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25 janvier 2015 7 25 /01 /janvier /2015 18:39

 

 

Source : www.mediapart.fr

 

 

*(Mise à jour à 1h13 dans la nuit de dimanche à lundi)

La soirée électorale à Athènes, Syriza largement en tête

|  Par Ludovic Lamant et Amélie Poinssot et martine orange

 

 

Près de dix millions de Grecs étaient appelés aux urnes dimanche pour élire leurs 300 députés. Syriza, le parti anti-austérité d'Alexis Tsipras, apparaît comme le grand vainqueur de l'élection, d'après les résultats officiels. Une projection réalisée à partir de 80% de bulletins dépouillés lui donne 149 sièges. Réactions et décryptages, à Athènes et en Europe, tout au long de la soirée.

 

La soirée électorale à Athènes, vers un triomphe de Syriza

|  Par Ludovic Lamant et Amélie Poinssot

 

 

Près de dix millions de Grecs étaient appelés aux urnes dimanche pour élire leurs 300 députés. Syriza, le parti anti-austérité d'Alexis Tsipras, est donné largement vainqueur par les premiers sondages "sortie des urnes". Va-t-il s'approcher de la majorité absolue? Réactions et décryptages, à Athènes et en Europe, tout au long de la soirée.

 

Quelque 9,8 millions de Grecs étaient appelés aux urnes dimanche pour élire leurs 300 députés dans le cadre d'élections législatives anticipées. C'est un triomphe, plus vaste qu'attendu, pour le parti anti-austérité Syriza.

Projections. A une heure du matin heure d'Athènes, avec 80% des bulletins dépouillés, Syriza est à 36,2% - soit 149 sièges sur 300 -, Nouvelle Démocratie à 28% (77), Aube Dorée à 6,3% (16), La Rivière à 6% (16), les communistes du KKE à 5,5% (15), les socialistes du PASOK à 4,7% (13) et les Grecs indépendants à 4,7% (13).

Elysée. François Hollande félicite Alexis Tsipras pour sa victoire, dans un communiqué: « Le Président de la République rappelle l’amitié qui unit la France et la Grèce et fait part à M. Tsipras de sa volonté de poursuivre l’étroite coopération entre nos deux pays, au service de la croissance et de la stabilité de la zone euro, dans l’esprit de progrès, de solidarité et de responsabilité qui est au cœur des valeurs européennes que nous partageons. » Début janvier sur France Inter, François Hollande avait déclaré que les Grecs étaient « libres de choisir leur destin » mais qu'ils devaient « respecter les engagements pris ».

PIB. Un graphique montrant l'effondrement de l'activité en Grèce depuis le début de la crise, publié par un collectif belge, qui donnera des arguments à ceux qui pensent que la Grèce reste un cas à part dans la zone euro

 

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Il suffit d'un seul graphe pour expliquer le triomphe de Syriza

 

Revue de presse. Trois « Unes » de quotidiens européens de lundi. Le Guardian juge que « la victoire historique de Syriza place la Grèce sur la voie de l'affrontement avec l'Europe ». Pour le Financial Times, « la victoire de la gauche radicale grecque lance un défi à l'establishment de la zone euro ». Quant au très conservateur quotidien espagnol La Razon, le « malheur » (« Desgrecia », jeu de mots avec « Grecia ») est en vue: « Les Grecs courent à l'abîme populiste »

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Vidéo. Extrait du discours de victoire d'Alexis Tsipras retransmis par France 24, avec traduction française.

 

 

Tsipras. Alexis Tsipras a affirmé devant des milliers de citoyens grecs réunis pour l'écouter, lors de son discours place de l'université dimanche soir, qu'il mettrait fin au « cercle vicieux de l'austérité ». « Désormais, la Troïka est une chose du passé », a-t-il affirmé, assurant qu'il annulerait les « mémorandum de l'austérité et du désastre » (les textes négociés entre Athènes et la Troïka au fil des plans de sauvetage).  « Je m'engage à un dialogue sincère avec nos partenaires européens pour une solution profitable a tous », a-t-il toutefois nuancé, se disant prêt à trouver des solutions « acceptables par tous » avec les créanciers. 

 

Alexis Tsipras. Amélie Poinssot / Mediapart. 
Alexis Tsipras. Amélie Poinssot / Mediapart.

Abstention. Le chiffre n'est pas encore définitif, mais le taux d'abstention pourrait s'établir à 37%, un niveau très élevé, mais légèrement en-deçà des législatives de 2012. Voir ici l'historique des taux de participation aux élections grecques.

Podemos. Pablo Iglesias, qui s'est rendu à Athènes soutenir Alexis Tsipras jeudi, n'a pas manqué de réagir aux résultats: « Les Grecs vont avoir un gouvernement vraiment grec pour les diriger, pas un envoyé spécial d'Angela Merkel », a ironisé Iglesias dans l'émission El Objetivo, sur la chaîne de télé La Sexta, après avoir fait la comparaison avec la première victoire de Lula, au Brésil. « L'année du changement en Europe commence en Grèce et se poursuivra en Espagne en 2015 », a-t-il pronostiqué.

Dans la même émission, d'autres politiques espagnols ont défilé. Du côté du PP (conservateurs au pouvoir) comme du PSOE (socialistes), chacun a insisté pour expliquer que « la Grèce n'est pas l'Espagne » et que les situations politiques ne sont « pas transposables ». Des élections législatives sont prévues à l'automne 2015 en Espagne.

Notre article sur la dynamique Podemos-Syriza en 2015 est ici. Notre article sur la campagne grecque vue d'Espagne est là.

 

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Projections. Nouvelles projections publiées par le ministère de l'intérieur, à partir de 62% des votes dépouillés: Syriza 36%, Nouvelle démocratie 28%.

 

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Bruxelles. Alors qu'Alexis Tsipras s'exprime aux alentours de 23h30 heure d'Athènes sur la place de l'université pleine à craquer, toujours aucune réaction officielle à Bruxelles, côté commission, conseil européen ou présidence du parlement européen. En attendant, notre article publié mi-janvier, sur la manière dont Bruxelles se prépare au « moment de vérité ». Où le commissaire Pierre Moscovici assure qu'il est possible de trouver « un langage commun » avec Tsipras.

 

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Discours de victoire de #tsipras site la place de l'université. #historique #Syriza

 

Samaras. « Nous avons empêché le pire, et rétabli le prestige du pays », a déclaré Antonis Samaras, le premier ministre sortant, de Nouvelle Démocratie, après avoir reconnu sa défaite. « Nous aurons commis des erreurs, mais nous avons évité le pire. La Grèce est aujourd'hui un pays sérieux, sûr et sans déficit. Nous avons mis le pays sur le bon chemin pour sortir de la crise. J'ai dirigé le gouvernement d'un pays de l'UE, nous l'avons maintenu au sein de l'UE, et j'espère que le prochain gouvernement suivra le même chemin », a poursuivi Samaras, sorti vainqueur du scrutin de juin 2012 (source: El Diario).

1974. Tweet d'un écologiste britannique: « Nouvelle Démocratie ou le PASOK ont toujours été l'un ou l'autre au gouvernement depuis la fin de la dictature (1974). Merci Syriza! ».

 

Jon Worth @jonworth

New Democracy or PASOK has been in every government in Greece since the end of the dictatorship (1974) -until now. Thank you #Syriza! :-)

 

Ensemble! Extrait du communiqué du mouvement animé par Clémentine Autain, membre du Front de gauche: « Contre les faux amis et les adversaires de toute nature, à commencer par les banques, Syriza aura besoin de tout notre soutien pour l'annulation de la dette illégitime, prendre les mesure sociales de première urgence et engager une politique mettant fin à la crise humanitaire qui frappe la population. Ce qui est possible en Grèce doit l'être dans d'autres pays en Europe. »

Euro. La monnaie unique est à la baisse après l’annonce de la victoire de Syriza en Grèce. La monnaie européenne, qui a déjà beaucoup baissé ces derniers jours, notamment après les annonces de jeudi de la BCE, est tombée à 1,117 dollar, son plus bas niveau depuis septembre 2003.

Photo. Des militants de Syriza photographiés par Reuters à l'annonce des résultats de l'élection.

 

Des militants de Syriza à l'annonce des résultats de l'élection, le 25 janvier. 
Des militants de Syriza à l'annonce des résultats de l'élection, le 25 janvier. © Reuters

PASOK. La chute libre du parti socialiste grec à partir de 2010, documentée par le journaliste du Guardian Alberto Nardelli:

 

Alberto Nardelli         @AlbertoNardelli

The fall of Pasok since 1981: 48.1% 45.8% 39.1% 40.7% 38.6% 46.9% 41.5% 43.8% 40.5% 38.1% 43.9% 13.2% 12.3% 2015: 4.8% #ekloges2015

 

Belgique. L'ex-premier ministre belge Elio Di Rupo, aujourd'hui à la tête du PS francophone, « salue la victoire éclatante de Syriza ».

 

Elio Di Rupo         @eliodirupo

Les Grecs ont largement plébiscité la gauche et ont affirmé leur volonté de rompre avec les politiques d’austérité #Grèce #Syriza

 

CDU. Le porte-parole pour les affaires étrangères du groupe parlementaire allemand CDU/ CSU, Philipp Missfelder, a déclaré que l’Allemagne est préoccupée par la montée des mouvements populistes en Europe, qui sont « très mauvais pour l’Europe et pour l’euro ». « Ce mouvement de protestation n’est pas une surprise. Les gens ne sont pas contents avec les mesures d’austérité, pas seulement en Grèce mais aussi dans des pays comme l’Italie. Mais Syriza ne doit pas attendre de l’Allemagne une renégociation des programmes. Ils doivent respecter ce que l’ancien gouvernement a promis », a-t-il déclaré. Selon lui, si les responsables grecs veulent renégocier, ils devront le faire avec la Troïka (BCE, FMI, commission européenne). « Nous ne sommes pas en position de négocier », a-t-il affirmé, ajoutant que l’Allemagne ne veut risquer un Grexit (une sortie de la Grèce de la zone euro) et essaiera de l’éviter. Ci-dessous, la réaction, dans le même esprit, de l'eurodéputé allemand Manfred Weber, chef des conservateurs au parlement européen:

 

Manfred Weber         @ManfredWeber

Reform path in #Greece needs to be continued. Soon it will become clear that Mr Tsipras makes empty promises @EPPGroup

 

UMP. Extrait du communiqué de Pierre Lellouche, délégué général aux relations internationales pour l'UMP, qui adresse à la nouvelle majorité ses « vœux de succès »: « Depuis trois ans, sous la direction du Premier Ministre Antonis Samaras, dont l’UMP tient à saluer l’action, la Grèce a conduit une politique courageuse d’assainissement de ses comptes publics et redressement de son économie. (...) L’UMP espère que ces efforts, qui ont demandé d’importants sacrifices au peuple grec et qui commencent à produire leurs effets, ne seront pas dilapidés (...) Il appartiendra demain au prochain Premier ministre grec de clarifier les choix de son gouvernement, s'agissant de la nécessaire maîtrise de ses comptes publics comme du respect des engagements européens et internationaux de la Grèce. L’appartenance à la zone euro implique que chacun de ses membres, par-delà les choix politiques légitimes, respectent ses engagements ainsi que les règles communes ».

Le message du maire de Nice Christian Estrosi, lui, n'est pas passé inaperçu:

 

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Dans le sport national récup victoire #Syriza, le champion toutes catégories est de très loin.... Christian Estrosi..

 

Première analyse. Amélie Poinssot, notre envoyée spéciale à Athènes, livre à chaud, aux alentours de 20h30 heure française, à partir des premiers dépouillements - et donc de prévisions encore fragiles - les enseignements qui se dessinent:

  • Syriza: la majorité absolue pourrait se jouer à un ou deux sièges près, cela risque encore de beaucoup évoluer dans la soirée.
  • L'extrême droite néonazie d'Aube Dorée devient la troisième formation du pays - c'est inédit pour des législatives (ils avait obtenu 6,97% des voix aux législatives de juin 2012, faisant alors leur entrée au parlement, puis 9,4% aux européennes de mai 2014). 
  • C'est sans doute la fin de carrière politique de Georges Papandréou, l'ex-premier ministre socialiste, qui avait tenté de se relancer en créant un nouveau parti qui n'a, selon les premières estimations, pas dépassé la barre des 3% (nécessaire pour faire son entrée au parlement)
  • Le PASOK (parti socialiste) sauve les meubles, dans la mesure où il rentre tout de même au parlement. Mais il faut se rappeler qu'il faisait encore 40% il y a quatre ans...
  • Les communistes du KKE conservent leur électorat (stable) tandis que le nouveau parti La Rivière semble rater son pari (il ambitionnait de devenir la troisième formation, devant Aube Dorée).

Premiers résultats / intérieur. Le ministère de l'intérieur grec communique ses premiers résultats à partir des premiers dépouillements, avec un écart toujours massif entre les deux partis de tête: Syriza (36,5%) et Nouvelle Démocratie (27,7%). Ce qui donnerait 150 ou 151 sièges pour Syriza (soit l'exacte majorité absolue), contre 76 pour ND... Suivent Aube Dorée (6,3%), La Rivière (5,9%) puis les communistes du KKE, les socialistes du PASOK (4,8%) et les Grecs indépendants. Ce ne sont donc que des résultats très partiels, mais plus fiables que les premières projections de la fin d'après-midi.

 

Kathimerini English @ekathimerini

Interior Ministry's first projection based on actual votes counted (1 of 3) SYRIZA 36.5% (150 seats) ND 27.7 (76) #greece #ekloges2015

 

Bundesbank. Le président de la Banque centrale allemande, Jens Weidmann, a réagi très rapidement à la victoire attendue de Syriza. Il a appelé la Grèce à respecter ses engagements. « J’espère que le nouveau gouvernement ne fera pas des promesses que le pays ne peut se permettre » a-t-il déclaré dans un entretien à la chaîne de télévision ARD. «  Je crois que c’est aussi dans l’intérêt du gouvernement grec de faire le nécessaire pour s’attaquer aux problèmes structurels », a-t-il ajouté , estimant que l’administration, les finances publiques et l’économie avaient besoin de réformes. « J’espère que le nouveau gouvernement ne remettra pas en question ce qui a déjà été réalisé », a-t-il conclu.

« La possibilité de former un gouvernement est acquise ». Konstantin Tsoukalas est une figure intellectuelle en Grèce. Tête de liste de Syriza pour la liste dite « d'Etat », ce sociologue est donc certain d'être élu. Il confie à Mediapart sa première analyse, à chaud, du scrutin, depuis le siège du parti - où Alexis Tsipras vient par ailleurs d'arriver (aux alentours de 21h15 heure d'Athènes): « C'est une victoire encore plus spectaculaire que celle que l'on attendait. On ne s'attendait pas à une différence d'une dizaine de points avec Nouvelle Démocratie comme l'indiquent les sondages de sortie des urnes. Cela signifie que même si l'on ne peut encore se prononcer à cette heure sur la majorité absolue ou pas, la possibilité de former un gouvernement est déjà acquise.

Mais il y a des luttes encore plus importantes qui nous attendent. Sur le front intérieur il faut traiter une crise humanitaire en toute urgence, et au niveau européen, la lutte sera longue et difficile. Mais cette victoire de Syriza peut mener à un changement des équilibres au niveau européen. Les politiques à sens unique du système européenne depuis 15 ans pourraient changer. Pour la première fois depuis des années je suis optimiste. Cette victoire nous permet d'imaginer un moyen de pression et de jouer avec une opinion publique européenne qui me paraît prête à penser en d'autres termes que l'austérité. »

La Rivière. Guy Verhofstadt, ex-premier ministre belge, aujourd'hui patron du groupe des libéraux au parlement européen, se félicite du score de La Rivière, cette jeune formation constituée autour d’une vedette de la télévision grecque, Stavros Théodorakis, qui approcherait les 7% selon les sondages. « J'espère que To Potami (La Rivière, ndlr) jouera un rôle clé dans une future coalition gouvernementale. Avec leur agenda réformiste, ils sont porteurs d'espoir pour l'avenir de la Grèce ».

PC. Extrait du communiqué de presse de Pierre Laurent, secrétaire national du parti communiste, et président du parti de la gauche européenne (PGE), où l'on retrouve Syriza: « Avec la victoire de Syriza, le peuple grec vient de retrouver sa dignité et d'écrire une page historique. Déjouant toutes les pressions, les menaces et les tentatives de divisions, les Grecs se sont exprimés avec force pour affirmer leur souveraineté (...) La victoire de Syriza ouvre la voie du changement en Europe. François Hollande a raté le rendez-vous de l'histoire d'une réorientation de la construction européenne en 2012 ; l'espoir désormais vient d'Athènes. »

Réaction / Europe. Ska Keller est une eurodéputée allemande du groupe des Verts. Elle a débattu à plusieurs reprises avec Tsipras lors de la campagne des européennes en mai (ils étaient tous deux chefs de file de leur parti européen respectif). 

 

Ska Keller @SkaKeller

congratulations, @tsipras_eu! and good luck, you will need it:). hopefully, this can be kick towards more social&ecological greece and EU.

 

« Quelque chose est en train de se mettre en route ce soir ». Notre envoyée spéciale vient de recueillir deux réactions de candidats aux législatives, au siège de Syriza à Athènes. Christos Staïkos, issu des Jeunesses de Syriza, candidat dans la 2e circonscription d'Athènes: « Pour moi qui suis candidat pour la première fois à une élection, c'est très émouvant. Cette victoire, c'est une victoire pour la Grèce, mais c'est aussi un événement européen. Si l'on obtient la majorité absolue, ce sera une victoire encore plus grande pour le peuple européen. Quelque chose est en train de se mettre en route ce soir ». PourAnneta Kavvadia, elle aussi candidate pour la première fois dans la 2e circonscription d'Athènes: « On est très heureux ce soir. Mais on se sent aussi très responsables. A partir de demain, on a un travail difficile à accomplir. On s'engage à ce que le gouvernement de Syriza soit un gouvernement qui représente tous les Grecs. »

Sondage sortie des urnes. Un sondage sortie des urnes actualisé, a été publié aux alentours de 20h30 heure d'Athènes, avec un écart toujours conséquent entre Syriza (36-38) et Nouvelle Démocratie (28-26).

 

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With 100% of data processed: MRB exit poll for Star TV, give Syriza 10-point win, seat projection 148-154 #Greece

Italie. Sandro Gozi, le secrétaire d'Etat aux affaires européennes du gouvernement de Matteo Renzi, a déjà félicité sur Tweeter Alexis Tsipras pour sa victoire. Pour rappel, une liste concurrente au parti démocrate de Renzi, « L'autre Europe avec Tsipras », s'était formée pour les européennes de mai dernier, avec un succès tout relatif. Notre article sur cette liste de la gauche de la gauche italienne est à retrouver ici. 

 

Sandro Gozi @sandrogozi

Congratulations to @AlexisTsipras ready to work with new greek gvt for a more democratic and political Union @DipPoliticheUE @pdnetwork

Gauche. Un tweet mordant de l'écrivain espagnol Isaac Rosa, à destination implicite de Podemos, la formation de Pablo Iglesias qui refuse toujours de se placer sur l'échiquier droite-gauche. « En Grèce, c'est la gauche qui gagne. Je répète: la gauche gagne. Je répète, pour ceux du fond qui n'auraient pas entendu: la gauche ».


Isaac Rosa @_isaacrosa

En Grecia gana la izquierda. Repito: gana la izquierda. Repito por si no oyeron al fondo: izquierda.

 

Au QG de Syriza (suite). Aux environs de 20h20 heure locale, des journalistes attendent l'arrivée d'Alexis Tsipras dans les quartiers généraux de Syriza à Athènes.

Amélie Poinssot / Mediapart à Athènes. 
Amélie Poinssot / Mediapart à Athènes.

Réaction / Europe. L'Italien Gianni Pittella, le chef des sociaux-démocrates (S&D) au parlement européen (groupe qui comprend le PS et le PASOK grec, en chute libre), n'a pas attendu les résultats officiels pour envoyer sa première réaction: « Les Grecs ont clairement choisi de rompre avec l'austérité imposée par les diktats de la Troïka et demandent à leur futur gouvernement de mettre en place des politiques basées sur davantage de justice sociale. La renégociation de la dette grecque, et en particulier l'extension des termes du prêt, ne doivent plus être considérés comme un tabou. Il est désormais l'heure d'investir dans la croissance économique, pour réduire les déficits et la dette publique. Le S&D a toujours défendu cette approche au parlement européen. (...) Si les sondages sortie des urnes se confirment, les résultats de cette élection préparent le terrain à une grande coalition progressiste ».

PS. « Le PS devrait analyser pourquoi son homologue grec est aujourd’hui à 3% », juge le député socialiste Christian Paul sur le site Atlantico. De son côté, Jean-Marie Le Guen, secrétaire d'Etat chargé des relations avec le parlement, déclare à L'Opinion: « Syriza pourrait bénéficier de mon soutien autant que de celui de Cécile Duflot, car il est en train de se mettre sur des positions euro-compatibles, plus proches de celles de François Hollande que de celles de Jean-Luc Mélenchon.» On peut lire sur Mediapart notre entretien avec le socialiste Guillaume Balas (« La gauche Syriza me va très bien ») et notre reportage à la soirée de soutien lundi dernier, à Paris, avec le Front de gauche, EELV ou encore certains socialistes critiques.

Ci-dessous le tweet de Philip Cordery, ex-numéro deux du parti socialiste européen, devenu député socialiste français en 2012:

 

Philip Cordery @PhilipCordery

Victoire de la gauche en Grèce. La ligne anti-austérité renforcée en Europe. Alexis Tsipras, nouvel allié de la réorientation de l'UE.

 

Diaporama. Le quotidien espagnol El País met en ligne un diaporama de 18 photos grand format qui résument cette journée électorale particulière en Grèce. A voir ici, en libre accès.

Espoir. Le slogan de Syriza adapté aux circonstances (à l'origine: « L'espoir arrive »).

 

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#Grèce "L'espoir a gagné" Syriza a changé son slogan. RT @syriza_gr: Η ελπίδα νίκησε! #syriza #ekloges2015

 

Renégociation. Dix-huit économistes dont les deux « prix Nobel » Joseph Stiglitz et Chris Pissaridies ont signé dimanche un appel dans le Financial Times demandant une renégociation de la dette grecque. « Nous pensons qu’il est important de faire la différence entre l’austérité et les réformes. Condamner l’austérité ne signifie pas être anti-réforme. Une stabilisation macro-économique peut être réalisée plus  sûrement par la croissance et une meilleure efficacité dans la collecte de l’impôt qu’au travers la réduction des dépenses publiques qui réduisent les revenus et accroissent les dettes », écrivent-ils. « Nous pensons que l’Europe entière bénéficiera de la chance donnée à la Grèce d’un nouveau départ ». 

Répartition en sièges. Si les sondages sortie des urnes se confirmaient - ce qui est encore loin d'être certain -, Syriza totaliserait entre 146 et 158 sièges, d'après les premières projections de la presse grecque. Il faut 151 sièges pour la majorité absolue (total de 300 députés). Pour rappel, le parti qui vire en tête empoche mécaniquement 50 sièges, les autres sont répartis à la proportionnelle.

 

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La projection en sièges du journal Ethnos la majorité absolue est à 151 !!!!

 

Aube dorée. Le parti néo-nazi pourrait devenir la troisième force du pays, tandis que les socialistes du PASOK semblent poursuivre leur effondrement. Un commentaire à chaud d'Eric Maurice, journaliste français spécialiste des enjeux européens:

 

Eric Maurice @er1cmau

#Grèce: malgré ce que la justice a révélé de leur violence et corruption, les néo-nazis d'Aube Dorée vont faire au moins aussi qu'en 2012.

 

Au QG de Syriza (suite). Stathis Kouvélakis, membre de Syriza, universitaire, professeur au King's College à Londres, commente les sondages sortie des urnes, depuis le QG de Syriza à Athènes: « C'est une victoire historique, c'est un raz de marée. Aucun sondage n'avait prévu un écart aussi grand entre Syriza et Nouvelle Démcratie. Cela montre l'affaissement de l'électorat de Nouvelle Démocratie. Le centre gauche se maintient mais on n'observe pas non plus de percée de ce côté ». Sur Mediapart, on peut lire cet entretien avec Kouvélakis, mené par Philippe Marlière, en juin 2012: « Syriza est l'expression d'une nouvelle radicalité à gauche ».

PG. Jean-Luc Mélenchon a réagi sur BFM TV aux premiers chiffres de la soirée.

 

Jean-Luc Mélenchon         @JLMelenchon

#Syriza, c'est une page nouvelle pour l'Europe. #BFMPol #BFMTV

 

Au QG de Syriza. Notre envoyée spéciale Amélie Poinssot est au QG de Syriza à Athènes. Elle vient de recueillir, aux côtés de journalistes grecs, la première réaction de la responsable du bureau de presse de Syriza, après la publication des premiers sondages sortie des urnes, qui donnent Syriza proche de la majorité absolue. « C'est une victoire historique. C'est la victoire du peuple qui s'est mobilisé contre l'austérité. Ce résultat peut être la première étape, pour des développements progressifs en Europe. Syriza va prendre la responsabilité d'un gouvernement de sauvetage national, un gouvernement capable de mettre en place un programme politique, le 'programme de Thessalonique'. Ce programme va permettre de faire face à la crise humanitaire. Et il peut commencer une vraie négociation avec nos partenaires européens ».


Au QG de Syriza, lors de la publication des sondages sortie des urnes. 
Au QG de Syriza, lors de la publication des sondages sortie des urnes. © AP.

Sondage sortie des urnes. Syriza semble bien parti pour décrocher une majorité absolue. Les sondages sortie des urnes publiés à 19h heure locale (18h heure de Paris) donnent le parti de Tsipras à 35,5 - 39,5% et Nouvelle Démocratie à 27%. Prudence, donc: ce ne sont pas encore des résultats.

 

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#ekloges15 > premières estimations / #Syriza : 35,5 à 39,5

 

Enjeux. Principal enjeu de la soirée: le score de Syriza, la formation anti-austérité d'Alexis Tsipras, qui pourrait s'approcher de la majorité absolue (151 sièges sur 300), devant Nouvelle Démocratie, le parti conservateur au pouvoir. Pour y parvenir, la formation de la gauche radicale doit obtenir entre 35 et 39% des voix. Il faudra aussi s'intéresser à l'identité du parti qui arrivera en troisième position (rien n'est sûr), et du score des « petits partis » avec qui Syriza pourrait avoir à construire une coalition (par exemple, la droite nationaliste des Grecs indépendants, ou encore « la Rivière »).

Espagne. Beaucoup d'élus espagnols ont fait le déplacement à Athènes. Pablo Iglesias, le leader de Podemos, a tenu meeting à Athènes cette semaine. On signale aussi ce blog tenu sur le site Publico par le député Alberto Garzon, l'une des figures d'Izquierda Unida (équivalent du Front de gauche en Espagne), sur son séjour à Athènes. Sur les échos Grèce - Espagne, lire notre article: La classe espagnole s'échauffe sur les élections grecques.

Ci-dessous, un tweet de Garzon (conversation avec un chauffeur de taxi à Athènes, qui gagne 500 euros par mois: « - Tu aimes Syriza? - Oui je n'ai rien à perdre »)

 

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- ¿Te gusta Syriza? - Sí, no tengo nada que perder. Conversación nítida con un taxista que gana 500 euros.

 

Occupy. Soutien du mouvement Occupy surgi aux Etats-Unis en 2011, pour Syriza.

 

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Greek voters faced a real choice today: establishment vs. radical leftist coalition #Syriza. http://inthesetimes.com/article/17561/zizek_greece_syriza

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Twitter. Pour suivre la soirée électorale en VO sur Twitter: #ekloges2015.

Dossier. Tous nos articles, reportages et analyses au fil des mois sur la dynamique Syriza sont à retrouver ici.

Européennes mai 2014. Syriza s'était imposé aux dernières élections européennes (mai 2014) avec 26,6%, puis Nouvelle démocratie (22,7%), Aube Dorée (9,4%), PASOK (8%), La Rivière (6,6%), KKE (6,1%), Grecs indépendants (3,5%). Relire l'article publié à l'époque sur Mediapart: « En Grèce, l'exception Syriza ».

Législatives juin 2012. Pour se raffraîchir la mémoire, voici les résultats des principaux partis grecs aux législatives de juin 2012: Nouvelle démocratie (conservateurs, 29,7%), Syriza (gauche radicale, 26,9%), PASOK (socialistes, 12,3%), Grecs indépendants (droite, 7,5%), Aube Dorée (extrême droite, 6,9%), gauche démocratique (Dimar, 6,3%), KKE (communistes, 4,5%). Le graphique ci-dessous est tiré des graphiques réalisés sur ce blog de la London School of Economics.

L'évolution des scores électoraux depuis 2008 en Grèce (et en partiulier l'effondrement du PASOK). Source: LSE. 
L'évolution des scores électoraux depuis 2008 en Grèce (et en partiulier l'effondrement du PASOK). Source: LSE.

 

Source : www.mediapart.fr

 

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24 janvier 2015 6 24 /01 /janvier /2015 19:24

 

Source : blogs.mediapart.fr/blog/patrick-saurin

 

 

Le franc suisse s'envole: raison de plus pour ne pas payer les emprunts toxiques

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23 janvier 2015 5 23 /01 /janvier /2015 22:21

 

 

Source : www.politis.fn

 

 

Par Le Yéti - Suivre sur twitter - 22 janvier 2015
"Assouplissement quantitatif" : le saut de la mort de la BCE (et du système)

 

 

 

22 janvier 2015 : la Banque centrale européenne (BCE) vient de craquer et de céder à son tour à l’urgence de la planche à billets. En termes techniques, on appelle ça un "Quantitative Easing" (QE), en français "assouplissement quantitatif". C’est-à-dire le dernier saut de la mort du système financier.

En gros, un QE consiste pour une banque centrale à racheter les dettes d’États pour tenter de relancer leurs économies en injectant un flot de liquidités. La BCE vient donc de décider d’acheter des dettes d’État à concurrence de 60 milliards par mois de mars 2015 à septembre 2016, soit une injection ahurissante de 1140 milliards d’euros.

Le problème c’est que les précédents QE commis par d’autres banques centrales n’ont strictement servi à rien. La Fed américaine en est à son troisième et vient néanmoins d’annoncer qu’elle allait devoir continuer son soutien à l’économie US pendant une période « considérable ». Celui de la BoJ japonaise s’est terminé en récession. Quant au QE massif effectué par la Banque d’Angleterre, son échec est reconnu par son ex-gouverneur, Mervyn King :

« Nous avons eu la plus grande stimulation monétaire que le monde n’ait jamais vu, et nous n’avons toujours pas résolu le problème d’une demande trop faible. L’idée que ce stimulus monétaire portera ses fruits au bout de six ans est selon moi une erreur. »

Les trois grandes étapes d’un effondrement systémique

Le problème, c’est qu’en fait plus rien ne marche, ni les politiques d’austérité, ni les politiques de relance. Pas plus les QE que les autres outils à discrétion des banques centrales. En 2011, la BCE a prêté 1000 milliards d’euros aux banques privées. Aucun n’a été redirigé vers l’économie réelle. En 2013, la BCE a récidivé en proposant 400 milliards aux banques, mais avec cette fois des contraintes dans l’utilisation de ces prêts. Les banques ont préféré dédaigner l’offre et seuls 80 milliards ont à ce jour été utilisés.

Le problème aujourd’hui, ce n’est plus telle ou telle politique, telle ou telle injection massive de liquidités, mais l’état général de la machine, c’est-à-dire du système lui-même, pourri au cœur.

En réalité, les banques centrales sont l’ultime rempart d’un système avant son effondrement, la dernière étape avant paralysie fatale. Résumons les trois grandes étapes successives de la Grande crise financière entamée en 2008 :

  • la faillite du système financier privé, sauvé in extremis fin 2008 par les États ;
  • des États rincés par l’aide qu’ils ont accordée pour sauver les banques privées en déroute et par leurs efforts pour réduire une dette publique irrirréductible ;
  • des banques centrales transformées en "bad banks" pour sauver des États financièrement asphyxiés.

Le dernier rempart du système va donc assurément s’écrouler. Les banques privées, qui ont compris le côté désespérée de la situation, délaissent l’économie réelle et vident leurs caisses à grands coups de dividendes et de bonus. Les États n’ont plus que des restrictions budgétaires à opposer à un endettement toujours galopant. Et que fera la BCE avec dans ses caisses des dettes que les États seront bien en peine de lui racheter ?

Avec les dernières annonces de Mario Draghi, la boucle finale est en train de se boucler [1].

P.-S.

Photo : AFP/Tiziana Fabi.

Notes

[1] Deux autres avis :

 

 

Source : www.politis.fn

 

 

 

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23 janvier 2015 5 23 /01 /janvier /2015 21:30

 

 

Source : www.mediapart.fr

 

Un rapport épingle le lobbying des gouvernements étrangers à Bruxelles

|  Par Thomas Cantaloube

 

 

De nombreux gouvernements répressifs dans le monde emploient des agences de relations publiques pour redorer leur image auprès de l'Union européenne, décrypte l'ONG Corporate Europe Observatory. Le tout dans l'opacité la plus complète.

L’influence considérable des lobbies à Bruxelles est devenue l'une des questions centrales auxquelles sont confrontées les institutions européennes – voir l’article récent de Mediapart sur les réformes envisagées par le président de la Commission Jean-Claude Juncker. Mais quand on pense lobby, on pense souvent à l’influence des industries du tabac ou de la finance, de l’agriculture ou de l’énergie. On songe plus rarement aux pressions des pays étrangers qui, contournant les échanges diplomatiques traditionnels, cherchent à faire orienter la politique étrangère européenne ou à modifier la perception de l’opinion publique.

C’est tout le mérite d’un rapport publié mardi 20 janvier par l’ONG Corporate Europe Observatory (CEO), qui met en lumière cette question du lobbying en faveur des pays étrangers les moins recommandables. Ce lobbying s’avère très actif à Bruxelles et s’exerce dans la plus grande opacité. Le nom de cette étude (disponible ici en anglais) est éclairant : « Les "spin doctors" des autocrates : comment des sociétés de relations publiques européennes blanchissent les régimes répressifs. » Comme l’annonce un des directeurs de l’ONG Human Rights Watch, qui milite en faveur des droits humains dans le monde : « La paranoïa coûte cher. Beaucoup de régimes répressifs dépensent bien plus que les ONG, dix ou cinquante fois plus, en rémunérant des entreprises qui s’efforcent d’influencer les décideurs européens et les médias dans le but de blanchir la réputation de dictateurs. »

Le rapport de CEO balaie une quinzaine d’exemples, du Rwanda à la Russie, de l’Ouzbékistan au Bénin, des pays à la réputation et aux pratiques démocratiques douteuses, qui essaient d’agir sur Bruxelles par des moyens autres que diplomatiques, par le biais de cabinets de relations publiques, d’agences de lobbying ou de « think tanks » soi-disant impartiaux, mais dont les objectifs sont très orientés. Londres est considéré comme le centre névralgique de ce type de cabinets (au point que ce genre de travail est qualifié de « blanchiment londonien »), mais Paris et Berlin jouent également « un rôle important ».

L’étude documente par exemple le rôle de « réhabilitation publique » joué par les agences de communication en faveur des présidents nigérian Jonathan Goodluck ou kényan Uhuru Kenyatta. De parias, ceux-ci sont devenus des personnalités acceptables par les Européens grâce au travail des firmes londoniennes Bell Pottinger ou BTP advisers. « On estime à entre 15 000 et 25 000 le nombre de lobbyistes professionnels opérant à Bruxelles », écrit CEO. « La plupart représentent des intérêts d’entreprises, mais la délégation par des gouvernements de leur diplomatie à ces consultants est un domaine en développement. Les gouvernements de pays répressifs recherchent souvent des accords commerciaux ou un simple accès préférentiel aux décideurs européens et, pour cela, ils ont besoin d’une bonne image. »


Le rapport de CEO 
Le rapport de CEO

Un des exemples les plus éclairants est celui de l’Azerbaïdjan, qui pratique de manière assez intensive la « diplomatie du caviar » à coups d’invitations adressées à des députés européens. Invitations qui transitent par différentes organisations soi-disant indépendantes, mais financées par le gouvernement azéri. Lors des élections de 2013, une délégation de six parlementaires européens s’était rendue sur place pour surveiller les élections présidentielles, qu’ils ont jugées tout à fait régulières, alors que l’OSCE parlait de « fraude systématique » pour un scrutin qui a vu la victoire de l’autocrate Ilham Aliyev, au pouvoir depuis 1993, avec 84,5 % des voix. Le comité d’éthique du Parlement européen a conclu que les six députés avaient violé le code de conduite parlementaire en ne déclarant pas qu’ils avaient été invités par les autorités d’Azerbaïdjan, voire qu’ils avaient pu toucher de l’argent, mais aucune sanction n’a été prise.

L’étude de l’ONG met également en lumière l’activité de la parlementaire française Rachida Dati – elle est le seul député européen qui a son propre encadré dans tout le rapport, alors que l’ONG n’est même pas francophone –, qui est particulièrement proche de l’Azerbaïdjan. Le rapport rappelle une conférence organisée à Paris par Dati afin de célébrer les ressources énergétiques du pays, en présence notamment du PDG de GDF-Suez, et note la déclaration du parlementaire européen Gerald Hafner, en charge du comité sur le code de conduite des députés européens, en avril 2014 : « Rachida Dati est restée très longtemps inactive quand, soudain, elle s’est mise à travailler énormément sur les questions énergétiques. Étrangement, tout ce qu’elle fait correspond exactement aux intérêts d’un lobby spécifique, GDF-Suez. Un de ses porte-parole a admis qu’elle agissait en faveur de Gaz de France et a indiqué combien elle avait été rémunérée pour cela. »

L’Azerbaïdjan dépense ainsi des centaines de milliers d’euros auprès de différentes entreprises de relations publiques qui opèrent à Bruxelles, mais sans nécessairement être déclarées. Et c’est bien là tout le problème. CEO, l’organisation qui publie ce rapport, n’est pas naïve, elle ne demande pas l’interdiction du lobbying ou son encadrement : elle exige que ces pratiques soient transparentes. Il existe même un modèle pour cela : les États-Unis. Depuis les années 1930, et les actions de groupes de pression en faveur de l’Allemagne nazie sur les parlementaires américains, Washington a passé le Foreign Agents Registration Act (FARA), qui exige des lobbyistes recevant de l’argent de gouvernements étrangers de déclarer leurs activités et les sommes perçues de manière détaillée (un registre qui recense tout cela est d’ailleurs consultable par n’importe quel journaliste, comme l’auteur de ces lignes en a déjà fait l’usage).

Bruxelles (comme Paris d’ailleurs) est tout à fait en retard sur cette exigence de transparence. Comme le note CEO, il semble pour le moins étrange que la Chine emploie dix entreprises différentes de lobbyistes pour faire valoir son point de vue à Washington, et aucune à Bruxelles… En fait Pékin est actif auprès de l’Union européenne, simplement les lobbyistes qu’elle emploie ne déclarent pas leurs activités dans le système actuel de déclaration volontaire. Un autre exemple ? L’agence française Eurofuture, qui vante ses services auprès des ambassades, des organisations internationales et des institutions européennes, mais dont le site web montre des images d’Afghanistan avec le slogan « Construire une réputation » ou de l’Arabie saoudite en promettant de « promouvoir (son) caractère unique ». Elle ne liste aucun client et n’est pas enregistrée dans le registre de transparence de l’Union européenne, bien qu'elle ait son siège à Bruxelles…

 

Lire aussi

 

 

Source : www.mediapart.fr

 

 

 

 

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22 janvier 2015 4 22 /01 /janvier /2015 19:17

 

Source : cadtm.org

 

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Si un gouvernement Syriza appliquait à la lettre un règlement de l’UE sur la dette...

22 janvier par Eric Toussaint

 

 


Voici une version largement augmentée de l’opinion d’Eric Toussaint publiée par le quotidien Le Monde le 22 janvier 2015. La présente version fait 15 000 signes alors que celle publiée par Le Monde en fait 6 000.

Depuis l’annonce des élections du 25 janvier 2015 en Grèce, la possibilité que Syriza sorte victorieuse des urnes et forme un gouvernement est présentée comme une menace à l’opinion publique internationale et en particulier celle de la zone euro. Pourtant, ceux qui tirent la sonnette d’alarme savent parfaitement que Syriza a annoncé qu’elle ne suspendrait pas le paiement de la dette et ne sortirait pas de l’euro une fois au gouvernement. Syriza propose une renégociation de la dette au niveau européen et souhaite que la Grèce reste dans la zone euro. En revanche, Syriza s’engage à mettre fin aux mesures injustes et antisociales prises par les gouvernements précédents et la Troïka.

Cette campagne sur les supposées menaces que représente Syriza vise à intimider les électeurs grecs afin qu’ils renoncent à leur droit au changement. Elle vise également en cas de victoire de Syriza à dresser une partie de l’opinion publique européenne contre la Coalition de la gauche radicale grecque afin d’éviter que, dans la foulée, Podemos en Espagne puisse gagner les élections à l’automne 2015. D’autres surprises pourraient également survenir dans d’autres pays comme le Portugal, la Slovénie, Chypre, si les citoyennes et citoyens considéraient que cela vaut la peine d’essayer de remplacer une politique ultraconservatrice désastreuse par une politique de gauche. Les dirigeants européens et les grands groupes privés qui les soutiennent savent que la majorité de la population de la zone euro tire un bilan négatif des politiques qui sont menées ces dernières années et cherche à reporter sa voix vers des forces qui proposent le changement. Une victoire de Syriza en Grèce représenterait une grande menace pour les partis traditionnels, tant les conservateurs que les « socialistes », redoutant une contagion qui pourrait gagner l’Espagne.

La dette réclamée à la Grèce représente 175% de la richesse nationale produite en une année et constitue un fardeau insoutenable pour le peuple grec.

Que se passera-t-il si Syriza une fois au gouvernement décidait de prendre à la lettre l’article 7 d’un règlement adopté en mai 2013 par l’Union européenne concernant les pays soumis à un plan d’ajustement structurel ? En font partie, la Grèce, le Portugal et Chypre, notamment.

Le point 9 de l’article 7 prescrit aux États sous ajustement structurel de réaliser un audit complet de la dette publique afin d’expliquer pourquoi l’endettement a augmenté de manière exagérée et afin de déceler des irrégularités. Voici le texte complet : « Un État membre faisant l’objet d’un programme d’ajustement macroéconomique réalise un audit complet de ses finances publiques afin, notamment, d’évaluer les raisons qui ont entraîné l’accumulation de niveaux d’endettement excessifs ainsi que de déceler toute éventuelle irrégularité. » |1|

Le gouvernement grec d’Antonis Samaras s’est bien gardé d’appliquer cette disposition du règlement afin de cacher à la population grecque les véritables raisons de l’augmentation de la dette et les irrégularités qui y sont liées. En novembre 2012, le parlement grec dominé par la droite avait rejeté la motion déposée par Syriza pour la création d’une commission d’enquête sur la dette, avec 167 voix contre, 119 pour et 0 abstention.

Il est clair qu’à l’issue d’une victoire électorale de Syriza, un gouvernement qui se mettrait en place sous sa conduite pourrait parfaitement prendre au mot l’Union Européenne en constituant une commission d’audit de la dette (avec participation citoyenne) afin d’analyser le processus d’endettement excessif de la Grèce, de déceler de probables irrégularités et d’identifier des parties illégales, illégitimes, odieuses,... de cette dette.

La participation citoyenne est fondamentale dans un processus d’audit qui se veut rigoureux et indépendant. Or il faut relever que dans le règlement de l’UE mentionné plus haut, à l’article 8, il est recommandé de faire participer les « partenaires sociaux et les organisations pertinentes de la société civile » à l’élaboration du « programme d’ajustement macroéconomique ». Raison de plus pour les associer activement à l’audit.

Voici quelques éléments clés qui pourraient être mis en lumière par la réalisation de l’audit :

La dette grecque qui représentait 113% du PIB en 2009 avant l’éclatement de la crise grecque et l’intervention de la Troïka, qui détient 4/5 de cette dette, a atteint 175% du PIB en 2014. L’intervention de la Troïka a donc été suivie d’une très forte augmentation de la dette grecque.

A partir de 2010 et jusqu’en 2012, les crédits octroyés par la Troïka à la Grèce ont servi très largement à rembourser les principaux créanciers de la Grèce jusqu’à cette période, à savoir les banques privées des principales économies de l’Union Européenne, à commencer par les banques françaises et allemandes |2|. Environ 80% de la dette grecque étaient en 2009 possédés par les banques privées de 7 pays de l’Union européennes. A elles seules, en 2009, les banques allemandes et françaises possédaient environ 50% du total des titres de la dette grecque.

Un audit de la dette grecque montrera que les banques privées européennes ont très fortement augmenté leurs crédits à la Grèce entre fin 2005 et 2009 (les crédits ont augmenté de plus de 60 milliards € passant de 80 milliards à 140 milliards) sans tenir compte de la capacité réelle de la Grèce à rembourser. Les banques ont agi de manière aventureuse, convaincues que les autorités européennes viendraient à leur secours en cas de problème.

Comme indiqué plus haut, l’audit montrera que le plan de soi-disant sauvetage de la Grèce mis au point par les instances européennes avec l’aide du FMI a en réalité servi à permettre aux banques des quelques pays européens qui ont un poids décisif dans les instances européennes de continuer à recevoir des remboursements de la part de la Grèce tout en transférant leur risque sur les États à travers la Troïka. Ce n’est pas la Grèce qui a été sauvée mais une poignée de grandes banques privées européennes implantées principalement dans les pays les plus forts de l’UE.

Les banques privées européennes ont ainsi été remplacées par la Troïka devenue le principal créancier de la Grèce à partir de la fin 2010.

L’audit analysera la légalité et la légitimité de ce plan de sauvetage. Est-il conforme aux traités de l’UE (notamment l’article 125 qui interdit à un État membre de prendre en charge les engagements financiers d’un autre État membre) ? La procédure européenne normale de prise de décision a-t-elle été respectée ? Les prêteurs publics en 2010 (c’est-à-dire les 14 États membres qui ont octroyé des prêts à la Grèce pour un total de 53 milliards €, le FMI, la BCE, la Commission européenne, etc.) ont-ils respecté le principe d’autonomie de la volonté de l’emprunteur, à savoir la Grèce, ou ont-ils profité de sa détresse face aux attaques spéculatives des marchés financiers pour lui imposer des contrats qui vont à l’encontre de son propre intérêt ? Ces prêteurs ont-ils imposé des conditions léonines, notamment en exigeant des taux de remboursement exagérés ? |3| Les 14 États membres qui ont chacun octroyé un prêt bilatéral à la Grèce ont-ils respecté les dispositions légales et constitutionnelles de leur pays et celles de la Grèce ?

Il s’agit également d’auditer l’action du FMI. Nous savons qu’au sein de la direction du FMI plusieurs directeurs exécutifs (le Brésilien, le Suisse, l’Argentin, l’Indien, l’Iranien, le Chinois, l’Egyptien) avaient fait part de leur plus grande réserve à l’égard du prêt accordé par le FMI en affirmant notamment que la Grèce ne serait pas capable de le rembourser vu les politiques qui lui étaient imposées |4|. Le gouvernement grec a-t-il, en collusion avec le directeur général du FMI de l’époque, demandé à son administration en charge des statistiques de fausser les données exactes afin de présenter un bulletin de santé financier tellement mauvais que cela permettait au FMI de lancer un plan de sauvetage ? Plusieurs hauts fonctionnaires grecs l’affirment.

La BCE a-t-elle outrepassé de manière grave ses prérogatives en exigeant du parlement grec qu’il légifère sur le droit de grève, la santé, le droit d’association, l’éducation et sur la réglementation des niveaux de salaire ?

En mars 2012, la Troïka a organisé une restructuration de la dette grecque qui a été présentée à l’époque comme un succès. Rappelons que G. Papandreou, premier ministre, avait annoncé début novembre 2011 à la veille d’une réunion du G20, son intention d’organiser pour février 2012 un référendum sur cette restructuration de la dette grecque préparée par la Troïka. Sous la pression de la Troïka, ce référendum n’a jamais eu lieu et le peuple grec s’est vu retirer le droit de se prononcer sur les nouvelles dettes. Les grands médias ont relayé le discours selon lequel la restructuration permettait de réduire de 50% la dette grecque. En réalité, la dette grecque est plus élevée en 2015 qu’en 2011, l’année qui a précédé la grande annulation de soi-disant 50%. L’audit montrera que cette opération de restructuration qui constituait une vaste supercherie était liée à un approfondissement des politiques qui sont contraires à l’intérêt de la Grèce et de sa population.

L’audit devra aussi évaluer si les conditions strictes imposées par la Troïka à la Grèce en échange des crédits qui lui sont apportés constituent une violation caractérisée d’une série de traités et conventions que sont tenus de respecter tant les pouvoirs publics du côté des créanciers que du côté de l’emprunteur la Grèce. Le professeur de droit Andreas Fischer-Lescano, commissionné par la Chambre du travail de Vienne |5| a démontré de manière irréfutable que les programmes de la Troïka sont illégaux en vertu du droit européen et du droit international. Les mesures définies dans les programmes d’ajustement auxquels la Grèce a été soumise et les politiques concrètes qui en sont la conséquence directe violent une série de droits fondamentaux tels que le droit à la santé, à l’éducation, au logement, à la sécurité sociale, à un salaire juste mais aussi la liberté d’association et de négociation collective. Tous ces droits sont protégés par de nombreux textes juridiques aux niveaux international et européen tels la Charte des droits fondamentaux de l’Union européenne, la Convention européenne des droits de l’homme, la Charte sociale européenne, les deux Pactes de l’ONU sur les droits humains, la Charte de l’ONU, la Convention de l’ONU sur les droits de l’enfant, la Convention de l’ONU relative aux droits des personnes handicapées, mais aussi les conventions de l’Organisation Internationale du Travail (OIT) qui ont le statut de principe général du droit (PGD). 
La liste des articles violés par les memoranda imposés à la Grèce, que dresse méticuleusement le professeur Fischer-Lescano, est impressionnante et engage la responsabilité juridique des entités formant la Troïka ou mises en place par elle (le Mécanisme Européen de Stabilité, par exemple).

L’audit devra vérifier si, comme le prescrit le Règlement (UE) n ° 472/2013 du Parlement européen et du Conseil du 21 mai 2013 mentionné plus haut, le « programme d’ajustement macroéconomique respecte pleinement l’article 152 du traité sur le fonctionnement de l’Union européenne et l’article 28 de la charte des droits fondamentaux de l’Union européenne ». L’audit doit aussi vérifier si le passage suivant du Règlement est respecté : « Les efforts d’assainissement budgétaire énoncés dans le programme d’ajustement macroéconomique tiennent compte de la nécessité de garantir des moyens suffisants pour les politiques fondamentales, comme l’éducation et la santé publique. » Il s’agit aussi de vérifier si est appliqué ce principe fondamental du Règlement : « Conformément à l’article 9 du traité sur le fonctionnement de l’Union européenne, l’Union doit prendre en compte, dans la définition et la mise en œuvre de ses politiques et actions, les exigences liées à la promotion d’un niveau d’emploi élevé, à la garantie d’une protection sociale adéquate, à la lutte contre l’exclusion sociale, ainsi qu’à que le droit à un niveau élevé d’éducation, de formation et de protection de la santé humaine. » Il s’agit de mettre en regard ce qui précède avec le rapport d’évaluation de la mise en œuvre du deuxième programme d’ajustement structurel publié en avril 2014 par les services compétents de l’UE dans lequel les auteurs se félicitent de la réduction de 20% des emplois dans la fonction publique grecque |6|. Dans un encadré intitulé les « succès du programme économique d’ajustement » (« Success stories of the Economic Adjustment Programme »), on peut lire que les réformes du marché du travail ont permis de réduire le salaire minimum légal et que 150 000 emplois sont supprimés dans l’administration publique (« decrease in general government employment by 150,000 », p. 10).

L’audit devrait pouvoir montrer clairement que les mesures dictées par les créanciers constituent des régressions manifestes de l’exercice des droits humains fondamentaux et une violation caractérisée d’une série de traités. D’importantes irrégularités peuvent être identifiées. En conséquence, la commission chargée de l’audit pourra émettre un avis argumenté sur la légalité, l’illégitimité, voire la nullité de la dette contractée par la Grèce auprès de la Troïka.

Notes

|1| Règlement (UE) n ° 472/2013 du Parlement européen et du Conseil du 21 mai 2013 relatif au renforcement de la surveillance économique et budgétaire des États membres de la zone euro connaissant ou risquant de connaître de sérieuses difficultés du point de vue de leur stabilité financière http://eur-lex.europa.eu/legal-cont...

|2| C. Lapavitsas, A. Kaltenbrunner, G. Lambrinidis, D. Lindo, J. Meadway, J. Michell, J.P. Painceira, E. Pires, J. Powell, A. Stenfors, N. Teles : « The eurozone between austerity and default », Septembre 2010. http://www.researchonmoneyandfinanc...
Voir aussi Eric Toussaint, « Grèce-Allemagne : qui doit à qui ? (2) Créanciers protégés, peuple grec sacrifié », publié le 8 octobre 2012, http://cadtm.org/Grece-Allemagne-qu...

|3| Les taux exigés qui étaient de 4 à 5,5% en 2010 – 2011 ont été ramenés à environ 1% en 2012 suite aux protestations qui s’élevaient de différents endroits (y compris du gouvernement irlandais qui s’était vu également imposé un taux très élevé à partir de la fin 2010) . En abaissant fortement les taux, les 14 États ont de fait reconnu que les taux antérieurement exigé étaient exagérés.

|4| Voir les révélations faites par le Wall Street Journal : http://blogs.wsj.com/economics/2013... Voir également : http://greece.greekreporter.com/201...

|5| Voir son rapport « Human Rights in Times of Austerity Policy », publié le 17 février 2014, disponible sur http://www.etui.org/content/downloa...).pdf.

|6| European Commission, Directorate-General for Economic and Financial Affairs, The Second Economic Adjustment Programme for Greece, Fourth Review – April 2014, p. 3, Voir http://ec.europa.eu/economy_finance... Le rapport comporte 304 pages.

 

 

Source : cadtm.org

 

 

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22 janvier 2015 4 22 /01 /janvier /2015 19:10

 

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Madame Lagarde, Monsieur Junker : c’est vous qui ne respectez pas vos engagements !

22 janvier par Renaud Vivien

 

 


A quelques jours des élections en Grèce, le FMI et la Commission européenne récidivent. Mettant en garde contre toute mesure d’allègement de la dette grecque, Christine Lagarde, directrice du FMI, vient de déclarer qu’« une dette est une dette, c’est un contrat » tandis que le président de la Commission européenne, Jean-Claude Junker, martèle que « l’Europe attend que la Grèce respecte ses engagements pris vis-à-vis de ses partenaires ». Pour forcer le prochain gouvernement à continuer à appliquer les programmes d’austérité et à rembourser la dette, Mr Junker et Mme Lagarde en appellent donc à la moralité et à la légalité (au respect des engagements pris par les États et au droit du contrat). Le droit international dit pourtant tout autre chose et permet à un État de répudier ses dettes.

Dans son rapport sur la « dette odieuse » commandé par l’ONU |1|, le juriste Robert Howse rappelle que l’obligation pour un État de rembourser les dettes n’a jamais été reconnue dans l’Histoire comme étant inconditionnelle. L’obligation de payer une dette n’est pas absolue et rencontre deux limites fondamentales.

Premièrement, il est établi en droit international que l’État a d’abord des engagements à l’égard de sa population. En effet, l’obligation de respecter les droits humains l’emporte sur tous les autres engagements pris par l’État comme ceux à l’égard de ses créanciers. L’article 103 de la Charte de l’ONU l’indique très clairement. L’argument juridique de l’ « état de nécessité » est encore plus explicite en matière de dette : « On ne peut attendre d’un État qu’il ferme ses écoles et ses universités et ses tribunaux, qu’il abandonne les services publics de telle sorte qu’il livre sa communauté au chaos et à l’anarchie simplement pour ainsi disposer de l’argent pour rembourser ses créanciers étrangers ou nationaux. Il y a des limites à ce qu’on peut raisonnablement attendre d’un État, de la même façon que pour un individu ». L’état de nécessité et la Charte de l’ONU permettent donc à un État de fonder juridiquement une suspension unilatérale du paiement de la dette lorsque son budget ne lui permet pas de subvenir aux besoins fondamentaux de sa population. Ce qui est indubitablement le cas en Grèce.

Ajoutons que sur le plan économique, une suspension du remboursement de la dette a des résultats très positifs. Comme l’ont souligné Eduardo Levy Yeyati et Ugo Panizza, deux anciens économistes de la Banque interaméricaine de développement, suite à leurs recherches sur les défauts de paiement concernant une quarantaine de pays, « les périodes de défaut de paiement marquent le début de la récupération économique ». Le Prix Nobel de l’économie, Joseph Stiglitz, partage le même constat et démontre que les conséquences catastrophiques d’un moratoire sur la dette annoncées par les créanciers pour faire peur au pays débiteur ne sont pas réelles : « Empiriquement, il y a très peu de preuves accréditant l’idée qu’un défaut de paiement entraîne une longue période d’exclusion d’accès aux marchés financiers (....) Dès lors, en pratique, la menace de voir le robinet du crédit fermé n’est pas réelle ».

Deuxièmement, l’obligation de rembourser une dette ne vaut que si cet engagement est valide, quelque soit la capacité financière de l’État à payer sa dette. Comme le souligne Howse, le principe de continuité de l’État et le droit du contrat sont limités par des considérations d’équité, la fraude, le changement fondamental de circonstance, la mauvaise foi, l’incompétence du signataire, l’abus de droit, etc.

Une commission d’audit de la dette grecque mise en place par le prochain gouvernement (avec participation citoyenne) permettrait d’identifier avec précision les irrégularités dans la constitution de ces dettes, à commencer par la dette à l’égard de la Troïka (FMI, Union Européenne, Banque centrale européenne) qui détient à elle seule 80% de la dette totale, suite aux sauvetages des banques privées intervenus en 2010 et 2012. Rappelons que les prêts octroyés par la Troïka à la Grèce à partir de 2010 ont servi très largement à rembourser les anciens créanciers, principalement les banques françaises et allemandes qui possédaient la moitié du total des titres de la dette grecque avant l’intervention de la Troïka.

Cette intervention s’est accompagnée de plusieurs irrégularités qui ont pour effet de remettre en cause la validité des engagements sur la dette si chers à Mr Junker et Mme Lagarde.

les memoranda de la Troïka violent le droit à la santé, à l’éducation, au logement, à la sécurité sociale, à un salaire juste...

La Troïka a tout d’abord commis un abus de droit. Comme le rappelle l’Expert des Nations Unies sur la dette en 2012, « les créanciers et les entreprises privées sont tenus de respecter les droits humains et de ne pas tirer profit d’une crise pour imposer au débiteur des réformes structurelles ». Or, la Troïka a fait le contraire puisqu’elle a profité de la détresse financière de la Grèce pour lui imposer des programmes d’austérité (les memoranda) en échange de prêts.

De plus, ces mesures d’austérité sont illégales au regard du droit grec mais aussi du droit européen et international. Dans un rapport commissionné par la Chambre du travail de Vienne |2|, le juriste Andreas Fischer-Lescano démontre que les memoranda de la Troïka violent une série de droits fondamentaux tels que le droit à la santé, à l’éducation, au logement, à la sécurité sociale, à un salaire juste, à la propriété privée mais aussi la liberté d’association et de négociation collective. Tous ces droits sont protégés par de nombreux textes juridiques qui engagent non seulement les États mais aussi les institutions européennes et internationales comme celles qui composent la Troïka.

La validité des memoranda et des prêts qui les accompagnent est aussi entachée par le fait que la Troïka n’est pas compétente, en vertu des Traités européens, à légiférer sur le droit de grève, la santé, le droit d’association, l’éducation et la réglementation des niveaux de salaire. Enfin, l’exclusion du Parlement européen dans l’élaboration et la signature des memoranda bafoue le principe de séparation des pouvoirs protégé par les traités européens.

Toutes ces violations permettent à la Grèce d’annuler ses engagements à appliquer les mesures d’austérité et à rembourser la dette à l’égard de la Troïka.

Elles montrent également le fossé entre les propres engagements du FMI et de l’Union européenne et la réalité. A cet égard, Mme Lagarde ferait bien de relire l’article premier des statuts de l’organisation qu’elle dirige et qui donne au FMI comme mission de « contribuer à l’instauration et au maintien de niveaux élevés d’emploi et de revenu réel et au développement des ressources productives de tous les États membres ».

Notes

|1| Robert Howse, “The concept of odious debt in public international law”,CNUCED, juillet 2007

|2| Rapport « Human Rights in Times of Austerity Policy », publié le 17 février 2014

Renaud Vivien est co-secrétaire général du CADTM Belgique

 

 

Source : cadtm.org

 

 

 

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22 janvier 2015 4 22 /01 /janvier /2015 18:19

 

Source : www.bastamag.net

 

 

 

Dialogue social : menaces sur la liberté d’expression et la santé de millions de salariés

par Ivan du Roy 22 janvier 2015

 

 

 

 

 

Les négociations sur la « modernisation du dialogue social » entrent ce 22 janvier dans leur phase ultime. Menées entre patronat et syndicats, elles se déroulent à huis-clos. Et pour cause ! Si l’accord rédigé par le Medef est signé, l’expression collective de millions de salariés sera largement entravée. Les comités d’hygiène, de sécurité et des conditions de travail (CHSCT), un outil précieux et indispensable pour protéger la santé des travailleurs, seront tout simplement supprimés. Et les moyens dont disposent les représentants du personnel seront grandement diminués, creusant encore davantage l’asymétrie de l’information entre directions d’entreprises et salariés. Décryptage d’un déni de démocratie sociale.

Leur liberté d’expression est menacée, en France. Il ne s’agit pas de celle des journalistes ou des blogueurs, mais des 24 millions de salariés et de leur possibilité de pouvoir s’exprimer, au sein de leurs entreprises, sur leurs conditions de travail. Plusieurs mesures risquent de drastiquement limiter leur expression collective permise par les instances représentatives du personnel. Ces mesures sont dispersées dans le projet de loi Macron « pour la croissance et l’activité » et dans le projet d’accord élaboré par le Medef pour réformer le dialogue social. Un projet en cours de négociation avec les syndicats. Ces dispositions vont toutes dans le même sens : restreindre les possibilités d’expression et d’action des travailleurs face à leur employeur et remettre en cause l’existence du CHSCT (comité d’hygiène, de sécurité et des conditions de travail).

Sous prétexte de moderniser le dialogue social, le patronat propose de créer une « instance unique de représentation du personnel dans l’entreprise », le conseil d’entreprise. Celui-ci est censé reprendre les prérogatives des actuels délégués du personnel (présents dans les entreprises de plus de 11 salariés), des comités d’entreprise et des CHSCT (dans les entreprises de plus de 50 salariés). Pour que cette proposition entre en vigueur, encore faut-il qu’une majorité représentative de syndicats signe l’accord, et que celui-ci soit transcrit tel quel dans la loi. Alors que s’ouvre ce 22 janvier l’ultime journée de négociation, la CGT et Force ouvrière (49% des voix aux dernières élections professionnelles) s’y opposent, pendant que la CFDT, la CFE-CGC et la CFTC (51%) pourraient finalement le signer. Le sort de la liberté d’expression collective des 24 millions de salariés va-t-il donc être scellé par une négociation conduite jusqu’à maintenant à huis-clos, sans aucun débat public ?

François Hollande, fossoyeur des lois Auroux ?

La mesure la plus dangereuse est probablement la suppression du comité d’hygiène, de sécurité et des conditions de travail (CHSCT). Créé par les lois Auroux, du nom du ministre du Travail socialiste Jean Auroux, en 1982, renforcé par Martine Aubry en 1991, c’est – ironie du sort – sous un gouvernement socialiste que le CHSCT risque bien de disparaître. Cette instance, où siègent des représentants de l’employeur et des salariés, médecins du travail ou inspecteurs du travail, joue un rôle crucial pour la protection de la santé, dans un contexte où, du scandale de l’amiante à l’explosion des troubles musculo-squelettiques et des risques psychosociaux, les directions d’entreprise se montrent encore trop peu soucieuses de la santé des travailleurs qu’elles emploient.

L’existence d’un CHSCT permet aux salariés et à leurs représentants d’intervenir, d’analyser, et éventuellement de contester, les projets de l’employeur en matière d’organisation du travail si ceux-ci risquent d’avoir des effets néfastes sur la santé. Alors que les pénibilités physiques diminuent peu, que les situations de « tensions au travail » et les risques psychosociaux se banalisent, les CHSCT sont devenus un outil précieux. Et arrivent désormais à stopper des projets nuisibles à la santé des salariés, donc au bon fonctionnement de l’entreprise. Parmi les exemples le plus emblématiques, « l’arrêt Snecma » en 2008. Cette filiale aéronautique du groupe Safran souhaitait mettre en œuvre, dans son usine francilienne de Gennevilliers (1400 salariés), une nouvelle organisation de la maintenance. Avec pour conséquence une augmentation du nombre de nuits et de week-ends travaillés, une baisse du nombre de salariés le jour, des risques liés au travail isolé… La CGT, s’appuyant sur une expertise commandée par le CHSCT, a porté plainte. La justice a suspendu la réorganisation.

Un contre-pouvoir devenu trop gênant pour le patronat

En septembre 2012, c’est la direction de la banque Caisse d’épargne dans le Rhône qui se voit interdire par la justice d’évaluer sous forme de « benchmark » – un outil de comparaison – les performances de ses salariés et de ses agences. Suite à une plainte du syndicat Sud, s’appuyant là aussi sur une expertise du CHSCT, le tribunal a estimé que cette méthode d’évaluation managériale portait « atteinte à la dignité des personnes par leur dévalorisation permanente utilisée pour créer une compétition ininterrompue entre salariés » et provoquait « une multiplication des troubles psychiques et mentaux constatés chez les salariés ». Trois mois plus tard, c’est au tour de la direction de la Fnac. Elle est contrainte de suspendre une restructuration. Celle-ci prévoyait des suppressions de poste et une réorganisation du travail. Suite aux travaux de plusieurs CHSCT dans toute la France et aux expertises menées, la justice estime que la direction n’a pas suffisamment anticipé « la charge de travail et les moyens donnés ou maintenus, notamment en personnel pour y faire face ». Cette situation était dès lors « génératrice de stress » et « de nature à compromettre la santé et la sécurité des salariés concernés ».

Les obligations de l’employeur sont pourtant claires : « L’employeur prend les mesures nécessaires pour assurer la sécurité et protéger la santé physique et mentale des travailleurs », stipule le Code du travail. Encore faut-il veiller à ce que ces obligations soient respectées. La jurisprudence permet désormais aux CHSCT de faire annuler des réorganisations, des méthodes d’évaluation ou des licenciements au nom de ce principe. « Le CHSCT est devenu un véritable contre-pouvoir dans l’entreprise avec lequel les employeurs doivent composer », plaide François Desriaux, rédacteur en chef de la revue Santé & Travail. « Il bénéficie aussi d’un formidable dynamisme militant. C’est devenu une voie d’intégration pour de nouveaux syndicalistes, qui recherchent dans cette instance la défense d’une cause noble a priori dépourvue de clivages partisans. » [1]

« Une réécriture totale du droit du travail »

Résultat : « C’est devenu insupportable pour une partie du patronat », commente Daniel Sanchis, du cabinet d’expertise Degest [2]. Comment neutraliser une institution devenue trop gênante ? En la fusionnant avec toutes les autres instances représentatives du personnel. Au sein du nouveau conseil d’entreprise, le CHSCT deviendra une simple commission sans plus aucun pouvoir ni autonomie. Elle sera obligatoire dans les entreprises – ou les établissements – de plus de 300 salariés (l’existence d’un CHSCT est aujourd’hui obligatoire à partir du seuil de 50 salariés). Sa création deviendra facultative – et soumise à l’accord de l’employeur – pour les PME de 50 à 300 salariés. Environ 2,5 millions de personnes qui bénéficient actuellement d’un CHSCT s’en trouveraient privées (ceux qui travaillent dans les entreprises entre 50 et 300 salariés), sans non plus bénéficier de cette nouvelle commission.

Un nombre considérable de salariés, même au sein de grandes entreprises, travaillant dans des établissements dont l’effectif est inférieur à 300 employés, perdraient également le bénéfice d’un CHSCT de proximité. Potentiellement, ce sont ainsi 80% des salariés qui ne seront plus couverts par une instance dédiée spécifiquement à la protection de leur santé ! [3]. « C’est une réécriture totale du droit du travail », déplore Daniel Sanchis. D’autant que le CHSCT devenu commission ne sera plus doté de la personnalité juridique, et ne pourra donc plus se pourvoir en justice.

CE : des moyens humains divisés par deux

« Avec un appauvrissement des moyens humains, c’est la santé au travail qui sera sacrifiée », avertit François Desriaux. Les élus du nouveau conseil d’entreprise devront tout faire. Ils s’occuperont toujours des œuvres sociales et culturelles destinées au personnel, que gèrent jusqu’à présent les comités d’entreprise : les locations de vacances, la restauration collective, les offres de spectacle… Ils assumeront les attributions des délégués du personnel : rencontrer les salariés, contrôler le respect du code du travail, négocier les accords collectifs, surveiller les menaces sur l’emploi. Ils devront analyser les documents comptables et financiers, ou rendre des avis sur les divers projets de l’entreprise en matière d’organisation du travail, de formation professionnelle, d’intéressement, de gestion des carrières… Autant d’activités qui demandent du temps et des moyens. Dans ce contexte, la santé au travail, si tant est qu’une commission ad hoc soit créée, risque fort de passer à la trappe.

Et ce n’est pas tout. Du fait des regroupements des instances, les représentants du personnel seront moins nombreux qu’actuellement et disposeront de moins d’heures de délégation. Exemple ? Une grande entreprise de 30 000 salariés contenant une douzaine d’établissements distincts compte aujourd’hui 656 représentants du personnel si l’on cumule les mandats de délégués du personnel, de délégués syndicaux, d’élus aux comités d’entreprises et aux CHSCT. La CGT a estimé les conséquences de l’accord. Selon ses calculs, les représentants du personnel ne seront plus au total que 322. Les heures de délégation, donc consacrées à l’ensemble des missions confiées au conseil d’entreprise et aux salariés, chutent d’autant. Les élus, déjà accaparés par des tâches parfois jugées bureaucratiques (négociations, analyses de documents…) et souvent critiqués pour leur éloignement du terrain et des salariés, disposeront d’une disponibilité encore plus réduite pour être à l’écoute du personnel.

Les salariés des PME pourront dire adieu aux expertises

Quel sera le budget de fonctionnement des conseils d’entreprise ? Le même que celui accordé aujourd’hui aux comités d’entreprises (hors activités sociales et culturelles), soit 0,2% de la masse salariale. Malgré des prérogatives élargies, il ne sera pas augmenté. Pire, « l’employeur assure la prise en charge des frais d’expertise dans la limite de 80% des dépenses », prévoit la proposition du Medef [4] 20% du coût de ces expertises serait ainsi désormais à la charge du futur conseil d’entreprise [5]. Dans ces conditions, seuls les CE des très grandes entreprises, dotés de moyens importants du fait de la masse salariale, pourraient éventuellement faire face. « Mais pas les autres », déplore Daniel Sanchis.

Les PME pourront dire adieu à ce précieux outil. « Une action en justice, et c’est terminé : le budget est épuisé. Et il sera de toute façon impossible de mener la moindre expertise », déplore un ancien élu d’un comité d’entreprise d’une PME d’une soixantaine de personnes. Son budget annuel ne dépasse pas 4 500 euros. Face à des directions d’entreprises multipliant les restructurations et les réorganisations, les salariés n’auront plus les moyens d’en analyser les conséquences sur la santé au travail et d’en contester les éventuels abus. Pour les salariés, le droit à recourir à l’expertise est pourtant crucial.

Comment compenser l’asymétrie de l’information ?

« Depuis la Libération, le législateur permet aux instances représentatives du personnel de se faire aider par des spécialistes sur des questions techniques et pointues, pour que les élus soient en mesure d’émettre un avis éclairé », rappelle Daniel Sanchis. Les comités d’entreprise recourent à des experts comptables pour décrypter les bilans financiers. De même, en cas de nouvelle organisation du travail ou d’un risque grave pesant sur la santé des salariés, les CHSCT peuvent demander une expertise à un cabinet agréé pour analyser le travail et ses conséquences sur les salariés. Un outil indispensable pour compenser l’asymétrie de l’information entre représentants du personnel et directions d’entreprises. Lesquelles peuvent toujours recourir à de grands cabinets de consultants et à des batteries de fiscalistes et d’avocats...

Ces expertises sont souvent jugées trop coûteuses pour l’employeur. Pour une petite PME, une expertise d’une vingtaine de jours peut coûter 30 000 euros. Pour une très grande entreprise, le coût de l’ensemble des expertises peut être multiplié par 100. Mais au vu d’autres dépenses, cela reste marginal. En 2012, l’ensemble des expertises menées par les CHSCT de la SNCF ont ainsi coûté 4 millions d’euros. Un montant à relativiser quand on sait que l’entreprise a, elle, dépensé pour plus de 140 millions d’euros de prestations externes en communication [6]. « L’enjeu de la démarche d’un expert en ergonomie du travail est d’éviter les gaspillages », argumente Daniel Sanchis. « L’absentéisme pour raison de santé, la souffrance au travail, ou les cancers professionnels coûtent extrêmement chers. Ce projet aura pour conséquence de multiplier les atteintes à la santé des salariés. Qui va payer ? La sécurité sociale, car ces coûts ne sont pas supportés par les entreprises ! »

Déni de démocratie sociale

« Croire que l’on va gagner la bataille économique en jouant uniquement sur le coût du travail, comme le laisse penser le projet du Medef ou la loi Macron, est une erreur, déplore François Desriaux. Il faut au contraire être créatif et inventif, donc s’appuyer sur l’intelligence collective des salariés. Cela passe par plus de marge de manœuvre, plus de coopération, plus d’échanges, donc plus de démocratie et de dialogue social. Ce n’est pas vers cela que l’on s’achemine. »

Deux appels pour sauver les CHSCT ont été lancés par des syndicalistes et des collectifs d’experts. Ils ont ensemble recueilli 10 000 signatures en quelques jours (« Pour ne pas perdre sa vie à la gagner », que Basta ! a relayé, et « Urgence CHSCT »), dont des responsables des trois syndicats susceptibles d’accepter le projet du Medef… C’est à se demander si leurs négociateurs ont réellement pris la mesure des conséquences de ce projet alors que les 3,3 millions de salariés des très petites entreprises (TPE, moins de 10 salariés) ne disposeront toujours pas d’instance permettant leur expression collective. La restriction générale des possibilités d’actions des salariés ne s’arrête pas là : le projet de loi Macron dépénalise le délit d’entrave qui permettait d’assigner au tribunal correctionnel un employeur ne respectant pas son devoir d’information des salariés. Et instaure une protection du « secret des affaires » qui autorisera les directions d’entreprises à poursuivre les lanceurs d’alerte et les journalistes d’investigation trop curieux (à lire sur notre Observatoire des multinationales).

« L’audace réformatrice » souhaitée par François Hollande le 19 janvier risque bien, en matière de « modernisation du dialogue social », de se muer en déni de démocratie. Surtout si ces dernières séances nocturnes de négociations à huis clos se concluent sur un accord signé à l’arraché, sans que s’en suive un débat parlementaire et public. Car en cas d’accord, le gouvernement pourrait bien être tenté de transcrire le texte par voie d’ordonnances, sans passer par le Parlement. Vous avez dit démocratie sociale ?

Ivan du Roy

Photo : CC Geraint Rowland

Voir les pétitions :
- Pour ne pas perdre sa vie à la gagner
- Urgence CHSCT

Notes

[1Lire aussi sa tribune sur Alter eco plus.

[2« CHSCT, nouvelle bête noire des employeurs », titrait dès 2008 la revue Liaisons sociales.

[3Selon les chiffres de Pôle emploi, 53% des salariés travaillent dans un établissement comptant moins de 49 salariés et ne disposent donc pas de CHSCT (sauf accord d’entreprise plus favorable que la loi). 25% des salariés travaillent dans des établissements comptant entre 50 et 200 salariés, risquant ainsi de perdre leur CHSCT.

[4Un CHSCT ne dispose actuellement d’aucun budget. Mais s’il vote le recours à une expertise ou s’il se pourvoit en justice, les frais doivent intégralement être pris en charge par l’employeur. De même, que l’employeur laisse à chacun des représentants du personnel le temps nécessaire à l’exercice de ses fonctions, en ne fixant que des valeurs planchers pouvant être dépassées en cas de circonstances exceptionnelles (article L. 4614-3 du code du travail).

[5Selon la version du projet du Medef de décembre 2014. La version de janvier 2015 évoque « une part restant à la charge » du budget du conseil d’établissement, sans en préciser l’importance… Ce point n’est plus précisé dans la version envoyée pour la négociation de ce jour (22 janvier 2015), mais le texte laisse totalement en suspens la question de savoir comment seront financées les expertises commanditées par les élus. S’agira-t-il alors d’imposer le « cofinancement » dans la transcription législative de l’accord ?

[6Selon la Cour des comptes, chiffre de 2011.


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Source : www.bastamag.net

 

 

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21 janvier 2015 3 21 /01 /janvier /2015 22:42

 

Source : www.reporterre.net

 

 

Les ZAD sont-elles l’avant-poste d’une nouvelle bourgeoisie ?

Pierrette Rigaux

mardi 20 janvier 2015

 

 

 

« Avant et arrière-gardes, ces deux composantes encerclent les ZAD, et tout en l’ignorant, forment deux appendices du même animal : le Parti du Progrès, alias le capitalisme nouvelle vague... »


« Les classes moyennes [...] ne sont donc pas révolutionnaires, mais conservatrices ; bien plus, elles sont réactionnaires : elles cherchent à faire tourner à l’envers la roue de l’Histoire. Si elles sont révolutionnaires, c’est en considération de leur passage imminent au prolétariat : elles défendent alors leurs intérêts futurs et non leurs intérêts actuels ; elles abandonnent leur propre point de vue pour se placer à celui du prolétariat. » (Manifeste du Parti Communiste, 1848)

« Il réfléchit et commence à comprendre. » (Kashima paradise,1973)

.................

Après avoir annoncé d’une seule voix la création d’un « nouveau Sivens » à Roybon, dernièrement la presse a tenté de comprendre qui étaient ces zadistes de Chambaran. Qui sont-ils, d’où viennent-ils, que veulent-ils ? Malgré le regain de tension avec certains habitants, elle s’est peu penchée sur une autre question, non moins cruciale : qui sont les « pro » ?

Qui sont ces locaux qui soutiennent les chantiers du Center Parcs à Roybon, du barrage à Sivens, ou de la LGV Lyon-Turin du côté de la Maurienne, pour ne prendre que des exemples médiatiques et récents. Ce que les journalistes ne font pas, faisons-le nous-mêmes : essayons de comprendre.

Allons-y. Hypothèse n°1 : ce sont tous des fascistes, des mafieux, des ripous ? Non, on conviendra que c’est un petit peu plus compliqué. Alors prenons les choses autrement, commençons par nous demander ce qu’ils ne sont pas, et par définir les forces en présence dans le conflit des nouvelles ZAD.

Ce texte propose de profiter du répit relatif dont nous disposons, suite à la mort d’un camarade, et grâce aux demi-victoires juridiques des écologistes et des légalistes, pour forger notre analyse et notre discours politique. Car d’autres ne nous attendront pas pour parler à notre place.

1. Le Parti du Progrès progresse partout

Revenons un instant dans les années 80 : après une phase de grandes luttes sociales, le reflux politique impose de trouver de nouvelles formes de subversion. À la marge du système, des militants et des artistes ouvrent des brèches dans les grandes villes en voie de désindustrialisation, où les bâtiments vides ne manquent pas : c’est l’expansion du mouvement des squats politiques et culturels.

C’est aussi le début d’un processus qui portera, vingt ans plus tard, à l’implantation d’une nouvelle bourgeoisie dans les faubourgs. Le modèle de la gentrification des quartiers populaires est bien connu aujourd’hui, et peut être résumé comme ceci : Squat et modes de vie alternatifs -> Abandon des luttes sociales et populaires, prédominance de la culture, de l’écologie et de la technologie attirant la petite bourgeoisie -> Flambée immobilière et embourgeoisement.

Ces forces sont hétérogènes, le phénomène n’est pas linéaire, et les groupes sociaux qui y participent sont parfois concurrents, voire opposés. Mais chaque phase est sous-tendue par un même fil rouge, une même idéologie (d’après moi, celle de la cybernétique, de la gouvernance, c’est-à-dire de l’organisation optimale du corps social, sous des formes différentes telles que l’ingénierie sociale, ou l’écologie).

Résultat du processus : l’émergence d’un nouveau groupe social à fort capital immatériel, qui engage une guerre de classe dans l’espace, puis l’emporte à la fois géographiquement et politiquement.

Cette classe sociale qui émerge puis s’impose (à Grenoble, nous l’appelons parfois ironiquement celle des « écotechs »), c’est ce que nous pourrions définir comme « le nouveau Parti du Progrès », ou plus précisément, « la nouvelle avant-garde du P.d.P. ». Elle se nourrit de culture (de gauche, libérale), d’écologie (soft) et de (high) technologie, de préférence au sein de la métropole.

Elle est individualiste, mais dit le contraire, et sait défendre ses intérêts de classe. Son progrès est celui de la croissance verte et du capitalisme 3.0., celui qui assure la continuité du système et ne réserve au peuple que chômage et consommation factice. Elle a déjà gagné beaucoup de terrain dans les grandes villes, et repoussé les pauvres dans les campagnes rurbaines.

Imaginons un instant – pure fiction – qu’une partie de cette avant-garde, déjà un peu à l’étroit en ville, commence à s’étendre au-delà des métropoles, et que certains conflits – au hasard, par exemple, les nouvelles luttes locales et parmi elles les ZAD – leur serve d’avant-poste pour s’implanter dans les territoires périphériques.

2. Prospective zadiste

Imaginons. Comme les salles de spectacle et les casabio ont fleuri en ville sur les pas des gentrifieurs, les réseaux de petits agronomes bio et de néo-ruraux entreprenants apparaissent dans certains territoires périphériques, mais stratégiques (comme dans les quartiers populaires, l’avant-garde choisit les zones où le potentiel de fructification de son capital est le plus fort), et transforment les structures économiques et sociales locales.

La chose est banale, et déjà en cours. Des héritiers gentrifiés, chassés des villes, des écotechs attirés par l’image du retour à la terre et les prix du foncier, parsèment pour le moment ces zones périphériques. Ils sont d’ailleurs généralement mal accueillis, même après des années, par les communautés post-agricoles auprès desquelles ils s’installent. C’est la guerre de basse intensité entre purin d’ortie et agro-chimie.


- Au Testet -

Ces gentrifieurs des champs sont plutôt sensibles à l’écologie, mais aussi au développement personnel, entretiennent parfois des rapports fétichistes à la nature, sont empreints de libéralisme postmoderne (chacun fait ce qu’il veut, tout dépend du point de vue), et votent volontiers pour une démocratie plus efficace. Mais surtout : ils ont renoncé à la lutte politique antagoniste, sauf par procuration. Ce qui est pratique, puisque ça permet d’être à la fois zadiste et au hammam.

Les ZAD sont les avant-postes par lesquels ces catégories pourraient acquérir enfin une légitimité locale. Même si leur position dans les ZAD est secondaire, restreinte soit à une partie de la contestation légale (que nous leur laissons bêtement), soit au soutien indirect via internet – moi aussi, je suis zadiste ! – elles pourraient en tirer profit, et obtenir une position dominante après le conflit.

Par exemple, simple hypothèse, en gagnant des recours juridiques, et en s’emparant du leadership politique, aidés par le manque de discours de notre côté. Elles pourraient même avoir intérêt à ce que l’occupation ne dure pas trop.

Ces manipulateurs prolongeraient ainsi leur guerre de classe dans l’espace pour préserver et préparer, en marge des métropoles dont ils sont issus et dont ils tirent leur richesse (télétravail, laboratoires sociaux et économiques), leur futur cadre de vie.

3. Ce qui nous attend, et ce que nous voulons

Que la petite bourgeoisie s’allie un temps au peuple dont elle est issue pour se forger une position dominante, n’est pas une première. Mais revenons à nos moutons : ce petit détour permet à présent de répondre à notre question initiale : qui sont les « pro ».

C’est par opposition à cette partie du mouvement que nous avons définie ensemble comme la nouvelle avant-garde du P.d.P., que nous pouvons définir l’alliance hétérogène des « pro », à Roybon, à Sivens, ou en Maurienne : vieux souteneurs de l’industrie, agriculteurs forcés à l’intensif depuis cinquante ans et ne voyant plus d’autre voie, commerçants sans plan B, suivis d’une partie de leur main-d’oeuvre prolétaire, et des partis qui les représentent ; ils forment l’arrière-garde du Parti du Progrès, ceux qui ont nourri la France d’après-guerre, mais qui ont loupé le virage des années 80, de l’innovation et de l’information.

Ils ne sont pas fascistes, même si la xénophobie les traverse allègrement ; même pas forcément de droite, mais certainement tous productivistes. Laissés pour compte de la mondialisation, pas rentables, tout autant sous perfusion de subventions étatique que les allocataires RSA qu’ils montrent du doigt, ils vomissent les réformes sociétales et les taxes.

Et s’ils se mobilisent, c’est parce qu’ils sentent bien que, derrière les zadistes, les peluts, les anti-tout, il y a le nouveau modèle des dominants, intellos, verts et technophiles, avec un vrai projet de société, leur relève en quelque sorte, qui va s’approprier leur territoire. Ce sont ces « extérieurs » qui représentent une menace réelle pour les pro.

Avant et arrière-gardes, ces deux composantes encerclent les ZAD, et tout en l’ignorant, forment deux appendices du même animal : le Parti du Progrès, alias le capitalisme nouvelle vague.

Nous, les anarchistes, les militants, les zadistes, nous sommes, pour l’instant, les mercenaires aveugles (et gratos) du P.d.P. On défriche, on ouvre une brèche, et on la tient un temps, comme dans les villes depuis vingt ans. Et contrairement à ce que nous laisse supposer la situation aujourd’hui, « pro » et « anti » peuvent très rapidement s’entendre sur plusieurs points :

- Un point technique d’abord : les écotechs expliqueront aux pécores qu’il faut opter pour un projet alternatif et durable ; qu’il faut plus de zones compensatoires, plus de CNDP ; ils négocieront via la FRAPNA, la FNSEA ou d’autres (tiens, c’est le cas en ce moment même, sous l’égide du gouvernement), et s’entendront sur un modus vivendi.

Souvenons nous que EELV a soutenu le TAV [Lyon Turin] jusqu’en 2011, puis changé de camp pour réclamer, depuis, une autoroute maritime à la place d’une autoroute ferroviaire. Techniquement, tout devient possible.

- Pragmatique : les zadistes sont encombrants et ingouvernables...

 

*Suite de l'article sur reporterre

 

 

Source : www.reporterre.net

 

 

 

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21 janvier 2015 3 21 /01 /janvier /2015 22:34

 

Source : www.marianne.net

 

 

Quand Fioraso soutient la dictature des économistes orthodoxes

Emmanuel Lévy
Opposés à ce fâcheux penchant qu'est l'économisme, Bernard Maris et l’Association française d’économie politique voulaient voir naître une nouvelle section "Economie et société" aux côtés de l’actuelle section "Sciences économiques" au sein du Conseil national des universités. Las, les économistes orthodoxes ont reçu le soutien de la secrétaire d’Etat chargée de l’Enseignement supérieur et de la Recherche, Geneviève Fioraso, comme le prouve la lettre que nous nous sommes procurée.
Geneviève Fioraso - SIPA

Benoît Hamon l’avait promis, sa remplaçante au ministère de l’Education Najat Vallaud-Belkacem aussi. Pourtant, la création d’une seconde section d’économie, « Economie et société », aux côtés de l’actuelle section « Sciences économiques », au sein du Conseil national des universités n’aboutira pas. Porté notamment par le regretté Bernard Maris et, avec lui, l’ensemble de l’Association française d’économie politique (Afep), le projet pour un enseignement s’ouvrant aux économistes hétérodoxes, a été enterré sans fleurs ni couronnes. Adressée à Jean-Loup Salzmann, président de la Conférence des présidents des universités, et lui même défenseur du projet, la lettre de Geneviève Fioraso que Marianne s’est procurée est sans ambiguïté.

Malgré les engagements de ses ministres de tutelle, la secrétaire d’Etat chargée de l’Enseignement supérieur et de la Recherche se contente d’y rappeler « la disposition introduite dans le nouveau décret relatif aux enseignants chercheurs pour expérimenter pendant quatre ans la suppression du contingentement des recrutements par voie normal ». Bref, en langage simple, de la diversité façon Sciences Po sans grand effet… Le système de sélection des élites professorales via la voie d’excellence, l’agrégation, demeurera donc inchangé et restera aux mains des économistes orthodoxes et néo-classiques.

C’est regrettable. Au fil du temps, notre système de formation des économistes s’est fermé. Quand il y a vingt ans encore, il pouvait produire des André Orléan, des Michel Agglieta et des Thomas Piketty, aujourd’hui il ne repose plus que sur un critère ou presque : le « marché » des idées qui fonctionne selon la « bibliométrie », c’est-à-dire sur la quantité de publications dans les revues spécialisées dont peut se prévaloir chaque chercheur. Récemment encore, André Orléan, professeur et président de l’Afep, dénonçait dans le Monde les dérives ce système.

A l’image de la revue scientifique Econometrica, les plus importantes sont en anglais… Et qui les a fait reines en France ? La section 37 du Comité national de la recherche scientifique. Autrement dit le fameux Conseil national des universités. La boucle est bouclée… Ces revues d’excellence fonctionnent un peu comme les agences de notations. Telle publication dans telle revue équivaut a un certains nombre de points, et c’est sur ces points accumulés qu’est construite la cote des universitaires. Evidemment, les revues en question ont un point de vue, des convictions. Et les plus orthodoxes en économie sont les mieux notées.

Pour les hétérodoxes, qui n’ont pas accès à ces revues, impossible donc d’entrer sur le marché international du professorat, le fameux « job market » où les patrons des grands établissements viennent faire leurs courses. Et voilà comment, notre système national d’enseignement de l’économie, est lui aussi tombé sous l’emprise de cette cotation…

Nous ne sommes pas seuls à souffrir d’un tel procédé. Andy Rodrick, professeur d’économie à Princeton s’est plaint également. Il a publié une liste des sujets d’économie à Harward en 1953… Et à la parcourir, on croirait un rêve d’économiste hétérodoxe. Grâce à Geneviève Fioraso, le rêve des économistes orthodoxes français, lui, ne touchera pas à sa fin de sitôt…

 

 

 

Source : www.marianne.net

 

 

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21 janvier 2015 3 21 /01 /janvier /2015 21:28

 

Source : www.mediapart.fr

 

Secret des affaires : journalistes et lanceurs d'alertes risquent d'être réduits au silence

|  Par martine orange

 

 

 

Profitant du projet fourre-tout d'Emmanuel Macron, une loi sur le secret des affaires a fait son apparition au travers d'un amendement. Un texte réclamé par le monde des affaires depuis plus de quatre ans. Les dispositions sont si floues et si larges qu’elles menacent la liberté d’information et les lanceurs d’alerte.

 

C’était samedi en fin de soirée. La commission spéciale mise en place pour étudier à toute vitesse les 106 articles du projet de loi pour la croissance et l’activité (voir Macron et son projet fourre-tout passent une première étape) expédiait une liste d’articles. Il fallait faire vite afin de dégager le terrain pour le dimanche, pour justement étudier le texte très attendu sur le travail le dimanche. Entre un amendement sur le sort réservé aux déchets liés à la mérule (champignon qui prospère sur les structures en bois des habitations) et un sur les retraites chapeau, Richard Ferrand, rapporteur général de la commission, présenta un amendement intitulé sobrement « après l’article 64 », qu’il avait déposé en son seul nom le 12 janvier.

Le texte proposé n’a d’amendement que le nom. C’est en fait un vrai projet de loi qui a été inclus dans le dispositif législatif ! Il s’agit d’intégrer dans le code civil et pénal un délit pour violation « du secret des affaires ».

Cela fait plus de trois ans que le monde des affaires tente de faire passer ce texte. La première tentative avait été faite en 2012. Soutenu par le ministre de l’industrie d’alors, Éric Besson, le député UMP Bernard Carayon avait présenté un texte pour poursuivre tous ceux qui divulgueraient des informations protégées des entreprises. Mais la proposition de loi avait été enterrée avec les élections. Dès octobre de la même année, le ministre de l’économie, Pierre Moscovici, exhumait le projet, sous la forte pression de Bercy. Alors qu’un projet de directive européenne sur le même thème est en cours d’élaboration, à la demande de tous les lobbies d’affaire, la France a préféré prendre les devants et, comme pour la loi bancaire, écrire son propre texte. À l’été, le président socialiste de la commission des lois à l’assemblée nationale, Jean-Jacques Urvoas, déposait sur le bureau de l’Assemblée une nouvelle proposition de loi sur le secret des affaires, préparée comme il se doit dans le plus grand secret.

C’est ce texte qui a fait sa réapparition, au détour de la loi Macron, sans que personne manifestement s’étonne de son irruption soudaine, sans au moins un débat préalable. Nous n’avons pas pu joindre le rapporteur général Richard Ferrand pour lui demander les raisons de ce soudain amendement. La méthode comme le texte illustrent en tout cas une nouvelle fois la capture de la loi, du politique, par le monde des affaires. 

Cette proposition de loi ne justifiait-elle pas au moins d’être présentée à part plutôt que de rejoindre le grand fourre-tout de la loi Macron ? « Nos possibilités de présentation de propositions de loi sont limitées. Nous n’en avons que trois par session. Mettre le texte sur le secret des affaires dans le véhicule législatif de la loi Macron nous permet de présenter d’autres textes, à côté. Nous souhaitons notamment présenter une proposition sur la responsabilité sociale des entreprises, les rapports avec les sous-traitants. Nous avons tous des priorités », explique la députée PS Sandrine Mazetier. Cette proposition sur la responsabilité sociale des entreprises a cependant été rejetée ce mercredi par la commission des lois, les députés PS votant contre...

Concernant le secret des affaires, ce procédé d’empiler texte sur texte dans un même véhicule législatif, au risque de faire perdre tout sens à la loi, n’a-t-il pas suscité quelque débat dans la commission ? S’est-elle au moins penché sur le texte qui lui était soumis à la va-vite ? « Non, je ne me souviens pas qu’il y ait eu des réactions ou des discussions au sein de la commission. Cela s’est passé très vite », raconte le député écologiste Jean-Louis Roumegas. « Il n’a pas fait l’objet de discussion », confirme la députée socialiste Colette Capdevielle. Avant d’ajouter : «  C’est un texte qui est terriblement attendu par les entreprises. Nous sommes un des rares pays où il n’existe pas de protection sur le secret des affaires. Mais je ne connais pas le texte. Pourquoi, il pose un problème ? »

Des problèmes, le texte législatif en pose de redoutables. Il prévoit de sanctionner toute atteinte au secret des affaires. Reprenant les dispositions prévues dans la proposition de loi présentée en 2012 par Bernard Carayon – un texte que la gauche avait alors refusé de voter –, il stipule que toute violation du secret des affaires est passible d’une peine de trois ans de prison et d’une amende de 375 000 euros. La peine est doublée et portée à 7 ans de prison et de 750 000 euros d’amende, « lorsque l’infraction est de nature à porter atteinte à la souveraineté, à la sécurité ou aux intérêts économiques essentiels de la France ». Pour mémoire, l’abus de biens sociaux est passible d'un emprisonnement de cinq ans et d'une amende de 375 000 euros. C’est dire si la violation du secret des affaires, aux yeux des parlementaires,  est grave, bien plus grave que bien d’autres délits et crimes économiques.

Mais que signifie le secret des affaires ? Que veut protéger la loi ? Selon le texte présenté : « Est protégée au titre du secret des affaires, indépendamment de son incorporation à un support, toute information : 1) Qui ne présente pas un caractère public en ce qu’elle n’est pas, en elle-même ou dans l’assemblage de ses éléments, généralement connue ou aisément accessible à une personne agissant dans un secteur ou un domaine d’activité traitant habituellement de ce genre d’information ; 2) Qui, notamment en ce qu’elle est dénuée de caractère public, s’analyse comme un élément à part entière du potentiel scientifique et technique, des positions stratégiques, des intérêts commerciaux et financiers ou de la capacité concurrentielle de son détenteur et revêt en conséquence une valeur économique ; 3°) Qui fait l’objet de mesures de protection raisonnables, compte tenu de sa valeur économique et des circonstances, pour en conserver le caractère non publié. »

« Il est à craindre que quelques scandales récents (Mediator, implants mammaires…) n'auraient pas éclaté avec une telle loi », s’était déjà inquiété le président de l’association des journalistes économiques et financiers au moment de la présentation de la proposition de la loi Carayon. Les mêmes craintes réapparaissent aujourd’hui. Le secret des affaires, tel que le texte le prévoit, va bien au-bien de l’espionnage industriel ou de l’usurpation de certains procédés techniques, de brevets, de la protection de données. Au vu de définitions si larges, si floues, on se demande quelle information n’est pas concernée. Plus que des concurrents dévoyés, ce sont plutôt la presse et les lanceurs d’alerte qui pourraient être le plus visés par ce texte.

Complaisance

Si toute information qui n’est pas publique relève du secret des affaires, autant dire que l’information économique n’a plus que pour mission de reproduire les communiqués gentiment dispensés par les entreprises, fabriqués à prix d’or par des communicants. Impossible de dénoncer des pratiques douteuses, de raconter les manœuvres d’enrichissement ou d’abus de biens sociaux. Comment raconter le système industrialisé d’évasion fiscale d’UBS, si ce n’est en mettant des documents confidentiels sur la place publique ? Quel sort sera réservé alors aux lanceurs d’alerte, qui ont pris le risque de dénoncer ces pratiques ? En plus de perdre leur travail, seront-ils aussi poursuivis par la justice pour violation du secret des affaires ?

Impossible de dénoncer les scandales des Caisses d’épargne, du Crédit lyonnais, d’Areva ou de Vivendi, si on suit à la lettre la définition de ce projet d’article. Parler des retards de l’A380 ou de l’A400M, n’est-ce pas mettre aussi en cause les intérêts commerciaux d’Airbus ? De même, quelle information ne revêt pas une valeur économique ? Aucune. Les milieux financiers et d’affaires se repaissent de toutes ces informations et prennent position à partir d’elles. C’est même une des bases de l’économie néolibérale, qui considère l’information comme une valeur essentielle pour déterminer le prix de marché.

Selon le rapporteur général, toutes les garanties sont données pour permettre la liberté d’information. « J’ai posé la question lors de la réunion. Il m’a assuré qu’il n’y avait aucun risque », raconte la députée socialiste Karine Berger. Le texte précise que « l’exercice légitime de la liberté d’expression ou d’information ou la révélation d’un acte illégal » n’entraînent pas une violation du secret des affaires. Le rapporteur a même rédigé un amendement à cet effet pour l’inclure dans la loi sur la presse de juillet 1881« Cet ajout sécurise la capacité des journalistes à révéler des infractions éventuellement commises par une entreprise », est-il précisé. Dans les faits, cet amendement permet juste aux journalistes de présenter des documents et des informations relevant du secret des affaires pour leur défense, en cas de procès pour diffamation. De même, la loi sur le secret des affaires ne s’appliquerait pas au lanceur d’alerte « qui informe ou signale aux autorités compétentes des faits susceptibles de constituer des infractions aux lois et règlements en vigueur dont il a eu connaissance ».

Les députés écologistes avaient déposé un amendement en commission en vue d’assurer une grande protection pour les lanceurs d’alerte, dénonçant des pratiques liées à la santé et à l’environnement. Ils ont finalement renoncé à le défendre. « On a préféré le retirer pour porter la discussion en séance », explique Jean-Louis Roumegas qui convient que le groupe est encore en train d’étudier le texte. « Pour nous, il est essentiel de préserver deux choses : les lanceurs d’alerte et la liberté de la presse », dit-il. Mercredi, les porte-parole d’EELV ont publié un premier communiqué dénonçant un texte qui « porte une menace sur la liberté d’informer ».

« C’est un texte confus, qui risque de provoquer des débats », dit Sandrine Mazetier, qui reconnaît qu’elle n’a pas encore pris le temps de l’étudier, étant plus sur les questions de logement et du travail le dimanche. « Nous sommes prêts à faire tous les amendements nécessaires pour garantir la liberté d’information et la protection des lanceurs d’alerte. Il ne doit y avoir aucune ambigüité sur le sujet », rajoute Karine Berger.

Mais le temps est très court. Le débat pourra-t-il être développé dans le cadre d’une loi Macron touchant à tout et étudiée dans le cadre d’un examen accéléré ? Les parlementaires sont-ils même convaincus de la nécessité de mettre des garde-fous ? Beaucoup ont déjà admis le principe même du secret des affaires et de la restriction du droit à l'information, même pour des dossiers relevant de l’intérêt général. Ainsi, lors de la commission d’enquête parlementaire sur Ecomouv et l’écotaxe, les parlementaires ont accepté sans rechigner que le contrat qui liait la société Ecomouv à l’État soit gardé secret « au nom des intérêts commerciaux » de la société. Il s’agissait pourtant de marché et d’argent public. La dénonciation de ce contrat coûte 883 millions d’euros à l’État, sans qu’il ait été possible d’en connaître la première ligne.

En dépit des promesses de transparence, le secret pour les affaires fait de plus en plus d’adeptes. Un amendement déposé par la députée socialiste Bernadette Laclais prévoit même de dispenser à l’avenir les sociétés de publier leurs comptes. À ce rythme, le chiffre d’affaires d’une entreprise va bientôt relever du secret-défense. L’amendement, dit-on dans les rangs parlementaires, n’a aucune chance d’être adopté mais il en dit long sur l’état d’esprit du monde politique.

En choisissant des définitions volontairement floues, un procédé expéditif, le gouvernement socialiste s’est rallié à l’omerta défendue par les entreprises, contre la liberté d’information des citoyens. Au nom de la compétitivité, de la défense des entreprises, des intérêts économiques, la classe politique soutient sans réserve l’opacité et le secret cultivé avec un goût prononcé par le monde français des affaires. Elle montre une grande complaisance face aux délits et crimes économiques, à la corruption, à l’évasion fiscale.

Un silence assourdissant a entouré la condamnation de BNP Paribas par la justice américaine à payer une amende de 8,6 milliards d’euros pour corruption. Pas un responsable politique n’a posé ne serait-ce qu’une question aux responsables de la banque et particulièrement au premier d’entre eux, Michel Pébereau. Le seul émoi des politiques porte sur la justice américaine, ses procédés, ses manières intrusives. Un amendement est d’ailleurs prévu pour limiter la capacité d’enquête et de demandes de documents des avocats américains auprès des entreprises françaises. La mesure est peut-être justifiée. Mais pas un seul responsable politique ne semble s’interroger sur les raisons d’une telle intrusion : si la justice américaine se montre si dure, n’est-ce pas parce que la justice française, elle, se montre beaucoup trop compréhensive ?

Les délits économiques ne sont presque jamais punis ou dans un tel délai que cela n’a plus de signification. Il a fallu attendre vingt ans avant que la justice se prononce sur le scandale de Crédit lyonnais. Douze ans se sont écoulés entre la chute de Jean-Marie Messier et sa condamnation – allégée – à dix mois de prison avec sursis pour abus de biens sociaux. L’arbitrage de Bernard Tapie, dénoncé par Laurent Mauduit dès 2008, n’est toujours pas devant la justice. Le scandale des Caisses d’épargne, la même année, est encore à l’instruction. Le signalement fait auprès du procureur de Paris par les syndicats du Printemps, dénonçant des pratiques de corruption et d’évasion fiscale de la direction, est encore au stade de l’enquête préliminaire, dix-huit mois après. Un an s’est écoulé depuis que la Cour des comptes a signalé les pratiques d’Areva au parquet et là encore l’enquête est toujours au stade préliminaire.

Face à une justice si lente, si compréhensive, seule la presse enquête, dénonce, fait bouger les choses, informe les citoyens. Sans elle, sans les lanceurs d’alerte, rien ne se serait passé dans l’affaire UBS, alors que toutes les autorités, de la DCRI à l’autorité de contrôle prudentiel en passant par l’administration fiscale, avaient eu des alertes et des dossiers constitués depuis 2009. Et ce sont ces dernières voix que le texte sur le secret des affaires risque de réduire au silence.

 

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Source : www.mediapart.fr

 

 

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