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31 janvier 2015 6 31 /01 /janvier /2015 22:02

 

Source : www.mediapart.fr

 

L’Arabie saoudite tient la France et les Etats-Unis en otages

|  Par Thomas Cantaloube et Pierre Puchot

 

 

 

Pétrole, armes, renseignements : voilà ce qu'échangent les Occidentaux avec le royaume saoudien en proclamant que ce régime des plus répressifs est un partenaire qui a le mérite de la stabilité. Ce faisant, la France et les États-Unis, entre autres, sont pris en tenaille.

On n’avait pas vu un tel défilé de chefs d’État et de gouvernement depuis… au moins quinze jours, lors de la grande manifestation à Paris en hommage aux dessinateurs de Charlie Hebdo et aux morts de l’Hyper Cacher. Et pour voir Barack Obama délivrer ses condoléances en personne, il faut remonter à l’enterrement de Nelson Mandela… Qui a donc mérité autant d’attention de la part des grands dirigeants de ce monde ? Nul autre que le roi Abdallah d’Arabie saoudite, décédé le 23 janvier 2015 à l’âge approximatif de 90 ans.

Cet empressement à venir commémorer un monarque absolu, maître depuis vingt ans (même s’il n’a été roi que pendant dix ans) d’un pays qui figure parmi les plus répressifs et le plus liés au terrorisme de la planète, a poussé à un point rarement atteint l’hypocrisie diplomatique. Si le président français François Hollande s’est fendu d’un communiqué prudent, saluant « la mémoire d'un homme d'État dont l'action a profondément marqué l'histoire de son pays et dont la vision d'une paix juste et durable au Moyen-Orient reste plus que jamais d’actualité », d’autres se sont laissés emporter par l’émotion. Pour n’en citer que deux, l’ancien premier ministre britannique Tony Blair a parlé « d’un modernisateur (…) aimé par son peuple et qui sera profondément regretté ». Quant à la patronne du FMI, Christine Lagarde, elle a évoqué un homme qui « était, de manière discrète, un grand défenseur des femmes ».

Toutes ces belles paroles et ces courbettes à la mémoire du roi disparu ne sont pas juste l’expression d’une realpolitik assumée : ils sont l’hommage du drogué à son dealer, et la génuflexion à l’égard de son successeur.

L’Arabie saoudite n’est pas simplement un pourvoyeur de pétrole, c’est aussi un acheteur de biens occidentaux (en premier lieu, des armes), et un partenaire en matière de partage de renseignements. Au nom de tout cela, et de la stabilité du Royaume, le reste du monde ferme les yeux sur un des pires bilans en matière de libertés, de démocratie et des droits humains. Le cas du blogueur Raif Badawi, qui reçoit beaucoup d’attention ces temps-ci après sa condamnation à 10 ans de prison et 1 000 coups de fouet pour avoir exprimé son opinion sur internet, n’est qu’un des multiples exemples d’un pays profondément totalitaire et néfaste sur la scène internationale.

 

François Hollande à Riyad lors de ses condoléances pour la mort du roi Abdallah 
François Hollande à Riyad lors de ses condoléances pour la mort du roi Abdallah

Pour se rendre compte du caractère résolument anti-démocratique de ce pays, il suffit de lire ce bref extrait factuel d’un rapport d’Amnesty International consacré aux promesses non tenues des dirigeants saoudiens d’améliorer la situation des droits humains : « La torture et les mauvais traitements sont monnaie courante en Arabie saoudite et demeurent impunis. Les méthodes les plus fréquentes sont les coups de poing et de bâton ; la suspension au plafond ou à la porte d’une cellule par les chevilles ou les poignets ; les décharges électriques sur le corps ; la privation prolongée de sommeil ; l’incarcération au froid. »

Les autres violations des droits humains commises par les autorités saoudiennes comprennent (entre autres) :

« - La discrimination systématique des femmes en droit et en pratique ; les femmes doivent obtenir l’autorisation d’un homme avant de pouvoir se marier, entreprendre un voyage, subir certaines interventions chirurgicales, prendre un emploi rémunéré ou suivre un enseignement supérieur ; les femmes ne sont toujours pas autorisées à conduire.

- Les exécutions à l’issue de procès sommaires s’appuyant sur des "aveux" obtenus sous la torture ; l’Arabie saoudite demeure l’un des cinq pays pratiquant le plus grand nombre d’exécutions au monde ; de nombreuses infractions ne constituant pas des crimes de sang sont passibles de la peine de mort : adultère, vol à main armée, apostasie, trafic de stupéfiant, enlèvement, viol, "sorcellerie". 

- La torture et d’autres formes de mauvais traitements : les châtiments corporels tels que la flagellation et l’amputation sont fréquemment utilisés. Dans certains cas, le vol est sanctionné par l’amputation de la main droite, et le banditisme par l’"amputation croisée" (amputation de la main droite et du pied gauche). La condamnation à la flagellation est systématique pour plusieurs infractions et la sentence peut aller de dizaines à des milliers de coups de fouet. »

«De nombreux groupes terroristes se financent toujours en Arabie saoudite»

Pour des pays comme la France ou les États-Unis qui se vantent de défendre et de promouvoir les droits humains, avoir des relations aussi proches avec un pays ayant ces pratiques est pour le moins dérangeant. Mais quand on proclame que le terrorisme est désormais la plus grande menace à laquelle la planète doit faire face, il y a un vrai paradoxe à être l’allié de l’Arabie saoudite. Comme le dit sans détour Ed Hussain, du Council on Foreign Relations : « Al-Qaïda, l’État islamique en Irak et en Syrie, Boko Haram, les shebabs somaliens et un certain nombre d’autres groupes terroristes sont tous des groupes salafistes. Or, depuis cinquante ans, l’Arabie saoudite est le sponsor officiel du salafisme à travers le globe. »

Oussama Ben Laden était saoudien et sa fortune familiale provenait de contrats négociés par son père pour la construction et l’entretien des mosquées du Royaume. Quinze des dix-neuf terroristes qui ont précipité leurs avions sur le World Trade Center et le Pentagone étaient saoudiens, et un certain nombre de leurs complices l’étaient aussi. Et pourtant, ce n’est pas l’Arabie saoudite qui a été bombardée ou envahie au lendemain du 11 septembre 2001, mais l’Afghanistan et l’Irak.

 

Obama repartant d'Arabie saoudite après une visite en 2009. 
Obama repartant d'Arabie saoudite après une visite en 2009. © Pete Souza/Maison-Blanche

Comme l’ont rappelé encore une fois, début janvier 2015, plusieurs élus et ancien élus du Congrès des États-Unis, 28 pages du rapport parlementaire sur les attentats du 11 Septembre sont toujours classées secret défense. D’après ceux qui y ont eu accès, elles concernent l’Arabie saoudite. « Il y a beaucoup de rochers qui n’ont pas été soulevés et qui, si on les soulevait, nous offriraient une vue bien plus grande du rôle joué par les Saoudiens dans l’assistance aux terroristes du 11 Septembre », a confié à Newsweek l’ancien sénateur démocrate Bob Graham. Des propos confirmés par le député républicain Walter Jones, toujours à Newsweek : « Il n’y a aucune raison expliquant pourquoi ces 28 pages n’ont pas été rendues publiques. Il ne s’agit pas de protéger la sécurité nationale. Par contre, certains passages pourraient embarrasser l’administration Bush, à cause de ses relations avec les Saoudiens. » Si la Maison Blanche sous Bush s’est toujours opposée à la publication de ces 28 pages (l’ambassadeur saoudien aux États-Unis et membre de la famille royale était tellement proche de la famille Bush qu’il était surnommé Bandar Bush), l’administration Obama a également choisi de maintenir cette censure. 

Aujourd’hui, nombre de diplomates et dirigeants expliquent que le rôle des Saoudiens avant le 11 Septembre est désormais du passé, et que le Royaume a fait le ménage dans ses services secrets (qui entretenaient de nombreux liens avec Al-Qaïda), et mis en place des instruments de contrôle pour empêcher le financement des groupes terroristes par les riches familles saoudiennes. Pour au moins un diplomate européen, qui fut en poste pendant les années 2000 dans le golfe Persique, tout n’est pas aussi clair : « De nombreux groupes terroristes se financent toujours en Arabie saoudite. Bien sûr, le lien n’est pas direct, mais les riches Saoudiens continuent de donner à des causes ou à des intermédiaires, qui redonnent à leur tour à d’autres intermédiaires par le système de l’hawala. Quand on les confronte à ce sujet, ils répondent généralement quelque chose du genre : "Mais cela fait partie des commandements de l’islam que de donner de l’argent !" La réalité, c’est que beaucoup de Saoudiens ne voient pas le problème à financer des groupes qui se réclament du wahhabisme ou qui prétendent combattre au nom du prophète… »


Comparaison des peines entre l'Arabie saoudite et l'État islamique 
Comparaison des peines entre l'Arabie saoudite et l'État islamique

Surtout, qu’est-ce qui diffère entre le « modèle saoudien » et le régime promis par l’État islamique ou Boko Haram ? Pas grand-chose. Le site Middle East Eye a comparé les types de sentences infligées pour divers crimes et délits par l’Arabie saoudite et l’État islamique, et il n’y a quasiment aucune différence. Les sentences, les édits et l’interprétation coranique des imams saoudiens restent des modèles pour tous les groupes terroristes de par le monde. Or ces imams et leurs associations religieuses restent largement financés par les princes gouvernants saoudiens.

Un diplomate jordanien avait caractérisé en 2007 la relation entre le royaume saoudien et les États-Unis comme « un mariage catholique dans lequel il ne peut pas y avoir de divorce ». On serait plutôt enclin à penser qu’il s’agit d’une prise d’otages. L’Arabie saoudite exerce une forme de chantage au pire en matière de coopération sur le terrorisme et de stabilité au Moyen-Orient, en laissant entendre que les choses seraient encore pire (!) sans sa collaboration. Il est pourtant évident aujourd’hui que ce sont précisément les actions du royaume saoudien qui fournissent du carburant à l’incendie.

Le même chantage s’exerce sur le pétrole, principalement à destination des Américains. Alors que, ces dernières années, les États-Unis étaient en passe d’atteindre l’indépendance énergétique en raison du développement des hydrocarbures de schistes, grâce aux prix élevés du pétrole, et que, par conséquent, leur politique étrangère devenait moins dépendante du golfe Persique, la chute du cours du brut depuis six mois bouleverse la donne. Le plus pervers est que cette politique saoudienne de prix bas du pétrole bénéficie à court terme aux Américains. Non seulement Barack Obama a reçu un coup de pouce économique (le prix de l’essence à la pompe a été divisé par deux en six mois), qui s’est traduit par un rebond dans les sondages, mais cela favorise sa politique de dureté face à la Russie ou à l’Iran, deux pays qui souffrent de la chute des cours. Les États-Unis sont pris en tenaille par le royaume saoudien qui demeure le principal arbitre du prix de l’or noir.

«Notre politique régionale est victime de notre logique de court terme»

La France, elle, court derrière Riyad dans l’espoir de vendre, toujours plus. Nicolas Sarkozy avait misé sur le Qatar avec l’idée de réaliser des « coups politiques ». François Hollande a, lui, choisi le royaume des Saoud pour signer des contrats. Un rapide coup d’œil aux visites bilatérales démontre l’activisme forcené de l’équipe de l’actuel président depuis son élection : sur 39 visites bilatérales depuis 1926 et la reconnaissance d’Abdelaziz Bin Abdurrahman al-Saoud, fondateur du Royaume, 15 se sont déroulées entre novembre 2012 et la fin de l’année 2014. Le président de la République a honoré le Royaume de deux visites d’État, en 2012 et 2013, et une troisième le 24 janvier 2015, au lendemain de l’annonce du décès du roi Abdallah. 

Aucun autre État n’a bénéficié d’une cour aussi assidue de la part de la France. La majorité des ministres à s’être rendus en Arabie ont à voir avec l’économie. Ancien ministre du redressement productif, Arnaud Montebourg s’est rendu à Riyad quatre fois en 2013. Jean-Yves Le Drian, ministre de la défense, trois fois la même année. 

Tête de pont de cette diplomatie économique, l’armement, et plus spécifiquement deux secteurs où la France est en pointe : la défense anti-aérienne et la marine. À force de visites, la récompense a fini par tomber, sous forme de 3 milliards de dollars obtenus avec l’accord-cadre du 4 novembre 2014 signé par le ministre des finances saoudien et le PDG d’Odas, société chargée des contrats d’armements décrochés par la France en Arabie saoudite. L’accord profite à plus de vingt entreprises françaises, qui se partagent 2,1 milliards de dollars. L’armement ira, lui, à l’armée libanaise, de même que les 900 millions prévus pour l’entretien et la formation des militaires libanais. Cadeau de l’Arabie saoudite à l’armée du pays du cèdre. 

Avant la signature de ce juteux contrat, la France avait déjà triplé ses ventes d’armes entre 2012 et 2013. Ci-dessous, un graphique établi par le Stockholm international peace research institute (SIPRI, organisme d’évaluation indépendant sur les questions d’armement et de sécurité) montre la répartition des importations d’armes en Arabie saoudite selon les pays. 

 

 

Exportation d'armes vers l'Arabie saoudite en millions de dollars. 
Exportation d'armes vers l'Arabie saoudite en millions de dollars.
 

La logique de l’Élysée est facile à suivre : selon une étude du ministère de la défense réalisée avec le conseil des industries de défense (Cidef) et le cabinet privé McKinsey, les exportations ont atteint 6,87 milliards d'euros l'an dernier en progression de 42,7 %. 40 000 emplois dépendent de ce secteur. Or l’Arabie saoudite est devenue, et de très loin, le premier client de la France en 2014 toujours, avec 1 milliard 928 millions d’euros de contrats, détaille le rapport au Parlement sur les exportations d’armement de la France (téléchargeable ici). 

Outre l’indignité qu’elle charrie aux regards des atteintes aux droits de l’homme perpétrées en Arabie saoudite, cette cour intense faite au Royaume entraîne une adhésion aux choix faits à Riyad, et une délégation de la politique étrangère française. « Nous avons les mains liées, et notre politique régionale est victime de notre logique de gains économiques à court terme : la France est en position de demandeur vis-à-vis de l’Arabie saoudite », souffle Marc Cher-Leparrain, un ancien diplomate de la région, fin connaisseur des dossiers liés à l’armement et aux États du Golfe.

Avec le matériel français, l’Arabie saoudite compte intervenir plus directement au Liban pour contrer le Hezbollah et empêcher celui-ci de continuer à jouer le rôle de soutien au régime d’Assad. Inexistante en Syrie, la France délègue de fait sa politique syrienne sur le terrain au régime de Riyad.

Depuis 2011, l’Arabie est cet acteur clé qui a soutenu le régime égyptien de Sissi dans tout le processus politique qui a conduit au rétablissement de la dictature. Difficile de ne pas voir, dans la réception en grande pompe du président Sissi en décembre 2014, une adhésion aux choix saoudiens, quand le régime de Sissi assassine les opposants en pleine rue, emprisonne les journalistes et condamne à mort les Frères musulmans par centaines. « La France ne va évidemment pas claquer la porte à Sissi alors que c’est le protégé de Riyad », explique Marc Cher-Leparrain. « La France se retrouve en position délicate, quand les grands perturbateurs, qui contribuent justement au pourrissement de la situation au Moyen-Orient, comme en Égypte, sont justement nos principaux clients, l’Arabie saoudite en tête. »

Parce qu’elle lie la France à la politique étrangère de Riyad, cette diplomatie économique a donc un coût politique considérable. Proactive dans la région, l’Arabie saoudite a multiplié les choix contestables, se faisant depuis 2011 l’ardent défenseur des régimes autoritaires dans la région, écrasant la révolte à Bahreïn, plaçant en 2014 les Frères musulmans sur la liste des organisations terroristes. Des Frères musulmans dont l’éradication en Irak a favorisé l’essor de l’État islamique. En collant à Riyad pour des questions de gros sous, la France est prise dans les mêmes contradictions que le royaume des Saoud.

 

 

 

Source : www.mediapart.fr

 

 

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31 janvier 2015 6 31 /01 /janvier /2015 19:18

 

Source : www.mediapart.fr

 

Au centre commercial d'Evry, « carrefour de l'exploitation »

|  Par Rachida El Azzouzi

 

 

 

À l’heure où la loi Macron est débattue à l’Assemblée, état des lieux du marché du travail sous la gauche dans un des plus grands centres commerciaux de France, celui d’Évry (Essonne). Au pied de la maison des syndicats, de l’Inspection du travail et des Prud’hommes, c'est « la peur de l’employeur et du chômage » qui fait tenir.

Julien avait le choix entre la sécurité ou Pôle Emploi. Il a choisi vigile, « un des rares métiers où tu décroches encore un CDI en France ». Il a 23 ans, un CDI payé le Smic, un peu plus les mois où son patron l’emploie une centaine d’heures supplémentaires, au noir. C’est son deuxième employeur en un an. Mais déjà, il songe à se reconvertir, chauffeur de bus à la RATP ou mieux, pour Uber. C’est ce qu’a fait un type du quartier au chômage. Il gagne 2 000 euros par mois, n’en déclare pas la moitié, en conduisant des Parisiens à travers les beaux quartiers. Lui mène « une vie d’esclave dans un carrefour de l’exploitation » : le centre commercial d’Évry, dans l'Essonne.

Sorti de terre quand le travail féminin et le temps partiel prenaient leur essor (1975), Évry 2 – l’Agora pour ceux qui le fréquentent (du nom de la place qui l’entoure) – est l’un des plus vieux temples de la consommation de l’Hexagone, un des sept plus grands aussi. Dans cette ville nouvelle à l’urbanisme sans âme, cité dortoir défavorisée du grand sud parisien, et comme dans bien d’autres banlieues françaises, le centre commercial fait office de centre-ville.

 

 
© Rachida El Azzouzi

Construit sur deux niveaux, il sent le café-croissant industriel, emploie 2 200 salariés, génère plus de 400 millions d'euros de chiffre d'affaires sous mandat de la Société des centres commerciaux (SCC), un géant de la gestion immobilière qui joue au monopoly mondial des « shopping centers », de Dubaï aux banlieues françaises déshéritées (plus d'un milliard d'euros de loyers encaissés par an). Il ouvre ses portes automatiques du lundi au samedi, de 10 heures à 20 heures, avec une nocturne le jeudi jusqu'à 21 heures. Carrefour, la grande surface, elle, ouvre une heure plus tôt et ne ferme pas avant 21 h-21 h 30. Les restaurants ont leurs horaires, jusqu'à 21 h-22 h. Plusieurs d'entre eux ouvrent le dimanche.

Pas rénové depuis son extension en 2003, il est en perte de vitesse économique à cause de la crise, de la concurrence des voisins plus modernes, de la saturation commerciale de l’Essonne, de la vente en ligne, cela malgré l’arrivée du plus grand Zara d’Île-de-France, qui a absorbé dix boutiques sur deux étages. Le turn-over y est impressionnant, des enseignes comme des salariés.

Longtemps, il a traîné une réputation aussi glauque que la cité voisine des Pyramides. « Il fallait oser s’y promener le soir l’hiver après 18 heures », se souvient un commerçant. Mais depuis les années Valls (maire d'Évry de 2001 à 2012), il est sous haute vidéosurveillance, des abords aux coursives (une centaine de caméras et une sur-présence policière en plus des dizaines d'agents de sécurité, propres au centre ou aux enseignes). Pas de lumière naturelle à l'exception d'une verrière dans une aile qui devient caniculaire à la moindre variation de température. Pour les salariés, une pénibilité au travail qui s’ajoute à la foule, au bruit permanent, à la station debout prolongée...

 

 
© Rachida El Azzouzi

Collée à la gare RER, le centre commercial est central, proche de tout, les autoroutes, l'université, les quartiers dits « sensibles », les sièges des grandes entreprises où travaillent les CSP – une clientèle difficile à capter dans ces galeries d'abord fréquentées par les classes populaires et aux abords desquelles des familles roms font la manche et des Pakistanais grillent des maïs.

« C’est la forêt de Fontainebleau, le musée des pauvres, le seul centre d’attraction gratuit d’Évry où on peut venir flâner sans rien acheter », remarque l’un des derniers commerçants indépendants du centre, qui ne comprendrait pas qu’on l’ouvre tous les dimanches de l’année. « Le jeudi, il y a une nocturne et il n’y a personne à partir de 19 heures. Les gens n’ont pas de fric. C’est la crise. La clientèle, ce n’est pas les Chinois des Champs-Élysées mais des mamas africaines et rebeues qui demandent à payer en plusieurs fois en espèces une paire de chaussures à 20 euros et qui sont à découvert à partir du quinze du mois. Les classes moyennes des alentours, elles, viennent entre midi et deux la semaine, pas le dimanche. »


 
© Rachida El Azzouzi

Aborder sous l'angle du travail cette scène sociale majeure, c'est mesurer la précarité, la flexibilité et la violence déjà maximales de notre marché du travail, dans un secteur qui emploie des millions de salariés en France, le commerce, dans une banlieue française qui concentre les inégalités. À l’heure de la loi Macron en débat à l’Assemblée, de celle à venir sur les seuils sociaux après l’échec de la négociation entre patronat et syndicats, alors que la gauche gouvernementale veut accentuer la dérégulation, se rendre à l'Agora, c'est mettre des visages sur les chiffres et les courbes qui pointent l’inquiétante instabilité, l'insécurité de l’emploi. Des visages qui sont massivement des jeunes et des femmes, des mères de familles souvent seules, subissant l’explosion des contrats courts, du temps partiel subi ou encore du sous-emploi dans le tertiaire. Des salariés qui aimeraient travailler plus, sont disponibles, mais doivent se contenter de miettes de boulot (lire ici notre article).

 

 
© Rachida El Azzouzi

C’est rencontrer une variable d’ajustement qu’on adapte dans l’urgence permanente au flux et reflux de clientèle. Une masse d’employés, « d’exécution », parmi les plus vulnérables, majoritairement des femmes, payés rarement plus du Smic horaire, piégés dans la trappe de l’emploi précaire. Inaudibles, invisibles, ils témoignent ici rarement à visage découvert, ou bien loin des caméras et des collègues. Ils parlent alors de leurs conditions de travail dégradées, des postes déqualifiés, de l’impossibilité de concilier vie professionnelle et vie familiale, de ce sentiment d’être « un pion », « l’esclave de la finance », d’entreprises ultra-rentables et profitables. Se disent pressés, broyés par la verticalité, pour à peine le Smic.

« Le volontariat, ça n’existe pas dans notre société »

Ici, sous les lumières crues du capitalisme, on brasse tous les types de contrats, sauf le CDI en voie de disparition ou alors à temps très partiel : contrat de professionnalisation, d’apprentissage, d’intérim, de mission, à durée déterminée, de toutes durées (8, 10, 18, 20, 24, 25, 32 heures).

Linda travaille six jours sur sept, de 15 à 21 heures, pour un sous-traitant du centre dans le nettoyage. Elle est en CDD, espère un CDI. Trois ans qu’elle a le même employeur et toujours pas de stabilité. Elle a 44 ans, un enfant en bas âge qu’elle élève seule, vit chez sa sœur, espère une attribution HLM et une régularisation. Elle vient du Sénégal. Elle ferait bien quelques ménages d’appoint le dimanche et les matins mais la fatigue ne le lui permet pas : « Il me faut attendre vingt minutes le matin pour que mes pieds fonctionnent de nouveau ! » C’est la première fois qu’elle travaille dans un centre commercial. Avant, elle nettoyait des studios télé. Elle préférait. Ici, les gens ne la « respectent pas, ils ne sont pas propres ». Elle a le mal du pays. Elle raconte qu'elle a essayé d’y retourner mais on l’a rejetée avec son fils, elle ne ramenait pas d’argent.

 

De la verrière, on aperçoit l'immeuble de l'Inspection du travail 
De la verrière, on aperçoit l'immeuble de l'Inspection du travail © Rachida El Azzouzi

Sarah, elle, vient de changer de boutique, de quitter un CDI de 20 heures dans la grande distribution, « l’enfer », pour un autre temps partiel de 25 heures dans une petite boutique de vêtements qui devrait normalement devenir un temps complet, c’est ce que le patron lui promet. Elle a 36 ans, deux enfants, un mari auto-entrepreneur. Dix ans qu’elle travaille dans l’Agora. Elle a tout connu, tout fait, les grandes chaînes de vêtements, caissière, manutentionnaire, vendeuse. Des années infernales, des crises de larmes devant les plannings.

« Le pire, dit-elle, c’était le stress pour que la voisine récupère les enfants à la sortie de l’école pendant les rushs, et les longs après-midi dans le centre entre deux services où je ne pouvais pas rentrer chez moi car j’habitais à une heure en RER, deux quand il y a des problèmes sur la ligne. » Aujourd’hui, elle souffle. Elle a un patron avec lequel elle n’a pas besoin de « mendier ses droits ». Elle est contre le travail le dimanche – «Nos familles sont suffisamment explosées comme cela. Qu’on nous laisse nos dimanches avec nos enfants » – mais elle n’ira pas manifester, elle n’a jamais manifesté.

 

 
© Rachida El Azzouzi

Laura a 22 ans. Un CDI de 25 heures pour 680 euros net, un boulot qui ne correspond pas à ses diplômes. « Tous les employés vous le diront. On n’est pas payés à la hauteur de nos compétences. » Mais elle ne dit mot. « À qui ? Il n’y a pas de syndicat dans le centre, à part celui des commerçants. » Elle a commencé apprentie dans une boutique qui l’a remerciée sitôt l’apprentissage terminé, vit chez sa sœur qui travaille aussi dans le commerce. Si elle était étudiante comme beaucoup de jeunes de passage ici, elle demanderait à travailler le dimanche mais elle est salariée. « Quand on travaille déjà toute la semaine, y compris en soirée, ce n’est pas compatible. On n’a plus de vie personnelle. » Elle ne se plaint pas : « Il y a des filles qui souffrent, toute la journée debout dedans, souvent dans les franchises qui marchent le plus, elles commencent tôt, finissent tard. Moi, c'est une petite surface près d'une sortie. J'ai le droit de m'asseoir, on a une réserve, avec un micro-ondes, je peux sortir fumer, respirer l'air, voir le jour. » Elle a peur du chômage depuis qu'elle a vu son père y rester deux ans. 

Julien travaille pour un sous-traitant de la sécurité selon des horaires très flexibles, « des vacations longues comme un jour sans repas », dit-il, douze heures d’affilée. Il n’a pas la plus affreuse des affectations : les arrière-caisses de Carrefour, la grande surface qui a ses propres agents, ni la plus tranquille, dans le bocal, derrière les caméras, loin de la foule. Avant, il travaillait pour « un escroc ». Il a démissionné, sans le paiement de dizaines d’heures supplémentaires. Il aurait pu aller devant le tribunal des prud’hommes, à quelques pas de là, il aurait obtenu gain de cause, un syndicaliste le lui a assuré, mais il ne veut pas « être fiché ».


 
© Rachida El Azzouzi

Être fiché ? « Être mal vu, marqué salarié à problèmes par le patron. La peur de tous ici », dit Sekou, son collègue. Lui traîne deux handicaps sur le marché de l'emploi, il est noir et vient d’une cité de Grigny. Il a 28 ans, un CDI de vendeur mais à temps partiel, des années de chômage derrière lui, des rapports conflictuels avec sa mère femme de ménage et son père intérimaire qui ne comprennent pas qu’il ne trouve pas de travail. Ses copains sont « quasiment tous au chômage ». Il cherche un deuxième emploi pour compléter ses 800 euros, prêt à passer des heures dans le RER et à sacrifier le foot, son seul défouloir le dimanche. Il a passé son adolescence dans l’Agora, c’était son terrain de jeu, de frime, de fast-food. C’est son lieu de travail aujourd’hui.

Quand on lui demande s’il est volontaire pour travailler le dimanche, il éclate de rire. « Le volontariat, ça n’existe pas dans notre société. C’est ce que le patronat fait croire aux politiques. » Il n’a même jamais choisi son planning depuis qu’il a réussi à entrer sur le marché du travail et à s’extraire du chômage. Son contrat, c’est être disponible, flexible, journée, soir, jour férié, week-end, 151 heures par mois. « Quand tu signes, on te fait comprendre que tu signes pour être volontaire. Tu peux pas dire non ou tu te grilles. »


 
© Rachida El Azzouzi

« On dit aux gens qu’il faut qu’ils soient contents d’avoir un travail »

Ironie de l’histoire, l’Agora est une zone de non-droit à quelques minutes à pied du tribunal des prud’hommes, de la maison des syndicats et de l’inspection du travail, qui n’a que deux agents impuissants pour contrôler un vaste secteur dont le centre commercial. Soit une chance sur un million pour une boutique d’être contrôlée. Un no man’s land syndical où le dialogue social est rendu impossible du fait de l'organisation même du centre en réseau d'enseignes, et de ces dernières souvent éclatées en TPE, des entreprises de moins de onze salariés qui n'ont pas droit à une représentation syndicale.

« Seules quelques grandes enseignes comme Carrefour, les Galeries Lafayette, sont dotées de syndicats, de structures fortes, un CE, un CHSCT (Comité d’hygiène, de sécurité et des conditions de travail ). Mais même quand il existe, le syndicalisme se réduit à chacun sa boutique, regrette Jean-Louis Betoux, le secrétaire de l’union locale de la CGT d’Évry. On veut bien poser les questions qui ne fâchent pas, “il manque du monde”, “untel a quinze ans d’ancienneté, faut l’augmenter” mais pas celles qui fâchent, les restructurations permanentes, les conditions de travail dans le centre. Aujourd’hui on dit aux gens qu’il faut qu’ils soient contents d’avoir un travail. La pression économique et patronale est telle que tout le monde rase les murs, a peur d’être viré, de perdre son emploi ou le bout d’emploi qu’il occupe, un salaire capital pour vivre, survivre. »


 
© Rachida El Azzouzi

Le bureau de Jean-Louis Betoux donne sur la forteresse imprenable, monstre de béton défraîchi. Il en parcourt les allées depuis des années pour rejoindre son syndicat de l’autre côté de la place après avoir garé sa voiture dans l’un des sous-sols, mais il ne connaît personne. Pas une vendeuse, pas une caissière, pas un vigile, pas un gérant, juste une poignée de syndiqués dans deux-trois grandes enseignes. Terrible désaveu. « Des millions de salariés français nous échappent. C’est ici que cela se passe et nous ne sommes pas là. Nous sommes dans les négociations de salon à Paris qui débouchent sur des reculs », s’étrangle cet ancien de La Poste qui traîne quarante ans de syndicalisme.

Parfois, des employés du centre poussent d’eux-mêmes la porte d’une permanence. Comme pour cette salariée d’un fast-food. Manager, elle avait la formation mais pas le titre, refusé à son retour de maternité par la direction. « C’est symbolique. Être dégradé, ne serait-ce qu’au niveau de la reconnaissance, pas du salaire, c’est une terrible humiliation pour le salarié. » D’autres préfèrent téléphoner, ne pas afficher leur identité, de peur que cela revienne aux oreilles de leur employeur ou de leurs collègues. « Mais ils sont rares et hélas, on ne peut rien faire à moins qu’une bagarre syndicale n’éclate dans l’entreprise. Il faudrait qu’on puisse régler leur problème sans que la boîte ne connaisse leur nom », se désole le syndicaliste.

 

Jean-Louis Betoux, secrétaire de l'union locale CGT d'Evry 
Jean-Louis Betoux, secrétaire de l'union locale CGT d'Evry © Rachida El Azzouzi

Jean-Louis Betoux a bien essayé de militer dans l’immensité confinée où « on trouve même des sans-papiers, surtout dans la sécurité et la restauration » : « Le syndicalisme est mal vu, on se fait virer systématiquement. C’est un terrain privé, la majorité des boutiques compte moins de onze salariés. Il n’y a pas de représentant du personnel. Y aller avec un badge CGT, c’est se faire jeter par le patron présent dans la boutique avec ses deux vendeuses. » Alors il plante trois, quatre fois par an, un stand et des banderoles sur la place de l’Agora à l’entrée ou, plus rare, organise une descente à plusieurs.

La dernière fois, c’était en 2011… contre le travail le dimanche. À l’époque, la mairie et la communauté d’agglomération Évry-Centre-Essonne (c'est-à-dire Manuel Valls, déjà) voulaient ouvrir le centre tous les dimanches de l’année pour contrer la concurrence. Dans l’Agora, la CGT avait lancé une pétition réclamant la consultation des salariés. « On a reçu un accueil extraordinaire, on était surpris. Dans les petites boutiques, comme dans les grosses enseignes, employés et gérants étaient majoritairement contre », se souvient Jean-Louis Betoux.

 

 
© Rachida El Azzouzi

Aujourd’hui, alors que la loi Macron devrait banaliser le travail le dimanche et en soirée, ni rentable, ni créateur d’emplois, le syndicaliste voudrait renouveler l’action pour expliquer les dangers des réformes portées par la gauche depuis mai 2012. « La loi Macron ne permettra pas de gagner plus aux salariés mais à leurs patrons, les grandes enseignes. Les compensations en vigueur aujourd’hui dans le commerce vont disparaître. Elle va seulement les précariser davantage, bouleverser leur vie sociale et familiale, l’organisation de la garde et l’éducation des enfants. »

Il voudrait aussi que la CGT, loin du siège de Montreuil, « du panier de crabes et des querelles intestines de pouvoir », retrouve « le goût du terrain, des tracts quand il gèle », « reprenne la rue aux notaires, à un moment crucial où la France bascule à l’extrême droite ». Il a mis en sonnerie de portable la chanson d’HK & les Saltimbanks, devenue chanson de lutte et de manif : « On lâche rien ». Rêve d’aller vers un syndicalisme de site comme au centre commercial de Lyon Part-Dieu, précurseur d’une expérimentation (lire ici).

Mais de l’autre côté de la place, dans l’Agora, il devra compter sur une masse résignée qui goûte peu le syndicalisme. Sarah, la mère de famille qui n'ira pas manifester contre le travail le dimanche, estime que « les syndicats, c’est comme nos politiques, ils ne changent rien à nos vies ». Elle n'a jamais voté non plus.

Jean-Louis Betoux est conscient de l'abîme. « Il faut aller expliquer ce qu’est l’ANI (accord national interprofessionnel du 11 janvier 2013 : lire nos explications ici, ndlr), le pacte de responsabilité, la réforme des seuils sociaux, des prud’hommes (lire ici), de l’inspection du travail à des salariés lambda. C’est super compliqué alors que cela les concerne au premier chef. Le gouvernement et le patronat ont un boulevard. Même nous, on n’y comprend rien. La réforme scolaire, les impôts, les salariés t’en parlent. Car c’est immédiat, concret. Mais les prud’hommes ? S’ils gagnent un jour un procès, ils signeront mais après la victoire et si l’employeur ne les a pas virés en représailles en leur collant une faute professionnelle. Ils ne savent souvent rien sur leur propre boîte, si elle est indépendante, franchisée. C’est dur de mobiliser quand le salarié se fout même de son environnement proche. En même temps, la peur les tient, de l’employeur et du chômage. »

Il a connu Valls député-maire qui « attendait la CGT les jours de manifestation au rond-point de la Préfecture pour serrer les paluches », a voté Mélenchon en 2012, et c’est le vertige qui le saisit quand il regarde les réformes sociales menées depuis. En ce début d’année noir, l’espoir lui vient de Grèce, de Syriza.

Pas Julien. « Petit Blanc », classe moyenne, élevé dans une belle maison avec jardin avant un décrochage scolaire puis social, il n’a jamais voté, suit de très loin l’actualité via les réseaux sociaux, se moque de la politique, de la loi Macron, des CHSCT, même s’il se plaint de ne pas avoir de salle de pause, mal au dos. Aucune des réformes citées plus haut ne lui parle. Il voit l’avenir en noir comme sa génération « perdue », « programmée pour la précarité ». Il vit comme un déclassement d’être vigile, « un métier de black », dit-il en précisant bien qu’il n’est pas raciste et qu’il a grandi avec toutes les nationalités. Il en conclut que « la France n’a plus de travail à offrir, puisque même les Blancs sont obligés de prendre les boulots qu’on réserve aux immigrés ». Plus de travail ? Au centre commercial d’Évry, c’est certain. Son site internet n’a pas affiché d’offres d’emploi depuis septembre : il s'agissait de deux CDD dont un remplacement de congé maternité.

Capture d'écran, septembre 2014Capture d'écran, septembre 2014

 

  • Lire aussi notre entretien avec le sociologue Julien Choquet, qui étudie les conditions de travail dans les centres commerciaux.

 

 

Source : www.mediapart.fr

 

 

 

 

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31 janvier 2015 6 31 /01 /janvier /2015 00:37

 

 

 

vendredi 30 janvier 2015

Source : Politis
« Il ne peut y avoir de choix démocratique contre les traités européens », affirme notamment le président de la Commission européenne.
Intraitable. Dans un entretien au Figaro (29 janvier, édition abonnés), le président de la Commission européenne adresse une fin de non-recevoir au gouvernement grec conduit par Alexis Tsipras. Sur l’annulation de la dette, Jean-Claude Juncker oppose à la Grèce un « non » catégorique :
« Athènes a accepté deux plans d’ajustement (de redressement, NDLR), elle doit s’y sentir tenue. Il n’est pas question de supprimer la dette grecque. Les autres pays européens ne l’accepteront pas. »
On a connu le président de la Commission plus conciliant quand, Premier ministre du Luxembourg, il autorisait des dizaines de multinationales à s’affranchir des législations fiscales des pays membres de l’UE.
Les élections ne changent rien, affirme en substance le président de la Commission européenne. Sans prendre beaucoup de gants :
« Dire qu’un monde nouveau a vu le jour après le scrutin de dimanche n’est pas vrai. Nous respectons le suffrage universel en Grèce, mais la Grèce doit aussi respecter les autres, les opinions publiques et les parlementaires du reste de l’Europe. Des arrangements sont possibles, mais ils n’altèreront pas fondamentalement ce qui est en place. »
Vous n’êtes pas certain d’avoir compris ? « Dire que tout va changer parce qu’il y a un nouveau gouvernement à Athènes, c’est prendre ses désirs pour des réalités », ajoute encore Jean-Claude Juncker, qui lâche une phrase terrible, qui résume toutes les limites de la démocratie dans l’Union européenne :
« Il ne peut y avoir de choix démocratique contre les traités européens. »
Interrogé sur la France, et notamment sur la question de savoir si la Commission va accepter d’accorder à notre pays un délai supplémentaire pour réduire le déficit à 3 % du PIB, Jean-Claude Juncker se montre également rigide et menaçant.
Rigide quand il radote le credo de toutes les Commissions : « Nous voudrions voir la France renforcer ses réformes, en nombre comme en intensité. » Selon lui, « la France soufre d’un manque de réformes dites structurelles, de réformes qui portent sur l’essentiel (…). Elle doit soigneusement examiner les faiblesses de son droit du travail. » Menaçant lorsqu’il réaffirme qu’« il n’y a pas d’autre remèdes que de la consolidation budgétaire » (sic) et n’exclut pas de sanctionner la France si son déficit n’est pas réduit : « Un pays ne peut pas échapper aux sanctions s’il ne respecte pas les règles. »
Il n’y a pas de « diktat » allemand, affirme le président de la Commission européenne. « Cette impression d’un diktat, d’une machine allemande qui laminerait toute contradiction est parfaitement erronée », soutient-il. Avant de lever un coin du voile de secret qui entoure les sommets européens : « D’autres gouvernement, parfois même socialistes, étaient beaucoup plus sévères à l’égard de la Grèce, par exemple. » Une confidence dont la véracité ne nous paraît pas contestable. Allez savoir pourquoi…

 

 

 

 

 

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30 janvier 2015 5 30 /01 /janvier /2015 18:40

 

Source : www.mediapart.fr

 

Un rapport propose de réduire les aides au logement

|  Par La rédaction de Mediapart

Le CGED, l'Igas et l'IGF proposent notamment de « resserrer les critères d’attribution » des APL.

 

 

Un remis rapport au gouvernement par le conseil général de l’environnement et du développement durable (CGED), l’inspection générale des affaires sociales (Igas) et l’inspection générale des finances (IGF) propose une série de mesures d’austérité destinées à réduire la facture des aides au logement, selon Les Echos du vendredi 30 janvier.

Les trois organismes avaient été missionnés par le gouvernement afin de proposer des pistes de réforme de la politique du logement, jugée « à la fois extrêmement coûteuse pour les finances publiques (46 milliards d’euros en 2014 soit plus de 2 % du PIB) et régulièrement dénoncée pour son manque d’efficacité (les mises en chantier sont au plus bas) et ses effets inflationnistes », explique le quotidien Les Echos, en précisant que ce rapport est « gardé au secret depuis l’été ».

La principale mesure d’économie s’attaquerait aux aides personnelles au logement (APL) dont « les critères d’attribution » pourraient être durcis « en rendant inéligibles à celles-ci les logements dépassant un certain niveau de loyer et de superficie et les ménages disposant d’un certain niveau de patrimoine ». Les auteurs proposent également de « mettre fin à la possibilité de rattachement du foyer fiscal des étudiants percevant une aide au logement », toujours selon Les Echos.

Le rapport propose également de supprimer la prime pour travaux de rénovation énergétique ainsi que la fin des « aides à la pierre », les subventions directes versées par l’Etat aux organismes HLM leur servant de fonds propres.

La ministre du logement Silvia Pinel a précisé, dans un communiqué, que « le rapport d’inspection rendu public par Les Echos est un document de travail. Il n’exprime pas la position du gouvernement mais il vient contribuer à la réflexion ». « La priorité du gouvernement », poursuit la ministre, « c’est la relance de la construction de logements pour répondre aux besoins des Français et le redémarrage d’un secteur essentiel de notre économie. La nécessaire maîtrise des dépenses publiques doit être conciliée avec cet objectif prioritaire. »

 

 

Source : www.mediapart.fr


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30 janvier 2015 5 30 /01 /janvier /2015 18:03

 

 

Source : rue89.nouvelobs.com

 

 

Rana Plaza 30/01/2015 à 16h03
Après le Rana Plaza : la France piétine ses promesses
Rémi Noyon | Journaliste Rue89
 

Le Rana Plaza après son effondrement à Dacca, au Bangladesh, le 4 avril 2013 (Zakir Hossain Chowd/NEWSCOM/SIPA)

Va-t-on assister à une nouvelle reculade ? Ce jeudi, à l’Assemblée, des députés socialistes ont renvoyé en commission une proposition de loi inspirée par le drame du Rana Plaza, en avril 2013.

Ce texte avait pour objectif de « responsabiliser » les multinationales afin qu’elles ne puissent plus se protéger, en cas d’accident, derrière leurs sous-traitants. Officiellement, le gouvernement veut proposer un texte mieux rédigé. Mais les ONG craignent une version édulcorée, soufflée par l’Association française des entreprises privées (Afep).

C’est ce mardi que le gouvernement devrait revenir vers les parlementaires avec de nouvelles idées. En attendant, le « devoir de vigilance des sociétés mères » prend la trajectoire d’une renonciation en cinq actes.

Acte 1 : le temps des bonnes résolutions

Le 24 avril 2013, un immeuble de Dacca, la capitale du Bangladesh, s’effondre en engloutissant plus d’un millier de travailleurs du textiles. Dans les décombres, on retrouve des étiquettes de grandes marques françaises telles que Carrefour et Auchan.

Les entreprises concernées assument difficilement leur collaboration avec ce « sweatshop ». Certaines assurent qu’elles vont indemniser les familles des victimes – sans toutefois que cela soit suivi d’effets. Les sociétés sont protégées par le principe d’autonomie de la personnalité juridique : un bouclier entre une multinationale et ses filiales.

C’est le temps des belles déclarations. En novembre 2013, le président du groupe socialiste à l’Assemblée, Bruno Le Roux, dépose une proposition de loi, qui fait écho à une promesse de campagne de François Hollande.

Alors candidat, ce dernier avait déclaré vouloir « traduire dans la loi les principes de responsabilité des maisons-mères vis-à-vis des agissements de leurs filiales à l’étranger lorsqu’ils provoquent des dommages environnementaux et sanitaires » [PDF].

S’appuyant sur plusieurs textes internationaux et sur l’exemple d’autres pays, comme le Royaume-Uni et la Suisse, cette proposition vise à « reconnaître à toute société un devoir de vigilance » et évoque clairement des sanctions :

« Ce devoir de vigilance consiste en une obligation de moyens, ce qui signifie qu’une société est exonérée de cette responsabilité si elle apporte la preuve qu’elle a mis en place des mesures nécessaires et raisonnables pour prévenir les dommages. »

Bref, la responsabilité de l’entreprise est engagée à moins qu’elle ne prouve qu’elle n’a pas pu prévenir le dommage... Le rapport rédigé par l’écolo Danielle Auroi parle ainsi de « renverser la charge de la preuve afin qu’elle ne pèse plus sur des victimes ».

Tous les groupes parlementaires de gauche déposent des propositions de lois identiques : le PS, donc. Mais aussi les communistes, les écologistes et les radicaux de gauche.

Mais tout cela va rester dans les tiroirs.

Acte 2 : au royaume des fonds de tiroir

La loi dite « Canfin » du 7 juillet 2014 fixe un objectif de « responsabilité sociétale » des entreprises et évoque des « procédures de gestion des risques » dans son article 8, mais elle en reste au stade de la déclaration de principe.

Les députés continuent de travailler sur le texte. On en discute également au sein de la plateforme, créée en juin 2013, qui rassemble entreprises, associations et salariés autour des mesures à prendre en termes de responsabilité sociale des entreprises (RSE).

Mais l’Afep et le Medef mettent en garde le gouvernement contre cette proposition. Ainsi, lorsque Manuel Valls évoque [PDF] le sujet, le 17 novembre 2014, lors d’un colloque, il choisit soigneusement ses termes :

« La mondialisation ne peut être le prétexte à une dilution des responsabilités, en profitant d’une échelle de valeurs toujours plus fragmentée. Dans le même temps, il est évident que nous ne pouvons avancer seuls sur le sujet. »

On comprend qu’il est urgent d’attendre.

Acte 3 : punaise, ils sont teigneux

Il faut attendre une niche écologiste pour que la proposition de loi soit examinée. Lors de l’examen en commission, la droite monte au créneau, en la personne de Guy Geoffroy, qui explique alors :

« Ce texte n’est pas modéré ! Il s’agit, ni plus ni moins, que de créer une véritable présomption de responsabilité civile et pénale quasi irréfragable. L’entreprise cliente et la maison mère seront automatiquement tenues pour responsables : c’est une véritable inversion de la charge de la preuve ! »

Le gouvernement semble partager les préoccupations de la droite, qui avance également que le texte n’est pas valide juridiquement... Si bien que des députés socialistes votent – en majorité – contre leur propre proposition, en commission des lois, le 21 janvier dernier.

Joint par Rue89, le député socialiste Philippe Noguès, défenseur de la proposition de loi, affirme pourtant que « plusieurs juristes ont validé le texte » :

« La droite peut se draper dans le juridisme. Ce n’est pas un débat de juristes, c’est un débat politique. »

Acte 4 : calmez-vous les amis

Rejeté par la commission, le texte arrive tel quel (sans amendements) en séance publique, le 29 janvier. Le secrétaire d’Etat chargé du Commerce extérieur, Matthias Fekl, se livre alors à un joli numéro d’équilibriste, disant être d’accord avec les objectifs du texte, mais craignant qu’il ne soit pas bien rédigé...

Les députés favorables à la proposition moquent un gouvernement qui se réveille bien tardivement. Le texte est renvoyé en commission par une majorité de députés socialistes. Les écolos votent bien sûr en bloc contre ce renvoi tandis que les communistes sont aux abonnés absents...

Le site Contexte révèle alors que deux jours avant l’arrivée du texte à l’Assemblée, le gouvernement a fait une contre-proposition. Une nouvelle rédaction, à laquelle Rue89 a également eu accès, restreint considérablement la portée du texte. Bercy propose de passer par un « plan de vigilance qui contient des mesures de diligence raisonnable » à inclure dans le rapport RSE des entreprises.

Ces mesures de « diligence raisonnable » doivent être précisées par la suite et ne toucheraient que les entreprises de plus de 5 000 salariés. Sans obligation de mise en œuvre, les écolos craignent que l’on en reste au stade du « reporting » amélioré – la publication d’informations sur les questions environnementales et sociales, sans réelles sanctions, ni contraintes. « La position de l’Afep », explique un député.

Acte 5 : on vous rappellera

Depuis, les négociations ont avancé. Elles portent donc sur l’ajout d’une obligation de mise en œuvre du « plan de vigilance ». Ainsi que la responsabilité de « réparer le dommage que le plan de vigilance était destiné à prévenir » s’il s’avère que les entreprises n’ont rien fait pour le déployer.

Des associations, comme les Amis de la Terre, regrettent que la « reconnaissance de la responsabilité juridique des sociétés mères » et le « renversement partiel de la charge de la preuve » soient « complètement évacués » dans la proposition du gouvernement. Elles demandent aussi des sanctions, qui ne passent pas, comme le voudrait Matthias Fekl, par le droit commun.

Selon Philippe Noguès, le gouvernement devrait revenir avec ses propositions mardi pour un examen en mars. Lui espère que le texte ne sera pas édulcoré et qu’il prendra aussi en compte l’accès des victimes à la justice. Qu’il soit rassuré... Matthias Fekl a promis, sous les applaudissements socialistes, que le « renvoi proposé n’était pas un report sine die ni un renvoi aux calendes grecques ».

Joint par Rue89, la rapporteure du texte, Danielle Auroi (EELV), s’amuse – avec amertume – des tergiversations du gouvernement. Au mieux, il ne s’agit que d’un moyen d’apposer « le label socialiste » sur sa proposition. Au pire, le gouvernement voudra anesthésier le texte, via, par exemple, des décrets d’application qui pourraient tout repousser jusqu’en 2017...

 

 

Source : rue89.nouvelobs.com

 

 

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30 janvier 2015 5 30 /01 /janvier /2015 17:23

 

 

Source : www.mediapart.fr

 

 

Secret des affaires: les dessous du retrait du texte

|  Par martine orange

 

 

À l’initiative du ministre de l’économie, l’Élysée a décidé de retirer l’amendement sur le secret des affaires, introduit dans la loi Macron. Le gouvernement promet une large concertation avec les journalistes pour améliorer le texte. Mais le problème principal n’est pas résolu et laisse toujours planer des menaces sur le droit de l’information. Qu’est-ce que le secret des affaires ? Qu’est-il censé protéger ?

 

amendement sur le secret des affaires n’a pas tenu une semaine. Vendredi, le gouvernement a annoncé le retrait de ce texte, glissé subrepticement dans la loi Macron. La décision d’enterrer, au moins provisoirement, la proposition de loi a été prise jeudi dans la soirée.

Le ministre de l’économie, Emmanuel Macron, finalement convaincu que ce texte posait de nombreuses incertitudes juridiques et n’était pas amendable en l’état, souhaitait son retrait. François Hollande s’est rallié à cette position, estimant, selon des propos rapportés par Le Monde, qu’il « n’était ni opportun ni judicieux » de maintenir le projet. Le premier ministre, Manuel Valls, qui avait soutenu l’inscription dans la loi Macron de la proposition de loi sur le secret des affaires, chère au président de la commission des lois à l’Assemblée, son ami Jean-Jacques Urvoas, a lui aussi fait donner son accord au retrait.

 

Emmanuel Macron à l'assemblée nationale, le 26 janvierEmmanuel Macron à l'assemblée nationale, le 26 janvier © Reuters

Dès le vendredi matin, le président du groupe socialiste à l’Assemblée, Bruno Le Roux, actait le retrait du texte. « Le moment n’est pas venu », expliquait-il. De son côté, le député Richard Ferrand, rapporteur de la commission spéciale sur la loi Macron, et qui avait présenté l’amendement sur le secret des affaires en son seul nom, agissant, semble-t-il, en place de Jean-Jacques Urvoas, a acté la décision gouvernementale. « J’ai la conviction que la liberté des journalistes et l’action des lanceurs d’alerte n’étaient en rien entravées par ce projet. Mais pour éviter les angoisses inutiles et les procès d’intention, je vais déposer un amendement de suppression de cette partie du texte », a-t-il déclaré.

La réaction rapide du gouvernement est à la mesure de sa surprise et de son embarras. Personne n’avait prévu que l’amendement sur le secret des affaires, introduit par surprise dans la loi Macron samedi 24 janvier, allait provoquer une telle fronde dans la presse. En moins de quarante-huit heures, un collectif réunissant des journalistes de tous horizons s’est formé pour lancer un texte « Informer n’est pas un délit », dénonçant les dangers que faisait courir cette proposition de loi pour le droit à l’information et la protection des lanceurs d’alerte. Ce texte a été signé par la quasi-totalité des rédactions de journaux, radios, télévisions, sociétés de programmes. La pétition mise en ligne mercredi 28 janvier a recueilli en à peine deux jours plus de 14 000 signatures.

Cet épisode, en tout cas, en dit long, sur la manière dont est faite la loi en France. Déclinant son thème favori « j’aime l’entreprise », Manuel Valls a soutenu une proposition de loi, sans y regarder de plus près. Les lobbies patronaux le demandaient, cela suffisait. Personne, semble-t-il, n’avait vraiment évalué l’insécurité juridique créée par ce texte pour le droit à l’information, en dépit des assurances données ici ou là. Personne n’avait regardé les répercussions que cela pouvait avoir sur d’autres textes. La ministre de la culture, Fleur Pellerin, normalement chargée de la presse, tout comme la ministre de la justice, Christiane Taubira, chargée de préparer un texte sur la protection des sources, ont brillé par leur absence, tout au long de cette séquence.

Ce retrait marque aussi un nouvel épisode de cette cohabitation qui ne dit pas son nom au sommet du pouvoir entre François Hollande et Manuel Valls. Dans la guérilla du pouvoir à laquelle se livrent les deux hommes, chaque point compte. Le président de la République n’est pas mécontent du retrait d’un texte imposé par le premier ministre, allié à son ami Jean-Jacques Urvoas. D’autant que cet amendement jetait une curieuse ombre sur les déclarations enfiévrées de François Hollande et du gouvernement, sur leur attachement à la liberté d’expression, juste après les attentats de Charlie Hebdo, comme sur les engagements, répétés encore la semaine, sur la transparence et la protection des sources.

Il a été aidé dans cette affaire par Emmanuel Macron, qui, n’ayant aucun plaisir à voir pourrir sa loi avec cet amendement, a joué avec habileté la partie pour en détruire la charge explosive.

Dès le début de la semaine, alors que le texte sur le secret des affaires commence à mettre en ébullition la presse, le ministre de l’économie faisait savoir qu’il n’était pas à l’initiative de cet amendement, qu’il y était même opposé. Emmanuel Macron racontait alors à de nombreux interlocuteurs — dans l’espoir certain que cela soit rapporté — que le premier ministre lui avait demandé par texto le samedi de ne pas s’opposer à l’amendement sur le secret des affaires, au nom de la solidarité gouvernementale. Le ministre de l’économie avait obtempéré, mais faisait savoir tout le mal qu’il pensait de cet amendement « qui n’était pas dans la philosophie de sa loi ». « Mais on ne gagne pas tous les arbitrages gouvernementaux », concluait-il.

Après la publication de la tribune « informer n’est pas un délit » mercredi dans Le Monde et sur Mediapart, Emmanuel Macron reprenait l’initiative. Il assurait par tweet « qu’il n’était pas question de réduire en quoi que ce soit la liberté de la presse »« qu’il ne s’agissait  pas de mettre en cause ceux qu’on appelle les lanceurs d’alerte ». Il invitait dans la foulée des membres du collectif de journalistes à venir le rencontrer le lendemain pour examiner avec eux les problèmes que pose ce texte et les améliorations qui pouvaient y être apportées. Le cabinet du ministre de l’économie a déjà commencé à regarder le texte de plus près : il a ainsi repéré de nombreux manques et failles pour assurer la sécurité juridique des journalistes. Des députés avaient pourtant affirmé que ce texte ne comportait aucun risque. 

« Vous n'avez pas un amendement magique ? »

À ce moment-là, le ministre comme le gouvernement pensent encore que quelques amendements peuvent suffire pour calmer la fronde des journalistes. « Je suis prêt à faire tous les amendements nécessaires », assure alors Jean-Jacques Urvoas. C’est dans cet état d’esprit que le ministre de l’économie présente ses vœux à la presse jeudi matin. Il évoque quatre amendements visant à garantir « la liberté de la presse, la liberté d'information, la liberté d'investigation ». Le premier doit laisser aux sociétés le soin de « classifier elles-mêmes les secrets à protéger », le deuxième ne rendra pas les salariés, donc les syndicats, responsables. Le troisième prévoit que la responsabilité des lanceurs d'alerte ne pourra pas être retenue et le dernier que le délit créé ne sera « pas applicable dès lors qu'il s'agit de liberté d'expression et d'information », c'est-à-dire, « pas applicable aux journalistes ».

Le cadre semble alors être posé pour la rencontre qui suit avec le collectif représenté, entre autres, par Laurent Richard (Premières lignes), Fabrice Arfi (Mediapart) et Virginie Marquet, avocate spécialisée en droit de la presse. Le ministre est avec son directeur de cabinet, Alexis Kohler, son conseiller juridique, Xavier Hubert, et sa responsable de communication, Anne Descamps.

Le ministre évoque alors les améliorations possibles du texte. On parle d’amendements à l’amendement. Le collectif fait valoir que les amendements ne résolvent pas les problèmes posés par ce texte, l’insécurité juridique qui pèse sur les journalistes, le manque de protection des sources.

« Vous n’avez pas un amendement magique », demande alors un membre du cabinet. Un amendement qui pourrait résoudre tous les problèmes et que le gouvernement pourrait reprendre tel quel, en quelque sorte. Ce qui en dit long sur la manière dont s'écrit la loi aujourd'hui. « Nous leur avons alors expliqué qu’on n’allait pas, à cinq, réécrire le droit de la presse sur le coin d’une table. Pour discuter tranquillement, il fallait d’abord retirer le texte et ensuite avoir une concertation pluraliste et contradictoire qui n'avait pas eu lieu », raconte Fabrice Arfi. « Je vous donne le point. La concertation n’a pas eu lieu. Ce n’est pas ma méthode », rétorqua alors Emmanuel Macron.

« Au bout de dix minutes, il a posé son stylo, et nous a écoutés. Nous l’avons convaincu que le retrait du texte sur le secret des affaires était la seule solution », poursuit Laurent Richard. Trois arguments paraissent l’avoir convaincu : l’absence de concertation sur un texte aussi important, l’absence de sécurité juridique pour la presse et la protection des sources, enfin la menace de sanctions pénales qui pèse sur les journalistes et les sources, et peut devenir une arme de dissuasion à l’information.

Avant qu’ils ne quittent Bercy, le ministre de l’économie a assuré aux membres du collectif qu’il demanderait le retrait du texte, seule solution possible à ses yeux. Mais il faut l’accord de l’Élysée. Emmanuel Macron a su vite trouver les arguments pour convaincre le président de la République. À 20 heures, le retrait était acté.

Le gouvernement paraît avoir déjà une autre solution en tête. Il pense retravailler en parallèle un texte sur le secret des affaires et un autre sur le secret des sources, promis par François Hollande lors de sa campagne présidentielle de 2012. Les deux textes pourraient même être réunis dans un même projet de loi.

« On pourra faire mille amendements que cela ne changera pas la nature du problème. Si le parlement n’arrive pas à légiférer sur le secret des affaires, c’est que personne ne sait le définir. On ne sait pas ce que c’est, quel champ est concerné. Il faut changer la nature du projet et renverser la charge de la preuve. Les entreprises ont des intérêts économiques à protéger. Mais elles doivent dire lesquels et les justifier », explique Virginie Marquet, qui a tenu la même démonstration auprès du ministre.

Ce sujet est au cœur du débat. Les entreprises disent avoir besoin du secret des affaires. Mais elles ne s’expliquent jamais ouvertement et publiquement. De quoi ont-elles besoin exactement ? Il existe déjà des lois pour condamner l’espionnage industriel, le vol, les infractions dans les systèmes informatiques, la contrefaçon, etc. Il existe des textes pour protéger la propriété intellectuelle, les brevets, les savoir-faire, les techniques. Où sont les manques ? Lors d’une émission sur France Culture, Floran Vadillo, un des rédacteurs du texte sur le secret des affaires au cabinet de Jean-Jacques Urvoas, parlait d’une loi « interstitielle ». Une loi censée couvrir tout ce qui n’est pas couvert par ailleurs. Une couverture large, voire illimitée : relève du secret des affaires, tout ce qui n’est pas public.

Cette définition ouvre un champ gigantesque à l’arbitraire des entreprises et la justice. C’est l’entreprise qui définit les informations qu’il convient ou non de publier. Ce sont les tribunaux qui déterminent s’il est légitime ou non de les publier ou même qui peuvent les arrêter avant la publication. Un tel flou continue de laisser planer de lourdes menaces sur le droit de l’information et la liberté d’expression. Plus qu’un ravaudage, c’est une réécriture complète du texte du secret des affaires qui s’impose tant au niveau français qu’européen.

 

 

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Source : www.mediapart.fr

 

 

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30 janvier 2015 5 30 /01 /janvier /2015 17:13

 

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Macron abandonne son projet sur le «secret des affaires»

|  Par martine orange

 

 

L'amendement sur le « secret des affaires » n'aura pas tenu une semaine. Face la mobilisation des journalistes, à l'origine notamment d'une pétition ayant recueilli plus de 13 000 signatures, François Hollande  s'est rallié à  la position d'Emmanuel Macron , favorable au retrait du texte.

 

amendement controversé sur le « secret des affaires » ne sera finalement même pas examiné par les députés. Jeudi soir, François Hollande  s'est rallié à la proposition de  son ministre de l’économie Emmanuel Macron  de retirer le texte. Le président de la République a jugé que  ce projet  n'était « ni opportun, ni judicieux ».

Face à la mobilisation de l’ensemble de la presse française, un nouvel amendement de suppression va être déposé et les dispositions liées au « secret des affaires » vont tout simplement disparaître du projet de loi Macron. L’information a été communiquée au collectif de journalistes qui dénonçait une « nouvelle arme de dissuasion massive contre le journalisme ». Elle doit être officialisée vendredi, moins d’une semaine après le dépôt de l’amendement à l’origine de la polémique.

C’était samedi en fin de soirée. La commission spéciale mise en place pour étudier à toute vitesse les 106 articles du projet de loi pour la croissance et l’activité (voir Macron et son projet fourre-tout passent une première étape) expédiait une liste d’articles. Il fallait faire vite afin de dégager le terrain pour le dimanche, pour justement étudier le texte très attendu sur le travail le dimanche. Entre un amendement sur le sort réservé aux déchets liés à la mérule (champignon qui prospère sur les structures en bois des habitations) et un sur les retraites chapeau, Richard Ferrand, rapporteur général de la commission, présenta un amendement intitulé sobrement « après l’article 64 », qu’il avait déposé en son seul nom le 12 janvier.

Le texte proposé n’avait d’amendement que le nom. C’était en fait un vrai projet de loi qui avait été inclus dans le dispositif législatif ! Il s’agissait d’intégrer dans le code civil et pénal un délit pour violation « du secret des affaires ».

Cela fait plus de trois ans que le monde des affaires tente de faire passer ce texte. La première tentative avait été faite en 2012. Soutenu par le ministre de l’industrie d’alors, Éric Besson, le député UMP Bernard Carayon avait présenté un texte pour poursuivre tous ceux qui divulgueraient des informations protégées des entreprises. Mais la proposition de loi avait été enterrée avec les élections. Dès octobre de la même année, le ministre de l’économie, Pierre Moscovici, exhumait le projet, sous la forte pression de Bercy. Alors qu’un projet de directive européenne sur le même thème est en cours d’élaboration, à la demande de tous les lobbies d’affaires, la France a préféré prendre les devants et, comme pour la loi bancaire, écrire son propre texte. À l’été, le président socialiste de la commission des lois à l’assemblée nationale, Jean-Jacques Urvoas, déposait sur le bureau de l’Assemblée une nouvelle proposition de loi sur le secret des affaires, préparée comme il se doit dans le plus grand secret.

C’est ce texte qui avait fait sa réapparition, au détour de la loi Macron, sans que personne manifestement s’étonne de son irruption soudaine, sans au moins un débat préalable. Nous n’avons pas pu joindre le rapporteur général Richard Ferrand pour lui demander les raisons de ce soudain amendement. La méthode comme le texte illustrent en tout cas une nouvelle fois la capture de la loi, du politique, par le monde des affaires. 

Cette proposition de loi ne justifiait-elle pas au moins d’être présentée à part plutôt que de rejoindre le grand fourre-tout de la loi Macron ? « Nos possibilités de présentation de propositions de loi sont limitées. Nous n’en avons que trois par session. Mettre le texte sur le secret des affaires dans le véhicule législatif de la loi Macron nous permet de présenter d’autres textes, à côté. Nous souhaitons notamment présenter une proposition sur la responsabilité sociale des entreprises, les rapports avec les sous-traitants. Nous avons tous des priorités », expliquait la députée PS Sandrine Mazetier. Cette proposition sur la responsabilité sociale des entreprises a cependant été rejetée ce mercredi par la commission des lois, les députés PS votant contre...

Concernant le secret des affaires, ce procédé d’empiler texte sur texte dans un même véhicule législatif, au risque de faire perdre tout sens à la loi, n’a-t-il pas suscité quelque débat dans la commission ? S’est-elle au moins penchée sur le texte qui lui était soumis à la va-vite ? « Non, je ne me souviens pas qu’il y ait eu des réactions ou des discussions au sein de la commission. Cela s’est passé très vite », raconte le député écologiste Jean-Louis Roumégas. « Il n’a pas fait l’objet de discussions », confirme la députée socialiste Colette Capdevielle. Avant d’ajouter : « C’est un texte qui est terriblement attendu par les entreprises. Nous sommes un des rares pays où il n’existe pas de protection sur le secret des affaires. Mais je ne connais pas le texte. Pourquoi, il pose un problème ? »

Des problèmes, le texte législatif en posait de redoutables. Il prévoyait de sanctionner toute atteinte au secret des affaires. Reprenant les dispositions prévues dans la proposition de loi présentée en 2012 par Bernard Carayon – un texte que la gauche avait alors refusé de voter –, il stipulait que toute violation du secret des affaires est passible d’une peine de trois ans de prison et d’une amende de 375 000 euros. La peine était doublée et portée à 7 ans de prison et 750 000 euros d’amende « lorsque l’infraction est de nature à porter atteinte à la souveraineté, à la sécurité ou aux intérêts économiques essentiels de la France ». Pour mémoire, l’abus de biens sociaux est passible d'un emprisonnement de cinq ans et d'une amende de 375 000 euros. C’est dire si la violation du secret des affaires, aux yeux des parlementaires, est grave, beaucoup plus grave que bien d’autres délits et crimes économiques.

Mais que signifie le secret des affaires ? Que veut protéger la loi ? Selon le texte qui était présenté : « Est protégée au titre du secret des affaires, indépendamment de son incorporation à un support, toute information : 1) Qui ne présente pas un caractère public en ce qu’elle n’est pas, en elle-même ou dans l’assemblage de ses éléments, généralement connue ou aisément accessible à une personne agissant dans un secteur ou un domaine d’activité traitant habituellement de ce genre d’information ; 2) Qui, notamment en ce qu’elle est dénuée de caractère public, s’analyse comme un élément à part entière du potentiel scientifique et technique, des positions stratégiques, des intérêts commerciaux et financiers ou de la capacité concurrentielle de son détenteur et revêt en conséquence une valeur économique ; 3°) Qui fait l’objet de mesures de protection raisonnables, compte tenu de sa valeur économique et des circonstances, pour en conserver le caractère non publié. »

« Il est à craindre que quelques scandales récents (Mediator, implants mammaires…) n'auraient pas éclaté avec une telle loi », s’était déjà inquiété le président de l’association des journalistes économiques et financiers au moment de la présentation de la proposition de la loi Carayon. Les mêmes craintes réapparaissent aujourd’hui. Le secret des affaires, tel que le texte le prévoyait, allait bien au-bien de l’espionnage industriel ou de l’usurpation de certains procédés techniques, de brevets, de la protection de données. Au vu de définitions si larges, si floues, on se demandait quelle information n’était pas concernée. Plus que des concurrents dévoyés, ce sont plutôt la presse et les lanceurs d’alerte qui auraient pu être le plus visés par ce texte.

Complaisance

Si toute information qui n’est pas publique relève du secret des affaires, autant dire que l’information économique n’a plus que pour mission de reproduire les communiqués gentiment dispensés par les entreprises, fabriqués à prix d’or par des communicants. Impossible de dénoncer des pratiques douteuses, de raconter les manœuvres d’enrichissement ou d’abus de biens sociaux. Comment raconter le système industrialisé d’évasion fiscale d’UBS, si ce n’est en mettant des documents confidentiels sur la place publique ? Quel sort aurait été réservé alors aux lanceurs d’alerte, qui ont pris le risque de dénoncer ces pratiques ? En plus de perdre leur travail, auraient-ils aussi été poursuivis par la justice pour violation du secret des affaires ?

Impossible de dénoncer les scandales des Caisses d’épargne, du Crédit lyonnais, d’Areva ou de Vivendi, en suivant à la lettre la définition que proposait cet article. Parler des retards de l’A380 ou de l’A400M, n’est-ce pas mettre aussi en cause les intérêts commerciaux d’Airbus ? De même, quelle information ne revêt pas une valeur économique ? Aucune. Les milieux financiers et d’affaires se repaissent de toutes ces informations et prennent position à partir d’elles. C’est même une des bases de l’économie néolibérale, qui considère l’information comme une valeur essentielle pour déterminer le prix de marché.

Selon le rapporteur général, toutes les garanties étaient données pour permettre la liberté d’information. « J’ai posé la question lors de la réunion. Il m’a assuré qu’il n’y avait aucun risque », raconte la députée socialiste Karine Berger. Le texte précisait que « l’exercice légitime de la liberté d’expression ou d’information ou la révélation d’un acte illégal » n’entraînent pas une violation du secret des affaires. Le rapporteur avait même rédigé un amendement à cet effet pour l’inclure dans la loi sur la presse de juillet 1881« Cet ajout sécurise la capacité des journalistes à révéler des infractions éventuellement commises par une entreprise », était-il précisé. Dans les faits, cet amendement permettait juste aux journalistes de présenter des documents et des informations relevant du secret des affaires pour leur défense, en cas de procès pour diffamation. De même, la loi sur le secret des affaires ne s’appliquerait pas au lanceur d’alerte « qui informe ou signale aux autorités compétentes des faits susceptibles de constituer des infractions aux lois et règlements en vigueur dont il a eu connaissance ».

Les députés écologistes avaient déposé un amendement en commission en vue d’assurer une grande protection pour les lanceurs d’alerte, dénonçant des pratiques liées à la santé et à l’environnement. Ils avaient finalement renoncé à le défendre. « On a préféré le retirer pour porter la discussion en séance », explique Jean-Louis Roumégas qui convient que le groupe est encore en train d’étudier le texte. « Pour nous, il est essentiel de préserver deux choses : les lanceurs d’alerte et la liberté de la presse », dit-il. Mercredi, les porte-parole d’EELV avaient publié un premier communiqué dénonçant un texte qui « porte une menace sur la liberté d’informer ».

Le retrait de l'amendement du projet de loi Macron est certes une victoire. Mais l'idée d'une protection accrue du secret des affaires reste d'actualité. Le président du groupe socialiste à l’Assemblée Bruno Le Roux estime ainsi que les journalistes, dans cette affaire, se sont sentis « menacés à mauvais escient ». Rappelant son attachement au « secret des affaires qui doit protéger nos entreprises », l’élu est désormais favorable au retrait de l’amendement, mais souhaite un nouveau texte. « Je préférerais que tout soit sorti de la loi Macron et que nous formions quelque chose de cohérent qui n’appelle absolument aucune ambiguïté quant au travail des journalistes et quant au travail citoyen des lanceurs d’alerte. » Les parlementaires sont-ils même convaincus de la nécessité de mettre des garde-fous ? Beaucoup ont déjà admis le principe même du secret des affaires et de la restriction du droit à l'information, même pour des dossiers relevant de l’intérêt général. Ainsi, lors de la commission d’enquête parlementaire sur Ecomouv et l’écotaxe, les parlementaires ont accepté sans rechigner que le contrat qui liait la société Ecomouv à l’État soit gardé secret « au nom des intérêts commerciaux » de la société. Il s’agissait pourtant de marché et d’argent public. La dénonciation de ce contrat coûte 883 millions d’euros à l’État, sans qu’il ait été possible d’en connaître la première ligne.

En dépit des promesses de transparence, le secret pour les affaires fait de plus en plus d’adeptes. Un amendement déposé par la députée socialiste Bernadette Laclais prévoit même de dispenser à l’avenir les sociétés de publier leurs comptes. À ce rythme, le chiffre d’affaires d’une entreprise va bientôt relever du secret-défense. L’amendement, dit-on dans les rangs parlementaires, n’a aucune chance d’être adopté mais il en dit long sur l’état d’esprit du monde politique.

En choisissant des définitions volontairement floues, un procédé expéditif, le gouvernement socialiste s’est rallié à l’omerta défendue par les entreprises, contre la liberté d’information des citoyens. Au nom de la compétitivité, de la défense des entreprises, des intérêts économiques, la classe politique sa soutenu sans réserve l’opacité et le secret cultivé avec un goût prononcé par le monde français des affaires. Elle a montré une grande complaisance face aux délits et crimes économiques, à la corruption, à l’évasion fiscale.

Un silence assourdissant a entouré la condamnation de BNP Paribas par la justice américaine à payer une amende de 8,6 milliards d’euros pour corruption. Pas un responsable politique n’a posé ne serait-ce qu’une question aux responsables de la banque et particulièrement au premier d’entre eux, Michel Pébereau. Le seul émoi des politiques porte sur la justice américaine, ses procédés, ses manières intrusives. Un amendement est d’ailleurs prévu pour limiter la capacité d’enquête et de demandes de documents des avocats américains auprès des entreprises françaises. La mesure est peut-être justifiée. Mais pas un seul responsable politique ne semble s’interroger sur les raisons d’une telle intrusion : si la justice américaine se montre si dure, n’est-ce pas parce que la justice française, elle, se montre beaucoup trop compréhensive ?

Les délits économiques ne sont presque jamais punis ou dans un tel délai que cela n’a plus de signification. Il a fallu attendre vingt ans avant que la justice se prononce sur le scandale de Crédit lyonnais. Douze ans se sont écoulés entre la chute de Jean-Marie Messier et sa condamnation – allégée – à dix mois de prison avec sursis pour abus de biens sociaux. L’arbitrage de Bernard Tapie, dénoncé par Laurent Mauduit dès 2008, n’est toujours pas devant la justice. Le scandale des Caisses d’épargne, la même année, est encore à l’instruction. Le signalement fait auprès du procureur de Paris par les syndicats du Printemps, dénonçant des pratiques de corruption et d’évasion fiscale de la direction, est encore au stade de l’enquête préliminaire, dix-huit mois après. Un an s’est écoulé depuis que la Cour des comptes a signalé les pratiques d’Areva au parquet et là encore l’enquête est toujours au stade préliminaire.

Face à une justice si lente, si compréhensive, seule la presse enquête, dénonce, fait bouger les choses, informe les citoyens. Sans elle, sans les lanceurs d’alerte, rien ne se serait passé dans l’affaire UBS, alors que toutes les autorités, de la DCRI à l’autorité de contrôle prudentiel en passant par l’administration fiscale, avaient eu des alertes et des dossiers constitués depuis 2009. Et ce sont ces dernières voix que le texte sur le secret des affaires risquait de réduire au silence.

 

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Source : www.mediapart.fr

 

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30 janvier 2015 5 30 /01 /janvier /2015 00:34

 

Source : www.lemonde.fr/les-decodeurs

 

 

Combien de chômeurs chaque minute ?

Le Monde.fr | 29.01.2015 à 09h55 • Mis à jour le 29.01.2015 à 20h55 | Par Samuel Laurent et Jérémie Baruch

 
 

L'UMP a sorti sa calculatrice pour enfoncer le clou sur le mauvais bilan de François Hollande en matière de chômage, avec une méthode simple, et qui frappe les esprits : ramener la hausse du chômage depuis 2012 à la minute, voire à la seconde.

 

 

 

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+602 500 chômeurs supplémentaires depuis l'élection de @fhollande, soit 1 chômeur toutes les 2min15 !

 

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L'échec de @fhollande dans la lutte contre le chômage est total !

 

L'UMP a sorti sa calculatrice pour enfoncer le clou sur le mauvais bilan de François Hollande en matière de chômage, avec une méthode simple, et qui frappe les esprits : ramener la hausse du chômage depuis 2012 à la minute, voire à la seconde.

1. Un calcul exact, mais limité 

Le calcul est aisé, et mathématiquement plutôt juste : on comptait, en France métropolitaine, 2,923 millions de chômeurs de catégorie A en mai 2012, et 3,496 millions en décembre 2014. Soit une hausse de 572 500 chômeurs en 32 mois. Pour l'ensemble des catégories A, B et C, la hausse est plus importante encore : 860 600 chômeurs en plus en 32 mois !

Catégories et chômeurs. Depuis 1996, on comptabilise les chômeurs selon diverses catégories. La A représente les personnes inscrites à Pôle Emploi n'ayant pas du tout travaillé au cours du mois précédent et qui recherchent activement un emploi. La catégorie B représente les demandeurs d'emploi en recherche active qui ont travaillé moins de 78 heures dans le mois. La C les demandeurs en recherche active ayant travaillé plus de 78 heures. 

Il suffit donc de ramener cette hausse à une période donnée : en moyenne, on a compté 17 890 chômeurs de plus chaque mois en catégorie A (26 893 en catégories A, B et C). Si on divise ce chiffre par 30, on parvient à 596 chômeurs de plus chaque jour (et 896,5 en cat. A, B et C).

Divisions ce chiffre par 24, et on parvient à 24,8 chômeurs de plus par heure (37,3 en cat. A B et C). Et divisons à nouveau par 60, pour arriver au chiffre par minute : 0,414 pour la catégorie A, et 0,622 pour les catégories A, B, C.

 2,4 mn On parvient donc à 1 chômeur supplémentaire en catégorie A toutes les 2,4 minutes (ou 2 minutes 14 secondes, ou 134 secondes) et un toutes les 1,6 minute (ou 1 minute 36 secondes) en catégories A, B et C.

2. Sous Sarkozy, un chômeur toutes les 4 minutes

L'opération mathématique est assez simple, et frappe les esprits. Pour autant, elle ne veut pas dire grand-chose : le chômage n'est pas une maladie contagieuse qui se transmettrait d'une personne à une autre, il est avant tout un flux, fait d'entrées et de sorties. Il se détermine donc en fonction du nombre de créations d'emploi dans le pays, du nombre de départs en retraite, de la variation du nombre de jeunes entrant sur le marché du travail et d'une foule de paramètres.

On ne peut le réduire à un comptage de chômeurs, puisque ces chiffres sont des soldes : la différence entre les entrées à Pôle Emploi et les sorties. Du reste, on peut « sortir » des chômeurs des chiffres via diverses astuces et artifices : formations, radiations plus fréquentes, etc.

Restons sur nos chiffres par minute. On peut refaire le même calcul avec le prédécesseur de M. Hollande. Si on prend les 32 derniers mois de la présidence Sarkozy, la hausse est la suivante : 572 500 chômeurs supplémentaires en catégorie A, 860 600 en catégories A, B et C.

Là aussi, on peut ramener ces nombres à une moyenne mensuelle : + 10 084 chômeurs en catégorie A (+ 18 765 en catégories A, B et C). Soit 336 chômeurs de plus par jour (625,5 en cat. A, B et C). Et donc 14 chômeurs de plus par heure (26 en cat. A, B et C), ou 0,23 par minute (0,43 en cat. A, B et C).

4 mn Donc, durant les 32 derniers mois de mandat de Nicolas Sarkozy, on comptait un nouveau chômeur toutes les 4 minutes en cat. A, et toutes les 2,3 minutes (ou 2 minutes et 18 secondes)  en catégories A, B et C.

Le chiffre est spectaculaire. Est-il significatif ? Lorsqu'on regarde la courbe mensuelle des demandeurs d'emploi depuis 2007, on constate surtout une progression assez linéaire depuis 2010.

Nombre d'inscrits à Pôle Emploi depuis 2007
France métropolitaine, données corrigées des variations saisonnières ivoir graphique ici)
 

3. Depuis 1996, un chômeur toutes les 26 minutes 

3 mn Si on calcule la hausse par minute sur l'ensemble de la période, on retrouve d'ailleurs des rapports proches : entre mai 2007 et janvier 2015, on aura compté, en France, un chômeur de plus toutes les 3 minutes en catégorie A et toutes les 2 minutes en catégories A, B et C.

Allons plus loin et remontons à 1996 : on parvient alors à un chômeur toutes les 26 minutes en catégorie A, et un toutes six minutes en catégories A, B et C, cette dernière ayant augmenté plus fortement.

Progression des demandeurs d'emploi depuis 1996 ivoir graphique ici)
France métropolitaine
 

4. Année par année, combien de chômeurs par seconde ? 

Nous avons extrapolé ce mode de calcul, année par année dans l'infographie ci-dessous, qui permet de comparer des « vitesses » de progression du chômage.

Les données utilisées dans l'infographie sont celles des demandeurs d'emploi inscrits en catégorie A en France métropolitaine.

Une seconde sur l'animation ci-dessous correspond à une minute. Ainsi pour 1997, un nouveau chômeur apparait toutes les 7 secondes; pour 2010, un nouveau chômeur apparait toutes les 1,2 secondes. Les années en bleu sont celles où le chômage diminue : pour 1999, on compte un chômeur de moins toutes les 9 secondes et demie.

ivoir graphique ici)



Source : www.lemonde.fr/les-decodeurs

 

 

 

 
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29 janvier 2015 4 29 /01 /janvier /2015 22:43

 

Source : www.mediapart.fr

 

 

Secret des affaires : « La France fait pire que l'Europe »

|  Par martine orange

 

 

Pour le député européen écologiste Pascal Durand, le projet de directive européenne sur le secret des affaires est « indissociable » du traité transatlantique. Le texte français inclus dans le projet de loi Macron lui paraît encore plus dangereux car il institue des sanctions pénales.


 

Le gouvernement a été pris par surprise. Personne n’avait manifestement prévu que l’amendement sur le secret des affaires, déposé dans la plus grande discrétion dans le cadre de la loi Macron, susciterait une réaction aussi rapide et forte de la part de la presse. Une majorité écrasante de sociétés de journalistes de presse écrite, radios et télévisions, d’entreprises de production audiovisuelles, de journalistes indépendants, ont signé la pétition demandant le retrait de ce texte pouvant porter de graves atteintes à la liberté d’information, à la protection des lanceurs d’alerte, et au droit syndical. La pétition (accessible ici) comptait déjà jeudi matin plus de 7 720 signataires.

Tentant de circonscrire l’incendie, le ministre des finances, Michel Sapin, a annoncé mercredi 28 janvier sur RTL que le texte allait être modifié. Dans la foulée, le ministre de l’économie, Emmanuel Macron, a essayé de se justifier, assurant « qu’il n’était pas question de réduire en quoi que ce soit la liberté de la presse »« qu’il ne s’agissait pas de mettre en cause ceux qu’on appelle les lanceurs d’alerte ». Il a promis, lui aussi, une réécriture du texte afin d’apporter toutes les garanties.

Il y a encore deux jours, cette demande de garantie paraissait impossible. Alors que plusieurs députés de gauche, dont Karine Berger et Yann Galut, avaient déjà déposé deux amendements en vue de mieux protéger le droit d’information des journalistes et la protection de leurs sources, des concepteurs de cette proposition de loi, présentée en juillet par le président socialiste de la commission des lois, Jean-Jacques Urvoas, écartaient toute possibilité de modification. Les garanties les plus larges avaient été données, selon eux. Apporter le moindre changement risquait de bouleverser l’équilibre du texte, affirmaient-ils alors.

Les conditions dans lesquelles cette proposition de loi est apparue subrepticement dans le cadre de la loi Macron, au risque d’être considérée comme un cavalier législatif, restent bien obscures. « Le gouvernement français veut faire comme lors de la loi bancaire, écrire sa loi, aller plus vite et plus loin que la directive européenne sur le secret des affaires, selon le vœu du Medef », pense le député écologique européen Pascal Durand. La directive européenne, pourtant, représente déjà un sujet inquiétant pour la liberté de l’information, la protection des consommateurs, celle des salariés, selon lui. Siégeant à la fois à la commission du marché intérieur et à la commission juridique du parlement européen, chargées d’examiner le projet de directive avant de le soumettre au parlement, il décrypte tous les dangers de ce texte.

Il y a manifestement une concomitance entre la proposition de loi française sur le secret des affaires et le projet de directive européenne, qui, un moment, semblait avoir été oublié. Comment l’expliquez-vous ?

Pascal Durand 
Pascal Durand © Reuters

Le projet de directive sur le secret des affaires n’était pas une priorité de la commission Barroso. Mais le sujet est réapparu sous la présidence italienne dès la rentrée. Il y a manifestement une volonté d’aller vite.

Cette directive sur le secret des affaires est indissociable de la négociation du traité de libre-échange transaltantique (TAFTA). C’est une demande des grands groupes qui veulent verrouiller les choses en Europe, avec d’un côté les clauses d’arbitrage, et de l’autre le blocage des normes. Les promoteurs de ce texte mettent en avant la défense des PME, des petites entreprises. Mais ils avancent masqués. Il s’agit bien de défendre les grands groupes, les Monsanto, les laboratoires pharmaceutiques, les groupes agro-alimentaires, etc. Ce sont eux qui demandent ce texte, qui sont à la pointe de ce combat, relayés par les lobbies patronaux. Si le Medef défendait les PME, cela se saurait.

Comment la directive européenne définit-elle le secret des affaires ?

Le problème est qu’elle ne le définit pas, justement. Elle donne la définition la plus large et la plus floue possible : est protégé tout ce qui n’est pas public. Le champ est illimité. Cela peut concerner aussi bien les brevets, les méthodes commerciales que les pratiques industrielles,  la stratégie concurrentielle, les savoir-faire. La France a déjà une législation sur la protection des savoir-faire mais elle n’existe pas dans d’autres pays. Cela peut permettre une tentative d’harmonisation au niveau européen, sur le sujet. Mais pour le reste ? Les techniques de protection sont-elles concernées, par exemple ? Alors qu’advient-il en cas de délocalisation ? D’autres Fralib pourront-ils voir le jour et reprendre leur usine, si leur maison mère décide de délocaliser ?

La presse française a beaucoup insisté, à juste titre, sur le droit d’information et la protection des lanceurs d’alerte. Mais d’autres problèmes redoutables émergent avec ce texte. D’abord sur la protection des salariés. Le texte européen prévoit des exceptions pour les organes représentatifs du personnel. Mais cela concerne des entreprises déjà importantes, de plus de 50 salariés. Qu’advient-il pour les plus petites structures, pour les salariés isolés ? De même, ce texte ne va-t-il pas porter atteinte au droit social des salariés, par le biais en particulier de la clause de non-concurrence. Celle-ci existe mais elle est très encadrée. Elle doit être justifiée, limitée dans le temps, et donne lieu à compensation pour l’instant. Mais si demain, le secret des affaires est adopté, dans quelle mesure cette clause de non-concurrence ne va pas être élargie, les entreprises invoquant le secret des affaires pour empêcher l’embauche d’un salarié chez un concurrent ?

Le droit des consommateurs est aussi touché par cette directive, par la question des normes. En Europe, le principe de précaution s’applique. Les consommateurs ont le droit de demander ce que les industriels utilisent comme substance. Aux États-Unis, c’est l’inverse. Tout ce qui n’est pas interdit est possible. Cela a des conséquences immenses. Si demain, la fracturation hydraulique est autorisée en Europe, il risque d’être impossible de demander aux exploitants quels produits chimiques ils utilisent, si ceux-ci sont bien conformes, comme on peut le faire aujourd’hui. La charge de la preuve risque d’être inversée. Ce ne seront plus les entreprises qui vont devoir démontrer que leurs produits sont sans danger mais aux associations, aux consommateurs d’apporter la démonstration qu’ils peuvent l’être, sans pouvoir avoir accès à un minimum d’informations pour le prouver.

Ce texte est-il compatible avec le droit européen, qui défend la protection des salariés et des consommateurs, le droit à l’information ?

En fait, nous sommes en train de faire le pire du droit européen, en calquant le droit américain sur notre droit. Mais au moins, aux États-Unis, le secret des affaires est défini. Il est très encadré, il a des limites précises définies par la loi et la jurisprudence. En Europe, rien de tel. Nous risquons d’être soumis à l’arbitraire des tribunaux. Et comme en plus, on institue l’arbitrage comme mode de justice dans les conflits entre les entreprises, entre les entreprises et l’État, nous serons dans l’opacité la plus totale. Le mur du secret dans les entreprises sera impénétrable.

Tout cela est indissociable des grands groupes qui veulent préserver leur situation acquise, n’avoir pas de compte à rendre. Ils vont se servir du secret des affaires pour assurer leur mainmise, empêcher de nouvelles concurrences.

Nous sommes entraînés dans un schéma très dangereux, à l’opposé des valeurs que nous portons. Alors que nous défendons plus de transparence, que nous demandons plus d’informations, plus de contrôle des citoyens, certains cherchent à instaurer un système toujours plus verrouillé et opaque. On se fout de nous. 

Que se passe-t-il au parlement européen ? Comment est discuté ce projet de directive ?

Pour l’instant, le projet de texte est examiné par trois commissions, la commission du marché intérieur, la commission juridique et la commission industrie et recherche. Je siège dans les deux premières. On nous demande de travailler très vite. Nous devons rendre des avis d’ici fin février, début mars.

La rapporteure du texte devant la commission du marché intérieur, Lara Comi, est une libérale. Elle a une compréhension très large du secret des affaires. Dans son avis, la protection des consommateurs n’est même pas mentionnée. L’approche de la commission juridique est beaucoup plus intelligente. Mais il faudra beaucoup de temps encore avant que le texte soit discuté en séance plénière.

Comment expliquez-vous que le gouvernement français fasse passer une loi sur le secret des affaires, sans attendre la directive européenne ?

Le gouvernement agit comme il l’a fait au moment de la loi bancaire. Il avait écrit sa loi avant le texte européen. Cela avait eu pour effet de tuer dans l’œuf toutes les volontés de réformes et de séparation du système bancaire. Il refait la même chose aujourd’hui. Il écrit sa loi pour  aller plus vite et plus loin que la directive européenne sur le secret des affaires, selon le vœu du Medef. C’est d’ailleurs un argument qui nous est souvent opposé : regardez, même en France, les socialistes le font.

Ce gouvernement fait passer toutes les demandes du Medef, qui mène un lobbying intense sur le secret des affaires. Ce n’est pas une capitulation. Il va aux devants des attentes du Medef. Il les précède. La loi Macron en est une parfaite illustration.

En quoi le texte français sur le secret des affaires s’annonce-t-il plus dur que le texte européen ? 

Le texte français est pire que le projet de directive européenne. La proposition de loi prévoit des sanctions pénales, et même des sanctions pénales très lourdes, en cas de violation du secret des affaires, alors qu’à ce stade, l’Europe a refusé toute sanction pénale. Mais qui est visé par ces sanctions, ces peines de prison ? Ce ne sont pas les grands groupes – les responsables n’iront jamais en prison – mais les salariés, les journalistes, les associations. Ce sont eux qui sont visés, qu’on veut faire taire, dissuader de révéler certaines pratiques, certains comportements des entreprises. Tout cela va beaucoup plus loin que le texte européen.

De même, le projet de directive prévoit des exceptions négociées au secret des affaires. Dans la loi Macron, il n’est prévu aucune exception. Le texte rappelle juste que les pratiques illégales ne peuvent pas être couvertes par le secret des affaires. C’est un principe qui doit dater de la Révolution. Quelle avancée ! La loi réaffirme un principe légal.

Enfin, on a beaucoup dénoncé, à juste titre dans ces certains cas, le déni de la démocratie par l’Europe. Mais sur ce texte, ce n’est pas le cas. Au niveau du parlement européen, trois commissions sont chargées d’étudier le projet de directive. Il y a des débats, des discussions, des consultations. Le texte fait l’objet d’amendements, d’amélioration. Il est connu de tous.

En France, ce texte est arrivé comme cela, par le biais d’un amendement. Il n’a fait l’objet d’aucune consultation préalable avec différentes organisations. Il n’a fait l’objet d’aucune discussion en commission. Et les débats risquent d’être expédiés en séance, compte tenu de la teneur de la loi Macron. Pour le coup, c’est bien le gouvernement français qui fait un déni de démocratie.  

 

 

Source : www.mediapart.fr

 

 

 

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29 janvier 2015 4 29 /01 /janvier /2015 22:01

 

Source : www.marianne.net

 

Pour la Grèce, changer l'Europe

Les economistes atterrés
Pour les Economistes atterrés, il faut soutenir la Grèce. "Il est nécessaire, écrivent-ils, d’accorder un moratoire au peuple grec, d’annuler une partie de la dette et de rendre soutenable le reste, en la transformant en dette à très long terme". Ce soutien leur semble d'autant plus évident que "l’expérience grecque illustre les dysfonctionnements structurels de la gouvernance économique de l’Europe et les défis auxquels sont confrontés tous les États membres". Et notamment, "la discipline budgétaire insoutenable imposée par les traités" et "mortifère en temps de crise".
REX/REX/SIPA

Le choix du peuple grec qui, en accordant la victoire à Syriza a marqué sa volonté de rompre avec les politiques d’austérité imposées en Europe, doit être salué.

La dépression dans laquelle la Grèce s’est enfoncée à partir de 2009 traduit certes les limites de son modèle socio-économique, mais surtout le fiasco de la gouvernance économique de l’Europe. Après le choc de la crise financière, l’Europe a refusé d’assurer la solidarité nécessaire aux pays attaqués par la spéculation financière. Pire, elle y a ajouté un choc d’austérité. La Grèce a reçu une aide du FMI, de la BCE, du FESF, mais celle-ci était destinée à lui permettre de continuer à rembourser sa dette pour préserver les banques européennes et américaines de la faillite. L’aide a été conditionnée à des « plans d’ajustement économique » dictés par la Troïka (BCE, Commission européenne, FMI), autrement dit à une austérité dramatique qui a mené au désastre économique et social.

De 2010 à 2014, la baisse du PIB a été de 25%, celle de l’emploi de près de 20%. Le taux de chômage dépasse les 26%. Les salaires ont chuté et la demande intérieure s’est effondrée de plus de 30%. Le taux de pauvreté atteint 36%. Les services publics, les services de santé, les retraites ont été fortement affectés. Quant à la dette souveraine, elle est passée de 103% du PIB en 2007 à 178% aujourd’hui, malgré la décote de 2012. Le remède administré par la troïka a été pire que le mal.

C'est un chemin ambitieux et difficile, mais c'est le seul qui soit porteur d’avenirLe programme économique de Syriza vise à rompre avec ces politiques d’austérité qui ont failli. Face à une situation sociale très dégradée et au développement de la pauvreté, il prévoit une remise à niveau de la protection sociale et des services publics, la création de 300 000 emplois publics ou associatifs, une hausse du salaire minimum, la réduction des impôts des ménages pauvres, la refonte de l’imposition du patrimoine immobilier ainsi qu’un moratoire sur les dettes des ménages surendettés. Il prévoit également de lutter contre l’évasion fiscale, contre la corruption et contre la mauvaise gouvernance.

Au-delà de mesures qui devraient permettre de renouer avec la croissance à court terme, la Grèce est confrontée au défi du développement de ses capacités productives. Elle aura à mettre la politique industrielle, les politiques d’éducation, de formation, d’emploi, au service de cet objectif. Il lui faudra dégager des ressources à long terme, à la fois en interne (via une réforme fiscale) et en mobilisant des financements européens (prêts de la Banque européenne d’investissement notamment). C'est un chemin ambitieux et difficile, qui suppose de lutter contre l'inertie des classes dominantes et de mobiliser la société tout entière, mais c'est le seul qui soit porteur d’avenir.

Lire la suite sur le blog des Economistes atterrés

 

 

Source : www.marianne.net

 

 

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