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27 avril 2015 1 27 /04 /avril /2015 16:12

 

Source : http://www.reporterre.net

 

Au Mexique, la population manque d’eau potable mais Coca-Cola prospère

27 avril 2015 / Alain Sousa (Silence)

 

 


 

 

Comment dit-on « eau potable » en mexicain ? Réponse : Coca-cola... Cette blague est malheureusement loin d’être une boutade : dans tout le pays, il est plus facile — et souvent moins cher — d’acheter une bouteille de boisson gazeuse que de se procurer de l’eau. Pollution, réseau vétuste, surexploitation des nappes... Etat des lieux.


- Mexico, reportage

Le Mexique compte 119 millions d’habitants... dont 12 millions n’ont pas d’accès à l’eau potable. La ville de Mexico est l’exemple le plus frappant de cette situation dramatique : l’agglomération compte 19 millions de personnes, dont 35 % ne sont pas connectées au réseau d’eau, et 1,3 million de personnes n’ont aucun accès a une source d’eau potable...

Pourtant, un réseau d’eau existe. Mais il est extrêmement vétuste et peu entretenu, avec des fuites importantes. Selon les estimations, le réseau accuse ainsi 40 % de pertes. Cela correspondrait à environ mille litres par seconde.

 

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Autre problème majeur au Mexique, les eaux usées, ou agua negra, sont souvent rejetées sans aucun système de retraitement.

Ajoutez a cela le réseau des eaux usées qui lui aussi fuit, contaminant le réseau d’eau potable et rendant impropre à la consommation le peu d’eau qui parvient jusqu’aux différents foyers. Et vous vous retrouvez avec des mesures d’urgence qui deviennent la norme, tel le district d’Iztapalapa, où mille camions-citernes distribuent chaque jour de l’eau pour deux millions d’habitants.

Conséquence de ce manque d’eau potable, le pays détient le record mondial de consommation d’eau en bouteille, avec 234 litres par an et par habitant. Dans les bouteilles que vous trouvez en magasin, pas d’eau de source ou d’eau minérale. Il s’agit simplement d’eau filtrée et traitée... Bref de l’eau du robinet. Si Danone et Coca-cola sont leaders sur ce marché de l’or bleu, ce sont surtout les milliers d’entreprises de microfiltration qui fournissent cette eau en bouteille aux populations.

 

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Certaines régions du Mexique connaissent d’importantes précipitations, comme ici dans la ville de Merida. Une richesse insuffisamment exploitée.

Cette consommation d’eau a des conséquences catastrophiques sur l’environnement. Selon l’organisation Food and Water Watch, 21 millions de bouteilles plastiques sont ainsi jetées chaque année au Mexique. 20 % sont recyclées, le reste terminant dans des décharges, ou simplement dans la nature

Récolter la pluie

Cela a aussi un coût. Dans certaines familles, l’eau représente jusqu’à 20 % des dépenses. Des solutions émergent aujourd’hui pour aider les plus pauvres, notamment les populations indigènes. Ces actions sont souvent menées par des associations ou des structures locales. L’une des solutions les plus simples et les plus avantageuses, c’est la récolte d’eau de pluie.

C’est la mission que s’est fixée une petite organisation, Isla Urbana, créée en 2009 par de jeunes Mexicains. Leur constat était simple : certaines zones telles Tlalpa ou Xochimilco enregistrent mille millimètres de pluies chaque année... et pourtant près de 130 000 habitants n’ont pas accès à l’eau. Ils ont donc décidé d’équiper les populations de systèmes de collecte d’eau de pluie, en réduisant les coûts au maximum et avec l’aide de mécènes.

 

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De telles installations, ici réalisée par l’organisation Isla Urbana, permettent de récupérer jusqu’à 50 000 litres par an.

Le système, avec séparation des premières pluies et filtration, permet de fournir 50 000 litres d’eau sur l’année, soit six mois de consommation pour une famille entière. L’installation de ces systèmes de captation est accompagnée de programmes d’éducation et de sensibilisation a l’environnement.

Ces initiatives locales, certes importantes, restent une goutte d’eau face au problème auquel sont confrontés plusieurs millions d’habitants de Mexico. Sans mesures drastiques pour améliorer l’accès à l’eau au Mexique, la situation déjà dramatique pourrait se transformer en crise majeure. A moins que Tlaloc, le dieu Maya de l’eau, ne vienne en aide au peuple mexicain...


COCA-COLA, MON AMOUR...

 

 

Corollaire de ce manque d’eau, ou phénomène indépendant, la consommation de boissons gazeuses a explosé au Mexique. Ce pays est ainsi le premier consommateur au monde de cette boisson sucrée avec l’équivalent de 728 bouteilles de 25 cl par an et par habitant, contre 406 pour les Etats-Unis ou 149 pour la France (chiffres Coca-Cola 2012). Le Mexique consomme a lui seul 42 % de tout le Coca-Cola bu en Amérique Latine...

Il faut dire que la compagnie pratique une politique commerciale très agressive. Outre les publicités omniprésentes, la compagnie propose des demi canettes ou des minis bouteilles à des prix ridicules, pour s’assurer que les populations les plus pauvres ou les enfants avec trois pesos en poche consomment la boisson gazeuse.

Bien sûr cette consommation de Coca-Cola est l’un des facteurs de l’épidémie de surpoids et d’obésité qui frappe le Mexique : 70 % de la population sont en surpoids, dont 33 % d’obèses et 13 % de diabétiques.

Outre ces conséquences sur la santé, cette consommation du soda a un impact dramatique sur les ressources en eau, car fabriquer un litre de Coca-cola nécessite au moins deux litres d’eau. La compagnie a choisi d’implanter ses usines d’embouteillage dans des endroits stratégiques.

Elle a ainsi négocié 27 concessions sur tout le territoire pour pomper de l’eau et 8 concessions pour rejeter ses eaux usées. L’une de principales usines se situe ainsi au cœur d’une des régions emblématiques du Mexique : le Chiapas. La compagnie y pompe plus de 100 millions de litres d’eau chaque année...

 

*Suite de l'article sur reporterre

 

 

Source : http://www.reporterre.net

 

 

 

 

 

 

 

 

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27 avril 2015 1 27 /04 /avril /2015 14:01

 

Source : http://www.bastamag.net

 

 

Bien commun

Comment Paris a repris le contrôle de son service public de l’eau

par

 

 

 

Un service public de l’eau plus démocratique, plus innovant, plus attentif aux enjeux sociaux et environnementaux, et moins coûteux pour le consommateur. Tel est le bilan de la remunicipalisation de l’eau par la ville de Paris, un service délégué jusqu’en 2010 aux entreprises Suez et Veolia. Comment cette reprise en main a-t-elle été possible ? Quelles leçons en tirer ? Entretien avec Anne Le Strat, adjointe au maire de Paris et ancienne présidente d’Eau de Paris, cheville ouvrière de cette remunicipalisation dans la capitale.

Basta ! : Qui était favorable à la remunicipalisation de l’eau à Paris ? Était-ce avant tout une décision politique de la nouvelle municipalité arrivée aux commandes de la ville en 2001 ?

Anne Le Strat : C’était clairement une décision politique. Initialement, nous étions très seuls. La plupart des nouveaux élus socialistes n’étaient pas convaincus. Les services administratifs de la Ville de Paris n’étaient pas favorables à un retour en régie publique. Les employés de l’ancienne société d’économie mixte ont été convaincus quand nous avons mené avec eux une démarche de concertation sur l’avenir de la gestion de l’eau à Paris. En revanche, les syndicats des groupes privés étaient globalement défavorables à un retour en régie publique. La CGT Veolia, en particulier, s’est opposée activement à la remunicipalisation, et continue dans une certaine mesure de le faire aujourd’hui. Quant à la société civile, elle était très peu mobilisée à l’époque sur la question de l’eau.

Comment expliquer, dans ces conditions, que le maire de Paris Bertrand Delanoë ait persisté dans la décision de remunicipaliser le service de l’eau ?

Bertrand Delanoë et son cabinet ont d’abord été convaincus sur le plan technique et économique : ils ont vu qu’un opérateur public unique était la meilleure option. Ensuite, Bertrand Delanoë a vu le coup politique : la remunicipalisation de l’eau était un marqueur à gauche et une rupture avec l’époque des maires de droite, Jacques Chirac et Jean Tiberi. Elle s’inscrivait dans une politique municipale plus large de renforcement des services publics. Il y a aussi eu des facteurs personnels, comme la relation de confiance que nous avions, Bertrand Delanoë et moi, et le fait que contrairement à d’autres élus, il n’a jamais été lié aux grands groupes.

Quel a été le rôle des autres expériences de remunicipalisation de l’eau en France, notamment à Grenoble, dans cette démarche ?

Nous avons effectué des visites d’étude à Grenoble et à Cherbourg. Mais les exemples antérieurs n’ont joué qu’un rôle limité, parce que les remunicipalisations étaient encore très peu nombreuses à l’époque, et que la situation à Paris est très spécifique. Avant la création d’Eau de Paris, nous avions trois contrats de délégation de service public : deux contrats distincts pour la distribution avec Suez et Veolia pour la rive gauche et la rive droite respectivement, et un contrat pour la production avec une société d’économie mixte où la Ville était administratrice majoritaire et où Suez et Veolia étaient aussi administrateurs. C’était une situation très complexe, et il n’y avait pas réellement de précédent sur lequel s’appuyer.

A-t-il été facile d’intégrer les anciens personnels de Suez et Veolia ?

L’application du code du travail a permis le transfert des techniciens qui travaillaient sur le réseau de distribution, mais la plupart des cadres de Suez et Veolia ont été mutés au sein des groupes juste avant le retour en régie publique. Des négociations sociales ont permis une harmonisation des conditions salariales vers le haut pour l’ensemble du personnel. Mais la remunicipalisation a parfois été vécue comme une absorption des deux distributeurs (filiales de Suez et Veolia) par la société d’économie mixte de production, d’où une difficulté ressentie par certains salariés du privé au sein de la régie. Ce sont des problèmes que l’on retrouve à chaque fois qu’il y a fusion de personnels de sociétés différentes. La construction d’une culture commune prend du temps.

Veolia et Suez ont-ils mis des bâtons dans les roues ?

C’est clair. C’est raconté en détail dans l’ouvrage d’Agnès Sinaï, L’eau à Paris, retour vers le public (à télécharger ici). Cela dit, il y a eu une nette différence de ce point de vue entre Suez, qui a été relativement constructive, et Veolia, qui a vraiment cherché à nous rendre la tâche la plus difficile possible.

Le service de l’eau est-il aujourd’hui assuré dans son intégralité par la régie publique Eau de Paris, ou bien y a-t-il encore des délégations sur certains aspects du service ?

Il n’y a plus aucune délégation au secteur privé. Nous avons passé des marchés transitoires pendant deux ans pour les systèmes d’informations, le temps qu’Eau de Paris mette en place son propre système. L’enjeu des systèmes d’informations est aussi important que méconnu. Cela concerne aussi bien la facturation, les données relevées sur les compteurs, que les travaux d’intervention sur les infrastructures. Aujourd’hui, Eau de Paris est totalement maître d’ouvrage sur ce domaine, mais elle dépend encore pour partie de Suez et Veolia pour des questions de propriété de logiciels, dans le traitement de l’information.

Une réflexion est en cours au sein d’Eau de Paris pour se dégager totalement de cette relation. Aujourd’hui encore, lorsque nous demandons une information purement technique à Veolia par exemple, c’est difficile de l’avoir. Il reste également un autre marché avec Veolia sur la gestion des compteurs (pose et entretien). Là encore, Eau de Paris se pose la question de reprendre à son compte cette gestion.

Les rapports de la Chambre des comptes adressent un large satisfecit à la politique parisienne de l’eau. Est-ce une validation implicite du retour en régie ?

Le rapport de la Chambre ne cherche pas directement à comparer la gestion publique actuelle avec celle des anciens prestataires privés. Pour faire cette comparaison, il faut aller voir les précédents rapports de la Chambre sur la gestion de l’eau à Paris du temps de Suez et Veolia, notamment celui de 2000. C’est le jour et la nuit. De manière générale, les rapports des Chambres régionales des comptes ou de la Cour des comptes sont souvent extrêmement critiques, parce qu’ils sont là pour identifier des problèmes et inciter les collectivités à s’améliorer. En ce sens, les deux récents rapports sur la politique de l’eau à Paris sont en effet très positifs.

Le deuxième rapport de la Chambre sur la politique de l’eau de Paris déclare explicitement que le retour en gestion publique a permis à Paris de baisser le prix de l’eau tout en maintenant un niveau élevé d’investissement...

Ce constat est juste et c’est gratifiant que ce soit la Chambre qui l’admette. Le rapport qui porte sur la politique de l’eau de Paris en général est encore plus positif, car il valide les grandes orientations de cette politique. Des orientations stratégiques pour lesquelles je me suis parfois heurtée au scepticisme d’une partie des services administratifs parisiens, comme le fait de maintenir et valoriser le réseau d’eau non potable de Paris. Le rapport donne crédit également à la municipalité d’avoir mis en œuvre une politique de l’eau qui dépasse la seule dimension du petit cycle de l’eau, et d’avoir pris en compte des enjeux de préservation, de durabilité et de démocratie.

Au final, le bilan d’Eau de Paris est donc très largement positif ?

Eau de Paris jouit plutôt d’une bonne notoriété, à juste titre. Cela fonctionne, nous avons baissé le prix de l’eau tout en maintenant un programme d’investissement ambitieux sur le long terme, et la régie est très innovante sur de nombreux domaines. Je constate même que certaines de nos innovations sont reprises par les grands groupes.

Pourtant les entreprises privées n’arrêtent pas de dire que ce sont elles qui « innovent »…

Eau de Paris est le seul opérateur à permettre une participation du personnel et de représentants d’usagers et d’associations (avec voix délibérative). C’est une avancée démocratique qui inspire d’autres services et même les grands groupes. Eau de Paris a aussi été pionnière dans le domaine de l’égalité hommes/femmes au travail, sur les enjeux de préservation de la ressource en eau avec des partenariats avec les agriculteurs pour protéger la qualité de l’eau à la source, dans le domaine des économies d’eau, à travers les kits économiseurs d’eau que nous avons généralisé dans le cadre d’une charte signée avec tous les bailleurs sociaux parisiens. Sur le plan technique, nous avons été innovants en matière de services aux abonnés et aux usagers (centre d’appels, suivi des fuites, gestion des courriers et des réclamations etc.). Cette amélioration de la relation avec l’abonné/usager a été reconnue car Eau de Paris est récompensée depuis trois ans par le prix du « meilleur service clients » pour la distribution de l’eau.

Malgré le jugement extrêmement favorable de la Chambre régionale des comptes sur la gestion de l’eau à Paris, tout ce que la presse en a retenu lors de sa publication a été la perspective d’une future hausse du prix de l’eau. Qu’en est-il ?

Eau de Paris est confronté, comme tous les autres services de France et même d’Europe, à un « effet ciseau » entre des recettes (facturation de la consommation) qui diminuent en raison de la baisse de la consommation d’eau et des dépenses qui augmentent à cause notamment de nouvelles normes de traitement de l’eau. Cela n’a rien à voir avec le débat sur la gestion publique ou privée de l’eau, et cela n’est pas lié à un problème dans le fonctionnement d’Eau de Paris. Au contraire, Eau de Paris est plutôt en bonne situation financière. C’est l’un des rares acteurs du secteur à ne pas avoir besoin de recourir à l’emprunt, bien que les tarifs de l’eau n’aient pas augmenté depuis la remunicipalisation. Mais il est vrai qu’à terme Eau de Paris devra probablement, comme les autres, augmenter ses tarifs pour assurer l’équilibre de la régie. Pour moi, la question fondamentale est celle du mode de financement : on ne peut plus assurer le service uniquement sur la base d’une tarification à la consommation, au prix du mètre cube consommé. Et encore moins lorsque, comme Eau de Paris, on a une politique d’incitation des usagers à réduire leur consommation d’eau.

Quelle est la solution ?

Il faudrait réussir à différencier les usages de l’eau à Paris, pour distinguer entre usages commerciaux et usages domestiques, et faire payer davantage les premiers. Aujourd’hui, les acteurs économiques – cafés et restaurants, coiffeurs, pressings, dentistes,...– paient leur eau moins cher que les ménages parce qu’ils ont la possibilité de défiscaliser leurs charges. C’est un sujet politiquement sensible et ce ne sera pas simple techniquement mais je pense que cela serait plus juste.

Pensez-vous qu’il y ait un risque de voir la gestion de l’eau de Paris retourner au privé dans le futur ?

La question de la métropole parisienne est très complexe sur le plan institutionnel. Je constate que la droite parisienne n’a pas demandé le retour à la gestion privée sur Paris. Les tendances électorales récentes ne sont pas forcément favorables à la cause de la gestion publique, mais l’argument économique est clairement en faveur d’Eau de Paris. Et s’il y avait réellement une menace, il y aurait des levées de boucliers importantes. Eau de Paris a suffisamment fait preuve de sa solidité pour être soutenue, et il y a maintenant des forces prêtes à se mobiliser dans la société civile parisienne. Paradoxalement, le retour en régie et la création de l’Observatoire parisien de l’eau ont redynamisé la société civile.

Qu’est-ce que l’Observatoire parisien de l’eau ?

L’objectif était de mettre en place un espace citoyen de vigilance et d’information, auquel les élus de la Ville de Paris, les services administratifs et les agents d’Eau de Paris soient tenus de rendre des comptes. Tous les actes, tous les rapports, toutes les délibérations relatives à la gestion de l’eau doivent être présentées à l’Observatoire avant d’être examinées par le Conseil de Paris. Initialement, beaucoup de gens étaient sceptiques, mais maintenant ils en voient l’intérêt. Ce n’est pas une simple chambre d’enregistrement, informée a posteriori, comme il en existe beaucoup. Certes, c’est toujours le Conseil de Paris qui prend les décisions. Mais on tient compte de leur avis et, plus important encore, on doit leur présenter les informations de manière accessible. Cela n’enchante pas toujours l’administration, parce que globalement cela prend plus de temps pour expliquer les dossiers ou les rendre accessibles… Mais au final, cela conduit à une plus grande démocratie de l’eau, et c’est favorable à la gestion publique.

Existe-t-il des équivalents ailleurs ?

Très peu d’opérateurs publics de l’eau ont mis en place des espaces citoyens de ce type. Grenoble a créé un conseil des usagers, que l’on consulte sur le prix de l’eau. S’inspirant de l’expérience parisienne, la régie de Viry a également une gouvernance ouverte à la société civile. Mais l’Observatoire mis en place à Paris n’a pas véritablement d’équivalent. La plupart des opérateurs publics sont réticents à ouvrir leur gouvernance aux usagers et aux associations car cela implique des délais d’instruction et plus de moyens. Je pense pourtant que c’est indispensable pour la qualité du service public. Ce sont d’ailleurs ces innovations démocratiques qui intéressent le plus les observateurs étrangers.

Est-ce que l’Observatoire parisien touche réellement beaucoup de monde ?

L’Observatoire a permis à un certain nombre de personnes de se former aux enjeux de l’eau. Elles ne sont pas forcément extrêmement nombreuses, mais ce sont des gens issus de conseils de quartier, de bailleurs sociaux, d’associations qui tiennent à l’Observatoire et qui constituent des relais importants vis-à-vis du reste de la population parisienne. De même pour les associations qui siègent au conseil d’administration d’Eau de Paris, Que Choisir et France Nature Environnement : il s’agit de grosses structures d’envergure nationale.

Eau de Paris a rapidement acquis une très grande importance symbolique et politique au niveau français, européen et mondial. Vous avez été sollicitée pour vous rendre dans de nombreux pays pour soutenir des luttes contre la privatisation de l’eau...

J’ai été sollicitée pour témoigner de l’expérience parisienne, en Colombie au moment de la campagne pour le référendum sur le droit à l’eau de 2009, en Italie, à Berlin, etc. Ma spécificité était d’avoir des responsabilités à la fois politiques, en tant que militante et élue locale, et opérationnelles, en tant que présidente de la société d’économie mixte, puis de la régie Eau de Paris. Je suis aussi l’une des rares personnes à avoir suivi tout le processus de retour en régie à Paris depuis 2001. Pendant ce temps, les directeurs ont changé, d’autres élus sont partis. Et bien sûr, il s’agit de Paris, de la capitale de la France avec sa force symbolique. Tout cela confère une position très singulière.

Il y a aussi eu la création de structures plus institutionnelles, comme Aqua Publica Europea et France Eau Publique.

Aqua Publica Europea a été fondé par un petit groupe de personnes, pour défendre la gestion publique au niveau européen face au lobbying du secteur privé. En France, il existait déjà une sorte de club de régies, mais nous avons voulu créer une branche française d’Aqua Publica Europea – France Eau Publique – pour pouvoir nous renforcer et mutualiser davantage nos compétences. L’atout d’une multinationale, c’est la capacité de mutualisation au sein d’un même groupe : c’est l’objectif du réseau France Eau Publique de tenter de mettre en place des mutualisations, y compris des achats groupés, entre une multitude de régies.

Comment jugez-vous l’évolution de la situation en France depuis 2001 en ce qui concerne la gestion publique de l’eau ?

Il y a clairement une tendance favorable au retour en gestion publique, mais on ne peut pas dire que ce soit massif. Certes, il y a eu des remunicipalisations importantes, y compris dans des villes gouvernées par une majorité de droite, comme Nice, ce qui est très important. La cause des services publics peut dépasser certains clivages politiques. Quand Eau de Paris est revenue en gestion publique, de nombreuses régies en France ont sabré le champagne, parce qu’ils savaient qu’ils ne seraient plus considérés comme des sortes d’exceptions bizarres et détestables. Beaucoup de collectivités se sont servis des retours en régie publiques pour négocier des conditions plus favorables avec leurs prestataires. Suez et Veolia ont dû changer leurs contrats, ils gagnent moins d’argent. Au-delà des remunicipalisations proprement dites, la charge de la preuve s’est en quelque sorte inversée : maintenant, ce sont les prestataires privés qui doivent convaincre les collectivités de l’intérêt de passer par une délégation de service public plutôt que par une régie. Ce n’est pas rien.

Propos recueillis par Olivier Petitjean (février 2015)

- Entretien publié (dans sa version intégrale) dans l’ouvrage collectif Our public water future : The global experience with remunicipalisation (« Un avenir public pour notre eau : L’expérience mondiale de la remunicipalisation »). A télécharger ici.

Cet ouvrage est co-écrit par notre Observatoire des multinationales, avec deux think-tanks, le Transnational Institute (TNI) et Municipal Services Project (MSP), une organisation académique liée au monde syndical, la Public Services International Research Unit (PSIRU), et une organisation syndicale, la Fédération syndicale européenne des services publics (FSESP/EPSU).

La version française sera publiée dans quelques mois. Voir la synthèse des conclusions en français.

Plus de 180 villes dans le monde ont choisi de tourner la page de la privatisation de l’eau. Des métropoles comme Paris, Berlin, Buenos Airs, La Paz, Johannesburg, Atlanta, Kuala Lumpur ou Jakarta ont renoué avec une gestion publique. A lire : Les services publics sont-ils en train de gagner la bataille de l’eau face au secteur privé ?
— 
Photo : CC Claudio Saavedra

 

Source : http://www.bastamag.net

 

 

 

 

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24 avril 2015 5 24 /04 /avril /2015 17:48

 

Source : http://www.reporterre.net

 

 

Allez, la gauche, sors de la croissance !

24 avril 2015 / Giorgos Kallis
 


 

 

Nous nous sommes endettés pour croître, nous voici désormais contraints de croître pour rembourser nos dettes : c’est l’absurde impasse où nous enferme l’idéologie de la croissance. Il faut en sortir et affirmer qu’il est possible d’atteindre la prospérité sans croissance économique. C’est l’alternative concrète à saisir pour la nouvelle gauche européenne.

Dans notre livre récent Décroissance : Un vocabulaire pour une ère nouvelle (maintenant disponible en anglais, mais qui sera bientôt publié en français par Le Passager Clandestin), nous soutenons que la croissance économique s’avère non seulement de plus en plus difficile dans les pays avancés mais qu’elle est, de surcroît, non viable du point de vue social et écologique. Le climat global, l’État providence ou les liens sociaux qui ont existé des siècles durant sont sacrifiés un à un sur l’autel du dieu croissance.

Telles des files de patients en phase terminale, des populations entières sont appelées à souffrir indéfiniment pour que leurs économies puissent grappiller quelques misérables décimales sur l’échelle du PIB, et ce au bénéfice de 1% de la population mondiale.

En théorie, la croissance est requise pour rembourser les dettes, créer de l’emploi ou augmenter les revenus des pauvres. Dans la pratique, toutefois, malgré des décennies de croissance, nous sommes toujours endettés, nos jeunes sont au chômage et la pauvreté est toujours aussi élevée. Nous nous sommes endettés pour croître, or nous voici désormais contraints de croître pour rembourser nos dettes.

Ne pas confondre décroissance et récession

La décroissance est un appel à la décolonisation de l’imaginaire social par l’idéologie d’un avenir à sens unique n’admettant que la croissance. Il ne faut pas confondre décroissance et récession. La décroissance part de l’hypothèse qu’il est possible d’atteindre la prospérité en l’absence de croissance économique.

 

 

Autrement dit : qu’il est possible d’avoir un travail enrichissant sans avoir besoin d’une croissance éternelle ; de soutenir un État providence efficace sans que l’économie ne croisse incessamment, année après année ; et qu’il est possible aussi d’accroître l’égalité et d’éliminer la pauvreté sans avoir à accumuler de plus en plus d’argent chaque année.

La décroissance remet en cause non seulement les résultats mais l’esprit-même du capitalisme. Le capitalisme ne connait pas de limites, il sait uniquement comment croître, créer en détruisant. Le capitalisme est incapable de se poser et ignore comment le faire. Le capitalisme sait tout vendre ; mais il ne sait pas vendre « moins ».

Une alternative à saisir pour le nouvelle gauche européenne

La décroissance propose une logique novatrice à une gauche radicale qui veut aller au-delà du capitalisme sans, toutefois, reproduire les expériences autoritaires et productivistes des modèles socialistes réels (parfois nommés « capitalisme d’État »).

On assiste à l’avènement en Europe, de l’Espagne à la Catalogne, de la Grèce à la Slovénie et à la Croatie, d’une Gauche nouvelle dont la nouveauté tient non seulement aux idées mais aussi au jeune âge de ses membres. Cette Gauche sera-t-elle aussi une gauche verte et proposera-t-elle un modèle coopératif alternatif pour l’économie inspirée des idées de la décroissance ?

Ou à l’instar de la nouvelle gauche d’Amérique latine conditionnée par les exigences du capitalisme global, cette nouvelle Gauche reproduira-t-elle la logique expansionniste du capitalisme en se bornant à substituer les sociétés multinationales par des sociétés nationales, répartissant un peu mieux les miettes entre la populace ?

Beaucoup de gens qui sympathisent avec les idées et la critique exposées dans notre livre « Décroissance : Un vocabulaire pour une ère nouvelle » nous disent que quand bien même les arguments avancés par les défenseurs de la décroissance paraissent raisonnables, leurs propositions sont vagues et ne pourraient, de toute façon, jamais être mises en pratique. Il semble qu’il soit plus facile d’imaginer la fin du monde, voire la fin du capitalisme, que d’imaginer la fin de la croissance.

Concrétisation politique

Même les partis politiques les plus radicaux n’osent pas prononcer le mot qui commence par D, ou pour le moins remettre en cause l’opportunité-même de la croissance. Pour briser ce sortilège de la croissance, nous avons décidé, au sein de l’équipe Research & Degrowth à Barcelone, de codifier une partie des propositions politiques qui découlent de la théorie de la décroissance, politiques qui sont abordées plus en détail dans notre récent livre.

Récemment Libération les a publiées. Au lieu de cela, nous proposons ici de réfléchir sur les programmes de parties proéminentes de la nouvelle gauche : Podemos et Syriza, même si nous reconnaissons que d’autres, comme le parti vert au Royaume-Uni mérite aussi attention.

 

 

Ces propositions sont complémentaires et doivent être mises en œuvre de façon concertée. À titre d’exemple, la fixation de plafonds environnementaux pourrait réduire la croissance et générer de l’emploi, cependant que le partage du travail avec un revenu de base garanti aura pour effet de découpler la création d’emplois et la sécurité sociale de la croissance économique.

La réaffectation des investissements des activités conventionnelles vers des activités vertes et la réforme du système de taxation permettront de garantir l’émergence d’une économie plus respectueuse de l’environnement. Par ailleurs, le fait de cesser d’évaluer l’économie en termes de PIB et de recourir aux indices de prospérité assurera que cette transition soit comptée comme un succès plutôt qu’un échec.

Enfin, la réforme de la taxation et la réglementation publicitaire contribueront à un relâchement de la concurrence positionnelle et réduiront le sentiment de frustration que peut engendrer l’absence de croissance. L’investissement dans les biens publics et les infrastructures partagées contribuera à accroître la prospérité sans croissance.

Nous espérons voir les partis de la Gauche authentique éviter de faire de la relance de la croissance économique leur objectif. Et nous espérons les voir préparés, avec des idées en place sur ce qu’ils feront, dans le cas où l’économie refuse de croître. Est-ce une attente raisonnable au vu de la conjoncture politique actuelle du Sud de l’Europe, par exemple ? Oui et non.

Le projet de Podemos

Le projet de politique économique de Podemos, publié en novembre 2014, contient de nombreux éléments qui s’accordent avec l’agenda décrit ci-dessus. Le document n’établit pas la croissance comme son objectif stratégique. Il omet toute référence au PIB. Il propose de réduire la durée de travail à 35 heures, prévoit un revenu minimum garanti pour les sans-emploi, appelle à des remises de dettes pour une partie des dettes ménagères et publiques et préconise une réallocation des investissements vers les soins, l’éducation et l’économie verte, posant la satisfaction des besoins essentiels à travers une « consommation écologiquement viable » comme son principal objectif.

La politique pourrait aller plus loin en transférant les taxes du salariat vers les ressources, en établissant des limites environnementales, en régulant la publicité, en généralisant le revenu de base et en procédant à une réforme de l’État providence en ouvrant une réflexion sur les possibilités d’universalisation de l’économie solidaire, qui connait actuellement un important essor en Espagne, de même qu’en prévoyant des solutions viables et à bas prix en matière de santé, de soins et d’éducation.

Les choix de Syriza

En Grèce, en revanche, ignorer la croissance relève d’un exercice beaucoup plus difficile en raison de la dette colossale qui pèse sur le pays et le besoin d’échapper à la politique d’austérité socialement désastreuse imposée par la Troïka.

C’est avec raison que Syriza s’attaque à l’austérité avec une proposition visant à l’annulation d’une partie de la dette publique grecque. Malheureusement, toutefois, l’objectif de l’annulation de la dette serait dans ce cas vraisemblablement de relancer la croissance, avec l’adoption par Syriza de la « clause de croissance » proposée par Joseph Stiglitz, en vertu de laquelle le solde de la dette serait financé par la croissance.

 

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Alexis Tsipras, leader de Syriza, en Grèce, et Pablo Iglesias, leader de Podemos, en Espagne

 

Syriza propose un New Deal (Nouvelle donne) européen et soutient des investissements publics qui doperont la croissance en Grèce. Toutefois, à la différence de Podemos, il n’est pas question d’une Nouvelle donne « verte » ni d’une transition des industries conventionnelles vers des industries propres, ni même d’une transition des secteurs à ressources intensives vers les soins et l’éducation.

Dans la conjoncture actuelle des pouvoirs en Europe, de la dictature des marchés et de la fixation que fait l’Allemagne sur l’austérité, même la proposition stiglitzienne de Syriza passerait pour « radicale » et a peu de chances d’être réalisée, à moins de bouleversements sociopolitiques majeurs en Grèce et d’agitations politiques dans le reste de l’UE...

 

*Suite de l'article sur reporterre

 

 

Source : http://www.reporterre.net

 

 

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23 avril 2015 4 23 /04 /avril /2015 21:44

 

Source : http://www.mediapart.fr

 

 

Espionnage de salariés : le « deal » à 4 millions d'euros proposé à la CGT

|  Par Mathilde Goanec et Mathilde Mathieu

 

 

Le groupe Orpea, l'un des leaders mondiaux du secteur de la santé privée, a fait espionner ses salariés, en particulier des représentants syndicaux. Cet hiver, alors que la CGT portait l'affaire devant la justice, l'entreprise lui a proposé un « deal » secret à 4 millions d'euros en échange du retrait de sa plainte. Refusé.

 

Au départ, le groupe Orpea a recruté de simples « observateurs participants semi-dirigés ». Ça, c’était sur le papier. Mais derrière ce jargon, l'entreprise franco-canadienne, l’un des plus gros opérateurs mondiaux de maisons de retraite et de cliniques privées, a en fait injecté trois « taupes » parmi ses salariés, chargées d'espionner en particulier les syndiqués. Coût mensuel : quelque 14 000 euros par « implant ».

 

L'une des cliniques du groupe Orpea-Clinea à L'Haÿ-les-RosesL'une des cliniques du groupe Orpea-Clinea à L'Haÿ-les-Roses © Orpea
 

Au fil de l’année 2010, depuis des cliniques à Lyon, L’Haÿ-les-Roses et Andilly, ces agents ont tuyauté la direction avec plus ou moins de pertinence, comme en attestent des rapports hebdomadaires que Mediapart a pu consulter : « X a été aperçu avec un membre de la CGT » ; « Y consommait de la drogue, marijuana et résine de cannabis » ; « Grand sportif, [le délégué syndical] W semble endurant et motivé » ; « Certains salariés annoncent [pour la grève] qu'ils ne se mobiliseront que quelques heures car au regard des salaires, ils ne peuvent pas se permettre » ; « Z a confié avoir des difficultés avec certaines personnes qui se serviraient de leur mandat [syndical] pour servir des intérêts personnels » ; « La rumeur court que l'infirmière est proche du directeur, tous deux originaires du même village corse ». Etc.

Ci-dessous, quelques rapports rédigés par les“ implants ” :

 

 

Les vrais employés n’ont découvert le pot aux roses qu’en 2012, au détour d’une enquête de L'Expansion sur le nouveau business de l’infiltration. Interrogés par la CGT, les dirigeants d’Orpea avaient alors démenti toute volonté d'espionnage. À en croire un courrier interne, les informations récoltées n’avaient « d’autres fins que l’amélioration des conditions de travail » et l’opération ne visait qu'« à éclairer la direction du groupe sur la nature et l'ampleur des risques pyschosociaux ». Sans rire. L’argument a tenu deux ans.

Mais en décembre dernier, la fédération « Santé et action sociale » de la CGT s'est finalement décidée à porter plainte pour « délit d’entrave », « atteinte à la vie privée » et « collecte frauduleuse de données à caractère personnel », afin de dénoncer « un système pensé d’infiltration des syndicats et d’espionnage des salariés ».

« L’une des missions principales des “implants” étaient de porter atteinte au droit syndical », insiste la plainte, qui souligne les efforts des infiltrés pour « être élus ou désignés sous [la] bannière [de la CGT] ». Cette pratique serait « illicite » faute d’avoir « soumis le procédé devant les institutions représentatives du personnel », assène Me Sofiane Hakiki, l'avocat qui a entre-temps récupéré les rapports écrits des “ implants ”, les factures et les contrats. En trois semaines à peine, le parquet de Paris ouvrait une enquête préliminaire, déclenchant la panique chez Orpea.

La plainte est d'autant plus inflammable médiatiquement que la société chargée de fournir les trois espions, Groupe Synergie Globale (GSG), est connue des journalistes depuis qu’elle a été mise en cause pour des faits similaires dans « l’affaire Ikea », toujours en cours d'instruction à Versailles, mais d'ores et déjà à l'origine de la mise en examen du PDG d'Ikea France et de l’éviction d’une pléiade de directeurs (voir nos révélations ici ou ). Se sentant probablement acculé, le groupe Orpea a mis alors des millions d’euros sur la table, dans le plus grand secret, pour tenter de faire taire le syndicat.

D'après nos informations, en février, la direction du groupe a proposé le « deal » suivant aux élus CGT (minoritaires face à l'organisation « maison » Arc-en-Ciel) : en échange du retrait de la plainte, elle promettait de satisfaire plusieurs de leurs revendications historiques, représentant un coût global de plus de quatre millions d’euros pour l'entreprise. L'offre court-circuitait les négociations officielles en cours, mais tombait à pic pour la CGT, à quelques mois d'élections professionnelles compliquées.

Si la transaction a finalement été rejetée par le syndicat, son existence en dit long sur les coulisses du « dialogue social » à la française. La liste des concessions avancées par Orpea en contrepartie d’un renoncement à toute action judiciaire était longue comme le bras :

– instauration d'une prime d’entreprise pour tous les salariés disposant de plus de trois mois d’ancienneté (pour un coût d’environ 2 millions d'euros en 2015) ;

– allocation d'un budget de fonctionnement à chaque organisation syndicale représentative (200 000 euros par an) ;

– rédaction d’une charte des droits syndicaux ;

– et surtout, création d’au moins seize comités d'établissement régionaux, doublés d’autant de comités d’hygiène, de sécurité et des conditions de travail (CHSCT), avec désignation de nouveaux délégués syndicaux. Ce volet-là pesait potentiellement très lourd pour Orpea, qui a toujours fait le minimum légal en matière de représentation du personnel. Malgré ses 345 établissements en France, le groupe se considère en effet comme une seule entité économique et sociale, se contentant d’un seul comité d’entreprise et d’un unique CHSCT. Coût estimé de cette avancée : deux millions d’euros.

Au passage, Orpea acceptait de « régler » une poignée de situations individuelles, rendues délicates en raison des responsabilités syndicales des intéressés. Bien entendu, ce protocole d’accord stipulait que toutes ces concessions ne valaient pas reconnaissance de culpabilité dans l’affaire d’espionnage.

Si elle acceptait de signer, la CGT devait s’engager à conserver le secret le plus absolu sur le contenu du « pacte », comme sur son existence même. Un article du contrat lui interdisait explicitement d’en faire état dans les médias. 

À l'issue d'échanges entre avocats des deux parties, la fédération Santé de la CGT a finalement refusé la transaction en bloc en février dernier, après avoir consulté un collectif d'employés d'Orpea. « Signer l'accord pouvait entraîner des gains pour les salariés, certains ont donc manifesté leur intérêt, précise une source interne à la fédération. Mais la négociation n’était pas possible avec un employeur aussi pourri. Accepter, c’est donner l’image d’une entreprise qui peut tout acheter. Par ailleurs, on n’aurait pas pu capitaliser sur cette négociation pour gagner des voix, puisque l’accord était censé rester confidentiel. »

Libertés fondamentales

Au siège central de la CGT, à Montreuil, un cadre haut placé se montre moins catégorique et juge que la fédération Santé aurait très bien pu signer. « Il est fréquent que des patrons essaient d’acheter des militants syndicaux, regrette-t-il. Mais il n’était pas question de cela ici, pas question de verser de l’argent à la fédération pour qu’elle ferme sa gueule ! On parlait d’améliorer les droits syndicaux et le sort des salariés. Passer du contentieux juridique à la négociation, ça se fait régulièrement. »

De fait, il arrive que des organisations syndicales renoncent à des actions judiciaires après avoir négocié des contreparties au bénéfice des salariés – en cas de discriminations syndicales (comme chez Renault où des centaines de délégués ont obtenu des indemnités et des salaires revalorisés) ou encore d’infractions à la législation sur le travail du dimanche, par exemple. Ces accords sont parfois rendus publics, parfois gardés sous clef. Mais les plaintes retirées visent plutôt des infractions de faible gravité (de niveau contraventionnel), ou de « classiques » délits d’entrave à l’action syndicale. 

Le chantage proposé par Orpea sort de cet ordinaire-là. D'abord parce que les sommes en jeu paraissent exceptionnelles. Surtout, des avocats spécialistes du droit du travail interrogés par Mediapart (et complètement étrangers au dossier) soulignent qu'il ne s’agissait plus « seulement » de traiter des atteintes aux droits syndicaux et sociaux, mais des atteintes aux droits et libertés fondamentales, a priori non négociables. 

Sollicitée à plusieurs reprises par Mediapart, la direction d’Orpea est restée muette. L'avocat du groupe, Me Louis de Gaulle, a refusé de confirmer ne serait-ce que l'existence même d’une telle proposition et s'est contenté, menaçant, de rappeler que ce genre de négociations entre avocats, « quand elles existent », sont couvertes par le secret professionnel. L'avocat qui défend le syndicat, lui aussi, a catégoriquement exclu de nous répondre.

Orpea aura décidément tout tenté, ces derniers mois, pour amadouer la CGT. D’après des sources syndicales, l’entreprise aurait même soufflé qu'elle avait d'autres taupes à l'intérieur de l’entreprise et de la fédération Santé, allant jusqu'à balancer deux noms, comme gage de ses « bonnes intentions ». Manipulation ? L’une des deux personnes citées, fortement déprimée, ne veut plus rien avoir à faire « ni avec Orpea, ni avec la CGT », selon sa fille interrogée par téléphone. La seconde s’est adjointe les conseils d’un avocat et refuse de commenter l’affaire. 

À vrai dire, pour manœuvrer, l’entreprise a pu s'appuyer sur les dissensions qui déchirent la « fédé » (deuxième de la CGT en nombre d'adhérents), devenue au fil des années un véritable panier de crabes. Divisée sur les orientations stratégiques, gangrenée par des enjeux de pouvoir, celle-ci vient d’ailleurs de mettre la quasi-totalité de son bureau exécutif dehors, lors de son dernier congrès. « Ce qui avantage Orpea dans cette affaire, c’est que la CGT Santé est un gruyère à cause de ses problèmes internes, confie l’un de ses membres. L'entreprise n’a même pas besoin de mettre des observateurs puisque les gens s’espionnent et balancent d’eux-mêmes. Clairement, ça nous pose des questions sur l’état de notre organisation... » Le chantage d’Orpea a malgré tout échoué, pour cette fois.

 

 

Source : http://www.mediapart.fr

 

 

 

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23 avril 2015 4 23 /04 /avril /2015 21:02

 

Source : http://www.bastamag.net

 

 

Projet de loi

Comment le gouvernement veut « moderniser » le dialogue entre patrons et salariés

par

 

 

 

 

Une loi qui « simplifiera » le dialogue entre patrons et salariés dans les entreprises. Telle est l’ambition du gouvernement. Les partenaires sociaux ayant échoué à se mettre d’accord en janvier, c’est le gouvernement qui tranche : le ministre du Travail vient de présenter en Conseil des ministres son projet de loi sur le dialogue social et l’emploi. Un texte qui ne satisfait ni les syndicats ni le patronat. Et qui, en voulant simplifier les « contraintes » pour les employeurs, vient réduire une fois de plus les droits des salariés.

« Une loi de progrès social » : c’est ainsi que François Rebsamen, ministre du Travail, résume son projet de loi relatif au dialogue social et à l’emploi, qui devrait arriver à l’Assemblée nationale à la mi-mai. Présenté ce mercredi 22 avril en conseil des ministres, le projet fait suite à l’échec des négociations interprofessionnelles qui se sont tenues en janvier dernier. Les désaccords entre partenaires sociaux s’étaient notamment cristallisés sur le sort réservé aux comités d’hygiène, de sécurité et des conditions de travail (CHSCT) – outil indispensable à la protection de la santé des travailleurs [1]. Dans le nouveau projet de loi, la suppression des CHSCT n’est plus à l’ordre du jour. Sont-ils pour autant « sauvés » ? Pas si sûr…

Les missions des CHSCT risquent en effet d’être amoindries, et leurs moyens réduits. L’employeur d’une entreprise de moins de 300 salariés pourra ainsi décider unilatéralement de fusionner le CHSCT, les délégués du personnel et le comité d’entreprise en une délégation unique du personnel (DUP). Dans les établissements de plus de 300 salariés, la décision dépendra d’un accord majoritaire. Ce passage des CHSCT en DUP va mécaniquement réduire le nombre de représentants du personnel, de même que le nombre d’heures de délégation des élus.

 

Une représentation des salariés appauvrie

Selon des calculs réalisés par la revue Santé&Travail, et par le quotidien les Échos, certaines entreprises de 100 à 124 salariés pourraient perdre jusqu’à 70 heures de délégation, temps que les salariés élus consacrent à la défense des droits de leurs collègues. Pour les entreprises de 50 à 74 salariés, cette perte pourrait atteindre 31 heures. Comment, dans ces conditions, imaginer que les élus pourront s’acquitter correctement de leurs missions, sachant qu’ils peinent déjà bien souvent à le faire correctement, faute de temps et de moyens ? Le tout dans un contexte où les atteintes à la santé dans le milieu du travail explosent...

En cas de DUP, le délai de convocation du CHSCT passerait de 15 jours à 5 jours. Cela « risque de nuire singulièrement aux capacités de mobilisation et de réaction des représentants du personnel de cette instance », déplore l’association des experts et intervenants auprès des CHSCT. Autre sujet d’inquiétude : la fusion des avis (rendus sur des questions d’organisation du travail par exemple) du comité d’entreprise et du CHSCT. Un avis fusionné sera « réducteur » avertit l’association, « puisqu’il risque de négliger la réflexion sur les conditions de travail au profit de la seule appréciation de la stratégie économique l’entreprise ».

Le projet laisse de surcroit en suspens toute une série de questions relatives au fonctionnement des instances regroupées en DUP : comment gérer la présence des médecins et inspecteurs du travail, par exemple, jusqu’à présent membres de droit du CHSCT mais pas du comité d’entreprise ? Enfin, le droit à l’expertise (droit de faire appel à des experts extérieurs) serait conservé, mais il pourrait être bouleversé par la création d’une « expertise commune » sur les questions relevant du comité d’entreprise et du CHSCT. Les modalités en seront fixées ultérieurement.

 

Négociations : exit les syndicats ?

Le projet de loi remet par ailleurs en cause la place des syndicats dans la négociation d’entreprise : il étend la possibilité pour les employeurs de négocier en l’absence de délégués syndicaux, avec des élus du personnel. Il élargit aussi le champ des sujets de négociation possibles dans ces conditions : les personnes désignées pourront mener toutes les négociations, y compris celles sur les salaires, l’égalité homme-femmes, la pénibilité. Alors qu’aujourd’hui elles sont limitées, en droit, à négocier les « mesures dont la mise en œuvre est subordonnée par la loi à un accord collectif », telles les contrats de génération, l’épargne salariale ou les forfaits-jour. Auparavant, cette mise à l’écart des syndicats n’était pas possible dans les entreprises de plus de 200 salariés.

François Rebsamen propose aussi de supprimer l’obligation de faire valider par une commission paritaire de branche les accords signés par des élus du personnel. Avec quels risques ? La commission paritaire de branche est une instance de contrôle : elle permet que les dispositions signées par accord conservent une certaine homogénéité et ne soient pas inférieures aux normes légales et conventionnelles. En supprimant son intervention, le législateur ouvre la voie à des accords inférieurs et au dumping social au sein de la branche, dès lors que la loi en offre la possibilité. Pour l’instant, cette possibilité est très limitée et strictement encadrée, mais pour combien de temps ? Manuel Valls vient en effet de confier à Jean-Denis Combrexelles, ancien directeur général du travail, la responsabilité d’un groupe de travail en charge de formuler des propositions qui donneraient au contrat une place plus importante qu’à la loi. Une étape de plus dans le démantèlement des acquis sociaux et des droits des salariés ?

Nolwenn Weiler

- Lire aussi : Dialogue social : menaces sur la liberté d’expression et la santé de millions de salariés, 22 janvier 2015.

Photo : CC Travailleurs sur le chantier de construction de l’hôtel Château Champlain, 1966. Archives de la ville de Montréal.

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22 avril 2015 3 22 /04 /avril /2015 14:46

 

Source : http://www.mediapart.fr

 

 

Ayrault et Montebourg constatent le désastre politique de Florange

|  Par Paul Moreira

 

 

Comment le FN a-t-il pris pied dans l'un des plus anciens bastions du syndicalisme ouvrier, le pays de l'acier lorrain ? Diffusé lundi 20 avril à 21 heures sur Canal Plus, le documentaire Danse avec le FN donne la parole à ces syndicalistes et ouvriers d'ArcelorMittal qui ont basculé lorsque le projet de nationalisation de Florange a été abandonné. Extrait et entretiens avec Jean-Marc Ayrault et Arnaud Montebourg.

 

Comment le Front National a-t-il pris pied dans l'un des plus anciens bastions du syndicalisme ouvrier, le pays de l'acier lorrain ? Aux élections départementales, Fabien Engelmann, maire FN de Hayange, n'a pas réussi à gagner le canton mais il frôle tout de même les 40 %. En mars 2014, il avait arraché la mairie de Hayange au parti socialiste avec 34 % des voix. Diffusé lundi 20 avril à 21 heures sur Canal Plus, le documentaire Danse avec le FN (lire la Boîte noire de cet article), donne la parole à ces syndicalistes et ouvriers d'ArcelorMittal qui ont basculé. Le moment pivot : l'abandon du projet de nationalisation par le gouvernement Hollande.

Au départ, il y a ces quelques photos. Dans les images prises en 2012 et 2013 lors du mouvement des sidérurgistes d'ArcelorMittal, on voit une femme blonde, face aux CRS, un gilet rouge sur le dos, le poing levé. D'abord combative puis désespérée, les traits tirés sur fond de fumée noire. Quelques semaines plus tard, autre photo, cette même femme pose sur les affiches électorales du Front national pour les municipales. Elle était deuxième de la liste d'Hayange, aux côtés du futur maire, Fabien Engelmann. Figée, le visage durci et déterminé… Marie da Silva.

 

Marie da Silva, au deuxième plan, derrière le leader CFDT Édouard Martin lors d'une manifestation pour Florange.Marie da Silva, au deuxième plan, derrière le leader CFDT Édouard Martin lors d'une manifestation pour Florange. © (dr)
 
La même Marie da Silva, devenue candidate FN.
La même Marie da Silva, devenue candidate FN.
 

Lionel Buriello, le jeune leader de la CGT, en est alors dépité. « On la connaissait bien, elle venait là, au local syndical, pendant la grève, se souvient-il. Elle a participé à tout le mouvement pour les hauts fourneaux. Elle travaillait à l'extérieur mais son mari était ouvrier sous-traitant à ArcelorMittal. C'étaient des militants syndicaux, des gens de gauche. Quand on m'a montré sa photo sur les tracts du FN, j'ai eu un mouvement de recul : c'est pas possible, c'est pas elle ! Mais ouais, c'était bien elle. »

Lionel Buriello a vu d'autres camarades basculer vers le Front national. Il le découvrait toujours par hasard. Stupéfait : « L'autre choc, ce fut Pascal Olivarez ! Je travaillais dans la même équipe que lui, on gardait les hauts-fourneaux éteints. C'est vrai que c'était usant. Il n'y avait rien à faire. On nourrissait les chats. Pendant deux ans. Deux ans… Un jour, lors d'une visite de Hollande, en 2013, Pascal avait traversé tout le dispositif de sécurité, c'était blindé de flics et il fallait un super badge pour approcher Hollande. Il était là et il parlait aux journalistes. Il leur racontait qu'il en avait marre des hauts-fourneaux éteints, que Hollande n'avait pas tenu sa promesse et qu'il allait voter FN. Il était à la CFDT, Pascal, personne n'a rien compris… »

Qu'est ce qui s'était passé ? Il faut revenir à 2012 pour comprendre le passage décisif au vote d'extrême droite de certains ouvriers de la sidérurgie. Le mouvement est massif dans le pays puisqu'il concerne quasiment un ouvrier sur deux. Mais dans la Lorraine de l'acier, le vote FN ouvrier a ceci de particulier qu'il découle directement des choix politiques du gouvernement socialiste, des dédits, des renoncements, des promesses non tenues. Pour Arnaud Montebourg, ancien ministre du redressement productif, cela ne fait aucun doute : « En politique, la lâcheté a un prix… », dit-il.

Cette histoire, on peut la raconter à travers Marie, Alain et Pascal. Leurs trois trajectoires sont celles de militants et syndicalistes venus de la gauche, confrontés aux choix d'un gouvernement socialiste dans lequel ils avaient investi leurs espoirs. En 2011, Marie da Silva s'engage dans le mouvement ArcelorMittal pour venir en aide à son mari, sous-traitant, dont le job était en danger. « J'ai toujours été syndicaliste, j'ai toujours aidé les autres. Et là, je me suis sentie plus que concernée puisque mon mari ne pouvait pas se permettre de faire grève. C'était ça les sous-traitants. Je me suis dit, si moi, je peux faire quelque chose par ma présence, bah, j'y vais », dit-elle.

Dans les années 1970, le patronat de l'acier a divisé les sidérurgistes en deux catégories. D'un côté, les salariés internes ArcelorMittal, protégés, syndiqués. De l'autre, les précaires, intérimaires et sous-traitants, disponibles à tout moment. Ils sont très nombreux auprès des hauts-fourneaux, exposés aux tâches les plus dures. Premier sentiment d'injustice et d'isolement social. « On fait le plus dur, raconte Alain da Silva. On est exposés à l'amiante et la silice. Arcelor donne ça à des sous-traitants parce que si vous tombez malade, Arcelor, ça dégage sa responsabilité. C'était à votre patron de prendre des mesures. On est les invisibles. Sans nous, la sidérurgie ne peut pas tourner. On est aussi nombreux que les ouvriers qui sont intégrés à ArcelorMittal mais on ne parle jamais de nous. »

« Si l'acier meurt, le pays est mort »

En 2012, les ouvriers et les sous-traitants d'ArcelorMittal vont se battre unis pour sauver leurs hauts-fourneaux. Leur patron, l'Indien Lakshmi Mittal, estime qu'ils ne sont plus rentables. Il ne veut garder que la filière froide. Pendant deux ans, il va plonger les hauts-fourneaux de Florange en sommeil. Malgré son virage vers le Front national, Alain da Silva se souvient du combat avec émotion : « On était solidaires, comme au boulot quand il faut se donner un coup de main. Édouard Martin, de la CFDT, il a été formidable. Je sais qu'il y en a qui le critiquent parce qu'il est devenu eurodéputé, mais moi, j'oublie pas. Il s'est battu pour tous les ouvriers, quel que soit leur statut. »

 

Pascal Olivarez.
Pascal Olivarez. © Premières Lignes
 

Pascal Olivarez, fils de sidérurgistes, était à Gandrange au moment de la fermeture. Puis, il a gardé les hauts-fourneaux éteints. Il habite une petite maison ouvrière sur les coteaux de Moyeuvre. Il fume des cigarettes à la chaîne et ne porte que des tee-shirts avec des têtes de mort. Il voit l'avenir d'un œil sombre. « J'étais à Gandrange, Sarkozy a laissé fermer Gandrange. Je suis venu à Florange, Hollande a laissé fermer les hauts-fourneaux, dit-il. Je ne sais pas où je serai dans trois ans. Je ne comprends pas qu'on laisse mourir l'acier comme ça. Pour moi, c'est une force, on a construit la tour Eiffel avec ! Si l'acier meure, le pays est mort. »

Pascal, Alain et Marie avaient mis tous leurs espoirs dans l'élection de François Hollande. Le candidat était venu le 24 février 2012, il était monté sur une camionnette et il s'était engagé. Y compris pour les sous-traitants et les intérimaires. « On s'est dit, s'il passe ce gars-là, on est sauvés », se souvient Marie da Silva. Ils vont tous voter Hollande. « Moi j'avais voté Sarkozy en 2007, je croyais qu'il sauverait Gandrange, explique Pascal Olivarez. Là, j'ai voté Hollande. »

Élu président de la République, François Hollande confie le dossier ArcelorMittal à Arnaud Montebourg, son ministre du redressement productif. Pour forcer Mittal à rallumer les hauts-fourneaux, Montebourg a un plan. Et il l'exprime à l'automne 2012 : la nationalisation temporaire. Chez les sidérurgistes, une lumière s'allume. Marie da Silva : « La nationalisation, oui, ça aurait pu nous sauver. » Pascal Olivarez : « À partir du moment où le mot nationalisation avait été prononcé, je vivais l'œil sur les journaux et j'étais pas le seul. Tous, on était pendus à ce que nous disait Montebourg. C'était symbolique, ça voulait dire que l'État allait enfin protéger les ouvriers… »

Montebourg semblait déterminé et tout puissant. Il était ministre après tout… Comment imaginer qu'il n'ait pas les moyens d'accomplir ce qu'il s'engageait à réaliser ? Le 30 novembre 2012, c'est le choc. À la télévision, le premier ministre Jean-Marc Ayrault annonce qu'il ne nationalisera pas Florange. Ayrault l'ignore mais, en quelques mots, il vient de déclencher la mécanique qui va mener Marie, Alain et Pascal à voter Front national. Pascal Olivarez : « Ça m'a serré le cœur, j'ai pensé, merde, on s'est encore fait avoir. » Marie da Silva : « On s'est sentis abandonnés. J'ai senti un feu bouillonnant qui me disait : pourquoi t'y as cru ? Pourquoi tu t'es laissée avoir comme ça. Y'a donc plus personne d'honnête en politique, personne qui tient sa parole. » Alain : « Je savais à ce moment-là que des tas de gars de ma boîte allaient se retrouver sur le carreau et c'est exactement ce qui s'est passé. »

Marie da Silva ne le cache pas, c'est à ce moment-là qu'elle s'est plongée dans la profession de foi du Front national qu'elle avait gardée dans un tiroir depuis les dernières élections. Dans la tête de Pascal Olivarez s'est installé un doute sur lequel prospère le Front national, l'idée que le pouvoir politique est ligoté. Que les ministres obéissent à des logiques plus fortes qu'eux. « Je me suis dit : en fait, président de la République, c'est devenu un titre honorifique. La décision de tuer la nationalisation et de fermer les hauts-fourneaux avait dû être prise ailleurs. Dans les grands centres financiers internationaux. Le FMI, la Banque centrale européenne. Et peut-être même qu'au-dessus, il y avait les grands trusts capitalistes étrangers. »

L'imagination galope d'autant plus que personne n'est venu expliquer aux ouvriers ce qui s'était passé dans la coulisse. « Je n'en sais rien moi, lâche Pascal... Même Edouard Martin, il le sait pas, sinon il nous l'aurait dit. Pourquoi il nous l'aurait pas dit ? » Aujourd'hui, l'ancien ministre Montebourg évoque cette période avec un fond de colère et une parole affranchie de la solidarité gouvernementale. Il sait à quel point le basculement de certains ouvriers de l'acier est lié à ce moment.

Montebourg : « Une énorme faute politique »

« À un moment, il faut faire des choix, nous déclare-t-il. Soit vous choisissez d’avoir des éloges dans le Financial Times, soit vous choisissez les ouvriers qui vous ont élu. Bon, moi, j’avais fait mon choix. Le premier ministre et le président de la République ont fait un choix inverse. Pour moi, c'est une humiliation personnelle et une défaite politique. C’était un abandon en rase campagne. Et le prix payé, c’est la chute de la mairie d’Hayange dans les mains du Front national. C’est une énorme faute politique, qui a eu pour conséquence de désespérer le monde ouvrier. Ils attendaient que l’État soit un protecteur quand le système financier devient fou, ce qui est le cas de l’entreprise Mittal. »

D'après Arnaud Montebourg, « rien ne s'opposait à la nationalisation, ni Bruxelles, ni personne. Deux personnes ont brisé le consensus républicain, le premier ministre et le président de la République. La veille, ils m'ont enlevé le dossier ».
Voir dans la vidéo ci-dessous les entretiens avec Jean-Marc Ayrault et Arnaud Montebourg :

 

 

Pour Jean-Marc Ayrault, alors premier ministre, la nationalisation était un risque économique qu'il ne pouvait pas courir. « Moi j'ai pris le dossier en cours et j'ai été tout de suite convaincu que l'option nationalisation n'était pas viable, dit-il. Bien sûr, on aurait pu sauver les hauts-fourneaux artificiellement pendant quelques mois. Et après, on aurait fait quoi ? On aurait reculé pour mieux sauter ?… Il fallait investir un milliard d'euros. Mais on n'était pas certain que cet acier serait vendu. Il n'y a jamais eu de promesse du candidat François Hollande pour nationaliser ce site, ou un autre, d'ailleurs. »

Aujourd'hui, Jean-Marc Ayrault déplore l'impact politique dramatique d'une erreur de communication. « On a laissé se créer une illusion et c'est pas bien, ce n'est pas une manière de traiter les gens », assure-t-il. Arnaud Montebourg va plus loin et laisse entendre qu'il a été trahi par le conseiller économique de François Hollande, Emmanuel Macron. « Je me souviens de cette formule d'Emmanuel Macron, insiste-t-il. Il m'a dit : on saute avec toi. J'ai sauté, je n'avais pas de parachute et je me suis fracassé, avec tout les ouvriers d'Arcelor. Voilà ce qui s'est passé. »

Aujourd'hui, la totalité des ouvriers staffés ArcelorMittal ont été recasés dans la filière froide. Mais depuis la fermeture des hauts-fourneaux, les précaires et les sous-traitants se sont retrouvés au chômage par centaines. Combien exactement ? Au gouvernement, personne ne le sait. Ce n'est pas un secret. C'est juste que personne ne les a comptés. Dans l'entreprise où travaille Alain da Silva, c'est l'hécatombe : « Ma boîte est passée de 60 personnes à 16 et elle est en redressement judiciaire. »

Lionel Buriello, de la CGT, évalue à un millier le nombre de sous-traitants sur le carreau. D'après lui, c'est chez eux que le vote FN a été le plus fort. « Ils le savent qu'ils sont les oubliés, dit-il. Alors ils se disent : si on parle jamais de moi, toi président de la République, toi premier ministre, toi gouvernement, toi syndicaliste… eh bien, je vais voter Front national… Peut-être que, eux, ils parleront de moi. Mais c'est vraiment un vote de rage, parce que franchement, dans l'usine, les militants du FN, on ne les voit jamais. »

 

Marie et Alain da Silva.Marie et Alain da Silva. © Premières Lignes
 

Depuis, Alain et Marie da Silva ont quitté le Front national. Après un engagement auprès du maire FN d'Hayange et un contact rapproché avec l'appareil du parti, ils ont fait marche arrière. Choqués par l'autoritarisme et l'islamophobie qu'ils ont rencontrés. En décembre 2014, le maire Fabien Engelmann a été condamné à un an d'inéligibilité dans l'affaire de ses comptes de campagne truqués et a aussitôt fait appel (lire ici). « Nous, on est allés au FN parce qu'on pensait que leur programme économique pourrait aider la sidérurgie, explique Alain da Silva. Ils étaient pour la nationalisation d'ArcelorMittal, aussi pour la remise en cause de la directive européenne sur les travailleurs détachés qui détruisent beaucoup de boulots chez les sous-traitants locaux. Mais ce qu'on a vu à l'intérieur du FN ne nous a pas plu. Pas du tout. On est venus pour un programme économique et on tombe sur des gens qui veulent nous faire peur avec des histoires d'islamistes qui nous coincent dans les rues. Ici, ça n'existe pas. La destruction de l'emploi, ça n'a rien à voir avec les musulmans. »

 

 

 

Source : http://www.mediapart.fr

 

 

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21 avril 2015 2 21 /04 /avril /2015 18:04

 

Source : http://www.reporterre.net

 

 

Les multinationales tentent de vampiriser le sommet sur le climat de Paris

21 avril 2015 / Nicolas de La Casinière (Reporterre)
 


 

 

Les sommets mondiaux sont une aubaine pour les multinationales soucieuses de verdir leur image. Le grand marché au greenwashing est ouvert pour la Conférence de Paris, qui pourrait être en partie financée par des firmes comme BMW ou GDF Suez, largement responsables du changement climatique.

La grande conférence de Paris sur le climat sera-t-elle sponsorisée par un constructeur automobile, par une société scandinave d’électricité à 45 % d’option charbon, et par un géant de la moissonneuse batteuse productiviste ? Oui - mais non.

Jeudi 16 avril, Europe 1 annonce que BMW, Vattenfall, Suez Environnement et LVMH seront les parrains de la COP 21, la conférence des Nations unies pour le climat qui se tiendra en décembre au Bourget, près de Paris.

Mais Pierre-Henri Guignard, secrétaire général pour la France de la COP21, dément partiellement l’information, et la radio corrige : seuls Suez Environnement et LVMH sont bel et bien sponsors. On y reviendra. Mais les suites et démentis de cette info de la radio privée sont aussi intéressants que la révélation légèrement à coté de la plaque.

Au départ, il y a une confusion, savamment entretenue par les communicants et les multinationales très intéressées à bien apparaître en ces lieux de serments et professions de foi. Europe 1 a confondu la conférence officielle et le « Sustainable Innovation Forum », sixième édition, les 7 et 8 décembre, soutenue très officiellement par les Nations Unies, et dont le site internet (www.cop21paris.org) arbore un nom de domaine très proche de www.cop21.gouv.fr, celui de la « vraie » COP21, la seule, celle des négociations, 21e édition de la Conférence des parties de la Convention-cadre des Nations unies sur les changements climatiques de 2015 (COP21/CMP11), aussi dénommée « Paris 2015 » et qui se tient aux mêmes dates, du 30 novembre au 11 décembre 2015.

Recherche sponsor climato compatible, urgent

L’instance gouvernementale qui organise le sommet parisien a donc démenti. Mais le problème reste entier. « Sur le budget annoncé de 187 millions d’euros, pour l’organisation de la COP21 (location et aménagement du lieu, sécurité, communication, etc.), le gouvernement a fixé un objectif de 20 % de financements privés, venant d’entreprises françaises ou étrangères », explique Maxime Combes, membre du conseil scientifique d’Attac, auteur sur son blog d’un billet épinglant les sponsors inavouables.

La vigilance des ONG et la cohérence de ces apports financiers posent problème. L’organisation peine à réunir ces 20 % de sponsors « propres », puisqu’il faut bien, pour éviter les critiques trop acerbes, exclure les grandes entreprises climato-incompatibles, pourtant mobilisables avec l’appui de l’État : Areva, Total, Renault ou autres offriraient des « cibles trop faciles ».

 

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Une BMW exposée à la Conférence de Varsovie en 2013

Le démenti partiel du secrétariat général a donc préservé LVMH et Suez Environnement qui n’est pourtant pas indemne de critiques, « se positionnant sur le traitement des eaux pour l’extraction d’hydrocarbures de schiste et de charbon en Australie, et cautionnant la fuite en avant extractiviste », analyse Maxime Combes, qui s’interroge, puisque la liste des co-financeurs privés de ces 20 % devrait déjà être publique : « Soit il n’y a pas le compte, soit il y a une entreprise qui pose problème... ».

Ça roule pour le sponsor platinum

Si les financeurs du sommet officiel doivent montrer patte aussi blanche que possible, le tri est moins sélectif au Forum de l’innovation soutenable. Il suffit de se pencher sur les logos des généreux bienfaiteurs du « Sustainable Innovation Forum » pour mesurer la contradiction entre un rassemblement sur les méfaits de l’industrie sur le climat et son financement par des acteurs économiques contributeurs au gaz à effet de serre.

Le constructeur automobile allemand BMW y figure comme « headline sponsor » ou « platinum sponsor ». Selon le dir-com de BMW France interrogé par Reporterre, Jean-Michel Juchet : « Oui il y a des discussions mais rien n’est encore signé. On verra plus clair à la mi mai. Mais c’est dans la continuité de ce qu’on a déjà fait pour la COP 20, COP 19 et avant : on participe à l’élaboration de tables rondes sur le développement durable, on intervient et on sponsorise ces tables rondes. »

Lobbying et greenwashing en façade, défense de ses intérêts carbonés en coulisse : en juillet 2012, The Guardian relevait que BMW exerçait des pressions sur Bruxelles pour assouplir les normes d’émissions des véhicules à partir de 2020, tout en vantant parallèlement sa « green attitude » et la conscience environnementale de ses modèles.

En octobre 2013, les constructeurs automobiles allemands, et spécialement BMW, ont ainsi obtenu le report d’un vote de l’Union européenne prévoyant de limiter les rejets en CO2 des voitures européennes.

Tout cela en arrosant de 690 000 euros le CDU, le parti d’Angela Merkel qui a soutenu la levée de boucliers des firmes automobiles claironnant pourtant leur engagement plus vert que jamais.

Les logos soufflent le froid et le chaud

Parmi les autres sponsors dont le logo apparaît déjà sur le site, des producteurs de froid et de chaud. Pour un sommet sur la dégradation du climat, voilà des financeurs rêvés. Parmi les partenaires institutionnels les plus choquants, figure l’IETA, International Emissions Trading Association, qui gère notamment le marché mondial des émissions carbone.

On y retrouve des représentants des plus grosses firmes pétrolières (Chevron, Shell), minières (Rio Tinto), mais aussi Alstom et GDF Suez – GDF Suez et Shell ont reçu en 2014 le prix Pinocchio du greenwashing (hypocrisie verte). De surcroit, GDF-Suez est membre du lobby pro-gaz de schiste (Centre des hydrocarbures non conventionnels), alors que l’exploitation du gaz de schiste est une source importante de méthane, un puissant gaz à effet de serre.

L’électricien italien Enel, qui prospecte pétrole et gaz en Grèce, et fait partie des trois plus grosses entreprises d’énergie européennes en terme de profits tirés du gaz et du charbon : 18 milliards d’euros pour Enel en 2011 (23 milliards pour GDF Suez, 36 milliards pour E.ON, selon un rapport de Greenpeace d’octobre 2014), est aussi dans cette bande de financeurs.

 

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GDF Suez lauréat du Prix Pinocchio 2014 décerné par Les Amis de la Terre
 
 

Suite de l'article sur reporterre.net

 

 

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19 avril 2015 7 19 /04 /avril /2015 19:04
 

 

 

Un député UMP pourfendeur de la fraude sociale dissimulait un compte en Suisse

|  Par Mathilde Mathieu

 

 

La Haute Autorité pour la transparence a saisi le parquet de Paris, vendredi 17 avril, du cas de Dominique Tian, soupçonné de déclaration de patrimoine mensongère. Ce député UMP a dissimulé un compte en Suisse. À Mediapart, l'élu affirme qu'il détenait environ 1,5 million d'euros, rapatriés en France en 2014.

Le grand œuvre de Dominique Tian, à l'Assemblée nationale, c'est un rapport au Karcher contre les fraudeurs aux prestations sociales, ceux qui grugent le RSA ou les allocations familiales, parfois pour 100 euros de plus par mois. Mais pendant qu'il réclamait, sabre au clair, plus de sanctions pénales contre ces tricheurs de seconde zone, le député UMP dissimulait un compte en Suisse, non déclaré au fisc, farci d'environ 1,5 million d'euros, si l'on en croit les chiffres fournis à Mediapart par l'intéressé lui-même. Aujourd'hui, Dominique Tian pourrait bien être rattrapé par la justice.

Vendredi 17 avril, la Haute autorité pour la transparence de la vie publique (HATVP), créée après l'affaire Cahuzac pour contrôler les déclarations de patrimoine des élus, a en effet saisi le parquet de Paris, estimant que Dominique Tian avait rempli un formulaire potentiellement mensonger, « en raison notamment de l'omission d'avoirs détenus à l'étranger ». Le procureur devrait, en toute logique, ouvrir dans la foulée une enquête préliminaire.

Depuis les lois sur la transparence de fin 2013, toute « omission » peut valoir jusqu'à trois ans de prison et 45 000 euros d'amende aux délinquants en cravate, possiblement privés de leurs droits civiques et de l'exercice de toute fonction publique. Après Degauchy (UMP), Sido (UMP), Brochand (UMP), Dassault (UMP) et de Montesquiou (UDI), c'est la sixième fois que la HATVP transmet à la justice des déclarations de patrimoine de parlementaires.

D'après nos informations, les griefs retenus à l'encontre de Dominique Tian, chef d'entreprise dans le privé, portent non seulement sur un ancien compte outre-Léman, mais aussi sur un hôtel en Belgique, non signalé à la Haute autorité.

La saisine semble viser une « vieille » déclaration de patrimoine datant de 2012, muette sur les fonds cachés en Suisse. À l'époque, les déclarations étaient épluchées par la Commission pour la transparence financière de la vie politique (l'ancêtre de la HATVP), dépourvue de moyens de contrôle effectifs et facilement flouée. C'est seulement au lendemain de l'affaire Cahuzac que le député a rapatrié son argent en France, en profitant de la cellule de régularisation mise en place en 2013 par le ministère du budget. « En 2014, j'ai réactualisé ma déclaration de patrimoine, ainsi que ma déclaration d'ISF (impôt sur la fortune –ndlr) », affirme Dominique Tian à Mediapart.

Du coup, cet ancien évadé fiscal ne comprend pas qu'on vienne aujourd'hui lui chercher des noises. « Je suis passé par la cellule de régularisation, comme 35 000 Français, dit-il. J'ai tout déclaré. Et aujourd'hui, ce sont les élus honnêtes, comme moi, qui se retrouvent poursuivis par la HATVP ?! Un esprit mal intentionné dirait qu'il valait mieux ne pas régulariser ! » Pour une infraction potentiellement commise en 2012 dans sa déclaration de patrimoine, le délai de prescription court toutefois jusqu'en 2015…

« Ce compte en Suisse a été ouvert par mon père, veut relativiser le député, usant du même argument que son collègue Lucien Degauchy ou que le sénateur Bruno Sido (voir leurs déclarations à Mediapart en novembre dernier). C'est un héritage. On l'a appris tardivement. C'était compliqué à gérer, comme dans toutes les familles… » À quelle date exactement son père est-il décédé ? « Il y a environ dix ans. » Pourquoi ne pas avoir rapatrié plus tôt ? « La procédure Cazeneuve est faite pour ça », répond tranquillement Dominique Tian.

L'élu rappelle d'ailleurs que sur le plan fiscal, il s'acquittera des pénalités. « J'attends de savoir de combien elles seront. Je n'ai pas de nouvelles de Bercy mais je crois que dans ces cas-là, c'est entre 10 % et 40 % du montant. » Et de quel montant parle-t-on précisément ? « Entre 1,5 et 1,8 million d'euros. » Quand on s'étonne du flou, le Marseillais répond : « Comme ils sont bien placés, ça rapporte. »

Par ailleurs, ce gérant de société (qui avait empoché plus de 600 000 euros de revenus ou dividendes en 2013) s'occupe d'un hôtel en Belgique, « acheté pour 7 ou 8 millions d'euros » dans les années 2000, qu'il a choisi de ne pas signaler dans sa déclaration de patrimoine. « J'estime que c'est un outil professionnel qui n'a pas à figurer, tandis que la HATVP dit que c'est un bien personnel, explique Dominique Tian. Mais c'est un hôtel acheté par mes sociétés, pas par moi. » La justice devra trancher ce débat.

En attendant, le député UMP, qui rappelle avoir voté contre les projets de loi sur la transparence, critique une Haute autorité « soi-disant indépendante ». Il ne le dit pas, mais ces derniers temps, dans les couloirs de l'Assemblée, plusieurs de ses collègues, sous couvert d'anonymat, s'en chargent : « Les parlementaires épinglés sont tous de droite ! » Formulé ainsi, ça n'est pas inexact. Mais outre quelques explications sociologiques, il faut rappeler que la HATVP a bien accroché plusieurs ministres de François Hollande, à commencer par l'ancienne secrétaire d'État Yamina Benguigui, renvoyée en décembre devant le tribunal correctionnel  son procès a été reporté pour des raisons personnelles mais devrait se dérouler cet été.

Le secrétaire d'État chargé des relations avec le Parlement, Jean-Marie Le Guen, a également été épinglé en juin dernier pour avoir minoré son patrimoine immobilier d'environ 700 000 euros. Les discussions ayant abouti à une réévaluation de ses avoirs de 30 % « seulement », la Haute autorité n'a pas jugé opportun de saisir la justice. Mais ce proche de Manuel Valls devait écoper d'un redressement sur son ISF d'environ 50 000 euros, rien que pour l'année 2013, d'après les informations recueillies à l'époque par Mediapart. A-t-il bien eu lieu ? Pour quel montant ? Toujours en place, Jean-Marie Le Guen refuse invariablement de répondre à Mediapart sur ce point. 

Il faut enfin évoquer Thomas Thévenoud, éphémère secrétaire d'État, qui ne déclarait pas régulièrement ses impôts. La vérifiation fiscale lancée par la HATVP au lendemain de sa nomination a débouché, début septembre, après des jours de tergiversations, sur son éviction du gouvernement. S'il est retourné siéger à l'Assemblée nationale, on ne l'entend plus dénoncer, comme auparavant, les ravages de la fraude fiscale. Dominique Tian va-t-il lui aussi renoncer à ses diatribes contre les fraudeurs au RSA ou les étrangers qui, à ses yeux, abusent de l'aide médicale d'État ?

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18 avril 2015 6 18 /04 /avril /2015 21:46

 

Source : http://www.reporterre.net

 

 

Mais non, la croissance ne revient pas !

16 avril 2015 / Pierre Larrouturou
 


 

 

Pour en finir avec le mythe de la croissance et élaborer une économie répondant à la crise économique, sociale et environnementale, il faut extirper les idées fausses qu’ont installées trente ans de dérégulation et de bourrage de crâne néolibéral.

 

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Pierre Larrouturou

« La difficulté n’est pas de comprendre les idées nouvelles mais d’extirper les idées anciennes qui ont poussé leurs ramifications dans tous les recoins de l’esprit des personnes ayant reçu la même formation que la plupart d’entre nous. »

En quittant les studios de la Chaine parlementaire mercredi dernier, je me disais que Keynes avait vu juste et que c’était là un combat fondamental à mener sans délai. Le 8 avril au matin, Manuel Valls, entouré de sept ministres, annonçait des mesures pour « relancer l’investissement et la croissance ». La chaine LCP Assemblée m’avait invité pour débattre en fin d’après-midi de ce énième plan de relance...

Un mythe à la peau dure

Passons sur le pseudo-débat entre un député « représentant l’aile droite du PS » (sic !) et une députée UMP qui s’opposaient d’autant plus violemment dans la forme que rien ne les séparait vraiment sur le fond. Cet échange-là n’avait guère d’intérêt.

Ce qui m’a intéressé, ce sont les réactions d’une journaliste présente elle aussi sur le plateau. Directrice d’un grand hebdomadaire, elle représente sans doute aux yeux de certains « la pensée dominante ». Pendant une bonne partie de l’émission, elle défendait le plan Valls (en rappelant qu’elle était peu suspecte de complaisance à son égard) car elle pensait qu’il allait permettre de renforcer la croissance.

Je lui répondais que cela fait trente-cinq ans que, à chaque petite vague de croissance, à chaque baisse du coût de l’énergie, on nous explique que la crise est finie : « Tous les indicateurs passent au vert », affirmait le regretté Pierre Mauroy en 1982. « La crise est finie », écrivaient les amis de Michel Rocard en 1990. « La croissance revient », jubilait - déjà - Manuel Valls, conseiller de Lionel Jospin en 2000.

Mais, à chaque fois, ce sursaut de croissance est une vaguelette plus faible et plus courte que la précédente. Sur le temps long, personne ne peut croire au retour de la croissance. L’évolution sur les cinquante dernières années est indiscutable (cf. graphe ci-dessous). Et le constat est le même dans tous les pays industrialisés

 

 

Le Japon n’a que 0,7 % de croissance en moyenne depuis vingt ans. Malgré des plans de relance pharaoniques (déficit moyen de 6,6 % PIB depuis vingt ans qui conduit à une dette publique de 250 % PIB !), malgré une politique de recherche très ambitieuse, malgré une politique monétaire très agressive (des taux d’intérêt à 0 % pour booster l’investissement), le Japon n’a même pas 1 % de croissance en moyenne depuis que sa bulle a éclaté.

Visiblement cette courbe et ces chiffres intéressaient notre journaliste mais ne suffisaient pas à la convaincre qu’il fallait, une fois pour toutes, en finir avec le mythe de la croissance et construire un nouveau modèle de développement, capable de répondre à la crise économique, sociale et environnementale que nous subissons.

C’est après la fin de l’émission, quand nous quittions l’Assemblée, que j’ai réussi à « accrocher » vraiment son intérêt : je lui ai expliqué que, aux Etats-Unis, depuis 2008, la Banque centrale a créé 3.500 milliards $ pour favoriser la croissance. Mais les chiffres publiés début avril montrent que les USA ne sont pas sortis de la crise. Au contraire !

Certes les chiffres du chômage sont bons mais c’est une illusion d’optique car, tous les mois, 300.000 personnes sortent des statistiques pour rejoindre la foule des chômeurs découragés. Ce qui mesure le mieux cette réalité, c’est le taux d’activité, soit le taux d’adultes actifs dans la population, et ce taux s’effondre : 62,7 % seulement des adultes sont actifs. Un effondrement jamais vu dans l’histoire du pays !


 

*Suite de l'article sur reporterre

 



Source : http://www.reporterre.net
 

 

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18 avril 2015 6 18 /04 /avril /2015 20:37

 

Source : http://www.lemonde.fr

 

En Espagne, l’ancien de patron du FMI et de Bankia est soupçonné de blanchiment

LE MONDE ECONOMIE | • Mis à jour le | Par

 
 
 
 

L’ex-président de la banque Bankia (de 2010 à 2012) et ex-directeur général du Fonds monétaire international (FMI), entre 2004 et 2007, pilier du Parti populaire (PP) au pouvoir, Rodrigo Rato, a été arrêté pour être entendu par la police espagnole, jeudi 16 avril, après plus de trois heures de perquisition à son domicile madrilène. Il a été relâché dans la nuit. Le parquet le soupçonne notamment de fraude fiscale et de blanchiment de capitaux.

Deux jours plus tôt, la presse espagnole avait révélé qu’il avait eu recours à la loi d’amnistie fiscale, approuvée en 2012 par le gouvernement conservateur de Mariano Rajoy, pour régulariser la fortune qu’il détenait de manière irrégulière à l’étranger.

L’amnistie fiscale avait permis à 31 000 personnes de rapatrier 40 milliards d’euros en ne payant que 3 % de taxe. Le gouvernement du Parti populaire (PP, droite) avait récolté 1,2 milliard grâce à cette mesure, l’une des plus polémiques du mandat de M. Rajoy, considérée comme un cadeau aux fraudeurs par l’opposition.

Or, non seulement M. Rato, ancien ministre de l’économie et des finances (1996-2004) sous les gouvernements de José Maria Aznar (PP) a saisi l’occasion offerte par l’actuel ministre des finances, Cristobal Montoro, qui fut son secrétaire d’Etat à l’économie, de rapatrier sa fortune, mais, il fait en outre partie des 705 contribuables qui sont soupçonnés d’avoir profité de cette amnistie pour blanchir des fonds. Ils sont visés par une enquête du Service exécutif de prévention du blanchiment de capitaux (Sepblac).

Plusieurs affaires

M. Rato, qui défendait auparavant la lutte contre la fraude fiscale, se trouve au centre de plusieurs enquêtes judiciaires. Ancien président de Bankia, avant que l’Etat ne doive injecter 24 milliards d’euros dans cette banque pour la sauver de la faillite, en 2012, il fut l’instigateur de son entrée en bourse, en 2011.

Entachée d’irrégularités présumées, celle-ci fait l’objet d’une enquête afin de déterminer si les responsables de Bankia ont maquillé les comptes de l’établissement. M. Rato est inculpé pour « escroquerie » et « faux et usage de faux ».

M. Rato est aussi au centre de l’affaire des cartes de crédits « black ». Ces cartes bancaires de complaisance permettaient aux conseillers de Bankia de sortir des fonds sans aucun contrôle de Bankia. Pour avoir « consenti, favorisé et accepter » l’usage de ces cartes, M. Rato est mis en examen pour « détournement de fonds et délit sociétaire. »

Lire aussi : La bataille des actionnaires floués de Bankia

La justice s’intéresse également aux 6,2 millions d’euros que lui a versés la banque d’investissement Lazard en 2011, alors qu’il en était conseiller trois ans plus tôt.

 

 Sandrine Morel (Madrid, correspondance)
Journaliste au Monde

 

 

Source : http://www.lemonde.fr

 

 

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