qui demandait au ministre des Affaires étrangères s’il ne fallait pas changer de diplomatie à l’égard du Qatar, soupçonné de financer le terrorisme. Dans cette période salutaire, où la plupart de nos représentants promettent d’aborder les « vrais problèmes », Fabius a déjà fait une exception. Notre ministre a en effet pris sa voix la plus grave : « C’est une accusation qui est revenue souvent. Nous avons effectué les vérifications nécessaires, par tous les services. Et cette accusation, pour la période depuis laquelle nous sommes au gouvernement, est infondée ». Laurent Fabius a même répété deux fois son affirmation pour bien la faire rentrer dans la tête des auditeurs éventuellement pas convaincus.

 

Il faut croire que le responsable du quai d’Orsay n’a pas les mêmes renseignements que... nos services de renseignements ! En juin 2012, le Canard enchaîné citait une note de la Direction du renseignement militaire français (DRM) qui décrivait précisément les financements terroristes opérés par l’émirat. « Selon les renseignements recueillis par la DRM, les insurgés touareg du MNLA (indépendantistes et laïcs), les mouvements Ançar Dine, Aqmi (Al Qaïda au Maghreb islamique) et le Mujao (djihad en Afrique de l'Ouest) ont reçu une aide en dollars du Qatar ». « Les officiers de la DRM affirment, eux, que la générosité du Qatar est sans pareille et qu'il ne s'est pas contenté d'aider financièrement, parfois en leur livrant des armes, les révolutionnaires de Tunisie, d'Egypte ou de Libye », ajoutait l'hebdomadaire. 
  
Le rapport venait corroborer une première note diffusée en mars par la DGSE qui précisait les financements de mouvements djihadistes dans le Nord du Mali. Plus récemment, en juin 2014, le site de défense américain Jane’s publiait une photo   d’avions de transports militaires qataris posés sur un aéroport contrôlé par des milices djihadistes libyennes. Dans son numéro daté du 28 novembre  dernier, Marianne évoquait aussi le rôle trouble du Qatar en Libye. 
  
Certes, si le Qatar a revu récemment sa politique de financement tous azimuts des mouvements islamistes, c'est surtout que l’émirat a pris conscience des risques que son soutien aux Frères musulmans lui faisait courir. Par ailleurs, l’influence régionale de l’émirat pétrolier a largement diminué au profit de l’Arabie saoudite et Doha n’a pas pu résister aux multiples pressions notamment américaines et saoudiennes qui lui commandaient de mettre un terme à sa diplomatie du « double jeu ».  
  
Evidemment, Nicolas Sarkozy et Laurent Fabius n’ignorent rien de tout cela mais impossible, pour eux, de jouer franc jeu : l’un assure ses fins de mois dans l’émirat, l’autre connaît trop bien le soutien historique que la pétromonarchie assure à la France sur le plan régional et accessoirement espère toujours, entre deux investissements en France, que le généreux émirat commandera quelques avions Rafale. Sur ce plan-là, rien n’a encore changé. L’hypocrisie et le mensonge demeurent donc la règle... 

 

 

Source : www.marianne.net

 

 

 

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12 janvier 2015 1 12 /01 /janvier /2015 17:43

 

Source : www.mediapart.fr

 

Hollande se fait maître de cérémonie d'un bal des affreux

|  Par Thomas Cantaloube et Mathilde Mathieu

 

 

 

François Hollande a défilé dimanche au côté d'Ali Bongo, de Viktor Orban, du premier ministre turc, des ministres russes, algériens, égyptiens ou encore des Émirats arabes unis. Une galerie d’affreux, ennemis de la liberté de la presse.

Gouverner, c’est choisir. En acceptant la participation à la manifestation en mémoire des victimes des attentats de Paris d’une joyeuse galerie d’affreux en tous genres, ennemis de la liberté de la presse, dictateurs et embastilleurs d’opposants issus des quatre coins de la planète, le gouvernement Hollande-Valls a une fois de plus fait la démonstration de sa lâcheté.

 

 

Viktor Orban, Ali Bongo, le premier ministre turc, des ministres russes, algériens, égyptiens ou des Émirats arabes unis… Cette liste ressemble à la dernière page d’un Charlie Hebdo : les satrapes auxquels vous avez échappé. Sauf qu’ils étaient bel et bien présents dimanche 11 janvier, qui plus est dans le « carré VIP », pour défiler aux côtés du chef d’État français et de ses homologues.

Quant à certaines autres personnalités étrangères un peu plus fréquentables, tels Netanyahou, Junker ou le roi de Jordanie, leur présence sous la bannière « Je suis Charlie » aurait, en temps normal, légitimement conduit les dessinateurs et rédacteurs de Charlie à vomir illico

Un ministre du gouvernement Valls a déclaré en off  à Mediapart : « On ne pouvait pas prendre le risque de déclencher, en une journée, des incidents diplomatiques en série. » Piètre excuse. Un refus poli aurait suffi. Ou quelque chose de très diplomatique du genre : « Vous savez, cela va être compliqué d’organiser votre sécurité, et puis il n’est pas sûr que vous soyez bien accueillis par les manifestants. Mais passez nous voir dans quelques jours… »

Mais non, Hollande et Valls, qui sont devenus les organisateurs de facto de cette journée, ont préféré tirer la couverture à eux. Ils ont préféré jouer les grands leaders internationaux capables de mobiliser l’attention de leurs collègues et de la planète entière pendant quelques heures. L’organisation de défense de la liberté de la presse Reporters sans frontières (RSF) a eu mille fois raison de s’indigner de cette « récupération indigne ».

L’exécutif français a tout fait pour brouiller le message d’une émotion nationale et internationale sincère et digne.

Au nom de quelles valeurs communes ont défilé dimanche Luz et Viktor Orban ? Que pouvaient se trouver en commun des défenseurs de la liberté d’expression et le membre d’un gouvernement (égyptien, pas exemple) qui jette en prison des militants de tous bords parce qu’ils ouvrent leur bouche ? Qu'est-ce qui peut rassembler des gens qui disent non à la violence et des dirigeants qui en ont fait l’arme de préservation de leur pouvoir ?

Le tweet de Garry Gasparov, opposant de Poutine, après la manifestation dimancheLe tweet de Garry Gasparov, opposant de Poutine, après la manifestation dimanche

C’est une évidence d’écrire que les morts de Charlie Hebdo doivent se retourner dans leur tombe, eux qui ont toujours assumé l'affrontement politique et qui haïssaient l’unanimisme bêlant. Si l’on voulait nier la spécificité et la violence de ce qui s’est déroulé cette semaine en France en le transformant en vaste « Kumbaya » sans contenu politique, on ne s’y serait pas pris autrement.

En recevant sur le même plan et avec autant d’égards les victimes d’un incendie, les pompiers et les pyromanes, Hollande montre qu’il n’a, une fois de plus, aucun cap politique, aucun sens de ce qui est juste dans un tel moment national.

© Julien Solé.

Ou plutôt si, tel l’éternel secrétaire national du parti socialiste, il joue la seule carte qu’il sait jouer : celle de sa préservation politique. À la question de la présence à Paris dimanche d’autant d’ennemis des libertés fondamentales, voici ce qu’a répondu l’Élysée : « Compte tenu du mal mondial que représente le terrorisme, tout le monde est bienvenu, tous ceux qui sont prêts à nous aider à combattre ce fléau. Ces terroristes ont une démarche totale. Ils se sont attaqués à la liberté de la presse à des policiers et ont commis des crimes antisémites. Nous ne pouvons pas nous permettre des distinctions entre les pays et des stigmatisations. »

En lisant cette déclaration, on comprend : la lutte contre le terrorisme est devenue l’alpha et l’oméga de la réponse gouvernementale. Comme si le terrorisme n’avait pas des racines et des causes, des financiers et des facilitateurs, dans les politiques et les alliances de la galerie d’affreux qui sont venus manifester à Paris. « Tous ceux qui sont avec nous sont les bienvenus, les autres sont contre nous », pourrait-on paraphraser. Ça ne vous rappelle rien ? À nous, si…

Bongo & Co : quelques acteurs de ce ballet tragique

© DR

Place de la République, une poignée de manifestants ont brandi les noms de journalistes gabonais visés par des arrestations arbitraires dans leur pays. Lors d’une manifestation organisée par l’opposition en décembre, interdite par le pouvoir, un étudiant a été tué et une vingtaine de personnes interpellées, dont des journalistes. Quelques jours plus tôt, un « observateur » de France 24 avait été arrêté. En septembre, deux hebdomadaires avaient aussi annoncé l’arrêt temporaire de leur publication à cause d’un piratage qu’ils attribuaient au gouvernement (illico démenti par le pouvoir).

Ces jours-ci, Ali Bongo use d’une main de fer pour répondre au regain de contestation provoqué par le livre de Pierre Péan (Nouvelles Affaires africaines), dont s'est emparé l'opposition, et qui l’accuse d’avoir falsifié ses diplômes et son acte de naissance.

Dans un entretien diffusé ce dimanche par RFI, le fils Bongo (déjà cinq ans de règne, 42 ans pour son père) justifie ainsi l’interdiction des rassemblements d’opposants dans son pays : « Comment voulez-vous laisser manifester des gens qui ne veulent pas reconnaître les institutions et la loi ? » Et il lâche cette phrase qui fait froid dans le dos : « Je n’ai pas envie de me débarrasser de tout le monde. » De quelques-uns seulement.  

  • Ahmet Davutoglu, premier ministre de Turquie (154e au classement)

Le président Erdogan le crie sur tous les toits : « Nulle part ailleurs dans le monde, la presse n'est plus libre qu'en Turquie. Je suis absolument certain de ce que j'avance. » Il n’allait donc pas laisser filer l’opportunité d’apporter son soutien à Charlie. Son premier ministre a pris part au défilé alors même qu’une trentaine de journalistes viennent d’être arrêtés en Turquie, dont quatre écroués, sous prétexte qu’ils formaient « un gang pour attenter à la souveraineté de l’État ». Parmi eux : le rédacteur en chef de l’un des principaux quotidiens du pays, Zaman, réputé proche du mouvement islamiste Güllen, principal rival du président Erdogan. Suspectés de soi-disant visées terroristes, ces journalistes risquent la perpétuité.

À Istanbul, même un tweet peut coûter cher. Il y a quelques jours, une présentatrice de télé, Sedef Kabas, a été placée en garde à vue à cause d’un message qui critiquait le magistrat ayant enterré le scandale de corruption qui a fait vaciller le pouvoir islamo-conservateur d’Erdogan à l’hiver dernier. D’après son juge, elle aurait « présenté comme des cibles les personnes chargées de lutter contre le terrorisme »… Son appartement a été perquisitionné, son ordinateur placé sous scellés. Voici le dessin (représentant Erdogan) qu’elle a posté samedi sur Twitter :

Dans un entretien à Paris Match dimanche, l’écrivain Nedim Gürsel rappelle cette évidence : « Monsieur Erdogan n'aime pas les caricaturistes. À chaque occasion, il porte plainte pour qu'ils soient poursuivis en justice. » Lui-même jugé pour avoir exercé sa liberté d'expression (puis acquitté), l’auteur rappelle cet épisode symptomatique : « Erdogan a reconnu qu'il avait (un jour) décroché le téléphone pour demander au patron d'une chaîne de suspendre une émission en direct qui ne lui convenait pas. Et il continue de le faire. »

  • Viktor Orban, premier ministre de Hongrie (64e au classement RSF)

Plébiscité aux législatives d’avril dernier, Viktor Orban affirme aujourd’hui sans complexe sa préférence pour la démocratie « non libérale », comme en témoigne cette citation alambiquée mais glaçante : « Le thème à succès aujourd'hui dans la réflexion politique est de comprendre les systèmes qui ne sont pas occidentaux, pas libéraux, pas des démocraties libérales, peut-être même pas des démocraties, et qui apportent quand même le succès à leurs nations (…) : Singapour, la Chine, l'Inde, la Russie, la Turquie. » En Hongrie, il a enchaîné les réformes préjudiciables aux libertés de la presse.

Sa loi de 2011 sur l’information, qui a placé les médias sous tutelle d’un conseil proche du pouvoir, lui a valu un long bras de fer avec Bruxelles – l’obligeant à quelques concessions. Des amendes menacent désormais les médias qui ne produisent pas une « information équilibrée »… Il aura également fallu la pression de l’UE pour congeler un projet de taxe internet liberticide, qui devait voir le jour cet automne.

La liberté d’expression n’est vraiment pas le fort du premier ministre. La Hongrie vient ainsi d’être condamnée par la CEDH (Cour européenne des droits de l’homme) pour avoir violé celle des parlementaires. Sept élus d’opposition avaient écopé d’amendes après avoir brandi des pancartes accusant le parti au pouvoir de « voler, tricher et mentir », ou après avoir vidé une brouette de terre sous le nez de Viktor Orban.

  • Le cheikh Abdallah ben Zayed Al-Nahyane, ministre des affaires étrangères des Émirats arabes unis (118e au classement RSF)
Le cheikh Abdallah ben Zayed Al-NahyaneLe cheikh Abdallah ben Zayed Al-Nahyane © Reuters

Dans un contexte de chasse aux Frères musulmans et à leurs partisans, accusés de vouloir renverser le régime, les autorités des Émirats ne rechignent pas devant les détentions arbitraires de journalistes. L’Égyptien Anas Fouda, responsable éditorial du groupe MBC, a ainsi été retenu plus d’un mois sans qu’aucune charge n’ait été officiellement formulée contre lui. Pas d’avocat, pas de parloir avec sa famille. À sa libération en août 2013, il a été expulsé vers l'Égypte le soir même.

Lors d’un énorme procès à Abu Dhabi le même été (68 condamnés jusqu’à quinze ans de prison pour des liens supposés avec les Frères musulmans), Reporters sans frontières avait dénoncé le black-out total. Aucun média étranger, aucune organisation des droits de l’homme n’avait pu y mettre un pied.

  • Abdallah II et Rania, couple royal de Jordanie (141e au classement RSF)

Après les « printemps arabes », les autorités jordaniennes ont renforcé leur contrôle sur les médias et Internet. En juin 2013, quelque 300 sites d’information ont été bloqués d’un coup, puis neuf autres un mois plus tard. Des dispositions liberticides sur la presse avaient été adoptées par décret royal en septembre 2012.

La Jordanie aide même les autres pays à museler leurs journalistes : en juin dernier, une chaîne irakienne basée à Amman, critique du premier ministre, a été fermée après un raid déclenché par une plainte du gouvernement irakien, et qui s’est soldé par l’arrestation de toute l’équipe (soit 14 journalistes syriens, irakiens et jordaniens, d’après RSF).

 

 

Source : www.mediapart.fr

 

 

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11 janvier 2015 7 11 /01 /janvier /2015 20:36

 

 

 

Les pièges de l’union nationale

 

Face aux crimes du fanatisme, ces derniers jours ont vu fleurir des réactions populaires spontanées qui, de rassemblements en dessins, de bougies en paroles, ont su mêler à la douleur du deuil le réconfort, l’espoir et la combativité pour des valeurs dignes d’être défendues. La société civile française, bientôt imitée partout dans le monde, a montré sa capacité de résilience. Nous avons tous ressenti le besoin de nous retrouver, de nous regarder, de nous tenir près. Et sans doute, de marcher ensemble, partout, comme une impérieuse nécessité. Mais pas dans l’« union nationale ». 

Certes, les circonstances inspirent à tous la volonté de dépasser les clivages habituels, l’espoir que les valeurs humaines que nous avons en partage permettront pour une fois de nous rassembler. Les foules massées place de la République mercredi 7 janvier en démontrent déjà la possibilité. Mais cette union du peuple ne saurait être confondue avec l’ « union nationale » telle qu’elle est proposée par une large part de la classe politique. Alors que nous sommes si nombreux à nous engager dans cette démarche avec sincérité, d’autres attendent en embuscade de récolter les fruits du choc et de la peur. Ne laissons pas les larmes nous obscurcir la vue. Ne suspendons pas notre faculté de penser au prétexte d’une situation exceptionnelle qui rendrait les différends caducs ou futiles.

Ainsi le principe d’union nationale doit être remis en cause. D’abord parce qu’il prépare le terrain pour un raidissement liberticide du régime, ensuite parce qu’il sera utilisé pour réduire au silence non seulement la critique des problèmes majeurs qui disloquent notre société – économiques, sociaux, démocratiques – mais également les oppositions politiques qui s’y expriment.

La guerre c’est la paix, la liberté c’est l’esclavage

Il est d’abord frappant de constater à quel point la situation actuelle semble propice à l’affirmation des pires contradictions en toute impunité, comme si elle autorisait tous les retournements de sens. Ainsi, le gouvernement appelle de ses vœux l’union nationale au-delà des considérations partisanes, mais en exclut le Front national… sans pour autant s’émouvoir de la présence annoncée à la manifestation de ce dimanche du Premier ministre hongrois Viktor Orban. Il encense la défense de la liberté, mais Manuel Valls annonce d’ores et déjà de nouvelles atteintes aux libertés individuelles via le renforcement de lois antiterroristes.

Le terme même de manifestation pour la marche de dimanche est une imposture : il s’agit, dans ses modalités d’organisation, ses invités, sa nature même, d’une cérémonie officielle d’État plus que d’un rassemblement populaire. D’où il sont, les anars de Charlie doivent rire jaune. Alors que l’anesthésie du choc est utilisée contre le peuple, il est essentiel d’analyser ce que signifie aujourd’hui l’union nationale, non dans son principe seul, mais dans sa réalité concrète, afin de comprendre, au-delà des discours, l’avenir que l’on nous réserve.

L’état d’exception

Le pire, sans doute. Car l’union nationale prépare toujours l’entrée en « guerre » – comme en 1914 lorsque Raymond Poincaré proclama l’ « union sacrée » face à l’agression allemande. Le terme est déjà dans toutes les bouches, politiques et médiatiques, pour montrer tout à la fois son émoi et sa fermeté, car il est toujours de bon ton de surenchérir face à l’horreur toute nue. Or, qu’il s’agisse d’une guerre contre un État extérieur ou contre un « ennemi intérieur », l’union nationale signale toujours la suspension du politique dans la violence.

Et nous savons bien ce qu’en l’occurrence cette entreprise idéologique prépare : l’entrée en guerre contre un terrorisme teinté de religiosité afin de sauvegarder une soi-disant nationalité, ce n’est rien d’autre que s’engager dans un choc des civilisations. C’est fonder le peuple sur des mœurs ou des modes de vie plutôt que sur des lois, des valeurs et des possibles. C’est importer la suspicion et la discorde sur le territoire en lui donnant un caractère indépassable. C’est préparer la guerre civile en invoquant son vocabulaire. Et c’est surtout préparer l’état d’exception sous les auspices d’une fausse communion.

Les déclarations de Manuel Valls annoncent ainsi l’élaboration d’un nouvel arsenal répressif : on entrevoit déjà une version française des les lois liberticides du Patriot Act promulgué au lendemain du 11 septembre 2001 aux États-Unis, dans le consensus artificiel de « l’union nationale ». Les citoyens américains en paient encore aujourd’hui le prix fort. À un peuple apeuré on peut tout faire avaler, parce que son jugement est comme rompu. Le jugement personnel, comme le jugement collectif. Qui décidera des mesures à prendre pour faire face à cet état de crise, si tant est qu’il y en ait un ? Le pouvoir en place, de manière unilatérale, au prétexte de l’union nationale dont François Hollande serait, en tant que chef de l’État, le garant ? N’est-ce pas plutôt à la société d’en débattre dans la confrontation et la pluralité ?

L’union nationale dans l’état d’exception empêche de penser le passé, le présent et l’avenir. D’interroger les causes pour en choisir les conséquences. Sa temporalité blanche empêche au débat politique de reprendre prise rapidement, lui qui pour le salut de la démocratie ne devrait justement jamais s’arrêter.

Des mesures d’exception procède toujours une spirale dépressive : la rupture du pacte républicain tissé de libertés publiques cède la place aux réflexes communautaires. Une séparation irréparable a lieu. La peur de l’autre, plus que la question sociale, finit par structurer, de manière ou plus moins visible mais de façon inexorable, l’ensemble de la société. Le cauchemar politique s’étend.

Rappelons que les fanatiques auront gagné non pas quand ils auront pris le pouvoir sur nos régimes politiques, mais quand ils nous les auront rendus insupportables à vivre.

La dénégation des structures sociales

L’artificiel unanimisme de l’union nationale ne saurait donc nous empêcher de poser les problèmes auxquels elle prétend répondre par le déni. Conséquentialiste, il empêche de se pencher réellement sur les causes. Parmi elles, il y a bien évidemment les divisions qui justement gangrènent de plus en plus une société déliquescente, sèche, suffocante. Sans avenir commun. Où la crise économique s’est transformée en vaste démission civique.

L’union nationale ne doit pas nous faire oublier cette vérité simple : qu’on ne saurait forger une quelconque société dans l’exaltation de la concurrence libre et non faussée, dont Marx disait au juste titre qu’elle était une forme de guerre civile. Que rendre les vies précaires par l’instabilité croissante du capitalisme génère amertume et rancœur profondes. Que la libéralisation sans fin des capitaux accentue des inégalités qui rendent les gens de plus en plus étrangers les uns aux autres.

Piketty ne dit pas autre chose dans son récent ouvrage : la rentabilité patrimoniale augmente plus vite que le rendement salarial, transformant ceux qui n’ont pas d’héritage en hamsters isolés dans leur roue, sans espoir d’en sortir jamais et courant jusqu’à la mort dans une circularité absurde. L’économiste annonce la fin de la fiction méritocratique et les troubles démocratiques que cette perte occasionne. Pour le dire autrement, même avec la meilleure volonté du monde, la possibilité d’améliorer son sort personnel relève aujourd’hui de l’arbitraire le plus total. Dans son ouvrage paru en 1944, Karl Polanyi nous mettait lui aussi en garde : « Notre thèse est l’idée qu’un marché s’ajustant lui-même était purement utopique. Une telle institution ne pouvait exister de façon suivie sans anéantir la substance humaine et naturelle de la société, sans détruire l’homme et sans transformer son milieu en désert. » Et le désert progresse chaque jour un peu plus.

Faut-il alors vraiment chercher dans le parcours des trois assassins une hypothétique logique intrinsèque de l’islam, ainsi que certaines flèches hystériques, à l’instar d’Yvan Rioufol, nous y incitent en demandant expressément aux musulmans de se désolidariser publiquement des attentats meurtriers perpétrés sur notre territoire ? Rappelons d’abord que ce serait verser dans un amalgame odieux dont seule la religion musulmane est la cible : a-t-on demandé aux catholiques de se désolidariser d’Anders Behring Breivik lors de la boucherie d’Utoya, accomplie au nom des valeurs chrétiennes d’après son auteur ? Ensuite que ce serait être bien oublieux du principe de laïcité qui nous commande de ne pas reconnaître et donc de ne pas exiger de quelconques prises de positions politiques de la part des religions. Enfin que c’est avoir une lecture négligente, à dessein, des structures sociales.

Amédy Coulibaly et Chérif Kouachi se sont rencontrés puis radicalisés en prison. Dans une zone de non-droit où s’entretient une haine virulente contre une société dont eux aussi sont pourtant les héritiers. C’est à la misère et la prison qu’il faut donc, d’abord et avant tout, demander des comptes. L’une comme l’autre entravent l’avenir individuel. L’une comme l’autre sont synonymes de relégation sociale, de désintégration et au bout du compte, de déshumanisation. Et l’une et l’autre se suivent et se renforcent. Pris dans la misère, on tente de survivre, traité comme un esclave. Pris dans la prison, on tente de garder la volonté de vivre, traité comme un chien.

Les trois assassins djihadistes sont par ailleurs allés à l’école en France. Peut-être serait-il bon de nous interroger sur notre système scolaire, de remettre en œuvre une vraie politique de brassage social ; en obligeant par exemple les parents à mettre leurs enfants dans les établissements les plus proches de chez eux, à rebours des politiques d’assouplissement de la carte scolaire menée ces dernières années, qui mènent évidemment à une induration précoce de la stratification sociale.

Le surinvestissement politique du religieux

Pour autant, le retour du religieux politique observé ces derniers temps dans nos sociétés sécularisées n’est-il pas tout simplement la rançon d’un monde où le politique s’est peu à peu défait dans le nihilisme néolibéral et ses réflexes autoritaires, le paradigme désespérant du There is no alternative, jusqu’à devenir une vaste farce dont l’union nationale semble aujourd’hui le parachèvement complet ? « La misère religieuse est tout à la fois l’expression de la misère réelle et la protestation contre la misère réelle. La religion est le soupir de la créature accablée, l’âme d’un monde sans cœur, de même qu’elle est l’esprit d’un état des choses où il n’est point d’esprit », écrivait Marx.

Il ne parlait pas seulement de la misère matérielle, mais de la misère politique qui règne dans un monde glacé dans les eaux du calcul égoïste et entièrement soumis à la loi « sans âme » de l’accumulation. Un monde où l’homme aliéné cherche ailleurs son salut, dans la reconnaissance hypothétique de figures divines et la doxa des vérités révélées. Pour les jeunes déclassés, les revendications religieuses sont aussi « une manière de retrouver un pouvoir sur soi et de réorganiser sa dignité », comme le rappelait la sociologue Nancy Venel.

Néanmoins, ce qui menace le vivre ensemble et la paix n’est pas la croyance religieuse en tant que telle mais le fait qu’elle soit réinvestie en substitut politique aux mensonges de la société du spectacle capitaliste. Cette menace surgit au moment où le magistère moral des religions se transforme en velléité politique de façon plus ou moins brutale, du Printemps français vomissant le mariage pour tous dans une condamnation larvée de l’homosexualité, ou des djihadistes exaltés décimant des vies pour insulte au Prophète ou, à l’image de l’État islamique, impiété générale. Dès ce moment, elle excède la frontière entre vie privée et vie publique définie par le principe de laïcité en vigueur depuis 1905 en France.

Choisir la fraternité républicaine

Plutôt qu’à l’union nationale, les pouvoirs publics auraient donc mieux fait d’en appeler au sursaut républicain : de prendre des mesures pour ouvrir à nouveau le territoire du politique, pour y rassembler tous les citoyens de ce pays, quelle que soit leur confession, leur croyance philosophique où leur appartenance sociale. Une constituante, pourquoi pas. Ou autre chose. Par exemple un grand débat sur la laïcité et la paix civile (plutôt que sur l’identité nationale). Peut-être que les responsables politiques devraient d’ailleurs s’inspirer de l’initiative de Jean-Luc Mélenchon, qui donnera une conférence sur ce thème lundi 12 janvier.

Éveiller les consciences, argumenter les discours, organiser la controverse ; ouvrir une constituante, lancer des états généraux, convoquer de nouvelles élections, peu importe. Mais retrouver des temps politiques, des temps sauvegardés de l’isolement économique, du « désencastrement », pour parler comme Polanyi. Faire vivre les différences en les confrontant sereinement dans le périmètre de la res publica – et non les taire dans un consensus obligé.

Parler aussi de l’amour et du bonheur. À la politique, mêler une poétique. Pour, comme le dit si bien François Morel, « reboiser l’âme humaine ».

Clément Sénéchal

 

 

 

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11 janvier 2015 7 11 /01 /janvier /2015 20:23

 

Source : www.mediapart.fr

 

 

La levée en masse, et après ?

|  Par François Bonnet

 

 

 

Plus de trois millions et demi de personnes: ce sont les plus grandes manifestations en France depuis la Libération. Elles ont porté les demandes les plus diverses mais une exigence commune: élever le débat public. Il revient au pouvoir politique de s'en saisir même si, depuis 2012, François Hollande mais aussi Manuel Valls se sont montrés sourds à ces attentes de la société.

Jamais depuis la Libération, le pays ne s’était ainsi levé. Durant quarante-huit heures, la société française, dans son infinie diversité, a occupé la rue, et pris symboliquement le pouvoir. Trois millions au moins, peut être trois millions et demi voire quatre millions de personnes ont manifesté dimanche, à Paris mais aussi dans tous le pays. La veille, plus de 800.000 manifestants avaient déjà défilé.

Ce réveil citoyen presque sans précédent, cette gigantesque vague démocratique venant déferler sur toutes les villes ne sauraient être l’objet de quelques conclusions hâtives. Oui, des gens ont aussi manifesté pour des raisons très éloignées, voire opposées. Oui, être ensemble n’a nullement signifié être d’accord. Oui, cette apparente unité nationale n’a aucunement signifié l’«union sacrée». Toute tentative de récupération, toute volonté de réduire à une poignée de messages ce sursaut civique sera vouée à l’échec et au ridicule.

 

 
© Hervé Bourhis.

Sans banderole ni revendication partisane, l’immense rassemblement parisien a été à l’image de nombreuses manifestations en régions. Et il est apparu tout de même quelques constantes : le rejet du terrorisme bien sûr, de la haine et de l’antisémitisme à coup sûr ; l’affirmation de valeurs universelles et de principes républicains fondamentaux, sans aucun doute ; l’expression digne d’un refus de nous laisser entraîner dans des débats nauséabonds aggravant les fractures françaises, certainement. Des constantes résumées par les seules pancartes largement présentes dans le cortège parisien : «Je suis Charlie, je suis juif, je suis policier, je suis la République».

Qu’il semblait loin, très loin, ce dimanche, le temps ou France-2 et France Inter (c’était il y a moins d’une semaine) pouvaient inviter Michel Houellebecq dans leur prime time respectif pour touiller encore une fois la potion infâme des fantasmes antimusulmans… La vague citoyenne de ce week-end, dans la diversité de ses mobilisations et de ses raisons, aura finalement montré une exigence principale : élever ce pays, élever la politique, élever un débat public trop souvent confisqué par les médiocres incendiaires.

Et cette exigence exprimée est à elle seule une considérable victoire. Elle invalide d’abord largement l’argumentaire de tous ceux ayant appelé à ne pas manifester en dénonçant par avance une récupération et une unité nationale faite pour servir les pouvoirs. C’est oublier que le réveil de la société s’est toujours produit contre les unions sacrées et unités de façade. C’est négliger le fait que les manifestants de ce week-end, pas dupes des petits et grands calculs de nos politiciens, n’ont pas manifesté avec les politiques – ne parlons pas même de quelques apprentis dictateurs type Ali Bongo (lire notre article) – mais à des années lumière de ces derniers.

Cette levée en masse citoyenne ne s’est pas seulement faite sans eux. Elle peut aussi sonner comme un avertissement à des responsables politiques presque toujours en retard d’une évolution sociale parce que paralysés dans des calculs d’opportunités, sans même évoquer les médiocres jeux d’alliances et les petites courses électorales. Elever ce pays, prendre la mesure des demandes, certes exprimées de manière brouillonne mais affirmées avec force, c’est le défi lancé aux responsables politiques et, en premier lieu, au pouvoir.

François Hollande et Manuel Valls camperont-ils dans une vision héritée des néoconservateurs américains post 11-Septembre, comme ils l’ont fait avec constance depuis 2012 ? Placeront-ils le pays à l’heure de la « guerre globale contre le terrorisme », ce qui fut le message porté par le défilé d’une cinquantaine de chefs d’Etat et de gouvernement ? Une guerre déjà engagée depuis des années et systématiquement perdue. Et une guerre qui s’illustre par ce qui ressemble à un énorme fiasco des services policiers et de renseignement dans leur incapacité à avoir pu prévenir les attentats de Paris et ses dix-sept morts, dans leur nouvel échec à avoir pu arrêter vivants les trois terroristes.

Il est un chemin autre pour reconstruire pas seulement notre sécurité, mais pour prévenir de nouvelles fractures, entretenir cette mobilisation citoyenne et revitaliser notre démocratie. Le défricher signifie prendre des risques, tout ce que la présidence Hollande s’est refusée à faire depuis mai 2012. Il signifie de laisser de côté cette «union sacrée», dont la seule utilité est généralement de déposséder les citoyens, pour rebâtir un projet politique qui parle à la société plutôt qu’aux « marchés », aux agences de notation et aux acteurs économiques.

Il est de construire une véritable politique de lutte contre l’antisémitisme qui ne doive rien à un soutien ou non au gouvernement israélien. Il est d’inventer de nouveaux mécanismes d’inclusion quand des populations entières –et pas seulement les musulmans- sont aujourd’hui rejetées dans les marges, victimes de discriminations massives ou le ressentant comme tel. Il est de donner et la responsabilité et la visibilité à des minorités aujourd’hui reléguées et toujours sommées de prouver leur appartenance à la nation.

«Nous ne nous en sortirons que par une révolution politique», explique la philosophe Marie-José Mondzain dans un entretien à Mediapart (à lire ici), qui ajoute : «En France, il y a une défaillance fondamentale dans la distribution du savoir et de l’égalité des chances». C’est l’enjeu des semaines à venir pour François Hollande. Ou considérer que cette levée citoyenne n’est qu’un moment, semblable à la bouffée d’unanimisme national qui avait suivi la victoire de 1998 à la Coupe du monde de football. Ou s’en servir comme d’un levier pour réinventer un projet politique. La probabilité est certes des plus minces… Ne pas le faire n’est pas seulement obérer les chances de survie d’un pouvoir faible. Ce serait aussi faire grandir le risque de divisions accrues et donner la main un peu plus encore aux marchands de peurs et aux extrémistes.

 

Lire aussi

 

 

Source : www.mediapart.fr

 

 

 

 

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10 janvier 2015 6 10 /01 /janvier /2015 22:18

 

Source : cadtm.org

 

CADTM

 

 

Brochure

Que faire de la dette sociale ?

8 janvier par Pascal Franchet


Les déficits et la dette des organismes de la protection sociale sont systématiquement mis en avant par tous les gouvernements depuis 40 ans pour justifier des réformes qui, à chaque fois, détériorent les acquis sociaux des salariés (en activité, privés d’emploi ou en retraite) et de leurs ayants droits. On dénombre ainsi pas moins de 24 réformes d’ampleur depuis le plan Durafour de 1975.

Au fil des années, force est de constater, que non seulement ces déficits ne diminuent pas, mais que la dette augmente au rythme des mesures censées la résorber.

Que faire de la dette sociale ?

 

Nous proposons dans cette brochure de regarder de plus près cette « dette sociale » pour fournir à tout un chacun des éléments utiles pour la comprendre et la combattre, elle et les réformes régressives qu’elle a justifiées.

Nous essaierons de dire ce qu’elle est, d’où elle vient, à qui elle profite, comment cela fonctionne et ce que nous pouvons collectivement en faire. Nous tenterons au passage de tordre le cou à certaines idées reçues.

L’énormité des cadeaux sociaux du gouvernement actuel au patronat et la lutte des intermittents du spectacle et des précaires contre l’application de l’accord minoritaire du 22 mars 2014 en sont les dernières illustrations.

De ce point de vue, le gouvernement français actuel, comme les précédents, s’inscrit dans la droite ligne néolibérale de ce que met en œuvre la Troïka dans les pays du Sud de l’Europe : réduire, voire détruire la protection sociale publique pour satisfaire les appétits du secteur privé et de la finance, quel qu’en soit le prix à payer pour les populations.

La paupérisation d’une partie grandissante de la population, le délitement social et les drames humains que ce type de mesures induit ne peuvent se chiffrer. Ils sont incommensurables.

Puisse cette brochure servir à ceux et celles qui ont lutté, qui luttent et qui lutteront contre la remise en cause des acquis sociaux pour convaincre le plus grand nombre de rejoindre leur combat…

Que faire de la dette sociale ?

 

 

 

 

 

Source : cadtm.org

 


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9 janvier 2015 5 09 /01 /janvier /2015 18:03

 

Source : www.lemonde.fr

 

 

A Madrid, chez Goldman Sachs, propriétaire d’HLM

LE MONDE | 08.01.2015 à 11h55 • Mis à jour le 08.01.2015 à 12h01 | Par Isabelle Piquer (Madrid, correspondance)

 
 
Logement appartenant à Goldman Sachs occupé « illégalement » à Madrid.

Veronica Hidalgo n’a pas entendu parler de Goldman Sachs et pourtant le fonds d’investissement américain prévoit de l’expulser de son domicile le 18 février. Si cette mère célibataire au chômage, qui vit avec ses deux enfants dans un logement social du prolongement de Vallecas, l’une des banlieues ouvrières de Madrid, risque de se retrouver sans toit, c’est parce que le gouvernement régional a vendu son deux-pièces il y a un peu plus d’un an au géant américain, sans l’en informer.

Les autorités madrilènes avaient bien assuré à Veronica et à ses voisins, la plupart des jeunes sans emploi, que les conditions d’hébergement ne changeraient pas et qu’elle aurait toujours droit à ses subventions. Le nouveau bailleur a peu à peu remis les appartements sur le marché et demande désormais des loyers exorbitants à des locataires qui, dans le meilleur de cas, ne perçoivent que le RMI.

Son immeuble gris aux fenêtres étroites, édifié dans une zone de développement urbain à une heure en métro du centre de la capitale, n’a pourtant pas l’air d’un investissement qui pourrait intéresser la société basée à Manhattan. En fait, c’est une très bonne affaire. Après l’explosion de la bulle immobilière en 2008, de nombreuses administrations locales, qui avaient construit alors que le prix des terrains était au plus haut, se sont trouvées fortement endettées. C’est ainsi qu’en 2013 Madrid a vendu, en l’espace de quelques semaines, 15 % de ses logements sociaux, la plupart situés dans des quartiers périphériques comme Vallecas ou Carabanche et généra...

L’accès à la totalité de l’article est protégé  (*reservé aux abonnés du Monde.fr)   

 

 

Source : www.lemonde.fr

 

 

 


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7 janvier 2015 3 07 /01 /janvier /2015 16:09

 

Source : www.marianne.net

 

 

La loi Macron préfère les patrons délinquants aux représentants du personnel
Mercredi 7 Janvier 2015 à 06:00

 

Gérard Filoche*

 

"La République vous rattrapera", promettait François Hollande, en 2012 à la tribune du Bourget, aux "délinquants financiers". Mais comme le regrette Gérard Filoche, le projet de loi Macron démontre qu'il a choisi son camp : les patrons délinquants plutôt que les représentants du personnel. Comment ? En instaurant "rien de moins que la suppression de la peine d’emprisonnement associée jusqu’ici au délit d’entrave au droit syndical et aux fonctions de représentant du personnel", explique le responsable socialiste.

 

DAMOURETTE/SIPA
DAMOURETTE/SIPA
Le dossier de presse remis le 10 décembre pour la présentation du projet Macron permet de savoir, enfin, ce qui se cachait derrière la volonté, discrètement affichée, de modifier la sanction pénale pour les entraves au droit syndical et aux fonctions de représentant du personnel (délégué du personnel, Comité d'entreprise, Comité d'hygiène, de sécurité et des conditions de travail) : rien de moins que la suppression de la peine d’emprisonnement associée jusqu’ici au délit d’entrave (« susceptible de dissuader les sociétés étrangères d’investir dans les entreprises françaises... » comme l’avance le document de Bercy).
 
Et, peut-être même plus encore : la suppression de toute peine pénale, la formulation du dossier de presse (« Les sanctions pénales associées au délit d’entrave au fonctionnement des instances représentatives du personnel seront remplacées par des sanctions financières ») pouvant laisser entendre que les sanctions financières pourraient n’être plus qu’administratives...
 
Est-ce si choquant qu’un patron qui fait entrave aux lois d’ordre public social concernant l’instauration et le fonctionnement des institutions représentatives du personnel soit punissable de peines de prison ?
 
Cette peine figurait dans le code du travail. Pourquoi ? Parce que la Constitution française considère comme fondamentales ces institutions représentatives du personnel : l'article 8 du préambule de 1946 repris dans la Constitution de 1958 précise : « Tout travailleur participe, par l'intermédiaire de ses délégués, à la détermination collective des conditions de travail ainsi qu'à la gestion des entreprises ».
 
En fait, les juges (hélas) n’ont jamais prononcé de peines de prison ferme pour délit d’entrave. Mais la menace existait quand même. En mai 2010, deux dirigeants de l'usine Molex, appartenant à un groupe américain, avaient été condamnés à six mois de prison avec sursis par le tribunal correctionnel de Toulouse pour ne pas avoir informé les représentants du personnel avant d'annoncer la fermeture de l'usine.
 
Certains « grands patrons étrangers » auraient dit leur inquiétude face à ce risque pénal – pourtant si exceptionnel et si peu appliqué. Leurs avocats auraient souvent agité ce « chiffon rouge », leur conseillant la plus grande prudence et les mettant en garde contre « la tentative de délit d’entrave ». Evidemment ils nous racontent, sans preuve, non pas que cela aurait dissuadé certaines entreprises de violer nos droits, mais que cela les aurait empêchées de s’installer en France.
 
Aussi, le président de la République lui-même a-t-il annoncé lors du deuxième Conseil stratégique de l'attractivité ouvert aux patrons étrangers, qui s’est tenu le dimanche 19 octobre à l'Elysée, que cet article du droit pénal du travail serait annulé. « Les peines pénales associées au délit d'entrave, qui parfois même pouvaient être des peines de prisons qui n'étaient bien sûr jamais prononcées mais qui néanmoins pouvaient inquiéter, seront remplacées par des sanctions financières, et c'est mieux qu'il en soit ainsi ». Macron exécute donc cette volonté présidentielle.
 
En contrepartie de la suppression de cette peine, le ministre du Travail envisage que les contraventions aillent au-delà des modestes 3 750 euros actuels. Mais quel niveau d’amende sera assez dissuasif envers des actionnaires milliardaires lointains et rusés pour leur faire respecter notre droit du travail ?
 
Poser la question, c’est y répondre : si la menace de prison n’était déjà qu’un « chiffon rouge », alors l’amende les fera rire. Une fois de plus, on est loin du François Hollande au Bourget, menaçant la délinquance financière : « La République vous rattrapera », disait-il. Là, il s’agit carrément de supprimer les moyens de la rattraper. Au moment de prendre leur décision de fermer, pour causes boursières, des entreprises, rien ne sera plus capable, même à l’état de menace, d’empêcher les spéculateurs de ne pas consulter les élus des salariés.


* Gérard Filoche est membre du Bureau national du PS et ancien inspecteur du travail.


 

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6 janvier 2015 2 06 /01 /janvier /2015 19:05

 

Source : www.reporterre.net


 

Participation des citoyens : volonté politique ou enfumage médiatique ?

Françoise Verchère, Daniel Ibanez et Florent Compain

mardi 6 janvier 2015

 

 

 

Le président de la République a dit vouloir réformer la participation des citoyens à la définition des grands projets. Mais la première discussion sur le sujet commence... en excluant les principaux mouvements concernés !


Le 27 novembre dernier devant la conférence environnementale, le Président de la République déclarait : « Sivens exige donc d’accomplir des progrès supplémentaires dans la participation des citoyens dans l’élaboration de la décision publique. ... Tout doit être fait pour que, sur chaque grand projet, tous les points de vue soient considérés, que toutes les alternatives soient posées, que tous les enjeux soient pris en compte, mais que l’intérêt général puisse être dégagé... J’ai demandé au gouvernement d’engager un chantier sur la démocratie participative de manière à ce que, sur les grands projets, nous puissions avoir toutes les garanties, et qu’il ne puisse plus y avoir de contestation avec des formes inacceptables de violence. ... Les parties prenantes seront entendues et le Conseil national de la transition énergétique (sic) sera associé à cette réflexion. »

Il ajoutait : « Cette transparence est la première condition de la démocratie participative. Permettre aux citoyens d’entrer dans une forme d’égalité d’arguments, ce qui ne veut pas dire que toutes les idées se valent et que les opinions sont équivalentes. Non, il y a de l’expertise, de la science ! Mais il doit y avoir aussi de la contradiction. »

Cette déclaration a été interprétée comme une volonté politique d’associer les citoyens au processus de décision et d’imposer la nécessaire transparence.

Ce mardi 6 janvier, se réunit le Conseil national de la transition écologique (CNTE) avec à l’ordre du jour une discussion « sur la démocratie participative dans le domaine de l’environnement. »

Mais où est l’étape de l’écoute des "parties prenantes" ? Les discussions s’engagent alors que les mouvements citoyens d’opposition aux projets inutiles n’ont même pas été contactés.

Pire encore, les signes envoyés par l’État n’ont rien à voir avec les propos tenus par M. Hollande. Lundi matin sur France Inter, le Président de l’écoute déclarait à propos de Notre Dame des Landes : « Quand les recours seront épuisés, le chantier sera lancé ».

En Savoie, cinq opposants ayant déployé une banderole dénonçant le "Lyon-Turin Aberrant, Inutile, Coûteux et Dangereux" se sont retrouvés au poste de gendarmerie pour deux heures avec menaces de poursuites judiciaires du procureur de la République.

Les condamnations prononcées à Nantes sont d’une sévérité exceptionnelle, pour accréditer l’idée que l’opposition est le fait de quasi terroristes, violents et voyous.

Le refus de l’expertise citoyenne


- Contre le Lyon Turin, en 2013 -

En réalité, les déclarations sur la libre expression, le droit à la contestation et à l’opposition sont contredites par le refus de rouvrir les dossiers sur le fond. Refus de l’expertise citoyenne, refus de reconnaître les conflits d’intérêts, refus de revenir sur les erreurs voire les manipulations qui ont amené à déclarer « l’utilité publique ». Le silence des autorités ne peut que mener à la désespérance et à ses expressions quelles qu’en soient les formes. Car c’est le refus du débat sur le fond qui a entraîné la nécessité de résistance sur le terrain, à Notre-Dame-des-Landes, à Sivens, à Roybon. Le mépris est une arme aussi implacable que la répression.

Nous sommes pour la transparence de la décision publique dans l’intérêt général et sans conflit d’intérêts.

Si la volonté politique exprimée par François Hollande est réelle, alors il faut rompre avec les pratiques actuelles, alors il faut que la transparence, l’indépendance et l’impartialité soient affirmées comme des règles incontournables.

- Les conflits d’intérêts doivent être déclarés par la publication in extenso des curiculum vitae des membres des commissions.
- Les mouvements citoyens doivent être présents à tous les niveaux de l’élaboration de la décision, et leur expertise reconnue....

 

*Suite de l'article sur reporterre

 

 

Source : www.reporterre.net

 

 

 

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