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16 février 2015 1 16 /02 /février /2015 16:45

 

Source : www.marianne.net

 

 

Macron ou le désert des idéaux

Gérard Filoche

Membre du Bureau national du PS.

 

 

Après trois semaines de débat à l’Assemblée, les députés votent la loi Macron ce mardi. Mais pour le socialiste Gérard Filoche, le ministre de l’Economie fait fausse route avec son texte et, surtout, avec son discours. Mieux vaudrait, selon lui, s’attaquer à la fraude fiscale révélée une nouvelle fois avec le SwissLeaks : "Il suffit d’embaucher 2 000 inspecteurs des impôts, des centaines d’informaticiens, de prendre les mesures légales pour traquer la fraude, et d’avoir la volonté politique d’affronter l’oligarchie". En un sens, conclut-il, "il suffit d’être de gauche"...
WITT/SIPA

« Ayez envie de devenir milliardaires », « Enrichissez-vous », « Vive le secret des affaires ». Le discours du ministre Macron, c’est le désert des idéaux dans lequel meurt l’espoir et naissent de dangereux scorpions comme ceux qui tuent les Charlie. Comment peut on se moquer ainsi de la jeunesse ? La priver de tout idéal alors qu’elle est déjà privée d’emploi ? La moquer en lui proposant de s’enrichir alors que les patrons la cantonnent exprès, pour des raisons politiques et nullement économiques, de 19 à 29 ans, dans des stages et des CDD ?

« Devenez milliardaires » ! Il y a 78 milliardaires en France, le record d‘Europe. Deux d’entre eux possèdent plus que 20 millions de Français. Il est impossible d’être à la fois milliardaire et honnête : parce que pour posséder tant d’argent, il faut avoir exploité, surexploité, volé le travail des autres, spéculé avec, triché, fraudé, accumulé, écrasé, sinon c’est impossible. Le travail n’enrichit personne, c’est l’exploitation du travail des autres qui enrichit. Et pour s’enrichir au point d’être milliardaires il faut  avoir pillé abusivement des milliers de travailleurs pendant des générations !

Et puis, en sus, au passage, Macron nous dit de réaliser un autre « idéal » : vendre triomphalement des Rafale aux sinistres dictateurs égyptiens qui massacrent leur peuple révolté et assassinent des femmes seules dans la rue. C’est sûr que la jeunesse va sentir l’apartheid plutôt que d’être fascinée par L’Argent de Zola et les « Rougon-Macron ».

Regardez les MatThieu Pigasse et Pierre Bergé qui tempêtent contre le fait que deux journalistes du Monde participent au SwissLeaks et révèlent l’ampleur de la fraude fiscale. Ils ne parlent pas de Luxleaks ni de Jean-Claude Juncker, Cahuzac puissance 10, patron de l’Europe, qui blanchit depuis trente ans au Luxembourg, l’argent de 340 multinationales, dont 58 françaises, nous prenant chaque année 100 milliards dans les caisses ainsi vidées de la République. La mise en place d’une « commission d’enquête » du Parlement européen est empêchée.

Forcément, le ministre Macron a tenté de faire passer un article de loi sur « le secret des affaires » et la « punition » de ceux qui contribuaient à le lever. A peine deux ans après Cahuzac où l’on nous avait fait le coup de la « transparence », Macron a tenté de faire le forcing pour le coup de l’opacité légale.

Sur 80 milliards de fraude fiscale « officielle » reconnue par Bercy, le ministre du Budget ne vise officiellement à faire rentrer que 2 milliards en tout et pour en 2014. Alors qu’il baisse le budget de nos besoins sociaux de 50 milliards pour verser 41 milliards au Medef. Le simple fait que la fraude fiscale estimée en Europe soit le double de la fameuse « dette » attribuée à tous les Etats de la zone euro devrait faire la une de tous les médias pendant des semaines. Il s’agit d’argent volé, détourné, enlevé aux peuples, aux salariés par les banques, les spéculateurs, les actionnaires.

Pour la simple Grèce, l’oligarchie — 1 % de sa population, les armateurs — a « planqué » 400 milliards en Suisse, plus que la « dette » qui lui est indignement exigée. Avec cette somme retrouvée, identifiée — car on sait tout d’elle : où elle est, à qui elle est, dans le moindre centime, on peut la pourchasser, on peut la rattraper, on peut la récupérer — la question de la prétendue « dette » est réglée, la « crise » est finie, tous nos pays redeviennent officiellement riches, les budgets sont en équilibre, on peut relancer l’économie, refaire de l’emploi en masse, instaurer les 32 heurs, augmenter les salaires. A propos de la délinquance financière, « La République vous rattrapera » s'écriait François Hollande au Bourget !

Quand Lagarde et Le Pen hurlent toutes deux, ensemble, « une dette est une dette » à propos de la Grèce, eh bien non, ces deux dames de l’establishment défendent leurs amis banquiers respectifs ! Refusant de s’en prendre aux banquiers, elles s'en prennent forcément aux peuples.

Car c’est entre le mensonge et la lumière, entre les banquiers d’HSBC, du Luxembourg, des îles Caïman ou Jersey et nous, que tout se joue : il existe 600 milliards d’avoirs français dans les paradis fiscaux, le double du budget de l’Etat. Tout est là.

Il suffit d’embaucher 2 000 inspecteurs des impôts, des centaines d’informaticiens, de faire un pont d’or aux journalistes qui travaillent sur les OffshoreLeaks, le LuxLeaks et le SwissLeaks, de prendre les mesures légales pour traquer la fraude, et d’avoir la volonté politique d’affronter l’oligarchie, les 1 %, les 58 sociétés qui trichent… Il suffit d’être de gauche, de vouloir lutter contre la misère, le chômage et les inégalités.

 

 

Source : www.marianne.net

 

 

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15 février 2015 7 15 /02 /février /2015 19:44

 

 

Source : www.marianne.net

 

 

Pourquoi il faut un salaire minimum mondial

Francis Journot

Francis Journot est membre des associations citoyennes International convention for minimum wage, Vêtements made in France et Rendez-nous notre industrie.

 

Le militant associatif Francis Journot a entendu les récentes déclarations du pape François "à propos de l’esclavage et des risques mortels liés à l’immigration clandestine". Il le prend aux mots et lui propose d'envisager sérieusement l'instauration d'un salaire minimum mondial. "Le chantier serait moins titanesque qu’il n’y parait, écrit-il, car moins de 400 groupes internationaux, seulement, se partagent la quasi-totalité de l’économie mondiale".
Fin 2013, au Bangladesh, des centaines de personnes manifestent pour exiger un salaire mensuel minimum de 103 dollars et l'indemnisation des victimes et blessés après l’effondrement du Rana Plaza tuant plus de 1 000 travailleurs - A.M. AHAD / AP / SIPA

Au pape François, 

« Il est nécessaire d’agir sur les causes et non seulement sur les effets... ». Telles furent, en novembre dernier, vos recommandations au Parlement européen à propos de l’esclavage et des risques mortels liés à l’immigration clandestine. L’instauration d’un salaire minimum mondial lié aux biens de consommation et services exportés ferait reculer l’esclavage et offrirait parfois de nouvelles perspectives économiques à des populations qui migrent souvent au péril de leurs vies.

Le thème du salaire minimum mondial n’est certes pas nouveau mais en l’absence de projet pragmatique, celui-ci n’a jamais vraiment progressé. Le salaire médian selon le niveau de vie ou la rémunération moyenne de chaque pays est l’hypothèse la plus souvent évoquée mais la mise en place d’un tel dispositif nécessiterait plusieurs décennies. En effet, la dernière Convention concerning the creation of minimum wage-fixing machinery, qui a eu lieu en 1928, laissait champ libre aux États signataires mais s’est révélée être un échec : « Chaque membre qui ratifie la présente convention a la liberté de déterminer les méthodes de fixation des salaires minima ainsi que les modalités de leur application ».  Quatre-vingt dix neuf pays ont ratifié la convention dont la Chine en 1930 ou l’Inde en 1955 avec les résultats que nous connaissons. Certains pays ont adhéré en 2006 et 2007 soit près de 80 ans après.

Aussi, cette expérience nous enseigne que, pour être efficace et ratifiée rapidement par le plus grand nombre d’États, une nouvelle convention internationale devrait impérativement définir un cadre d’application commun plus précis. Il conviendrait en outre que le processus ne soit financièrement, guère contraignant pour les États. Le salaire minimum mondial préconisé s’adresserait donc d’abord aux personnels dont le travail serait lié aux produits et services exportés vers les grands marchés de consommation.

Les chefs d’États des pays émergents peuvent y voir une source de nouvelles recettes fiscalesLes chefs d’États des pays émergents pourraient appréhender l’intérêt d’un salaire décent, source de nouvelles recettes fiscales et de développement financé par une plus juste contribution des donneurs d’ordres principalement occidentaux. A terme, ce salaire pourrait générer un effet macroéconomique positif certain sur le niveau de vie de populations entières. 

Aujourd’hui, avec des salaires horaires variant le plus souvent, d’une à quelques dizaines de cents d’euros, la part salariale de la production d’un bien de consommation fabriqué dans un pays à bas coûts, n’avoisine le plus souvent qu’1 à 5 % du prix acquitté par l’acheteur final. Un salaire minimum mondial spécifique de 300 ou 400 € augmenterait les coûts de production mais ne devrait néanmoins, que modérément impacter les prix à la consommation.

Sous l’effet d’une crise qui ampute le pouvoir d’achat et l’accroissement d’une concurrence qui voit l’arrivée ininterrompue de nouveaux acteurs, notamment dans le secteur de l’habillement, l’offre s’adapte habituellement à la demande et les étiquettes des biens de consommation bas/moyen de gamme affichent une tendance à la rétractation. En effet, les grandes entreprises qui ont recours aux pays à bas coûts disposent généralement de marges considérables qu’ils peuvent réduire sans affecter dangereusement leurs résultats. Pour exemple, Apple a totalisé en 2013 et 2014 prés de 80 milliards de dollars de bénéfices et des enseignes comme Zara et H&M réinvestissent chaque année dans l’ouverture de 400 nouveaux mégastores luxueux situés sur les plus belles avenues du monde.

Vers un ralentissement du consumérisme et une diminution du réchauffement climatiqueL’intégration dans les coûts d’un salaire minimum décent et du réel impact écologique — de la fabrication à la commercialisation — nous orienterait vers un ralentissement du consumérisme et à terme, ferait diminuer le réchauffement climatique. La revalorisation des salaires industriels dans les pays émergents ou en développement, atténuerait  l’écart de productivité entre industrie et artisanat. Cela pourrait favoriser l’apparition de modes de fabrication ou de culture locaux et artisanaux, plus respectueux de l’environnement, qui désormais pourraient plus souvent assurer un revenu vital à des travailleurs indépendants ou à des petites structures, notamment dans les pays émergents. Progressivement la production muterait vers une offre de meilleure qualité, moins jetable, moins obsolète et subséquemment, plus économique pour le consommateur.

Au moment où le modèle économique basé sur une course à la croissance à l’infini dévoile ses limites mais continue néanmoins à détruire notre planète, il conviendrait d’attribuer aux plus grandes entreprises, un coefficient de responsabilité sociale et écologique. Il pourrait être calculé sur la base de la réelle empreinte écologique des services ou produits vendus. Il tiendrait compte de la qualité ou durabilité et des conditions de travail lors des prestations ou de la production réalisée chez les sous-traitants mais aussi de tous les éléments de commercialisation et de l’ensemble des moyens publicitaires. La contribution pourrait financer, à travers une agence mondiale dédiée, des actions en faveur de la lutte contre le réchauffement climatique notamment l’aide au développement d’économies locales et artisanales ou de toutes actions conduisant à un allégement de l’empreinte écologique mondiale.

Moins de 400 groupes internationaux se partagent la quasi-totalité de l’économie mondialeLe chantier serait moins titanesque qu’il n’y parait car moins de 400 groupes internationaux, seulement, se partagent la quasi-totalité de l’économie mondiale. Il serait juste que les entreprises qui tirent immodérément parti de la planète, contribuent au financement d’actions tendant à réduire leurs dégâts.      

Dans votre message communiqué le 10 décembre 2014 titré « Non plus esclaves, mais frères », vous soulignez la « responsabilité sociale du consommateur » : « Chaque personne devrait avoir conscience qu’acheter est non seulement un acte économique mais toujours aussi un acte moral ». Certes, le consommateur peut et doit réduire sa consommation. Cependant, il convient de pointer du doigt la politique de libre-échange qui a favorisé l’explosion de la consommation et qui, en quelques années a fait bondir les émissions de CO2. L’achat a longtemps été un acte réfléchi reposant sur la recherche du meilleur rapport qualité/prix parmi une offre diversifiée de qualité, mais aujourd’hui les repères ont disparu. Le consommateur, toujours plus sollicité par une publicité invasive, consomme l’offre imposée par quelques grands groupes qui règnent sur les marchés de la consommation. Il est maintenant quasiment contraint de renouveler sans cesse des équipements jetables ou obsolescents majoritairement fabriqués dans des pays émergents à bas coûts dans des conditions souvent peu respectueuses de l’homme et de la nature.

215 millions d'enfants travaillent dans des conditions inacceptablesSelon un rapport de l’Unicef en 2012, 322 millions d'enfants (23% de la population mondiale âgée de 5 à 17 ans) sont engagés dans une activité économique. Parmi eux, 215 millions travaillent dans des conditions inacceptables et plus de 110 millions d'entre eux, sont soumis aux pires conditions de travail. Aussi, si l’on admet que lorsque les parents sont payés décemment, les enfants sont moins souvent contraints de travailler et peuvent ainsi aller à l'école, l’existence d’un salaire décent se révèle cruciale. De même, nous assistons impuissants à la noyade de milliers d’enfants et adultes migrants dont bon nombre fuient des pays où les salaires des ouvriers fabricant des produits pourtant destinés aux grands marches de la consommation, permettent à peine de survivre.   

Nous devons œuvrer à la régulation d’un marché mondial du travail qui, tout au long de l’histoire de l’humanité, n’a jamais compté autant de personnes travaillant dans des conditions proches de l’esclavage dans les pays émergents ou en développement mais aussi un nombre de chômeurs et de pauvres jamais atteint auparavant dans les pays développés.

Le 2 décembre 2014, journée internationale pour l’abolition de l’esclavage, une réunion co-organisée par le Vatican et le mouvement Global freedom network, initié par le milliardaire et magnat des mines australiennes Andrew Forrest, a permis de recueillir la signature des 16 principaux chefs de communautés religieuses, en faveur d’une déclaration commune « pour mettre fin à l’esclavage avant 2020 ». Cependant, la déclaration ne semble pas s’être dotée de stratégie commune. Aussi, il est à redouter qu’à l’instar des dizaines de conférences ou conventions organisées depuis la Déclaration des droits de l’homme en 1948, que les résolutions ne soient suivies d’effets. Par ailleurs, le site du mouvement, destiné au recueil du soutien d’une part significative de la population mondiale stagne depuis sa création à 11 000 signatures sur le réseau social Facebook et un peu plus de 2 400 sur Twitter. On peut alors déjà craindre que la mobilisation planétaire escomptée ne soit guère au rendez-vous.

Une opportunité d’apaiser un monde au bord de l’implosion socialePublié en septembre 2013, le projet Global minimum wage to abolish slavery a été remarqué par des économistes de renom dont certains parmi eux, enseignent dans les plus prestigieuses universités américaines et nous ont fait part de leur intérêt. Bien qu’il faille admettre qu’il soit de nature différente et n’ait finalement guère vu le jour, le projet de salaire minimum mondial aux Etats-Unis avait cependant recueilli en janvier 2014 le soutien de 600 économistes.

Les chefs religieux que vous avez réuni et de nombreux économistes à travers le monde, sont susceptibles de soutenir la Convention internationale pour un salaire minimum que nous proposons. Certains parmi eux pourraient intervenir lors de celle-ci. Pays en développement ou développés pourraient s’accorder à voir en cette convention, une opportunité d’apaiser un monde au bord de l’implosion sociale. Alors peut-être parviendrons-nous à convaincre les deux principaux marchés de consommation — les Etats-Unis et l'Union européenne — l’Organisation internationale du travail et l’Organisation mondiale du commerce, de considérer la nécessité et l’inéluctabilité d’un salaire minimum mondial.

 

 

Source : www.marianne.net

 

 

 

 

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15 février 2015 7 15 /02 /février /2015 17:51

 

 

Source : rue89.nouvelobs.com

 

 

Le grand entretien 15/02/2015 à 14h57
« Surveiller, tout en se cachant, est la forme la plus haute du pouvoir »

 

Claire Richard | Journaliste Rue89

Frank Pasquale, professeur à l’Université du Maryland, vient de publier « The Black box society ». Il décrit comment les algorithmes, protégés par le secret commercial, créent de nouveaux rapports de pouvoir.


Frank Pasquale (University of Maryland)

Frank Pasquale est professeur de droit à l’université du Maryland, aux Etats-Unis. Il travaille depuis longtemps sur les rapports entre les technologies de l’information et la loi, et s’intéresse en particulier aux dimensions éthiques et sociales de ces questions.

Son dernier livre « The Black box society : the secret algorithms that control money and information » (« La Société de la boîte noire : les algorithmes secrets qui contrôlent l’argent et l’information »), vient de paraître aux Etats-Unis.

Nous l’avons interviewé à cette occasion, pour parler du secret et du pouvoir des algorithmes et de l’importance de descendre Google et Facebook de leurs piédestaux respectifs.

Rue89 : D’où vous est venue l’idée de travailler sur le secret, et le secret des algorithmes en particulier ?

Frank Pasquale : J’ai commencé à travailler sur les moteurs de recherche en 2004-2005, et je me suis rendu compte que ceux-ci posaient un certain nombre de problèmes dont on ne parlait pas.

En 2003, il y a eu un premier procès contre Google : celui-ci faisait systématiquement descendre dans ses résultats une entreprise appelée SearchKing, qui était un autre moteur de recherche. Or il était impossible de savoir si Google essayait délibérément de se débarrasser d’un concurrent ou si le site descendait automatiquement dans les résultats parce qu’il était mauvais. On ne pouvait pas savoir parce que les algorithmes de Google, qui régissent ces résultats, sont protégés par le secret commercial.

Dans votre livre, vous expliquez que ce genre de secret est de plus en plus courant, et vous parlez, pour décrire le phénomène, de « société de la boîte noire ». Qu’est-ce que ça veut dire ?

La boîte noire est une métaphore d’ingénieur, qui décrit un système dans lequel vous savez ce qui entre et ce qui sort, mais rien de la transformation qui s’est opérée entre les deux.

La presse américaine a longtemps présenté Google comme un modèle pour les entreprises, en mettant en avant tous ses côtés sympathiques : la cantine délicieuse, les massages offerts, les décisions laissées aux ingénieurs... Mais ces articles ne disaient rien du rôle des avocats et des financiers, qui travaillaient à garder secret tout le fonctionnement interne de l’entreprise. C’est ça, la boîte noire : ce qui se passe dans les entreprises est protégé par le secret.

Aujourd’hui, aux Etats-Unis, de plus en plus d’entreprises affirment que toute l’analyse de données qu’elles mènent en interne relève du secret commercial, et que les algorithmes de notation, d’une personne ou d’une entreprise, sont protégés par le premier amendement, qui garantit la liberté d’expression. Certains tribunaux ont déjà accepté ces arguments. C’est comme ça que se crée une boîte noire de plus en plus impénétrable.

La boîte noire, c’est aussi une référence à la boîte noire d’un avion, qui enregistre toutes les manœuvres de l’appareil. Aujourd’hui, les grosses entreprises surveillent de très près leurs employés et peuvent faire de leur vie un enfer si ceux-ci veulent révéler des informations. On l’a vu avec l’affaire LuxLeaks : les employés qui voulaient parler se sont vite aperçus qu’ils risquaient la prison.

Auparavant, le secret commercial s’appliquait aux personnes les plus haut placées dans les entreprises. Aujourd’hui, les entreprises attachent une telle importance à leurs secrets qu’elles l’appliquent jusqu’en bas de la hiérarchie. Aux Etats-Unis, le secret commercial est même utilisé pour forcer les employés de la chaîne de sandwichs Jimmy John’s à signer un contrat de confidentialité sur la composition de leurs sandwichs ! En revanche, les actions des dirigeants restent cachées dans ces boîtes noires – protégées par le secret commercial, le jargon qu’ils emploient et des techniques de verrouillage et de cryptographie.

On est donc moins dans une société de la transparence que dans une société du secret ? Ou du moins, dans une société de la transparence asymétrique, où la majorité des gens sont surveillés au travail ou par le gouvernement, tandis que le secret est le privilège des plus puissants ?

Absolument. La capacité de surveiller les moindres faits et gestes des autres, tout en cachant les siens, est la forme la plus haute du pouvoir.

C’est l’histoire platonicienne de l’anneau de Gygès : celui qui est invisible, et qui donc peut voir tout ce que font les autres à leur insu, dispose d’un avantage stratégique énorme. C’est le ressort central d’entreprises comme Google ou Facebook. Elles disent qu’elles doivent leur richesse et leur succès au fait d’avoir les meilleurs analystes de données et les meilleurs algorithmes. Mais ce succès tient moins à des compétences spéciales qu’à une position de pouvoir particulière, qui leur permet de surveiller tout le monde en se soustrayant elles-mêmes aux regards.

Vous divisez le livre en trois parties : la première est consacrée aux entreprises spécialisées dans la réputation, la seconde aux moteurs de recherche et la troisième à la finance. Est-ce dans ces trois secteurs que se concentre aujourd’hui le pouvoir ?

Oui absolument. Ce sont ces gens qui contrôlent nos vies.

Les entreprises spécialisées dans la réputation, c’est la vision à la première personne. Ma réputation, c’est la façon dont les autres me perçoivent et me connaissent, et les algorithmes de réputation participent à cette interprétation.

Les moteurs de recherche, c’est la façon dont j’essaie de comprendre le monde qui m’entoure.

Et la finance... avec le secteur militaire, c’est ce qui détermine in fine nos marges de manœuvre. Et ils utilisent ces technologies de réputation et de recherche.

Or, on voit régulièrement de petites entreprises de pointe, qui maîtrisent des algorithmes de réputation et de recherche, se faire absorber par le secteur militaire ou la finance. Par exemple, les forces de l’ordre font souvent appel aux services d’une entreprise de la Silicon Valley nommée Palantir, spécialisée dans l’analyse de données. Les révélations de Snowden ont montré à quel point la NSA utilisait les technologies de Facebook et Google pour espionner les gens partout dans le monde... Et la CIA a préféré sous-traiter à Amazon son service de « nuage » plutôt que de créer le sien.

Pour moi, tout ceci montre la constitution et l’installation d’une élite de plus en plus unifiée, entre l’élite de la Silicon Valley, l’élite financière de New York et l’élite du renseignement militaire de Washington. Toutes les entreprises de la Silicon Valley sont en permanence à la limite de la légalité, en matière de fiscalité, de droit de la concurrence, de protection de la vie privée... Et leur avantage tient souvent au fait d’être liées à l’élite gouvernementale.

Regardez Google : au début, on disait que les vrais méchants, c’étaient les maisons de disques, mais que YouTube allait fort heureusement mettre fin à ce monopole, maintenant que tout le monde pouvait mettre toute la musique du monde en ligne et que les artistes pouvaient se passer des majors. Et regardez aujourd’hui : Google, le propriétaire de YouTube, coopère avec les maisons de disques, en faisant descendre dans ses résultats les sites pirates. Avant, quand les maisons de disques estimaient qu’un site était pirate, elles devaient passer par la justice. Aujourd’hui, il semble que Google fasse progressivement descendre un site dans les résultats, une fois qu’il a reçu suffisamment de plaintes.

Vous écrivez que « l’autorité s’exprime de plus en plus de manière algorithmique ». Que voulez-vous dire par là ?

C’est le journaliste américain Clay Shirky qui a exprimé cette idée d’autorité algorithmique, qu’on peut résumer ainsi : avant, la meilleure source faisait autorité. Si je voulais trouver le meilleur article d’info internationale, j’allais voir sur le site du New York Times ou du Guardian, des journaux qui font autorité à cause de leur ancienneté, des prix de journalisme qu’ils ont reçus, etc.

Dans le monde de l’autorité algorithmique, je vais sur Google et je tape « meilleur article d’info internationale ». Google me propose un millier de résultats parmi lesquels il en sélectionne un en tête de liste. Ici, ce n’est plus la source qui crée autorité mais mes précédentes recherches Google. Or je ne sais rien des algorithmes qui choisissent pour moi.

Pour Shirky, c’est une bonne chose. Mais je suis plus critique et j’interroge ce que nous perdons lorsque nous entrons dans le monde de l’autorité des algorithmes. Ce qu’il promet, évidemment, c’est qu’aujourd’hui n’importe qui peut voir son article en tête des résultats de Google News, ce n’est plus réservé à un petit groupe de gens « légitimes » comme ceux du New York Times.

Mais nous ignorons tout des arrangements commerciaux qui existent entre Google et les entreprises de notation et classement. Quels sont leurs buts ? Capter plus de notre attention ? Récolter plus de données ? Nous savons vraiment peu de choses sur cette autorité algorithmique et ce qui l’anime.

Justement, l’une des idées fondamentales de votre livre, c’est que les algorithmes ne sont pas neutres ou objectifs, mais peuvent au contraire refléter des préjugés ou être biaisés. Comment cela est-il possible ?

Pour construire un algorithme, vous êtes obligé de donner la priorité à un certain type de signal, parmi tous les signaux que vous recevez.

Aux Etats-Unis, Latanya Sweeney, professeure de droit à Harvard, s’est aperçue que quand elle faisait une recherche avec son nom dans Google, elle voyait apparaître des publicités automatiques proposées par AdSense titrées « Latanya : arrêtée ? ». Elles proposaient d’accéder à son casier judiciaire (via instantcheckmate.com), suggérant ainsi qu’elle avait déjà été condamnée. Par contre, si elle cherchait « Tanya Sweeney », alors les publicités qui s’affichaient lui proposaient de simples services de localisation, avec des titres neutres comme : « Tanya Sweeney : nous l’avons retrouvée pour vous ». La différence, c’est que Latanya est un prénom que l’on trouve plus souvent chez les Afro-américains, alors que Tanya est plus souvent un prénom « blanc ».

Latanya Sweeney a recherché sur Google les 2300 noms les plus représentés chez les Afro-américains. Elle a découvert que la plupart du temps, les mêmes publicités de instantcheckmate.com s’affichaient, avec le prénom suivi de « arrêtée ? » Ce n’était pas le cas pour les prénoms connotés « blancs ». En réponse, Google et les annonceurs ont affirmé que le processus était entièrement automatisé, et reflétait ce sur quoi les gens cliquaient le plus.

Et ceci est loin d’être un cas isolé : il y a déjà eu des problèmes similaires avec les posts recommandés de Facebook, par exemple.

Ce qui est problématique, c’est que si l’on regarde la composition démographique de la Silicon Valley, on y trouve très peu d’Afro-américains. Mais pendant des années, il a été impossible d’avoir des données sur le sujet : les géants de la Silicon Valley refusaient de communiquer les statistiques ethniques concernant leurs employés, en affirmant qu’il s’agissait d’un secret commercial. Après une énorme pression de la presse spécialisée, ces entreprises ont finalement révélé les chiffres. Et la proportion d’Afro-américains travaillant dans la Silicon Valley est d’environ 2%. Ils ne prennent clairement pas cette question au sérieux !

Mais ne peut-on pas dire que c’est juste l’algorithme qui reflète les préjugés racistes de la société en général ?

Si Google n’était qu’une grosse machine automatique, que l’entreprise mettait en marche sans plus intervenir après, alors cet argument serait recevable. Mais en réalité, il existe de nombreux contre-exemples.

A un moment donné, si l’on tapait « juif » (« jew ») dans le moteur de recherche, on tombait en premier sur un site antisémite et négationniste. Ce n’était pas le cas pour « Israel » ou « Jewish », mais pour « Jew », qui est le terme utilisé par les antisémites : ceux-ci se trouvaient algorithmiquement propulsés vers le haut des résultats. A ce moment-là, Google avait vivement réagi en affichant un message sur leur page de résultat, disant qu’ils ne cautionnaient ni la validité du site ni sa crédibilité.

Cela tient beaucoup aux contraintes que les développeurs acceptent comme légitimes, et à celles qu’ils refusent.

Pourtant, l’idée que les machines sont neutres et que la technologie est une solution est très présente dans la Silicon Valley. C’est ce que vous appelez le « techno-libertarianisme ». L’idée qu’on peut régler des questions sociales ou politiques avec la technologie, ce que le chercheur Evgeny Morozov appelle le « solutionnisme ». Comment répondre à ce problème ?

D’abord il faut arrêter de vénérer ces entreprises, comme si ce qu’elles faisaient était aussi génial et compliqué qu’envoyer un homme sur la Lune ou guérir le cancer. Les gens doivent commencer à comprendre, même grossièrement, comment fonctionne le « big data » : comment les données sont récoltées, nettoyées, utilisées.

Nous avons aujourd’hui un vrai problème culturel : beaucoup, beaucoup de gens, parmi lesquels des politiques, n’ont pas la moindre idée de comment tout ceci fonctionne. Ils voient ça comme quelque chose de magique, et pensent qu’il faut être un génie pour faire ça. J’essaie de calmer un peu ces ardeurs, et de dire que si ces entreprises ont la position dominante qu’elles ont aujourd’hui, c’est surtout parce que ce sont elles qui possèdent le plus de données.

De plus, c’est l’intelligence collective qui aide Google à affiner ses algorithmes. Google, c’est nous tous, c’est toutes nos recherches sur le Web. Même chose pour Instagram. On s’émerveille en disant : « oh, il n’y a que quatorze personnes pour faire tourner Instagram, alors qu’il y en avait 14 000 chez Kodak. Ces quatorze personnes sont incroyablement intelligentes ! » Mais non ! Ces quatorze personnes ne représentent rien, comparées à l’ensemble des photos que nous prenons !

Est-ce que les algorithmes accentuent les inégalités au lieu de les redresser ?

Oui, je pense qu’on peut dire ça. Aujourd’hui, sont concentrées un nombre considérables de richesse et de données dans les mains d’un tout petit nombre d’entreprises qui maîtrisent des algorithmes clés. On peut donc dire que les algorithmes accroissent les inégalités sociales au lieu de les redresser.

Bien sûr, il existe des contre-exemples : un algorithme pourra estimer qu’on peut accorder du crédit à quelqu’un à qui on n’en aurait jamais donné. Les algorithmes permettront aussi de nouvelles façons d’apprendre, nous feront découvrir des choses que nous n’aurions jamais perçues autrement. C’est une dimension évidemment très importante. Mais nous devons aussi regarder leurs côtés négatifs et comprendre que des régulations et des politiques publiques peuvent répondre aux problèmes que ces algorithmes engendrent. Ce n’est pas un phénomène naturel qui poursuit un processus inéluctable.

Quelles mesures pourrait-on prendre pour ouvrir les boîtes noires des algorithmes ?

Commençons par la finance. Dans ce contexte, je suis en faveur d’échanges d’informations et de rapports automatiques. Thomas Piketty, dans « Le capital au XXIe siècle », insiste sur l’importance des paradis fiscaux et celle de savoir où est l’argent dans le monde. A l’heure actuelle, 20 000 à 40 000 milliards de dollars sont manquants. Avec un enregistrement automatisé des transactions, les autorités fiscales n’auraient pas à attendre la divulgation des documents, à faire des procès, etc.

En ce qui concerne Internet, j’ai quelques idées. Par exemple, pour contrer Google Books : pourquoi la bibliothèque du Congrès n’a t-elle pas demandé une copie numérique de tous les livres qui sont déposés chez elle ? S’ils l’avaient fait, et ils auraient dû le faire, nous aurions une alternative publique à Google et Amazon. Les livres sont des éléments cruciaux, qui offrent des avis d’autorité, fiables, sur un grand nombre de questions. Il est vraiment triste de vivre dans un monde où une grande partie de la population a accès à ces livres via une entité commerciale.

En ce qui concerne la protection de la vie privée, celle-ci doit être appliquée bien plus strictement pour protéger les individus. Le secret commercial, dans bien des cas, n’est que l’appropriation des lois sur la protection de la vie privée par les entreprises. A mon sens, chaque mesure qui étend le secret commercial pour les entreprises doit être compensée par une mesure équivalente dans la protection de la vie privée des individus. Les courtiers en données ne devraient pas pouvoir avoir un dossier sur moi sans que je puisse le consulter, l’annoter, le contester et le faire modifier si besoin.

Le gouvernement a un énorme pouvoir qu’il n’utilise pas du tout. Quand il s’en défend sur le ton du « nous ne pouvons pas faire ça, ça ralentirait l’innovation », c’est parce qu’il y a beaucoup de personnes très haut placées dans le gouvernement qui espèrent finir à Google ou dans une de ces énormes entreprises ! Ces comportements sont souvent le fruit de la lâcheté. Les gens sous-estiment le pouvoir réel du gouvernement.

Est-ce que l’Europe a fait un meilleur travail de régulation ?

Bien meilleur. Les Européens ont des années lumières d’avance sur les Etats-Unis, sur la façon dont ils envisagent la vie privée, dans les questions de droit anti-trust que pose Google. Ils ont une approche beaucoup plus agressive que l’approche minimaliste des Etats-Unis.

Pour lutter contre l’influence de ces algorithmes secrets, vous ne parlez pas du tout du mouvement open source et des mouvements open data. Vous ne croyez pas qu’ils puissent représenter une alternative ?

Pour certains problèmes bien précis, l’open data sera très utile : par exemple si vous voulez réparer les routes dans telle ou telle ville, et que vous avez accès aux données pour savoir où se concentrent les réclamations, vous pouvez organiser de petits groupes de pression et obtenir une action des pouvoirs publics. Mais je ne pense pas que l’open data créera des alternatives viables à ces géants de l’Internet ou aux banques.

Quant à remplacer les systèmes propriétaires par des versions open source... Si ma vie se résumait à être sur des réseaux sociaux, ce ne serait pas très compliqué pour moi de partir sur un réseau social open source et d’y mettre en ligne mes milliers de photos, et convaincre ensuite mes amis de me rejoindre. Si ma vie se résumait à faire des trajets avec Uber, ce serait très facile de basculer sur une alternative open source, et d’attendre une demi-heure plutôt que quelques minutes avec Uber. Si je ne faisais qu’envoyer des mails, poster des photos sur Instagram... Mais je fais toutes ces choses en même temps, en plus de ma vie professionnelle et familiale. Je n’ai pas le temps de faire tout ça, tout simplement ! Et si même moi, que ces questions préoccupent suffisamment pour que j’en fasse un livre, je n’ai pas le temps, je doute que beaucoup de gens l’aient.

Beaucoup de gens disent qu’ils sont prêts à échanger un peu de leur vie privée contre une promesse de sécurité ou d’une meilleure expérience de consommation, des publicités ciblées personnalisées. Les révélations de Snowden n’ont pas provoqué de protestations massives. Face à ce manque d’intérêt ou du moins, de réaction publique pour la question, que faire ?

Je ne pense pas que le changement social viendra de l’apparition de ces questions dans le débat public ou de l’action des consommateurs. Je me concentre sur les membres des plus hautes institutions – Congrès, Sénat, Parlement européen, etc.

Je veux leur faire comprendre que s’ils ne changent pas la façon dont ils se représentent Internet et la finance, et qu’ils ne changent pas profondément leur approche de la régulation, leurs emplois deviendront très rapidement obsolètes

 

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14 février 2015 6 14 /02 /février /2015 19:08

 

 

Source : rue89.nouvelobs.com

 

 

SWISSINFO 14/02/2015 à 12h13
« Rien n’a véritablement changé dans les banques suisses »

Samuel Jaberg

 

 

Alors que l’image de la place financière suisse est une nouvelle fois écornée par le scandale SwissLeaks et que la justice est sommée d’agir, Hans-Ulrich Jost, professeur émérite d’histoire contemporaine à l’Université de Lausanne, estime que son pays n’en a pas fini avec de telles révélations embarrassantes.

SwissInfo. Avez-vous été surpris par les révélations sur l’évasion fiscale pratiquée à grande échelle par la filiale suisse de la banque HSBC à Genève ?

Hans-Ulrich Jost. Absolument pas. On crie au scandale alors que ces méthodes sont employées depuis la Seconde Guerre mondiale par des banques suisses qui veulent à tout prix optimiser leur accès au marché. En revanche, l’envergure de cette affaire est énorme, puisque selon les révélations de la presse, HSBC gérait dans sa grande majorité des comptes douteux.

Comment expliquez-vous que les autorités suisses n’aient apparemment pas eu connaissance de ces pratiques ?

En Suisse, les mesures et les institutions de contrôle n’ont jamais été développées de manière sérieuse. L’Association suisse des banquiers a toujours exercé avec succès une très forte pression sur le système politique pour éviter tout contrôle rigide.

Les révélations de SwissLeaks portent sur le milieu des années 2000, mais, depuis, le secret bancaire a eu tendance à refluer sous la pression des Etats qui cherchent à optimiser leurs rentrées fiscales. Ces pratiques n’appartiennent-elles pas définitivement au passé ?

Non, je m’attends à d’autres découvertes similaires dans les années à venir. Rien n’a fondamentalement changé dans les banques suisses. UBS, la plus grande d’entre elles, est l’exemple type du maintien de cette stratégie douteuse en dépit de toutes les contraintes internationales et de toutes les promesses qu’elle a faites.

Vous ne pouvez tout de même pas nier que le passage à l’échange automatique d’informations, programmé en 2018, marquera un tournant crucial pour la place financière suisse.

Certes, la Suisse a fait des concessions lorsqu’elle n’avait plus le choix : elle a transmis par exemple des données bancaires aux Etats-Unis et le fera prochainement avec les pays de l’OCDE dans le cadre de l’échange automatique d’informations.

Mais, comme le montre l’origine des fonds qui affluent vers la place financière suisse, les banques sont depuis une vingtaine d’années en train de changer de stratégie et de se réorienter sur d’autres marchés.

L’Afrique perd plus de 47 milliards d’euros chaque année dans la fuite de capitaux, soit des montants qui dépassent ce que reçoit le continent pour l’aide au développement. C’est la conclusion d’une étude menée sur mandat de l’ONU et publiée début février. Des entreprises ou des membres des gouvernements font sortir illicitement ces milliards de leur pays pour les déposer dans des paradis fiscaux. Les méthodes employées sont parfois aussi rudimentaires qu’un simple transport de valises remplies d’argent liquide.

Source : RTS

En Afrique, en Asie ou dans les pays de l’ex-URSS, il existe des marchés très rentables où il n’est pas nécessaire de conclure des arrangements pour vérifier l’origine licite des fonds. Le nom changera un peu, mais dans la pratique, le secret bancaire sera maintenu.

Le secret bancaire a longtemps été défendu avec acharnement par les milieux bancaires et les autorités suisses. Dans le cadre de l’échange automatique d’informations, les banques ont agi de manière proactive pour se conformer au nouveau standard de l’OCDE. Comment expliquez-vous ce revirement ?

C’est une stratégie typiquement suisse. Les autorités ont toujours tenté de défendre le statu quo aussi longtemps que possible, en tout cas sur le plan rhétorique. Kaspar Villiger, alors ministre des Finances et futur président du conseil d’administration d’UBS, n’a eu de cesse de répéter que le secret bancaire n’était pas négociable. Ce fut aussi le cas de son successeur, Hans-Rudolf Merz, qui affirmait encore en 2008 :

« Je le garantis à ceux qui s’attaquent au secret bancaire, ils s’y casseront les dents. »

Dans le même temps, les banques s’adaptaient déjà aux nouvelles contraintes pour tenter de trouver un autre accès au marché. L’histoire se répète depuis le XVIIIe siècle : la Suisse est attaquée car ses pratiques sont considérées par d’autres pays, souvent pour des raisons égoïstes d’ailleurs, comme immorales. Elle résiste un peu et cherche rapidement d’autres alternatives.

Depuis la crise de 2008-2009, l’évasion fiscale est devenue moralement indéfendable et la transparence est désormais un impératif dans tous les domaines, dont celui de la finance. Ne s’agit-il tout de même pas d’un marqueur important sur le plan historique ?

Je ne crois pas à ce changement fondamental dont on nous parle depuis quelques années. Beaucoup pensent qu’il est possible de rendre un placement dans une banque visible et transparent. Mais ce n’est pas le cas. Alors que nous sommes obnubilés par la fin du secret bancaire, de nombreuses constructions juridiques et financières ont vu le jour ces cinq à dix dernières années.

La finance internationale s’est complexifiée et la transparence est tout aussi faible qu’auparavant. Ces nouvelles pratiques ne violent d’ailleurs souvent même pas la loi. Je pense, par exemple, à l’optimisation fiscale pratiquée par les multinationales. Les manières et les méthodes changent, mais pas l’esprit et le but.

Les trusts seront précisément inclus dans le nouveau standard de l’OCDE concernant l’échange automatique d’informations. N’est-ce pas une étape importante ?

C’est de la poudre aux yeux. Les trusts ne sont en réalité pas contrôlables dans le système financier international. On a déjà trouvé des mécanismes sophistiqués pour outrepasser ce contrôle. Les petits épargnants sont contraints de se régulariser, mais les grosses fortunes, déjà bien positionnées sur les marchés internationaux, trouveront toujours une manière d’échapper à l’impôt.

La pression internationale à l’égard de la Suisse n’a-t-elle pas atteint une dimension inégalée ces dernières années ?

Ce n’est pas la première fois que les banques suisses sont confrontées à un tel phénomène. A la fin de la Seconde Guerre mondiale, la place financière suisse a été sous très forte pression suite à l’affaire des avoirs allemands placés en Suisse. A l’époque, certains craignaient que les Etats-Unis ne s’accaparent carrément le système bancaire suisse. Mais l’affaire a été réglée dans le cadre de l’accord de Washington de 1946 : la Suisse a payé 250 millions de dollars d’amende en or et le soufflé est retombé.

Docteur en histoire et en philosophie de l’Université de Berne, Hans-Ulrich Jost a mené l’essentiel de ses recherches à Lausanne, où il a enseigné depuis 1981.

Officier de l’armée suisse et pilote de chasse, il a néanmoins toujours affiché son engagement à gauche. Il fait partie des historiens qui ont essayé d’amener les Suisses à une lecture plus réaliste de leur passé, notamment à propos de la Seconde Guerre mondiale.

Hans-Ulrich Jost est retraité depuis 2005 de sa chaire d’histoire contemporaine de l’Université de Lausanne.

Vos propos sont imprégnés d’un grand fatalisme. N’existe-t-il aucune solution pour réellement lutter contre l’évasion fiscale au niveau international ?

C’est l’histoire qui nous enseigne ce fatalisme. La Suisse, avec sa position géostratégique très intéressante, son système politique à la fois stable et discret, sera toujours intéressante pour les personnes souhaitant y mettre leur argent en sécurité. Et il faut bien constater que le bilan est plutôt positif : peu de pays disposent d’une telle réserve financière permettant de survivre aux pressions internationales. Au XVIIIe siècle, le canton de Berne était déjà la plus grande banque d’Europe. C’est la force de la Suisse : elle peut mobiliser un potentiel financier et industriel extrêmement puissant dans un contexte politique très discret. Et toujours avec le soutien de la majorité de la population.

Mais les citoyens ne sont-ils pas en train de changer de fusil d’épaule ?

Les mentalités n’ont nullement évolué. Depuis toujours, la population râle contre les banques. Dans les années 1920, par exemple, elle manifestait un grand ras-le-bol à l’égard des placements internationaux des banques qui faisaient grimper les taux d’intérêt hypothécaires en Suisse. Au café du commerce, les banques sont fustigées, mais dans les urnes, les citoyens votent toujours en faveur des avantages procurés par le système.

Publié initialement sur
SwissInfo

 

Source : rue89.nouvelobs.com

 

 

 

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14 février 2015 6 14 /02 /février /2015 18:11

 

Source : www.youtube.com

 

 

 

La propriété - Nicole Ferroni

Nicole Ferroni  

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14 février 2015 6 14 /02 /février /2015 17:41

 

 

Source : www.mediapart.fr

 

Tiens, there is donc an Alternative ?

|  Par Hubert Huertas

 

 

 

Selon la chronique officielle, des négociations intenses se poursuivent entre l’Europe et la Grèce en vue d’un accord ce lundi, lors de la réunion de l’Eurogroupe, et ces discussions sont incertaines. Sauf qu'il y a une certitude, et elle est renversante. On discute aujourd’hui d’une “Alternative”. Margareth Thatcher (“There is no Alternative”) va se retourner dans sa tombe.

L’existence même de cette “Alternative” est un événement en soi. Il a suffi d’une élection, et de la volonté politique fermement affichée par Syriza pour que la nécessité soit soudain moins nécessaire. Il n’y avait rien à discuter parce que toute discussion était irresponsable, et voilà que les responsables les plus ardents, et les plus fidèles au dogme, se mettent à distiller des propos renversants.

Le porte-parole du ministère des finances allemand essaie ainsi de sauver la face, comme au bon vieux temps, en affirmant que « la seule voie possible est une extension du programme » (de financement de la Grèce par la Troïka), alors que ce programme est rejeté par les Grecs, Berlin se dit dans la foulée que « prêts à discuter des contours du programme ». Et le Président de l’Eurogroupe, Jeroen Dijsselbloem, a beau se montrer très pessimiste, parce que, dit-il, « les Grecs ont de très grandes ambitions mais, étant donné l’état de leur économie, les possibilités sont limitées », son pessimisme autrefois fondamental se replie sur une affaire de calendrier : « Je ne sais pas si nous y arriverons lundi », lâche-t-il avec gravité. Qu’il se rassure, mardi ne sera pas un drame.

Entre Syriza, qui demandait “l’inconcevable”, pour ne pas dire le “diabolique”, et l’Europe libérale qui s’affolait à l’idée même que de telles “folies” puissent être énoncées par un gouvernement, un marchandage est bel et bien cours, un marchandage classique, où chacun fait une part du chemin. Les Grecs ne demandent pas la lune, mais la fin d’une austérité ressentie comme cruelle, négative en terme économique, et humiliante, et l’Europe maintient le principe d’un assainissement des finances, mais renonce comme par miracle aux privatisations, au changement sur la législation des licenciements collectifs, à une nouvelle baisse des retraites, et elle s’apprête à entériner la hausse du salaire minimum.

On reviendrait en fait sur 30% des mesures prévues par le plan d’aide, en ne pariant plus sur la seule baisse de ce qu’on appelle les dépenses publiques, c’est à dire la santé, l’éducation, la culture, etc., mais en mettant l’accent sur la lutte contre la fraude fiscale , contre la corruption, ou contre les arrangements qui permettent à la très riche Eglise ou aux armateurs milliardaires de ne pas payer d’impôts.

Au-delà du détail technique des mesures envisagées, la dimension de l’évènement n’est pas économique mais bel et bien politique. Le fameux “Tina” (There is no alternative) stipulait que l’Etat n’était pas la solution, mais le problème, ce qui impliquait la disparition de la puissance politique dans le domaine économique. La négociation avec la Grèce, par sa seule existence, marque son grand retour. En disant Niet à ce qu’on appelle la Troïka (FMI, Commission Européenne, Banque centrale Européenne) la Grèce a rappelé qu’un gouvernement issu des urnes pesait autant, sinon plus, qu’un coefficient multiplicateur, une statistique, ou un calcul comptable.   

Et le plus frappant dans cet affaire, pour ne pas dire le plus piquant, c’est qu’au moment où les gardiens du dogme éprouvent de grandes angoisses à l’idée de trop de concessions accordées à la cigale grecque, la bourse d’Athènes salue l’idée de l’accord qui se dessine. Vendredi elle a bondi de plus de 5%. Si même les marchés enterrent Tina c’est vraiment que tout fout le camp !

 

 

 

 

Source : www.mediapart.fr

 

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13 février 2015 5 13 /02 /février /2015 19:50

 

 

Source : www.marianne.net

 

 

Scandale
Bienvenue à la Caisse des jackpots et consignations !

Emmanuel Lévy
La Caisse des dépôts et consignations a beau être une institution publique, cela n'a pas empêché que soit décidé un juteux plan de distribution d’actions gratuites pour ses dirigeants. Soixante bienheureux ont ainsi récolté 8,62 millions d’euros !
Jean-Pierre Jouyet, en 2013, dans son bureau de président de la Caisse des dépôts et consignations - BAUDET/JDD/SIPA

« Il n’y a rien de pénal, glisse un ponte de la Cour des comptes en aparté de la présentation du rapport annuel de l’institution. Mais du point de vue de la bonne gestion des deniers publics, la gravité de la situation a conduit à la saisine de la Cour de discipline budgétaire. La personne en question étant en plus en détachement de la Cour des comptes, notre conseil de déontologie aura à examiner son cas ». Hier matin, le cas d’une filiale de la Caisse des dépôts et consignations, la CDC Entreprises, a fait l’objet d’une attention particulière de la part des magistrats de la rue Cambon. Et pour cause : les faits incriminés impliquent l’un de leurs, Jérôme Gallot, alors directeur général de cette filiale de la Caisse des dépôts. Mais elle pourrait bien finir par peser également sur deux anciens directeurs généraux de « La Caisse », deux poids lourds de la politique et des affaires : Jean-Pierre Jouyet, patron de la CDC de 2012 à 2014 et actuel secrétaire général de l’Elysée (par ailleurs ami de trente ans de François Hollande), et son prédécesseur Augustin de Romanet, aujourd’hui aux commandes d’Aéroports de Paris.

L’affaire avait déjà était éventée la semaine dernière sur Mediapart. A peine arrivé à la tête de cette filiale de la CDC, chargée de faire du « capitale risque », le fonctionnaire Jérôme Gallot n’a qu’une urgence : monter un juteux plan de distribution d’actions gratuites baptisé PAGA. Ça tombe bien, il fait partie des 60 heureux bénéficiaires. « Ce type de plan s’inspire des pratiques des fonds de gestion. Avec un double objectif : attirer à eux des collaborateurs, et les intéresser au rendement de l’activité. Sauf que la presque totalité des gens de CDC Entreprises a été recrutée en interne et que contrairement au système du “carried interest” des fonds classiques, il n’y a aucun risque. Ni pour leur argent, ni pour les objectifs à atteindre… Bref, c’est gagnant à tous les coups », s’énerve le magistrat de la Cour des comptes.

De bonnes grosses plaquettes de beurre dans les épinards de ces "pauvres" salariésMis en place dès 2007, ce système a conduit à distribuer entre 2007 et 2010, 28 952 actions gratuites donnant droit à 20% des profits de la structure. Résultat : durant cette période les 60 bienheureux ont récolté 8,62 millions d’euros, dont la moitié de cette somme pour les dix principaux attributaires (président et directeurs), lesquels ont encaissé entre 328 050 € et 567 000 € ! De bonnes grosses plaquettes de beurre dans les épinards de ces « pauvres » salariés. En 2010, les mandataires sociaux ne touchaient en effet « que » 251 000 € de fixe, plus 150 000 € de variable (118 000 € au titre de prime variable d’objectif, 15 000 € pour l’intéressement, 17 000 € de participations), soit une rémunération annuelle de 401 000 €. Cette même année 2010, les mandataires sociaux vont toucher le gros des dividendes, soit 278 000 €, en violation des intérêts de la CDC, précise le rapport. Le bon Jérôme Gallot, lui, se goinfre littéralement jouissant d’une rémunération frôlant les 700 000 €. Elle est pas belle la vie ?

A ce stade, en 2011, le patron de la CDC de l’époque, Augustin de Romanet, a tout de même diligenté un audit. Toute la mécanique lui est ainsi dévoilée. Dénonce-t-il pour autant le programme ? Virent-il tout ce petit monde ? Non, dans sa réponse aux observations de la Cour des comptes, on peut lire : « J’ai pris la décision de ne pas autoriser CDC Entreprises à lancer un nouveau plan d’actions gratuites ». Faut-il comprendre que Jérôme Gallot en préparait un autre ?

La chance est de surcroît de leur côté. Avec la crise, CDC Entreprises va voir débouler dans son périmètre de nouveaux fonds, augmentant sensiblement les revenus et donc les bénéfices. En 2009, les dividendes versés se montent à 3,3 millions d’euros, quand le PAGA les estimait en 2007 à 1,8 millions. Mais cela ne semblait pas suffire aux goinfres : « La direction a objectivement modifié la stratégie de ce fonds public. CDC Entreprises ne regardait plus les dossiers avec l’objectif que l’Etat lui avait fixé au travers de la CDC, mais selon le seul prisme de la maximisation des profits des bénéficiaires du PAGA. Ce faisant, l’énormité des dividendes qui leur étaient distribués aurait du, à tout le moins, conduire à leur couper les autres éléments de rémunération variable », tranche notre magistrat.

La création de la Banque publique d’investissement va être l’occasion d’une nouvelle culbuteLa création de la Banque publique d’investissement en 2012 va leur donner l’occasion d’une nouvelle culbute. Le plan gouvernemental prévoie qu’elle absorbe CDC Entreprises. Pour cela, BPI va devoir en 2013 racheter les actions. Celles des titulaires du PAGA y compris : pas moins de 7,2 millions d’euros déboulent ainsi dans leurs poches. Jean-Pierre Jouyet, alors patron de la Banque publique et de la Caisse des dépôts, ne va pas broncher.

Cette affaire montre l’étonnante liberté laissée à certains dirigeants au sein des filiales de droits privées de la CDC. Pis, même munie d’un audit dans le cas du PAGA, la direction générale a préféré ne rien faire. A la toute fin du rapport, la Cour des comptes adresse une recommandation au directeur général : « Mettre en place un dispositif recensant de manière exhaustive, les rémunérations des cadres dirigeants au sein du groupe Caisse des dépôts ». Interrogé par Marianne, sur cette étrange formulation laissant penser qu’il n’existe pas de suivi et qu’il se pourrait bien que certains d’entre eux émargent au-delà du plafond fixé à 450 000 € depuis 2012, un magistrat lâche : « Ce n’est pas impossible… »

 

 

Source : www.marianne.net

 

 

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13 février 2015 5 13 /02 /février /2015 18:17

 

Source : www.mediapart.fr

 

Quentin Ravelli: « L'industrie pharmaceutique a développé une résistance à la critique »

|  Par Michel de Pracontal

 

 

Comment l'industrie pharmaceutique réussit-elle à maintenir sa puissance malgré les scandales à répétition et les attaques dont elle fait l'objet ? Dans La Stratégie de la bactérie, Quentin Ravelli démonte les rouages.

 

 

 

Les scandales à répétition qui affectent le monde du médicament – Mediator, Vioxx, Distilbène, etc. – n’ont pas empêché l’industrie pharmaceutique de rester extrêmement profitable, de consolider sa puissance économique et de maintenir son influence politique.

Pourquoi les critiques contre les laboratoires, et les réformes destinées à mettre fin aux abus régulièrement dénoncés, semblent-elles impuissantes à changer réellement le système du médicament ? Pour Quentin Ravelli, chargé de recherche au CNRS, la limite de la critique actuelle vient de ce qu’elle se focalise sur les scandales sans analyser les mécanismes qui les provoquent, qu’elle se borne « à pointer du doigt les dysfonctionnements d’un système sans en décrire les rouages habituels et normaux qui sont peut-être tout aussi scandaleux ».



Pour aller plus loin, Quentin Ravelli a mené une enquête de quatre ans, au sein même d’un des plus grands groupes pharmaceutiques mondiaux (Sanofi-Aventis). Salarié de l’entreprise pendant deux périodes de deux mois, il a observé son fonctionnement de l’intérieur. Il a aussi assisté à de nombreux congrès médicaux et mené de multiples entretiens avec des cadres et des techniciens de la firme. 

Dans un livre-document, il montre que l’industrie du médicament, à la manière des bactéries qui développent des résistances aux antibiotiques, a acquis une résistance à la critique, ce qui rend illusoires les tentatives superficielles de réformer le système, et nécessite de le réexaminer en profondeur.

Quentin Ravelli
La Stratégie de la bactérie – Une enquête au cœur de l’industrie pharmaceutique

Seuil. Paris. 368 pages. 23,50 €

 

 

Source : www.mediapart.fr

 

 


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13 février 2015 5 13 /02 /février /2015 17:37

 


Source : www.mediapart.fr

 

Pierre Larrouturou (Nouvelle Donne): «Le pouvoir nous prend pour des couillons»

|  Par Hubert Huertas et Yannick Sanchez

 

 

Nouvelle Donne revendique douze mille adhérents. Son créateur, Pierre Larrouturou, aujourd’hui co-président du mouvement, est cette semaine l’invité d’Objections. Il écarte toute alliance avec le PS mais lance une invitation au Front de gauche et à Europe Écologie: «Prenons six mois pour construire un projet.»

 

 

Pierre Larrouturou a lancé l’idée des 32 heures avant même que les 35 heures ne soient votées. Il considère que le débat d’idées, qu’il appelle « la bataille culturelle », doit toujours précéder la bataille électorale. Dans son esprit « Nouvelle Donne » doit donc lancer des idées neuves, notamment sur le plan économique et sur le fonctionnement de la démocratie, puis les faire infuser dans toute la société. Très sévère avec le Parti socialiste, dont il a été membre avant de rejoindre (et de quitter) Europe Écologie, il rêve d’un rapprochement entre son parti, les écologistes, et le Front de gauche, au nom des « mêmes objectifs », mais en faisant entendre la voix de son parti « qui a d’autres réponses ».  

« Avec Stéphane Hessel, explique-t-il d’emblée, on est allés à Europe Écologie, après avoir quitté le PS, parce qu’on pensait qu’Europe Écologie allait avoir un autre rapport à la politique, permettre au citoyen de s’exprimer, et on a été déçus. Si on a créé Nouvelle Donne, c’est qu’on a l’impression qu’il y a besoin de quelque chose de vraiment nouveau. »

Nouvelle Donne correspond donc à la recherche d’un parti différent, qui échapperait aux batailles de personnes et aux luttes de pouvoir. Pourtant, au bout d’un an, des divergences classiques se sont fait entendre lors de l’assemblée générale. Certaines dissidences se sont même exprimées et il y a eu des « néo-donniens », comme il y a des frondeurs au PS. Larrouturou s’en défend dans l’entretien : « On est jamais totalement parfait, mais en général, lorsqu’un parti existe, les fondateurs sont là pour tout verrouiller (...) Nous, quand on a créé Nouvelle Donne, on était quinze, et on a dit que dans un an, on aurait rendu notre tablier, on aurait tous démissionné, et on aurait fait de nouveaux statuts. Et il y a plus de quatre mille adhérents qui ont participé à ce travail sur les statuts ! On a de nouveaux statuts, on a de nouvelles instances ! »

Nouvelle Donne officiellement apaisée aura-t-elle des candidats aux cantonales ? Réponse en deux temps : « Pour nous, la vie politique ne se réduit pas aux élections. Dans les six mois, on va lancer une grande campagne, une bataille culturelle expliquant comment on peut sortir du chômage et de la précarité. On pense que si les libéraux sont arrivés au pouvoir c’est d’abord qu’ils avaient gagné une bataille culturelle. Et donc nous, puisque l’UMP et le PS ont tout fait pour faire croire que le progrès social est impossible, on va publier cent mille exemplaires d’un petit bouquin que tout le monde pourra lire en un week-end. On va former nos douze mille adhérents. L’essentiel pour nous, c’est de montrer que “pour de vrai” on peut sortir du chômage, de la précarité, que “pour de vrai” on peut changer l’Europe. Mais en même temps, on ne va pas faire une croix sur les départementales, et je crois qu’il y a cinquante endroits où il y a des candidats de Nouvelle Donne, parfois tout seuls, parfois avec des alliances, comme à Grenoble. »

« Avec qui ? demande Mediapart. Vous pourriez envisager d’avoir des alliances locales avec le PS ? »

La réponse est un réquisitoire : « Non, je pense que non. On a des amis au PS, mais la démocratie a besoin de clarté . Aujourd’hui s’allier avec le PS n’a pas de sens (...) Le PS n’apporte plus rien, et il aggrave les problèmes. Tout ce qui est fait depuis deux ans, ou presque tout, est dramatique. Je suis allé quinze fois à l’Élysée, et quinze fois à Matignon, et c’est juste honteux… Ils le savent que ça ne peut pas marcher ! On nous prend pour des couillons ! On a l’impression que ce gouvernement s’écrase devant les lobbies. »

« Dès lors avec qui s’allier ? » interroge Mediapart.

« On n'est pas dans un système d’alliance, objecte Pierre Larrouturou. Il faut d’abord faire connaître nos idées. Jean Jaurès disait que la politique, c’est des idées simples qu’on répète simplement jusqu’à ce que tout le monde comprenne que ça peut marcher. Il faut user le doute comme on fatigue la salade. Si on continue à compter sur le PS et sur l’UMP pour sortir de la crise, on va à la catastrophe. »

 


Source : www.mediapart.fr

 

 

 

 

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13 février 2015 5 13 /02 /février /2015 17:25

 

Source : www.humanite.fr

 

 

Automatisation: Yahoo! Québec licencie ses journalistes
Pierric Marissal
Vendredi, 13 Février, 2015
Humanite.fr
AFP
Les journalistes aussi sont remplacés par des robots. De l’écriture au choix des sujets, et aujourd’hui avec l’exemple de Yahoo! Québec jusqu'à la mise en scène de l’information, les algorithmes produisent instantanément du contenu très peu cher.

Evidemment, c’est par un simple email que la douzaine de journalistes de Yahoo! Québec a appris la nouvelle. Ce site d’informations francophone au Canada qui attire 1,4 millions de lecteurs chaque mois ne ferme pas, mais sera désormais quasi-intégralement automatisé. « Nous n’avons plus besoin de vos services. […] Merci pour vos contributions passées et bonne chance pour l’avenir » ont reçu les journalistes permanents et pigistes du site cette semaine dans leur boite professionnelle.
Le site de Yahoo! Québec sera donc automatisé. C'est-à-dire que l’agrégation du contenu, sa hiérarchie sur la page d'accueil du site et la mise en ligne des articles pourra être faite sans directe intervention humaine. Les rubriques actualités, divertissement, sport et économie seront vidés de leurs effectifs. Seule l’équipe commerciale n’est pour l’heure pas touchée, il faut bien vendre de la publicité. C’est une étape supplémentaire vers une automatisation de la presse.

Journalistes-robots et Google rédacteur en chef

Depuis quelques années, plusieurs titres de presse chargent des robots de rédiger des articles. Ces intelligences artificielles sont capables de traiter et rédiger en temps réel des résultats sportifs ou financiers, et sont même capables d’écrire « à la manière de », en reprenant les expressions favorites et les tournures de phrases des journalistes dont ils s’inspirent. D’un point de vue productivité, l’investissement est vite rentable. Une agence américaine propose des articles rédigés par des robots à la pige : 500 mots (3000 signes) pondus instantanément pour 10 dollars. C’est plus de 10 fois moins cher qu’un journaliste. Evidemment, ces robots ne traitent que des informations officielles dont on les nourrit, et sont bien incapables de remettre en perspective leurs données ou d'émettre des réserves ou démentis.

Des médias prestigieux comme le Los Angeles Times se mettent aux articles écrits par des robots et les dépêches économiques d’AP sont automatisées. L’agence de presse américaine entend ainsi passer de 300 à 4400 brèves économiques et financières publiées par mois, les « journalistes » ne serviront qu’à vérifier que les robots ne se trompent pas.
Autre écueil pour une partie de la presse en ligne, y compris pour des sites d’informations français, c’est Google, et dans une moindre mesure Twitter, qui déterminent les sujets à traiter plutôt qu’un rédacteur en chef. Les journalistes, quand ils ne sont pas déjà automatisés doivent écrire le plus vite possible, ou agréger du contenu, sur les « sujets chauds du moment », c'est-à-dire ce que les gens tapent dans les moteurs.

Pas de technophobie. Evidemment, les algorithmes apportent beaucoup aux métiers de la presse. Avec aujourd’hui 98 % de la production d’information humaine française qui est numérisée, les algorithmes permettent de naviguer plus facilement dans ces immenses quantités de données, d’aller chercher rapidement l’information et de vérifier les faits. En ces temps d’hyperréactivité, la vitesse de traitement et d’exécution des robots peut se révéler un atout incontournable.

 

Source : www.humanite.fr

 

 

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