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5 février 2015 4 05 /02 /février /2015 16:47

 

 

Source : cadtm.org


CADTM

 

Atelier décroissance à Budapest

Dette, pillage et décroissance

4 février par Nicolas Sersiron

 

 


 

Le texte qui suit est la retranscription de l’intervention de Nicolas Sersiron, président du CADTM France et auteur de "Dette et Extractivisme" lors de l’atelier international sur la décroissance tenu à Budapest en janvier 2015 (voir encadré).

Historiquement le capitalisme européen s’est développé par le pillage des ressources naturelles et humaines (conquêtes territoriales, commerce triangulaire, traite atlantique, esclavage). Il a débuté avec la conquête des Amériques.

La fin de l’esclavage au milieu du 19ème siècle coïncide avec la conquête de presque tous les continents par les Européens. Cette accroissement des pillages, et la souffrance des travailleurs des pays colonisés, ont été légitimées par et pour le développement des nouvelles industries et compagnies commerciales nées avec la révolution industrielle. Au moment de la ruée vers l’Afrique, c’est la conférence de Berlin de 1885 qui a organisé son dépeçage.

Alors que la seconde guerre mondiale marque la fin de la colonisation, la domination américaine apporte la société de consommation dans les pays de la Triade (Amérique du Nord, Japon, Europe occidentale). Ce qui en retour crée un besoin accru de ressources naturelles.

Comment le vol des richesses des pays nouvellement indépendants par les pays industrialisés a-t-il pu se poursuivre ? Pour assurer la continuité et même augmenter l’extractivisme, défini ici comme le pillage des ressources naturelles (végétales, minérales, fossiles) et des ressources humaines, un nouveau type de pillage a été mis en place, celui des ressources financières. La dette illégitime, odieuse ou illégale est un levier du pillage des ressources naturelles d’un pays et en même temps une forme de pillage : celui des ressources financières.

Pour un pays comme pour une entreprise s’endetter est un pari sur le futur. S’il n’y a pas de croissance du PIB ou du chiffre d’affaires, le remboursement devient impossible et le montant de la dette explose. La dette est fondamentale pour le développement du capitalisme car elle impose de produire toujours plus. Elle est un accélérateur de l’extractivisme à la base de l’accumulation capitaliste et aussi un moyen de s’approprier les bénéfices de la croissance des autres pays, particulièrement ceux de la périphérie.

Dans le Sud, la dette est aussi un moyen de corrompre l’élite dirigeante locale. Les services secrets du Nord ont assassiné les véritables démocrates comme Lumumba, Sankara et Allende, ou démis d’autres comme Mossadegh, Soekarno, etc. Ils les ont remplacés par des dirigeants corruptibles tels que Mobutu, Compaore, Pinochet, Reza Shah, Suharto par exemple. Ils ont contraint des peuples à rembourser des dettes dont ils ne sont pas les bénéficiaires mais bien au contraire les victimes : un pillage des ressources humaines et financières.

Les ressources sont exportées en échange de devises, elles-mêmes exportées pour payer les intérêts de la dette

La dette ruine les pays dits “en développement” par un système à double détente : en premier les ressources sont exportées à l’état brut en échange de devises étrangères, ensuite, une grande partie de ces devises sont elles aussi exportées pour payer les intérêts de la dette. Au cours de la grande crise de la dette des années 80, le FMI a beaucoup prêté aux pays en développement. Mais la réalité est que le Sud a aidé les riches à devenir de plus en plus riches en transférant plus de dollars vers les marchés financiers du Nord qu’ils en ont reçu. C’est la magie du système dette.

Ayant perdu les emplois et les bénéfices financiers - qui auraient résulté de la transformation des ressources naturelles localement - au profit des pays industrialisés, les pays en développement ont été poussés à augmenter leurs exportations de ressources à l’état brut. De plus, pour bénéficier de nouveaux prêts du FMI et de la Banque mondiale pour l’éducation, la santé, les infrastructures, etc, ils ont été contraints d’appliquer les plans d’ajustement structurel, les plans d’austérité en pire.

Les pays socialistes comme le Venezuela, la Bolivie et l’Equateur pratiquent un néo-extractivisme. Ils se sont réappropriés leurs ressources naturelles en reprenant leurs puits et mines aux multinationales. Mais ils restent engagés dans un système économique dépendant de la croissance aussi bien du prix des ressources naturelles exportées que de celle du PIB des pays industrialisés, leurs acheteurs. Ils participent de fait au système du capitalisme mondialisé. L’abandon, par l’Equateur du président Correa, du projet Yasuni qui devait permettre de laisser dans le sous-sol le pétrole de la forêt amazonienne en échange d’une aide compensatoire internationale, le montre clairement. L’environnement et le climat ne sont pas les priorités de Correa, comme pour la plupart des pays.

Dans le Nord, le système ultralibéral réduit volontairement la puissance des Etats en diminuant les impôts des plus riches et des entreprises. De plus, il laisse exister les paradis fiscaux et les moyens d’optimisation comme on l’a vu récemment avec les Luxembourg leaks. Les budgets ayant été délibérément mis en déficit depuis 30 ans, “les caisses sont vides”. Ce qui a contraint des Etats à émettre des emprunts obligataires chaque année pour équilibrer les finances publiques. La crise des subprimes a explosé en 2007 à cause de la spéculation immobilière et de la titrisation faite par les banques. Or ce sont ces dernières qui ont été secourues par les gouvernements, et les peuples qui en ont subi les conséquences : les politiques d’austérité.

Coupe dans les dépenses, réduction des services publics, privatisations, augmentation des impôts, croissance à tout prix au nom de la lutte contre le chômage sont devenus le TINA de tous les gouvernements européens. Le paiement des intérêts de la dette accapare 15 % du budget français chaque année. Par contre rentes, loyers, dividendes versés aux détenteurs de capitaux ne sont jamais mis à contribution. Comme une litanie, revient incessamment la baisse des salaires au nom de la compétitivité.

L’audit

Le niveau de la dette est-il légitime ou la conséquence du sauvetage des banques et de l’économie ?

Il est essentiel pour la population de faire un audit citoyen des ressources financières de l’Etat. Qui paie des impôts ? Les plus riches paient-ils selon leur revenu ? Existe-t-il un impôt sur le capital ? Quel est le niveau de la TVA, ce terrible impôt indirect frappant très durement les moins riches ? Quelles sont les actions engagées par le gouvernement pour lutter contre les paradis fiscaux ? Quel est le pourcentage du budget dédié au service de la dette ? La France verse chaque année 45 milliards d’euros. Le niveau de la dette - près de 100 % du PIB - est-il légitime ou seulement la conséquence du sauvetage des banques et de l’économie ? En 2014 un rapport indépendant écrit par des économistes alternatifs et des ONG a conclu que 59 % de la dette était illégitime. Quand la grande majorité de la population n’a aucunement profité d’un emprunt, elle ne doit pas rembourser, elle n’est pas responsable de la dette.

De l’autre côté, l’audit des dépenses de l’Etat est lui aussi crucial. Ont elles été faites pour l’éducation, la santé, etc, ou dans des investissements inutiles ? Les “éléphants blancs” comme les grands stades de football construits au Brésil pour un seul championnat ou les aéroports vides en Espagne créent de la dette publique. Ainsi de nombreux investissements ne sont pas faits dans l’intérêt général mais pour le profit des entreprises de bâtiments et travaux publics : dans l’intérêt du 1 %.

Pourquoi le traité de Lisbonne interdit-il à un Etat européen de prêter à un autre Etat ? Est-il normal que la Grèce soit contrainte d’emprunter à une banque privée avec un intérêt de 4 à 10% tandis que la même banque emprunte à la BCE à 0,05 %. Comment comprendre que la dette de la Grèce était à 115% du PIB en 2009 et qu’après 5 ans de “sauvetage” par la Troïka elle soit à 175%. Que pendant cette période les Grecs ont perdu plus de 30 % de leurs revenus et que le chômage des jeunes est de 60 % ? La moitié de la dette grecque était due à des banques françaises et allemandes au début de la crise. Maintenant, après le “sauvetage”, la BCE en détient une partie, une autre est détenue par les pays européens les plus riches - à travers le mécanisme de stabilité de discipline financière, européen, le MES - c’est à dire par les citoyens. Les banques se sont libérées de leurs dettes risquées sur le dos des contribuables.

Nous ne devons pas oublier qu’après la seconde guerre mondiale, la France et l’Allemagne étaient endettées à hauteur de 200 % du PIB. Les alliés ont alors décidé que les remboursements de l’Allemagne ne devaient pas dépasser 5 % de la valeur de ses exportations. Quant à la France après une dizaine d’années de forte inflation sa dette était retombée à 30 %.
La grande presse et les politiciens disent que croissance et compétitivité sont indispensables pour lutter contre le chômage. Est-ce vrai et que cela signifie-t-il ? Nous savons que les profits capitalistes sont impossibles sans croissance. Croissance veut dire plus de pillage des ressources naturelles, plus de commerce international et de transports pour produire plus de biens de consommation - avec obsolescence programmée - responsables de destructions environnementales et de réchauffement climatique. De même l’accroissement de la compétitivité entraine plus de pauvreté pour un grand nombre de personnes dans les pays en développement ou dans ceux de la périphérie, y compris dans les pays industrialisés, mais de tout cela les détenteurs de capitaux n’en ont cure.

Aux Etats-Unis et en Europe, à cause des politiques mises en place par les gouvernements Reagan et Thatcher durant les années 80 et suivantes, une importante partie de la plus-value produite a été gagnée par les détenteurs de capitaux et perdue par les travailleurs. Ces derniers n’ont pu maintenir leur niveau de vie qu’en s’endettant. En 2007, quand la crise a débuté avec l’écroulement de l’immobilier, les Etats-uniens étaient endettés en moyenne de 140 % de leur revenu annuel.

Aujourd’hui, au Sud comme au Nord , croissance économique et augmentation des profits sont liés au système dette. Pour sortir de cette dynamique et aller vers une société post-extractiviste et post-consumériste, l’annulation des dettes illégitimes est absolument nécessaire mais insuffisante.

Décroissance, dette et agriculture

L’agriculture productiviste est un crime contre l’humanité et tous les êtres vivants

Pour la décroissance, une question très importante est celle de l’alimentation et de l’agriculture productiviste. Cette dernière est un crime contre l’humanité et tous les êtres vivants, mais elle est en plus une cause majeure du réchauffement climatique, de la perte de biodiversité végétale et animale, de la dégradation de la fertilité des sols, de la faim et de la perte des semences paysannes. Ce qui pourrait conduire à une famine globale, d’une gravité inconnue. L’agriculture productiviste est aussi responsable de la perte d’autonomie alimentaire des peuples, de la disparition des petits paysans, des savoir-faire pour la préparation des aliments à la maison. Elle est en plus une cause de la dégradation de la santé publique et des déficits des systèmes de sécurité sociale.

Les producteurs de pesticides sont des pollueurs payés indirectement par les subventions de la PAC qui alourdissent la dette publique. De plus les déficits causés par les maladies contraignent la sécurité sociale publique à emprunter sur le marché des capitaux privés. Dans les pays industrialisés, les maladies sont à 80 % des affections de longues durées. D’origines environnementales elles ont pour principale cause les pesticides et autres pollutions. La surproduction agricole a créé une abondance d’aliments de mauvaise qualité et de la malnutrition pour tous. Un tiers de la population mondiale est en surpoids ou obèse tandis qu’un autre tiers ne mange pas suffisamment pour avoir une vie active.

Cette agriculture ne peut fonctionner qu’en extrayant de la potasse, du phosphate et du pétrole, en utilisant 70 % de l’eau douce qu’elle rejette polluée et en extrayant la MOS, la matière organique des sols, jusqu’à générer des désertifications. Elle est aussi responsable d’une part importante du chômage. En France, depuis 1945, près de 10 millions d’emplois agricoles ont disparu. Selon l’association GRAIN, l’accaparement des terres, par la finance spéculative internationale, représente environ 200 millions d’hectares. Les terres accaparées, dans les pays en développement ou dans les pays de l’Europe de l’Est, ont été soumises à une production industrielle d’agrocarburants et d’aliments pour le bétail exportés vers les pays industrialisés.

En plus de l’annulation des dettes illégitimes, une diminution conséquente de la consommation de viande et l’abandon de l’agriculture industrielle et chimique sont les décroissances les plus importantes à réaliser car leur impact sur le climat, la santé et la faim seront considérables.

Atelier international sur la décroissance - BUDAPEST, janvier 2015

Après Ljubljana en 2013, Zagreb en mars, Sofia en mai et Leipzig en septembre 2014, Budapest a accueilli un atelier de 2 jours sur la décroissance dans les pays posts-socialistes les 24 et 25 janvier 2015.

Une centaine de personnes, provenant de près de 20 pays différents ont participé aux deux journées d’activité. Au programme : plusieurs ateliers, des discussions, des séances de brainstorming... Les sujets abordés allaient des inégalités à l’économie du don, ou encore le revenu de base, la décroissance comme outil de provocation, la décroissance en pratique, notamment dans les économies post-socialistes, les relations Est-Ouest, etc...

Les alternatives concrètes et leur mise en pratique étaient aussi au rendez-vous : nourriture bio, locale et de saison (of course !), cuisine auto-gérée, visite de marchés de producteurs locaux, de boutiques "low tech", d’ateliers de réparations de vélo "do it yourself"...

Ces 2 jours ont été un beau moment de rencontre entre des gens aux parcours et aux origines différentes, qui cherchent à partager leurs expériences, et à les connecter à des alternatives et des initiatives locales.

Rendez-vous dans un an à Budapest pour un grand festival de la décroissance !

 

 

Source : cadtm.org

 


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5 février 2015 4 05 /02 /février /2015 16:21

 

Source : rue89.nouvelobs.com


 

Et demain matin, au bureau, on vous greffe une puce
  • Publié le :
    05/02/2015 à 12h42

 

 

 

 

 

Pour entrer dans les bureaux d’Epicenter, à Stockholm, on peut composer un code ou passer son poignet contre un capteur. Grâce à une puce RFID de la taille d’un grain de riz, le porteur active les portes, les photocopieuses, les ordinateurs... Le procédé n’est pas très pratique : il faut tordre sa main pour la passer sur le capteur.

Hannes Sjoblad, qui a mis en place ce système expérimental avec le Swedish Biohacking Group, explique à la BBC que l’objectif est de nous préparer au moment où d’autres voudront nous pucer. « Nous voulons comprendre cette technologie avant que les grandes entreprises et les gouvernements viennent nous dire que tout le monde devrait être pucé – la puce du fisc, la puce Google ou Facebook. »

 

 

Source : rue89.nouvelobs.com

 

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5 février 2015 4 05 /02 /février /2015 16:04

 

Source : russeurope.hypotheses.org


 

L'ultimatum de Francfort
5 février 2015
Par
 

BCE2

 

La Banque Centrale Européenne vient de choisir son camp, et c’est – qui s’en étonnera – celui de l’Allemagne. Par la mesure qu’elle vient de prendre contre la Grèce, elle envoie un signal très clair au nouveau gouvernement : restez dans le cadre du plan d’aide décidé par la « Troïka ». Mais, elle vient de déclencher un processus qui peut aboutir à l’inverse de ce qu’elle recherche. Loin de faire céder le gouvernement grec, cette mesure pourrait le forcer à prendre des mesures radicales qui, à terme, provoqueraient une rupture définitive entre la Grèce et ses créanciers et conduiraient ce pays à sortir de l’Euro. Telle est la logique du jeu de « poulette » (chicken) que l’on a décrit dans la note précédente1.

Les mesures de la BCE

La BCE a donc décidé le mercredi 4 février au soir de suspendre l’exception qu’elle consentait à la Grèce, le fait d’accepter temporairement les obligations d’État grecques en collatéral pour des prêts des banques grecques. Les raisons de cette exception étaient l’adhésion de la Grèce au plan d’aide élaboré par la Troïka, et dont les conséquences ont été si désastreuses, que ce soit pour les Grecs ou pour les finances de l’État. En soi, cette mesure n’est nullement décisive. Mais, il y a peu de doutes qu’elle provoque dans les jours qui viennent à Athènes une panique bancaire, ce que les économistes appellent un « bank run ». Les banques grecques auront désespérément besoin de liquidités. Elles pourront en demander à la BCE dans le cadre d’un programme d’aide urgent à la liquidité bancaire nommé ELA. Mais ce programme est soumis aux règles de la Troïka et il n’a été renouvelé que jusqu’au 28 février.

Concrètement, cela équivaut à mettre un pistolet sur la tempe d’un gouvernement nouvellement élu pour exiger de lui qu’il renonce à des mesures approuvées par son électorat. On appréciera le sens aigu de la démocratie des dirigeants de la BCE et plus généralement des autorités européennes.

Les possibles réactions du gouvernement grec

Face à ce qu’il faut bien appeler un ultimatum, le gouvernement grec peut se décider à capituler. Ce faisant, il se saborderait politiquement. Un sondage réalisé dimanche dernier montre que 70% des Grecs, soit en réalité bien plus que ceux qui ont voté SYRIZA le 25 janvier, soutiennent le gouvernement et le pensent capable de mener une véritable politique de survie pour le pays.

Le gouvernement grec peut donc mettre en place des contre-mesures. Certaines sont techniques (fermeture momentanée des banques, limites aux retraits des particuliers). Mais d’autres sont plus politiques. En réalité, quand la BCE dit prêter aux banques grecques, cela veut dire qu’elle autorise la Banque Centrale de Grèce à le faire. L’organisation de la BCE n’a pas supprimé les différentes Banques Centrales des pays membres de la zone Euro. Elle les a mises en réseau et sous l’autorité de la BCE, opérant depuis Francfort. Le gouvernement grec peut donc décider de réquisitionner la Banque Centrale pour la contraindre de continuer à alimenter en liquidités (en Euro) les banques grecques. Mais, ce faisant, il viole les traités constituant l’Union Économique et Monétaire, c’est à dire la zone Euro. Il pourrait donc le faire constatant la menace que fait peser la BCE sur la Grèce, et prenant à témoin la population de ce fait inouï d’une instance technique s’immisçant dans les choix politiques d’un peuple souverain.

Les conséquences

Une telle décision serait bien entendu lourde de conséquences. Ce serait au tour de la BCE d’être le dos au mur. Si elle acceptait la mesure de réquisition, elle reconnaitrait son impuissance et donnerait des idées d’indépendance aux autres pays. Ceci dans un cadre où elle a déjà pris acte de la fragmentation croissante de la zone Euro, comme en témoignait les mesures annoncées par Mario Draghi le 22 janvier, et que l’on a un peu hâtivement assimilées à un « quantitative easing ».

En fait, la pression allemande, directe et indirecte (par le biais de pays alliés à l’Allemagne comme la Finlande et l’Autriche) est aujourd’hui telle sur la BCE que l’on voit mal cette dernière accepter un possible fait accompli venant d’Athènes. Il faut le répéter, ce qui est en cause c’est la politique d’austérité de Mme Merkel et surtout son imposition à l’ensemble de l’Europe, condition nécessaire à ce que ne se mette pas en place une logique d’Union de Transfert au détriment de l’Allemagne. Cette dernière ne peut céder, ou alors elle verra sa crédibilité disparaître instantanément.

En cas de réquisition de la Banque Centrale de Grèce, réquisition qui pourrait alors survenir le 28 février ou le 1er mars, la Banque Centrale Européenne pourrait décider de ne plus accepter en circulation les euros « grecs ». Une telle mesure a déjà été temporairement appliquée à Chypre. Cela revient à expulser, ou à menacer de le faire, un pays de la zone Euro.

Une sortie de l’Euro ?

En réalité, la Grèce est aujourd’hui dans une meilleure situation qu’elle ne l’était en 2010 pour envisager une sortie de l’Euro. A cette époque, le budget était gravement déséquilibré. Aujourd’hui, le budget est équilibré au niveau du solde primaire, ce qui revient à dire que si la Grèce n’avait aucune dette (et donc pas d’intérêts à rembourser) elle n’aurait nul besoin d’emprunter à nouveau, et bénéficierait même d’un excédent. La balance commerciale, elle, est légèrement déficitaire. Mais, compte tenu des élasticités-prix qui peuvent être calculées, si la Grèce dévaluait de 30% à 35%, elle accroîtrait ses exportations de manière significative et serait en excédent. Signalons d’ailleurs qu’une dévaluation de la monnaie grecque accroîtrait les ressources fiscales en monnaie locale, provenant des armateurs car ces derniers opèrent en dollars. Quant aux investissements directs dans ce pays, on imagine sans peine qu’avec un budget à l’équilibre, un solde commercial positif et un avantage compétitif très sérieux sur ses concurrents, ils ne tarderaient pas à affluer. Bien entendu, la Grèce ferait défaut sur sa dette dans le cas d’une sortie de l’Euro. Mais, n’ayant plus à emprunter, elle ne risque rien à se couper de ses créanciers. Au-contraire, ce sont ces derniers qui viendront à résipiscence, comme le montre l’histoire des nombreux pays qui sont passés par un défaut sur la dette.

Une dévaluation de 30% à 35% redonnerait à l’économie non seulement sa compétitivité mais elle permettrait au gouvernement d’avoir des marges de manœuvres dans le domaine social, en même temps qu’il en aurait par le défaut de fait sur la dette.

La Grèce doit donc regarder résolument la possibilité de sortir de la zone Euro. Si une telle solution devait s’imposer, ce n’est pas elle, mais la Zone Euro elle-même, qui en subirait les conséquences. Elle doit dire aux autorités de la BCE et de l’Union Européenne que, s’il le faut, elle n’hésitera pas devant une telle solution.

De quoi s’agit-il ?

Il convient de ne pas se laisser abuser par la technicité, réelle ou imaginaire, des différentes mesures et contre-mesures qui ont été ou qui pourront être prises. Fondamentalement, la mesure prise par la BCE pose le problème de la souveraineté populaire dans un pays membre de la Zone Euro, c’est-à-dire le problème de la démocratie.

Nous sommes aujourd’hui confrontés au conflit inexpiable entre la légitimité technocratique et la légitimité démocratique.

En cela, l’issue pour la Grèce nous concerne tous.

Voulons nous vivre libre ou acceptons-nous le joug ?


  1. Sapir J., « Grèce, un jeu complexe », note publiée sur RussEurope, le 3 février 2015, http://russeurope.hypotheses.org/3389 []

 

Source : russeurope.hypotheses.org

 

 

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4 février 2015 3 04 /02 /février /2015 15:53

 

Source : www.humanite.fr

 

 

Les licenciements, c’est vous qui les vivez, ce sont eux qui en vivent !
Pierre-Henri lab, l'Humanité Dimanche
Jeudi, 29 Janvier, 2015
Humanité Dimanche
"Le Business des faillites" de Cyprien Boganda, Éditions La Découverte. 196 pages, 16 euros.
Cyprien boganda, notre collègue de « l’Humanité Dimanche », vient de publier « le business des faillites ». Une enquête sur ceux, « self-made-men », experts, avocats ou fonds de retournement, pour qui la crise et les entreprises en difficulté constituent autant d’occasions pour s’enrichir.

Le malheur des uns fait les affaires d’une poignée d’autres. » Dans « le Business des faillites », notre collègue à « l’Humanité Dimanche » Cyprien Boganda propose de partir à la découverte de « la faune hétéroclite » qui prospère grâce aux entreprises en difficulté. À la faveur de la crise, qui provoque chaque jour la faillite de 180 entreprises et en a conduit depuis 2008 plus de 300 000 à déposer le bilan, s’est développée une véritable industrie qui emploie plusieurs milliers de personnes.

L’essor de ce marché né de la crise économique déclenchée par le choc pétrolier de 1973 date des années 1980, quand des affairistes pas toujours très scrupuleux érigeaient en quelques années des fortunes colossales sur les ruines fumantes de l’industrie. Qui se souvient des conditions de la reprise du groupe Boussac, sans laquelle Bernard Arnault n’aurait jamais pu fonder le numéro 1 du luxe, LVMH ? Qui se rappelle que François Pinault, qui s’est construit l’image d’un homme de goût à force de mécénats, a empoché ses premiers millions grâce à la faillite d’Isoroy ? Sous la plume de Cyprien Boganda, la légende des « self-made-men » à la française en prend un coup.

Et les Bernard Tapie ou autres Vincent Bolloré apparaissent pour ce qu’ils sont : des opportunistes qui, après avoir racheté souvent au franc symbolique des entreprises certes en difficulté mais conservant de solides atouts, les ont restructurées à coups de milliers de licenciements, financés par des centaines de millions de francs de l’époque de fonds publics délivrés sans compter par des gouvernements ou des élus locaux soucieux de s’éviter des conséquences électorales désastreuses.

MÊME LES ENTREPRISES EN BONNE SANTÉ !

Mais, depuis les années 1980, le marché s’est professionnalisé et ces précurseurs ont cédé la place à de véritables groupes spécialisés dans la reprise de sociétés pas toujours en difficulté. Ces « fonds de retournement » jettent parfois leur dévolu sur des entreprises en bonne santé, dont ils ne cherchent qu’à accroître la rentabilité, souvent à coups de suppressions d’emplois.

Le marché s’est aussi diversifié. À côté de ceux qui assument leur statut de charognards en se spécialisant, par exemple, dans le rachat à prix bradés, puis la revente des équipements (matériel de bureau, véhicules, outillage...) des entreprises en faillite, s’est développée une myriade de « sauveurs » dont les remèdes, quand ils ne tuent pas le malade, aggravent son cas en plombant ses comptes à coups d’honoraires colossaux. Cabinets d’experts, avocats... mais aussi de véritables aigrefins comme les pseudo- repreneurs de l’usine Samsonite d’Hénin-Beaumont (62) soupçonnés d’avoir liquidé la boîte pour le compte de son ancien propriétaire, le fonds américain Bain Capital. Pour les entreprises en difficulté, la justice n’est pas toujours un recours. Conflits d’intérêts, abus de biens sociaux... à la suite d’autres ouvrages comme « la Mafia des tribunaux de commerce » (1), de l’ancien policier Antoine Gaudino, celui de notre collègue dresse un constat désastreux de l’état de la justice consulaire, où « se servir » a visiblement pris le pas sur « servir ».

180 ENTREPRISES FONT FAILLITE CHAQUE JOUR ET 300 000 ONT DÉPOSÉ LE BILAN DEPUIS 2008. UNE AUBAINE POUR LES CHAROGNARDS.
UNE MULTINATIONALE EN ÉCHEC

Au final, on comprend combien les salariés sont bien seuls pour affronter les plans de licenciements. Face à un gouvernement définitivement converti aux thèses libérales, ils ne peuvent guère compter que sur l’engagement militant de quelques avocats dont les moyens sont sans commune mesure avec les bataillons que leur opposent les directions. Aussi, la guérilla judiciaire a ses limites et, pour espérer l’emporter, les salariés doivent la combiner avec des mobilisations. En témoigne la lutte des salariés de l’usine Osram, dans le Bas- Rhin, où la direction a fini par renoncer, en 2009, à son projet de fermeture, ou celle des salariés de TRW, dans les Vosges, qui a permis une reprise en SCOP. Et même, s’ils ne parviennent pas à l’emporter, comme dans le cas de l’usine Goodyear d’Amiens-Nord, « leur combat, rappelle leur avocat Fiodor Rilov, cité par Cyprien Boganda, revêt une portée symbolique ». Celle de salariés qui, sept ans durant, ont mis en échec une multinationale gigantesque.

 

 

Source : www.humanite.fr

 

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4 février 2015 3 04 /02 /février /2015 15:41

 

Source : www.humanite.fr

 

Rapport de forces
Par Jean-Emmanuel Ducoin
Mercredi, 4 Février, 2015
L'Humanité
Dans l'Humanité, entretien exclusif avec Alexis Tsipras: une coalition est-elle encore possible ?
L'éditorial de Jean-Emmanuel Ducoin.

Souvenons-nous. Avant son élection, François Hollande voulait s’attaquer à la finance et réorienter l’Europe. Ces desseins n’étaient que des mots… Après avoir tenté, en vain, de rencontrer Hollande dès mai 2012 pour parler de l’avenir de l’Union européenne, Alexis Tsipras est invité ce mercredi à Paris par le président de la République.

Le premier ministre grec, engagé dans une tournée anti-austérité afin de compter ses soutiens en vue d’un allégement de la dette, pourra tester les yeux dans les yeux la sincérité du chef de l’État français. Une manière de le mettre au pied du mur, de le rappeler à ses contradictions. Face à l’audace de la politique proposée par Tsipras, comment réagira François Hollande, dans sa volonté affichée d’aborder « l’ensemble des questions » soulevées par la nouvelle situation en Grèce ?

Continuera-t-il à s’aligner benoîtement sur Angela Merkel ? Ou aura-t-il le courage d’ouvrir un vrai dialogue ? Ce mercredi, la France sera observée comme jamais par les peuples européens : elle s’honorerait de rouvrir officiellement le débat. Depuis la nomination du nouveau gouvernement grec, tout peut et doit s’accélérer pour précipiter un rapport de forces inédit. L’effritement des dogmes qui régissent le fonctionnement des institutions européennes est déjà visible, même chez les détenteurs du pouvoir, qui n’agissent jamais par bonté d’âme. Les choses changent tellement vite que la BCE envisagerait de se retirer de la « troïka », qui organise depuis des années non pas le sauvetage de la Grèce mais sa vente à la découpe. Alexis Tsipras ne transigera pas, il veut que son pays sorte de ce programme d’« assistance internationale » né par et pour l’austérité.

Le FMI songerait également à en sortir. Résultat, la Commission européenne resterait seule au sein de cette structure jadis mortifère, bientôt moribonde. Jean-Claude Juncker réfléchirait, dit-on, à une « formule permettant un contrôle plus démocratique ». Qui aurait cru cela envisageable il y a encore six mois, un an ? Qui aurait cru que l’indispensable débat sur une refondation de la construction européenne elle-même serait, peut-être, à portée de main ?

 

 

Source : www.humanite.fr

 

 

 

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4 février 2015 3 04 /02 /février /2015 15:29

 

Source : cadtm.org

 

CADTM

 

Grèce : Georges Katrougalos, ministre de la réforme administrative, souhaite une assemblée constituante

4 février par George Katrougalos , Fabien Perrier

 


Dans une interview accordée à Fabien Perrier, journaliste au quotidien suisse Le Temps, le ministre chargé de la Réforme administrative, Giorgos Katrougalos, qui a souvent participé depuis 2011 à des activités organisées par le CADTM, propose le lancement d’un processus de convocation d’une Assemblée constituante. Il entend également réintégrer des fonctionnaires licenciés et lutter contre le clientélisme.

Fabien Perrier écrit : « Ministre délégué à la Réforme administrative depuis le 27 janvier, Giorgos Katrougalos expose les projets qu’il entend mener. Giorgos Katrougalos est un constitutionnaliste connu. Il pourrait s’avérer un fin politique. Jeudi, il a reçu Le Temps pour un entretien avec une journaliste française. Il a commencé par faire patienter l’expert français de la task force attaché jusqu’ici au ministère pour contrôler la bonne application des mesures d’austérité, puis l’a accueilli dans son bureau où il a dû suivre l’entretien. Le nouveau ministre s’assure ainsi que tout ce qu’il dit est enregistré, par deux journalistes. Deux témoins qui relaieront ses paroles.

Giorgos Katrougalos explique que la victoire de Syriza signe un changement fondamental en Grèce, et peut-être en Europe, tournant le dos à l’austérité. Il précise qu’il est prêt à coopérer avec la task force, et à recevoir son expertise technique. Quand il décrit les grandes orientations des réformes qu’il souhaite appliquer, la chose est claire : il reprend la main sur le plan politique, contrairement au gouvernement précédent. La troïka est, elle, renvoyée au second plan.

L’expert français a pris des notes pendant l’entretien avant de répondre à notre question sur une coopération avec le gouvernement d’Alexis Tsipras : « La Commission européenne s’est dite prête à coopérer avec le nouveau gouvernement grec en lui offrant son appui technique. » Le ministre reprend la parole : « Nous sommes ouverts à tout appui technique pour mettre en œuvre les choix politiques pour lesquels nous avons été élus. » Un dernier mot hautement politique. »


Le Temps : Les représentants des institutions européennes accourent aujourd’hui en Grèce. La victoire de la gauche anti-austérité bouscule-t-elle l’échiquier européen ?

Giorgos Katrougalos : C’est clair. Avant les élections, nos opposants répétaient que personne n’accepterait la renégociation des accords. Mais le programme des mémorandums a été un échec éclatant qui impose aux deux parties de renégocier. La victoire de Syriza révèle deux grands espaces de confrontations en Europe. D’un côté, ceux qui veulent continuer les politiques d’austérité, soit l’Allemagne, la droite dure et ses alliés des pays du Nord. De l’autre, un espace qui comprend les partis de la gauche tels que le nôtre ou Podemos [en Espagne] et aussi potentiellement d’autres forces comme les sociaux-démocrates, ou ceux qui réalisent que les alliances avec la droite font tomber les droits sociaux comme en Grèce.


La troïka exigeait, au début des programmes d’austérité, la suppression, avant 2015, de 150 000 postes de fonctionnaires sur les 667 000 que comptait la fonction publique grecque. Combien ont été supprimés ? Réintégrerez-vous les salariés licenciés ?

Nous réintégrerons tous ceux qui ont été licenciés dont le nombre est moindre selon les rapports des services du ministère. Il ne dépasserait pas 3500 fonctionnaires de l’État, auxquels il faut ajouter les salariés d’organismes publics comme les journalistes de [la télévision] ERT licenciés en 2013.


On avait menti sur les chiffres ?

Oui ! Les précédents gouvernements signaient des accords et essayaient ensuite de les modifier. Nous voulons négocier avec les institutions compétentes : Conseil européen et institutions européennes.


Vous ne considérez pas la troïka comme légitime ?

Le rôle de la troïka est de contrôler la façon dont s’est déroulée l’application d’un programme décidé. Nous n’acceptons pas les fondements de ce programme.


Comment comptez-vous appliquer une de vos promesses de campagne, à savoir la fin du clientélisme au sein de l’administration ?

Je vais exploiter les conseils techniques de la task force afin de faire face au clientélisme et demander au syndicat des fonctionnaires Adedy s’il accepte de coopérer avec elle pour qu’elle leur donne une assistance technique, par exemple sur le système de l’évaluation des fonctionnaires. Il doit être clair et efficace. Le problème est que les systèmes précédents ont été conçus non comme un véritable outil d’évaluation, mais comme un prétexte pour licencier des fonctionnaires. Il faut donc clairement différencier les licenciements de l’évaluation qui est, elle, un moyen d’amélioration de l’administration et non de punition. Je veux donc avoir un discours clair sur ce qu’il faut changer dans la fonction publique. Nous ne sommes pas liés par le clientélisme et le patronage. Nous ne l’avons pas créé, contrairement aux deux partis précédents, Pasok et Nouvelle démocratie, qui sont impliqués dans ce système. Nous en sommes éloignés.


Mais vous devrez travailler avec des administrations qui se sont développées par ce clientélisme. Comment faire avec ce verrouillage ?

Je prends ce risque. Je ne vais pas changer les équipes et ce, justement, pour prouver que je suis différent de tous les autres qui, arrivés au pouvoir, changeaient immédiatement toute l’administration. Nous verrons, en revanche, dans trois à cinq mois si nous avons pu travailler ensemble. Je ne suis pas naïf. Ce verrouillage existe peut-être. Mais je veux aussi être honnête avec eux. S’ils veulent travailler avec moi, pourquoi pas. Ma seule ambition est de réformer l’administration.


Souhaitez-vous maintenir comme telle la Constitution ?

J’ai une proposition que nous discuterons au sein du gouvernement : la mise en place d’une Assemblée constituante. (...)


Une réforme constitutionnelle ?

Je ne me limite pas à cela, mais souhaite une Constitution nouvelle. Donc une IVe République grecque. Elle reposerait sur la démocratie directe, permettrait la révocation des personnalités politiques corrompues, instituerait l’initiative populaire pour des lois ou des référendums. Il faut renforcer les garanties pour les droits sociaux existants. Et la procédure d’élaboration de la Constitution devrait être, elle aussi, un exemple de démocratie directe, comme ce fut le cas en Islande.


Quel type de réforme fiscale voulez-vous appliquer ?

Jusqu’alors, ce sont les classes moyennes et les plus pauvres qui ont payé. C’est maintenant aux riches de payer. En instaurant un impôt progressif, en réformant le contrôle fiscal, nous allons trouver l’argent où il est.


Source : Le Temps

 

 

Source : cadtm.org

 

 


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4 février 2015 3 04 /02 /février /2015 14:48

 

Source : www.mediapart.fr

 

 

Les scandales de l’évasion fiscale s’étalent sur grand écran

|  Par Dan Israel

 

 

 

Le Prix à payer, documentaire du réalisateur canadien Harold Crooks, sort ce mercredi au cinéma. Il fait vigoureusement le tour de la question de ces multinationales qui refusent de payer leurs impôts. Au détriment des citoyens et au moment où Barack Obama veut taxer les 2 000 milliards de dollars que stockent les entreprises américaines dans les paradis fiscaux.

 

 

Quand les multinationales font tout ce qui est en leur pouvoir pour ne pas payer d’impôt et que les États censés s’assurer de la juste répartition de la charge fiscale ferment les yeux, on n’est pas loin de la « rupture du contrat social », voire de la « mort des démocraties ». Ce constat abrupt devrait être familier pour les lecteurs réguliers de Mediapart, tant nous le répétons et l’illustrons à longueur d’articles. Mais pour la première fois, ces arguments sont présentés sur grand écran. Avec les armes, et l’impact, propres au meilleur du cinéma.

Le Prix à payer, le documentaire du réalisateur canadien Harold Crooks qui arrive dans une cinquantaine de salles ce mercredi, sera sans doute un jalon important dans la prise de conscience collective sur ces questions fondamentales. Pourquoi les États sont-ils si lents pour colmater les brèches du système fiscal international, largement exploitées par les grandes entreprises et leurs fiscalistes ? Comment la finance a-t-elle pris la main sur le politique ? Le sursaut amorcé depuis deux ans sous l'égide du G20 et de l'OCDE va-t-il aboutir ?

 

 

Ces questions brûlantes sont toutes abordées dans le film. Elles sont plus que jamais d’actualité, comme viennent de le prouver une série d’informations toutes récentes. Dans le courant du week-end, d'abord, on apprenait que dans le cadre du budget américain pour 2016, Barack Obama souhaitait taxer les quelque 2 000 milliards de dollars que stockent les entreprises américaines dans les paradis fiscaux, loin du fisc. Pour éviter de payer les 35 % d’impôt sur les bénéfices normalement dus, Microsoft et Google ont choisi les Bermudes, alors que Facebook et HP privilégiaient les îles Caïmans et que Apple se réfugie dans les îles Vierges…

Cette situation est tellement confortable pour Apple que lorsqu'il s'agit de payer des dividendes à ses actionnaires, elle préfère emprunter de l’argent plutôt qu'écorner son magot. Apple et ses semblables espéraient qu’Obama ferait comme George W. Bush en 2004, leur offrant une amnistie fiscale et taxant à seulement 4 % les profits qu’elles consentiraient à rapatrier. C’est raté, et il sera passionnant de savoir comment le débat parlementaire tournera sur cette question.

Autre point chaud, la Commission européenne vient d’annoncer qu’elle ouvrait une enquête sur les conditions très favorables que la Belgique réserve aux multinationales, à coup de « tax rulings », ces accords secrets entre l’administration fiscale et les entreprises, également spécialité du Luxembourg.

L'Union européenne s’intéresse au système, inconnu jusqu’à des révélations de presse en décembre et janvier, des « bénéfices excédentaires ». Un curieux montage fiscal, réservé aux multinationales pouvant prétendre qu’une partie de leurs bénéfices réalisés en Belgique viennent en fait exclusivement de leur appartenance à un grand groupe mondial, et ne doivent donc pas être taxés sur le territoire. « Système généralisé », qui « constituerait une distorsion grave de la concurrence », craint la commissaire à la concurrence Margrethe Vestager.

Enfin, L’Expansion révèle que Microsoft a consenti à verser au fisc français 16,4 millions d’euros pour régler un long conflit, portant sur un redressement fiscal engagé contre l’entreprise dans l’Hexagone (un autre redressement, dont la facture dépasse les 52 millions d’euros, est toujours contesté par l’entreprise). Une victoire symbolique pour la France, et son service spécialisé dans les redressements fiscaux des grandes entreprises, la direction des vérifications nationales et internationales. La DVNI est particulièrement active contre les multinationales qui tentent de passer entre les mailles du filet : outre Microsoft, elle a ouvert des enquêtes sur Amazon, Yahoo, Google, Facebook ou eBay...

Cet activisme n’a justement pas échappé aux auteurs, canadiens, du Prix à payer. Ils ont décidé de le montrer en exemple, en filmant quelques heures du travail de cette unité, d'ordinaire très secrète. Son directeur, Olivier Sivieude, et ses hommes sont présentés sous un jour particulièrement favorable dans le film. « C’est vrai que nous souhaitions les montrer un peu comme des super-héros. Nous sommes allés les voir parce que nous savons que le fisc français prend des initiatives fortes pour combattre la façon dont les multinationales essayent d’éviter de payer leurs impôts », explique Brigitte Alepin, la coscénariste du film (écoutez-la sur France Inter tout récemment). Cette avocate fiscaliste québécoise a écrit en 2003 Ces Riches qui ne paient pas d’impôts, best-seller en Amérique du Nord. Son livre suivant, La Crise fiscale qui vient, paru en 2010, a servi de base au documentaire qui sort cette semaine.

« Je souhaitais faire un film pour ne plus parler seulement au “1 %” d’intellectuels qui me lisaient, dans mes livres ou mes chroniques dans les médias québécois », explique-t-elle. Un souhait réalisé en bonne partie grâce à la centrale des syndicats du Québec, qui a financé six mois de travail de préparation, le temps de réunir l’équipe du film, et en particulier Harold Crooks, le réalisateur dont elle avait « rêvé » en raison de ses films précédents, comme Survivre au progrès. Ce dernier n’a pas hésité longtemps à suivre Brigitte Alepin, sur un sujet qui lui tient à cœur et à propos duquel il a des idées très arrêtées : « À mon sens, le monde “offshore” représente une menace grave contre les innovations sociales majeures du XXe siècle : la classe moyenne et l’État providence », indique-t-il à Mediapart.

C’est ce que le film s’emploie à démontrer, en déroulant des arguments qui ne seront pas étrangers à ceux qui ont déjà vu La Grande Évasion, le documentaire de Xavier Harel diffusé sur Arte en octobre 2013, dont Mediapart avait dit le plus grand bien. Mais là où Harel employait l’humour grinçant pour souligner l’absurdité de l’évasion fiscale au niveau mondial, Crooks et Alepin ont choisi une tonalité plus sombre, faisant défiler témoins et arguments sur fond de nuages d’orage menaçants et de musique lourde.

De l’État providence à l'« État concurrence »

Pas de révélation fracassante dans leur travail, mais une mise en cohérence réussie de toutes les bribes racontant l'élaboration du système mondial actuel, où l’un des avantages compétitifs majeurs des entreprises réside dans leur capacité à éviter l’impôt. Quand il ne s’agit pas tout simplement de frauder le fisc. C’est en quelque sorte la mise en images, convaincante, de ce qu’on trouve dans les trois principaux livres disponibles en français sur la question : le classique de 2006 cosigné par le journaliste Christian Chavagneux et Ronen Palan (interviewé dans le film), l’ouvrage mordant du Britannique Nicolas Shaxson et l’excellent livre de Xavier Harel.

On voit donc l’économiste et activiste Saskia Sassen théoriser la rupture du contrat social lorsqu’une partie très importante de la population bénéficie de privilèges fiscaux, comme si elle était une nouvelle noblesse, face à un tiers état à qui rien n’est épargné. On écoute Shaxson, secondé très efficacement par le père William Taylor, pasteur et député travailliste local, raconter comment la City est devenue la plus grande place financière offshore du monde dès les années 1970, à la faveur de la création des « eurodollars », ces billets virtuels qui pouvaient être échangés partout sauf aux États-Unis et qui ont lancé la finance mondialisée.

On redécouvre, dans la bouche de Thomas Piketty, comment les réformes libérales engagées par Ronald Reagan et Margaret Thatcher ont fait le lit de la remontée en flèche des inégalités dans les pays développés. Et comment l’État providence est devenu un « État concurrence ».

 


Parmi les passages obligés de la démonstration, on se régalera des extraits des auditions très musclées menées contre Amazon, Yahoo ou la banque Barclays par les députés britanniques (que nous avons suivies ici et ). Tout comme de l’interrogatoire au couteau de Tim Cook, patron d’Apple, et de ses lieutenants par le démocrate américain Carl Levin qui, avant de prendre sa retraite il y a quelques mois, avait démontré qu’une des filiales de l’entreprise accumulant le plus d’argent était un fantôme fiscal ne payant aucun impôt…

 

Autre rappel très utile : Alain Deneault, que nous interrogions ici, détaille le rôle important du Canada dans l’éclosion des paradis fiscaux caribéens, aujourd’hui si précieux aux multinationales américaines. Il est à ce titre délicieux, ou glaçant, de voir cette interview d’époque de Jim MacDonald, célèbre avocat installé aux Caïmans dès le début des années 1960, qui déclare placidement : « Je ne ressens aucune honte à ne pas payer d’impôts. »

Le film laisse une place aux arguments des défenseurs du système actuel, en faisant s’exprimer assez longuement Tim Ridley et Richard Rahn, respectivement ex-président et ex-directeur de l’autorité monétaire des îles Caïmans, ou Stuart Fraser, un ancien responsable de la Corporation de la City. Un passage clé montre d’ailleurs Fraser, ce symbole des symboles des lobbyistes financiers, affronter la foule lors du mouvement « Occupy London » en 2011. Un certain courage qui ne lui a pas attiré la sympathie des manifestants, au contraire d’une figure centrale du documentaire, qu’on voit en plein dans son élément parmi les activistes, s’attirant leurs acclamations après une riposte aux arguments du représentant de la City. Il s’agit de John Christensen, le dirigeant et fondateur du Tax justice network, l’ONG la plus pointue dans la lutte contre l’évasion fiscale.

Originaire de Jersey, paradis fiscal bien établi où nous l’avions rencontré, Christensen a été le conseiller fiscal du gouvernement local pendant douze ans, avant de se détourner de son métier et de s’opposer férocement à ses anciens camarades. Les militants et les sympathisants du Tax justice network sont omniprésents dans Le Prix à payer. « C’est vrai que nous leur avons laissé une place particulière, reconnaît Brigitte Alepin. Il n’y a pas beaucoup de personnes qui connaissent si bien le système et qui sont en même temps capables d’en parler clairement. Ils nous ont passé beaucoup d’informations et nous ont orientés. »

La « taxe Robin des bois »

La dernière partie du film se détache des constats et de la thématique de l’optimisation fiscale à proprement parler, en s’intéressant à la taxe sur les transactions financières, dont l’instauration est pour l’instant en panne en Europe, comme Mediapart le raconte ici. Le lien entre ces deux versants du film n’est peut-être pas limpide pour le spectateur, mais il paraît évident pour le réalisateur, qui dénonce les dérives du monde de la finance, à l’heure où, trading à haute fréquence oblige, la durée moyenne de détention d’une action ne se compte plus en mois ou en jours, mais en secondes.

« Je me suis rappelé une phrase de l’auteur russe Anton Tchekhov, qui disait que si vous accrochez un fusil au mur au premier acte dans une pièce de théâtre, alors il faut l’utiliser au troisième acte. J’avais montré au premier acte que la City de Londres et les grandes banques (mes bêtes noires) sont les créateurs des juridictions du secret connues sous le terme de “paradis fiscaux”, explique-t-il. Dans l’acte trois, je voulais donc me concentrer sur les remèdes disponibles. L’un des remèdes les plus évidents (même s’il est principalement symbolique) est d’imposer aux spéculateurs une taxe sur les transactions financières, celle que les activistes de la société civile nomment “taxe Robin des bois”. »

Cette conviction forte a donné naissance à l'une des belles surprises du film. On y rencontre Sam Holloway, un pompier noir de Chicago, dont le réalisateur a déniché l’histoire dans un hebdo alternatif, le Chicago Reader. Fin 2012, sa brigade a perdu l’un de ses responsables dans un feu d'immeuble. Et lorsqu’il est venu lui rendre hommage, le maire de Chicago, Rahm Emanuel, ancien bras droit de Barack Obama, en a profité pour annoncer aux pompiers que leur système de retraite menaçait de faire faillite, et qu’il faudrait donc réduire leurs pensions. Le pompier Holloway lui a alors proposé de taxer à la place les transactions se déroulant tous les jours à la Bourse de Chicago, célébrissime marché mondial de matières premières, et au Chicago Mercantile Exchange, son petit frère spécialisé dans les produits dérivés.

« Le “Merc” est le plus grand marché de produits dérivés du monde, et c’est le trading non régulé de ces produits qui a failli faire s’effondrer l’économie mondiale, rappelle Harold Crooks. J’ai su que Holloway était mon homme : une forte présence qui parlerait à M. et Mme Tout-le-monde. » Le film sort en France avant tous les autres pays, mais il a déjà été montré plusieurs fois, au Canada et ailleurs. « Le public trouve en général que la scène où Sam Holloway explique sa proposition de taxe sur les transactions est une des plus convaincantes du film », témoigne le réalisateur. Le public n’a pas tort.

 

 

Source : www.mediapart.fr

 

 

 

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4 février 2015 3 04 /02 /février /2015 14:36

 

Source : www.mediapart.fr

 

L'élection grecque relance le débat économique à Berlin

|  Par Amélie Poinssot

 

 

Le débat économique outre-Rhin a longtemps semblé gelé. Hégémonie de la pensée orthodoxe, reconduction d'Angela Merkel pour un troisième mandat, inflexibilité allemande sur la dette grecque. Pourtant, tout le monde n'approuve pas les choix économiques de la chancelière. Le changement de majorité à Athènes relance le débat.

 

 

C'est une rencontre que tous les commentateurs attendent avec impatience. Ce jeudi 5 février, Yanis Varoufakis rencontre Wolfgang Schäuble. L'iconoclaste ministre des finances grecs, tout aussi brillant qu'insolent à l'égard de l'establishment européen, face au gardien de l'orthodoxie budgétaire, dont l'arrogance n'a fait qu'excéder les Grecs ces dernières années. L'échange promet d'être vif. L'économiste grec a déjà commencé à faire le tour des capitales ces derniers jours, avec une nouvelle proposition en poche pour restructurer la dette et en réduire une bonne partie, avec l'introduction, notamment d'obligations « perpétuelles » (obligations sans échéance de remboursement, mais soumises à des intérêts). Le premier ministre Alexis Tsipras fait de même, Bruxelles et Paris étaient à son agenda ce mercredi 4 février. Mais c'est bien à Berlin que tout va se jouer...

Dans la capitale allemande, la chancelière s'est montrée jusqu'à présent inflexible. Pas question, pour l'heure, d'un effacement de la dette grecque et de s'éloigner d'un iota de l'austérité budgétaire. Il faut dire que l'Allemagne est exposée, au total, à hauteur de 55 milliards d'euros sur la dette hellène (42 milliards pour la France). Pourtant, outre-Rhin, la vision de Merkel est loin de faire l'unanimité. Et parmi les voix discordantes, certaines viennent de haut. Comme celle de Peter Bofinger, l'un des cinq économistes du « Conseil des sages », une institution proche du gouvernement. Favorable à une dérégulation du marché du travail sans être un défenseur acharné du libéralisme, cet économiste est surtout convaincu que ce n'est qu'un vaste programme d'investissements publics à l'échelle européenne qui permettra la relance. Il est également d'avis qu'il faut rendre le pacte de stabilité plus favorable à la croissance, en accordant aux États qui investissent dans le futur – recherche, éducation, développement – la possibilité de se financer à bas prix sur les marchés. « Le marché est une institution géniale, disait-il dans un récent entretien au quotidien Frankfurter Rundschau. Mais il y a beaucoup de choses qu'il ne sait pas faire. En particulier, il lui est difficile de bâtir de grands projets pour le futur – comme la transition énergétique. »


"Celui qui va à contre-courant", titre le Spiegel, sous une photo de Tsipras 
"Celui qui va à contre-courant", titre le Spiegel, sous une photo de Tsipras

Selon ce professeur de l'université de Würzburg, l'opinion la plus répandue en Allemagne repose sur l'idée que le succès allemand serait dû à l'« Agenda 2010 », cet ensemble de réformes du marché du travail d'inspiration néolibérale impulsées par le chancelier Gerhard Schröder. Or dans cette vision des choses, les faiblesses du début des années 2000 sont exagérées : le poids de la réunification allemande n'a pas été si lourd qu'on le dit, explique en substance Bofinger. Et c'est davantage à sa puissance technologique qu'à l'agenda 2010 que l'Allemagne doit en réalité son succès. En clair, si BMW vend des voitures dans le monde entier, cela n'a rien avoir avec Hartz 4 – du nom de la loi emblématique de ces réformes Schröder, qui a entraîné le développement du travail sous-payé sous prétexte de réintégration des chômeurs. Si cette politique a fonctionné à l'époque, c'est bien parce que les autres pays européens étaient en pleine croissance et achetaient des produits allemands. Une pression salariale sur les autres pays de la zone euro aurait donc aujourd'hui un effet inverse : elle ne ferait que renforcer la récession.

Conséquence : en maintenant le cap de l'austérité et ce, à l'échelle européenne, Merkel fait fausse route. Il est grand temps de changer d'optique sur la Grèce. « La Grèce a besoin d'un inventaire complet de la politique de réformes et de coupes budgétaires des dernières années, inventaire qui devrait être conduit non pas par la Troïka mais par des économistes indépendants, poursuit Peter Bofinger dans cet entretien publié à la veille du scrutin grec. Qu'est-ce qui a été réussi, quelles réformes centrales sont encore à faire, quels sacrifices peut-on encore demander de manière réaliste à la population ? Je pense que Syriza va souffler un air frais sur tout cela. » Au sujet de la dette, le membre du Conseil des sages ne va pas jusqu'à prôner un « haircut » (effacement partiel de la dette) qui serait « politiquement hautement symbolique », mais plutôt un rééchelonnement des remboursements.

D'autres économistes sont plus radicaux. Comme Rudolf Hickel, de l'université de Brême, néokeynésien qui a fait sienne la théorie du « capitalisme de casino » introduite en 1986 par l'Américaine Susan Strange, une analyse qui repose sur la domination croissante des marchés financiers hautement spéculatifs. Rudolf Hickel, lui, est favorable à un « haircut » drastique. C'est la seule manière selon lui d'éviter le retour de la Grèce à la drachme, une perspective qui provoquerait hyperinflation, dévaluation des salaires réels et par ricochet, affaiblissement de l'économie allemande elle-même.

Dans ce scénario, souligne l'économiste dont les thèses étaient explicitées dernièrement par l'hebdomadaire économique Focus, aucune économie exportatrice ne profiterait d'une monnaie dévaluée par rapport à l'euro. L'économiste prône donc une stratégie s'appuyant sur trois piliers : effacement de la dette à hauteur de 80 % à l'image de la conférence de Londres de 1953 qui a alors annulé la plus grande partie de la dette allemande, lancement d'un « plan Marshall » pour la Grèce, lutte efficace de l’État grec contre la corruption et la fraude fiscale. Comme son confrère de Würzburg, Rudolf Hickel porte un regard très critique sur l'Agenda 2010. Selon lui, la pression sur les salaires entraînée par les réformes Schröder a fortement pesé sur la consommation. Ce n'est donc pas dans une compétition à la baisse des salaires qu'il faut se lancer, mais dans une politique d’innovation pour se maintenir à un haut niveau de compétitivité au niveau international.

Les syndicats du côté de Syriza

Sans surprise, Die Linke, le parti frère de Syriza outre-Rhin, membre comme lui du PGE, le parti de la Gauche européenne, soutient pleinement le gouvernement Tsipras. Après les déclarations de la chancelière, ce week-end, qui ne laisse entrevoir aucune concession à Athènes, le chef de la gauche allemande, Bernd Riexinger, a ainsi invité Angela Merkel à se rendre à Athènes, rapporte le journal Rheinische Post. « La "Grexit" (sortie de la Grèce de la zone euro, ndlr) serait pour l'Allemagne la plus onéreuse des solutions imaginables », a-t-il déclaré au quotidien de Düsseldorf. La « Grexit » est en revanche prônée par le parti d'extrême droite europhobe Alternative für Deutschland tout comme par l'IFO, l'institut munichois pour la recherche économique qui produit, entre autres, l'indicateur très influent du moral des patrons outre-Rhin...

Les cercles mainstream, pourtant, ne sont pas unanimes derrière Merkel. Il faut dire que les critiques ont commencé à se propager à l'automne contre ce que l'on appelle outre-Rhin « Die schwarze Null » (le zéro noir), cet objectif de zéro déficit budgétaire sur lequel s'appuie le gouvernement fédéral et désormais inscrit dans la Loi fondamentale. De plus en plus d'économistes poussent à augmenter les dépenses budgétaires ou introduire des allégements fiscaux afin de favoriser la relance.

L'institut hambourgeois de l'économie mondiale HWWI, think tank en partie financé par la chambre de commerce de Hambourg, se distingue ainsi nettement de la ligne gouvernementale. Dans son dernier billet de blog, son directeur, Henning Vöpel, soutient l'« évidence » d'un effacement partiel de la dette grecque. Ce spécialiste de politique monétaire et des marchés, qui a enseigné à l'école de commerce de Hambourg, n'est pourtant pas un hétérodoxe. Il a également dans le passé travaillé pour le gouvernement allemand. « Le résultat électoral est-il le début de la fin ou au contraire l'occasion d'un nouveau commencement en Europe ? » feint-il de s'interroger. Pour écrire ensuite : « Du point de vue de la théorie des jeux, l'issue de la négociation ne peut tenir que dans un équilibre stratégique, qui permette aux deux côtés de ne pas perdre la face : il y aura un léger effacement partiel de la dette pour le maintien d'une Grèce à l'intérieur de la zone euro. En contrepartie Syriza s'engagera à mettre en œuvre la série de réformes qui constitue le cœur de la politique de crise. (… ) Une combinaison d'effacement de dette ET de réformes structurelles peut enfin ouvrir l'espace pour davantage de croissance. » Cet économiste est lui aussi convaincu que la sortie de la Grèce de la monnaie unique serait fatale à la péninsule hellène comme à l'ensemble de la zone euro.

 

"La fin de la Troïka", titrait en une le quotidien économique Handelsblatt mardi 3 février 
"La fin de la Troïka", titrait en une le quotidien économique Handelsblatt mardi 3 février

De leur côté, les syndicats allemands se sont clairement positionnés du côté de Syriza. Dans un communiqué diffusé lundi 2 février et intitulé « La Grèce après l'élection, pas un danger mais une opportunité pour l'Europe », la plateforme « Refonder l'Europe », qui regroupe la plus grande centrale syndicale allemande IG Metall ainsi que d'autres syndicats, mais aussi des sociologues, des économistes (dont Rudolf Hickel) et le philosophe Jürgen Habermas, a pris le contre-pied des positions de Merkel en envoyant un message de soutien au gouvernement Syriza. « Le changement politique en Grèce représente une opportunité, non seulement pour ce pays en difficulté, mais aussi pour la politique économique et sociale de l'Union européenne qui peut dès lors être revue en profondeur. » Les syndicats réitèrent des critiques déjà exprimées : « Les conditions sous lesquelles l'aide financière à la Grèce a été versée, dès le début, n'ont pas le mérite d'être appelées "réformes". L'argent versé jusqu'à présent à la Grèce a surtout servi à la stabilisation du secteur financier, alors que le pays a dû faire face à une politique d'austérité brutale accompagnée de la récession la plus profonde et de la dette publique la plus élevée au sein de l'UE. » Résultat : une crise sociale et humanitaire sans précédent en Europe. « Tout cela n'a rien à voir avec des réformes qui auraient affronté les problèmes réels de la Grèce. Aucun des problèmes structurels du pays n'a été résolu, d'autres au contraire ont été rajoutés. C'était une politique de destruction, pas de construction. » Les syndicats allemands soutiennent les projets de reconstruction et de développement du chef du gouvernement grec, Alexis Tsipras, projets qui devraient s'inscrire dans un « plan d'investissement européen » : il faut accorder « une chance » au nouveau gouvernement grec, plaide le syndicat, afin qu'il mette en œuvre sa politique.

Cette plateforme, « Refonder l'Europe » est née en 2012, pour appeler, face aux politiques d'austérité menées en Grèce et à une Europe en pleine « crise existentielle », à davantage de courage démocratique, de raison économique et de justice sociale. À ce moment-là, déjà, le collectif mettait en cause directement le gouvernement allemand pour avoir imposé son agenda au niveau européen et menacé « d'endommager de manière irréparable les démocraties dans les pays membres »...

Discours dominant dans les médias

Si donc Angela Merkel continue de manière obtuse à s'opposer à la moindre évolution des politiques européennes, les propositions d'alternatives sont en réalité nombreuses outre-Rhin et l'ordolibéralisme ne fait pas l'unanimité. L'Institut de recherche sur la macroéconomie et la conjoncture de la Fondation Hans-Böckler – une émanation de la confédération allemande des syndicats DGB – s'est lui aussi invité dans le débat. Gustav Horn, son directeur scientifique, s'oppose, certes, à un effacement de la dette grecque. Dans un entretien le 30 janvier accordé à Neues Deutschland, il explique qu'une telle opération serait « superflue » et « dommageable » et conduirait à une forme de « discrédit des créanciers », qui ne sont plus des spéculateurs, mais « des contribuables, qui dans le passé ont aidé le pays » : « La cote sur le marché des capitaux serait alors ruinée et la Banque centrale européenne ne pourrait plus acheter de titres. » En revanche, un plan de relance s'avère plus que jamais nécessaire et l'économiste rejoint, de ce point de vue, le programme de Syriza. « Il faut reconnaître que la combinaison de mesures d'austérité et de réformes structurelles, qui ont hypothéqué la croissance, ont échoué », dit Gustav Horn.

Reste que la plupart des médias allemands ont eu une couverture très critique de la Grèce – quand elle n'a pas été racoleuse et raciste, comme le quotidien populaire Bild qui s'est remis ces dernières semaines à faire des titres sensationnalistes sur les Grecs, comme il avait pu le faire en 2010 ou en 2012. Pour le principal quotidien économique allemand, Handelsblatt, le refus d'Athènes annoncé la semaine dernière de continuer à collaborer avec la « Troïka » (Commission européenne, BCE, FMI, alliage formé ad hoc en 2010) augmente la probabilité d'un retour à la drachme. De son côté, l'hebdomadaire de référence Der Spiegel faisait sa une sur Tsipras en titrant « Celui qui va à contre-courant ». Mais est-ce la Grèce... ou bien l'Allemagne qui est à contre-courant aujourd'hui ?

 

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photos et chiffres à l'appui, "Bild Zeitung" demande "Pq vous ne payez pas d'impôts, vous les Grecs super riches?"

 

Une page du quotidien populaire Bild tweetée par le correspondant de RFI à Berlin

Au fond, la question est de savoir pourquoi outre-Rhin le discours dominant – qu'il soit politique, celui de la coalition CDU/SPD au pouvoir, ou médiatique – reste celui de la rigueur budgétaire. À ce sujet, le politiste autrichien Robert Misik livre une analyse intéressante dans son dernier billet de blog publié le 2 février. L'Allemagne, écrit-il, continue de penser à contre-courant du monde entier. Mais les véritables tenants et aboutissants des postures économiques ne sont jamais expliqués dans les articles de presse, toujours réduits à une opposition « économie allemande » versus « dépenses grecques », et où Tsipras est présenté comme voulant rendre Merkel responsable du malaise grec. « C'est bien entendu factuellement faux, corrige l'éditorialiste. Tous les membres du gouvernement Syriza fustigent l'irresponsabilité des élites grecques. »

Autre constat : « Merkel a un bon sens de l'opinion publique et sait l'influencer à son profit. » Or pour les contribuables allemands, tout repose sur l'idée que le pays est économiquement prospère. Mais « tout ce que l'on sait en réalité, c'est qu'il va mieux qu'il y a dix ans ». Comme les économistes critiques sur la politique menée ces dix dernières années, Robert Misik souligne qu'une politique d'austérité ne marche pas si tous les pays du même marché se mettent à la pratiquer en même temps. Autrement dit, cela a fonctionné pour l'Allemagne parce que cela a créé à son profit un avantage comparatif au sein d'une Europe qui ne prenait pas alors le même chemin. Mais la majorité de la population n'a pas cela en tête ; pour elle, la chancelière incarne le « cap de la compétitivité » érigé comme raison de la réussite économique allemande. Le résultat, écrit l'auteur, c'est une pensée hégémonique dans le pays – et la crainte, pour les penseurs alternatifs, de passer pour déviants.

En conséquence, les hétérodoxes auraient même tendance à se rapprocher du courant majoritaire afin d'être pris en considération par celui-ci. Et le SPD, par peur de s'isoler sur la scène intérieure, n'oserait pas faire de propositions alternatives. « C'est le serpent qui se mort la queue, conclut Robert Misik. Parce que des positions intelligentes sont marginales en politique, elles sont marginales dans la presse, et c'est pourquoi elles sont en retour marginales en politique… C'est un jeu sans fin aux répercussions multiples. Et c'est comme ça qu'on arrive aujourd'hui à un SPD aux positions économiques plus à droite que celles du FMI. Ce sont les raisons de l'irrationalité allemande d'aujourd'hui. »

 

 

Source : www.mediapart.fr

 


 


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3 février 2015 2 03 /02 /février /2015 18:45

 

 

Source : www.arte.tv/guide/fr

 

 

La dette, une spirale infernale ?
mardi 03 février à 20h50 (81 min)
  Rediffusion jeudi 19.02 à 8h55

 

Au lendemain de la victoire de Syriza en Grèce et de l’annonce par la BCE du rachat des dettes souveraines, une captivante enquête politico-financière aux accents de polar sur l'histoire et l'économie de la dette, qui confronte les points de vue européens sur les solutions envisageables à la crise

 

 

 

 


Source : www.arte.tv/guide/fr

 

 


 

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3 février 2015 2 03 /02 /février /2015 17:40

 

Source : cadtm.org

 

CADTM

 

Grèce

Nos meilleurs alliés, les 300 000 de Puerta del Sol !

2 février par Yorgos Mitralias

 


Pablo Iglesias ne pouvait pas imaginer combien précieux, utile et à point nommé serait le cadeau qu’il allait faire à Alexis Tsipras et à son gouvernement quand, il y a trois mois, il décidait d’organiser sa première grande démonstration de force le 31 janvier à Madrid.

En remplissant l’immense et emblématique Puerta del Sol et les rues environnantes par 300 000 manifestants, qui n’ont pas arrêté de crier « Si, se puede » et « El pueblo unido jamas sera vencido », Iglesias a montré aux divers Juncker, Merkel, Hollande ou Cameron ainsi qu’aux autres « ceux d’en haut » européens, non seulement que la Grèce de Syriza n’est plus seule, mais aussi que le fossé entre nos gouvernements néolibéraux et leurs sociétés est en train de se creuser dangereusement ! En d’autres termes, la démonstration de force des Podemos espagnols est arrivée à point nommé pour effrayer nos bourreaux néolibéraux et aussi, pour les mettre en demeure de ne pas trop brutaliser le jeune gouvernement grec s’ils ne veulent pas voir se multiplier en Europe les Podemos et les Syriza…

Cependant, le message des 300 000 Podemos de Madrid avait aussi un deuxième destinataire : le gouvernement Tsipras et Syriza lui-meme. En effet, à l’heure où leurs dirigeants multiplient les déclarations d’apaisement et les rencontres avec les « partenaires européens » à la recherche des soutiens et des alliances internationales, l’énorme manifestation de Puerta del Sol montre très concrètement non seulement que le plus fidèle allié est... l’allié de classe, mais aussi que cet allié de classe et "movimentiste" offre le plus tangible –sinon l’unique- des soutiens !

Le message est donc double et ses destinataires feraient bien de tirer au plus vite leurs conclusions. Quant à nous, on se limite à une dernière remarque : même à leur insu, les 300 000 manifestants de Puerta del Sol dépassent en efficacité toutes les déclarations d’apaisement et toutes les rencontres avec les chefs et les dignitaires du conclave néolibéral européen. Une raison de plus pour essayer de rendre ces manifestants encore plus nombreux dans tout notre vieux continent, puisqu’aucun argument ne sera jamais aussi convaincant que celui qui a comme base matérielle les innombrables « ceux d’en bas », les êtres humains en chair et en os !...

Athènes, le 31 janvier 2015

Cet article venait d’être publié dans les médias grecs quand est tombée la nouvelle suivante : inspirés par le succès électoral mais aussi par le programme de Syriza, 15 députés du Parti travailliste britannique viennent de fonder le mouvement « Syriza 15 » qui professe l’annulation du programme d’austérité du Parti travailliste, la renationalisation des entreprises dont la privatisation a conduit à l’échec, la renationalisation des chemins de fer, l’abolition des lois anti-ouvriers de Thatcher… Manifestement, Syriza est en train de faire des émules de par l’Europe…

 

 

Source : cadtm.org

 


 

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