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11 février 2015 3 11 /02 /février /2015 15:35

 

 

Source : www.mediapart.fr

 

Le président des jeunes UMP se met en congé, car sans-papiers

|  Par La rédaction de Mediapart

 

 

 

Le Canard enchaîné révèle que Stéphane Tiki, président de nationalité camerounaise des « jeunes populaires » de l'UMP, se trouverait en situation irrégulière. Celui-ci a annoncé qu'il se mettait en congé de ses responsabilités, expliquant que sa demande de naturalisation était « en cours ».

 

Selon Le Canard enchaîné, Stéphane Tiki serait un étranger en situation irrégulière. Le président des jeunes populaires, de nationalité camerounaise, ne serait pas français et ne détiendrait pas de titre de séjour. Celui-ci a annoncé qu'il se mettait en congé de ses responsabilités, expliquant que sa demande de naturalisation était « en cours ».

Sur Facebook, Tiki dit : « Ce que je peux lire dans la presse sur la situation me concernant est inexact et mensonger (…) Je vis en France, j'ai étudié au lycée Français et en France, je travaille en France. Je respecte les institutions et surtout j'aime profondément la France ! » Proche de Geoffroy Didier, l'un des leaders du courant très droitier « La droite forte », il militait il y a quelques mois contre le droit de vote des étrangers.

capture d'écran du compte twitter de Stéphane Tiki, le 6 octobre 2014 
capture d'écran du compte twitter de Stéphane Tiki, le 6 octobre 2014
Source : www.mediapart.fr


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11 février 2015 3 11 /02 /février /2015 15:17

 

Source : www.okeanews.fr

 

Cette dette que l'Allemagne doit encore à la Grèce : entretien avec l’historien de l’économie Albrecht Ritschl

Dans une interview datant de novembre 2014, Albrecht Ritschl, professeur d’histoire économique de la London School of Economics, discute des dettes de guerre de l’Allemagne et des réparations dues à la Grèce après la deuxième guerre mondiale. Selon lui, l’Allemagne est le plus grand fraudeur de la dette du 20ème siècle.


10 février 2015 
26     dernière mise à jour le 10/02/2015   

Albrecht Ritschl, professeur d'histoire économique à la London School of Economics.

Albrecht Ritschl, professeur d'histoire économique à la London School of Economics. (Capture d'écran via Proud2bGreek1 / YouTube)

Michael Nevradakis : Beaucoup de gens ignorent tout du prêt que le régime nazi a imposé à la Grèce pendant la Deuxième guerre mondiale. Faîtes nous un résumé de ce problème.

Albrecht Ritschl : Les éléments essentiels sont les suivants : pendant l'occupation, l'Allemagne a forcé la Banque de Grèce à lui prêter de l'argent, ce prêt forcé n'a jamais été remboursé et il est probable que personne n'ait jamais eu l'intention de le faire. Nous avons là une tentative de déguisement, de camouflage, pourrait-on dire, des frais d'occupations en prêt forcé – et ce prêt avait bien des mauvais côtés. Il a alimenté l'hyperinflation grecque, qui avait déjà lieu à cause de l'occupation italienne, et surtout, il a ponctionné des ressources vitales. Ce qui a eu pour conséquence une baisse catastrophique de l'activité économique ; et cela n'a rien fait pour rendre l'occupation allemande moins impopulaire qu'elle ne l'était avant. Cela a raffermi la résistance grecque dans sa résolution et a eu pour effet tout un tas de choses très tragiques et néfastes.

Les Nazis ont-ils forcé d'autres pays occupés à leur accorder des prêts ?

Oui, c'était une façon de faire très fréquente et largement utilisée. Juste pour vous expliquer un peu ce qui se passait alors, les Nazis avaient instauré un système monétaire à taux fixe dans les pays occupés, en alignant les taux de change sur le reichsmark, la devise allemande de l'époque, plus ou moins à leur gré. Le système était centralisé à la banque centrale allemande, la Reichsbank de Berlin, grâce à un système de créance à court terme, comme des comptes à découvert, et l'Allemagne était à découvert en ce qui concerne les pays occupés – ce qui a créé l'illusion de paiements.

Quand les officiers allemands se rendaient dans des usines françaises, belges ou néerlandaises – dans les trois pays d'où l'Allemagne tirait la plus grande partie de ses ressources et réquisitionnait des machines et des matières premières – ils payaient effectivement, et ces paiements étaient essentiellement crédités sur leurs comptes nationaux à la Reichsbank. Le prêt imposé à la Grèce a suivi un schéma similaire. Comme je l'ai déjà dit, l'essentiel de ces prêts provenait majoritairement des pays d'Europe de l'Ouest. La Grèce, à cause de son économie réduite, ne représentait qu'une fraction de tout cela. Néanmoins, les effets sur l'économie grecque ont été dévastateurs.

Que s'est-il passé après la Deuxième guerre mondiale en ce qui concerne les prêts forcés de la Grèce et des autres pays concernés – ainsi que des réparations et des remboursements des dettes de guerre allemandes en général ?

Vous seriez surpris d'apprendre qu'il ne s'est rien passé, et la raison est la suivante : après l'invasion des Alliés et la chute du régime nazi, la première chose que les autorités d'occupation ont fait a été de bloquer toutes les revendications à l'encontre et de la part du gouvernement allemand, en vertu d'une fiction juridique selon laquelle le gouvernement et l'État allemand n'existaient plus. La question était alors de savoir ce qu'on allait en faire après la mise en place de nouvelles structures étatiques à la fin des années 1940. La question était très controversée, car beaucoup de gouvernements d'Europe de l'Ouest disaient : "Nous sommes tous tellement heureux de refaire du commerce et de renouer des relations économiques avec l'Allemagne occupée, et au fait, nous avons toujours ces comptes qui n'ont pas été liquidés avec les Allemands… Et si les Allemands nous livraient tout simplement des marchandises pour combler les déficits de ces comptes ?"

C'est devenu une préoccupation majeure pour les occupants, surtout pour les Américains, puisqu'ils craignaient beaucoup que les zones occupées de l'Allemagne saignent l'économie avec un tel système de remboursement des prêts de guerre, et les Américains cherchaient avant tout à renflouer et relancer l'Allemagne. Les raisons de leur inquiétude trouvaient leurs racines dans l'histoire des réparations à la fin de la Première guerre mondiale, quand un système similaire avait été mis en place après la fin de l'hyperinflation allemande. C'était un projet américain de stabilisation de l'économie allemande, le plan Dawes, qui fonctionnait comme suit : l'Allemagne payait des réparations aux alliés occidentaux et les États-Unis fournissait une aide financière à l'Allemagne. Entre 1924 et 1929 ce système était hors de contrôle et c'était en fait les États-Unis qui finançaient les réparations allemandes.

Donc les Américains, après la Deuxième guerre mondiale, craignant de voir ce schéma se répéter, ont bloqué tout cela. Comment l'ont-ils bloqué ? Grâce à un dispositif ingénieux quoiqu'un peu malveillant : tout pays souhaitant recevoir l'aide du plan Marshall devait signer une renonciation dans laquelle il abandonnait toute poursuite financière à l'encontre de l'Allemagne en échange de l'aide du plan Marshall. Cela ne revenait pas à bloquer complètement les réclamations mais à les repousser jusqu'à l'époque où l'Allemagne aurait remboursé l'aide qu'elle avait reçue du plan Marshall. En termes techniques, cela a placé les réparations et les demandes de remboursements faites à l'Allemagne à un rang inférieur à celui du plan Marshall. Et comme tout le monde voulait recevoir l'aide du plan Marshall, tout le monde a signé les renonciations à contrecœur. La situation pendant la période du plan Marshall était donc celle-ci : les dettes existaient encore sur le papier, mais elles ne valaient plus rien en ce sens que la dette était bloquée.

Combien dit-on que l'Allemagne doit à la Grèce et aux autres pays pour ce qui est des dettes de guerre ?

La dette due à la Grèce était de l'ordre d'un peu moins de 500 millions de reichsmarks ; la dette totale due à l'Europe de l'Ouest sur les comptes de compensation était d'environ 30 milliards de reichsmarks. De nos jours ça n'a l'air de rien, mais cela prend tout son sens si je vous dis que le montant total équivalait à environ un tiers du Produit National Brut de l'Allemagne en 1938, un an avant que l'Allemagne ne déclenche la Deuxième guerre mondiale. Ce n'était pas la seule dette, car l'Allemagne avait manipulé la valeur de la dette grâce au système de taux de change qu'elle contrôlait.

Il y a des calculs faits par les fonctionnaires du gouvernement allemand vers la fin de la Deuxième guerre mondiale, donc toujours sous le régime nazi, qui essaient de rendre compte de la valeur réelle de la dette totale contractée dans l'Europe occupée, et qui arrivent à des résultats proches de 80 ou 90 milliards. Ce qui se rapproche fortement du PNB de l'Allemagne en 1938 ; disons 85 ou 90 %. Nous parlons désormais de très grosses sommes. Juste pour vous donner une idée : le PNB de l'Allemagne l'an dernier [2013, ndlr], était d'un peu plus de deux mille milliards d'euros, disons 90 % de ce chiffre. Nous sommes toujours au-dessus de deux mille milliards d'euros, juste pour vous donner une idée de ce que la dette représentait alors dans le potentiel économique de l'Allemagne.

Y a-t-il un moyen de quantifier cette dette et sa valeur actuelle si on l'ajustait à l'inflation et au taux de change des dernières décennies ?

Il y a plusieurs façons de faire. Ce que je viens de faire en est une, et nous dirions alors que le total de cette dette, si l'on prend le PNB allemand comme mesure et que l'on ne fait pas intervenir l'inflation, la valeur totale de la dette mesurée en pourcentage du PNB allemand sur un an, serait aujourd'hui de plus de deux mille milliards d'euros.

Quels arguments l'Allemagne avance-t-elle, historiquement et présentement, quant au problème des dettes de guerre et des réparations ?

Il y a eu une importante période provisoire avec les Accords de Londres sur la dette allemande. Au début des années 1950, des négociations ont commencé entre l'Allemagne de l'Ouest et les pays créanciers. Une solution a été trouvée – ou plutôt de nouveau imposée par les Américains et dans une certaine mesure par les Britanniques – qui avait deux effets. Premièrement, ils ont réuni les dettes de guerre et les réparations – ce qui n'était pas anodin. Deuxièmement, ils ont tenu des propos confus, qui étaient ouverts à l'interprétation, disant que l'on repoussait la résolution de ces problèmes jusqu'à la réunification de l'Allemagne. Pourquoi ces deux points sont-ils importants ?

Le premier point est le suivant : si vous réunissez les dettes de guerre et les réparations allemandes, vous mettez tout dans le même sac. Et il ne fait aucun doute que l'Allemagne a payé des réparations considérables en nature après la Deuxième guerre mondiale, principalement à travers deux choses : les livraisons forcées – qui étaient très importantes pour ce qui est devenu ensuite l'Allemagne de l'Est – et la cession de territoires, qui sont désormais une partie de la Pologne et, dans une moindre mesure, de la Russie, ce que nous pouvons dans les deux cas appeler des réparations en nature. Donc si vous réunissez les dettes de guerre et les réparations, la balance est plus légère, car ces réparations en nature ont été considérables. Le second point ce sont ces propos confus repoussant la résolution de ces problèmes aux lendemains de la réunification allemande, car la grande question était alors de savoir si cette clause, l'article 5 des accords de Londres, constituerait une obligation après la réunification allemande, qui a effectivement eu lieu en 1990.

En ce moment la presse et les médias parlent beaucoup de la success story de l'économie allemande, de sa responsabilité budgétaire, que l'on compare à l'irresponsabilité budgétaire supposée des pays d'Europe du Sud, comme la Grèce. Mais vous soutenez que l'Allemagne a été le plus grand fraudeur de la dette au 20ème siècle. Pourquoi pensez-vous que c'est le cas ?

Eh bien, nous pouvons juste faire parler les chiffres, et j'ai déjà parlé de ces dettes de guerres presque égales au rendement économique de l'Allemagne en 1938, quand l'Allemagne connaissait le plein-emploi. Donc au fond, ces sommes n'ont jamais été remboursées. Nous avons de plus la dette publique de l'Allemagne, qui a été effacée par une réforme monétaire entreprise par les Américains dans les zones occupées de l'Allemagne de l'Ouest et par les Soviétiques dans les zones occupées de l'Allemagne de l'Est en 1948. Les Soviétiques ont totalement effacé la dette publique ; les Américains en ont effacé 85 %. Si maintenant nous additionnons tout cela et essayons de parvenir à un total global, à la fois interne et externe, effacé par la réforme monétaire et les accords de Londres, nous arrivons à un chiffre qui est approximativement – c'est très approximatif, juste pour avoir un ordre d'idée – quatre fois le revenu national de l'Allemagne. Pour donner un ordre d'idée actuel, si l'on accepte que le PNB est de l'ordre de deux mille milliards d'euros, ce qui fait plus de deux mille milliards et demi de dollars, nous parlons alors d'un défaut de paiement et d'un allègement de dette de l'ordre de dix mille milliards de dollars. J'aurais tendance à penser que c'est sans équivalent dans l'histoire du 20ème siècle...

 

*Suite de l'article sur okeanews

 

 

Source : www.okeanews.fr

 

 

 

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11 février 2015 3 11 /02 /février /2015 15:13

 

Source : www.okeanews.fr

 

 

L'euro va s'effondrer en cas de départ de la Grèce, selon Varoufakis


9 février 2015 

Yanis Varoufakis à Londres

Yanis Varoufakis à Londres

 

Si la Grèce est contrainte à sortir de la zone euro, d'autres pays suivront inévitablement et le bloc de la monnaie s'effondrera, a déclaré dimanche le ministre grec des finances Yanis Varoufakis.

Le nouveau gouvernement de la Grèce tente de renégocier les remboursements de sa dette et a commencé à faire reculer les politiques d'austérité convenues avec ses créanciers internationaux.

Dans une interview sur la chaîne italienne RAI, Varoufakis a déclaré que les problèmes d'endettement de la Grèce doivent être résolus dans le cadre d'un rejet des politiques d'austérité pour la zone euro dans son ensemble. Il a appelé à un «New Deal» : programme massif d'investissement financé par la Banque européenne d'investissement.

"L'euro est fragile, construit comme un château de cartes, si vous retirez la carte grecque, les autres vont s'effondrer" a déclaré Varoufakis selon une transcription de l'entrevue publié par la RAI...

 

*Suite de l'article sur okeanews

 

 

Source : www.okeanews.fr

 

 

 

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10 février 2015 2 10 /02 /février /2015 16:58

 

 

Source : www.lemonde.fr

 

 

En Irlande, l'Alliance anti-austérité rêve de marcher dans les pas de Syriza et Podemos

Le Monde.fr | 10.02.2015 à 10h47 • Mis à jour le 10.02.2015 à 16h46 | Par Camille Bordenet (Dublin, envoyée spéciale)

 
 

 

Meeting de l'Alliance anti-austérité. Son leader, Paul Murphy, veut s'inspirer de Syriza et Podemos pour créer une alternative d'extrême-gauche en mesure de s'imposer face aux partis traditionnels.

 

Il n’y a déjà plus de fauteuils pour les retardataires. Qu’importe, des grappes de jeunes gens se massent au fond de la salle. Mercredi 4 février au soir, dans le centre-ville de Dublin, on est venu écouter Paul Murphy, le jeune chef de file et député de l’Alliance anti-austérité (AAA), un mouvement d’extrême gauche lancé en mai. Celui que certains surnomment déjà le « Tsipras irlandais » revient tout juste d’Athènes. Il a vu. Ce jour où l’Europe a basculé. Ce jour où le parti de la gauche radicale grecque, Syriza, a arraché le pouvoir. Déjà, la salle se tait, haletante. « Irlandais, il ne faut pas laisser passer cette opportunité historique de s’unir contre l’austérité. Syriza a ouvert la voie, à nous de suivre », lance Paul Murphy, 31 ans, des airs d’adolescent mais une verve de tribun. « Comment a-t-on pu accepter d’être asservis à la troïka [Fonds monétaire international, Banque centrale européenne, Commission européenne] quand d’autres ont le courage de dire stop ? », renchérit-il sous les vivats.

L’Irlande s’est officiellement soustraite à la tutelle de la « troïka » fin 2013 et le pays renoue enfin avec la croissance mais chacun, ce soir, porte encore les stigmates de six années d’austérité. Chacun s’accroche à ses espoirs, aussi. « Si ça a marché pour les Grecs, pourquoi pas pour nous ? », veut-on croire. Il n’est pas trop tard pour entrer en résistance. Il n’y a qu’à voir, depuis septembre, l’ampleur nationale qu’ont prise les manifestations contre la facturation de l’eau potable, cet engagement pris par Dublin dans le cadre du plan d’aide financière que les Irlandais voudraient justement oublier. La promesse du gouvernement de coalition d’Enda Kenny d’alléger la taxe n’a pas suffi à calmer l’exaspération.

 

Lire (édition abonnés) : L’onde de choc grecque frappe l’Irlande, le bon élève de la « troïka »

 

Une reprise qui semble inaccessible

Alors que les premières factures doivent tomber en avril et coûteront plusieurs centaines d’euros par an aux ménages, les campagnes appelant au non-paiement sous le mot d’ordre « No way, we won’t pay » (« pas question, on ne paiera pas »), essaiment à travers le pays. Du jamais vu depuis l’indépendance en 1922. Pas même au plus fort de la crise financière. Car l’eau cristallise tout le reste. Coupes dans les dépenses publiques, baisse des salaires, augmentation des impôts : la rigueur budgétaire – dont le pays est officiellement sorti en octobre – a demandé trop d’efforts aux Irlandais. Le taux de chômage a certes baissé, mais avoisine toujours les 10,7 %. Et, alors que le gouvernement les serine avec la reprise économique, une grande partie des 4,5 millions d’habitants n’en ressent toujours pas les effets. « Les 99 % de gens ordinaires voient qu’on fabrique une reprise pour les 1 % de riches aux dépends du reste de la population qu’on continue à saigner », tance Paul Murphy. Le député a encore sa carte au Parti socialiste (trotskiste), qu’il a intégré à l’âge de 18 ans.

Lire l’analyse (édition abonnés) : L’Irlande sort à petits pas de sept années d’austérité

Une formation « partie de la rue, qui laisse des gens normaux faire de la politique », c’est ce qui a plu à Sean Malone, 24 ans, militant de l’AAA. Lui a compris un peu trop tôt ce que voulait dire « la crise » : en 2009, son lycée perd la moitié de ses enseignants, dont celui qui s’occupe de soigner sa dyslexie. « A 18 ans, j’ai réalisé que le système irlandais n’offrait pas de futur. Ça a signé le début de mon engagement en politique », résume le jeune homme, aujourd’hui serveur. Comme de nombreux jeunes Irlandais, il aurait pu s’exiler en Australie ou aux Etats-Unis. Ses parents l’y encourageaient. Il a préféré rester pour se battre. Et espérer convaincre d’autres jeunes de faire le même choix, à l’heure où l’émigration de masse inquiète. « Dans deux ans, on pourra avoir fait de l’AAA la force de gauche radicale qui changera le pays, à l’image de Syriza et Podemos [le parti anti-austérité espagnol], veut croire l’activiste. Mais pour y parvenir, il faut que les jeunes restent. »

Lire aussi le reportage (édition abonnés) : Des jeunes Irlandais en colère refusent l'« émigration forcée »

La soixantaine, Christine Sherry et Philomena Foster, elles, ne sont plus « toutes jeunes », conviennent-elles en riant, attablées autour de leur thé brûlant. Leurs enfants partis s’installer sur d’autres continents, elles ont décidé de consacrer leur temps libre à militer pour l’AAA. Inépuisables, les deux copines sillonnent les quartiers pour organiser débats et meetings, toujours armées de flyers, prêtes à tracter. Elles s’essaient « même » à Twitter et Facebook.

Mais sous ses airs bon enfant, la jeune formation pourrait aussi pâtir de son activisme. Le 9 février, Paul Murphy et plusieurs opposants à la taxe sur l’eau ont ainsi été placés en garde à vue plusieurs heures – avant d’être finalement relâchés –, pour être questionnés sur leur possible lien avec un incident impliquant une ministre, lors d’une manifestation en novembre. « Une tentative de plus de dénigrer le mouvement contre la taxe sur l’eau », a immédiatement réagit l’AAA, certains militants dénonçant un « coup politique et médiatique ».

Désobéissance civile

 

Sept mois que Derek Mac An Ucaire, Brendon Condron et Gerard Kelly, ont réglé leur réveil à 5h du matin pour mener bataille contre les ouvriers de la compagnie Irish Water chargés d’installer les compteurs d’eau à chaque habitation.

 

Dans le quartier ouvrier de Crumlin, dans le sud de la capitale, la résistance fait moins de bruit, tapie dans la nuit glaciale. Elle n’en est pas moins efficace. Voilà sept mois que Derek Mac An Ucaire, Brendon Condron et Gerard Kelly ont réglé leur réveil à 5 heures du matin pour mener bataille contre les ouvriers de la compagnie Irish Water chargés d’installer les compteurs d’eau à chaque habitation. « Quand ils arrivent, on se positionne derrière les barrières de sécurité pour les empêcher d’accéder aux canalisations. C’est de la désobéissance civile », explique Derek, gaillard d’une quarantaine d’années, qui surveille les rues alentour en tentant de se réchauffer les mains. Une désobéissance d’autant plus légitime, considère-t-il, que les Irlandais « paient déjà l’eau dans leurs impôts ».

Les trois hommes aussi ont déjà été arrêtés. « C’est le prix à payer, lâche Brendon en haussant les épaules, tant qu’on est relâchés ». Et cette guerre de tranchée semble payante. « Dans cette rue, ils n’ont pu installer que deux compteurs en une semaine », se félicite Derek, qui a sacrifié plusieurs journées de travail dans ce combat. Gerard et Brendon, eux, sont au chômage. Gerard poste une photo de la rue où ils se trouvent sur le groupe Facebook du quartier. Un moyen efficace de tenir les habitants au courant de leurs actions. Chaque groupe d’opposants, réparti par quartier, procède ainsi. Ils font aussi du porte-à-porte pour convaincre les riverains de ne pas payer les factures à venir. Les maisonnées de briques rouges sommeillent encore et le siège sera long, jusqu’à 16 heures et la relève du prochain groupe. Mais, déjà, un homme qui réside à quelques pâtés de maison leur donne l’alerte : les travaux commencent dans sa rue. Les trois activistes décampent.

Porter politiquement la mobilisation citoyenne

 

Paul Murphy, 31 ans, chef de file et député de l'Alliance anti-austérité

 

Paul Murphy n’en revient toujours pas. « Pour la première fois, le peuple irlandais a pris conscience de sa force. Pour résister, les gens se sont organisés d’eux-mêmes dans leur quartiers, sans être instrumentalisés », s’exclame-t-il, fébrile. De la même façon que Podemos, en Espagne, a voulu « convertir l'indignation en changement politique » – le titre de son manifeste –, en transformant la mobilisation sociale du mouvement des Indignés en processus électoral participatif, l’Alliance anti-austérité est née de la volonté de porter politiquement les revendications des militants mobilisés contre la taxe sur l’eau. « L’énergie populaire était si grande, il ne fallait pas la laisser retomber », renchérit, intarissable, le chef de file. Sans pratiquement de structure ni de logistique, la petite formation issue de la société civile a déjà remporté quatorze sièges de conseillers lors d’élections locales en mai dernier, et un fauteuil de député.

Le défi consiste désormais à trouver son propre modèle de gauche radicale, « pas une copie de Podemos ou Syriza », et à se muer en « véritable force politique », résume Murphy. Et, d’ici aux élections générales de 2016, premier test d’envergure, le calendrier est serré pour espérer s’imposer dans le paysage politique, dominé depuis l’indépendance par les partis traditionnels : Fine Gael, Fianna Fail (centre-droit) et, dans une moindre mesure, les travaillistes du Labour. D’autant que la place de l’opposition est déjà occupée par les nationalistes de gauche du Sinn Fein (l’ancienne aile politique de l’Armée républicaine irlandaise, IRA), dont le discours anti-austérité attire jusqu’à 23 % des électeurs, selon les derniers sondages. Une tendance que la victoire de Syriza devrait accentuer.

Concurrence à gauche

Dans son bureau du Parlement, adossé à un mur décoré de tee-shirts de football gaélique, Gerry Adams, chef de file du Sinn Fein, a beau jeu de rappeler la « relation fraternelle » qu’il entretient avec Alexis Tsipras, qu’il a appelé avant et après l’élection. « Les programmes de Sinn Fein et de Syriza sont proches », affirme le leader républicain, qui se plaît à employer l’expression de « partis frères ». Comme le nouveau gouvernement grec, M. Adams réclame une conférence européenne sur la dette.

Selon l’analyste politique Johnny Fallon, « qu’il s’agisse de Sinn Fein ou de l’AAA, la percée de la gauche radicale en Irlande dépendra très fortement de l’évolution de la situation en Grèce : si les Grecs obtiennent des concessions de l’UE ou de meilleures conditions de vie grâce au gouvernement de gauche qu’ils ont élu, alors les Irlandais seront tentés de suivre en se disant que c’est la solution à leurs problèmes ».

A quelques couloirs de là, dans le bureau de Paul Murphy, pas question de se laisser impressionner. « Après tout, qui pariait sur Syriza il y a cinq ou six ans ? », font valoir les militants. Un premier objectif approche, déjà : faire en sorte qu’au moins la moitié des foyers irlandais censés payer une facture en avril s’y refusent. « Si on y parvient, ce sera une démonstration de force », estime Paul Murphy. Il lève soudain les yeux vers l’écran de télévision qui retransmet en direct les questions au gouvernement. Son tour approche. Il s’excuse, ramasse prestement ses notes et troque son pull-over élimé pour le blazer pendu derrière lui. Se glissera-t-il, dans quelques années, dans le costume d’un Alexis Tsipras irlandais ? « Trop tôt pour y penser. Il faut d’abord travailler dur pour construire cette nouvelle gauche radicale irlandaise », élude-t-il tandis qu’il s’éclipse pour aller rejoindre l’hémicycle.

 

Source : www.lemonde.fr

 

 

 

 

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10 février 2015 2 10 /02 /février /2015 16:45

 

 

Source : cadtm.org

 

 

SwissLeaks : HSBC, Les barons de la banque et de la drogue

10 février par Eric Toussaint

 


Le cas de la banque britannique HSBC constitue un exemple supplémentaire de la doctrine « trop grandes pour être incarcérées ». |1| En 2014, le groupe mondial HSBC employait 260 000 personnes, est présent dans 75 pays et déclare 54 millions de clients. |2| Au cours de la dernière décennie, HSBC a collaboré avec les cartels de la drogue du Mexique et de Colombie, responsables de (dizaines de) milliers d’assassinats avec armes à feu, dans le blanchiment d’argent pour un montant de 881 millions de dollars. |3|

Les relations commerciales de la banque britannique avec les cartels de la drogue ont perduré malgré les dizaines de notifications et d’avertissements de différentes agences gouvernementales des États-Unis (dont l’OCC -Office of the Comptroller of the Currency-). Les bénéfices obtenus ont non seulement conduit HSBC à ignorer les avertissements mais, qui plus est, à ouvrir des guichets spéciaux dans ses locaux à Mexico, où les narcotrafiquants pouvaient déposer des caisses emplies d’argent liquide, pour faciliter le processus de blanchiment. |4| Malgré l’attitude ouvertement provocante de HSBC envers la loi, les conséquences légales de sa collaboration directe avec des organisations criminelles furent pratiquement nulles. En décembre 2012, HSBC dut payer une amende de 1,9 milliard de dollars - soit l’équivalent d’une semaine de recettes de la banque - pour clore l’affaire de blanchiment. Pas un seul dirigeant ou employé n’a fait l’objet de poursuites criminelles, bien que la collaboration avec des organisations terroristes ou la participation à des activités liées au narcotrafic sont passibles de cinq ans de prison. Être dirigeant d’une grande banque donne carte blanche pour faciliter, en toute impunité, le trafic de drogues dures ou d’autres crimes.

L’International Herald Tribune (IHT) a mené une enquête pour connaître quels débats avaient eu lieu au sein du département de la Justice. Selon les informations obtenues par le journal, plusieurs procureurs voulaient que HBSC plaide coupable et reconnaisse ainsi qu’elle avait violé la loi qui l’obligeait à informer les autorités de l’existence de transactions supérieures à 10 000 dollars identifiées comme douteuses. Cela aurait dû entraîner le retrait de la licence bancaire et la fin des activités de HSBC aux Etats-Unis. Après plusieurs mois de discussion, une majorité de procureurs prit une autre voie et décida qu’il n’y avait pas lieu de poursuivre la banque pour activités criminelles car il fallait éviter sa fermeture. Il convenait même d’éviter de trop ternir son image. |5| L’amende mineure de 1,9 milliard de dollars est assortie d’une sorte de période de probation : si, entre 2013 et 2018, les autorités ont la preuve qu’HSBC n’a pas mis fin définitivement aux pratiques qui ont entraîné la sanction (ce n’est pas une condamnation), le département de la Justice pourrait envisager de rouvrir le dossier. Bref, la mesure peut être résumée par : « Vilain garnement, file-nous une semaine de ta paie et qu’on ne t’y reprenne pas pendant 5 ans ». Nous avons bien là un exemple évident de la formule « trop grande pour être condamnée ».

Combien de milliards une banque doit-elle blanchir avant qu’on considère la possibilité de la fermer ?

En juillet 2013, lors d’une commission sénatoriale qui portait sur l’affaire HSBC, Elizabeth Warren, une sénatrice démocrate de l’Etat du Massachusetts, a mis sur le grill David Cohen, représentant le ministère des Finances, au sein duquel il occupe le poste de sous-secrétaire responsable de la lutte contre le terrorisme et l’espionnage financier. Elle a tenu grosso modo les propos suivant : «  Le gouvernement des Etats-Unis prend très au sérieux le blanchiment d’argent (…). Il est possible de fermer une banque qui s’est engagée dans le blanchiment d’argent, des individus peuvent se voir interdire un métier ou une activité dans la finance, et quelqu’un peut être envoyé en prison. Or en décembre 2012, HSBC… a avoué avoir blanchi 881 millions $ des cartels mexicains et colombiens de la drogue, la banque a également admis avoir violé les sanctions. HSBC ne l’a pas fait qu’une seule fois, elle l’a fait de manière répétée. HSBC a payé une amende mais aucun individu n’a été banni du métier bancaire et on n’a pas entendu parler d’une possible fermeture des activités de HSBC aux Etats-Unis. Je voudrais que vous répondiez à la question suivante : combien de milliards de dollars une banque doit-elle blanchir avant qu’on considère la possibilité de la fermer ?  » Le représentant du Trésor a botté en touche en disant que le dossier était trop complexe pour émettre un avis. |6| La sénatrice a poursuivi en déclarant que lorsqu’un petit vendeur de cocaïne est pincé, il se retrouve pour des années en prison tandis qu’un banquier qui blanchit des centaines de millions de dollars de la drogue peut rentrer tranquillement chez lui sans rien craindre de la justice. Cet extrait de l’audience est disponible en vidéo et vaut la peine d’être visionné. |7|

Stephen Green, patron de HSBC (2003-2010) devenu ministre britannique du Commerce (2011-2013), une figure emblématique

La biographie de Stephen Green constitue une illustration vivante de la relation symbiotique entre la finance et le gouvernement. Cela va même plus loin car il ne s’est pas contenté de servir au mieux les intérêts du grand capital, en tant que banquier puis ministre, il est également prêtre de l’église officielle anglicane et a écrit deux livres sur l’éthique et les affaires, dont un est intitulé « Servir Dieu ? Servir Mammon ? ». |8|Le titre du livre renvoie notamment au nouveau testament : « Aucun homme ne peut servir deux maîtres : car toujours il haïra l’un et aimera l’autre. On ne peut servir à la fois Dieu et Mammon  ». |9| Mammon représente la richesse, l’avarice, le profit, le trésor. On retrouve ce mot en araméen, en hébreu, en phénicien. Parfois Mammon est assimilé à Satan. Quant à Stephen Green, il est honoré par les plus hautes autorités universitaires et est manifestement intouchable.

Passons en revue quelques éléments de sa biographie. Il commence sa carrière au ministère britannique du Développement d’outremer, puis il passe dans le privé et travaille pour le consultant international McKinsey. En 1982, il est engagé par HSBC (Hong Kong Shanghai Banking Corporation), la principale banque britannique, et y occupe rapidement des fonctions à haute responsabilité. Finalement, en 2003, il devient directeur exécutif de HSBC et, en 2006, il accède à la présidence du groupe où il reste jusque 2010.
Les accusations qui sont portées par les autorités américaines en matière de blanchiment de 881 millions de dollars de l’argent des cartels de la drogue et d’autres organisations criminelles portent sur la période 2003-2010. Selon le rapport de 334 pages rendu public par une commission du Sénat américain en 2012, Stephen Green, dès 2005, est informé par un employé de la banque que des mécanismes de blanchiment ont été mis en place dans HSBC au Mexique et que de multiples opérations douteuses ont lieu. Toujours en 2005, l’agence financière Bloomberg basée à New York accuse HSBC de blanchiment d’argent de la drogue. Stephen Green répond qu’il s’agit d’une attaque irresponsable et sans fondement qui met en cause la réputation d’une grande banque internationale au-dessus de tout soupçon. En 2008, une agence fédérale des Etats-Unis communique à Stephen Green que les autorités mexicaines ont découvert l’existence d’opérations de blanchiment réalisées par HSBC Mexique et une de ses filiales dans un paradis fiscal de la Caraïbe (« Cayman Islands Branch »). L’agence ajoute que cela peut impliquer une responsabilité pénale pour HSBC. |10| A partir de ce moment, les autorités états-uniennes de contrôle adressent à la direction de la banque, de manière répétée, des avertissements, souvent assez mous en regard de la gravité des faits. Cette dernière promet de modifier son comportement mais, en réalité, les pratiques criminelles se poursuivent. Finalement, les avertissements sont suivis en octobre 2010 d’une mise en demeure d’arrêter les pratiques délictuelles. |11| Fin 2012, après la présentation publique du rapport de la commission sénatoriale et des mois de débat entre différentes agences de sécurité des Etats-Unis, une amende de 1,9 milliard de dollars est imposée à HSBC.

Stephen Green est bien placé pour savoir ce que faisait la banque au Mexique, dans les paradis fiscaux, au Moyen-Orient et aux Etats-Unis car, en plus de conduire l’ensemble du groupe HSBC, il a dirigé par le passé HSBC Bermuda |12| (établie dans un paradis fiscal), HSBC Mexique, HSBC Moyen-Orient. Il a également été président de HSBC Private Banking Holdings (Suisse) SA et de HSBC Amérique du Nord Holdings Inc.

Stephen Green, prêtre et président de HSBC

Lorsque le public apprend dans le courant de l’année 2012 que HSBC va devoir probablement payer une forte amende aux Etats-Unis pour blanchiment de l’argent des cartels de la drogue, Stephen Green n’est plus le grand patron d’HSBC, il est ministre du gouvernement conservateur-libéral conduit par le premier ministre David Cameron.

Petit retour en arrière pour constater que le timing suivi par Stephen Green a été parfait. Du grand art. En février 2010, il publie le livre intitulé La juste valeur : Réflexions sur la monnaie, la moralité et un monde incertain. Le livre est présenté ainsi au grand public : « Est-ce que quelqu’un peut être à la fois une personne éthique et un homme d’affaires efficace. Stephen Green, à la fois prêtre et président de HSBC, le pense. » |13| On notera évidemment que la «  personne éthique et l’homme d’affaires efficace » sont identifiés au « prêtre et président de HSBC ». La publicité est cousue de fil blanc. A la même époque, il reçoit le titre de docteur honoris causa octroyé par la School of Oriental and African Studies (SOAS) de l’Université de Londres.

En octobre 2010, pour la deuxième fois depuis 2003, la justice des Etats-Unis met en demeure HSBC d’arrêter ses activités criminelles. Le public n’est pas au courant. Il est grand temps pour Stephen Green de quitter le navire. Le 16 novembre 2010, à la demande de David Cameron, il est anobli par la Reine d’Angleterre et devient le « baron » Stephen Green de Hurstpierpoint du Comté du Sussex occidental. Cela ne s’invente pas. Pour un businessman qui a permis de blanchir l’argent des « barons » de la drogue, c’est une belle promotion. A ce titre, il devient membre de la Chambre des Lords le 22 novembre 2010. Vous liriez cela dans un polar, vous vous diriez sans doute que l’auteur exagère.

En décembre 2010, il démissionne de la présidence de HSBC et, en février 2011, il devient ministre du Commerce et de l’Investissement. |14| A ce titre, il met son savoir-faire au service du patronat britannique avec lequel il entretient des relations très fructueuses et étroites puisqu’il occupe depuis de mai 2010 le poste de vice-président de la Confédération de l’industrie britannique. Il joue aussi un rôle important dans la promotion de Londres qui se prépare à accueillir les Jeux Olympiques en juillet 2012. C’est le mois au cours duquel une commission du Sénat des Etats-Unis remet son rapport sur l’affaire HSBC. Stephen Green refuse de répondre à des questions des membres de la chambre des Lords concernant son implication dans ce scandale. Il est protégé par le président du groupe des Lords conservateurs qui explique qu’un ministre n’a pas à venir s’expliquer devant le Parlement pour des affaires étrangères à son ministère. |15|

David Cameron a affirmé en 2013 que Lord Green a réalisé un “superbe job” en intensifiant les efforts du gouvernement britannique pour renforcer les exportations britanniques, pour faire avancer les traités commerciaux et notamment le traité transatlantique entre l’Union européenne et les Etats-Unis. |16| Lord Green a beaucoup œuvré pour augmenter les ventes d’armes britanniques sur les marchés mondiaux. Il a terminé son mandat de ministre en décembre 2013 et dédie son précieux temps à donner des conférences (certainement très bien rémunérées) et à recevoir les faveurs que lui prodiguent de multiples autorités académiques.

Sa carrière n’est certainement pas terminée. Son hypocrisie n’a pas de limites. En mars 2009, alors que HSBC était totalement impliqué dans le blanchiment de l’argent d’organisations criminelles, il a le culot de déclarer lors d’une conférence de presse à propos des responsabilités dans la crise qui a commencé en 2007-2008 : « Ces évènements nous ramènent à la question de l’éthique du secteur financier. C’est comme si, trop souvent, les responsables ne se demandaient plus si leur décision est correcte et ne s’occupaient plus que de sa légalité et de sa conformité aux règlements. Il faut que le secteur retrouve ce sens de ce qui est éthiquement correct comme moteur de ses activités. » |17| C’est ainsi que Stephen Green, gredin et requin au-dessus des lois, s’adresse à des larbins qui vont s’empresser de répercuter ses bonnes paroles dans la grande presse. En février 2015, la revue de l’honorable Institut Royal des Affaires Internationales a publié, une longue interview de Lord Green afin de mettre en valeur sa grande connaissance du monde. Cela fait partie de la propagande dont bénéficie ce bandit de la haute. Le titre de l’interview annonce le contenu publicitaire de l’exercice de communication : « Un ancien président de HSBC, germanophile durant toute sa vie et chrétien convaincu, Lord Green of Hurstpierpoint parle du futur de l’eurozone, des cathédrales désertées et de ce qui préoccupe les leaders chinois  ». |18| L’intervieweur ne lui a pas posé de question sur l’évasion fiscale organisée par HSBC et sur le blanchiment de l’argent de la drogue... Est-ce un oubli ?

Conclusion

Green et tous ceux qui ont organisé le blanchiment d’argent au sein de HSBC doivent répondre de leurs actes en justice et être condamnés sévèrement avec privation de liberté et obligation de réaliser des travaux d’utilité publique. HSBC devrait être fermée et la direction licenciée. Ensuite, le mastodonte HSBC devrait être divisé sous contrôle citoyen en une série de banques publiques de taille moyenne dont les missions devraient être strictement définies et exercées dans le cadre d’un statut de service public.

Notes

|1| Voir la première partie de cette série : "Les banques et la nouvelle doctrine Too Big to Jail ", publié le 9 mars 2014, http://cadtm.org/Les-banques-et-la-... ; « États-Unis : Les abus des banques dans le secteur immobilier et les expulsions illégales de logement », publié le 4 avril 2014, http://cadtm.org/Etats-Unis-Les-abu... . Le présent article est une reprise de la partie 3 de la Série : Les banques et la doctrine « trop grandes pour être condamnées », publiée le 14 avril 2014, http://cadtm.org/Les-barons-de-la-b...

|2| Voir son site official : http://www.hsbc.com/about-hsbc

|3| HSBC a également collaboré avec une banque saoudienne identifiée comme participant au financement d’Al Qaida. Par ailleurs, la justice américaine a également accusé la banque d’avoir permis à des pays mis sous embargo ou soumis à d’autres types de sanctions de réaliser des opérations financières et commerciales.

|4| Matt Taibbi, "Gangster Bankers : Too Big to Jail. How HSBC hooked up with drug traffickers and terrorists. And got away with it", 14 février 2013, http://www.rollingstone.com/politic...

|5| IHT, “HSBC to pay $1.92 billion over money laundering”, 12 décembre 2012

|6| Voir http://www.huffingtonpost.com/2013/... ainsi que http://www.ianfraser.org/hsbcs-drug...

|7| Voir la vidéo de 5 minutes : http://www.youtube.com/watch?v=fKvG...

|8| Stephen Green, Serving God ? Serving Mammon ?, Marshall Pickering, 1996, 137 pages.
http://books.google.be/books/about/... Voir la recension dithyrambique dans une revue anglicane : http://www.e-n.org.uk/p-212-Serving... Cette recension se termine par une perle : “For the Christian the markets represent temptation in one of its most powerful forms ; money, wealth, and then power are fairly freely accessible and are attained by many. For some the temptation is too much, for others who keep their eye on that greater treasure in heaven, the markets are also a place where a Christian witness can be maintained ; honesty and integrity can be seen to work. Why, argues the author, should financial markets be left to non-Christians ? The pressures of work are often so great that traders retire very early, often after accumulating considerable wealth. This given opportunities for Christian service later in life. This book will be useful for young Christians considering a career in the City of London, and weighing up various moral dilemmas in the light of Scripture. Not all are equipped to face these temptations.”

|9| Nouveau Testament, Evangile de Matthieu, 6:24

|10| Ned Simons, "HSBC : Stephen Green Accused Of Hiding From Scandal",
The Huffington Post UK, 20 juillet 2012, http://www.huffingtonpost.co.uk/201... et, l’article déjà mentionné de Matt Taibbi, "Gangster Bankers : Too Big to Jail. How HSBC hooked up with drug traffickers and terrorists. And got away with it", 14 février 2013, http://www.rollingstone.com/politic...

|11| Un « cease-and-desist order » est un ordre donné à une personne, une entreprise ou une organisation par un tribunal ou une agence du gouvernement des Etats-Unis afin de stopper une activité considérée comme dommageable et/ou contraire à la loi. Le premier « cease-and-desist order » remonte aussi loin qu’avril 2003 et concerne des comptes bancaires servant à des financements d’organisations terroristes dont Al Qaida.

|12| http://en.wikipedia.org/wiki/Bank_o... et le site officiel de la banque HSBC aux Bermudes http://www.hsbc.bm/1/2/

|13| Stephen Green, Good Value : Reflections on Money, Morality and an Uncertain World, Grove Press, 2010, 256 pages
"Can one be both an ethical person and an effective businessperson ? Stephen Green, an ordained priest and the chairman of HSBC, thinks so. " in http://www.goodreads.com/book/show/...

|14| Stephen Green annonce que sa charge de ministre ne sera pas rémunérée. Il faut dire que lorsqu’il était président d’HSBC sa paie annuelle s’élevait à 25 millions de livres sterling (41 millions $ ou 30 millions € au taux de change de février 2014) et qu’il a d’autres sources de revenus.

|15| Voir l’article déjà cité de Ned Simons, "HSBC : Stephen Green Accused Of Hiding From Scandal",
The Huffington Post UK, 20 juillet 2012, http://www.huffingtonpost.co.uk/201... Voir aussi : The Guardian, "Lord Green ’regrets’ HSBC scandal but still refuses to answer questions. Trade minister breaks silence over money laundering scandal that took place while he was running the bank", 24 juillet 2012, http://www.theguardian.com/business...

|16| The Telegraph, Lord Green to retire after reforming UKTI, 19 juin 2013, http://www.telegraph.co.uk/finance/... « Selon le Premier Ministre, l’ancien patron d’HSBC, Lord Green, aurait accompli un travail remarquable quand il avait amené le gouvernement à se concentrer sur l’exportation et à conclure des partenariats de commerce, dont celui entre l’UE et les États-Unis, et qu’il avait obtenu des investissements essentiels, notamment la reconversion de la centrale de Battersea. »

|17| The Independent, "HSBC in bid to raise £12.5bn", 9 mars 2009, http://www.independent.co.uk/news/b...

|18| Le titre de l’interview est apologétique : « A former chairman of HSBC, lifelong Germanophile and committed Christian, Lord Green of Hurstpierpoint talks about the future of the eurozone, empty cathedrals and what makes Chinese leaders anxious ». Dans l’interview, Stefen Green glose une fois de plus sur le sens des vlaueurs et des responsabilités : « It’s important to approach business life with a sense of values and responsibility : you can’t conclude that banking is off limits. It would imply that banking is intrinsically an evil domain of activity and no self-respecting person should be in it. That’s nonsense. » http://www.chathamhouse.org/publica...

Eric Toussaint, auteur de Bancocratie (Editions Aden, Bruxelles, 2014), maître de conférence à l’université de Liège, est porte-parole du CADTM international et est membre du conseil scientifique d’ATTAC France.

 

 

Source : cadtm.org

 

 

 

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10 février 2015 2 10 /02 /février /2015 16:35

 

Source : rue89.nouvelobs.com

 

 

 

Tribune 10/02/2015 à 17h05
L’Assemblée découvre la démocratie participative : ne boudons pas notre plaisir

Jonathan Chibois, chercheur

 
Tribune

Une fois n’est pas coutume, je vais faire l’optimiste.

L’Assemblée vient de lancer sa première consultation visant à recueillir l’avis des internautes sur les articles d’une proposition de loi, et ce directement sur le site de l’Assemblée nationale.

Making of

Jonathan Chibois est chercheur en anthropologie politique. Sur le modèle de Bruno Latour et de Marc Abélès, il s’est immergé dans les coulisses du Palais Bourbon pour bosser sur les nouvelles technologies. En attendant de publier sa thèse, il tient un blog sur ses observations.

 

Après la publication de notre article sur la mise en place par l’Assemblée d’une « consultation numérique » sur la proposition de loi « fin de vie », il a publié cette note qu’il nous a gentiment autorisé à reproduire.

 

Le titre et les intertitres sont de Rue89. Rémi Noyon.

La proposition de loi choisie est celle sur la fin de vie, signée par les députés Alain Claeys (PS) et Jean Leonetti (UMP), visant à créer « de nouveaux droits en faveur des malades et des personnes en fin de vie ».

Chez Claude Bartolone, le président de l’Assemblée, on explique que le texte a été choisi parce qu’il est relativement court et qu’il « parle » à tout le monde. Quoi qu’il en soit, si cette première expérimentation se passe bien, il se dit que l’initiative sera étendue à l’avenir.

J’ai déjà eu l’occasion d’expliquer mon point de vue sur le principe de la consultation parlementaire citoyenne, à l’occasion du lancement de la plateforme Parlement & citoyens en mars 2013. J’avais émis des réserves, non pas sur le dispositif mis en place, mais sur la petite tromperie sous-jacente au projet (bien compréhensible, mais quand même) : les citoyens étaient associés à l’élaboration de propositions de loi émises par les députés qui n’avaient, dans les faits, que peu de chance d’être débattues (c’est le gouvernement qui a l’initiative législative, c’est lui qui fixe l’agenda parlementaire avec ses propres projets). Du coup, la dimension participative de cette initiative me paraissait assez hypothétique.

Sur ce point, mes réserves s’envolent en bonne partie, puisque cette proposition est déjà inscrite à l’ordre du jour, c’est prévu pour le 10 mars. Du coup, nous savons que nous participons à un texte qui sera effectivement examiné. C’est déjà rassurant.

A cela s’ajoute le fait qu’aujourd’hui, c’est l’Assemblée elle-même qui organise cette consultation. Et, ce n’est pas rien, c’est un symbole fort. Mais il y a quelques ambiguïtés à lever pour bien comprendre ce dont il s’agit.

A quoi bon élire des députés ?

Que l’Assemblée nationale organise elle-même une consultation citoyenne a en effet de quoi réjouir ceux qui, depuis belle lurette, se désolent de la crise de la représentation, du fossé qui se creuse tous le jours plus entre les élus et la population. Deux camps s’affrontent ici d’une manière très classique : soit nous avons affaire à une petite révolution, soit nous avons affaire à un leurre démocratique. Peu importe pour nous, cela revient au même, le fait est que sur ce coup-là, l’Assemblée a su nous surprendre.

D’ailleurs, pour ce qui est de l’inattendu, je voudrais souligner que si l’Assemblée n’a encore jamais (à ma connaissance) consulté directement les citoyens, c’est que c’est une idée qui a priori contrevient à ses principes fondateurs. Si les citoyens se voient reconnaître une capacité à donner leur avis éclairé sur des textes législatifs, c’est la condition d’existence des députés qui se voie mise en question. La démocratie est un système élitaire, qui veut qu’une minorité d’individus se voient mandater d’un pouvoir par le plus grand nombre, au travers d’une élection qui permet de désigner celui qui, parmi plusieurs, est le plus capable. A quoi bon alors mandater quelqu’un si on est maintenant tous capables ? D’autant que l’idée de soumettre à la consultation le fruit du travail parlementaire pourrait légitimement être perçu par les députés comme une forme de contrôle populaire, ce qui frise l’inconstitutionnalité au vu de la mauvaise réputation qu’a le mandat impératif, en France.

Comme on peut raisonnablement le supposer, Claude Bartolone n’a pas ici décidé de remettre à plat tout notre système démocratique (bien que l’idée ne lui déplairait pas, on le sait) par cette simple consultation. Où est donc l’astuce ? De quelle manière l’Assemblée a-t-elle réussi à mettre en place cette initiative sans scier la branche sur laquelle elle est assise ?

Lâche ton com’

Observons la manière dont est conçu le dispositif.

Premier point, le lancement de cette « consultation citoyenne » s’est fait sans véritable déclaration d’intention. Les rares annonces ne distillent que quelques déclarations floues. Le vide médiatique qui entoure cette initiative est étonnant, on se serait attendu à une vague un peu plus convaincante et consistante, une communication un peu plus volontaire. Il semble qu’une consultation doit réussir à réunir un maximum de participants, et donc s’appuyer sur une publicité un peu plus offensive.

 


Capture d’écran de la page d’accueil de la consultation (Assemblee-nationale.fr)

 

Second point, le dispositif est ultra-basique, exprimer un avis sur les articles existants est « un peu comme pour les commentaires de certains sites de presse », notent certains. On est loin des outils élaborés de démocratie participative permettant de suggérer, débattre, rechercher le consensus. Ceci indique subtilement, mais néanmoins clairement, que les modifications ne seront possibles qu’à la marge, que le fond du texte n’évoluera pas, seulement ses formulations. Pourtant, il semble qu’une consultation doit pouvoir permettre aux participants de sortir du cadre, de façon à laisser une porte ouverte aux propositions innovantes (même si l’espace d’expression étant libre, chacun peut certes s’en saisir comme il l’entend).

Troisième point, le dispositif est élitiste, il ne s’adresse qu’à celles et ceux qui sont intéressés par la question, qui ont un avis à donner, qui sont capables de lire un article de loi, d’avoir un minimum de conscience de l’intérêt général, de trouver des défauts d’interprétations ou de raisonnement dans les formulations choisies par les auteurs, pour ensuite proposer de « manière constructive » et formalisée une contre-argumentation. Autant dire que la consultation ne s’adresse pas à tous, et même à peu de monde en définitive. Il semble pourtant qu’une consultation qui se veut démocratique doit savoir accueillir une diversité des participants, garante d’une représentativité minimale.

Tout ceci pour dire qu’on est en droit de faire l’hypothèse suivante : cette consultation n’en est pas une. Elle en a le nom, la forme, mais pas l’intention. Et argument supplémentaire, il se trouve que cette proposition de loi sur la fin de vie a déjà eu sa consultation (une vraie), toute en prudence d’ailleurs, il faut dire que le sujet est sacrément polémique.

Ni utile ni démagogique

Si ce n’est pas une consultation, à quoi avons-nous affaire ? Que propose-t-on ici aux participants ?

Très simplement, et en même temps d’une manière très inattendue, on permet que « tous les Français puissent désormais donner directement leur avis sur les textes soumis aux députés ». Enfin pas tous, on vient de le voir. Mais en tout cas, on propose à ceux qui le veulent/peuvent d’intervenir dans le processus législatif. La consultation intervient juste après le dépôt de la proposition de loi, et juste avant l’examen en commission des Affaires sociales. Moment où précisément le texte attend d’être discuté et disséqué par les députés, le temps que le rapporteur du texte puisse l’étudier en détail, et produire son rapport. Pour ce faire, le communiqué de presse de l’Assemblée nous apprend qu’une synthèse des contributions de la consultation lui sera justement remise, afin qu’il l’étudie et la confronte à la proposition initiale.

En clair, cette consultation a été pensée pour être intégrée, véritablement, dans le processus législatif, et non pas en amont quand rien n’est encore fait, où en aval quand le débat est de toute façon clos. La consultation intervient au moment où commence l’examen du texte à l’Assemblée par les députés, et qu’il peut encore significativement évoluer par le jeu des amendements. En invitant les citoyens à se prononcer à ce moment de la procédure, on ouvre l’espace des délibérations parlementaires. Rien de plus, rien de moins.

Mais voilà qui est source de malentendus (et il faut reconnaître que le manque de communication n’aide pas). Je crois que cette interview le montre bien. « Est-ce [une initiative] utile ou démagogique ? » s’interroge la journaliste. Ni l’un ni l’autre. Ce n’est pas utile, dans l’idée où ça apporterait quelque chose de plus à cette proposition de loi, parce que les députés se débrouillent très bien pour faire la loi tous seuls. Ce n’est pas démagogique non plus, parce qu’on ne se moque pas de nous, on nous propose de faire le boulot du député, avec lui. C’est-à-dire de tordre en tout sens le texte de loi pour en faire apparaître les défauts. C’est-à-dire de délibérer.

Une nuance d’importance

D’un côté, donc, rien ne change. Non, évidemment, il ne s’agit pas pour les citoyens de construire une proposition de loi. Bien sûr qu’à ce stade de la procédure, il ne s’agit pas véritablement de donner la parole à chacun pour exprimer son ressenti sur le fond de la question, de recueillir des témoignages poignants qui explicitent les problèmes à régler. Mais ce n’est pas consultation sur la fin de vie qui proposée ici, c’est une consultation sur la proposition de loi sur la fin de vie. La nuance est d’importance (le communiqué de presse ainsi que l’interface de commentaires sont très clairs là-dessus), mais elle n’est pas vue par tout le monde. C’est ce qui amène certains à qualifier a priori de défouloir cet espace d’expression en le discréditant d’office, sous prétexte qu’il ne correspond pas aux standards en vigueur en matière de démocratie participative.

Et pourtant, d’un autre côté, c’est une initiative de démocratie foncièrement participative. On n’y invente pas de nouvelle manière de faire fonctionner notre vieille démocratie, on se contente de la compléter par l’ajout d’une échelle d’expertise. En ouvrant l’espace des délibérations, on rend accessible à tous le travail véritable, austère et rarement glorieux, qui est celui du député qui siège en commission. On n’y cherche pas à refaire le texte, mais à en trouver les failles de raisonnement, les formulations ambiguës. A ce stade, on se fiche de la représentativité, puisqu’elle est déjà assurée par les députés. A ce stade, on se fiche des nouvelles idées, des témoignages et des prises de paroles, on veut simplement tester la solidité et la cohérence de la proposition de loi. Ce qui est suggéré aux citoyens, c’est d’épauler les députés dans ce travail, c’est exercer leur regard critique, questionner, infirmer, proposer.

La force de proposition offerte aux citoyens est une force de proposition d’amendement. Un pouvoir minime oui, mais c’est le jeu pour tout le monde à ce stade de la procédure (à l’exception du rapporteur). Alors si, en dépit des apparences, cette initiative n’a pas grand-chose à voir avec une consultation, ce n’en est pas moins un exercice de participation démocratique.

En vérité, ce n’est pas une « consultation citoyenne » qu’on nous propose. C’est une « délibération citoyenne ».


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10 février 2015 2 10 /02 /février /2015 16:25

 

Source : www.bastamag.net

 

 

Scandales

HSBC : du commerce de l’opium à l’évasion fiscale massive, l’histoire d’une banque au présent sulfureux

par Eric Toussaint 9 février 2015

 

 

 

 

Les scandales n’ont pas fini de rattraper la Hong Kong and Shanghai Banking Corporation (HSBC). Après avoir été l’arme financière de l’empire britannique en Asie, la banque est désormais éclaboussée par le dossier SwissLeaks, un scandale aux multiples facettes, de la fraude fiscale en France aux affaires politiques et financières en Espagne ou en Grèce. Sans oublier d’autres délits et manipulations.

La banque HSBC est revenue sur le devant de la scène. Selon les informations publiées par plusieurs organes de presse le 9 février 2015, 180,6 milliards d’euros seraient passés, à Genève, par les comptes HSBC, entre le 9 novembre 2006 et le 31 mars 2007 – soit en moins de 5 mois ! Mohamed VI roi du Maroc, des vedettes du monde du spectacle, de multiples sociétés privées, auraient confié à HSBC la mission de dissimuler au fisc et à la justice de leur pays une partie de leurs revenus. Dans l’article ci-dessous, nous revenons sur l’histoire passée et récente d’HSBC, une des principales banques privées à l’échelle mondiale.

Une banque née du commerce de l’opium

Le sigle HSBC signifie Hong Kong and Shanghai Banking Corporation. Dès ses origines, la banque est mêlée au commerce international de drogues dures. Elle est fondée dans le sillage de la victoire britannique contre la Chine dans les deux guerres de l’opium (1839-1842 et 1856-1860). Ces deux guerres jouent un rôle décisif dans le renforcement de l’empire britannique et dans la marginalisation de la Chine qui a duré environ un siècle et demi. Au cours de ces deux guerres, le Royaume-Uni réussit à imposer à la Chine d’accepter les exportations britanniques d’opium en provenance de l’Inde, composante de l’empire britannique. La Chine tente bien de s’opposer au commerce de l’opium mais les armes britanniques, avec le soutien de Washington, ont le dessus.

Londres créée une colonie à Hong Kong et, en 1865, est fondée la Hong Kong and Shanghai Banking Corporation par un commerçant écossais spécialisé dans l’importation d’opium (à l’époque, 70 % du fret maritime qui transite par Hong Kong concerne l’opium venu des Indes). Depuis ce moment, l’histoire de la banque suit étroitement la politique extérieure du Royaume-Uni et les intérêts du grand patronat britannique en Asie. Après 1949 et la victoire de la Chine de Mao, la banque se replie sur Hong Kong, resté territoire britannique

HSBC impliquée dans d’autres crimes financiers

Ensuite, entre 1980 et 1997, elle développe ses activités aux États-Unis et en Europe. Elle ne déplace son siège social de Hong Kong à Londres qu’en 1993, avant la rétrocession du territoire à la République populaire de Chine réalisée en 1997. HSBC reste incontournable à Hong Kong dont elle émet 70 % des billets de banques (le dollar de Hong Kong). En 2014, le groupe mondial HSBC emploie 260 000 personnes, est présent dans 75 pays et déclare 54 millions de clients. Hong Kong constitue encore un élément clé, notamment pour recycler l’argent accumulé par la nouvelle classe dirigeante chinoise.

En plus du blanchiment d’argent de la drogue et du terrorisme (lire ici), HSBC est impliquée dans d’autres affaires : la manipulation du marché des taux de change (l’affaire a éclaté en 2013 et porte sur un marché quotidien de 5 300 milliards de dollars), la manipulation des taux d’intérêt interbancaire (dont le Libor), la vente abusive et frauduleuse de dérivés sur les taux d’intérêt, la vente abusive et frauduleuse de produits d’assurances aux particuliers et aux PME au Royaume-Uni (la FSA, l’autorité de contrôle britannique, a poursuivi HSBC dans cette affaire qui a révélé que la banque a vendu des assurances ne servant à rien ou si peu ! [1]), la vente abusive de Mortgage Backed Securities aux Etats-Unis, la manipulation du cours de l’or et du cours de l’argent (l’affaire a éclaté en janvier-février 2014 [2]) et l’organisation à une échelle massive de l’évasion fiscale des grosses fortunes.

Hervé Falciani, le Edgar Snowden d’HSBC ?

Hervé Falciani, un citoyen franco-italien, a travaillé aux services informatiques de HSBC Suisse à Genève de 2006 à 2008. Avant de quitter la banque, il a copié 127 000 fichiers qui relient HSBC à des opérations massives de fraude et d’évasion fiscale dans laquelle elle joue un rôle souvent actif. Il s’installe en France. La Suisse décide de l’arrêter et lance un mandat d’arrêt international via Interpol pour « soustraction de données », « violation du secret bancaire et du secret commercial » et « présomption de service de renseignements économiques ». Il faut souligner que la Suisse n’a pas attaqué HSBC.

Début 2009, le domicile niçois de Falciani fait l’objet d’une perquisition effectuée par la police locale. Les infos qu’il détient sont explosives : parmi les 127 000 fichiers se trouvent des exilés fiscaux français (8 231 selon Falciani), belges (plus de 800), espagnols (plus de 600 noms), grecs (la fameuse liste dite Lagarde car la ministre française l’a remise aux autorités grecques en 2010, elle contient environ 2 000 noms), allemands, italiens, mexicains, états-uniens... Hervé Falciani remet tout ou une partie des informations qu’il détient aux autorités françaises et à celles d’autres pays.

Des scandales en série

Ensuite, selon ses dires, il collabore avec les autorités de Washington auxquelles il livre des informations qui font avancer l’affaire du blanchiment par HSBC de l’argent des cartels de la drogue du Mexique et de Colombie. Puis il se rend en Espagne en 2012 afin de collaborer avec les autorités espagnoles. Il y est d’abord arrêté en application du mandat d’arrêt lancé par la Suisse. La Suisse insiste pour que l’Espagne lui livre Hervé Falciani, ce que l’Espagne refuse en mai 2013 car la justice espagnole le considère comme un témoin privilégié dans plusieurs affaires de fraude et d’évasion fiscale.

La communication aux autorités espagnoles des données dérobées par Hervé Falciani permet dès 2011 de découvrir une grande quantité d’argent (environ 2 milliards €) déposée en Suisse par des membres de la famille d’Emilio Botin, le président de Santander (la première banque espagnole). Celui-ci, acculé, a versé aux autorités espagnoles 200 millions € d’amende. Les données livrées par Hervé Falciani ont également débouché sur le scandale du financement frauduleux du Parti Populaire, le parti du premier ministre Mariano Rajoy (lire ici). La justice espagnole fournit une protection policière permanente à Hervé Falciani. Les autorités belges et françaises le rencontrent, utilisent les données fournies, et instruisent des dossiers. Il n’est pas du tout certain que cela débouchera sur des condamnations pour fraude car il est plus que probable que des arrangements financiers – en Belgique, cela s’appelle des régularisations fiscales – permettront aux fraudeurs d’y échapper.

Les lanceurs d’alerte pourchassés

Les lanceurs d’alerte ne bénéficient pas de cette pusillanimité. Dans cette affaire, non seulement la Suisse cherche à arrêter le lanceur d’alerte, mais c’est également le cas en Grèce : la justice a arrêté l’éditeur de la revue « Hot Doc », Kostas Vaxevanis, parce qu’il avait osé publier en octobre 2012 la liste Lagarde-HSBC-Falciani que les autorités grecques avaient égarée depuis trois ans [3]. Suite aux réactions citoyennes en Grèce et sur le plan international, le journaliste a finalement été acquitté lors de son procès.

Les dirigeants de HSBC n’ont pas, pour l’instant, à souffrir de tels désagréments. En 2013, l’Union européenne a annoncé qu’elle fixait une limite aux bonus que pouvaient recevoir les dirigeants et les traders d’une banque. Le bonus ne peut pas être supérieur au double de la rémunération salariale fixe. Si un dirigeant a une rémunération fixe de 1,5 million d’euros par an, les bonus ne pourront pas dépasser 3 millions d’euros (donc une rémunération totale de 4,5 millions). Qu’à cela ne tienne, la direction d’HSBC a annoncé en février 2014 qu’elle allait fortement augmenter la rémunération fixe de ces dirigeants afin que leur bonus ne soit pas réduit [4].

Eric Toussaint [5], porte-parole du CADTM [6]

 

Notes

[1Le Monde, “Cernée par les scandales, HSBC ternit un peu plus la réputation de la City”, 1er août 2012.

[2Financial Times, “Fears over gold price rigging put investors on alert. German and UK regulators investigate”, 24 février 2014.

[3Kostas Vaxevanis, "Pourquoi j’ai publié la liste Lagarde", The Guardian, 31 octobre 2012

[4Financial Times, “HSBC plans to sidestep EU Bonus cap revealed”, 25 février 2014.

[5Auteur de Bancocratie (Editions Aden, Bruxelles, 2014), maître de conférence à l’université de Liège, porte-parole du CADTM.

[6L’article a été légèrement modifié par Basta ! Retrouvez l’intégralité sur le site du CADTM.


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10 février 2015 2 10 /02 /février /2015 16:18

 

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Débattre Régulation

Les crises financières : de vastes scènes de crimes où les « barons voleurs » ne sont jamais inquiétés

par Jean-François Gayraud 10 février 2015

 

 

 

 

Quand nombre d’économistes jugent les crises accidentelles, le commissaire Jean François Gayraud, lui, y voit de vastes scènes de crimes, avec leur lot de blanchiments d’argent, d’évasion fiscale, de manipulation de taux ou de produits financiers « toxiques ». Mais la fraude reste impunie, quand elle n’est pas carrément légalisée. Les amendes que paient les banques ? Une simple taxe sur le droit de frauder. Les responsables ne sont jamais véritablement sanctionnés. Mieux, ils bénéficient de fait d’un droit à l’incompétence et à l’ignorance. Les règles actuelles, au lieu de poser des limites au système capitaliste, le poussent au crime. En témoignent les crises financières qui se succèdent depuis deux décennies.

Cet article a initialement été publié dans la Revue Projet.

Depuis les années 1980, est apparu un nouveau capitalisme aux caractéristiques frappantes : largement dérégulé, financiarisé et mondialisé. (...) Cette grande transformation donne naissance à un capitalisme sans entraves et, finalement, criminogène. Criminogène, et non pas criminel, car il n’est pas question ici de porter un jugement sans appel sur l’essence du capitalisme libéral, mais d’en souligner les potentialités et dynamiques à la fraude. Des années 1930 aux années 1980, le capitalisme de type fordien et keynésien, sans être parfait, s’était révélé peu perméable aux fraudes d’ampleur macro-économique.

Le capitalisme actuel, par sa haute tolérance aux fraudes, signe le retour du « capitalisme sauvage » des « barons voleurs », qui s’imposa du XIXe siècle jusqu’au New Deal. Paradoxalement, c’est alors que la question de la responsabilité pénale devrait se poser avec le plus d’acuité qu’elle semble la moins effective. En témoigne le traitement des crises, comme celui du trading à haute fréquence (lire l’article de Basta !).

Les crises financières : des scènes de crimes

Les crises financières sont répétitives, globalisées, violentes par leurs conséquences sociales, destructrices par leur impact budgétaire, mais aussi, en partie, criminelles, par le jeu d’acteurs en « cols bleus » (crime organisé) et le plus souvent en « cols blancs » (les élites bancaires et financières). Car, contrairement aux analyses classiques, les fraudes et les manipulations ne sont pas de simples phénomènes d’accompagnement ou de déclenchement circonstanciel, mais bien des causalités profondes de ces crises. Les bulles immobilières et boursières témoignent de manipulations quasiment inédites. Ainsi, le rapport du Congrès des États-Unis sur la crise des subprimes utilise 147 fois le mot « fraude ».

Pourtant, aucun cadre dirigeant d’une banque – à deux exceptions près, au demeurant mineures – ne sera traduit devant un tribunal pénal. L’absence de poursuites pénales aura été une faute majeure dans cette tragédie. La matérialité des fraudes à l’origine de cette crise, malgré leur invisibilité dans le processus judiciaire, apparaît a posteriori dans la multiplication des transactions auxquelles les institutions en cause ont dû se soumettre, en payant des amendes records. (...) Serait-ce illégitime de rebaptiser la crise des subprimes en « subcrimes » ?

Les élites ne veulent pas d’un diagnostic criminel

Le diagnostic criminel, souvent insupportable pour les élites, n’est abordé que rarement, et toujours du bout des lèvres. Si l’on réexaminait les crises depuis les années 1980 – faillite des caisses d’épargne (États-Unis), « récession yakuza » (Japon), « pyramides albanaises »… – c’est toute une histoire criminelle des crises financières qui serait à écrire. Les discours dominants sur ces crises sont façonnés soit par une sémantique naturaliste (catastrophe) et positiviste (cycles, dysfonctionnements) à connotation fataliste, voire par une thématique franchement négationniste (illusion, artefact [1]).

De telles grilles d’analyse présentent pour les dominants le double avantage d’évacuer toute responsabilité individuelle et de faire l’impasse sur la dimension humaine de ces tragédies, dans leurs causes comme dans leurs conséquences. Telle est la différence entre une histoire vue du balcon et celle vécue à hauteur d’homme. Selon la vision classique (libérale), les crises financières sont analysées comme des moments de correction et non comme les symptômes d’une indigestion de prédation. Accidents conjoncturels, fruits d’une panique ou d’un dérèglement ponctuel, elles ne peuvent être le fait d’une orgie de dettes privées et de comportements déviants. (...)

Des multiples outils juridico-financiers issus de la dérégulation, nous n’évoquerons ici que le trading de haute fréquence (HFT), dont l’importance pour le fonctionnement des marchés est inversement proportionnelle à l’attention qu’il a pu susciter dans le débat public. Par essence, il ressemble fort à une légalisation du délit d’initié et à une systématisation de la concurrence déloyale et de l’hyper-spéculation. Or, ce constat est rendu invisible par son omniprésence même. (...)

Un espace digital sans loi ni régulation effectives

La combinaison de l’hyper vitesse et de volumes inédits dans l’histoire des marchés – des centaines de milliers de transactions à la nanoseconde – crée automatiquement de l’invisibilité. Fraudes et manipulations de cours deviennent difficiles à définir d’un point de vue intellectuel et juridique, et quasi impossibles à observer d’un point de vue matériel. De nouvelles techniques de manipulation ont trouvé de curieux noms (quote stuffing, spoofing, layering…) dont l’exotisme n’a d’équivalent que la complexité. Un régulateur national parviendrait-il à capter une fraude, il lui faudrait la démontrer en justice. Or l’administration de la preuve deviendrait quasi diabolique à apporter. Il n’est pas impossible que le trading de haute fréquence soit en train de créer un espace digital sans loi ni régulation effectives, si ce n’est celles du plus rusé. Un espace sans police devient inéluctablement une aubaine pour les acteurs les plus malhonnêtes.

Les traders de haute fréquence nient évidemment le caractère intrinsèquement déviant de leur système et relativisent ses manifestations frauduleuses. Ils préfèrent vanter ses bénéfices, le volume inédit de liquidité qu’il apporte aux marchés. Mais l’argument est bien illusoire ! D’abord, cette liquidité est fantomatique : 90 % des ordres sont annulés à peine passés et donc jamais exécutés. Ici réside le vilain petit secret du trading de haute fréquence : l’avalanche d’ordre jamais exécutés a pour objectif, au mieux de cartographier les marchés, au pire de les manipuler. Ensuite, ces ordres, tel des lemmings, ont tendance à disparaître dès les prémisses d’affolement. Car ce trading est risqué. La vitesse et les volumes imposent aux marchés des tensions telles que leur stabilité est menacée. Les marchés ont déjà subi leur « 11 septembre » lors du « flash crash » du 6 mai 2010 [2]. (...)

Des marchés perçus comme des coupe-gorges

Qui cette débauche de moyens techniques, financiers et humains sert-elle ?(...) Le trading de haute fréquence prélève une taxe invisible mais réelle sur les investisseurs sains : l’économie réelle. Le risque est de voir ces « vrais » investisseurs fuir des marchés perçus comme des coupe-gorges. Car la plupart des traders de haute fréquence n’ont que faire de l’économie réelle et d’investissements durables ; la vie et le destin des entreprises leur sont fondamentalement indifférents. Leur seul intérêt réside dans les mouvements des marchés qu’ils orientent eux-mêmes dans un processus de prophéties auto-réalisatrices. (...)

Et pourtant, la responsabilité pénale – et donc l’équité – sur les marchés continuera de s’effriter à mesure que s’étendront sans frein trois dispositifs déjà centraux : la transaction, la capture et le duo indissociable opacité/taille. La transaction (pré)pénale, mode traditionnel de règlement des conflits aux États-Unis, se répand désormais dans le monde. Elle traduit une conception très particulière de l’œuvre de justice. La transaction empêche toute enquête et procès, qui sont pourtant l’occasion d’un examen minutieux des faits. La vérité demeure enfouie, faute d’exposition publique des faits. Souvenons-nous ainsi du plaider coupable (plea bargaining) rapide de l’escroc Bernard Madoff qui mit fin – de manière providentielle ? – à toute connaissance approfondie des mécanismes criminels en cause, des auteurs et complices, des bénéficiaires, etc.

Les amendes, une simple taxe sur la fraude ?

Par ailleurs, la justice transactionnelle s’achève par de simples amendes qui s’apparentent au final à un droit à frauder, ou à une taxe sur la fraude. À l’expérience, ce dispositif se révèle incapable de dissuader les grandes institutions financières de frauder, quand il ne les incite pas à récidiver [3]. Ainsi, à Wall Street et à la City, les « usual suspects » hantent les chroniques pré-judiciaires depuis des décennies.

A contrario, la tenue de véritables procès au pénal avec leur charge symbolique, un exposé minutieux des faits et des responsabilités, le risque de sanctions carcérales et financières individuelles, ou la possibilité de condamnations de la personne morale, aurait un impact dissuasif probablement supérieur à celui d’ententes en coulisses. Pourtant, la transaction pénale a le vent en poupe, au nom du « pragmatisme », et risque de devenir en France et en Europe un mode prisé de règlement des fautes pénales des entreprises. Qui veut encore de la justice punitive ?

Quand le business model d’un pays repose sur la finance

La capture des États et des organisations internationales par les entités financières est multidimensionnelle. Sociologique, par le mécanisme des revolving doors (aller-retour entre le public et le privé) que les Français nomment « pantouflage » et les Japonais « descente du ciel ». Financière, par le financement légal ou illégal des campagnes électorales. Idéologique ou intellectuelle par le partage d’une doxa et d’une vision du monde communes. Institutionnelle, enfin, par la participation des élus à l’administration des banques locales, comme en Allemagne ou en Espagne.

Ce travail de capture dispose de toute une industrie du lobbying particulièrement active dans le secteur de la finance. Le phénomène atteint son acmé quand le business model d’un pays repose sur la finance. Ce sont les territoires transformés en paradis fiscaux et bancaires, à l’image de l’Angleterre ou du Luxembourg. (...) La capture s’exprime aussi quand des gouvernants, de toutes couleurs politiques, défendent, au nom du patriotisme économique, leurs institutions financières et ce au détriment de l’intérêt général, quelles que soient les fautes commises.

Un droit à l’ignorance ou à l’incompétence pour les banquiers

L’opacité et la taille vont de pair. La taille génère de l’opacité et l’opacité encourage la croissance. Le « too big to fail » – l’aléa moral lié à la garantie implicite et lucrative des États aux banques – se conjugue aussi à un « too big to jail ». Certaines institutions financières, plus grandes et plus intimidantes, se retrouvent au-delà de tout principe véritable de responsabilité pénale. Au point que l’on est en droit de se demander si la course à la taille et à l’opacité ne s’explique pas, au-delà de la tentation monopolistique naturelle, par une recherche d’impunité. Car plus l’institution financière est grande, plus un chantage peut opérer sur le thème : « Si vous me poursuivez, vous risquez chômage et instabilité du système financier. » Ce « syndrome Arthur Andersen » (cette société d’audit disparut après sa mise en cause judiciaire excessive dans la faillite frauduleuse du géant américain Enron) a d’ailleurs été validé publiquement après la crise des subprimes par Eric Holder, ministre de la Justice des États-Unis, dans un discours qui fit sensation [4]. (...)

Ensuite, la taille et l’opacité autorisent les dirigeants des institutions financières à feindre d’ignorer connaître dans le détail les produits et les mécanismes criminogènes proposés à la clientèle, mais aussi les faits criminels de leurs subordonnés. Ce « droit » auto créé à l’ignorance ou à l’incompétence sert de bouclier devant les commissions d’enquête parlementaire, les médias et les juges. Les marchés financiers, avec le déclin de la responsabilité pénale, tendent à fonctionner sur le modèle d’une nouvelle loi de Gresham [5] de grande ampleur : « Les mauvaises pratiques chassent les bonnes et les mauvais acteurs chassent les bons. » Faute de police effective (contrôle, surveillance, sanction), la dérive vers l’anomie, la prédation et la fraude pure est inéluctable.

Jean-François Gayraud, commissaire divisionnaire

Dessin : Rodho

Cet article est tiré du dernier numéro de la revue Projet, dont Basta ! est partenaire. Retrouvez le sommaire de la revue dédiée à la finance sur le site de la revue Projet.

 

 

Notes

[1Deux exemples : la crise est « grotesquement psychologique » (selon Alain Minc, invité de Parlons Net, sur France info, en octobre 2008) ; « Je suis convaincu que, dans deux cents ans, les historiens accorderont à la crise de 2008 la même importance qu’à la spéculation sur les bulbes de tulipe au XVIIe siècle. C’est violent pour les contemporains, mais les vrais sujets qui transforment le monde sont de nature différente. » (Henri de Castries, PDG d’Axa, cité dans Le Monde, 21/02/2014).

[2L’indice Dow Jones perdit alors environ 998,52 points avant de regagner 600 points, entre 14 h 42 et 14 h 52, au New York Stock Exchange, soit une baisse sans précédent de 9,2 % en l’espace de dix minutes.

[3Les amendes infligées aux États-Unis à de grandes banques (comme BNP Paribas à l’été 2014) sont moins impressionnantes qu’il n’y paraît, au regard des chiffres d’affaires et des profits de ces multinationales.

[4Cité dans J.-F. Gayraud, Le nouveau capitalisme criminel, Odile Jacob, 2014.

[5La mauvaise monnaie chasse la bonne. » Thomas Gresham, commerçant et financier anglais du XVIe siècle, remarque que lorsque deux monnaies se trouvent simultanément en circulation, les agents économiques préfèrent conserver la « bonne » (l’or, par exemple) et payer leurs échanges avec la « mauvaise » pour s’en défaire au plus vite (l’argent, par exemple).

 

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Source : www.bastamag.net

 

 

 

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10 février 2015 2 10 /02 /février /2015 16:06

 

Source : www.mediapart.fr

 

Inflation, déflation : l'indice des prix reflète-t-il la réalité économique?

|  Par martine orange

 

 

 

Les prix ont baissé de 0,3 % en juillet, affirme l’Insee. Pourtant, les consommateurs disent n’avoir constaté aucun changement. Est-ce la traditionnelle différence de point de vue entre les économistes et les ménages, ou une déformation plus profonde de la réalité ?

 

 

Le spectre de la déflation se dessine chaque jour plus précisément. Les chiffres se succèdent et se ressemblent… Ralentissement de la production industrielle, baisse des carnets de commande, baisse des exportations et pour finir, baisse des prix à la consommation et croissance nulle.

Après avoir affiché une stagnation en mai et juin, l’indice des prix à la consommation marque une baisse de 0,3 % en juillet, selon les dernières statistiques de l’Insee, publiées le 13 août. Au cours des douze derniers mois, les prix n’ont augmenté que de 0,5 %. La France comme le reste de la zone euro est très loin des 2 % d’inflation, considérés par la Banque centrale européenne comme le taux optimal pour l’Europe.

 

 

Selon l’Insee, une partie de ces baisses tient à des raisons saisonnières. Les prix des produits frais baissent naturellement en été. Mais cette année, ils ont malgré tout diminué de 3,6 %. De même, les soldes entraînent une diminution des prix de l’habillement (– 13,6 %) et des produits manufacturés (– 2,9 %). Même si certains postes comme les services saisonniers sont en augmentation (+ 25,6 % pour les locations de résidence de vacances), l’environnement est de plus en plus marqué par la stagnation. « L’inflation sous-jacente reste faible », prévient l’Insee.

Pourtant, lorsque les consommateurs sont interrogés, une grande majorité d’entre eux disent ne constater aucune baisse de prix. Pour beaucoup, la vie de tous les jours n’a jamais été aussi chère, les obligeant à restreindre de plus en plus leurs dépenses. Cette divergence de vues entre les économistes d’un côté et les ménages de l’autre dure depuis plusieurs années. Depuis le milieu des années 2000, les consommateurs ont le sentiment que les statistiques ne traduisent plus la réalité de leur vie, la perte de leur pouvoir d’achat. Le malaise risque de s’accentuer si la déflation s’installe. Retour sur les questions posées par cet indice des prix si controversé.

  • Comment l’indice des prix est-il établi ?

L’indice des prix établi par l’Insee est le chiffre le plus sensible et le plus politique de toute la comptabilité nationale. Il sert de référence pour les revalorisations du Smic, des retraites et des pensions et d’un certain nombre d’indicateurs de la vie quotidienne. Son élaboration est donc strictement encadrée et contrôlée par le gouvernement mais aussi par les autorités européennes. Celles-ci ont établi des modalités de calcul et des réglementations afin d’harmoniser les statistiques au niveau européen. Eurostat, l’agence européenne de statistiques, demande à l’Insee de suivre l’évolution de tous les biens et services représentant le millième de la consommation des ménages. Elle effectue des contrôles réguliers afin de s’assurer du respect des règles.

Les prix de 200 000 références sont relevés chaque mois par des enquêteurs de l’Insee sur tout le territoire, dans toutes les formes de commerce, grandes enseignes de distribution comme magasins de quartier. « La liste de ces produits est secrète afin d’éviter toute manipulation des chiffres », explique Jean-Marie Fournier, chargé de la production de l’indice au département statistiques de l’Insee.

Cette liste, cependant, est modifiée chaque année afin de tenir compte des évolutions de la consommation. Ainsi les tablettes informatiques ou les téléphones portables sont-ils désormais pris en compte dans l’indice des prix. En revanche, il n’est pas sûr que les légendaires lacets de chaussures, souvent invoqués pour se moquer de l’indice des prix, y figurent encore.

Des calculs sont établis par la suite en fonction d’une structure de consommation moyenne des ménages, selon des pondérations établies par la comptabilité nationale. Ces retraitements statistiques permettent d’établir l’indice des prix mais créent de grands troubles dans l’opinion, qui a le sentiment que celui-ci ne traduit plus la situation financière des ménages français ni la perte de leur pouvoir d’achat.

  • L’indice des prix reflète-t-il bien l’inflation ?

La querelle dure de longue date, mais elle s'est ravivée au milieu des années 2000. Après le passage à l’euro, les ménages ont eu la nette impression de constater une valse des étiquettes, notamment dans leur consommation journalière. Pourtant, l’indice des prix parlait invariablement de hausses de 0,2 % ou 0,3 % par mois. Les associations de consommateurs comme les syndicats ont dénoncé l’existence d’une inflation cachée qui n’était pas prise en compte.

Critiquée, l’Insee s’est défendue de toute sous-estimation. Depuis, ses économistes et d’autres ont travaillé pour chercher à comprendre la situation. Un nouveau concept a émergé : l’inflation ressentie. Les économistes expliquent que les ménages sont beaucoup plus sensibles aux achats quotidiens : le prix de la baguette, celui du petit noir sur le zinc, du steak haché font partie de leurs références quotidiennes. Ils ont ces prix en tête et notent la moindre variation. L’ennui est que depuis les années 2000, les prix de ces produits de consommation courante, sous l’effet d’un ajustement lié à l’euro, de la structure commerciale française et de l’envolée des cours mondiaux des matières premières agricoles, ont beaucoup augmenté.

Mais dans le même temps, expliquent-ils, même s’ils n’en ont pas pris conscience, les ménages français ont bénéficié d’une augmentation de leur pouvoir d’achat grâce à la chute sans précédent des produits manufacturés. L’intégration de la Chine dans l’Organisation mondiale du commerce, les délocalisations massives en Chine et dans les pays émergents aux coûts de production très bas ont provoqué une désinflation importée dans tous les pays occidentaux. Les prix des ordinateurs, des écrans plats, de l’électroménager ont été divisés par trois ou quatre. Dans le même temps, en raison de ruptures technologiques importantes, certains services liés aux télécommunications et à Internet en particulier, ont beaucoup baissé.

Les économistes expliquent que les ménages n’ont pas toujours noté les diminutions de prix des biens dont ils ont profité. Comme ils n'achètent que rarement un ordinateur ou un bien d’équipement, ils ont oublié les références passées. En revanche, ils se nourrissent tous les jours, et sont donc beaucoup plus sensibles à une hausse des produits alimentaires. D’où la différence entre l’inflation réelle et l’inflation ressentie, constatent-ils.

Depuis 2007, l’Insee a cependant établi des séries statistiques afin de mieux appréhender les effets sur les différents types de ménages et de consommation. Selon qu’ils sont jeunes ou vieux, propriétaires ou locataires, composés d'une personne seule ou d'un couple avec quatre enfants, gagnant le Smic ou figurant parmi les 10 % les plus riches, urbains ou campagnards, les ménages n’ont pas du tout les mêmes dépenses ni les mêmes charges. Dans la réalité, ils s’éloignent de la structure type établie pour construire l’indice général des prix.

Sous-estimation

 

 

Tous les ménages ne sont pas exposés de la même manière à la hausse des prix. Ainsi, depuis 1998, la hausse est plus élevée pour les ménages les plus modestes – ceux qui consacrent la part la plus élevée de leur budget aux dépenses incompressibles (loyer, nourriture, énergie). « De 1998 à 2012, les prix ont augmenté plus vite que la moyenne pour les ménages des sept premières tranches de niveau de vie, en particulier pour les plus modestes (deux premières tranches de niveau de vie) », note une étude de l’Insee. En 2012, selon cette étude, l’indice des prix pour les ménages appartenant à la deuxième tranche de niveau de vie accusait un écart de 2,37 points par rapport à l’indice des prix général. Un écart jamais reconnu, jamais compensé depuis plus de dix ans.

  • L’indice des prix sous-estime-t-il les dépenses contraintes ?

L’indice des prix est élaboré à partir d’une structure type de dépense établie par la comptabilité générale, censée correspondre à un budget de ménage moyen. Les hausses des prix relevées poste par poste sont pondérées en fonction du poids que ce poste est supposé représenter dans le budget des ménages. Mais ce “ménage moyen” s’éloigne de plus en plus de la réalité : il est censé consacrer plus de 8 % de ses dépenses à la culture et aux loisirs, plus de 7 % dans les restaurants et les cafés.

L’évaluation du poids de certaines dépenses dans les budgets des ménages pose question. Le cas du logement est le plus criant. Alors que le logement est devenu un problème critique pour nombre de Français, que beaucoup de ménages, selon d’autres études de l’Insee, consacrent entre 25 % et 40 % de leurs ressources mensuelles pour se loger, les dépenses de logement sont évaluées à 7 % dans l’indice des prix. « L’indice des prix ne prend en compte que les locataires. Les propriétaires et les accédants à la propriété comptent pour zéro, car l’achat d’un logement est considéré comme une épargne et relève du patrimoine », explique Jean-Marie Fournier. Ainsi, les remboursements d’emprunt – même si les prêts s’étendent sur 25 à 30 ans désormais pour compenser les effets de la hausse des prix des logements, ce qui revient à transformer les accédants en des locataires à long terme face aux banques –, les travaux et les dépenses d’entretien, les charges liées à l’habitation ne sont pas pris en compte.

Si la position des statisticiens de l’Insee peut se défendre d’un point de vue théorique, la très faible part accordée au logement a amené à minorer, voire à nier la bulle spéculative qui a touché ce secteur tout au long des années 2000 et dont les ménages paient encore les conséquences aujourd’hui. Selon l’Insee, le logement est un poste qui a augmenté bien plus vite que les autres ces dernières années : l’indice, établi à partir d’une base 100 en 1998, était à 146 points en 2014, alors que l’indice général était à 126.

 

 

De même, les dépenses liées à l’énergie (gaz, électricité) et aux services essentiels comme l’eau et le ramassage des ordures sont estimées à 8 % dans l’indice général des prix. Or, les prix de ces services se sont envolés ces dernières années : + 70 % pour le gaz depuis 2005, + 30 % pour l’électricité, + 30 % environ pour l’eau. Ces dépenses sont quasiment incompressibles et représentent une part du budget de plus en plus importante dans les dépenses des ménages les plus modestes. Les associations ne cessent d’avertir les pouvoirs publics sur les dangers d’une exclusion énergétique. Plusieurs millions de ménages sont désormais dans l’incapacité d’honorer leurs factures d’électricité et de gaz et accumulent les impayés.

Combien de temps va-t-on pouvoir encore poursuivre la fiction selon laquelle le logement, si déterminant dans la situation des Français, comme le prouvent d’autres études de l’Insee, ne compte que pour 7 % dans les dépenses des ménages ? Peut-on encore continuer à minorer la charge de plus en plus importante des dépenses contraintes (alimentation, énergie) dans les budgets familiaux ? Si cela a permis aux responsables politiques de tout bord de poursuivre une politique de désinflation compétitive déguisée, tout en maintenant l’illusion d’un maintien du modèle social français, ce décalage grandissant entre les indices et la réalité entretient un malaise profond dans la population : la dégradation de ses revenus et de son pouvoir d’achat n’est jamais actée. Alors que la société française est de plus en plus minée par la crainte de déclassement, l’image faussée des chiffres ne peut que nourrir sa défiance et son pessimisme.

  • Quels risques la déflation comporte-t-elle ?

La déflation est redoutée par les économistes, car elle provoque une spirale baissière des prix, des revenus et des actifs, difficile à enrayer. Ce n’est qu’au sortir de la Seconde Guerre mondiale que les États-Unis sont parvenus à effacer les traces de la grande dépression. Depuis près de vingt ans, le Japon se débat dans cette situation sans avoir trouvé les voies pour en sortir. Le gain de pouvoir d’achat, mis en avant par certains, ne profite qu’à une seule catégorie : les rentiers, comme les nommait Keynes. Tous les autres, les chefs d’entreprise, les salariés, tous ceux qui représentent le dynamisme de l’économie en pâtissent.

La baisse des prix est la première traduction d’une demande qui s’effondre. Les licenciements, les fermetures d’entreprise, les baisses de salaire suivent. Les personnes endettées ont de plus en plus de mal à faire face à leurs charges, alors que leurs ressources diminuent. Ce qui est vrai pour le privé l’est tout autant pour les finances publiques. Chacun rogne encore plus sur ses dépenses, économise sur tout ce qu’il peut économiser. Le phénomène déflationniste alors s’auto-alimente : ces économies provoquent une nouvelle chute de la demande, qui entraîne une baisse des prix…

Même si le gouvernement ne le reconnaît pas, la France est déjà entrée dans ce cercle déflationniste. Pour les jeunes, les stages à 400 euros ont remplacé les CDD payés au Smic. Les emplois sont de plus en plus à temps partiel. Le pacte de responsabilité est lui aussi une baisse des salaires masquée : l’État accepte de prendre à sa charge une partie des baisses de salaire, par le biais des cotisations sociales, afin d’alléger le coût du travail pour les entreprises. À la prochaine étape, les baisses de salaire risquent d’être directement imposées aux salariés sans passer par le truchement de l’État. Cette situation risque de créer de nombreuses tensions, d’autant plus que la situation réelle de l’économie et des ménages est mal appréhendée, les contraintes sous-estimées.  

La déflation ne touche pas uniformément l’activité économique. À côté de secteurs en crise, d’autres peuvent continuer à connaître une certaine inflation. Le phénomène est déjà notable aux États-Unis : les secteurs de la consommation courante – alimentation, logement, énergie – connaissent tous des augmentations d’autant plus importantes que les financiers, à la recherche de placements sûrs, ont massivement investi dans les matières premières agricoles, l’énergie, l’immobilier, alimentant la spéculation.

Le phénomène touche, à un moindre degré, l’économie française. Les baisses des prix ne sont pas uniformes. Elles touchent certains postes plutôt que d’autres. Si les prix des produits manufacturés continuent de baisser, ceux des produits alimentaires diminuent beaucoup moins. L’Insee parle d’une baisse de 3,6 % en juillet en raison de l’abondance des fruits et légumes. Mais à côté des arrivages saisonniers de produits frais, le prix de la viande, lui, continue d’augmenter. Les consommateurs, de leur côté, disent ne voir aucune baisse. Les représentants de la grande distribution confirment à demi-mot : ils disent enregistrer des chutes des dépenses en volume. En d’autres termes, les ménages dépensent les mêmes montants et peut-être moins, mais rognent sur les quantités.

Tous ces changements passent peu ou mal dans les outils statistiques dont le plus important d’entre eux, l’indice général des prix. Cela contribue à alimenter un malaise généralisé. Des réalités semblent être complètement inaperçues ou niées. Personne ne paraît pressé de faire émerger des chiffres plus conformes à la réalité.

La première décision de Pierre Mendès-France, alors haut fonctionnaire au ministère des finances, à la sortie de la Seconde Guerre mondiale, fut de reconstruire tout l’appareil statistique et de la comptabilité publique. « Sans chiffres sûrs, sans indicateurs fiables, il est impossible de prendre les bonnes décisions politiques », expliquait-il en substance. Alors que l’économie française et européenne entre dans des eaux inconnues, les responsables politiques devraient peut-être se poser la même question. Au-delà de l’utilisation politique de tel ou tel chiffre (chômage, prix ou autres), ont-ils déjà les bons outils pour appréhender la réalité ?

 

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Source : www.mediapart.fr

 

 

 

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9 février 2015 1 09 /02 /février /2015 16:37

 

 

Source : www.mediapart.fr

 

Affaire HSBC: de nouvelles personnalités apparaissent dans les listings

|  Par Valentine OBERTI

 

 

 

Plusieurs personnalités ont reconnu lors d’entretiens avec Mediapart avoir détenu des comptes non déclarés HSBC. Parmi elles : Jacques Dessange, Michel Piccoli et Jeanne Moreau. Les enquêteurs ont également recueilli de nombreux éléments sur les avoirs off-shore du footballeur Christophe Dugarry et l’ancien préfet Jean-Charles Marchiani.

 

 

Plusieurs personnalités publiques, dont les noms apparaissent dans les listings de l’affaire HSBC, ont reconnu lors d’entretiens avec Mediapart être liées à la filiale genevoise de la banque de gestion de fortune, actuellement au cœur d’une vaste enquête judiciaire pour « fraude fiscale et blanchiment en bande organisée ».

Parmi elles figurent le célèbre patron de salons de coiffure Jacques Dessange, deux monstres sacrés du cinéma français, les comédiens Michel Piccoli et Jeanne Moreau, ou encore un ancien représentant permanent de la France à l’ONU, Luc de Nanteuil. Tous ont indiqué avoir régularisé leur situation fiscale ces dernières années.

Les enquêteurs ont par ailleurs recueilli plusieurs éléments précis sur les avoirs détenus à la HSBC Genève par d’autres personnalités françaises, comme l’ex-footballeur vedette Christophe Dugarry ou l’ancien préfet Jean-Charles Marchiani, qui n’ont pas souhaité répondre à nos questions.

Un homme politique, le député UDI Meyer Habib, qui apparaît également dans les listings HSBC, assure de son côté ne pas être lié à la banque, tout en suggérant qu'il pourrait s'agir d'un vieux compte paternel dont il dit avoir ignoré l’existence jusqu’aux questions de Mediapart cette semaine.

Tous ces éléments proviennent des données brutes fournies par l’ex-informaticien de la HSBC Private Bank de Genève, Hervé Falciani, qui fut à l’origine, fin 2008, de l’une des plus grandes fuites de documents bancaires. Après l’hebdomadaire Challenges et le quotidien Le Monde, qui ont déjà révélé l’identité de certaines personnalités citées dans ces listes, Mediapart a décidé de rendre publics de nouveaux noms connus du grand public après plusieurs semaines d’enquête.

 

Jacques Dessange 
Jacques Dessange

Certains cas ne souffrent d’aucune contestation. Hubert Dessange, alias Jacques Dessange, fondateur de la célèbre chaîne de salons de coiffure, et dont le nom apparaît dans les listings Falciani, a reconnu avoir fraudé le fisc pendant plusieurs années. « M. Dessange a régularisé sa situation courant 2012. Tout est en ordre, il a payé ce qu'il devait. Je ne peux vous dire depuis combien de temps il détenait ce compte en Suisse, ni son montant », explique à Mediapart son avocat, Me Charles-Emmanuel Soussen.

Comme lui, ils sont nombreux à avoir régularisé leur situation lorsque l’existence de ces fichiers a été révélée, il y a quatre ans et demi, par l’ancien ministre du budget Éric Woerth (UMP). C’est aussi le cas d’un ancien diplomate de haut rang, Luc de Nanteuil.

Énarque, ex-ambassadeur à l'ONU, auprès de l’Union européenne, en Grande-Bretagne et aux Pays-Bas dans les années 1980 et 1990, ce dernier a également présidé le groupe de presse Les Échos de 1991 à 2003. Il est aujourd'hui « très malade », et c'est son épouse qui nous répond : « Le compte est déclaré désormais. Il avait un compte qui a été régularisé, ça doit faire 3 ou 4 ans. Il n'y avait pas plein, plein de chiffres sur ce compte. C'était un héritage, comme beaucoup de gens malheureusement. »

La comédienne Jeanne Moreau confirme avoir détenu de l’argent, « quelque chose comme 100 000 euros », et avoir régularisé sa situation, contre paiement d’une amende, à la demande du fisc qui l’a approchée au printemps 2013. « J’avais de l’argent et j’ignorais que je l’avais », indique l’actrice. Elle raconte que cette somme lui avait été versée en deux fois, « pour un travail effectué au Japon il y a douze ou quinze ans, puis pour ma participation à une émission de télévision anglaise, plus récemment ». L'argent avait été déposé sur un compte ouvert il y a de nombreuses années et laissé dormant depuis. « J’ai été la première étonnée lorsqu’on m’en a parlé, et j’ai bien sûr réglé la situation dès que l’administration me l’a demandé », indique-t-elle.

Régularisation tardive également pour Ludivine Piccoli, l’épouse de l’acteur Michel Piccoli. Les noms des deux époux figurent dans les listings. « Dans ma période d’étudiante à Genève, mes parents m’aidaient financièrement. Ce compte, non alimenté depuis longtemps, a été régularisé il y a un an et demi. Je n’ai pas été entendue par les autorités, j’imagine que la somme paraissait insignifiante. » Elle explique avoir transféré 29 000 euros dans une banque française, après paiement de pénalités. « Je me suis aperçue que ce n’était pas une bonne idée de garder ce compte aussi longtemps sans l’utiliser, et puis cela aurait pu rejaillir sur mon époux. » De fait, Michel Piccoli apparaît lui aussi comme étant ayant droit du compte suisse. « Qu’il apparaisse sur ces listings est normal, explique son épouse, puisque je l’ai mis comme bénéficiaire au cas où il m’arriverait quelque chose. »

Le préfet et le footballeur

 

Christophe Dugarry 
Christophe Dugarry © Reuters

Pour d’autres personnalités, qui n’ont pas souhaité répondre aux questions de Mediapart malgré de très nombreuses relances, les liens avec la HSBC Private Bank Genève ont été établis de façon formelle par les enquêteurs. Parmi elles : le footballeur Christophe Dugarry, ancien joueur international et vainqueur de la coupe du monde en 1998.

L’homme figure sur les listings et son cas avait même été considéré comme prioritaire, en 2010, par le procureur de la république de Nice, Éric de Montgolfier, à l’époque où le magistrat était chargé du dossier. D’après un procès-verbal de gendarmerie de juillet 2010 obtenu par Mediapart, les enquêteurs indiquent que M. Dugarry, considéré par HSBC comme un “VIP”, est le bénéficiaire économique d’un compte à l’étranger sous le couvert d’une société écran, Faroe Capital Limited. Le compte, ouvert en mars 2005, était créditeur de 67 731,97 euros au moment de sa découverte par la justice. Dans leur PV, les enquêteurs notent que Christophe Dugarry, aujourd’hui consultant sportif, est fiscalement domicilié à Bordeaux et n’a déclaré aucun compte à l’étranger, alors qu’il en reconnaît treize en France.

Contacté à de très nombreuses reprises, l'ancien footballeur n’a pas répondu à nos questions. La date de création de la société écran utilisée par M. Dugarry – mars 2005 – n’a rien d’anodin. Elle intervient quelques mois avant l’entrée en vigueur d’une directive européenne prévoyant de taxer à la source les revenus d’épargne des comptes à l’étranger. Cela ne concernait que les comptes de personnes physiques. À ce moment-là, nombreuses sont celles qui ont basculé leur argent vers des sociétés écrans créées pour l’occasion.

Les noms de quelques rares hommes politiques apparaissant dans les listings Falciani retiennent également l’attention. À commencer par celui de l’ancien préfet du Var et proche de Charles Pasqua, Jean-Charles Marchiani.

Dans plusieurs documents officiels, les enquêteurs le présentent comme « lié à la banque HSBC PB de Genève depuis le 20/05/1983 », au travers d’un compte numéroté, dont le solde maximum pour la période allant du 9 novembre 2006 au 31 mars 2007 est monté jusqu’à 1 844 073, 38 euros. Sont également liés à ce profil son épouse, ses deux fils et son frère, eux aussi présents dans les listings.

 

L'ancien préfet Marchiani avec Charles Pasqua. 
L'ancien préfet Marchiani avec Charles Pasqua. © Reuters

Les enquêteurs relèvent notamment un mouvement suspect le 8 mars 2007 : « Un dépôt de 482 000 euros sur un compte à terme. » D’où vient cet argent ? A-t-il été déclaré au fisc ? Dans un rapport de synthèse de décembre 2010, les gendarmes sont formels : « Outre le fait que [son] origine demeure inconnue, il apparaît que cette somme [de 482 000 euros] est ignorée des services fiscaux », ce qui « laisse supposer la possibilité d’une fraude fiscale dont le compte bancaire suisse permettrait le blanchiment ». Les enquêteurs recommandent des investigations complémentaires pour « identifier formellement le ou les auteurs de cette fraude fiscale, ainsi que le ou les auteurs de son blanchiment ».

Interrogé sur ces éléments, l’avocat de Jean-Charles Marchiani, Me Jacques Tremolet-de-Villers, dément catégoriquement les faits et prévient qu’il poursuivra pour diffamation quiconque en fera état.

Les malgré eux...

Le député UDI Meyer Habib apparaît aussi dans ces listings. Élu en juin dernier dans la 8e circonscription des Français de l’étranger (qui comprend Israël, la Grèce, Malte, Chypre, la Turquie, l’Italie et le Vatican), il dit découvrir cet héritage. Manifestement embarrassé par les questions de Mediapart, il affirme n’avoir jamais entendu parler de compte : « Pour moi il n’y a pas de compte, et je n’en avais jamais entendu parler avant votre appel. Mes frères et sœurs non plus d’ailleurs, je le leur ai demandé. Je vais être très clair : je n’ai pas de compte en Suisse. Vous me dites qu’il y a mon nom sur ces listings. Si tel est le cas, alors c’est peut-être que mon père m’aurait mis il y a très longtemps sur un compte familial, à mon insu. Mais mon père est mort il y a dix ans. Ses comptes ont été fermés, ils sont revenus à ma mère, qui est très souffrante. »

Né en France d’une famille originaire de Tunisie, il conclut : « De toute façon, ce n'est en aucun cas de l’évasion fiscale : mon père, juif réfugié, était apatride puis il a pris la nationalité israélienne. »


 
© Reuters

Le sénateur UDI du Gers Aymeri de Montesquiou apparaît lui aussi dans ces listings, ainsi que son épouse Éliane. Contacté par Mediapart, celui qui avait hébergé dans son château Jérôme Cahuzac en pleine tempête, répond avec agacement : « C’est extrêmement désagréable, ce genre de questions, quand même ; il y a un côté inquisiteur. Je suis très surpris d’être questionné là-dessus. Je n’ai pas de compte en Suisse, je n’en ai jamais eu. Ma réponse est catégorique. Ma femme non plus. » Pourtant, un des enquêteurs de la DNEF qui a traité le dossier HSBC se souvient d’un compte ouvert dans les années 1990.

Ces nouvelles révélations s’ajoutent à celles du Monde, qui a publié en début de semaine une première liste d'évadés fiscaux aujourd’hui en règle. Avec, à chaque fois, à peu près le même argument : fraudeurs malgré eux. Le réalisateur Cédric Klapisch, le diplomate Jean Lévy, le médiatique psychanalyste Gérard Miller, l’ex-président du CRIF Richard Prasquier, l’avocat Michel Tubiana. Fraudeurs “passifs”, ils étaient héritiers de comptes ouverts par leurs parents. D’autres, comme le chef étoilé Paul Bocuse, ont plaidé « l’étourderie ». Il aurait « oublié » qu’il détenait 2,2 millions d’euros sur un compte non déclaré avant de régulariser sa situation.

D’autres font l’objet de plaintes du fisc, comme le révélait il y a quelques mois le magazine Challenges : Arlette Ricci, l’héritière de Nina Ricci, l’avocat toulonnais Jean-Claude Giudicelli, plusieurs dirigeants de PME comme Simon Benharrous, créateur de la marque de vêtements pour enfants Du Pareil Au Même, ou encore le galeriste David Lévy.

Mais au cours de son enquête, Mediapart a été confronté à plusieurs éléments incitant à manipuler ces données avec un luxe de précautions. Ainsi, d’autres personnalités se trouvent sur ces listings mais leur compte, déclaré ou non, a été ouvert ailleurs qu’à la HSBC.

Emmanuel de Brantes, figure people et chroniqueur mondain, confirme par exemple avoir détenu un compte non déclaré, « ouvert en 1998 à l'initiative d'un client suisse à qui je fournissais des prestations de conseil : une somme, minime, a été versée en une fois, et m'a ensuite servi pour mes frais courants lorsque je me rendais en Suisse. Le compte a été fermé en 2003, et les faits sont largement prescrits ». Mais il s’étonne « tout de même qu’en cette période de chasse aux sorcières », Mediapart dispose « d’informations qui datent d'il y a une quinzaine d'années, et qui ne concernent même pas directement HSBC, puisque le compte avait été ouvert à la Republic National Bank of New York », rachetée en 1999 par HSBC.

Bernard Roux, cofondateur de l’agence de communication Euro-RSCG, s’étonne quant à lui de nos questions : « J’ai eu un compte en Suisse parfaitement officiel et déclaré chez Hyposwiss. Tout ça, c’est terminé. Je l’ai ouvert dans les années 1990 et fermé au début des années 2000, de mémoire, parce que j’avais fait des investissements en Suisse parfaitement officiels. »

L’homme d’affaires Jean-Louis Bouchard, un des actionnaires de Mediapart, fait savoir qu’il est, lui aussi, très surpris : « Je vous confirme n'avoir jamais eu de compte chez HSBC. J'ai donné une procuration à mes avocats pour qu'ils obtiennent des informations auprès de cet établissement et ne manquerai pas de vous tenir informés. Ayant résidé plusieurs années à Genève de 1984 à 1988, il est possible que j'aie eu à l'époque un compte dans une banque rachetée ultérieurement par HSBC. Si tel était le cas, ce compte serait dormant depuis de nombreuses années et serait immédiatement régularisé. »

Depuis avril 2013, les deux juges d'instruction parisiens Renaud Van Ruymbeke et Charlotte Bilger sont chargés d'une information judiciaire qui vise à établir l'éventuelle responsabilité pénale de fraudeurs fiscaux, mais aussi celle de la banque HSBC, aujourd'hui soupçonnée d'avoir incité ses clients à échapper à l'impôt en France. 

 

Boîte noire : Mathilde Mathieu, Dan Israel, Mathieu Magnaudeix et Fabrice Arfi ont contribué à cette enquête.

 

 

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Source : www.mediapart.fr

 


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