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6 mai 2015 3 06 /05 /mai /2015 14:51

 

Source : http://www.marianne.net

 

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6 mai 2015 3 06 /05 /mai /2015 14:17

 

Source : http://www.mediapart.fr

 

Une enquête pour corruption ouverte contre GDF-Suez

|  Par Geoffrey Livolsi

 

 

 

Selon des documents réunis par Mediapart, GDF Suez (désormais baptisé Engie) a versé de copieux honoraires à un mandataire judiciaire pour obtenir son vote, lors d'un conseil d'administration décisif, dans le but de répondre au second appel d'offres de l'État sur l'éolien offshore. Une information judiciaire pour corruption active et abus de biens sociaux a été ouverte par le parquet de Montpellier.

Leur victoire avait été célébrée en grande pompe. Le 7 mai 2014, la ministre de l'écologie, Ségolène Royal, annonçait en conférence de presse le résultat du second appel d'offres de l'État pour l'éolien offshore. C’est un consortium mené par GDF-Suez, Areva, l'énergéticien portugais EDP et Neon Marine, qui remportait la mise. Une revanche pour Gérard Mestrallet, le directeur général de GDF-Suez (désormais baptisé Engie), qui souhaitait reprendre la main sur ce juteux marché face à son concurrent historique, EDF.

Mais les coulisses de cette réussite industrielle ne semblent pas être si propres que l'énergie produite par le futur parc maritime. C'est en tout cas ce que semble penser la justice qui vient d'ouvrir à Montpellier une information judiciaire pour corruption active, passive et abus de biens sociaux – un juge devrait être bientôt désigné. Cette enquête fait suite au dépôt d'une plainte, en juillet dernier, par la Société de participation dans les énergies renouvelables (SOPER), actionnaire minoritaire de la Compagnie du Vent, leader de l'éolien lui-même détenu à 60 % par GDF-Suez.

 

Gérard Mestrallet, PDG de GDF-Suez, le 26 février 2015. Gérard Mestrallet, PDG de GDF-Suez, le 26 février 2015. © Reuters
 

Dans le viseur des enquêteurs, les honoraires que la multinationale a versés à un mandataire ad hoc pour s'assurer de son vote lors d'un conseil d'administration de sa filiale, la Compagnie du Vent, pour lui permettre de répondre à l'appel d'offres. Le mandataire a perçu un montant bien plus élevé que la normale dans ce type d'intervention, ce qui a fini par éveiller les soupçons.

L'événement est cocasse : c'est une erreur de destinataire qui va mettre la SOPER sur la piste d'une éventuelle corruption. Le 12 octobre 2011, la société reçoit du tribunal de commerce de Montpellier un référé validant la rémunération de l'administrateur judiciaire. L'actionnaire y découvre alors que 23 920 euros ont été versés à Me Emmanuel Douhaire, au titre de ses honoraires, au lieu des 6 000 euros évoqués par l'ordonnance du tribunal lors de sa nomination. Une différence de près de 300 %.

Intrigué, l'avocat de la SOPER obtient la saisie de l'ensemble des informations échangées entre le mandataire et l'entreprise publique. Parmi les documents saisis, des échanges de mails entre le directeur juridique de GDF-Suez, Claude Dufaur, et l'administrateur judiciaire, Me Douhaire, qu'a pu consulter Mediapart. Ils révèlent que la négociation de ses honoraires s'est faite directement avec la multinationale.

Pourquoi GDF Suez a-t-il eu recours à un mandataire judiciaire ? La réponse tient dans le conflit qui oppose depuis plusieurs années le géant de l'énergie à la SOPER. Gérée par le fondateur de la Compagnie du Vent, Jean-Michel Germa, la SOPER avait refusé en mai 2011 de transférer à GDF Suez l'ensemble de ses études financées et réalisées depuis plusieurs années sur ce projet. M. Germa estimait la situation trop défavorable à son entreprise sur un si juteux marché.

De son côté, GDF-Suez, agacé par la situation, décide alors de le démettre de ses fonctions et l'assigne en référé pour abus de minorité. D'où la désignation d'un mandataire par le tribunal de commerce de Montpellier, le fameux Me Douhaire, pour régler le différend.

Le mandataire a notamment pour mission de représenter la SOPER à la prochaine assemblée générale de la Compagnie du Vent et voter en son nom sur le projet de transfert des études et personnels vers GDF-Suez. Dès la nomination du mandataire, GDF-Suez s'empresse de lui transmettre une série de documents pour qu'il prenne connaissance du dossier. Et c'est sans avoir même pris le temps d'écouter les positions de la SOPER, la société qu'il est pourtant censée représenter, que le mandataire va voter.

Le jour de l'assemblée générale, l'administrateur judiciaire vote alors en faveur de GDF-Suez. Une décision entraînant le transfert de l'ensemble des études et personnels affectés au projet du Tréport. Ce qui constitue une cession de fait de la branche de l'éolien offshore de la Compagnie du Vent. À l'époque, Jean-Michel Germa estime le préjudice à près de 245 millions d'euros pour la société.

L'enjeu financier est alors considérable pour GDF-Suez qui s'apprête à investir 2 milliards d'euros dans le projet offshore, avec à la clé une rentabilité assurée. La construction va en effet générer d'importantes marges pour ceux qui y participeront. Au niveau de la fourniture des turbines, puis de leur maintenance pour Areva. Puis au niveau de la maîtrise d'œuvre pour la construction du parc, attribuée à Vinci. Enfin, l'électricité produite sera revendue à EDF pendant vingt ans au tarif de 175 euros/MWh. Des prix de rachat exorbitants assurant une rente exceptionnelle et déjà dénoncée par la Commission de la régulation de l'énergie.

Contacté par Mediapart, Me Douhaire estime « avoir réalisé l’ensemble des missions qui lui ont été confiées par la justice ». Et se justifie : « Les 23 920 euros d’honoraires ont été validés par ordonnance du tribunal du commerce. » Même son de cloche chez GDF Suez, qui se retranche derrière la décision du tribunal. « Le mandataire a demandé l’accord de GDF-Suez sur ses honoraires définitifs, nous le lui avons donné », explique la direction du groupe.

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6 mai 2015 3 06 /05 /mai /2015 14:09

 

Source : http://blogs.mediapart.fr/blog/philippe-corcuff

 

 

Qui est responsable de la panade actuelle ?

 

 

La vidéo d’un cours à l’Université Critique et Citoyenne de Nîmes : « Qui est responsable de la panade actuelle : les autres, la société ou moi ? En partant du polar et de la chanson »…

 

Dans le cadre du cycle de l’Université Critique et Citoyenne de Nîmes (http://uccn30.blogspot.fr/) : « Argent, planète, politique, identités. C’est par où la lumière ? »

 

Qui est responsable de la panade actuelle : les autres, la société ou moi ? En partant

du polar et de la chanson

 

Par Philippe Corcuff

 

 

Introduction au cours du  24 février 2015

 

La panade actuelle se décline sur différents plans, dont on peut en rappeler les principaux :

 

- la phase néolibérale du capitalisme qui accentue le poids de l’argent comme référentiel principal, qui approfondit les inégalités entre classes sociales à l’intérieur des différentes nations et les inégalités entre nations, qui développe la précarisation subie des existences ;

 

- des inégalités et discriminations sexistes, racistes et homophobes en interaction avec la logique du capitalisme, mais spécifiques par rapport à lui ;

 

- une crise écologique qui met en danger l’avenir de la planète ;

 

- la montée des extrêmes droites et la banalisation de la xénophobie en Europe, en particulier de l’islamophobie, de l’antisémitisme, de la romophobie et de la négrophobie ;

 

- la violence meurtrière d’un fondamentalisme islamiste, lui aussi xénophobe ;

 

- les courants dominants au niveau électoral de la gauche en Europe transformés en agents du néolibéralisme sous la modalité sociale-libérale ;

 

- des courants dits de « gauche radicale » ou de « gauche de la gauche » qui n’arrivent pas à rompre avec la logique oligarchique des régimes représentatifs professionnalisés contemporains appelés abusivement « démocraties » et qui restent souvent dépendants de la figure de « l’homme providentiel » ;

 

- à la suite de l’assassinat de mes amis de Charlie Hebdo, puis des crimes antisémites du mois de janvier 2015, une gauche radicale, encore elle, largement affectée par des polarisations imbéciles et paralysantes telles que laïcité ou antiracisme ? lutte contre l’antisémitisme ou contre l’islamophobie ? combat contre l’islamophobie ou contre les fondamentalismes islamistes ?...;

 

- un brouillard et un brouillage des repères entre gauche, droite et extrême droite, accompagnés d’une certaine désintellectualisation du débat politique, à droite mais plus grave à gauche, car la gauche avait historiquement partie liée avec le travail intellectuel ;

 

- ou encore des bricolages confusionnistes entre des thèmes de gauche, de droite et d’extrême droite par des courants néoconservateurs traversant la plupart des secteurs de l’espace politique.

 

La panade se situe ainsi tout à la fois dans les réalités de notre monde et dans nos modes de perception de ces réalités.

 

Face à une telle panade, on est tenté de chercher un ou des responsable(s) : « les autres » ou « la société », plus fréquemment, ou « soi », nettement moins souvent car on préfère éloigner de soi la responsabilité et se constituer plutôt comme « victime ». Je vais tenter de montrer aujourd’hui que les choses sont plus compliquées. Que tant « les autres », « la société » et « moi » ont leur part dans ce qui arrive et que le qui de la responsabilité ne peut pas se penser sans un rapport avec un quoi, que le personnel intervient sur fond de rapports sociaux impersonnels.

 

Pour ce faire, je partirai de quelques explorations dans les cultures ordinaires, dans ce cas des chansons et des polars de tradition américaine. Puis j’essayerai d’affiner l’analyse en m’appuyant sur des remarques du philosophe Maurice Merleau-Ponty.

 

Suite dans la vidéo ci-après :

 

Vidéo d’environ 45 mn filmée par Thierry Le Roy de Tseweb.tv (http://www.tseweb.tv/)

 

 

Plan du cours :

 

Introduction

1 – Pistes tirées du polar et de la chanson

Balades socialement noires dans le polar (David Goodis, James Lee Burke)

Balades chansonnantes (Alain Souchon, Casey, Keny Arkana)

2 – Merleau-Ponty et quelques autres pour éclairer nos existences compliquées

Des rapports sociaux qui nous étouffent

Les paradoxes de l’intersubjectivité socio-historique et du solipsisme

Compliquer les rapports entre « les chefs » et « les masses »

En guise d’ouverture : et comment on se sort de cette panade ?

 

 

Source : http://blogs.mediapart.fr/blog/philippe-corcuff

 

 

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5 mai 2015 2 05 /05 /mai /2015 20:26

 

Source : http://www.levif.be

 

 

"Les patrons des multinationales prennent insidieusement le pouvoir, sans aucune légitimité et sans devoir rendre de comptes à personne"

Toute sa vie est un combat. A 80 ans, Susan George, présidente d'honneur d'Attac, n'a rien perdu de sa capacité de révolte. Avec l'arme des mots et de la précision, et son indéfectible accent de l'Ohio, elle milite contre les ravages du système néolibéral et pour un monde moins injuste. Auteur de nombreux livres engagés, la chercheuse franco-américaine dénonce, dans son dernier ouvrage (1), les patrons des multinationales, ces "usurpateurs" qui, avec leurs lobbyistes, prennent insidieusement le pouvoir de la planète, sans aucune légitimité démocratique et sans devoir rendre de comptes à personne. Leur cheval de Troie actuel : le Partenariat transatlantique de commerce et d'investissement (TTIP, en anglais) qui se négocie confidentiellement entre les Etats-Unis et la Commission européenne. Les flèches décochées par Susan George font mouche.

"Les patrons des multinationales prennent insidieusement le pouvoir, sans aucune légitimité et sans devoir rendre de comptes à personne"

Susan George, présidente d'honneur d'Attac. © Renaud Callebaut

 

Le Vif/L'Express : "Les entreprises transnationales sont devenues la première puissance collective mondiale, loin devant les Etats qui leur sont souvent inféodés", écrivez-vous dans Les Usurpateurs. N'est-ce pas un effet de la mondialisation ?

 

Susan George : Certainement. Je n'aurais pas pu écrire cela il y a trente ans. Les entreprises se sont mondialisées beaucoup plus vite que les citoyens, surtout depuis la chute de l'empire soviétique, qui leur a ouvert les portes du monde entier. Elles se sont organisées sur une base collective à partir du début des années 1990, avec la naissance de l'Organisation mondiale du commerce (OMC) qui leur a donné de nouveaux horizons en matière de libre-échange. Elles ont d'ailleurs été très influentes dans les négociations de l'OMC. Sans l'insistance de groupes comme American Express ou Citicorp, l'OMC n'aurait probablement pas vu le jour.

 

Les gouvernements sont-ils complices de la montée en puissance des multinationales ?

 

Ils ont laissé faire. Complices ? Je ne veux pas suggérer qu'il y ait des complots ni une corruption à grande échelle des gouvernants. C'est plus subtil que ça. Le néolibéralisme a instauré un climat favorable aux entreprises : c'est en fonction des besoins du marché qu'on gouverne. Aujourd'hui, de plus en plus de gens sont nés dans ce contexte idéologique, sans avoir vécu les Trente Glorieuses. Ils ne connaissent que cette mentalité-là.

Dans votre livre, vous épinglez le sommet de Davos ainsi que son Initiative de restructuration mondiale. C'est quoi ce programme ?

Le Global Redesign Initiative (GRI), en anglais, part du constat que les Etats sont devenus inefficaces, qu'ils ne peuvent pas régler les problèmes mondiaux, contrairement aux entreprises transnationales qui sont partout, qui disposent de ressources et de relais dans de nombreux pays et qui sont unies. Ce programme GRI de Davos réunit 1 600 experts, répartis en 46 Conseils de l'agenda mondial traitant de tous les sujets imaginables pour mieux réfléchir à une gouvernance mondiale. D'ici à cinq ans, on ne songera même plus à chercher des solutions pour résoudre les problèmes mondiaux sans la présence de grandes entreprises.

Pourquoi parlez-vous de la "classe Davos" ?

 

Parce que ceux qui fréquentent Davos ont tous les attributs d'une classe sociale, partageant les mêmes codes, les mêmes lieux de villégiature, les mêmes écoles élitistes... C'est une classe nomade, très influente, avec beaucoup de cohésion. L'aristocratie moderne. Une aristocratie qui, pour la première fois dans l'Histoire, est internationale. Le réseau des têtes couronnées européennes, lui, s'arrêtait aux frontières du Vieux Continent.

Le monde des affaires est-il un milieu que vous connaissez et que vous fréquentez ?

 

Je suis née dans l'Ohio, à Akron, un des principaux centres mondiaux du caoutchouc. Mon père était assureur. Il fréquentait les patrons de Goodyear, de Goodrich et tous les PDG de la ville. Je connais bien les codes de ces gens-là. Je sais comment ils fonctionnent.

Votre combat actuel est celui du TTIP, le Transatlantic Trade and Investment Partnership. Pourquoi parlez-vous de "stratégie Dracula" en évoquant ce partenariat entre les Etats-Unis et l'Europe ?

 

La "stratégie Dracula" consiste à exposer le vampire à la lumière du jour, insupportable pour lui. Les négociations en cours du TTIP sont très confidentielles, aussi secrètes que celles de l'Accord multilatéral sur l'investissement (AMI), au milieu des années 1990, qui est finalement mort lorsqu'il a été exposé en plein jour par ses détracteurs. Les parlementaires européens n'ont pratiquement aucun droit de regard sur les négociations du TTIP. Seuls les membres de la commission Commerce international ont déjà pu se rendre dans une pièce fermée, consulter les documents qu'on veut bien leur montrer, sans prendre de notes ni faire de copies.

Qu'est-ce qui vous gêne tant dans le TTIP ?

Il s'agit d'un véritable coup d'état des entreprises transnationales contre les gouvernements. Leur but est d'arriver à fixer elles-mêmes les normes en matière de santé publique, d'agroalimentaire, de fiscalité, de commerce.... En outre, les bons de croissance promis par les négociateurs sont remis en cause. Un chercheur de la Tufts University, près de Boston, a calculé, en se basant sur les critères économiques de l'ONU, que le TTIP dépossèderait l'Europe de 600 000 emplois. Les PME ont tout à y perdre également. Elles commencent d'ailleurs à réagir.

La convergence des réglementations, prônée par le TTIP, n'est-elle pas inéluctable avec la mondialisation ?

Je ne vois pas pourquoi on devrait accorder la réglementation européenne avec celle d'un pays qui, depuis cinquante ans, n'a interdit que 12 produits chimiques nouveaux, alors que l'UE en a mis 1 200 à l'index. Je suis Américaine d'origine, mais je préfère vivre, manger et me laver en Europe, où les consommateurs sont mieux protégés. Ce qui sépare Américains et Européens, c'est le principe de précaution. Aux Etats-Unis, il faut prouver scientifiquement de manière absolue la dangerosité d'un produit pour l'interdire. En Europe, la charge de la preuve incombe aux entreprises qui doivent établir que leur produit n'est pas dangereux. Que va devenir ce principe de précaution avec le TTIP ?

Dans ces négociations, les Etats-Unis ont plus à y gagner que les Européens ?

Bien sûr, sauf sur les produits financiers qu'ils essaient d'ailleurs d'exclure des négociations... On se demande vraiment pourquoi les Européens se sont engouffrés là-dedans. Sans doute parce que la très influente European Round Table (ERT), un groupe de lobbying qui rassemble les patrons des 50 plus grosses multinationales européennes, le veut.

Vous fustigez en particulier les tribunaux d'arbitrage privés. Pourquoi ? Cela existe déjà.

 

Absolument. Cela s'est fort développé en catimini ces vingt dernières années. On compte actuellement 3 268 traités internationaux qui comportent une clause d'arbitrage privé. A l'origine, c'était surtout pour permettre à une entreprise de se défendre contre un Etat peu démocratique, dont la justice était corrompue. Mais aujourd'hui, les arbitrages concernent de plus en plus les pays développés démocratiques. Exemple : il y a deux ans, le suédois Vattenfall, troisième fournisseur d'électricité en Allemagne, a réclamé 4,7 milliards d'euros à la République fédérale suite à l'abandon du nucléaire. L'affaire est en cours. Les bureaux d'avocat ont compris qu'ils pouvaient se faire beaucoup d'argent avec ce système. Ils se frottent encore plus les mains avec le TTIP qui, en prévoyant un mécanisme de règlement des différends entre investisseurs et Etats, risque de faire exploser le nombre d'arbitrages.

Est-ce si inquiétant ?

Mais oui. Qu'est-ce qui empêcherait une entreprise américaine de faire un procès à un pays européen qui aurait décidé d'augmenter le salaire minimum, en arguant que ça affecte ses bénéfices ? Ce genre de procès à sens unique - car seules les entreprises peuvent attaquer - aurait une influence considérable sur le pouvoir législatif des Etats qui réfléchiraient à deux fois avant de prendre des décisions pourtant bonnes pour les citoyens. Précisons que les dédommagements imposés aux Etats se chiffrent souvent en milliards et sont épongés, au final, par les contribuables.

Le président de la Commission européenne, Jean-Claude Juncker, ne s'est-il pas prononcé contre ces tribunaux privés ?

 

Juncker a fait beaucoup de promesses pendant la campagne électorale. Va-t-il les tenir ? Il avait promis d'obliger les lobbies européens à s'inscrire dans le registre de Transparence. Mais il a déjà cédé du terrain sur les délais et les groupes concernés.

Il y aura tout de même un débat parlementaire sur le TTIP...

Ce n'est pas certain. Des juristes me disent que si les négociateurs américains et européens trouvent un accord, le partenariat transatlantique peut être mis en application de manière provisoire. Et le provisoire peut durer longtemps, à savoir tant qu'aucun Etat ne le remet en cause. Tout sera fait pour éviter un débat parlementaire, parce qu'on sait qu'au Parlement, le TTIP sera malmené. Même au sein du SPD allemand, des voix s'élèvent désormais pour critiquer des points comme l'arbitrage privé.

Dans la précédente Commission, Karel De Gucht a-t-il joué un rôle important dans les négociations sur le TTIP ?

C'était le néolibéral de service, le paillasson des entreprises transnationales. Il ne faisait preuve d'aucune objectivité. Il était très militant pour le partenariat, comme s'il s'agissait de la plus grande découverte depuis l'Amérique par Christophe Colomb. Tiens, où en est son procès en Belgique pour cette fraude fiscale de 900 000 euros ?

Quelle est l'ampleur de la mobilisation contre le TTIP ?

Un million et demi de signatures contre le partenariat ont déjà été récoltées. Or, il en faut un million pour ouvrir une Initiative citoyenne européenne (ICE). L'ICE est un droit d'initiative politique, instauré depuis le traité de Lisbonne, qui oblige la Commission à présenter une proposition législative. La Commission a refusé notre demande d'ICE qui visait à annuler son mandat de négociation pour le TTIP. Sa justification : elle ne négocie pas de sa propre initiative, mais sur mandat du Conseil européen, donc des Etats membres. Pour nous, il s'agit d'un simulacre. Le mandat de la Commission a prétendument été rédigé sur la base du rapport d'un groupe de travail de haut niveau. Or il est impossible de savoir qui composait ce High Level Group. C'est un mystère total. Un de plus. Mais nous ne baissons pas les bras. Nous avons saisi la Cour de justice européenne. Le 18 avril, il y aura une journée internationale, avec des actions de rue, des colloques, etc. Et nous arriverons bientôt à deux millions de signatures.

Il y a encore beaucoup de gens qui ne connaissent pas le TTIP...

Vrai, mais le travail d'information commence à porter ses fruits. Récemment, j'étais à Thonon-les-Bains, en Haute-Savoie, pour y donner une conférence. Il y avait 400 personnes dans la salle. Ce n'est pas mal pour une ville de 30 000 habitants. Et elles ne sont pas venues pour me voir, mais parce que le sujet les interpellait. La grande presse parle de plus en plus du sujet. C'est bon signe aussi. Plusieurs communes, en France ou en Belgique, ont voté une motion pour se déclarer hors TTIP. Bref, ça commence à mousser.

Vous vous définissez comme une chercheuse militante. C'est-à-dire ?

Je mets mon travail de recherche au service des mouvements sociaux, en étudiant les riches. J'ai toujours travaillé sur le pouvoir, car ce ne sont pas les gueux, comme on disait sous la Révolution, qui sont la cause de leur malheur.

Que devient le mouvement altermondialiste ? On a l'impression qu'on en entend moins parler.

On parle moins des altermondialistes parce qu'ils font partie des meubles. Attac continue tout de même à remporter de belles victoires. Récemment, la Société générale a renoncé au financement d'une immense mine de charbon en Australie, grâce à une campagne d'Attac. Le mouvement altermondialiste s'est stabilisé. Il fonctionne de plus en plus en coalition avec d'autres mouvements sociaux, surtout au niveau européen. Le combat contre le TTIP en est un des meilleurs exemples. Grâce à Internet, cette collaboration va désormais de soi. Nous aussi, nous devenons transnationaux.

 

(1) Les Usurpateurs. Comment les entreprises transnationales prennent le pouvoir, par Susan George, éd. Seuil, 192 p.

SUSAN GEORGE EN 5 DATES

  • 1934 Naissance le 29 juin à Akron, en Ohio.
  • 1976 Publie son premier livre à succès Comment meurt l'autre moitié du monde.
  • 1994 Acquiert la nationalité française.
  • 1999 Devient vice-présidente d'Attac France.
  • 2012 Participe à la création du collectif Roosevelt, avec Stéphane Hessel, Edgard Morin et Michel Rocard.

 

 

Source : http://www.levif.be

 

 

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5 mai 2015 2 05 /05 /mai /2015 15:27

 

Source : http://www.bastamag.net

 

Secret des affaires : comment les lobbies économiques orchestrent la régression de l’Europe

par

 

 

 

Au nom du « secret des affaires », les députés français tentaient vainement, il y a quelques mois, de restreindre la diffusion d’informations concernant les entreprises. Une régression en matière de droit à l’information, au détriment des salariés, des syndicalistes, des journalistes et des lanceurs d’alerte. Le sujet refait aujourd’hui surface au niveau européen, avec un projet de directive concocté par le petit monde des lobbies bruxellois. Son principe est identique : que le secret soit la règle, et l’accès à l’information, l’exception. Et que l’information devienne la propriété exclusive des entreprises. Au risque de remettre en cause les fondements même de l’Union européenne, et de la démocratie. Décryptage.

Début 2015, la majorité socialiste a souhaité consacrer dans le droit français un principe de protection quasi absolue du « secret des affaires ». Ce projet, qui va jusqu’à prévoir des peines de prison ferme et des centaines de milliers d’euros d’amende pour ceux qui diffuseraient des informations « interdites », a suscité une forte opposition, notamment parmi les journalistes (lire notre article). Les dispositions envisagées par les députés faisaient en effet peser des risques énormes sur la liberté d’information en matière économique, sur la protection des sources et des lanceurs d’alerte, et sur les droits des salariés. Le tout pour des bénéfices douteux, puisque l’arsenal judiciaire existant pour lutter contre la concurrence déloyale ou l’espionnage industriel est déjà bien fourni.

Devant une telle levée de boucliers, le gouvernement français a fini par reculer. C’était la troisième fois qu’un projet de loi sur le « secret des affaires » était mis à l’ordre du jour du Parlement en France en quelques années, toujours avec aussi peu de succès. Mais le sujet tient manifestement à cœur à de puissants intérêts économiques. Car il refait aujourd’hui surface au niveau européen, à travers un projet de directive sur le secret des affaires, présenté par la Commission et examiné en ce moment par le Parlement.

La démarche est certes moins ouvertement répressive que le projet des socialistes français – il n’est plus question de peines de prison. Mais elle est tout aussi dangereuse dans ses implications ultimes. Il s’agit de consacrer l’idée que le secret des affaires doit être la règle, et l’accès à l’information sur la vie des entreprises, l’exception. Une exception toujours susceptible d’être remise en cause. Avec pour conséquence de fragiliser tout l’édifice (pourtant imparfait) de normes et de régulations sur lequel s’est construite l’Union européenne, et dont elle tire ce qui lui reste de légitimité.

Comment les lobbies font la loi en Europe

Une enquête conjointe menée par le Corporate Europe Observatory, une ONG basée à Bruxelles, le collectif britannique Bureau of Investigative Journalism et Mediapart [1], lève le voile sur le processus d’élaboration de ce projet de directive sur le secret des affaires. Cette enquête s’appuie sur l’analyse d’une masse considérable de documents et de courriels [2]. Elle illustre de manière exemplaire le travail d’influence des lobbies économiques et la manière dont ils parviennent à peser sur la législation européenne.

Les protagonistes de cette histoire appartiennent à un petit monde de cabinets d’avocats, d’associations professionnelles et de firmes de relations publiques. Ils ont réussi à créer artificiellement, en quelques années, le « besoin » de légiférer sur le secret des affaires et à se retrouver étroitement associés à l’élaboration de la directive par la Commission. Sans que la société civile ne soit jamais consultée avant les étapes ultimes de la discussion. Une facilité qui contraste avec les difficultés que doivent affronter les eurodéputés ou les associations qui cherchent à faire aboutir à Bruxelles de modestes propositions de réforme ou de régulation des acteurs économiques.

Bien entendu, derrière ce petit monde, il y a aussi et surtout les intérêts de puissantes multinationales. L’une des forces motrices de cette campagne de lobbying est une organisation très discrète, qui n’a pas même de site internet : la Trade Secrets and Innovation Coalition (« Coalition pour le secret des affaires et l’innovation »). Grâce aux documents divulgués par la Commission, on sait que ses membres incluent un petit groupe de multinationales parmi lesquelles Alstom, Michelin, Solvay, Safran, Nestlé, DuPont, General Electric et Intel. « Tout apparaît essentiellement être en fait une affaire franco-américaine, remarque Martine Orange dans ses articles pour Mediapart. Tous les autres pays paraissent beaucoup plus en retrait. » Autre acteur clé : le Conseil européen des industries chimiques (Cefic), le plus important lobby bruxellois, dont le président n’est autre que le Français Jean-Pierre Clamadieu, PDG de Solvay (groupe franco-belge qui a absorbé Rhodia), et qui compte dans son conseil d’administration des représentants de Total et d’Arkema ainsi que des grands groupes chimiques allemands et américains.

Quand l’information devient la propriété exclusive des entreprises

Initialement, le projet ne visait qu’à harmoniser les législations nationales existantes. La plupart des pays – dont la France – disposent en effet de moyens juridiques pour lutter contre l’espionnage industriel, dans le cadre du droit relatif à la concurrence déloyale. Ce qui a l’avantage de restreindre d’emblée les poursuites au cercle des concurrents commerciaux d’une entreprise. Le coup de force des lobbies est d’avoir réussi à convaincre la Commission du besoin de faire passer la protection du secret des affaires sous un régime juridique comparable à celui de la propriété intellectuelle [3]. De sorte que n’importe qui – salarié, syndicaliste, militant associatif, chercheur, journaliste, lanceur d’alerte… – pourra désormais être mis en cause dès lors qu’il aura révélé ou pris connaissance d’une information dont l’entreprise concernée estime qu’elle a une valeur commerciale.

 

 

L’aspect le plus inquiétant du projet de directive européenne actuellement discuté au Parlement est justement qu’il ne comprend pas de véritable définition du secret des affaires. C’est ce qui lui permet de couvrir d’emblée toute information, de quelque nature qu’elle soit et sans limitation a priori. « Le secret des affaires apparaît comme l’outil parfait pour la protection de la propriété intellectuelle parce qu’il n’existe pas de limitation générale pour les sujets concernés », résume l’un des avocats chargé d’accompagner le travail de la Commission. Une liste suggérée par le Conseil européen des industries chimiques (Cefic) illustre l’étendue des informations potentiellement concernées : la composition d’un produit, mais aussi les rapports et analyses, les comptes rendus de recherche, « le degré de pureté et l’identité des impuretés et des additifs », les logiciels, les données sur les vendeurs, les distributeurs, les clients [4]... Les premières victimes de cette volonté d’accaparement sont les salariés eux-mêmes, dont le travail, l’expérience, les réseaux et le savoir-faire sont réduits au statut de « supports » d’informations commerciales exclusives appartenant à leur employeur.

La réglementation européenne attaquée dans ses fondements

Le projet de directive ne discute pas non plus explicitement les limites à apporter au secret des affaires et la manière d’arbitrer entre ses exigences et les libertés fondamentales des citoyens européens, le droit à la mobilité des salariés, ou les besoins de transparence et de régulation. Ce sont dès lors des pans entiers de la législation européenne, dans des domaines comme la santé, la sécurité alimentaire, l’environnement et la protection des consommateurs, qui se trouvent menacés. Même les contrats de marchés publics – qui touchent pourtant à l’argent des contribuables – seraient eux aussi couverts [5] !

Tout serait décidé au cas par cas, au sein des institutions européennes ou devant les tribunaux. Dans les documents soumis à la Commission, le Cefic ne cache pas son désir de voir ainsi réduites au maximum ses obligations de divulgations lors du dépôt de demandes d’autorisation auprès des agences de l’Union européenne. Demain, les informations relatives aux impacts environnementaux ou sanitaires d’un médicament, d’un aliment ou d’une substance chimiques commercialisés par une multinationale pourraient-ils se retrouver soustraits au regard du public, des chercheurs et de la société civile, en raison de leur valeur commerciale ?

Préserver la transparence des informations sanitaires et environnementales ?

Le droit à l’information économique et la protection des lanceurs d’alerte sont déjà précaires, particulièrement en France. Ils pourraient se trouver encore considérablement affaiblis. L’ampleur des conséquences potentielles du projet de directive explique que celui-ci ait fini par susciter une mobilisation inédite associant syndicats, écologistes, défenseurs de la liberté d’expression et des lanceurs d’alerte, militants de la santé, de l’alimentation et de la consommation. Un appel conjoint circule depuis décembre 2014, désormais assorti d’une pétition en ligne (StopTradeSecrets.eu).

Cette mobilisation commence à porter ses fruits puisque, malgré le lobbying ininterrompu des entreprises, les eurodéputés ont introduit en commission plusieurs amendements qui restreignent fortement la portée de la directive. La transparence des informations sanitaires et environnementales pourrait en sortir sauvegardée, la protection des lanceurs d’alerte préservée, et les possibilités de poursuites judiciaires fortement limitées. Ces amendements doivent cependant encore être formellement adoptés, car le vote final du Parlement devrait intervenir cet automne. De nombreux observateurs se demandent si ce projet de directive est véritablement « réformable » et si ce n’est pas son principe même – l’affirmation du secret des affaires comme catégorie passe-partout opposable à toute obligation de transparence – qui doit être refusé, sauf à s’exposer à de graves menaces futures.

Remises en cause et retournement historique

La présence des intérêts américains au cœur du processus d’élaboration de la directive montre que l’affaire va en réalité bien au-delà de la défense de la « compétitivité » et de l’« innovation » européenne face à l’espionnage industriel. Elle est indissociable des négociations sur l’accord commercial TAFTA entre Europe et États-Unis [6]. L’objectif explicite des industriels est que le secret des affaires, s’il est adopté en Europe, soit intégré au TAFTA, et soit ainsi encore renforcé grâce à la possibilité de recourir à des tribunaux d’arbitrage privés pour protéger leurs intérêts. À rebours de l’image d’Épinal qui voit dans le « grand marché transatlantique » une invasion de l’Europe par les multinationales américaines, on assiste plutôt à une offensive concertée des grands groupes européens et américains pour remettre en cause les principes même sur lesquels se sont construites plusieurs décennies de régulations sociales, environnementales ou sanitaires.

En s’alignant sur les intérêts des grands groupes, la Commission et les gouvernements du continent prennent le risque de laisser s’éroder les valeurs fondamentales de la construction européenne, à savoir la primauté des droits fondamentaux, les normes de transparence et la régulation environnementale et sanitaire. Un « retournement historique » auquel contribue aussi, par exemple, le programme d’« optimisation » des régulations européennes que doit bientôt annoncer la Commission. Selon des fuites récentes, celui-ci pourrait inclure la mise en place d’un comité de six membres, dont trois « extérieurs aux institutions européennes » (comprendre : « issus des milieux économiques »), chargé de vérifier que les nouvelles régulations ne représentent pas une charge démesurée pour les entreprises, et doté d’un droit de veto [7]

Le coup d’État des multinationales

Dans tous ces cas, l’objectif ultime paraît aller bien au-delà de la remise en cause de telle ou telle régulation. L’enjeu est plus fondamental : il s’agit de donner aux intérêts économiques une légitimité juridique équivalente ou supérieure à celles des droits fondamentaux et des pouvoirs publics. À travers le secret des affaires, les tribunaux d’arbitrage privés ou encore l’obtention d’un droit de regard sur toute nouvelle régulation, les multinationales cherchent somme toute à se doter d’une quasi souveraineté. Si l’on pousse à bout cette logique, cela s’appelle un coup d’État. On ne peut que s’affliger de voir la Commission européenne, comme avant elle les socialistes français, y prêter aussi allégrement la main.

Olivier Petitjean

Photos :
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- CC Source

Notes

[1Lire ici et les articles de Mediapart (accès sur abonnement), ici le rapport du Corporate Europe Observatory et l’article du Bureau of Investigative Journalism (tous deux en anglais).

[2Obtenus suite à une demande officielle de divulgation auprès de la Commission européenne

[3Ce qu’ils ont réussi à faire en s’appuyant sur un nombre extrêmement réduit d’exemples, comme cela avait été le cas pour le projet de loi français au début de l’année, ainsi que le note encore Martine Orange : « Plus surprenant encore : alors que la violation du secret des affaires est censée être une menace grandissante pour les entreprises, que les méfaits se multiplieraient de façon exponentielle, ce sont les mêmes cas – quatre au total – qui sont cités de colloques en réunions, de documents préparatoires en communiqués officiels, entre 2011 et 2014. Des cas qui sont d’ailleurs déjà couverts par les législations existantes sur le vol, l’espionnage industriel ou la protection de la propriété intellectuelle. (…) Ainsi, la directive européenne sur le secret des affaires s’est construite à partir de cinq noms de groupes : DuPont de Nemours, Alstom, Michelin, Air Liquide, Intel, et d’une entreprise innovante AMSC. » De manière similaire, le Bureau of Investigative Journalism indique avoir demandé au Cefic de lui citer un seul exemple de vol d’informations commerciales sensibles dans le cadre d’une procédure d’autorisation de mise sur le marché d’un produit, ce que le Cefic n’a pas été en mesure de faire.

[4La liste complète : « les plans et les stratégies de recherche et développement ; les rapports et analyses, les comptes rendus de recherche ; les pilotes et les plans commerciaux ; les données opérationnelles, les concepts et les projets des nouveaux produits, le design d’un produit ou d’un procédé, la formulation ou la composition d’un produit ; les méthodes de production et l’application des savoir-faire ; les dessins de production et de procédés ; les analyses méthodologiques ; les méthodes d’analyses pour les impuretés, l’outil industriel, le degré de pureté et l’identité des impuretés et des additifs, les plans stratégiques, les plans d’affaires, les outils informatiques, les logiciels, les données sur les vendeurs, les distributeurs, les clients, les informations sur les ventes »

[5On rappellera au demeurant que c’est déjà le cas en France en ce qui concerne les contrats dits de « partenariats public-privé » (PPP). L’État français a par exemple accepté de verser presque un milliard d’euros de compensation au consortium Ecomouv suite à l’abandon de l’écotaxe, sans que le contrat ait jamais été rendu public…

[6Un effort similaire de lobbying en vue du renforcement du secret des affaires est d’ailleurs en cours aux États-Unis, avec en partie les mêmes acteurs.

[7Lire ici et .

 

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Source : http://www.bastamag.net

 

 

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4 mai 2015 1 04 /05 /mai /2015 17:24

 

Source : http://terrainsdeluttes.ouvaton.org

 

 

Vivarte : quinze ans de pillage financier en bande organisée

Plus qu’une entreprise, c’est un cas d’école. L’histoire de Vivarte, ancien fleuron tricolore de l’habillement qui vient d’annoncer un gigantesque plan social, permet de comprendre comment les financiers mettent à sac une entreprise. En quinze ans, fonds vautours et banquiers ont amassé une fortune sur le dos de Vivarte. Pendant ce temps, les 20 000 salariés travaillent dans des conditions déplorables. Les contribuables trinquent, eux aussi, sans le savoir…

La diversion a fait merveille. Le 7 avril, la direction du groupe d’habillement Vivarte (La Halle, André, Kookaï, Naf-Naf…) annonce publiquement la suppression de 1 600 postes, ainsi que la fermeture de quelque 200 magasins. Voilà qui aurait dû faire la une des journaux pendant des jours… Mais cette information a été très rapidement supplantée par un autre « scoop », autrement plus croustillant. Le «Parisien» affirme deux jours plus tard que Marc Lelandais, ancien PDG de Vivarte mis sur la touche à la fin de l’année dernière par les nouveaux actionnaires du groupe, aurait perçu plus de 3 millions d’euros en guise de chèque de départ.

 

vivarte

 

Dans son enquête, le « Parisien » cite des documents internes de Vivarte pour justifier ses chiffres. Ces documents ne sont pas tombés du ciel. Ils ont été envoyés par mail à plusieurs journaux français début avril. L’origine de cet envoi ne fait guère de doute : «Il s’agit vraisemblablement d’une manip’ des nouveaux actionnaires de Vivarte, explique sous couvert d’anonymat l’un des journalistes destinataires. En gros, l’idée était d’accabler l’ancien PDG du groupe, pour mieux détourner l’attention. » L’opération a parfaitement réussi. Marc Lelandais, patron « trop gourmand », s’est retrouvé sous le feu des projecteurs. Mais qui s’est intéressé, dans la presse, au profil des nouveaux propriétaires du groupe, les fonds anglo-saxons Oaktree, Alcentra, Babson et Golden Tree ? Ce sont pourtant eux qui font la pluie et le beau temps chez Vivarte depuis l’été 2014, eux qui ont décidé la gigantesque casse sociale qui se prépare.

 

Les sales méthodes des fonds vautours

Ce type d’actionnaires traîne dans son sillage une réputation sulfureuse. Les médias les surnomment parfois « fonds vautours », quand les professionnels de la finance préfèrent l’appellation anglo-saxonne plus neutre de « fonds distressed » (comme « distressed debt », c’est-à-dire dette dépréciée). Ces prédateurs sont spécialisés dans le rachat de dette d’entreprises en difficultés, une activité juteuse dès lors que l’on dispose d’une mise de départ conséquente. L’objectif est simple. Ils repèrent une entreprise potentiellement rentable mais dont l’endettement menace le bon fonctionnement, et rachètent sa dette à bas prix. Ensuite, ils s’invitent à la table des négociations aux côtés des autres créanciers. Objectif : convertir leurs créances en capital de l’entreprise (c’est-à-dire abandonner une partie de leur créances contre des actions de la société), afin d’en prendre le contrôle, et revendre leur participation au prix fort quelques années plus tard…

 

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Le PDG d’une grosse boite française, qui a eu affaire à l’un de ces fonds il y a quelques années, décrit le mécanisme de l’intérieur : « En général, ils opèrent dans l’ombre. Un beau matin, j’ai découvert que l’une de mes banques avait revendu une partie de la dette de mon groupe à un fonds vautour. Elle l’avait cédée en « sous participation », une technique qui permet à l’acheteur de demeurer masqué. Une fois que les fonds vautours ont racheté suffisamment de dette pour être en position de force, ils exigent de la direction de l’entreprise le remboursement total des créances. Comme l’entreprise n’a généralement pas les moyens de le faire, elle est contrainte d’accepter la conversion de la dette en capital. » Dès qu’ils ont pris les rênes de l’entreprise, les fonds vautours s’emploient à faire remonter du cash, par tous les moyens. « Une grosse entreprise, même endettée, dispose toujours d’actifs, souligne le PDG. Cela peut être des brevets, de mètres carrés de magasins, n’importe quoi. S’il faut revendre l’entreprise par morceaux et licencier 1 000 personnes, ils le feront. Ces gens là ne savent faire qu’une seule chose : compter. Et ils rentrent toujours dans leurs frais… »

250 000 euros de jetons de présence

Il suffit de consulter les comptes annuels de quelques uns de ces fonds vautours pour juger de leur excellente santé financière. Le fonds Oaktree, créé en 1995 à Los Angeles (Etats-Unis), est l’un des principaux actionnaires de Vivarte. Ce monstre gère à lui seul 84 milliards d’euros d’actifs à travers le monde, pour le compte de divers clients : fonds de pension, compagnies d’assurance, fondations, fonds souverains, etc. Son portefeuille d’investissements est varié : émissions obligataires à haut rendement (dette émise par des entreprises en difficultés, dont le taux d’intérêt est très élevé), trading de matière première (pétrole, gaz, etc.), immobilier. En 2014, Oaktree a engrangé un demi-milliard d’euros de bénéfices. Ces revenus assurent un train de vie confortable aux dirigeants du fonds –avocats d’affaires ou financiers pour la plupart. A titre d’exemple, la rémunération totale du PDG, Jay Wintrob, s’élevait pour l’année 2014 à 14,5 millions d’euros; celle du Directeur général, John Frank, à 12 millions. [1]

 

oaktree

 

Ces sommes astronomiques feraient presque passer nos patrons du CAC 40 pour des gagne-petit…D’ailleurs, les prétentions salariales des nouveaux dirigeants de Vivarte en ont étonné plus d’un. Leur quatre représentants siégeant au sein du conseil d’administration toucheraient 250 000 euros de jetons de présence chacun, soit 3,5 fois la moyenne du CAC !

Pour prendre le contrôle de Vivarte, Oaktree, Alcentra, Babson et Golden Tree ont appliqué leur méthode favorite. Après avoir racheté de la dette du groupe, ils ont poussé l’ensemble des créanciers de Vivarte à négocier une restructuration financière gigantesque. Par son ampleur inédite en Europe, l’opération a frappé les esprits. En effet, il s’agissait de restructurer une montagne de dettes évaluée à 2,8 milliards d’euros. A l’arrivée, l’endettement du groupe a été ramené à 800 millions. Les fonds vautours ont converti 1,3 milliard d’euros de créances en capital de Vivarte, prenant ainsi le contrôle de l’entreprise. Le « Parisien » a révélé que Marc Lelandais aurait touché un « bonus pour restructuration » d’un million d’euros. La somme est colossale, mais ce n’est qu’une goute d’eau dans l’océan d’honoraires perçus par tous les experts qui ont conseillé les diverses parties en présence pendant la restructuration. Parmi ces experts figuraient notamment une administratrice judiciaire – Hélène Bourbouloux -, les banques Lazard et Rothschild et le cabinet d’avocat d’affaires Weil Gotshal. En six mois, tout ce petit monde a empoché 43,4 millions d’euros.[2]

Maintenant qu’ils se sont installés aux commandes du groupe d’habillement, les fonds anglo-saxons n’auront plus qu’une obsession : faire grimper les marges de l’entreprise pour revendre leur participation au plus vite. D’où les 1 600 suppressions de postes annoncées et les fermetures en cascade…

« Georges le nettoyeur » fait le bonheur des actionnaires

Ce n’est pas la première fois que Vivarte fait ainsi office de vache à lait pour des financiers aux dents longues. C’est même l’unique tâche que lui assignent ses propriétaires successifs depuis quinze ans. Tout commence en avril 2000, époque où cette ancienne manufacture de chaussures fondée au début du XXe siècle à Nancy, porte encore le nom de Groupe André. Deux financiers prennent à grand fracas le contrôle de l’entreprise. Il s’agit de Nathaniel Rothschild, richissime héritier de la famille de banquiers du même nom, et Guy Wyser-Pratte, un ancien marine américain reconverti dans la finance. Le groupe André fait alors figure de « bel endormi », qui malgré un portefeuille de marques bien garni (André, Minelli, Kookaï…) et une multitude de points de vente sur tout le territoire français, ne produit pas assez de valeur pour l’actionnaire. Les nouveaux arrivants promettent de transformer l’entreprise en machine à cash, au moyen d’une thérapie de choc. Pour ce faire, ils nomment à la tête du groupe un certain Georges Plassat, PDG réputé pour son amour de l’opéra, du ski, et des plans sociaux. « Moi, je travaille à la Kalachnikov », confie-t-il en petit comité. Sous l’impulsion du nouvel arrivant, le groupe réorganise ses filiales de fond en comble, ferme une centaine de magasins, et supprime 400 postes. Cette rugosité vaudra au PDG le surnom peu amical de « Georges le nettoyeur », ainsi que la reconnaissance émue des actionnaires. Dans le même temps, les investissements sont relancés.

Flairant la bonne affaire, le fonds français PAI entre au capital de l’entreprise en mars 2004. Il ne lui faut que deux ans et demi pour toucher le jackpot. Alors qu’il n’a investi que 474 millions d’euros lors du rachat, PAI revend sa participation début 2007 à un autre fonds d’investissement, le britannique Charterhouse. Montant de la vente : 2,3 milliards d’euros…soit 4,8 fois la mise de départ. Les hasards faisant bien les choses, PAI profite au passage de la nouvelle législation française très clémente en matière d’imposition sur les plus-values. Auparavant, ses 1,8 milliard d’euros de plus-values auraient été taxés à hauteur de 20%. En 2007, le taux n’est plus que de 1,66%, soit une économie fiscale de 340 millions.

Un milliard d’euros d’intérêts

Spectaculaire, le redressement du groupe se poursuit pendant les années suivantes. Mais le ver est déjà dans le fruit. Le rachat en 2007 par Charterhouse s’est fait par LBO (leveraged buy-out, ou rachat par endettement). Sous l’impact de la crise, les ventes diminuent et l’endettement du groupe devient incontrôlable. Pour redresser les marges du groupe, la direction tente une montée en gamme, qui éloigne les acheteurs historiques sans convaincre une clientèle plus huppée. En 2014, l’endettement est tel qu’il nécessite la restructuration financière décrite plus haut. Cette dernière a été abondamment saluée par la presse économique comme une grande réussite. Néanmoins, il y a fort à parier qu’elle ne suffise pas à sauver Vivarte, comme le soulignent les experts au compte travaillant pour le comité d’entreprise (CE). « La solvabilité du groupe n’est pas assurée, écrivent-ils noir sur blanc dans un de leur rapport. Pour que le groupe soit en capacité de rembourser sa dette bancaire, il faudrait qu’il génère plus de 700 millions d’euros de cash en 2019 et 2020. Ce qui est loin des niveaux prévus sur 2017/2018 (158 millions). »

Bref, des restructurations sont probablement encore à craindre. « Le plus inquiétant, c’est l’absence totale de stratégie de la nouvelle direction, déplore Jean-Louis Alfred, délégué CFDT. Ils sont en train de tuer ce groupe. La restructuration annoncée ce mois ci va conduire à la fermeture de la moitié des magasins de « La Halle aux vêtements ». Mais il s’agit d’un fusil à deux coups : tout le monde sait pertinemment que ces fermetures auront un impact sur la fréquentation des « halles aux chaussures », dont les magasins sont accolés aux halles aux vêtements. Il y aura d’autres fermetures. »

Encore une fois, les salariés paieront au prix fort les conséquences des errances stratégiques de leur direction, comme c’est le cas depuis dix ans. Chez Vivarte, la précarisation des travailleurs est une constante depuis le début de l’ère Plassat (2000-2012), marquée par une impitoyable chasse aux coûts de fonctionnements. Actuellement, 4 salariés sur 10 triment à temps partiel, et 1 sur 6 est en CDD. Quant aux salaires, ils flirtent avec le SMIC. « Avec 22 ans d’ancienneté, je touche 1450 euros par mois, primes comprises, assure Jean-Louis Alfred. Certains directeurs de magasins gagnent encore moins que moi ! »

En attendant, le surendettement de Vivarte n’aura pas fait que des malheureux. S’il y a un chiffre qui énerve particulièrement les salariés du groupe, c’est celui du pactole touché par les 163 créanciers (fonds d’investissement et banques) qui ont tiré profit du LBO débuté en 2007. En sept ans, ces derniers ont perçu un milliard d’euros d’intérêts[3], soit 143 millions d’euros par an en moyenne. La liste exhaustive des créanciers est tenue secrète, mais parmi les principaux fonds anglo-saxons figurent : Alcentra, Babson, Canyon, CSAM, GLG, Golden Tree, Hayfin, ICG, Oakhill, Oaktree, 3i. Par ailleurs, un autre chiffre devrait énerver…les contribuables français. En effet, les intérêts versés par un groupe sous LBO sont déductibles de l’impôt sur les sociétés. Pour le dire autrement, l’Etat – donc les contribuables – participent ainsi au financement de ces montages financiers. Dans le cas de Vivarte, la facture globale dépasse les 400 millions d’euros.

Alexis Moreau

 

[1] Tous les chiffres sont tirés du rapport annuel 2014 d’Oaktree, disponible à l’adresse : https://www.nyse.com/quote/XNYS:OAK/sec

[2] Chiffre figurant dans un rapport interne de Vivarte, daté d’avril 2015.

[3] Idem.

 

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4 mai 2015 1 04 /05 /mai /2015 16:42

 

Source : http://blogs.rue89.nouvelobs.com/chez-noel-mamere

 

Les morts pauvres et l’hypocrisie des pays riches
Noël Mamère
Député de Gironde
Publié le 04/05/2015 à 17h44
 
 
 

Le tremblement de terre du Népal qui touche l’un des pays les plus pauvres du monde nous le rappelle avec horreur : face aux catastrophes naturelles, les peuples ne sont pas égaux, dans la vie comme dans la mort.

Pour les pauvres, les inégalités sociales et écologiques se traduisent par un plus grand nombre de victimes et de destructions matérielles. La très grande majorité vit dans des régions très exposées, souffrant d’une cruelle absence de réseaux d’alerte, d’un développement urbain anarchique et d’un défrichage des terres favorisant les inondations et glissements de terrain.

Selon le rapport de l’Observatoire des situations de déplacements internes, 32,4 millions de personnes ont été forcées de quitter leur domicile à la suite d’une catastrophe naturelle en 2012, dont seulement 1,3 million dans les pays du Nord.

Double peine

En 2004, le tsunami en Asie avait joué un rôle de révélateur et en 2010 le séisme d’Haïti l’avait amplement confirmé. Les populations subissent des discriminations avant, pendant et après le cataclysme. Elles endurent une double peine en fonction de leur place sur l’échiquier de la géopolitique mondiale.

Nous savons bien qu’au sein même d’un pays, les privilégiés et les plus défavorisés n’ont pas droit au même traitement, comme l’avait démontré l’ouragan Katrina aux Etats-Unis. Un séisme, même de grande ampleur, ne devient une catastrophe qu’en raison du manque de capacités d’adaptation de ceux qu’il touche.

Dans les pays pauvres, la prévention des risques n’existe que sur le papier. Il n’y a ni plan de prévention des risques ni de Plan Orsec à Katmandou. Les constructions au rabais ne protègent pas mais aggravent les ravages. Afin de réduire les impacts des tremblements de terre, les pays concernés mettent en place des normes sismiques en fonction de leurs moyens. L’exemple du Japon, pays riche situé dans une zone très sismique, dont plus de 80% de la population vit en ville, est à mille lieues du Népal en termes de prévention et de gestion des risques. Les moyens financiers investis lui permettent d’assurer la sécurité des habitants et de réduire au maximum les pertes.

« Extractivisme »

Avec la reconstruction, les inégalités continuent de plus belle. Et souvent la spéculation et la corruption s’en mêlent. Au Népal les contradictions de la société productiviste apparaissent une nouvelle fois en pleine lumière. Alors que l’Exposition universelle, cette vitrine de l’occidentalisation du monde depuis 150 ans, s’ouvre à Milan, les journaux télévisés nous montrent des images confondantes des nouvelles inégalités. Les pays occidentaux tentent à tout prix de ramener leurs touristes, encombrant souvent l’aéroport de Katmandou au détriment de l’aide aux populations. Ce qui se passe dans l’Everest, lieu de tourisme pour les trekkeurs riches des pays riches, supplante parfois en temps imparti celui consacré aux Népalais victimes de la catastrophe. Les alpinistes et les randonneurs paient des sommes faramineuses aux sociétés d’assurances pour avoir le droit d’être ramenés par des hélicoptères qui délaissent les villages excentrés.

Laurent Fabius procède chaque jour au décompte des touristes français retrouvés alors que ni la France ni l’Union européenne ne s’engagent au-delà de l’envoi des sauveteurs et des équipes médicales humanitaires. Ceux-ci deviennent les héros du jour alors que les autorités népalaises, elles, sont stigmatisées pour ne pas avoir mis leurs piètres moyens au service de l’aide internationale.

On apprend, effarés, qu’une semaine auparavant s’était tenu un colloque international à Katmandou où les scientifiques avaient prévenu qu’à tout moment un séisme pouvait se déclencher. Pourtant, jusqu’au dernier moment, rien n’a été fait. Comme toujours. Avec la crise climatique, qu’accentue l’extractivisme, cette mamelle de la société productiviste, le cercle vicieux va s’amplifier à coup d’inondations, de sécheresses, d’ouragans, de typhons…

Bons sentiments

La pauvreté va accroître la vulnérabilité des populations face aux risques et les catastrophes vont continuer à alimenter et à aggraver la pauvreté. Déjà, les îles de l’Océanie menacées par le réchauffement et ses conséquences, dénoncent l’hypocrisie des pays riches. Leurs dirigeants constatent ses effets dévastateurs sur des habitants qui ne sont responsables en rien d’une telle situation.

Journaliste, j’avais déjà constaté tout cela il y a trente ans lors de la catastrophe naturelle d’Armero en Colombie, comme à Mexico, lors d’un tremblement de terre. L’indignation d’un jour n’a entraîné aucun changement dans les politiques de gouvernance mondiale. Les bons sentiments dégoulinants de ces derniers jours risquent d’être oubliés au Bourget, en décembre 2015, au profit d’effets d’annonces sans lendemain. Décidément, ce n’est pas le climat qu’il faut changer, mais le système.

 

 

Source : http://blogs.rue89.nouvelobs.com/chez-noel-mamere

 

 

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4 mai 2015 1 04 /05 /mai /2015 15:30

 

 

Source : http://www.bastamag.net

 

 

Quand Vinci veut construire immeubles, crèches et espaces verts sur un terrain pollué au plomb et à l’arsenic

par

 

 

 

A Toulouse, le géant du BTP Vinci veut édifier un ensemble immobilier écolo-compatible, avec espaces verts, jardins partagés, une résidence senior, une crèche, des bureaux et logements collectifs. Petit problème, les sols et la nappe phréatique sont pollués aux hydrocarbures et aux métaux lourds, surtout au plomb. Mais de la mairie à la préfecture, personne ne semble s’inquiéter de la construction de centaines de logements sur un ancien site industriel. Et sans alerte de la part de riverains ou de citoyens, aucun compte ne sera demandé à Vinci sur les éventuels travaux de dépollution. Enquête.

C’est un vaste terrain vague bordé de murs plein de graffitis, où s’obstinent à danser quelques herbes folles devant une poignée d’arbres dégarnis. Rien de plus. Au fond, on aperçoit la ligne de chemin de fer Toulouse-Albi. Devant, le chemin Lapujade, une rue populaire sans l’ombre d’un commerce où seuls des immeubles collectifs, genre blocs en béton, poussent comme des champignons au détriment des « toulousaines », ces petites maisons typiques en galets et en briques. Nous sommes à moins de trois kilomètres de la Place du Capitole, l’hypercentre de Toulouse et ce terrain de 16 829 m2, qui s’étend du n°67 au n° 93 du Chemin Lapujade fait figure d’ovni. Comment a-t-on pu laisser vacant depuis plus de dix ans une telle superficie foncière dans un secteur en proie à la frénésie immobilière ?

Deux projets bloqués par la crise et les riverains

Petit retour en arrière : fin des années 90, l’entreprise Fournie-Grospaud, propriétaire du site, spécialisée dans les équipements électriques (armoires électriques, câblages..) est rachetée par Vinci Énergie. Laquelle hérite de ce terrain, truffé de hangars, bâtiments divers et bureaux. En mai 2007, Vinci Énergie signe une promesse de vente avec une autre filiale du groupe, Vinci Immobilier. Cette dernière envisage de lancer sur ces parcelles un juteux programme immobilier articulé autour de six immeubles de trois étages, qui accueilleront 246 logements. Un mois et demi plus tard, fin juin 2007, le permis de construire est délivré par la mairie de Toulouse. Mais en 2008, avec la crise bancaire et financière qui assombrit le marché mondial, l’immobilier dégringole, Vinci Immobilier suspend son projet. « Nous vendions sur plan. Et à ce moment-là, plus personne ne voulait investir dans la pierre », se remémore une chargée de com’ du groupe. Fin du premier acte.

En 2010-2011, la municipalité, alors dirigée par le socialiste Pierre Cohen, décide d’un nouveau plan local d’urbanisme qui privilégie les constructions verticales pour en finir avec l’étalement urbain. Le terrain de Vinci est désigné par la mairie pour accueillir plusieurs immeubles de quatre à huit étages, soit au total 600 logements. Quitte à sacrifier quelques maisons toulousaines et à faire de l’ombre à celles qui restent. « Nous avons aussitôt créé une association de quartier de 200 membres, récolté 845 signatures, accroché une cinquantaine de banderoles sur nos maisons, organisé des repas de rue, prévenu les médias. La mairie a reculé », se félicite encore aujourd’hui Catherine Denoel, présidente de l’association Ilot Lapujade. Une belle bagarre qui, au final, a permis aux riverains de poser des gardes-fous pour les futurs projets immobiliers qui toucheraient leur quartier. « Nous avons clairement imposé une hauteur de bâtiments, un type particulier de logements et surtout demandé à ce qu’on construise sur le terrain de Vinci une maison pour personnes âgées, une crèche et des jardins partagés », poursuit Catherine Denoel. Fin du deuxième acte.

« Pas le moindre souci pour accueillir des enfants »

Le 23 décembre 2014, Vinci Construction, nouveau propriétaire du site – ce terrain est passé successivement entre les mains de trois filiales de Vinci –, dépose un permis de construire pour édifier un ensemble immobilier comprenant une crèche, une résidence senior, des bureaux, 185 logements collectifs. Le tout entouré d’espaces vert et de jardins partagés. « Bien sûr que nous sommes satisfaits, c’est exactement ce pour quoi on s’est battu », commente Catherine Denoel. Sauf que l’accueil d’enfants en bas âges ou la mise en place de jardins partagés, pose des questions : quid de la pollution de ce terrain ?

« Cela fait quatre ans qu’on demande à Vinci et à la mairie si ces terres sont polluées. Nous n’avons jamais eu de réponse », rétorque la présidente de l’association de quartier. « Fin 2014, à la réunion de présentation du projet, ils sont restés très flous. Ils ont parlé d’une pollution minime. Concernant la nappe phréatique, en dessous, ils ne nous ont rien dit », précise la présidente. Du côté de Vinci Construction, Xavier Defaux, directeur de la communication, se veut rassurant : « Il n’y a rien de particulier sur ce terrain. Aucune pollution au niveau de la nappe phréatique. Juste quelques traces localisées d’hydrocarbures au niveau des sols. Une fois qu’on aura traité tout ça, il n’y aura pas le moindre souci pour accueillir des enfants ».

Un passé industriel préoccupant

Pourtant, d’après quatre rapports que s’est procuré Basta !, la pollution des sols et de la nappe phréatique est bien plus problématique que Vinci Construction ne voudrait le laisser croire... En août 2006, Calligee, bureau d’étude d’expertise et de conseil en ingénierie de l’environnement, avec 25 ans d’expériences, est missionné par Vinci Énergies pour « réaliser un diagnostic de (non) pollution des sols ». Ce premier rapport de 39 pages s’intéresse à « l’étude de l’historique et de la vulnérabilité » du terrain. On y apprend que la nappe phréatique se trouve à seulement trois mètres de profondeur. Et surtout on découvre le passé industriel de ce terrain.

 

 

Occupé jusqu’en 1940 par des jardins et habitations, le terrain voit défiler à partir de 1946, une imprimerie – qui y avait installé ses presses rotatives au plomb –, une entreprise de peinture, un fournisseur de matériel électrique, une fonderie, un dépôt de droguerie et de matière plastique, une entreprise de travaux publics, une miroiterie et l’entreprise Fournie-Grospaud, avec ses équipements électriques, qui en 1990 a racheté toutes les parcelles. Autant d’activités qui ont forcément généré des pollutions étant donnée l’utilisation de peintures, solvants, métaux, carburants, huile, plomb... À ce stade, le bureau d’étude Calligee va s’attacher à la partie visible de la pollution et identifier « quatre zones » qui posent problème : une « cuve à fuel de 10 000 litres qui a fuit dans le passé », une « chaudière », elle aussi victime de fuites, une « fosse d’entretien de véhicules » et une « ancienne cabine de peintures ». Calligee propose de lancer neuf sondages pour étudier l’incidence de ces pollutions.

Pollutions aux hydrocarbures, cuivre, arsenic et plomb

En septembre 2006, nouveau rapport, cette fois-ci de 53 pages. Les sondages ou « investigations de terrain avec prélèvements et analyses des sols » ont été menés. Résultat : « Des teneurs en arsenic, plomb et hydrocarbures totaux supérieures à la VDSS [valeur guide de sécurité, ndlr] ont été repérées ». Au niveau de la qualité des eaux souterraines, « les teneurs en hydrocarbures et métaux relevées sur les sols amènent à se préoccuper des eaux souterraines », « la nappe a pu être impactée par ces pollutions ».

 

 

Novembre 2006, Calligee propose un devis à Vinci Immobilier qui a pris le relais de Vinci Énergie. Objectif : « réaliser des investigations complémentaires afin de déterminer l’extension des sources de pollution ». Accepté. En janvier 2007, nouveau rapport de 93 pages. Pour cette campagne d’investigations, Calligee y est allé à la tarière mécanique, une machine de forage munie d’une grosse mèche métallique. Plusieurs zones de pollutions aux hydrocarbures, cuivre et arsenic sont parfaitement identifiées. Mais c’est surtout le plomb qui pose problème : « Des teneurs au plomb supérieures aux valeurs guides ont été observées sur de nombreux sondages. En règle générale, ces teneurs sont présentes en surface (entre 0 et 0,5 m) ». Mais « il n’est pas possible de cartographier de manière précise l’étendue des pollutions au plomb car plusieurs zones sont concernées de manière inattendue ».

 

 

Une zone de 600 m2 est particulièrement touchée avec un pic de 1000 milligrammes par kilo. Soit deux fois et demi plus élevé que le « VCI », le seuil d’alerte au delà duquel les risques pour la santé humaine sont avérés... « Le niveau de pollution est effectivement très préoccupant, car on est face ici à des sols pollués genre usine de récupération de batterie », réagit André Picot, toxico-chimiste, directeur de recherche honoraire au CNRS et expert français honoraire auprès de l’Union Européenne pour les produits chimiques en milieu de travail. Pour lui, « ce sont les enfants et les femmes enceintes qui sont les plus exposés. Surtout qu’une corrélation entre le taux de plomb et le quotient intellectuel des jeunes enfants est aujourd’hui clairement établie ».

 

 

Au niveau des eaux souterraines, des traces de BTEX (composés aromatiques volatiles de Benzène, toluène, ethylbenzène et xylène) et des COHV, composés organo-halogènes volatiles, tous deux aussi nocifs que toxiques, sont présentes à des taux « supérieurs aux valeurs guides ». « Ces teneurs mettent en garde sur l’utilisation des eaux souterraines », notamment concernant « les puits de l’impasse Fourcaran ». L’impasse Fourcaran ? C’est une enclave d’anciens pavillons ouvriers qui coupe en deux parties le terrain de Vinci. Même si elle n’est pas directement impactée par le projet immobilier, elle est visiblement touchée par la pollution de la nappe phréatique. Sauf que les riverains de cette impasse n’ont jamais été informés de ces risques. « Sur seize maisons, la moitié possèdent un puits dans leur jardin. Et certains s’en servent évidemment pour arroser leurs fruits et légumes », confie une habitante de l’impasse...

Mairie et préfecture ne sont pas au courant

« Nous avons depuis mandaté un autre bureau d’études, qui a intégré ces différents rapports. Il ne préconise rien de particulier », se défend Xavier Defaux, directeur de la communication de Vinci Construction. « Bien sûr, nous allons engager une dépollution. » Comment ? « Fin 2014, quand ils ont fait allusion à la pollution, ils nous ont dit qu’ils allaient l’enlever grâce à un traitement des sols et à un raclage des terres », se souvient la présidente de l’association de quartier. Ce qui fait sourire Jean-François Narbonne, professeur en toxicologie à l’université de Bordeaux 1 et expert à l’Agence nationale de sécurité sanitaire (ANSES) : « Pour dépolluer un terrain au plomb, il faut décaisser le sol, enlever la couche de terre, la traiter in situ ou à l’extérieur. Puis la remettre une fois qu’on l’a nettoyée ou alors l’expédier dans une décharge spécifique. C’est le seul moyen de réutiliser de tels sols. »

Qu’en pense la mairie, qui s’apprête d’ici l’été à délivrer le permis de construire ? « Nous n’avons aucune information là-dessus. Même si c’est un peu aberrant, en tant qu’instructeur, ce n’est pas notre problème. Nous délivrons le permis uniquement en fonction du respect des critères du plan local d’urbanisme. On leur fait confiance », réplique le service presse de la mairie de Toulouse. Et la préfecture ? « Nous avons connaissance d’une ancienne activité de compression sur ce site, avec un rapport de déclaration de fuite de gazoil, mais le reste est inconnu de nos services », détaille Olivier Delcayrou, directeur de cabinet du préfet de la Haute-Garonne.

Quelles garanties que Vinci prendra les mesures nécessaires ? Quel contrôle par les pouvoirs publics ? « Nous sommes ici sur un régime de déclaration et non d’autorisation. Ce qui signifie que c’est au porteur de projet d’assurer les études et la dépollution des sols », explique Olivier Delcayrou. Personne, à part l’entreprise propriétaire, ne semble avoir la mémoire de l’histoire industrielle du site. « En cas d’alerte, on pourra toujours leur demander des comptes », précise le responsable de la préfecture. C’est peut-être le bon moment...

Eric Dourel

 

Photos : © Eric Dourel. A gauche, derrière l’enceinte de murs tagués, l’impasse Fourcaran. Au fond, à droite, au dessus du talus, la ligne de chemin de fer Toulouse-Albi.

 

Données et rapport : Extraits du rapport de Calligee, Diagnostic de pollution des sols et des eaux sur le site « Fournie Grospaud », sis « Chemin de Lapujade » à Toulouse. Investigations de terrain complémentaires, janvier 2007.

 

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2 mai 2015 6 02 /05 /mai /2015 17:04

 

Source : http://www.reporterre.net

 

« Produire autrement et partager le travail pour en finir avec le chômage »

2 mai 2014 / Entretien avec Dominique Méda
 


 

Le 1er mai était le jour de la fête du Travail, que Reporterre a célébré en se mettant en pause. On en a profité pour réfléchir sur ce que représente le travail aujourd’hui, lors d’une rencontre avec la philosophe et sociologue Dominique Méda, notamment auteure de Réinventer le travail.


Reporterre - La Fête du Travail a-t-elle encore un sens pour vous qui avez écrit en 1995 Le travail. Une valeur en voie de disparition ?

Dominique Méda - Dans cet ouvrage, je ne décrivais pas une situation objective. J’exprimais le souhait que le travail prenne moins de place dans nos vies et soit mieux réparti entre les membres de la société, pour que chacun assume ses rôles de travailleur, parent, citoyen, ami…

Continuer à faire du partage du travail une cause commune aux travailleurs de tous les pays – puisque je rappelle qu’il s’agit d’une Fête internationale des travailleurs ! – et conserver un jour férié pour formuler des propositions destinées à améliorer leur situation me paraît non seulement une excellente chose, mais aussi une absolue nécessité.

 

 

Les chiffres du chômage sont parus la semaine dernière : 3 349 300 demandeurs d’emploi. De quoi le marché du travail souffre-t-il aujourd’hui ?

On peut aussi évoquer trois autres chiffres : plus de six millions de personnes sont désormais, en France, inscrites à Pôle emploi dans l’une des cinq catégories ; plus de 42 % des demandeurs d’emploi en catégorie A, B et C sont inscrits à Pôle emploi depuis plus d’un an ; moins de 50 % des demandeurs d’emploi sont indemnisés.

Les causes du chômage tiennent à la conjugaison de trois éléments : un étouffement de l’activité par les politiques d’austérité et plus généralement par le détournement des financements vers l’économie spéculative, une compétition intra-européenne et internationale non régulée dont la principale variable d’ajustement est le travail, et une réduction du temps de travail non proportionnelle aux gains de productivité réalisés durant le dernier quart de siècle.

Les diagnostics qui mettent en avant les prétendues rigidités et le coût du travail français sont partiels car ils se focalisent sur un élément unique alors que l’on pourrait tout autant incriminer la faiblesse de la recherche française, les erreurs de management, les stratégies à courte vue, l’insuffisante qualité des produits français, etc.

 

Quelles solutions l’écologie apporte-t-elle pour sortir de ces impasses ?

D’abord, un message crucial : non, la croissance ne constitue pas la réponse au chômage. Cela fait trente ans qu’on entend cette idée que le retour de la croissance va nous sauver. Or, non seulement la croissance ne revient pas, non seulement elle risque de ne pas revenir, mais surtout, il n’est pas souhaitable qu’elle revienne aux rythmes antérieurs.

Car il est désormais clair qu’elle s’accompagne de maux, de dégâts, de dégradations inestimables sur le patrimoine naturel et sur la cohésion sociale. L’écologie est donc porteuse de cette prise de conscience qu’il nous faut inventer autre chose, c’est-à-dire un modèle de développement capable de répondre à la diversité des besoins sociaux tout en respectant des normes strictes, sur les plans social et environnemental.

Ma thèse est que nous pouvons sortir par le haut de la grave crise écologique à laquelle nous sommes confrontés en mettant la résolution de celle-ci au service de l’emploi et du travail.

 

Comment ?

Par un changement de la production. Produire autrement, enserrer la production dans des contraintes sociales et environnementales peut nous permettre à la fois de mieux partager l’emploi et de changer le travail. Jean Gadrey a montré dans ses travaux qu’une production plus propre, écologiquement et socialement, exige plus de travail. Cette plus grande quantité de travail, il nous faut la répartir autrement sur l’ensemble de la population active.

 

Cela passe-t-il également par une réduction légale du temps de travail ? Quid des fameuses « 32 heures » que les écologistes évoquent parfois ?

Les 32 heures ne sont pas la seule manière d’y arriver. L’enjeu me semble plutôt être de partager autrement le travail. Car cela passe, certes, pour les uns par une réduction, et pour d’autres – tous ceux qui sont à temps partiel subi notamment – par une augmentation du temps de travail. Il faut substituer au partage actuel du travail, sauvage, un partage civilisé.

Ce partage devrait surtout selon moi s’accompagner d’une désintensification du travail, avec de nouveaux rythmes. Et ce d’autant plus qu’il nous faut désormais rechercher, dans un grand nombre de secteurs, des gains de qualité et de durabilité plutôt que des gains de productivité.

 

 

Vous expliquez dans vos recherches que les problèmes de l’emploi sont aussi liés à la façon que l’on a de mesurer les richesses économiques aujourd’hui. Que pensez-vous de la proposition de loi portée par la députée écologiste Eva Sas sur de nouveaux indicateurs de richesse ?

Le plus grand bien ! L’association que je copréside avec Florence Jany-Catrice et Célina Whitaker, le Forum pour d’autres indicateurs de richesse (FAIR), va d’ailleurs exprimer officiellement son soutien.

Cela fait plus de dix ans que nous prônons la prise en compte, à côté du PIB, d’autres indicateurs capables de mettre en évidence les évolutions des patrimoines et des collectifs qui nous importent : patrimoine naturel, santé sociale. C’est exactement cela que propose Eva Sas puisqu’il s’agit d’adopter quatre indicateurs, l’empreinte écologique, l’empreinte carbone, l’espérance de vie en bonne santé et l’indice de santé sociale, et de consacrer à l’analyse de leur évolution un temps déterminé de débat parlementaire.

C’est non seulement un excellent projet mais aussi la première étape, indispensable, d’un changement de modèle.

 

Le revenu minimum ou revenu inconditionnel d’existence peut-il être un outil dans la redéfinition de la valeur travail ?

Je mesure les avantages attachés à un tel revenu, notamment dans ce qu’il permet aux individus de refuser les travaux ou les conditions de travail indécentes, ce qui est essentiel. Il est aussi la marque du caractère collectif de la production.

Enfin, quand on sait à quels tourments bureaucratiques sont soumis les demandeurs du RSA (Revenu de solidarité active), on a évidemment envie de plaider pour le caractère inconditionnel d’un tel revenu.

Pourtant, je n’arrive pas à être convaincue que c’est « LA » solution. D’abord je pense que notre société n’est pas prête à délier à ce point travail et revenu, et surtout à abandonner à ce point le mythe de l’incitation individuelle au travail. Je crains aussi que cette solution ne soit l’occasion de se donner bonne conscience : on donnerait un tout petit revenu à un ensemble de personnes exclues du système productif, devenu de plus en plus sélectif, et tout serait réglé.

Je préfère de loin une solution qui me paraît plus exigeante et qui conjuguerait le partage du travail, un revenu maximum empêchant un petit groupe d’accaparer et de privatiser des ressources collectives, et une protection sociale généreuse, qui serait largement déconnectée du travail et détachée du mythe de la productivité individuelle du travail.

 

De manière générale, tout ce que vous défendez constituerait une véritable révolution pour nos sociétés. Pensez-vous qu’elles soient prêtes ?

Nos sociétés sont tellement tétanisées et désorientées qu’elles sont certainement prêtes à des changements. Pas nécessairement ceux que je propose, mais je crois que nos concitoyens sont désormais en attente de solutions radicales, tant on leur a raconté d’histoires...

 

*Suite de l'article sur reporterre

 

 

Source : http://www.reporterre.net

 

 

 

 

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1 mai 2015 5 01 /05 /mai /2015 18:22

 

Source : http://www.mediapart.fr

 

La politique d'austérité britannique a mis les plus fragiles à genoux

|  Par Thomas Cantaloube

 

 

La « bedroom tax » et le durcissement du « Work capability assessment » sont les deux mesures les plus critiquées du mandat de David Cameron, car elles ont frappé de plein fouet les personnes vulnérables, et particulièrement les handicapés. Reportage à Londres, à une semaine des élections.

 

De notre envoyé spécial à Londres (Grande-Bretagne).- Paula Peters est assise par terre, les fesses sur le trottoir, et elle écrit des slogans au feutre sur des caleçons. À côté d’elle, son fauteuil roulant, avec lequel elle est venue jusqu’ici, dans la grande banlieue du nord-est londonien. Nous sommes un samedi d’avril, dix jours avant l’élection britannique du 7 mai, dans la circonscription de Iain Duncan Smith, le ministre conservateur du travail et des pensions, qui est sans conteste l’un des hommes les moins populaires du Royaume, en dehors de son clan des Tories, dont il fut le leader au début des années 2000. Une vingtaine de manifestants se sont rassemblés devant le siège de sa permanence pour dénoncer l’homme qu’ils appellent, au choix, « le maître du désastre » ou « le boucher des allocations ».

Iain Duncan Smith est le ministre qui a été chargé, dès 2010, de mettre en place les coupes budgétaires dans les allocations sociales. Le moins que l’on puisse dire, c’est qu’il n’a pas fait de quartier… Si la plupart des commentateurs politiques britanniques, y compris ceux qui se situent à gauche, s’accordent pour dire que le premier ministre David Cameron n’est pas la réincarnation de Margaret Thatcher, certaines politiques sociales de son gouvernement rappellent furieusement l’approche de la « Dame de fer » vis-à-vis de l’État providence : à la hache !

 

Paula PetersPaula Peters © Thomas Cantaloube
 

La réforme la plus haïe, fréquemment qualifiée de « vicieuse », est la « bedroom tax », un impôt qui frappe tous les bénéficiaires d’un logement social ou d’une aide au logement possédant, dans leur habitation, une « chambre supplémentaire » par rapport au nombre de personnes dans le foyer. Autrement dit, une personne seule ou un couple ne peut avoir qu’une chambre, une famille avec un enfant, deux chambres, avec deux enfants, trois chambres, etc. Si un foyer possède une chambre supplémentaire par rapport à ce qu’il est censé avoir, il se retrouve donc sous le coup d’un impôt qui peut vite atteindre plus de 500 euros par an.

L’argument des conservateurs était que certaines familles louaient leur chambre supplémentaire, ou disposaient d’un logement trop grand qui aurait pu profiter à un foyer plus nombreux. Mais c’était surtout un argument moral – toujours le même – selon lequel les « assistés sociaux » doivent sempiternellement se justifier des allocations qu’ils reçoivent, et surtout se montrer irréprochables dans l’utilisation des deniers publics.

Mais quand la « bedroom tax » a commencé à être appliquée, elle a touché les plus fragiles : des personnes âgées dont les enfants avaient quitté le foyer, laissant leur chambre libre ; des handicapés qui stockaient leur matériel médical ou qui avaient un ascenseur dans une pièce supplémentaire ; des parents dont un enfant est mort d’une maladie et qui ont soudain été frappés par cet impôt parce qu’il y avait désormais une personne de moins dans le foyer…

Malgré le tollé suscité par certaines de ces histoires poignantes, malgré le fait que seulement 6,5 % des personnes concernées ont déménagé dans des habitations « à leur taille » au bout de plusieurs années, le gouvernement conservateur n’est jamais revenu sur cette mesure. Même quand un rapport publié l’an passé a démontré que la « bedroom tax » coûtait finalement plus qu’elle ne rapportait étant donné toutes les procédures judiciaires qu’elle entraînait, la nécessité de reloger les gens, l’absence d’habitations comportant un nombre de pièces en adéquation avec les familles…

Surtout, ce nouvel impôt a frappé de manière disproportionnée les personnes invalides (en Grande-Bretagne, les personnes handicapées et celles en congés de longue maladie sont regroupées dans la même catégorie : « disabled » ou invalides) : sur 660 000 individus concernés par la « bedroom tax », 440 000 sont invalides. De surcroît, parmi les réformes libérales initiées par David Cameron et Iain Duncan Smith, l’une d’entre elles a consisté à réévaluer la « capacité à travailler » des 2,5 millions de Britanniques qui touchaient jusqu’ici une pension d’invalidité (le Work capability assessment, ou WCA). Et comme l’administration ad hoc ne saurait faire cela, selon la philosophie conservatrice, il a été demandé à un cabinet privé, Atos, de s’en charger. Atos, dirigé par nul autre que le Français Thierry Breton, ancien ministre de l’économie et des finances de Jacques Chirac, s’est donc acquitté de cette sale besogne – payée 500 millions de livres sterling tout de même !

 

Des manifestants contre les coupes sociales à Chingford, la circonscription de Iain Duncan Smith (IDS)Des manifestants contre les coupes sociales à Chingford, la circonscription de Iain Duncan Smith (IDS) © Thomas Cantaloube
 

Ce qui nous amène à la manifestation dans la circonscription de Iain Duncan Smith. Paula Peters a perdu vingt de ses amis proches, qui se sont suicidés, selon elle, à cause de la « bedroom tax » (ils ne pouvaient pas la payer), ou du test visant à évaluer leur capacité à travailler (ils ont échoué aux tests). « Quand j’ai appris que j’allais devoir passer le WCA, j’ai commencé à stresser », explique Paula, qui souffre depuis une vingtaine d’années d’une forme particulièrement sévère d’arthrose rhumatismale qui la cloue dans un fauteuil roulant une grande partie de la journée. « Du coup, ma maladie s’est accélérée. Face à la détérioration de ma santé et la crainte que j’avais de me voir considérée apte à travailler, j’ai tenté deux fois de me suicider… »

«Ils veulent nous renvoyer au XIXe siècle, dans des foyers ou dans la rue»

Les craintes de Paula n’étaient pas infondées puisque Atos a certifié « aptes à travailler » (et donc susceptibles de perdre leur pension) un homme dans le coma, des personnes atteintes d’un cancer en phase terminale, de sclérose en plaques ou de pathologies mentales graves… Au début de l’année 2015, Atos a préféré renoncer à son contrat et payer des pénalités, plutôt que de continuer à subir la mauvaise publicité générée par son travail catastrophique. Ainsi, après avoir passé son test fin 2013, Paula a dû attendre neuf mois les résultats en raison d’un « engorgement des dossiers » : neuf mois durant lesquels elle ne savait pas si elle allait perdre son allocation ou devoir déménager, car son logement social, spécialement aménagé pour elle en rez-de-chaussée, comportait une chambre de plus… Neuf mois de stress durant lesquels son arthrose s’est aggravée.

Kay Eason, elle, estime « avoir eu de la chance ». Atteinte d’une sclérose en plaques depuis l’âge de 13 ans (elle en a 28 aujourd’hui), elle a passé son test de capacité à travailler assez facilement : « Les gens qui me l’ont fait passer étaient sympas, mais c’est une loterie. Ils disent qu’ils n’ont pas de quotas, mais tout le monde sait qu’on a plus de chances quand on passe le matin où ils sont plus laxistes, qu’en fin de journée, quand ils doivent remplir leurs objectifs… » Car le but du gouvernement n’a jamais été de mieux évaluer les invalides, mais bien de réduire les allocations d’invalidité.

 

Des manifestants contre les coupes sociales à Chingford, la circonscription de Iain Duncan Smith (IDS)
Des manifestants contre les coupes sociales à Chingford, la circonscription de Iain Duncan Smith (IDS) © Thomas Cantaloube
 

« Il s’agit en fait de diaboliser les bénéficiaires d’aides sociales », explique Anita Bellows, une militante de l’association Disabled people against cuts (DPAC), qui se bat en faveur des invalides injustement affectés par les coupes budgétaires. « Ils stigmatisent les chômeurs qui n’ouvrent pas leurs volets le matin quand les "honnêtes gens" partent travailler, et ils s’en prennent aux handicapés en estimant que la plupart devraient travailler, d’une manière ou d’une autre, pour mériter leurs allocations. C’est la philosophie des conservateurs, mais aussi, à un degré moindre, celle des travaillistes. En faisant passer les handicapés ou les gens qui ont une pièce en plus dans leurs logements sociaux pour des prédateurs de l’argent public, ils montent les gens les uns contre les autres. Et les plus faibles sont toujours ceux qui ont le plus à perdre… »

Kay Eason, dans sa chaise roulante, garde le sourire aux lèvres. Il lui a fallu se reposer pendant plusieurs jours pour avoir la force de venir manifester ce samedi. Elle essaie de ne pas trop s’en faire : « Comme j’ai une maladie évolutive, il est possible que d’ici quelques mois ou quelques années, j’aille mieux. C’est bien pour moi, mais serai-je en position de travailler ? Ce n’est pas sûr : le pire serait que l’on me déclare apte, mais que je sois néanmoins trop faible pour pouvoir trouver un travail. Alors, je perdrais mon allocation et mes parents perdraient probablement le logement social qu’ils ont obtenu – avec une pièce supplémentaire – "grâce" à ma maladie… »

« Ils veulent nous renvoyer au XIXe siècle, dans des foyers ou dans la rue », conclut Paula Peters, amère. Elle est toujours assise sur le trottoir, en train d’écrire sur des caleçons. Pourquoi ? En fait, Iain Duncan Smith a été pris dans un scandale de notes de frais il y a une douzaine d’années, au cours duquel les Britanniques avaient découvert que le député avait demandé au Parlement le remboursement de diverses dépenses personnelles, dont ses achats de sous-vêtements… Apparemment peu échaudé par cette histoire, il a réédité la chose en tant que ministre en tentant de se faire rembourser d’autres « menues dépenses », comme un petit déjeuner à 54 euros ou un cocktail à 13 euros. Ce, au moment même où il avait déclaré à la presse que « s’il me fallait vivre avec les allocations invalidités de 75 euros par semaine, je n’aurais aucun problème à le faire ». Pris au mot, plus de 450 000 pétitionnaires lui ont proposé de relever le défi… Il s'est défilé, bien entendu.

Malgré ces différentes casseroles et le passage de ces mesures impopulaires ciblant les plus faibles, David Cameron a maintenu Iain Duncan Smith à son poste. Surtout, les conservateurs ont annoncé que, s’ils étaient réélus le 7 mai, ils avaient l’intention de couper 16 milliards d’euros supplémentaires dans les budgets sociaux. Une somme qui reviendrait à se débarrasser purement et simplement d’une grande partie du filet social mis en place au lendemain de la Seconde Guerre mondiale. Pour Simon Wren-Lewis, professeur d’économie à Oxford, cette perspective signifie que les mesures telles que la « bedroom tax » ou la réévaluation de la capacité à travailler des invalides ne sont « rien à côté de ce que préparent les Tories s’ils restent au pouvoir… ».

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