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4 juin 2015 4 04 /06 /juin /2015 13:54

 

Source : http://www.bastamag.net

 

Transparence ?

Mais à quoi servent les filiales fantômes que Total oublie de déclarer ?

par

 

 

 

Total a décidé de rendre publique pour la première fois une liste complète de ses 903 filiales dans le monde. Objectif : couper court aux critiques sur sa présence dans les paradis fiscaux, alors que l’entreprise ne s’acquitte pas de l’impôt sur les sociétés en France. Une opération transparence encore partielle : nous avons pu identifier une trentaine de filiales aux Pays-Bas absentes de cette liste officielle. Or ce pays, qui occupe une place privilégiée dans l’organisation internationale du groupe Total, est de plus en plus montré du doigt pour les avantages fiscaux et juridiques qu’il offre aux multinationales.

Total, la plus grosse entreprise française en terme de chiffre d’affaires, est la cible de critiques répétées en raison de la faiblesse de sa contribution fiscale en France. Trois ans durant, en 2010, 2012 et 2013, Total n’a pas versé d’impôt sur les sociétés dans le pays. L’entreprise a pourtant engrangé 15,8 milliards de dollars de bénéfices en 2012 (dont 43% ont été reversés sous forme dividendes), et à nouveau 14,3 milliards de en 2013 (dont 50% en dividendes). Une aberration apparente qui illustre les pratiques d’optimisation fiscale agressive auxquelles se livrent les multinationales, en localisant certaines filiales clé dans des juridictions secrètes ou des pays offrant divers avantages fiscaux.

Pour couper court aux critiques et « dissiper tout malentendu », Total décide, en mars 2015, de publier la liste complète de ses filiales consolidées – pas moins de 903 sociétés dans le monde. Son nouveau directeur général, Patrick Pouyanné, indique que l’entreprise se prépare à fermer neuf de ses filiales implantées dans des paradis fiscaux notoires, comme les Bermudes, les Bahamas ou les Caïmans. Total ne déclarait auparavant qu’environ 180 filiales.

 

Une opération transparence encore partielle

Un effort de transparence, nuancé par les associations spécialisées. Selon un rapport du CCFD Terre solidaire, une majorité des 50 plus grandes entreprises européennes et un peu moins de la moitié de celle du CAC 40 publiait déjà une liste intégrale de leurs filiales en 2013. L’opération transparence de Total demeure un geste à portée limitée, bien en deçà des exigences de transparence et de justice fiscale. Mais mieux vaut tard que jamais.

Problème : cette liste est également incomplète. Selon les informations issues de la base de données commerciale Orbis (gérée par l’entreprise d’information économique Bureau van Dijk) dont nous avons pu prendre connaissance, Total détient aux Pays-Bas une trentaine de filiales qu’elle n’a apparemment pas souhaité, ou pas daigné, inclure dans sa liste officielle (la liste de ces filiales « oubliées » figure ici, sur fond blanc, celles surlignées en jaune ont été déclarées par Total).

S’agit-il de filiales inactives ou d’activités abandonnées ? De filiales de filiales ? Dans la grande majorité des cas, il est impossible de répondre. La direction de Total, que nous avons contacté, s’y refuse également. La filiale « Total Tanap » est manifestement liée au projet de gazoduc trans-anatolien, dont la firme française s’est retirée fin 2013. Certaines filiales portent le nom de pays où Total n’a pas d’activités de production connues, ou bien où l’entreprise possède déjà d’autres filiales. Bref, de quoi alimenter encore davantage les questions sur la gestion financière du groupe et les limites de son « opération transparence ».

 

Un paradis fiscal au cœur de l’Europe ?

Le cas des Pays-Bas illustre bien les tensions et les enjeux qui entourent la notion de « paradis fiscal ». Contrairement à l’image d’Épinal qui n’envisage les paradis fiscaux que sous la forme d’îles exotiques éloignées, ceux-ci se nichent aussi au cœur même de l’Europe, sous la forme de règles avantageuses ou de dispositifs opaques destinés à attirer l’implantation de multinationales ou de certaines de leurs filiales. La Suisse ainsi que certains pays de l’Union européenne comme l’Irlande, le Luxembourg, les Pays-Bas ou la Belgique sont concernés [1] Ce dumping fical atteint aussi des pays comme le Royaume-Uni, et même la France (sur ces questions, lire notre entretien avec le journaliste belge Éric Walravens).

Total a adopté une conception minimaliste de ce qu’est un paradis fiscal en ne retenant que les Bermudes (15 filiales), les Bahamas (1 filiale) ou les Caïmans (3 filiales). Ce qui donne 19 filiales dans des paradis fiscaux, dont la moitié seront prochainement fermées, assure l’entreprise [2]. Qui des autres paradis fiscaux, au cœur même de l’Europe ? « La seule chose qui intéresse une entreprise comme Total, c’est le risque d’atteinte à sa réputation », note Jean Merckaert, cofondateur de la Plate-forme paradis fiscaux et judiciaires et rédacteur en chef de la Revue Projet. « Avoir des filiales aux Bermudes représentait un risque réputationnel suffisant pour que Total décide de les fermer. Au contraire de Pays-Bas, qui ne sont pas suffisamment identifiés comme un paradis fiscal par l’opinion publique. »

Il existe bien, pourtant, des listes officielles ou largement acceptées de paradis fiscaux. Celle des territoires non coopératifs établie par le Ministère des Finances français contient huit pays [3] Une liste du Fonds monétaire international en compte 26. La plus exigeante de ces listes, le Financial Secrecy Index de l’association internationale Tax Justice Network, énumère 82 territoires, parmi lesquels les Pays-Bas. Sur la base de cette liste, ce ne sont pas 19 filiales que détient Total dans les paradis fiscaux en 2014, mais 178, soit une filiale sur cinq.

 

Le pays aux 12 000 filiales fantômes

Pourquoi les Pays-Bas sont-ils considérés comme un paradis fiscal ? Le pays a mis en place un régime très favorable pour les multinationales, avec des taux réduits d’impôts sur une série de revenus, notamment les dividendes, les intérêts perçus, les royalties et les plus-values, associé à un grand nombre de conventions fiscales avec d’autres nations destinées à éviter une double imposition. De quoi encourager les grandes entreprises mondiales, y compris de nombreuses firmes françaises ((lire notre article), à y implanter, par exemple, des holdings destinées à acheminer des investissements vers d’autres pays. Ou encore des entités chargées de récolter les royalties liées à l’usage d’une marque. En France, ces holdings seraient imposées sur les bénéfices qui y sont réalisés, pas aux Pays-Bas...

Les Pays-Bas abriteraient aujourd’hui environ 12 000 « filiales fantômes » de multinationales, des coquilles vides juridiques créées uniquement à des fins fiscales. Le pays est l’un des leaders mondiaux en termes de flux d’investissements directs à l’étranger, mais plus de 80% de ces flux ne font qu’entrer et sortir. En juin 2014, la Commission européenne a lancé une enquête officielle sur les pratiques fiscales du Luxembourg, de l’Irlande, et des Pays-Bas et, en novembre de la même année, une enquête sur les arrangements fiscaux entre les Pays-Bas et Starbucks.

 

L’or noir angolais voyage virtuellement aux Bermudes

Le pays joue un rôle particulier dans l’organisation des opérations de Total en matière d’exploration et de production. L’activité stations-services est, par exemple, le plus souvent gérée par une filiale locale. Il en va autrement avec l’exploration de futurs gisements et la production pétrolière ou gazière : en Angola, d’où Total tire une partie non négligeable de son pétrole, l’exploitation de l’or noir est ainsi assurée par treize filiales, dont aucune n’est angolaise ! Huit sont enregistrées en France, deux aux Pays-Bas, deux aux Bermudes et une aux Bahamas. Il en va de même en Indonésie ou au Danemark – pour le gaz de schiste – où cette activité est assurée par une filiale française ou néerlandaise [4]

Le tableau suivant présente les pays où Total compte le plus de filiales et le nombre de ces filiales qui opèrent en fait dans d’autres États. La répartition géographique des entités juridiques du groupe Total semble bien différente de la réalité de ses opérations sur le terrain.

 

Pays Nombre de filiales Nombre de filiales opérant dans d’autres pays
France 209 65
États-Unis 181 1
Pays-Bas 73 41
Royaume-Uni 44 6
Chine 27 -
Allemagne 22 -
Afrique du Sud 21 -
Espagne 17 -
Bermudes 15 7
Nigeria 13 -
Malte 12 -
Suisse 11 1
Canada 11 -
Mexique 11 -

 

Toutes les filiales de Total aux Pays-Bas – ou dans d’autres pays de la liste du Tax Justice Network – n’y sont pas forcément implantées pour des raisons fiscales. La raison invoquée par Total pour expliquer cette forte présence aux Pays-Bas est que ce pays, contrairement à la France, permet l’établissement d’une comptabilité en dollars. Un argument qui ne convainc guère les associations. « Comment y croire quand on sait que la législation néerlandaise permet des montages fiscaux particulièrement avantageux pour les entreprises ? », ont réagi celles-ci.

 

Total attaque l’Ouganda à partir des Pays-Bas

Le passage par les Pays-Bas comporte un autre intérêt : c’est l’un des États qui a conclu le plus grand nombre de traités bilatéraux d’investissement. Ces traités offrent aux multinationales qui possèdent une ou plusieurs filiales aux Pays-Bas la possibilité de recourir aux mécanismes de protection des investisseurs, ces dispositifs controversés qui permettent à une grande entreprise d’attaquer un État adoptant une politique qui nuirait à ses activités (régulation environnementale, législation sur le travail...).

Un récent rapport de plusieurs ONG néerlandaises [5] estime que les Pays-Bas représentent 10% des recours en arbitrage international dans le cadre de traités bilatéraux d’investissement, en seconde position derrière les États-Unis. Les trois quarts de ces recours étaient le fait de « filiales fantômes » de multinationales, n’ayant qu’une existence formelle aux Pays-Bas. Total est directement concernée puisqu’elle vient d’initier un recours en arbitrage international contre le gouvernement de l’Ouganda, via une filiale néerlandaise, et en invoquant le traité bilatéral d’investissement conclu entre le pays africain et les Pays-Bas. Le différend est précisément de nature fiscale, Total estimant avoir droit à un crédit d’impôt sur ses opérations ougandaises, ce que conteste le gouvernement.

 

Les Pays-Bas, plaque tournante de l’optimisation fiscale

Ce litige avec l’Ouganda vient rappeler que la France n’est pas, loin de là, la seule victime potentielle des pratiques d’optimisation fiscale de multinationales comme Total. Selon les chiffres avancés par les ONG, les flux de capitaux illicites hors des pays du Sud représenteraient entre 600 et 800 milliards d’euros tous les ans, près de 10 fois le montant de l’aide au développement. Plus de 60% de ces flux relèveraient des stratégies d’optimisation fiscale des multinationales.

Concernant le montant de l’impôt versé en France, Total explique à ses détracteurs que ses activités dans le pays, en particulier le raffinage, étaient déficitaires [6]. Une affirmation assez difficile à vérifier en l’absence de transparence sur les flux financiers entre les filiales du groupe. Mais qui ne manque pas de surprendre de la part d’une entreprise dirigée depuis la France dont le chiffre d’affaires dépasse les 236 milliards d’euros. Dans les calculs financiers, la valeur ajoutée issue des savoirs, de l’expertise, de la propriété intellectuelle et de la maîtrise d’ouvrage de Total est-elle localisée en France, dans une ou plusieurs de ses 209 filiales dans le pays, et dans quelles proportions ? La répartition du chiffre d’affaires de Total correspond-elle effectivement à la répartition géographique de ses activités industrielles et de leur valeur ajoutée ? En l’absence d’une véritable transparence financière et fiscale, impossible de le savoir.

Depuis de nombreuses années, la société civile demande l’instauration d’une obligation de « reporting pays par pays » pour les multinationales. Ce rapport livrerait des informations financières détaillées sur chacune de leur implantation : chiffre d’affaires, bénéfices et nombre d’employés de chaque filiale. « Total avance l’excuse de la comptabilité en dollars pour justifier le grand nombre de ses filiales aux Pays-Bas. Le seul moyen de savoir si cela correspond à la réalité serait que Total mette en œuvre un reporting pays par pays », explique Lucie Watrinet, chargée de plaidoyer sur le financement du développement au CCFD-Terre Solidaire. « C’est cela qui démontrerait une réelle volonté de transparence de la part de Total. »

 

Suppressions d’emplois en France

Depuis deux ans, les établissements bancaires sont soumis à une telle obligation, mais ces nouvelles régulations ont encore des lacunes. « Les banques ont la possibilité de sortir certaines filiales du périmètre de consolidation de leurs comptes en invoquant des critères de ‘non-significativité’ qui sont largement à leur discrétion », poursuit Lucie Watrinet. Les entreprises concernées peuvent ainsi exclure certaines filiales de leur comptabilité – et de leurs obligations de transparence – au motif qu’elles ne seraient pas suffisamment significatives. Ce tour de passe-passe aurait par exemple permis à BNP Paribas de réduire de 40% le nombre de ses filiales dans les paradis fiscaux entre 2011 et 2012. Et c’est peut-être ce qui explique l’absence d’une trentaine de filiales de la liste officielle de Total.

Le nouveau directeur général de Total Patrick Pouyanné a annoncé que Total paierait l’impôt sur les sociétés au titre de l’exercice 2015. Une annonce hautement stratégique puisqu’elle s’inscrit dans le contexte du plan de restructuration du raffinage en France, qui va entraîner des suppressions d’emploi supplémentaires à La Mède, dans les Bouches-du-Rhône, après la fermeture de la raffinerie des Flandres en 2010. Le montant exact de l’impôt dont s’acquittera Total n’est pas encore connu. Quant à savoir si ce montant est juste et légitime, on en est encore loin.

Olivier Petitjean

— 
Photo : Plateforme pétrolière en Mer du Nord / CC Stig Nygaard

Notes

[1Le magazine Capital calculait en octobre 2014 que Total avait économisé près de 50 millions d’euros d’impôts sur les sociétés en France en plaçant des fonds en Belgique et en y bénéficiant du régime dits des « intérêts notionnels », appelé à être abandonné (lire notre article).

[2Total explique qu’il ne lui est pas possible de les fermer ou rapatrier toutes pour des raisons juridiques, par exemple parce qu’elle n’est pas toujours l’actionnaire décisionnaire.

[3Les Iles Vierges britanniques, Brunei, Montserrat, le Bostwana, le Guatemala, Nauru, les Iles Marshall et Niue. Cette liste est censée être mise à jour tous les ans mais ne l’a apparemment plus été depuis le 1er janvier 2014. L’année dernière, le retrait de Jersey et des Bermudes de cette liste avait fait grincer quelques dents, voir ici. L’Organisation pour la coopération et le développement économique (OCDE), quant à elle, n’a plus de pays dans sa « liste noire », tous les pays initialement montrés du doigt s’étant engagés à améliorer leurs pratiques.

[4Les Pays-Bas abritent 8% des filiales de Total en général (73 sur 903), mais 19,5% des filiales de sa branche E&P (48 sur 246). 41 de ces filiales sont enregistrées aux Pays-Bas mais actives dans d’autres pays.

[5Transnational Institute, SOMO, BothEnds et Amis de la terre Pays-Bas, à lire ici.

[6L’entreprise précise aussi s’acquitter de « 950 millions d’impôts et de taxes diverses dans notre pays par an ».

 

 

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Source : http://www.bastamag.net

 

 

 

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3 juin 2015 3 03 /06 /juin /2015 21:06

 

Source : http://cadtm.org

 

 

Dette illégitime : Un concept dangereux, non pour les populations, mais pour le néolibéralisme !

Réponse à titre personnel à l’article d’Edwin Le Héron

3 juin par Pascal Franchet

 

 

 

 

Edwin Le Héron a produit un article paru dans la revue « les Possibles » n° 6 et intitulé : « Dette illégitime : un concept dangereux !  »
ELH affirme, mais ne démontre pas, que le concept de dette illégitime est dangereux parce qu’il est fondamentalement, selon lui, « un concept libéral, antidémocratique, moraliste et contradictoire ».

Il n’y a dans cet article, aucune source citée, aucune bibliographie, rien que des affirmations gratuites accolées à des syllogismes |1| et des erreurs. Le raisonnement d’ELH ne me semble pas correct car, outre le fait qu’il n’est pas sourcé ni référencé, il procède par des assimilations malhonnêtes, des réductions et des simplifications qui déforment.
J’exerce là un droit de réponse car il me semble important et en phase avec l’actualité en Grèce et les travaux de sa Commission pour la Vérité sur la dette qu’il soit affirmé que le concept de dette illégitime n’est pas un concept néolibéral.
ELH reconnaît, tout en jugeant ses attendus démagogiques, une certaine utilité au rapport du CAC « Que faire de la dette publique ? » mais seulement comme information, à condition de n’en rien faire de concret.
Assimiler, comme il le fait, ceux qui militent en faveur de l’annulation des dettes illégitimes aux libéraux, est un raccourci qui relève de l’insulte et du mépris.
Alors pourquoi se fatiguer à répondre à ce type de papier qui relève de la discussion de comptoir ? L’auteur ne m’intéresse pas. Ce sont à ses propos auxquels je réponds. Le débat autour de ce concept me semble en revanche intéressant.
On ne peut y répondre sans développer des arguments. Refusant la méthode diatribe contre diatribe. J’essaie de répondre point par point à son texte.
Ma réponse s’adresse dans un état d’esprit positif à ceux qui doutent de l’existence de possibles, d’alternatives au monde actuel. C’est à cela que ma contribution veut répondre.

 

1) Selon ELH, le concept de dette illégitime est fondamentalement un concept libéral.

Pour étayer cette affirmation, ELH affirme que les libéraux en rêvent et que le TSCG l’aurait «  largement introduit comme un élément essentiel pour imposer les politiques de rigueur en Europe ».
Passons sur les rêves des libéraux, je ne suis pas psychanalyste. Les libéraux me semblent plus préoccupés par la domination économique et politique du capital sur les Etats, que par la dénonciation de la dette illégitime.

 

Le concept de dette illégitime présent dans le TSCG : C’est faux !
Je remercie l’auteur de m’avoir forcé à relire le texte du TSCG |2| , ce n’est jamais inutile de lire la prose de l’adversaire. Je n’ai toutefois pas trouvé dans ce texte la moindre référence à l’illégitimité de la dette publique.
Ce que m’a confirmé, en revanche, la relecture du TSCG, et qui est martelé à longueur d’articles dans la prose de l’Union Européenne, c’est l’obligation des Etats à contraindre leurs déficits publics au nom d’une limite du déficit structurel à ne pas dépasser, limite fixée à 0,5% du PIB.
La voie privilégiée pour atteindre ce but étant « d’assainir » les dépenses publiques, à commencer par les dépenses sociales.
Tout juste la dette excessive est-elle évoquée dans le résumé du Projet de loi 6449 portant approbation par la France du TSCG au sein de l’Union économique et monétaire, signé à Bruxelles, le 2 mars 2012 : « Or, face à la crise, certains Etats membres n’ont pas réussi à respecter les règles strictes fixées par le pacte de stabilité et de croissance et se sont ainsi livrés à des excès d’endettement et de déficit préjudiciables à l’ensemble de la zone euro, respectivement ont dépassé la limite des 3% de déficit autorisé pendant plusieurs années… »
Plus loin :
« …Le TSCG vise à préserver la stabilité de la zone euro dans son ensemble en obligeant les parties contractantes à maintenir des finances publiques saines et soutenables grâce au respect de règles spécifiques visant à prévenir tout déficit public excessif pouvant entraîner une dynamique pernicieuse de leur dette publique. »
« Excès d’endettement » ou « dynamique pernicieuse de leur dette publique » n’ont rien à voir avec le concept de dette illégitime.
Ces 2 termes renvoient à autre chose. Le traité de Maastricht, et les différents traités qui ont suivi, font référence au niveau d’endettement qui ne doit pas dépasser 60% du PIB de chaque pays.
J’ai cherché aussi dans d’autres textes comme le document de travail de la Commission Européenne daté du 26 février 2015 et intitulé « Rapport 2015 pour la France contenant un bilan approfondi sur la prévention et la correction des déséquilibres macroéconomiques ». |3|
La partie sur l’endettement public figure aux pages 32 et suivantes et là non plus, le concept d’illégitimité de la dette ne figure pas.
Si jamais un autre document de l’Union Européenne faisait référence à ce concept d’illégitimité, qu’ELH le signale, je le lirais avec intérêt.
Ce que, en revanche, le TSCG a « largement introduit comme un élément essentiel pour imposer les politiques de rigueur en Europe » (expression d’ELH), ce sont les notions de déficit excessif, de compétitivité, de coûts salariaux, de rigidités du marché du travail, etc... Mais pas le concept de dette illégitime.

 

Quand ELH cite des économistes « nouveaux classiques »...

ELH cite des auteurs néolibéraux qui font leur, selon lui, le concept de dette illégitime. Il est exact que, dans les théories de ces économistes qualifiés de « nouveaux classiques », l’Etat doit être réduit à une peau de chagrin. Pour eux, l’Etat-emprunteur détourne l’épargne de l’investissement privé. Pour ces penseurs néolibéraux, l’Etat ne saurait nourrir les politiques publiques par des déficits publics financés par l’emprunt.
Dit autrement, l’Etat ne saurait nourrir les politiques publiques tout simplement. On peut trouver une cohérence à cette déduction si on se réfère à la conception de l’Etat des néolibéraux libertariens.
Cette vision « vertueuse » de l’Etat, qui voudrait interdire par la loi (c’est une affirmation d’ELH qui n’a pas communiqué ses sources) le recours à l’emprunt pour financer des politiques publiques, n’a toutefois pas gêné un instant les adeptes du néolibéralisme quand les Etats sont venus au secours des banques en difficulté au travers des plans de sauvetage en 2008 et 2009.
Il n’était pas « illégitime » pour les marchés financiers que les Etats s’endettent à ce moment-là et s’engagent sur des garanties considérables. La socialisation des pertes privées échapperait donc au dogme sur l’endettement illégitime. A cette occasion, le concept néolibéral affirmé par ELH comme étant rigoureux est devenu bien élastique.
Quand les libéraux utilisent le terme d’intérêt économique général, cela recouvre en fait les intérêts particuliers de la classe sociale dominante. Les libéraux ont un projet de société fondé sur l’administration de la société par les seuls marchés, jugés plus efficients que les Etats.
La conception de l’Etat « fort » des néolibéraux libertariens limite celui-ci à 3 fonctions : l’armée pour la « diplomatie extérieure », la justice pour les contrats de commerce et la protection de la propriété privée et la police pour la politique intérieure. Le reste relève de « l’efficience » (terme d’ailleurs défini nulle part) des marchés, autoproclamés comme étant les meilleurs régulateurs du fonctionnement des sociétés.
Selon ELH, le concept d’illégitimité de la dette publique pour les néolibéraux repose sur leur conception de l’Etat. Un Etat « fort », dont la parole serait « sacrée » (on touche là le mystique, le religieux) et incontestable. Ce n’est pas ma conception de l’Etat. Pour moi, débattre de la nature d’un Etat, et d’un Etat pour quoi faire, par qui et au service de qui, voire de son dépassement, n’est pas chose tabou. C’est aussi, je crois, l’objet de la revue : explorer les alternatives à la société actuelle.
Le fait que les libéraux utiliseraient le terme de dette illégitime, si tant est que cela soit montré, ne signifie en rien qu’ils aient l’intention de la condamner ou de la répudier pour autant. De ce point de vue, les néolibéraux gèrent mieux leurs contradictions que d’autres… Dans « efficience », j’entends cynisme.
ELH renvoie de façon rapide aux ouvrages de quelques économistes libéraux : Kydland et Prescott (1977) d’une part et Barro et Gordon (1982-1983 et 1989 pour Barro) d’autre part. Ces 4 économistes dont les travaux fondent, selon Patrick Artus, |4| le comportement de la BCE qui ne doit travailler qu’au seul contrôle de l’inflation.
Barro, qui est le plus signifiant (le plus influent) des 4 sur l’idéologie dominante actuelle, se revendique du courant libertarien (l’Etat ne doit servir qu’à garantir le commerce libre et le droit de propriété). Ce que ces économistes reprochent à la dette publique est qu’elle mobilise l’épargne qui serait mieux placée, selon eux, dans les investissements privés.
Barro, lui, va au-delà de l’équivalence ricardienne entre emprunt et impôt, qui décrit la neutralité de la dette publique sur la croissance, du moins jusqu’à un certain seuil. Barro nous dit que la dette n’est qu’un impôt futur, un paiement différé qui pèsera sur les générations futures alors que les keynésiens nous disent que la dette pour financer des dépenses publiques lègue un état de l’économie avec un accroissement des actifs qui profite aussi bien aux générations actuelles que futures. |5|

Il ne dit nulle part à ma connaissance que toute dette publique est illégitime. Il situe la rupture entre un effet keynésien de la politique budgétaire et un ratio critique de la dette publique par rapport au PIB.

Deux économistes du FMI, Reinhart et Rogoff, |6| favorables, eux, à l’endettement des Etats, concluent également que l’accroissement de la dette publique au-delà d’un certain seuil (90% du PIB) cause un ralentissement de la croissance et que les Etats doivent diminuer leur ratio de dette publique vis-à-vis de leur PIB.
Au passage, ce seuil de 90% ne vaut pas grand-chose, l’histoire récente des pays ayant un ratio de dette égal ou supérieur le montre tous les jours. Celle des pays moins endettés aussi d’ailleurs.
Reinhart et Rogoff décrivent en revanche, dans l’ouvrage édifiant cité en référence, les multiples cas de défauts du paiement de la dette publique.
Barro explique, lui, que toute politique de relance financée par la dette, a, à partir d’un certain ratio dette/PIB, des effets négatifs sur la croissance via un effet d’éviction. Le débat se situe entre les effets keynésiens de l’endettement sur la croissance et les effets ricardiens de l’équivalence entre emprunt et impôt. |7|
Gordon critique l’excès d’endettement mais ne dit pas que toute dette publique est illégitime.
Le norvégien Kydland, non plus. Avec Prescott, il développe et modélise une extension de la pensée néolibérale où les acteurs publics doivent s’effacer devant une autorité « indépendante ». L’autre apport de ces deux Nobels est de formuler une sorte de syncrétisme entre la microéconomie (Robinson Crusoë par exemple) et la macroéconomie (les sociétés). Dans leur article commun le plus célèbre, |8| ces deux auteurs considèrent que toutes les politiques économiques discrétionnaires sont vouées à l’échec. Elles peuvent même être dangereuses et il vaut mieux les éviter. C’est pourquoi ils prônent un strict équilibre entre ressources et emplois des gouvernements, ce qui pourrait signifier un rejet de toute dette publique.
Il est préférable selon eux de substituer aux choix discrétionnaires des Etats des règles inscrites dans la loi, voire la Constitution ; ils citent comme type de règles la monétisation et des taux d’imposition fixes. Ce qui, de fait, supprime toute vie politique. Cette orientation dirigiste et le modèle Barro Gordon ont surtout concerné le débat sur les règles de fonctionnement de la BCE, du poids de son gouverneur, de son contrat (limitée à la lutte contre l’inflation), de son « indépendance » vis-à-vis des gouvernements (indépendance traduite dans ces statuts-art 105 et 107). C’est la Bundesbank qui a servi de modèle.
Ce n’est pas par hasard si ELH a choisi de citer ces 4 économistes plutôt que ceux plus représentatifs du courant majoritaire et aux « manettes » des affaires du néolibéralisme appliqué. A partir de la conception globale des libertariens, il peut déduire à peu près ce qu’il souhaite, y compris leur adhésion au concept de dette illégitime. C’est une traduction personnelle d’ELH des théories basées sur le moins d’Etat possible qui lui permet de dire que les libertariens pensent que toute dette publique est par essence illégitime. |9|
Dans la vraie vie, cette orientation n’est manifestement pas dominante chez les économistes néolibéraux et ELH « oublie » de faire état de ceux parmi eux qui sont aux affaires et sont favorables à l’endettement des Etat.
Ceux qu’ils citent sont sans doute représentatifs du courant « libertarien  » qui est très loin d’être majoritaire dans la sphère néolibérale.
Ainsi, les économistes et les décideurs des institutions comme le FMI, la Banque Mondiale, l’OCDE, la Commission Européenne, la Banque des Règlements Internationaux, j’en oublie, sont tous favorables à la dette publique, tout en étant opposés aux déficits budgétaires trop importants (pas d’«  excès d’endettement » ou de « dynamique pernicieuse de leur dette publique » - voir le TSCG cité par ELH).
Ce qui fait accord entre ces néolibéraux et ELH est qu’il faut rembourser la dette illégitime. De notre côté, nous ne pouvons pas être d’accord avec ça.

 

Questions : les dirigeants des banques qui prêtent aux Etats sont de quelle obédience ? Néolibéraux, c’est sûr ! Mais, opposés, comme les libertariens, à toute dette publique ? Ou plutôt favorables puisqu’ils en usent tous les jours ?

Le système-dette : un élément essentiel oublié par ELH

A mon humble avis de militant curieux, |10| ce débat procède d’une méconnaissance (volontaire ?) de la réalité du système-dette en vigueur sur toute la planète depuis le début des années 1970 et qui fonde notre conception de l’illégitimité de certaines dettes publiques.
Cette conception est diamétralement opposée à celle qui anime les néolibéraux cités par ELH.
En économie et en politique, comme en matière criminelle, il est toujours utile de connaître à qui profite le crime !
L’endettement public n’est pas (plus) depuis 45 ans, dans les pays dits développés, un instrument de financement des besoins collectifs. Il agit comme un mécanisme de transfert des ressources publiques vers le secteur financier privé :
- depuis le début des années 60 pour les pays du Sud,
- depuis la crise mondiale du début des années 70 pour les pays du Nord.

Avant les « indépendances » des pays du Sud, au début des années 60, la dette publique était surtout un instrument du colonialisme économique et un moyen de débouchés des surplus de production et de liquidités pour les pays colonisateurs.
Pour les pays du Nord, elle a été, notamment en France, grâce au « circuit du Trésor » (et un certain nombre d’annulations de dette - France 1946, Allemagne 1953) assise sur les entreprises publiques nationalisées, un des piliers de la reconstruction des pays après la guerre.
Un des autres piliers qui a favorisé la période dite des « 30 glorieuses  » a été le pillage des pays du Sud, ce qui autorise à dire que les années 1945 à 1975 devraient être plutôt qualifiées de « 30 odieuses ». Ce pillage continue… On l’appelle aussi extractivisme.

On appelle « système-dette » l’utilisation inversée de l’instrument de l’endettement public, qui consiste à soustraire des ressources plutôt que d’en apporter. Cela explique pourquoi les néolibéraux sont souples avec le concept d’illégitimité.
Ce système-dette opère de manière similaire dans le monde entier. Il repose sur le pouvoir international gigantesque du secteur financier, qui rend possible pour celui-ci le contrôle des structures légales, politiques, économiques et de communication des pays, en générant divers mécanismes qui pérennisent cette domination.
L’endettement est ainsi utilisé par les prêteurs comme un instrument de domination qui instaure une nouvelle forme de colonisation.

 

Qui dit dette dit créanciers.

Ces créanciers sont les grandes banques et institutions financières transnationales des pays de la Triade (USA, Japon, Europe).
Dans une moindre part, on trouve les États avec les prêts bilatéraux selon le circuit de financement suivant : les banques centrales (par exemple la BCE) prêtent aux banques privées à des taux très bas, ces banques privées prêtent ensuite aux États en empochant au passage une marge significative, certains États pouvant ensuite reprêter à d’autres États (notamment ceux qui ont des difficultés pour se financer) une partie de cet argent, en prélevant à leur tour au passage une marge.
C’est ce qu’ont fait 14 pays européens avec la Grèce ces dernières années.
Les prêts consentis par le FMI ou la Banque mondiale aux pays du Sud, profitent aussi directement ou indirectement aux sociétés transnationales, financières et non financières. C’est le propre du « consensus de Washington » et des plans d’ajustement structurels qui les accompagnent.
Pour les pays du Nord, ce sont les grandes banques, les assurances, les fonds de placement, qui perçoivent les intérêts de ces dettes qui portent la garantie des États.
On a vu le rôle joué par Goldman Sachs dans la crise de l’État grec. Le poids des dettes publiques dans ces conditions entraîne la domination politique et économique des institutions financières sur les États.
Pour conforter cette affirmation, nous livrons ci-dessous un extrait d’un ouvrage réalisé par le CADTM, en collaboration avec le CETIM (Audit citoyen de la dette publique : expériences et méthodes) et coordonné par Maria Lucia Fatorelli, aujourd’hui membre de la Commission pour la Vérité sur la Dette grecque.

Le système-dette a une place centrale au cœur d’une mondialisation financiarisée, de plus en plus concentrée comme le montre une étude académique importante réalisée en 2011 – Le réseau du contrôle mondial des sociétés transnationales, |11| souvent extractiviste ou imposant des politiques agricoles favorables aux multinationales.

Cette enquête qui est basée sur les activités d’un échantillon des 43 000 sociétés transnationales les plus importantes au monde, a mis en lumière l’existence de plus d’un million de liens de propriété entre elles. L’étude a ainsi révélé que 40% du contrôle de ces 43 000 entreprises est concentré dans un noyau de 147 sociétés hautement connectées entre elles, dont 75% sont des entités financières. Un peu plus de 50 entités détiennent ces 147 sociétés, concentrant donc le pouvoir économique mondial.

Cette étude permet de visualiser le pouvoir du secteur bancaire dans le monde entier et de comprendre son emprise sur les ressources et les flux économiques.
Une telle concentration de pouvoir, de contrôle et de propriété des affaires mondiales entre les mains du secteur bancaire a permis l’interférence de ce dernier dans le domaine politique et dans les décisions stratégiques gouvernementales, situation qualifiée par de nombreux chercheurs « d’hégémonie financière ».
Cette étude a mis en lumière l’impressionnante concentration du pouvoir et de la propriété dans les mains de seulement quelques institutions bancaires, parties prenantes de l’économie mondiale. |12|

 

D’un point de vue libéral, l’endettement et la soumission des Etats sont l’objet de bonnes affaires et ne relèvent pas de l’illégitimité !

Toujours sur les néolibéraux et la dette illégitime
La critique que les néolibéraux font de la dette publique n’a pour fonction que d’obliger les gouvernements à réduire les dépenses publiques et à baisser la fiscalité des grandes entreprises et des ménages les plus aisés. Cet équilibre budgétaire dont ils nous parlent, c’est en fait l’asservissement des budgets nationaux aux marchés (leur conception de l’intérêt général est plutôt une vision de certains intérêts particuliers).

 

Ils contestent aussi aux banques centrales la possibilité de s’occuper de dette publique.
Pour eux, une banque centrale est crédible (« à la Barro-Gordon ») parce qu’elle est indépendante (des Etats) et ne s’occupe que de l’inflation. La dépendance et la servilité des banques centrales aux banques privées ne semblent pas être un problème.
Si la crise de 2007 a montré de façon flagrante une chose, c’est que la BCE, son Conseil des gouverneurs et la Commission Européenne ne sont pas indépendantes des banques, mais bien à leur service. La restructuration de la dette grecque en 2012 en est un exemple flagrant. Elle a surtout favorisé les banques allemandes et françaises.
Selon eux et tout particulièrement pour les libertariens, toute intervention de l’État dans l’économie est source de sous-optimalité et de nuisance.
Je suis d’accord avec la description faite par ELH du TSCG et du « semestre européen » mais il n’existe pas pour autant de transcription dans la prose de l’Union Européenne et de ses institutions d’une quelconque interdiction du recours à la dette publique.
Le fait que le TSCG restreint de façon drastique le niveau toléré des déficits publics ne signifie en rien qu’il souhaite la disparition des dettes publiques. Il instaure un contrôle des budgets des Etats (semestre européen) par la Commission Européenne.
La stratégie à moyen ou long terme du TSCG tend à la réduction à minima de la souveraineté des Etats, ce qui préfigure le type de société souhaitée par les néolibéraux.

 

ELH renvoie aux traités européens, il introduit là un bémol :
Ce n’est plus cette fois toute dette qui serait illégitime, mais celle qui dépasserait les limites européennes (60% du PIB). ELH ne fait pas là qu’introduire un bémol, il touche le fonds du ridicule.
Ce qui fonde en effet l’illégitimité d’une dette n’est pas sa quantité, mais sa destination, les conditions dans lesquelles les contrats d’emprunt ont été souscrits. Cela nécessite de connaître si cette dette a été souscrite dans l’intérêt de la population ou à son désavantage. Une dette égale à 10% du PIB peut être illégitime tout comme une dette égale à 70% du PIB peut ne pas l’être.

 

Tous des libéraux, sauf moi !
ELH dit que ceux qui combattent la dette illégitime font le jeu du libéralisme. C’est un raccourci un peu stalinien, un syllogisme, non ? Tous les mammifères seraient donc gris la nuit ?
Parce que les libéraux ont une conception d’un Etat réduit à peu de choses, je devrais m’interdire de critiquer l’Etat comme structure d’organisation de la société ?
L’amalgame pratiqué par ELH est plutôt grossier et insultant. Il méconnaît ou feint d’ignorer les arguments diamétralement opposées à ceux des libéraux pour contester la légitimité de la dette publique.
En attendant, la dette publique dans le cadre du système-dette reste un outil formidable pour les néolibéraux pour asservir les peuples et les Etats, pour imposer des politiques publiques particulières et accroître les profits des transnationales, au premier rang desquelles, celles représentant le capitalisme financier.

 

Dans quel état, l’Etat ?
Dans son article, ELH confond un projet de société idéale défendue par les néolibéraux avec leur utilisation pragmatique des déséquilibres budgétaires et des dettes publiques actuels.
Ce n’est pas parce que les libéraux ont une conception particulière de l’Etat que je dois me contenter du maintien de l’existant.
L’alternative ne se réduit pas au choix entre une société néolibérale et la description faite par ELH d’un «  Etat puissant dont la parole serait sacrée ». (Avec des gros canons ?)
Un autre Etat est possible et souhaitable. Une autre forme de démocratie que la démocratie bourgeoise et délégataire où aucun contrôle des mandats n’existe, est à imaginer.
Dans des luttes sociales de plus en plus nombreuses, c’est ce qui est d’ailleurs déjà mis en œuvre, certes de façon pragmatique et éparse, mais relevant du même processus de construction d’une alternative sur le terrain des luttes et des pratiques sociales.
Quant aux exigences des libéraux pour neutraliser l’action de l’état, la meilleure réponse à leur apporter n’est pas de taire des arguments ou des revendications, mais de leur opposer un rapport de forces fondé sur des idées claires.
Je réprouve cette limitation de la pensée qui restreint les champs des possibles. La contestation est une nécessité pour jeter les bases d’un autre monde.
Il y a autre chose comme choix qu’entre un avant néolibéralisme, qui serait acceptable (le bon vieux temps… des colonies ?), et un néolibéralisme abominable.
En assimilant les partisans de l’annulation des dettes illégitimes aux libéraux, ELH fait fi d’une évidence : annuler la dette identifiée comme illégitime permet à l’Etat de consacrer plus d’argent à la satisfaction des besoins humains fondamentaux, à des services publics dignes de ce nom et à la nécessaire transition énergétique.
C’est l’antithèse du néolibéralisme.

 

2) Selon ELH, le concept de dette illégitime est un concept potentiellement antidémocratique

Pour faire court, ELH confond légitimité et légalité. Une fois le vote passé, on pourrait plus contester les actes d’un gouvernement, de l’Union Européenne, etc, au motif qu’ils tirent leur légitimité et celles de leurs actes du processus démocratique incarné par le vote.
ELH est-il à ce point déconnecté du monde réel pour ne pas avoir constaté qu’un pouvoir issu d’élections et donc détenteur d’une légitimité démocratique peut prendre des décisions illégitimes ?
Quand les peuples français et hollandais ont rejeté le TCUE en 2005, nos parlementaires « légitimes » se sont empressés de modifier la Constitution pour avaliser ce Traité sans tenir compte des votes de la population (54,87 % contre en 2005).
Dit encore autrement, tous ceux qui manifestent contre les décisions des gouvernements, quelles qu’elles soient, sont dans le déni de la démocratie. Les mobilisations appelées par les organisations syndicales contre les réformes des retraites votées par le Parlement ou celles du mouvement social contre les mesures austéritaires, entre autres, ne sont donc pas respectueuses du fait démocratique.
La militante anti-austérité qui a balancé des confettis sur Mario Draghi le 15 avril à Francfort lors de la réunion du Conseil des gouverneurs de la BCE serait aussi dans l’erreur puisque ce Conseil tire sa légitimité, au sens d’ELH, des statuts adoptés de la BCE.
Le gouvernement grec, légitimement et démocratiquement issu des élections du 25 janvier 2015, devrait se plier aux exigences de l’Eurogroupe, au lieu de les contester et d’appliquer le mandat donné démocratiquement par les électeurs. Après le concept de l’illégitimité, c’est la démocratie qui devient élastique et modulable ! La démocratie serait elle antidémocratique ?
Faut-il rappeler à ELH, en ce concerne l’Union Européenne, la déclaration récente du président de la Commission Européenne, le luxembourgeois Jean-Claude Junker : « il ne saurait y avoir de droits démocratiques contre les traités européens ! » ?
D’autre part, un candidat élu sur la base de promesses non tenues (« Mon ennemi, c’est la finance !  »), est-il légitime ?
Dit vulgairement : si la dictature, c’est : « ferme ta gueule ! », cette démocratie, au nom de la « continuité de l’Etat », c’est : « cause toujours ! ».
Enfin, et c’est sans doute le problème principal d’ELH et ses limites, il n’envisage pas du tout une rupture avec l’existant et méconnaît totalement l’histoire des défauts des dettes publiques.
Selon lui, un gouvernement qui ne rembourserait plus ses dettes illégitimes n’aurait plus la possibilité d’emprunter à nouveau. Or de multiples exemples démontrent le caractère fallacieux et erroné de cet argument.

 

Dette et histoire, un cumul d’inexactitudes par ELH.
De la rareté de la répudiation affirmée par ELH

Je ne saurais trop lui conseiller, à ce propos, le livre de Reinhart et Rogoff. |13| Ces deux économistes du FMI soulignent que depuis la fin de la 2e guerre mondiale, pas moins de 169 pays ont fait défaut totalement ou partiellement pendant une durée égale ou supérieure à 18 mois. Ces mêmes pays n’ont pas eu de difficultés à recourir depuis à l’emprunt.
Dans le même registre, je l’invite à lire également le livre de Thomas Morel et François Ruffin |14| ou celui de l’anthropologue américain David Graeber |15| pour comprendre que l’histoire de la dette depuis 5000 ans est parsemée d’annulations, de répudiations et autres défauts de paiement.
 

Les rois de France avaient eu aussi des problèmes avec leurs dettes. La dette finançait les opérations de guerre, les rançons ou la construction de châteaux L’expropriation, l’exil et, si nécessaire, l’exécution des créanciers royaux (Juifs, Lombards, Templiers) ont été d’usage fréquent pendant plusieurs siècles. Pour annuler la dette, quoi de plus simple en effet que d’annuler les créanciers ? Ce n’est pas ce que nous prônons.
Quand ELH cite la révolution française qui a repris les emprunts de Louis XVI en 1789, il omet de signaler l’annulation des 2/3 des assignats en 1797 (la loi du 9 vendémiaire an VI ou 30 septembre 1797 dite de la « banqueroute des deux tiers ») qui est une forme musclée de répudiation et d’annulation de la dette.
Cette loi décide que tous les créanciers de l’État subiront une perte correspondant aux deux tiers de leurs droits : désormais réduits au “tiers consolidé” (...) » : c’est « la banqueroute des deux tiers ». Ajoutée à l’annulation des créances des émigrés, c’est plus des ¾ de la dette de l’Etat qui sera annulée (77%).
De même, à la Libération, il y a eu annulation d’une partie de la dette publique française par les américains et une autre annulation, du fait, cette fois de l’Etat français, qui par décret du 31 décembre 1946, a plafonné le paiement des bons du Trésor à 5000 francs par porteur. Bien sûr, l’inflation qui était très élevée et les dévaluations successives ont réduit considérablement la valeur du stock de la dette publique qui n’était pas indexée, mais il y a bien eu annulation d’une partie la dette publique française. La dette publique qui était de 1500 Mds de francs à la Libération est ainsi passée à 6 Mds en 1948.
La révolution russe n’a rien inventé en matière de répudiation de la dette. Auparavant, les Etats-Unis ont, au moins à 2 reprises (Cuba et Espagne, nouveaux Etats confédérés et Angleterre), procédé à des répudiations de dette. Sur le site du CADTM, ELH pourra prendre connaissance des dizaines de cas d’annulation de dettes sur tous les continents et être rassuré sur ce point : l’annulation et la répudiation ne sont pas des phénomènes isolés, loin s’en faut.

 

3) Selon ELH, le concept de « dette illégitime » est un concept moraliste.

ELH est à la recherche de valeurs partagées pour justifier de l’illégitimité de la dette publique, accusant cette notion d’être chargée de moralisme, qualifié plus loin dans son article de « morale bourgeoise nauséabonde », à connotation ringarde. ELH préfère parler de dette inique ou injuste.
Pour la notion d’intérêt général, je ne saurais trop lui conseiller la lecture de la Charte de l’ONU de 1945, ratifiée par 186 pays en 1947, qui donne une définition de l’intérêt général. S’il souhaite quelque chose de plus précis encore, je le renvoie au PIDESC (Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels) adopté en 1966 et entré en vigueur le 3 janvier 1976.
Il peut aussi lire l’actuel préambule de la Constitution française, adopté en 1946 et toujours en vigueur.
Quant au « concept » d’illégitimité de la dette publique, s’il n’existe pas de définition dans le droit international, extrêmement riche est la jurisprudence en la matière. Je renvoie à ce sujet à l’intervention de Cephas Lumina |16| prononcé le 7 mai dernier au Parlement grec lors de la conférence de la Commission pour la Vérité sur la Dette grecque.
Enfin, je revendique des choix éthiques pour le fonctionnement de la société. Comme dirait un vieux copain à moi, il y a leur morale et la nôtre !
Quant aux choix particuliers, il est faux de dire que nous sommes tous l’intérêt particulier des autres. ELH fait là encore preuve de cécité quand il se refuse à voir que le fonctionnement de notre société comprend des intérêts antagonistes. Quand il parle de « notre intérêt », il raisonne comme personne isolée et non en termes de groupe social. Je reconnais que pour Robinson Crusoë, la lutte des classes est un concept abstrait, du moins jusqu’à l’arrivée de Vendredi…
Enfin, il nie le droit au combat politique, à la contestation du pouvoir élu (hors période électorale). Les majorités élues sur un programme, qu’elles respectent ou non, deviennent légitimes jusqu’aux prochaines élections, quoi qu’elles fassent, circulez, il n’y a rien à voir !
C’est une curieuse conception de la démocratie, ce n’est pas la mienne !
Je respecte pour ma part le choix des urnes sans pour autant me priver du droit de contester les décisions du pouvoir, aussi légalement et démocratiquement élu soit-il ! Quant à la permanence (continuité) de l’Etat et de sa parole, les marchés financiers nous montrent tous les jours que c’est leur opportunisme qui les guide et non des préceptes moraux ou affichés comme tels.

 

ELH et le rapport « démagogique » du CAC |17|

Ce qu’il y a de passionnant dans la critique de la dette est que ses sources sont pluridisciplinaires (du domaine de l’économie, mais aussi de l’histoire, de l’anthropologie, |18| du droit international, constitutionnel et public, de l’écologie, de la sociologie, |19| de la politique, etc.).
La vision d’ELH, elle, me semble très étriquée et bornée. Il illustre avec sa lecture du rapport du CAC, une approche légaliste (on ne peut contester une décision politique prise par un pouvoir élu démocratiquement), déplaçant la question de l’illégitimité sur la question des contreparties des baisses d’impôts des riches, baisse identifiée comme une des causes de l’accroissement de la dette de l’Etat français dans le rapport du CAC.
Il commet au passage une erreur sur la question du transfert générationnel de la dette (cette question a déjà fait l’objet de nombreuses réponses de la part de l’OFCE et d’économistes hétérodoxes comme Michel Husson |20|, François Chesnais |21| et Catherine Samary |22|).
Le transfert s’effectue de créanciers d’aujourd’hui à créanciers de demain et de débiteurs d’aujourd’hui à débiteurs de demain, ces groupes recouvrant des catégories sociales distinctes. Ce qui est posé est d‘abord une question de classes sociales et non de générations.

 

Baisse des impôts des riches et hausse de la dette

Enfin, il assimile à de la démagogie l’argument de la responsabilité de la baisse des impôts directs des ménages les plus riches (au cas particulier la baisse du taux marginal de l’IRPP de 65% en 1985 à 42,5% en 2014) et des entreprises (la baisse du taux de l’IS dans le même temps de 50% à 33,33% aujourd’hui avec la nuance que les très grandes entreprises payent un taux d’IS de l’ordre de 8% contre 28% pour les PME et les TPE).
Si « on », c’est-à-dire les gouvernements socio-démocrates et conservateurs, baisse les impôts des riches, c’est parce ces gouvernements sont acquis aux thèses du néolibéralisme. C’est l’application de la célèbre formule d’Elmut Schmitt : « Les profits d’aujourd’hui sont les investissements de demain et les emplois d’après demain ». Je suis d’accord pour constater que les profits sont au rendez vous, les investissements productifs, eux, sont devenus marginaux, quant à l’emploi….
S’il est vrai que la moitié des foyers fiscaux n’est pas imposable à l’impôt sur le revenu, ces contribuables contribuent de façon plus lourde pour leurs propres budgets que d’autres (classes moyennes et riches) au budget de l’Etat, via la TVA et les autres impôts indirects. Les prix TTC ne tiennent pas compte des revenus.
Croire comme l’écrit ELH, que la TVA permet de taxer le travail au noir ou une partie de l’argent de l’évasion fiscale et des trafics divers qui sinon échapperaient totalement à l’impôt, m’incite, de guerre lasse, à le renvoyer à la lecture des différents rapports sur la fraude fiscale rédigés par le ministère des finances depuis des dizaines d’années.
Dire aussi que la TVA n’est pas un impôt injuste, c’est ignorer la différence entre un impôt progressif et un impôt proportionnel. Affirmer comme il le fait que la TVA fait l’objet d’harmonisation au niveau européen pour éviter tout dumping fiscal relève, si on veut bien croire les données comparées d’Eurostat ou encore celles de la cellule Tracfin du ministère des finances pour la TVA intra communautaire, de la pure fiction.
Quant à la baisse de la taxe d’habitation, chose contestée par les fédérations syndicales du ministère des finances, ELH confirme sa méconnaissance du système fiscal français.
Sa hausse ou sa baisse n’affecte pas le budget de l’Etat et sa dette. La taxe d’habitation est perçue au profit des collectivités locales comme l’ensemble des impôts directs locaux.
Le coût de l’évasion fiscale est signalé dans le rapport du CAC, mais n’est pas intégré dans le calcul de la part illégitime de la dette (chiffrée à 59% du total du stock de la dette).
Par définition, le coût de l’évasion fiscale, malgré les travaux très pertinents de Gabriel Zucman |23| sur l’évasion fiscale qui la chiffre à 17Mds d’€ en moyenne par an comme manque à gagner pour l’Etat depuis 25 ans, ne peut faire l’objet que d’une estimation, comme la fraude fiscale d’ailleurs (voir les nombreux rapports parlementaires et syndicaux à ce propos).
Toutefois, le refus politique de lutte réelle contre l’évasion et la fraude fiscales, dénoncé par tous les syndicats des agents des finances publiques, peut constituer un critère d’illégitimité de la dette publique correspondante, la baisse des recettes fiscales générant un déficit que l’Etat finance par l’emprunt (se reporter au site de l’Agence France Trésor-aft.gouv.fr pour voir chaque année les tableaux des besoins de financement). Exemple pour 2015


 

Selon ELH, avancer que la dette française ne sert qu’aux riches serait prendre le risque que les libéraux dénoncent les aides sociales comme facteur d’accroissement de la dette.
Pour information, c’est ce qu’ils font déjà en déclamant comme une litanie que la dette publique résulte d’un excès de dépenses publiques. C’est aussi ce que contient la loi Macron, un banquier néolibéral de « gauche ». C’est aussi ce qu’imposait la Troïka au peuple grec.

 

Financiarisation et taux d’intérêt de la dette publique

Nous sommes bien d’accord avec ELH que les taux d’intérêt baissent depuis le début des années 1990. Mais l’accroissement du stock de la dette a bel et bien été généré par la financiarisation et des taux d’intérêt très supérieurs à l’inflation.
Selon les statistiques de la Banque de France, le coût de cet endettement sur les marchés s’est révélé particulièrement élevé entre 1980 et 1992.
Ainsi, en 1992, la France s’endettait à 10,4 % pour un taux de croissance de 3,5 %. Cet effet « boule de neige » |24| s’est atténué par la suite. Il est néanmoins responsable de 15 points de PIB de hausse du ratio dette/PIB de 1992 à 2002. |25|
Quant à la financiarisation, elle résulte de choix politiques qui ont consisté en un alignement sur les taux d’intérêt américains (décision Volker de 1979) |26|, à la déréglementation et à la privatisation des banques françaises à compter de 1986.
Avoir recours aux banques privées plutôt qu’à la CDC, au Trésor ou à la Banque de France, est une décision politique, prise bien avant que le Traité de Maastricht l’impose.
Outre la marge et les commissions encaissées par les banques sur le marché primaire de la dette, le niveau des taux d’intérêt a entraîné un surcoût responsable d’une partie de l’accroissement du stock de la dette de l’Etat, mais aussi de celles de la protection sociale et des collectivités locales.
Si le coût de l’intermédiation des banques sur le marché de la dette n’a pas augmenté et a même baissé en termes de pourcentage, en revanche, la masse de la dette sur laquelle cette intermédiation s’applique, elle, a explosé et le surcoût de cette intermédiation a suivi.
S’agissant de la dette publique de l’Etat, il relève du fait historique, que l’utilisation du « circuit du Trésor » (c’est-à-dire des banques nationalisées et des entreprises publiques), a non seulement financé des politiques publiques (la reconstruction du pays après la 2e guerre mondiale), mais n’a pas laissé un état de l’économie encombré par une dette publique contrainte, comme aujourd’hui, à « rouler » pour se renouveler et à financer des déficits et des intérêts de la dette.
Au milieu des années 1970, la dette publique était de l’ordre de 20% du PIB.
Ce « circuit du Trésor  » a permis une baisse du stock de la dette au moyen de taux d’intérêt négatifs.

 

Pourquoi pas avec les banques privées si ça marche ?

Transférer un moyen des finances publiques au secteur privé semble parfaitement légitime à ELH. A moi, non, c’est un pas de plus vers l’asservissement. La seule question, qu’il se pose est de savoir si cela est efficace, économiquement et socialement. Réponse : non, pourquoi ?
Pour ELH, sa préférence va quand même au financement gratuit et légitime par la banque centrale nationale, mais, pas de chance, dit-il : c’est interdit aujourd’hui par les traités européens !
Ce qui l’angoisse aussi un peu est la détention de la dette par des non résidents. Le chiffre de détention par des non-résidents de 60% du stock de la dette est avancé.
C’est une approximation déterminée à partir du mouvement des IDE. Mais une société française domiciliée aux Pays Bas comme EADS, par exemple, sera considérée comme un non-résident.

 

Pour un cadastre de la dette

Pour ELH, toujours, ce qui compte est à qui on paye les intérêts.
Je suis d’accord avec lui, c’est important de connaître les créanciers, résidents et non résidents. Je lui propose de militer pour un cadastre de la dette.
Le Code du Commerce et le Code Monétaire |27| et Financier interdisent aujourd’hui de connaître les détenteurs des titres de la dette publique française.
Les députés et sénateurs qui votent le budget et le paiement des intérêts de la dette ne savent donc pas à qui ces paiements sont effectués.
Des codes régissant le droit privé des affaires rendent ainsi opaque la destination de l’argent public.

 

Cette idée de cadastre de la dette n’est pas une idée neuve.

La loi du 24 août 1793 crée le Grand Livre de la dette publique dont l’objet est de « fondre en un seul titre (les assignats) les anciennes créances publiques » afin de bien la connaître.
Aujourd’hui, on fait encore référence à ce Grand Livre de la dette publique où figure l’engagement de l’Etat à payer les retraites des fonctionnaires.

Il s’agit là d’une innovation remarquable, c’est la création d’un « cadastre » de la dette qui permit d’identifier les créanciers et notamment les créances de ceux qui avaient fui la révolution qu’on appelait les émigrés.

Comment ça marche le paiement de la dette ?

Pratiquement, toutes les opérations sur les valeurs du Trésor se font par voie électronique au moyen d’un système de règlement/livraison nommé Relit Grande Vitesse (RGV), développé depuis 1998 par Euroclear France. |28|.Le Trésor public paie, via le système RGV, à une chambre de compensation qui, elle, connaît l’identité des créanciers.
Au sein de ce système RGV de règlement/livraison (pour les règlements et les achats), agissent ce qu’on appelle « les participants RGV » (qui peuvent être toute entreprise d’investissement disposant d’un passeport européen), soit :
- les intermédiaires financiers (SVT |29| et autres banques, « custodians », courtiers, etc.)
- les émetteurs des titres de la dette, pour la gestion de leurs émissions ;
- les dépositaires étrangers et les organismes internationaux de compensation (Clearstream International et Euroclear Bank).

Ces opérations de règlement ne sont pas opaques pour tout le monde puisque les instructions transmises par les participants RGV (règlements, échanges) sont accessibles via SWIFT. |30|.

Moratoire, audit, annulation…

Un moyen très efficace pour constituer ce cadastre de la dette (qui détient quoi ?) est de prononcer un moratoire du paiement des intérêts et du principal. Le gouvernement suspend le paiement. Les détenteurs de titres de la dette ne manqueront pas alors de se manifester.
Pour le CADTM, il n’est pas question de léser les petits porteurs (notamment dans le cas des assurances-vie constituées pour un complément de retraite). Cette épargne signifie d’abord que le niveau des retraites et des pensions est très largement insuffisant. Les retraités pauvres sont légion.
Un moyen pour garantir cela est, comme pour les banques, de procéder à la nationalisation et la socialisation (ou mise sous contrôle citoyen) de ces assurances dont le siège est aujourd’hui, pour toutes, situé au Luxembourg.
Le temps dégagé par ce moratoire doit être mis à profit pour réaliser un audit citoyen de la dette, c’est-à-dire de rendre transparent et lisible par le plus grand nombre les causes et mécanismes de la dette publique, ce que le CAC a commencé à faire partiellement dans le rapport critiqué par ELH.

A partir d’une campagne d’information publique, les conclusions et le travail d’un audit transparent, ayant accès à toutes les données et mené en lien avec le mouvement social, devront être portés à la connaissance de la population, qui décidera, par voie référendaire, par exemple, de l’annulation ou non des dettes identifiées comme illégitimes, odieuses, insoutenables et/ou illégales.

Pour une dette publique légitime et utile socialement

Être contre le remboursement des dettes illégitimes n’implique pas pour autant être opposé à tout endettement. Le réaffirmer ferme la porte à d’éventuelles caricatures. On ne sait jamais !
Si emprunter permet d’améliorer les conditions de vie de la population, sa santé, l’accès à l’éducation, à la connaissance en général, si emprunter permet à tous d’avoir accès à un logement décent, je considère que ce sont de bons investissements et que cette dette est envisageable.
Si investir grâce à l’emprunt fait par la banque centrale du pays à des taux voisins de zéro permet d’échapper à cette économie du tout polluant comme l’automobile ou le nucléaire ou encore des logiques extractivistes, |31| alors j’y suis favorable.
Même chose pour des prêts aux destinations similaires émanant d’une Banque Centrale Européenne dans une Europe des peuples, totalement refondée par une assemblée constituante, et où la démocratie ait un sens, ce qui n’est pas le cas aujourd’hui.
Cette position en faveur d’une dette choisie et légitime est particulièrement développée par Eric Toussaint et Damien Millet |32|, fondateurs le premier du CADTM Belge et le second du CADTM France.

 

En attendant, selon ELH, surtout, ne pas bouger !

Il précise plus loin, après avoir commis quelques poncifs sous politisés sur la nécessaire rentabilité des banques privées qui prennent des risques :
« Je combats la financiarisation obligatoire de l’endettement des États en Europe et souhaiterais que les banques centrales nationales puissent à nouveau jouer le rôle de payeur en dernier ressort de l’État, voire, comme dans les statuts de la Banque de France de 1973, que l’État ait accès à une tranche de financement gratuit à la Banque de France  ».
Ce qui est à retenir est qu’il souhaiterait mais qu’il s’incline devant les traités européens (c’est interdit !)…
L’enfer aussi, est pavé de bonnes intentions ! Dans la tradition chrétienne, on disait plutôt : « Les bonnes résolutions ne suffisent pas, sans leur réalisation, à éviter le mal et la damnation ».
ELH affirme que c’est la confiance en la parole de l’Etat qui explique le niveau très bas des taux d’intérêt et que remettre en cause la dette publique serait prendre le risque de voir les taux d’intérêt s’envoler à cause de la montée brutale du risque.
Le fait que les taux d’intérêt soient actuellement particulièrement bas est strictement lié à des questions conjoncturelles (QE de la BCE, cours très bas du pétrole, etc.) nous ne sommes pas du tout à l’abri d’un retournement.
Entre le 20 avril et le 14 mai, les taux d’intérêt très bas appliqués à la dette de l’Allemagne (les bons à 10 ans) ont été multipliés brutalement par 10. De façon plus globale, les causes structurelles à l’origine de la crise de 2007 sont toujours en place et l’idée de l’imminence d’une nouvelle crise, cette fois plus violente, parce que les Etats ne sont plus en capacité de venir au secours des banques en panne de liquidité, est partagée par de plus en plus d’économistes et de politologues.
Une nouvelle bulle financière est en cours et le propre d’une bulle est de finir par exploser ! Le capitalisme n’a pas résolu les causes de la crise mondiale du milieu des années 1970. Il a fait le choix de la mondialisation financiarisée qui, de crises en crises, conduit le monde (et la planète) à la catastrophe.
Quand à la valeur de la parole de l’Etat, elle n’existe pas. Ce que mesurent les créanciers et les agences de notation, c’est la capacité d’un Etat à rembourser. Cela figurait d’ailleurs dans les statuts du FMI, statuts que ce dernier a modifié pour prêter à la Grèce qu’il savait pourtant insolvable. |33|

 

Encore une fois, ELH se trompe de problème.

Annuler la dette illégitime sans résoudre la question de ses causes n’a pas de sens. Je partage à ce propos l’avis émis dans le rapport du CAC et par bien d’autres.
Une réforme fiscale d’ampleur est nécessaire pour sortir du cycle déficit-emprunt-déficit. Emprunter pour continuer à financer des déficits comme l’Etat français le fait depuis 40 ans est absurde et favorise le système-dette qui aliène l’Etat à ses créanciers. . La question de fonds restant celle de la répartition des richesses.
Œuvrer à améliorer les recettes budgétaires n’interdit pas de regarder du côté des dépenses publiques, mais avec un regard radicalement différent de celui des libéraux de gauche et de droite.
Une réforme fiscale, même d’ampleur, ne règlera qu’une partie du problème. Les raisons (pourquoi on emprunte ?) et les sources du financement (auprès de qui on emprunte ?) sont à revoir et l’idée partagée par de nombreuses organisations syndicales et par les organisations politiques à gauche du Parti socialiste est soit la constitution d’un pôle public financier, soit la socialisation de l’intégralité du système bancaire et des assurances. Cette idée fait, à mon avis, partie de la solution
Cette idée peut devenir très conséquente avec la nationalisation-socialisation de l’intégralité du secteur bancaire avec une réelle séparation de l’activité de dépôt et de celle appelée d’affaires.
Elle prendrait une belle tournure efficace économiquement et socialement avec l’interdiction des paradis judiciaires et fiscaux.
La question d’auprès de qui se financer, mais cette fois pour des projets utiles socialement, ne se poserait plus.
Inscrire ce choix dans la Constitution, comme l’a fait l’Equateur après l’audit mené en 2007-2008 par la commission d’audit intégral de la dette (CAIC), serait une garantie pour les citoyens.
Enfin, la remise en cause des traités européens et de la fausse « indépendance » de la Banque centrale Européenne rendrait possible une Europe des peuples avec une monnaie qui ne serait plus seulement unique mais commune, ce qui n’est pas le cas aujourd’hui.
L’euro, tel qu’il est, favorise objectivement les pays riches (le Centre) de l’Europe au détriment des pays pauvres (les Périphéries – les pays du Sud de l’Europe et les PECO). La question ne se limite pas à en sortir ou pas, mais savoir de quelle monnaie les peuples ont besoin pour faire quoi. Il existe aussi d’autres propositions soumises au débat comme celle de la double monnaie. |34|
Construire une Europe où la priorité serait donnée à une harmonisation économique assumée dans le cadre d’une transition énergétique résolument tournée vers un autre type de production, une société écologiquement transformée, où l’harmonisation par le haut du droit du travail et des conventions collectives serait un impératif commun, etc., etc.

 

4) Selon ELH, le concept de « dette illégitime » est un concept contradictoire
Syllogisme, quand tu deviens un mode de pensée…

ELH poursuit ses amalgames en assimilant toute position critique vis-à-vis des traités européens et de l’euro aux positions du FN, ou encore à celles d’une certaine partie de l’extrême gauche.
Tout comme pour le concept de la dette illégitime (re)visité par les libertariens et une grande partie de la gauche française, il procède à nouveau par syllogisme avec la délicatesse d’un char d’assaut.
Les motivations du FN sont diamétralement à l’opposé de ce qu’expriment les courants à la gauche du parti socialiste. Le FN souhaite changer la société à sa façon nauséabonde sans pour autant remettre en cause la structure du système économique. Il veut se placer comme le meilleur gestionnaire de la société, tout comme les nazis et les fascistes l’ont fait avant lui. Leurs sociétés restaient fondamentalement capitalistes. Il y a des lignées qui ne trompent pas…
Quant au débat avec une partie de la gauche radicale, ce n’est pas avec ELH que je le mènerai, ni l’objet de ma réponse.

 

A quoi sert la dette publique ?

ELH nous dit que l’important est de savoir à quoi sert la dette publique et quelle est la valeur des actifs publics qui en sont la contrepartie.
La dette publique peut être une bonne chose si elle permet d’améliorer les conditions de vie des citoyens (investissements dans la santé, l’éducation ou des infrastructures utiles à la société).
Depuis 40 ans, l’emprunt public ne sert pas à accroître les actifs de la société française. Il sert uniquement à payer 3 choses ; les déficits primaires, les intérêts d’emprunt et le capital des titres qui arrivent à échéance. Contrairement à la période précédente, la dette publique n’a pas pour contrepartie un accroissement des actifs, à l’exception limitée des investissements comme le TGV, Airbus et le lanceur de fusée Ariane. Ces investissements étaient censés favoriser la relance de l’économie mise à mal par la crise économique du milieu des années 1970.
Ces quelques exceptions à part, c’est bien un système inversé de la dette auquel nous assistons qui, il faut le rappeler, consiste à prélever des ressources plutôt que d’en apporter.
Les seuls gagnants dans cette affaire sont les créanciers. C’est pourquoi, dans le rapport du CAC, nous (c’est un travail à plusieurs mains) nous sommes attachés à analyser les causes de ces déficits chroniques du budget de l’Etat.
Une constante : les dépenses publiques n’ont pas augmenté. Elles sont restées stables sur toute la période, à l’exception du quinquennat 2008-2012 (sous Sarkozy) où elles ont augmenté légèrement.
C’est donc du coté des recettes qu’il faut chercher. Nous avons constaté, documents budgétaires et rapports parlementaires à l’appui, que les baisses d’impôt ont surtout (pas seulement mais surtout) concerné les déciles les plus fortunés de la population. L’examen des coûts budgétaires des niches fiscales pour la période 1990-2000 (rapport Carrez) confirme que ces coûts budgétaires ont profité essentiellement aux ménages les plus aisés.
Pour ce qui est de l’Impôt sur les sociétés, la baisse globale de 50 à 33,1/3% ne s’est pas traduite par une baisse égale pour toutes les entreprises. Les évitements légaux de l’impôt (l’optimisation fiscale) ont très majoritairement profité aux très grandes entreprises transnationales (comme Total qui, avec un bénéfice en 2012 de 14 Mds€ n’a pas payé un cent d’impôt au nom des dispositions du bénéfice mondial consolidé) aux grandes entreprises dont le taux moyen de l’IS a été ramené à un taux réel de 8% alors que les PME PMI, elles, se trouvaient imposées à un taux de 28%.
Ces 2 constats ont permis au CAC de démontrer que les baisses d’impôt ont surtout profité aux plus riches.
Les contreparties de la dette publique, pour la période 1975-2014, ne sont pas au rendez vous. En revanche, la dépendance de l’Etat vis-à-vis des marchés financiers, elle, s’est accrue. C’est l’objet du système-dette décrit plus haut.
Ce n’est pas la dette qui produit des services publics, c’est le budget de l’Etat. De 1980 à nos jours, s’est opéré, avec les lois de décentralisation, un transfert des compétences de l’Etat sur les collectivités locales. L’Etat n’a pas transféré les moyens correspondant. Résultat : les comptes des collectivités locales se sont dégradés. Comme la loi oblige ces dernières à avoir des comptes strictement à l’équilibre, les collectivités locales se sont endettées davantage pour réaliser des investissements (plus de 70% des investissements publics en France sont le fait des collectivités locales). Et certaines envisagent aujourd’hui l’emprunt pour financer leur fonctionnement, une solution que la réglementation leur interdit pourtant.
La dérèglementation et la privatisation des sources de financement des collectivités locales ont conduit à un accroissement de leur endettement, avec l’apparition de prêts toxiques fabriqués par les banques |35| qui font bondir les taux d’intérêt jusqu’à des sommets (proches de 30% dans certains cas).
Conséquence de la financiarisation de la dette, la faillite de Dexia et la création de la SFIL ont généré un surcoût considérable pour les finances publiques et du fait des dizaines de milliards de garanties accordées par l’Etat à Dexia, l’addition risque encore de s’alourdir.
La financiarisation de la dette de la protection sociale, à compter de 1996 (CADES pour la sécurité sociale) et 2004 (pour l’ACOSS) contribue aussi largement à l’accroissement de la dette publique brute au sens de Maastricht.
L’ACOSS se finance dans le paradis fiscal le plus important de la planète : la City de Londres. L’Unedic, elle, en est arrivée à titriser ses créances.

 

ELH nous dit qu’on ne peut revenir sur le passé.

Mais si, le droit le permet ! Les emprunts d’aujourd’hui sont la suite des emprunts d’hier, d’où l’intérêt de remonter à l’origine de chaque emprunt en cours et suivre toutes ses transformations successives.
Si un emprunt supporté aujourd’hui est la conséquence d’un emprunt illégitime d’hier, il devient à son tour illégitime. La jurisprudence du droit international est là pour le confirmer. Il y a continuité, pas uniquement quand cela arrange ELH !
En dehors du travail réalisé par le CAC, le projet existe d’une commission parlementaire d’enquête sur la dette publique. |36| Nous ne pouvons que souhaiter qu’elle se réalise et qu’elle travaille en lien avec les mouvements sociaux.

 

De la dette grecque

ELH reconnaît que le paiement de la dette est insoutenable pour le budget de l’État grec et qu’il faut, à ce motif, en annuler une partie, de façon consensuelle avec les créanciers, mais surtout pas au motif de son illégitimité.
A l’instar de Michel Sapin, le ministre des finances français, il est favorable au choix des électeurs grecs ET aux règles européennes. Quand les 2 entrent en conflit, ce sont les secondes qui l’emportent. Ben voyons…

 

Et si les grecs décidaient souverainement de ce qui les concerne ?

Aux dernières nouvelles, le gouvernement grec a approuvé la création à l’initiative de la présidente du Parlement grec, d’une Commission pour la Vérité sur la Dette grecque.
Cette Commission a pour objet d’interroger la dette du pays, de comprendre d’où elle vient, comment elle fonctionne, d’identifier sa part illégitime, illégale, odieuse et/ou insoutenable.
La Commission examine les documents afférents aux memoranda, aux contrats de prêts et à la dette en général. Mais elle travaille également sur l’ensemble des dossiers, y compris ceux portant sur les investigations susceptibles de donner lieu à d’éventuelles poursuites pénales. Ses travaux se font en conformité avec le règlement du Parlement européen n°472/2013.

Si appliquer des directives européennes, si vérifier que les contrats de prêt sont conformes avec la législation en vigueur et avec la Constitution du pays devient contraire aux traités européens, ce sont ces derniers qui posent problème, pas les Grecs.

Quitte à être soucieux de la légalité comme ELH, autant respecter et appliquer le droit jusqu’au bout ! Les Grecs ont plus de scrupules que l’Eurogroupe.
La Commission |37| rendra un rapport intermédiaire le 18 juin prochain et un rapport définitif en fin d’année. Avec ce rapport, la commission émettra des recommandations. Il appartiendra alors au gouvernement grec de décider lui-même des suites qu’il compte donner.
Interroger sa dette au regard du droit international reconnu par tous les pays qui adhèrent à la charte de l’ONU ne devrait pas poser de difficultés, ou alors cela revient à dire que la lumière fait peur aux créanciers.

 

La peur n’évite pas le danger !

ELH dit au passage que personne n’a intérêt à l’effondrement de la société. En est-il bien sûr ? Marx disait que : « la bourgeoisie préfère une fin effroyable à un effroi sans fin ». Après l’échec de la république de Weimar, quel a été le choix de la bourgeoisie ? Et qu’a-t-elle fait contre le Front populaire espagnol ?
Tout au long de l’article d’ELH, malgré toutes les arguties qu’il déploie, on sent une certaine frilosité, une crainte, pour ne pas dire une aversion à considérer le concept de la dette illégitime d’un point de vue opposé à celui des libéraux.
Si ce n’est pas une frilosité ou une crainte, c’est un choix, une complicité manifeste avec les tenants du néolibéralisme, ce qui ressort de son article.
En attendant, qu’il reprenne courage ou ombrage, une autre dette et un autre monde sont possibles !

 

 

 
Notes

|1| Exemple de syllogisme : La nuit tous les chats sont gris. Les chats sont des mammifères. Donc, la nuit, les mammifères sont gris !

|2| http://www.europaforum.public.lu/fr...

|3| http://www.google.fr/url?sa=t&r...

|4| http://cib.natixis.com/flushdoc.asp...

|5| Timbeau = Solidarité intergénérationnelle et dette publique (revue de l’OFCE janvier 2011, n°116).

|6| Reinhart et Rogoff : 8 siècles de folie financière, cette fois, c’est différent ?

|7| Selon Barro, il y a équivalence car une augmentation de la dette publique aujourd’hui correspond à une augmentation des impôts demain, pour rembourser la dette ainsi que les intérêts attachés à cette dette.

|8| « Les règles plutôt qu’une politique discrétionnaire : l’échec des plans optimaux » 1977, Journal of Political Economy.

|9| Je n’ai lu que quelques dizaines d’articles concernant les 4 économistes cités et certains de leurs textes mais je n’ai pas trouvé de référence à l’interdiction formelle de toute dette publique par la loi.

|10| Qui ne rejette pas les spécialistes (je ne me ferais pas opérer par un étudiant en 1re année de médecine) mais tente de rendre compréhensible par le plus grand nombre, ce qui relève d’un certain domaine réservé aux « experts ».

|11| Stefania VITALI, James B. GLATTFELDER et Stefano BATTISTON, « The network for global corporate control », PLoS ONE, 6(10), e25995, 2011, voir http://arxiv.org/pdf/1107.5728v2.pdf . Traduction française : http://www.pauljorion.com/blog/2011...

|12| cadtm.org/audit-citoyen-de-le-dette

|13| Déjà cité (voir note 7)

|14| Thomas Morel & François Ruffin, Vive la banqueroute ! Comment la France a réglé ses dettes de Philippe le bel à Raymond Poincaré, Fakir éditions, 2013.

|15| David Graeber, Dette : 5000 ans d’histoire, Les liens qui libèrent, 2013.

|16| Membre de la Commission pour la Vérité sur la Dette grecque, professeur de droit public à l’Université Fordham (Pretoria Afrique du Sud), ancien rapporteur indépendant du Conseil des Droits de l’Homme des Nations Unis, spécialiste de l’impact de dettes et d’autres obligations économiques internationales des Etats sur les Droits de l’Homme, notamment dans les domaines des droits économiques, sociaux, culturels et rédacteur en 2013 d’un rapport spécial sur la Grèce au Conseil des Nations Unies sur les droits de l’Homme. http://cadtm.org/Athènes-Conféren...

|17| Collectif pour un audit citoyen de la dette publique, « Que faire de la dette ? Un audit de la dette publique en France, 27 mai 2014. »

|18| David Graeber : déjà cité, voir note 14.

|19| Essai sur le don. Forme et raison de l’échange dans les sociétés archaïques, Marcel Mauss, 1923

|20| http://hussonet.free.fr/

|21| François Chesnais, Les dettes illégitimes. Quand les banques font main basse sur les politiques publiques, Raisons d’agir, 2011.

|22| http://csamary.free.fr/ « la dette, une arme de destruction (sociale) massive ».

|23| http://gabriel-zucman.eu/richesse-c...

|24| L’effet « boule de neige » résulte d’une progression autoentretenue de la dette de l’État, alimentée chaque année par la charge des intérêts. Dans la mesure où la croissance reste atone, il se produit un phénomène que le prix Nobel d’économie Trygve Haavelmo a appelé « l’effet boule de neige ».

|25| Collectif pour un audit citoyen de la dette, rapport d’étape, 2 juillet 2012.

|26| La hausse des taux d’intérêt US est responsable de la crise de la dette des pays du Sud en 1982, les taux d’intérêt des prêts accordés par la Banque Mondiale aux pays du Sud étant indexés sur les taux d’intérêts américains.

|27| Il s’agit des articles L228-2 du Code du commerce et L 212-4 du Code Monétaire et Financier.

|28| Clearstream et Euroclear France sont 2 centrales internationales de compensation dont le siège se situe pour la première au Luxembourg, pour l’autre à Bruxelles

|29| Les banques Spécialistes en Valeur du Trésor (SVT) sont au nombre de 20 (4 françaises et 16 banques étrangères). Elles ont le monopole du marché primaire de la dette (les ventes par adjudication de l’Agence France Trésor qui émet les titres de la dette). Elles agissent, moyennant rémunération, pour le compte de donneurs d’ordres (les détenteurs de la dette).

|30| En août 1973, la S SWIFT (Society for Worldwide Interbank Financial Telecommunication), « Société de télécommunications financières interbancaires mondiales » était créée par les 239 principales banques des 15 pays les plus riches de la planète afin de gérer les informations liées aux transactions financières internationales. En 2009, elle servait d’interface pour des transactions provenant de 8300 banques et de nombreux fonds spéculatifs de tous les pays, paradis judiciaires et fiscaux compris. Toutes les transactions y sont tracées, du donneur d’ordre au bénéficiaire en passant par les banques et fonds intermédiaires. Société coopérative de droit belge, elle restera très discrète jusqu’à « l’affaire SWIFT » en juin 2006. Des journaux américains ont révélé que le Trésor US (ainsi que la CIA et le FBI) a, depuis le 11 septembre 2001, et à la demande du gouvernement américain, accès à toutes les opérations transitant par SWIFT, et ce, au nom de la lutte contre le terrorisme. Ces informations étaient et restent inaccessibles pour les ministères des finances des autres pays. On imagine à quel point ces renseignements pourraient pourtant s’avérer très utiles pour lutter contre l’évasion fiscale et le blanchiment d’argent et aussi connaître l’identité des créanciers

|31| Voir le livre de Nicolas Sersiron : Dette et extractivisme, édition Utopia, préfacé par Paul Ariès.

|32| Voir AAA (Audit, Annulation, Autre politique) co-écrit par Eric Toussaint et Damien Millet, 2012, édité par Jacques Généraux, et Bancocratie, par Eric Toussaint, édition Aden 2014

|33| Voir l’excellent documentaire d’Arte : « la Troïka, puissante et incontrôlée ! »

|34| Lire à ce propos les notes récentes de l’institut Verben. De la monnaie unique à la monnaie commune : pour un fédéralisme monétaire européen par Bruno Théret & Wojtek Kalinowski (23-05-2015) ; L’euro-drachme, ballon d’oxygène pour la Grèce, de Thomas Coutrot, Bruno Théret et Wojtek Kalinowsky. http://www.liberation.fr/monde/2015...
 ; et Eric Toussaint in : http://cadtm.org/Syriza-Un-grain-de...

|35| Voir le livre de Patrick Saurin, militant du CADTM et de Sud BPCE : Les prêts toxiques : une affaire d’Etat, éditions Demopolis & CADTM.

|36| Cf. le rapport sur la proposition de résolution européenne relative à la dette souveraine des États de la zone euro (n° 2723 du 22 avril 2015), par m. Nicolas Sansu, Député.

|37| Soutenez cette Commission en signant « l’appel pour soutenir la Grèce qui résiste et sa Commission pour la Vérité sur la Dette publique » (http://greekdebttruthcommission.org )

Auteur

Pascal Franchet

Vice-président du CADTM France

 

 

Source : http://cadtm.org

 

 

 

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3 juin 2015 3 03 /06 /juin /2015 20:50

 

Source : http://www.mediapart.fr

 

 

L'Etat fait les fonds de poches d'EDF pour sauver Areva

|  Par martine orange

 

 

 

Le sauvetage d’Areva va coûter des milliards. Soucieux d’en diminuer le prix pour les finances publiques, le gouvernement souhaite qu’EDF partage la facture, en reprenant au moins l’activité de conception des réacteurs nucléaires. En compensation, l’électricien obtiendrait des hausses de tarifs et peut-être un abaissement des normes de sécurité nucléaire.

 

Les salariés d’Areva sont saisis d’inquiétude. Fait rare pour le groupe : 60 % d’entre eux ont répondu le 2 juin à l’appel de l’intersyndicale pour la défense de l’emploi et de leur métier. Tardivement, très tardivement, tous commencent à prendre la mesure de la catastrophe d’Areva et du fait qu’ils vont être les premiers à en payer le prix. Après avoir annoncé une perte record de 4,8 milliards d’euros en 2014, la direction du groupe nucléaire a donné une première estimation du coût social : 5 000 emplois au moins doivent être supprimés d’ici à 2017, dont 3 000 à 4 000 en France. « C'est le moment de mobiliser car on peut peser sur les choix qui vont être faits », a expliqué sur France Info Jean-Pierre Bachmann, le coordinateur de la CFDT, premier syndicat du groupe.

 

Chantier de l'EPR à FlamanvilleChantier de l'EPR à Flamanville © Reuters
 

Mais les choix ont toutes les chances d’être effectués sans eux. Une réunion de travail doit se tenir le 3 juin à l’Élysée, réunissant Manuel Valls, Emmanuel Macron et François Hollande, pour déterminer l’avenir du groupe nucléaire. Les décisions précises ne sont pas encore prises, selon nos informations. Mais les grandes lignes sont déjà arrêtées. Le gouvernement poursuit deux objectifs : assurer l’avenir de la filière nucléaire française totalement mise à bas avec le naufrage d’Areva ; et trouver les solutions qui coûtent le moins possible au budget de l’État. Toutes aboutissent au même résultat : Areva, tel qu’il a été créé en 2001, a vécu. Le groupe nucléaire est appelé à être démantelé.

Après l’effondrement d’Areva et le fiasco de l’EPR, le gouvernement aurait pu avoir la tentation de remettre à plat tout le dossier du nucléaire français. Il n’en est rien. « Politiquement, il est impossible à un gouvernement, quel qu’il soit, de renoncer à cette filière. Personne ne peut assumer de renoncer à cette voie et prendre le risque de déstabiliser EDF », explique un connaisseur du dossier.

Le corps des Mines comme tous les experts industriels qui conseillent les membres du gouvernement n’ont pas manqué de multiplier les arguments pour défendre cette « filière d’excellence », malgré tout, en insistant sur les pertes de savoir-faire, les risques industriels, la casse des PME du secteur, la concurrence chinoise ou russe, sans oublier les arguments écologistes. « Il faut sortir des visions idéologiques sur l’énergie. En dépit de Fukushima, l’énergie nucléaire a un avenir. On ne saura pas faire sans. Il n’y a plus que les écologistes militants qui défendent le contraire. Les productions d’énergie solaire ou éolienne ne peuvent pas suffire. Si l’on veut lutter contre le réchauffement climatique et les effets de serre, il n’y a que le nucléaire qui permette de produire une énergie sans CO2 », soutient un proche du dossier.

Le gouvernement avait-il besoin d’être convaincu ? En tout cas, il est prêt à reprendre telle quelle l’argumentation. Dans l’urgence, sa principale préoccupation est de faire face à l’effondrement d’Areva, entreprise maîtresse de la filière, et d’organiser son sauvetage. Car il est impossible, pour Bercy, de maintenir le groupe en l’état : il faudrait au bas mot entre 6 et 8 milliards d’euros pour renflouer Areva. En ces temps d’austérité et de réduction des dépenses publiques, le gouvernement ne veut pas engager de telles sommes. La filière nucléaire doit être sauvée mais au moindre coût pour l’État.

Au lendemain de l’annonce de la faillite d’Areva, la tentation première du gouvernement a été de forcer EDF à reprendre entièrement le fabricant de chaudières nucléaires. Le slogan était tout trouvé : le mariage d’EDF et d’Areva allait créer « le numéro un mondial de l’énergie ». Cette solution de facilité a déclenché un tollé chez EDF. Son nouveau président, Jean-Bernard Lévy, s’est opposé avec la dernière vigueur à cette intégration verticale qui n’apportait rien, sinon de la lourdeur et des surcoûts, a-t-il expliqué. La réalité des chiffres a fini par l’emporter : aussi grand soit-il, l’électricien public n’est pas en si bonne santé que cela. Il n’est, en tout cas, pas en mesure d’assurer seul le sauvetage de son sous-traitant.

Face à ce constat, le gouvernement est maintenant contraint de trouver d’autres solutions financières, à défaut d'être industrielles. Dans la précipitation, le rapport Roussely – ancien PDG d’EDF –, commandé par Nicolas Sarkozy en 2009 après les déboires français à Dubaï, a refait surface. C’est lui qui sert de guide aux décisions gouvernementales, même si l’exécutif ne le revendique pas.

Encadrer l'ASN

Comme le préconisait ce rapport, Areva devrait conserver toute son activité aval – retraitement du combustible, gestion des déchets – qui est considérée comme stratégique. De même, son activité minière, la plus rentable, devrait être ouverte à des capitaux extérieurs, et sans doute cotée. Areva en resterait, si ce n’est l’actionnaire majoritaire, au moins l’actionnaire principal. À la fin des années 2010, cette solution avait déjà été évoquée. Les fonds qataris s’étaient déclarés très intéressés par une prise de participation. Mais Anne Lauvergeon, alors en poste, s’y était opposée avec la plus grande fermeté.

 

© Reuters
 

Si les arbitrages gouvernementaux autour de ces deux activités ne semblent pas soulever de grands débats, selon nos informations, la question autour d’Areva NP, qui réalise la conception et la fabrication des réacteurs nucléaires, est beaucoup plus compliquée. Pour le gouvernement, la solution la plus simple est naturellement qu’EDF reprenne l’intégralité de l’activité. Jean-Bernard Lévy a avancé une autre idée : il propose la création d’une joint-venture entre EDF et Areva qui regrouperait l’ensemble des bureaux d’ingénierie et de conception des réacteurs nucléaires des deux groupes, afin de travailler ensemble sur une nouvelle conception de l’EPR, après les accidents à répétition sur les chantiers finlandais et de Flamanville, et sur de nouveaux réacteurs nucléaires plus petits.

« Jean-Bernard Lévy va-t-il réussir à résister aux pressions de l’Élysée et imposer sa solution ? Ce n’est pas sûr », dit un proche du dossier. Le président d’EDF a, en tout cas, fait savoir que, même s’il reprenait l’activité, ce serait sans avoir à assumer les coûts des plans sociaux à venir, les risques liés au chantier finlandais, les risques commerciaux sur d’autres projets, et sans toute l’activité chaudronnerie et forge, basée essentiellement au Creusot. Ce qui laisse un grand nombre de risques et coûts à la charge d’Areva et de l’État.

Le deuxième point de désaccord entre EDF et Bercy porte sur le prix d’acquisition. Sachant le nombre de milliards nécessaires au renflouement d’Areva, le ministère des finances souhaite que la vente d’une partie des actifs du groupe nucléaire lui rapporte le maximum. Selon nos informations, Emmanuel Macron, qui n’a pas oublié son ancien métier de banquier d’affaires, fixerait le prix d’acquisition de la branche réacteurs autour de 3,5 milliards d’euros. Le directeur financier d’EDF, Thomas Piquemal, lui aussi ancien banquier d’affaires chez Lazard, aurait fixé la limite à 2 milliards d’euros maximum. Pour se faire bien entendre, il menace de demander des « due diligence », c’est-à-dire un audit complet de l’activité, avant l’acquisition, ce qui, ferait-il valoir, ne serait peut-être pas à l’avantage d’Areva et de l’État.

 

Philippe Knoche, président d'Areva
Philippe Knoche, président d'Areva © Reuters
 

Quel que soit le schéma de reprise finalement retenu, EDF entend bien obtenir des compensations pour l’aide apportée à l’État. La première a déjà été annoncée par Jean-Bernard Lévy. Le président d’EDF réclame une augmentation des tarifs de 2,5 % par an sur trois ans. Cette hausse des tarifs figurait déjà parmi les recommandations du rapport Roussely. Celui-ci préconisait des hausses sensibles des prix, compte tenu des multitudes de charges auxquelles l’entreprise publique avait à faire face.

La deuxième réclamation est présentée de façon plus discrète. Elle chemine dans les couloirs et fédère tous les soutiens de la filière nucléaire. Tous demandent un abaissement des exigences de la sécurité nucléaire, un encadrement du rôle de l’Agence de sûreté nucléaire, voire son enterrement en première classe. À les entendre, l’EPR n’est pas la catastrophe industrielle et financière annoncée. Les failles repérées lors de la construction de la centrale, ou dans l’acier de la cuve, seraient largement passées inaperçues et auraient été acceptées, s’il n’y avait eu l’ASN. Toutes ces précautions, insistent-ils, sont démesurées et entraînent des surcoûts considérables.

L’abaissement des contraintes de sécurité, la reprise en main de l’ASN, jugée bien trop indépendante, figuraient aussi dans les recommandations du rapport Roussely. Les exigences de sécurité, expliquait alors l’ancien PDG d’EDF, étaient poussées à un niveau tel, qu’elles déclassaient les réacteurs français par rapport à ses concurrents du fait des surcoûts imposés, et tuaient la filière nucléaire française. À l’époque, Nicolas Sarkozy avait jugé plus sûr d’enterrer le débat. Mais les défenseurs du nucléaire français, oublieux tout même de Fukushima, n’en démordent : ils veulent en finir avec l’ASN et ses pouvoirs jugés exorbitants. Et il n’est pas sûr que cette fois ils n’obtiennent pas gain de cause, au nom de la compétitivité française, du rayonnement du nucléaire français et tant d’autres beaux principes.

Même si le gouvernement s’arrange pour étaler les coûts dans le temps, en reporter sur d’autres, en cacher certains, le sauvetage d’Areva, tel qu’il s’annonce, va coûter des milliards à l’État. Et encore, l’addition n’est pas définitivement arrêtée. Le sujet des activités renouvelables du groupe nucléaire n’est toujours pas traité. Les pertes de cette branche sont encore tues : elles s’élèveraient, selon nos informations, à 1,5 milliard d’euros. « C’est un sujet que le gouvernement ne peut pas aborder pour l’instant. À la veille du sommet sur le climat, il ne peut pas annoncer qu’il enterre les activités renouvelables d’Areva. Et puis, ce dossier a des implications industrielles. Il y a beaucoup de PME qui travaillent pour le groupe. Elles sont souvent dans des régions de gauche. C’est un sujet qui réapparaîtra après la fin du sommet sur le climat et les régionales », prédit un proche du dossier.

 

 

 

Source : http://www.mediapart.fr

 

 

 

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3 juin 2015 3 03 /06 /juin /2015 20:21

 

Source : http://blogs.mediapart.fr/edition/les-pepites-du-film-documentaire

 

 

Dès ce week-end, le documentaire «Pôle Emploi, ne quittez pas !» en intégralité sur Mediapart

 

26 200 personnes de plus se sont inscrites au chômage le mois dernier. Toutes catégories et sur la France entière, le nombre de demandeurs d'emploi atteint 5 645 000 personnes. Et qui s'occupe d'eux ? Toute la pertinence du documentaire de Nora Philippe est de passer de l'autre côté du guichet et de suivre les agents de Pôle Emploi. Son documentaire sera diffusé en intégralité sur Mediapart dès ce week-end.

Nora Philippe a posé sa caméra dans une agence du 93 où quarante agents font face à quatre mille demandeurs d’emploi. Ils doivent soutenir et surveiller, faire du chiffre, obéir aux directives politiques et aux injonctions de communication, trouver du travail là où il n’y en a pas... Ce film, sorti en salle à l'automne dernier, sera en ligne sur Mediapart pendant trois mois, grâce à notre partenariat avec Images en Bibliothèques.

Voici ce que l'un de leurs adhérents, Joël Gourgues, de la médiathèque Pierre et Marie Curie de Nanterre écrit à propos de Pôle emploi, ne quittez pas : « C’est l’ordinaire de l’agence de Livry-Gargan en Seine-Saint-Denis. Ouvrir l’agence, accueillir quotidiennement le flux des demandeurs, gérer les dossiers, leur disparition, parfois. Mettre en place les modifications administratives de gestion qui suivent le calendrier politique, faire face aux évolutions du système informatique et aux inévitables problèmes techniques qui s’en suivent.

Mais aussi gérer les dossiers d’indemnisation parallèlement à ceux du suivi vers un hypothétique emploi. Le tout encadré par une « stratégie de communication » définie par la hiérarchie.

Le film est une mosaïque d’instants de travail et de moments de détente. Les personnalités de quelques employés se révèlent peu à peu. Le point de vue est exclusivement du côté de l’agence et de son personnel. C’est par le regard des employés confrontés aux problèmes des demandeurs que nous partageons les angoisses des uns et des autres.

Nora Philippe a suivi l’équipe de Livry-Gargan sur plusieurs mois avant le tournage lui-même. La confiance acquise au fil des jours nous donne des séquences justes et fortes telle que cette conversation téléphonique entre une employée exaspérée, à la limite du supportable, et un demandeur d’emploi angoissé ; mais aussi les moments de parfaite complicité que l’on peut sentir lors de séances de travail ou des poses cigarette au cours desquelles la conversation continue de rouler sur le travail et ses difficultés.

Très vite le spectateur a la sensation de pénétrer en profondeur le dédale de la multiplicité des tâches qui fait le quotidien de ces femmes et de ces hommes, et nous sommes conquis par leur sérieux, leur engagement et surtout leur calme face à la complexité et à l’ampleur de la tâche. »

♦ Pour retrouver l'ensemble des documentaires diffusés par Mediapart et Images en bibliothèque, cliquez ici.

 

 

Source : http://blogs.mediapart.fr/edition/les-pepites-du-film-documentaire

 

 

 

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2 juin 2015 2 02 /06 /juin /2015 17:10

 

Source : http://bigbrowser.blog.lemonde.fr

 

 

Maryvonne contre les squatteurs : émoi et intox

 

 

La justice a tranché et les squatteurs sont partis, mais "l'affaire Maryvonne" continue à agiter les réseaux sociaux. Le tribunal d'instance de Rennes a ordonné, vendredi 29 mai, l'expulsion immédiate de la quinzaine de jeunes qui occupaient depuis dix-huit mois le domicile de Marie-Yvonne Thamin, 83 ans, à Rennes. Une affaire qui a enflammé ces dernières semaines médias, réseaux sociaux, mais aussi milieux d'extrême droite.

Mardi 2 juin, le fils de l'octogénaire, Pierre Thamin, s'est rendu sur les lieux en présence d'un huissier de justice. Il a découvert une maison "saccagée" et "totalement vandalisée", selon Ouest France et France 3 Bretagne.

 

Sur Twitter, ceux qui ont pris fait et cause pour la propriétaire se sont empressés de relayer les images de la maison telle que l'a découverte Pierre Thamin. C'est le cas de Jordan Lauer par exemple, qui se présente comme un cadre de Génération identitaire Lorraine, un mouvement de jeunesse d'extrême droite.

 

: La maison de saccagée par les squatteurs. Vous pourriez être le prochain, reagissez !

 

"Maryvonne a 83 ans, des jolis yeux bleus qui pétillent"

C'est le quotidien Ouest France qui a, le premier, alerté sur cette "affaire".

"L’octogénaire est à la rue car sa maison, à Rennes, est illégalement occupée. Il faudra des semaines de procédure avant d’expulser la quinzaine d’occupants que la loi protège, lance le quotidien le 29 avril. Maryvonne a 83 ans, des jolis yeux bleus qui pétillent, et une terrible question : 'Comment vais-je retrouver ma maison ?'", poursuit le journal.

Le ton est donné et sera adopté par une partie de la presse, locale et nationale. La pauvre mamie face aux méchants squatteurs à qui la loi permettrait tout. RTL par exemple écrit le 29 mai que Maryvonne, "qui multiplie les visites chez son médecin et les démarches pour récupérer sa propriété, s'est dite extrêmement fatiguée."

"C'est la loi anti-propriétaire, c'est pire que du venin. Si je n'avais pas mon fils, je crois que je me laisserais mourir", déclare-t-elle. La radio ajoute que Maryvonne attend de pouvoir rentrer chez elle depuis dix-huit mois.

Mais l'affirmation est fausse : le pavillon de la rue de Châtillon, à Rennes, n'était plus son domicile depuis des années. C'est ce que Maryvonne expliquait elle-même, le 30 avril, dans un texte publié sur Le Post.

"Je suis propriétaire d’une petite maison sur Rennes, raconte-t-elle. Jusqu’à il y a un mois, je me contentais d’y faire des allers-retours pour récupérer mon courrier car je vivais avec mon compagnon à Saint-Domineuc. Cette maison était vide et j’avais décidé de la mettre en vente. Le compromis était signé, il ne manquait plus que de finaliser la vente. Mais il y a un mois mon compagnon est décédé et ses enfants m’ont demandé, à juste titre, de quitter son domicile. J’ai donc décidé de retourner chez moi. J’avais un plan : vendre puis m’installer ailleurs. Je ne m’attendais pas à être interdite d’accès à ma maison."

Le Canard enchaîné, qui a consulté le dossier d'assignation au tribunal, précise que la vieille dame n'est pas l'unique propriétaire du 94 rue de Châtillon, mais partage ce bien avec d'autres membres de sa famille éloignée. Et que la maison était abandonnée depuis douze ans.

 

Une maison "insalubre"

Selon le collectif antifasciste rennais, ceux qui ont pris la défense de la vieille dame sont "un agrégat de royalistes, de supporters de football d’extrême droite, de néofascistes bretonnants, et de restes des fameux Bonnets rouges". Des militants du mouvement Adsav, parti nationaliste breton d’extrême droite, ont manifesté le 1er mai devant le pavillon de Maryvonne pour demander l'expulsion des squatteurs.

L'avocate des jeunes occupants a assuré que la maison était "complètement insalubre" avant leur arrivée, faisant état de moisi, de trous dans le toit et de planchers qui s'effondraient. Elle a indiqué au Figaro que ses clients avaient "tenté d'améliorer un confort sommaire".

 

Partir en week-end et se retrouver à la rue

Libération souligne qu'une autre contre-vérité a largement circulé tout au long de "l'affaire". Celle selon laquelle la loi ne laisserait que 48 heures à un propriétaire pour demander à la police de faire évacuer les squatteurs. Passé ce délai, le propriétaire devrait saisir la justice et s'engager dans une démarche judiciaire qui pourrait s'avérer très longue.

"Un simple départ en week-end prolongé, et on peut se retrouver mis à la porte de chez soi par un intrus ?" résume le site Atlantico le 11 mai. Une question rhétorique à laquelle Patrick Chappey, professionnel du secteur immobilier, répond de manière tranchée :

"Effectivement, c'est pourquoi il ne faut pas hésiter à demander à ses voisins ou des amis de vérifier les lieux en cas d'absence prolongée. Des mesures de protection peuvent être efficaces. Mais dans un contexte où les gens ont de plus en plus de mal à se loger en France, ces cas ne peuvent qu'être plus nombreux."

"Une octogénaire de Rennes se retrouve à la porte de chez elle. Et la loi ne peut, pour l'instant, rien pour elle", notait aussi, dans la même veine, le site d'Europe 1 :

"Pourquoi est-ce si difficile de récupérer son logement ? s'interroge le site. C'est parti pour un long parcours judiciaire. Maryvonne Thamin se situe dans la situation la plus compliquée : son avocat peine à trouver l'identité des squatteurs, et ces derniers disposent également d'un avocat. La route risque d'être longue."

La réalité est pourtant plus complexe. Ou en tout cas moins favorable aux squatteurs que certains semblent le laisser penser. Selon Libération, la loi sur le droit au logement opposable (DALO), adoptée en 2007, "vise au contraire à faciliter l'expulsion de squatteurs potentiels". Le quotidien se réfère à l'article 38 de cette loi :

"En cas d'introduction et de maintien dans le domicile d'autrui à l'aide de manœuvres, menaces, voies de fait ou de contrainte, le propriétaire ou le locataire du logement occupé peut demander au préfet de mettre en demeure l'occupant de quitter les lieux, après avoir déposé plainte, fait la preuve que le logement constitue son domicile et fait constater l'occupation illicite par un officier de police judiciaire.

La mise en demeure est assortie d'un délai d'exécution qui ne peut être inférieur à vingt-quatre heures. Elle est notifiée aux occupants et publiée sous forme d'affichage en mairie et sur les lieux. Le cas échéant, elle est notifiée au propriétaire ou au locataire."

Toujours selon Libération, les "fameuses 48 heures" ne sont qu’une interprétation de la notion de "flagrant délit", définie dans le code de procédure pénal, lequel ne fait référence qu’à «un temps très voisin de l’action». "A en croire certains avocats, ces 48 heures ne seraient qu’une coutume policière sans le moindre fondement juridique", précise le quotidien.

C'est en effet ce que semble confirmer le ministère de la justice, interrogé sur ce sujet par Jean-Marie Bockel en 2012. Dans sa réponse publiée au Journal officiel, le ministère précise que l'infraction de violation de domicile est un délit "continu".

"Tant que la personne se maintient dans les lieux, les services de police ou de gendarmerie peuvent diligenter une enquête dans le cadre de la flagrance. Cela leur permet notamment l'arrestation de l'auteur de l'infraction, dans les lieux, entre 6 heures et 21 heures, et son placement en garde à vue afin que des poursuites pénales puissent être diligentées."

 

2,6 millions de logements inoccupés

Libération a recensé plusieurs cas où des domiciles ont été squattés, rapportés par la presse ces dernières années. A chaque fois, ils se sont soldés par une "victoire extrêmement rapide des propriétaires", constate le quotidien. Qui ajoute : "Maryvonne T. n'habitait pas dans son pavillon, qu'elle a dit elle-même vouloir revendre : elle l'aura récupéré au bout d'un mois."

Le Bondy Blog a lui interrogé le président de l'association Droit au logement (DAL), Jean-Baptise Eyraud. “Il y a beaucoup de logements vides, et beaucoup de gens dehors,” remarque-t-il. Le site rapporte les chiffres de l'Insee, selon lesquels la France compte plus de 2,6 millions de logements et près de 4 millions de mètres carrés de bureaux inoccupés.

Il relève aussi que les préfectures de police ne recensent pas les occupations de domicile, ce qui rend l’ampleur du phénomène difficile à estimer. Elle n'est pas proportionnelle en tout cas à celle de la mobilisation, notamment dans les milieux d'extrême droite, pour défendre Maryvonne.

Reste que des députés se sont emparés du sujet : Julien Aubert et Marc Le Fur, des Républicains, et Nicolas Dupont-Aignan, de Debout la France, ont élaboré des propositions de loi visant à étendre la violation de domicile et à la punir plus sévèrement. Le DAL dit redouter une "criminalisation" des squatteurs.

 

 

Source : http://bigbrowser.blog.lemonde.fr

 

 

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2 juin 2015 2 02 /06 /juin /2015 16:04

 

Source : http://www.agoravox.fr

 

 

Vrais chiffres chômage avril 2015, 49700 chômeurs de plus, malgré 295500 radiés ce mois
par patdu49
mardi 2 juin 2015

 

 

 

Janvier + 28 100, Février + 25 600, Mars + 30 000, Avril + 49 700

6 327 700 privés d'emploi et travailleurs occasionnels officieux, toutes catégories confondues, + 3 783 900 invisibles qui n'entrent pas ou plus dans les statistiques officieuses ( chiffres détaillés bas de page ).

total : + de 10 MILLIONS de chômeurs en France (fourchette basse).

 

- Radiations Administratives (les punis) : 42 900, 9,3 % des sorties. (- 11% sur 1 an)

- Autres Cas (morts, suicidés, emprisonnés et départs à la retraite..) : 53 000 et 11,5 % des sorties. (+ 4,1% sur 1 an)
 
soit 295 500 radiés des listes (64 % des sorties) ce mois pour autres motifs que :

- Stages parking : 45 400, 9,8 % des sorties. (+ 4,6% sur 1 an)

- Arrêts maladie, maternité, etc : 35 300, 7,6 % des sorties. (- 4,1% sur un an)

- Reprises d'emploi déclarées : 86 100, ne représentent que 18,6 % des sorties des listes de pôle emploi. ( -10 % sur 1 an )

Demandeurs d'emploi par catégories :

 
 
A : 3 536 000 +0,7 % ( + 5,1 % sur 1 an ).

B : 696 900 +1,9 % ( + 6,1 % sur 1 an ) travailleurs pauvres moins de 78 heures.
C : 1 111 700 +1,4 % ( + 14,9 % sur 1 an ) travailleurs pauvres de + de 78 heures. 

D : 275 300 -1,5 % ( - 0,7 % sur 1 an ) stages parking, occupationnels etc.
E : 377 900 +0% ( - 4,2 % sur 1 an ) contrats aidés etc.

TOTAL : 5 997 800 ( données corrigées ), hors DOM TOM, soit + 5,9 % sur 1 an, 49700 chômeurs de plus, par rapport à Mars.

TOTAL, dom-tom compris : 6 327 700 ( page 15 du rapport de la DARES, lien en bas de page ).

Quelques chiffres qui parlent :

Chômage Longue durée (entre 2 et 3 ans) : + 8,9 % sur 1 an.
Chômage Très Longue Durée + de 3 ans : + 18,5 % sur 1 an.

Chômage des 50 ans et +, + 9,8 % sur 1 an.

+ d'1 chomeur inscrit à pôle emploi sur 2 (52,2 %) ne perçoit AUCUNE INDEMNITE, ni ARE (allocation retour à l'emploi), ni allocation de solidarité (ASS, AER)

Offres d'emploi disponibles, dernier chiffre connu : 336 442.

Le + scandaleux, LE CHÔMAGE INVISIBLE, complètement en dehors des statistiques :

Ne sont pas comptés dans ces 6 327 700 demandeurs d'emploi et travailleurs pauvres occasionnels :
 
1 283 900 foyers bénéficiaires du RSA, en effet sur 2 300 000 environ de foyers (dernier chiffre connu) , seuls 1 016 100 sont inscrits à Pôle Emploi, les autres bénéficient d'autres suivis (associations, collectivités locales, etc.) en sachant qu'un foyer bénéficiaire, comporte parfois + d'un demandeur d'emploi en son sein, donc si on parle en nombre d'individus c'est pire.

+ encore 1 100 000 au bas mot, sur les environs 2 millions de bénéficiaires de l'AAH ou d'une pension d'invalidité, qui ne sont pas inscrits à Pôle emploi, malgré une aptitude et un désir d'accès à emploi adapté.

+ encore 1 400 000 de SANS-DROITS, qui sont principalement :

- des jeunes de moins de 25 ans, primo demandeurs d'emploi, qui comme vous le savez n'ont même pas droit au RSA. (quasi unique en Europe), favorisant délits, crimes, trafics, prostitution, esclavagisme moderne etc.

- des sans droits, pour motif, dépassement des plafonds de ressources dans le foyer, exemple, votre conjoint(e) perçoit 650€ d'allocation chomage, ou 800€ d'allocation adulte handicapé, vous n'aurez même pas droit au RSA, car vous dépasserez le plafond couple qui est de 647€ par mois, si vous êtes NON SDF.

- des bénéficiaires de pensions de reversions ( veufs, veuves ) de 55 ans et +, qui dépassent les plafonds du RSA ( 452€ pour une personne seule ), et qui n'ont pas l'âge pour prendre leur propre retraite ou pour percevoir le minimum vieillesse ( 65 ans ) qui s'appelle aujourd'hui "A-S-P-A" (allocation solidarité aux personnes âgées), qui est récupérable sur le patrimoine, au décès.

- des bénéficiaires de pensions alimentaires qui dépassent les plafonds du RSA (plafonds 2 fois inférieurs aux seuils de pauvreté, une véritable honte)

- des étudiants, boursiers ou non, qui cherchent des petits jobs alimentaires, qui sont donc bien demandeurs d'emploi, en concurrence avec les autres (même si beaucoup sont aussi exploités en stages sous payés, voire gratuits).

- des auto-entrepreneurs, qui ne gagnent rien ou presque, et sont demandeurs d'emploi en parallèle.

- on peut parler également de retraités qui cherchent un emploi car leur retraite ne couvre pas les charges fixes pour survivre ( loyer, énergie, assurances, voiture, téléphone, eau, nourriture, santé (lunettes, dentiste ..) incalculable.

Faites le calcul vous même, on arrive au total, à + de 10 MILLIONS demandeurs d'emploi en France, et travailleurs pauvres occasionnels.
 
Sources : Rapport complet de la DARES de 20 pages (et non pas le simple communiqué de presse envoyé aux médias) : http://travail-emploi.gouv.fr/IMG/pdf/PI-Mensuelle-LJ23SM.pdf

Rendez-vous le jeudi 25 Juin 2015, pour avoir les vrais chiffres du chômage de Mai 2015.

 

 


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Vrais chiffres chômage janvier 2015, 28100 chômeurs de +, malgré 309600 radiations de + ce mois
Vrais chiffres chômage février 2015, 25600 chômeurs de +, malgré 296100 radiations ce mois
Lettre d'un chômeur au banquier/ministre Macron

 

 

Source : http://www.agoravox.fr

 

 

 

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2 juin 2015 2 02 /06 /juin /2015 15:28

 

Source : http://www.humanite.fr

 

Les ghettos de pauvres en France
Gérard Le Puill
Mardi, 2 Juin, 2015
Humanite.fr

 

 

insee
 
 
 
 
 
L’INSEE rend publique ce 2 juin une étude réalisée en 2012 à partir du « Fichier localisé social et fiscal » sur le taux de pauvreté en France. Elle confirme ce qui est observable à l’œil nu en y apportant des données chiffrées incontestables.
Selon l’étude rendue publique ce matin, les poches de pauvreté sont plus importantes dans le Nord et dans le Sud de la France que dans l’Ouest et l’Est du pays en général. Elles sont aussi plus importantes au cœur des villes que dans les périphéries résidentielles, plus importantes dans les départements qui ont beaucoup de logements sociaux que dans ceux qui en ont peu. Dans ces derniers, le niveau de revenu des ménages aisés est très élevé. A Neuilly , la ville dont Nicolas Sarkozy fut le maire avant d’être ministre de l’Intérieur, puis président de la République, le revenu annuel des 10% des ménages les plus aisés est le suivant :111.700€ par an pour une personne seule comptant pour un ménage ; 167.000€ pour un couple sans enfant ; 234.570€ pour  un couple avec deux enfants de moins de 14 ans. Précisons que  l’étude porte sur 2012, année ou Nicolas Sarkozy terminait  son quinquennat. Voilà dans doute pourquoi il préfère désormais disserter sur la République que sur la politique économique et sociale qui serait la sienne s’il revenait à l’Elysée. 

27% des habitants du 93 vivent sous le seuil de pauvreté

Si on regarde maintenant le niveau de vie des 10% de ménages les plus pauvres, il ne dépasse pas les 11.700€ par an et par unité de consommation dans toutes les régions de la France métropolitaine. Mais il tombe à 8.990€ en Corse, à 9.650€ dans la région Nord-Pas de Calais. Quand au niveau de vie médian des ménages vivant sous le seuil de pauvreté, il est de 8.620€ à Paris par unité de consommation, contre 9.900€ en Vendée. Plus généralement, 20% des ménages habitants la Corse, le Languedoc-Roussillon, le Nord-Pas-de-Calais vivent sous le seuil de pauvreté. Il en est de même pour 27% des habitants de la Seine-Saint-Denis alors que l’on tombe à 9% dans les Yvelines. En Languedoc-Roussillon, la Lozère, moins favorisée que le Gard, l’Hérault, l’Aude et les Pyrénées Orientales par la nature, compte néanmoins un pourcentage de pauvres inférieur à la moyenne régionale. Sans doute faut-il voir là une conséquence de choix économiques davantage centrés sur les productions et activités qui utilisent intelligemment les ressources du  terroir et les circuits courts de mise en marché.

Faire grossir les villes-centres ne fait pas reculer la pauvreté

L’étude montre aussi que la part des prestations sociales dans le revenu disponible des plus pauvres est plus élevée que la moyenne nationale dans les villes-centres où elle représente en moyenne 46% pour les 10% de personnes les plus modestes. À l’inverse, pour les 10% de personnes les plus aisées de ces mêmes villes-centres, la part du revenu du patrimoine représente en moyenne  30% du revenu disponible. Bien qu’il ne s’agisse pas ici de l’essentiel, on peut penser que 20 années de défiscalisation offerte aux particuliers qui profitent de cette manne pour devenir des propriétaires de logements locatifs privés les ont bien enrichis, nos impôts servant à les enrichir une seconde fois des années durant via l’aide personnalisée au logement (APL) dont le produit profite finalement à hauteur de 94% au loueur dès lors que ça rend le locataire solvable.
Notons enfin que 77% de la population pauvre réside dans les 230 grandes aires urbaines de la France métropolitaine. 65% sont dans les grands pôles urbains dont 20% dans l’aire urbaine de Paris. Dit autrement, faire grossir les villes-centres en y concentrant fortement l’emploi et les activités économiques ne fait pas reculer la pauvreté. On peut même penser que la ségrégation par le logement dans les grands ensembles pose d’autres problèmes aux ménages qui quittent ces mêmes ensembles pour  devenir propriétaires de leur logement en lointaine banlieue avec des coûts de transports et des remboursements d’emprunts qui mettent beaucoup d’entre eux à la lisière de la pauvreté.

3.536.0000 personnes sans la moindre activité

Cette étude a été rendue publique au lendemain de la publication des chiffres du chômage pour le mois d’avril. On y compte 26.2000 chômeurs de plus qu’en mars en catégorie A, soit un total de 3.536.0000 personnes sans la moindre activité. S’y ajoutent plus de 1.804.600 personnes qui n’ont pu avoir que quelques heures d’activité dans le mois, ce qui les maintient dans les statistiques des sans emploi avec le niveau de pauvreté et de précarité qui va avec. Autant dire que la pauvreté et la précarité se sont encore accrues depuis 2012 puisque le chômage n’a cessé de croître. Ajoutons que les mauvais chiffres du chômage en dépit d’un modeste rebond de la croissance du Produit intérieur brut (PIB) au premier trimestre cachent sans doute quelques perversités dans le fonctionnement de l’économie  dérégulée. Il s’agit notamment du travail clandestin sur lequel le gouvernement et son ministre du Travail ont tendance à fermer les yeux dans des secteurs comme le bâtiment, les travaux publics et les emplois à domicile. 
 
 
 
 
 
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2 juin 2015 2 02 /06 /juin /2015 15:04

 

Source : http://www.reporterre.net

 

« La dette publique est une blague ! La vraie dette est celle du capital naturel »

2 juin 2015 / Entretien avec Thomas Piketty
 


 

 

Alors que le chômage atteint un record, montrant l’inanité de la politique néo-libérale, l’économiste Thomas Piketty rappelle que l’inégalité est au coeur du malaise actuel. Il pourfend les croissancistes. Et appelle à une refonte de la pensée économique pour prendre en compte « le capital naturel ».


Reporterre - Quelle idée principale inspire votre livre, Le Capital du XXIe siècle ?

Thomas Piketty - Mon travail déconstruit la vision idéologique selon laquelle la croissance permettrait spontanément le recul des inégalités. Le point de départ de cette recherche est d’avoir étendu à une échelle inédite la collecte de données historiques des revenus et les patrimoines. Au XIXe siècle, les économistes mettaient beaucoup plus l’accent sur la distribution des revenus que cela n’a été le cas à partir du milieu de XXe siècle. Mais au XIXe siècle, il y avait très peu de données. Et jusqu’à récemment, ce travail n’avait pas été mené de manière systématique, comme on l’a fait, sur plusieurs dizaines de pays sur plus d’un siècle. Cela change beaucoup la perspective.

Dans les années 1950 et 1960 dominait une vision très optimiste, formulée notamment par l’économiste Kuznets, selon laquelle, une réduction spontanée des inégalités s’opérait dans les phases avancées du développement industriel. Kuznets avait en effet constaté dans les années 1950 une réduction par rapport aux années 1910. C’était en fait lié à la Première guerre mondiale et à la crise des années 1930. Kuznets en était conscient. Mais dans l’ambiance de la guerre froide, il y avait besoin de trouver des conclusions optimistes pour expliquer – en particulier aux pays en développement : « Ne devenez pas communistes ! La croissance et la réduction des inégalités vont la main dans la main, il suffit d’attendre. »

Or, aux Etats-Unis et dans les pays développés, les inégalités sont revenus aujourd’hui à des niveaux très élevés, équivalents à ceux que Kuznets avait mesurés dans les années 1910. Mon travail décompose ces évolutions, avec comme thème central le fait qu’il n’y a pas de loi économique inexorable conduisant, soit à la réduction des inégalités, soit à leur diminution. Il y a un siècle, les pays européens étaient plus inégalitaires que les Etats-Unis. Aujourd’hui c’est le contraire. Il n’y a pas de déterminisme économique.

 

Vous montrez l’importance de la classe moyenne. Est-ce elle qui permet que l’acceptation de la remontée des inégalités ?

Le développement de cette « classe moyenne patrimoniale » est sans doute la principale transformation sur un siècle. Les 50 % les plus pauvres de la population n’ont jamais possédé de patrimoine et ne possèdent presque rien aujourd’hui. Les 10 % les plus riches qui, il y a un siècle, possédaient tout, soit 90 % ou plus du patrimoine, en possèdent aujourd’hui seulement 60 % en Europe et 70 % au Etats Unis. Cela reste un niveau très élevé.

La différence est que vous avez aujourd’hui 40 % de la population qui, il y a un siècle, étaient aussi pauvres en patrimoine que les pauvres, a vu sa situation se transformer durant le siècle : ce groupe central a possédé dans les années 1970 jusqu’à plus de 30 % du patrimoine total. Mais cela a tendance à se réduire et on est plus près aujourd’hui de 25 %. Alors que les 10 % les plus riches continuent à voir leur richesse s’accroître.

 

Le fait que ce bloc central voit sa situation se contracter explique-t-il que les tensions sociales se durcissent ?

Oui. Il peut se produire une remise en cause générale de notre pacte social, si beaucoup de membres de la classe moyenne patrimoniale ont l’impression de perdre, alors que les plus riches parviennent à s’extraire des mécanismes de solidarité. Le risque est que des groupes de plus en plus larges finissent par se tourner vers des solutions plus égoïstes, de repli national, à défaut de pouvoir faire payer les plus riches. Une des évolutions les plus inquiétantes est ce besoin qu’ont les sociétés modernes à donner du sens aux inégalités d’une façon insensée en essayant de…

 

… de légitimer

… de justifier l’héritage ou la captation de rentes, ou le pouvoir, tout simplement. Quand les dirigeants d’entreprise se servent dix millions d’euros par an, ils le justifient au nom de leur productivité. Les gagnants expliquent aux perdants que tout cela est dans l’intérêt général. Sauf qu’on a bien du mal à trouver la moindre preuve que cela sert à quelque chose de payer les chefs d’entreprise dix millions d’euros plutôt qu’un million.

Aujourd’hui, le discours de stigmatisation des perdants du système est beaucoup plus violent qu’il y a un siècle. Au moins, avant, personne n’avait le mauvais goût d’expliquer que les domestiques ou les pauvres étaient pauvres du fait de leur manque de mérite ou de vertu. Ils étaient pauvres parce que c’était comme cela.

 

C’était l’ordre social.

Un l’ordre social qu’on justifiait par le besoin d’avoir une classe qui puisse se consacrer à autre chose que la survie, et se livrer des activités artistiques ou militaires ou autres. Je ne dis pas que cette justification était bonne, mais elle mettait moins de pression psychologique sur les perdants.

 

Ces perdants, cette classe moyenne centrale peut-elle glisser vers un repliement vers soi selon des logiques d’extrême droite ?

C’est certain. C’est le risque principal et on peut craindre en Europe le retour à des égoïsmes nationaux. Quand on n’arrive pas à résoudre les problèmes sociaux de façon apaisée, il est tentant de trouver des coupables ailleurs : les travailleurs immigrés des autres pays, les Grecs paresseux, etc.

 

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Thomas Piketty

 

Un aspect important de votre travail concerne la ‘croissance’ de l’économie. Il rappelle que des taux de croissance élevés de l’ordre de 5 % par an sont historiquement exceptionnels.

Il faut s’habituer à une croissance structurellement lente. Même se maintenir à 1 ou 2 % par an suppose d’inventer des sources d’énergie qui, pour l’instant, n’existent pas.

 

Sans énergie abondante, n’y a-t-il pas de possibilité de croissance à 1 ou 2 % ?

Il y aura un moment où cela ne va plus coller. Depuis la révolution industrielle, de 1700 jusqu’en 2015, la croissance mondiale a été de 1,6 % par an, dont la moitié pour la croissance de la population (0,8 %) et la moitié (0,8 %) pour le PIB (produit intérieur brut) par habitant. Cela peut paraître ridiculement faible pour ceux qui s’imaginent qu’on ne peut pas être heureux sans un retour aux Trente glorieuses de 5 % par an. Mais 1,6 % de croissance par an pendant ces trois siècles a permis de multiplier par dix la population et le niveau de vie moyen, parce que, quand cela se cumule, c’est en fait une immense croissance. Et la population mondiale est passée de 600 millions en 1700 à 7 milliards aujourd’hui.

Pourrions-nous être plus de 70 milliards dans trois siècles ? Il n’est pas sûr que ce soit souhaitable ni possible. Quant au niveau de vie, une multiplication par dix est une abstraction.

La révolution industrielle au XIXe siècle a fait passer le taux de croissance qui était très proche de 0 % dans les sociétés agraires pré-industrielles à 1 ou 2 % par an. Cela est extrêmement rapide. Et c’est uniquement dans les phases de reconstruction après des guerres ou de rattrapage accéléré d’un pays sur d’autres que l’on a 5 % par an ou davantage.

 

Les responsables politiques, la plupart de vos collègues économistes, les journalistes économiques, tous espèrent encore une croissance de 2 ou 3 % par an, certains rêvent même des 6 ou 7 % de la Chine.

Le discours consistant à dire que sans retour à 4 ou 5 % par an de croissance, il n’y a pas de bonheur possible est absurde, au regard de l’histoire de la croissance.

 

Pourtant, vous avez employé le terme de « croissance forte » dans un article signé avec des économistes allemands et anglais.

Pour moi, 1 ou 2 %, c’est une croissance forte ! Sur une génération, c’est une très, très forte croissance !

Sur trente ans, une croissance d’1 %ou de 1,5 % par an signifie une augmentation d’un tiers ou de la moitié de l’activité économique à chaque génération. C’est un rythme de renouvellement de la société extrêmement rapide. Pour que chacun trouve sa place dans une société qui se renouvelle à ce rythme, il faut un appareil d’éducation, de qualification, d’accès au marché du travail extrêmement élaboré. Cela n’a rien à voir avec une société pré-industrielle où, d’une génération sur l’autre, la société se reproduit de façon pratiquement identique.

Mais à l’inverse, l’idée qu’aucune croissance n’est possible me semble également dangereuse. C’est un processus qui, reproduit sur plusieurs générations, est assez effrayant, il n’y a plus d’humanité.

Cette possibilité de croissance démographique ramenée à zéro ou à des niveaux négatifs redonne de l’importance au patrimoine accumulé. Cela nous remet dans une société des héritiers que la France a connu avec acuité au XIXe siècle du fait de la stagnation de la population.

 

Cela a-t-il un sens de continuer à parler de croissance du PIB quand l’activité économique a un énorme impact sur l’environnement ?

Mieux comptabiliser le capital naturel est un enjeu central. La dégradation du capital naturel est un risque autrement plus sérieux que tout le reste...

 

*Suite de l'article sur reporterre

 

 

Source : http://www.reporterre.net

 

 

 

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1 juin 2015 1 01 /06 /juin /2015 20:07

 

Source : http://www.humanite.fr

 

Quand le Medef paiera sa dette...
Par Maud Vergnol
Mardi, 2 Juin, 2015
L'Humanité

 

afp
 
 
 
L'éditorial de Maud Vergnol : "Le couperet tombé avec la publication des chiffres du chômage, qui a battu de nouveaux records au mois d’avril, révèle pourtant l’étendue du désastre social et humain qui frappe notre pays. Cette réalité, que le gouvernement s’acharne à étouffer, mérite mieux que les ordonnances périmées du patronat, qui n’ont eu aucun effet sur la croissance et l’emploi. "
 

La scène pourrait paraître burlesque s’il ne s’agissait pas de milliards d’argent public détournés : Pierre Gattaz affirmant ce week-end, toute honte bue, qu’il n’a jamais promis de créer un million d’emplois dans le cadre du pacte de responsabilité, tout en arborant au revers de sa veste son fameux pin’s siglé « un million d’emplois ». « L’égoïsme patronal pose problème aujourd’hui », a bien été obligé de consentir Jean-Christophe Cambadélis, alors que ses complices du gouvernement continuent d’accorder leurs violons avec le Medef, tout en simulant des gages à la gauche par électoralisme. Ainsi, après avoir lui-même allumé la mèche sur la possibilité d’un contrat de travail unique pour« lever les freins à l’embauche », Manuel Valls a finalement annoncé hier, qu’il ne toucherait pas au contrat de travail. Qu’importe, puisque le premier ministre a trouvé une nouvelle parade : faciliter les licenciements pour créer de l’emploi ! Afin de rassurer les patrons qui continuent de pleurer la bouche pleine, « angoissés » qu’ils sont à l’idée d’embaucher, le gouvernement envisage donc de plafonner les indemnités prud’homales pour « sécuriser les licenciements ». Le couperet tombé hier avec la publication des chiffres du chômage, qui a battu de nouveaux records au mois d’avril, révèle pourtant l’étendue du désastre social et humain qui frappe notre pays. Cette réalité, que le gouvernement s’acharne à étouffer, mérite mieux que les ordonnances périmées du patronat, qui n’ont eu aucun effet sur la croissance et l’emploi. On ne compte plus les mesures qui, depuis trois ans, ont garni le tableau de chasse du Medef, quand des centaines de milliers de Français plongeaient dans l’extrême pauvreté. Le grand patronat, lui, ne paiera jamais sa dette. Mais l’addition pourrait s’avérer salée en 2017. Car bien que François Hollande s’en défende, on ne peut pas être aux petits soins avec l’oligarchie et mener une politique de progrès social. Dans le langage de la gauche, on appelle ça la lutte des classes.

 

 

Source : http://www.humanite.fr

 

 

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1 juin 2015 1 01 /06 /juin /2015 19:04

 

Source : http://blog.mondediplo.net

 

 

Les taches aveugles de « l’autre euro possible »
 

lundi 1er juin 2015, par Frédéric Lordon

 

 

Le texte qui suit est issu de l’intervention, quelque peu augmentée, faite aux Rencontres du « Monde Diplomatique » organisées sur le thème « Europe, des choix existentiels », à l’Ecole normale supérieure les 22 et 23 mai 2015.

 

 

 

Un de ces lieux communs que l’éditorialisme prend pour de la pensée profonde se plaît à répéter que nous vivons une époque de constante accélération et que tout va toujours plus vite… Qu’on se rassure, il reste des domaines où l’on procède encore avec une sage lenteur, par exemple à propos de l’euro quand il s’agit de mettre l’une derrière l’autre deux idées conséquentes.

Une ironie qui n’est sans doute pas inadvertante nous soumet la question de savoir si une autre Europe est possible dix ans après un référendum constitutionnel qui nous promettait déjà à sa manière une autre Europe possible — et dont on mettra difficilement au compte du « non » que la promesse n’en ait pas été tenue, puisque ce texte nous est revenu à l’identique sous la forme du Traité de Lisbonne (à quelques déclarations ronflantes près qui n’engageaient que de l’encre sur du papier). Moyennant quoi, il nous a été permis d’expérimenter en vraie grandeur en quoi consistait cette version-là de « l’autre Europe possible ». Il est vrai que les mêmes annoncent la bonne nouvelle de l’Europe sociale depuis 1992 — où l’on aperçoit tout de même que certaines choses continuent de bien prendre leur temps, et que l’autre Europe possible est une longue patience.

Lire aussi Antoine Schwartz, « Quand l’euro enfiévrait les rédactions », Le Monde diplomatique, janvier 2012.Comme toujours avec les patiences, il y a ceux qui ont les moyens d’attendre et ceux qui ne les ont pas. Bourdieu rappelait combien la skholé, le loisir, la position scolastique, et plus généralement la distance d’avec les nécessités matérielles, donnent en partie leur principe caché à la hauteur de vue, à la pensée globale, qui s’admirent elles-mêmes de se voir si capables d’embrasser l’histoire longue, et de se projeter à cent ans — il est bien certain qu’on peut se payer le luxe de contempler des horizons séculaires quand soi-même on ignore tout de l’idée de fin de mois. Aussi ces esprits bien installés, dégagés de toute urgence matérielle, ont-ils le loisir d’envisager les avenirs les plus lointains et de former en chambre des plans grandioses, solutions de papier coupées de tout, pour qui la durée n’est qu’une abstraction : qu’en chemin des générations soient sacrifiées, voire carrément que des peuples crèvent comme c’est le cas en ce moment, ce sont des considérations minuscules au regard de l’Idée majuscule dont ces esprits se font les desservants — en quelque sorte les œufs nécessairement cassés pour faire l’omelette de l’Histoire.

Les prérequis passionnels
de la démocratie formelle Retour à la table des matières

En cette époque qui ne corrige le sur-place intellectuel que par les accélérations imaginaires du gouvernement mondial, ou continental, il aura fallu presque deux décennies pour que certains se rendent compte qu’il y avait un problème avec l’euro, et qu’ils commencent à le dire — en gros il a fallu la décapilotade à grand spectacle pour que leurs yeux s’écarquillent et que leurs bouches finissent par s’ouvrir. Les voilà maintenant qui, réécrivant l’histoire, enfin surtout la leur, prétendent avoir dès le début lancé de vigoureux avertissements [1], ou bien proposent un nouveau tour de manège institutionnel, cette fois-ci avec un parlement de l’euro, dernière trouvaille en date destinée à nous rendre la monnaie unique enfin démocratique [2] — se peut-il qu’on nous ait menti et qu’elle ne l’ait pas toujours été ?

Le « manifeste pour une union de l’euro » publié début 2014 à l’initiative, entre autres, de Pierre Rosanvallon [3], offre ainsi un concentré des taches aveugles de l’européisme social-démocrate qui, confondant la substance et les attributs, imagine que planter quelque part un nouveau parlement vaut ipso facto constitution politique de l’euro. Malheureusement il n’en est rien. Encore faut-il pour s’en apercevoir s’être formé une idée tant soit peu profonde de ce qu’est une communauté politique véritable, dont les institutions formelles ne sont que la superstructure. Le mot ici est à comprendre en un sens non-marxiste, pour souligner que le principe fondamental de la démocratie, tel qu’il est mis en œuvre dans les institutions formelles, à savoir la loi de la majorité, ne se soutient pas de lui-même, mais n’est opératoire que sous des conditions de consistance communautaire préalable, dont il faudrait être fou pour les imaginer réunies dans l’Europe d’aujourd’hui.

Est-ce à dire qu’elles ne pourraient jamais l’être ? Evidemment non. Car ce qu’il faut entendre ici par « consistance communautaire » n’a rien à voir avec d’imaginaires propriétés substantielles des peuples — « la nature ne crée pas de nations » rappelle Spinoza dans le Traité théologico-politique. C’est l’histoire qui les crée. Elle a d’ailleurs suffisamment montré sa capacité à former des peuples de peuples — peu ou prou toutes les nations européennes, qui, ex post, semblent parfaitement unitaires à nos regards habitués, ont procédé de ce schéma de composition de l’hétérogène. Il n’y a aucune raison a priori que l’Europe en soit privée. Mais il n’y en a pas davantage qu’elle en jouisse nécessairement. Il y a surtout à se poser la question toute prosaïque, mais comme toujours politiquement décisive : quand ? Dans combien de temps ? C’est-à-dire, en l’occurrence, avec quelles difficultés réelles à surmonter ?

C’est qu’il y a en effet des conditions passionnelles de possibilité de la loi majoritaire. Ces conditions demandent qu’il existe entre les membres de la communauté politique un affect d’appartenance, un affect commun suffisamment puissant pour tenir la minorité à la communauté, c’est-à-dire pour éviter que la fraction mise en minorité n’ait aussitôt l’envie de faire sécession pour aller refonder ailleurs sa propre communauté politique [4].

A certains politologues n’ayant visiblement aucune compréhension du fait politique, il faut donc des épisodes maximaux, c’est-à-dire des cas de séparatisme aigu, comme il a failli s’en produire un en Ecosse — un cas spécialement intéressant d’ailleurs puisqu’il est d’un séparatisme moins « identitaire » que « politique » — pour apercevoir, mais généralement trop tard, tous les prérequis invisibles du fonctionnement ordinaire des institutions démocratiques — et ce qu’il en coûte de les ignorer. Ce prérequis passionnel de l’affect commun d’appartenance, seul à même de rendre viable le dissensus démocratique organisé sous la loi majoritaire, est-il satisfait dans le cas de l’Union européenne ? Non. Chez qui fait-il suprêmement défaut ? La Grèce, vers qui tous les regards accusateurs se tournent systématiquement ? L’Espagne qui, Podemos arriverait-il au pouvoir, connaîtrait le même sort ? Non : l’Allemagne. Est-il possible de parler de l’Allemagne ? Non plus [5]. Toute mise en cause de l’Allemagne est aussitôt accueillie aux glapissements de « germanophobie ». Il faut sans doute avouer qu’on trouve assez souvent le pire en cette matière, et qu’il est bien des discours sur l’Allemagne qui sentent le fusil Lebel et la ligne bleu horizon. Mais enfin la mauvaise monnaie intellectuelle ne devrait pas en principe chasser la bonne, ou au moins ne pas restreindre les droits légitimes de l’analyse – et empêcher que soient posées quelques questions. C’est pourtant le cas, si bien que l’accusation de germanophobie est devenue en Europe, spécialement en France, l’asile de la cécité volontaire.

Loi de la majorité et doctrine monétaire :
la complication allemande Retour à la table des matières

Il faudra bien pourtant se demander quel sens tant soit peu exigeant peut prendre « autre » dans « une autre Europe », et puis ce qui en hypothèque principalement la possibilité. C’est ici qu’il faudra en venir à l’Allemagne, non pas qu’elle pose des problèmes différents de (presque) tous les autres pays quand il s’agit de la domination du néolibéralisme, mais parce que, à ce problème général, elle donne une complication pour le coup tout à fait singulière.

Or voici : une autre Europe, c’est une Europe démocratique. Et une Europe démocratique, c’est une Europe décidée à vider le Traité de toute sa troisième partie pour rendre tous les contenus de politique publique à la délibération démocratique ordinaire. C’est-à-dire pour les soumettre de nouveau à la loi majoritaire. Cet impératif démocratique frappe de nullité toute discussion sur « l’autre Europe possible » qui contourne les deux questions suivantes : 1) l’Allemagne accepterait-elle que le statut de la banque centrale, la définition de ses missions, les règles de déficit et de dette, le régime de la circulation des capitaux, redeviennent matière ordinaire à délibération parlementaire ?, et 2) l’Allemagne accepterait-elle d’être mise en minorité sur l’un ou l’autre de ces sujets ? On peut bien d’ailleurs, si l’on veut « dégermaniser » le problème et poser la question à la cantonade : on verra bien qui répond quoi, et qui se qualifie, ou se disqualifie, à l’Europe réellement démocratique, seule configuration admissible de l’« autre Europe possible ». En tout cas, l’incapacité d’apporter des oui catégoriques à ces deux questions ramène tout projet d’« euro démocratique » à l’état d’élucubration spectrale — ou bien de cynique mensonge.

Je crois cependant qu’on se trompe, et même de beaucoup, quand on présente l’Allemagne sous les traits d’une agressive volonté de puissance. L’Allemagne est bien plutôt un hegemon à contrecœur, un dominant qui n’avait pas de projet positif de domination et n’a fini par prendre les commandes que sous le coup d’une angoisse fondamentale — mais qui ne détermine pas moins à la brutalité : l’angoisse de voir altérés des principes monétaires qui lui sont plus chers que tout, puisqu’ils sont devenus le cœur symbolique de la reconstruction nationale allemande après-guerre, parce qu’ils ont acquis par là une portée transpartisane et pour ainsi dire méta-politique, et parce que leur sanctuarisation absolue, par voie constitutionnelle, en l’occurrence par l’inscription dans les traités, a été posée comme la contrepartie sine qua non de la participation allemande à la monnaie unique.

Dans ces conditions, imaginer que l’Allemagne pourrait accepter de remettre aux aléas de la loi majoritaire des principes aussi fondamentaux, d’une valeur symbolique aussi élevée à ses propres yeux, n’est pas une anticipation raisonnable, je veux dire propre à un horizon temporel raisonnable, sans doute plus rapproché que celui des esprits scolastiques qui jonglent communément avec l’Histoire Universelle, et ne regardent pas à la dépense en matière de générations sacrifiées.

Gerxit ? Retour à la table des matières

On pourrait même dire davantage : dans la prolifération des « X-xit », ce mot-valise destiné à désigner les candidats à la sortie plus ou moins brutale de la zone euro voire de l’Union elle-même, où on trouve déjà le Grexit (la Grèce), le Brexit (la Grande-Bretagne) et même l’Iberixit (l’Espagne — on ne sait jamais, si Podemos…), une monumentale tache aveugle empêche de voir le sortant potentiel peut-être le plus sérieux : le Gerxit — l’Allemagne.

Car rêvons un peu, et imaginons pour le plaisir « l’autre euro possible ». Aucune de ses dispositions ne figure plus dans le Traité, toutes ont été rendues au parlement de l’euro. Et voici qu’une majorité se forme pour remettre la BCE sous contrôle politique, pour lui assigner mission de soutenir la croissance et l’emploi, voici que les règles budgétaires automatiques sont supprimées au profit d’une pragmatique conjoncturelle, que la question de l’annulation de certaines dettes est posée, enfin qu’il est envisagé de restreindre les marges de manœuvre des marchés pour neutraliser leurs représailles contre une réorientation progressiste de la politique économique. Qui peut croire que l’Allemagne, sans doute d’autres pays avec elle, mais l’Allemagne au premier chef, accepterait cet « autre euro »-là ? Mise en minorité, c’est elle qui partirait au nom de la sauvegarde de ses principes considérés comme des enjeux vitaux. Et « l’autre euro » se ferait sans elle — s’il y a quelque sens à une monnaie unique européenne sans l’Allemagne…

On opposera sans doute que les élites françaises par exemple — qui ne sont donc pas allemandes… — n’en défendent pas moins, et mordicus, les mêmes principes de politique économique, en fait adéquats aux exigences du capital auquel ces élites ont tout cédé. Et c’est vrai ! Mais la Grèce en février, peut-être l’Espagne cet automne, montrent que le miracle d’une réelle alternance politique ne peut jamais être complètement exclu — et avec lui celui d’un projet de réorienter radicalement la politique économique. Toutes choses égales par ailleurs, ceci ne se produira pas en Allemagne, pour des raisons qui tiennent à l’ancrage symbolique de la doctrine néolibérale (ordolibérale), ailleurs simplement idéologique, donc en principe susceptible d’être politiquement défaite.

Rien de ceci bien sûr ne signifie que, même à propos de la question monétaire, la société allemande ne soit qu’un bloc. Il n’y a jamais, nulle part, à propos de n’importe quelle question, de monolithisme unanimitaire. Des économistes comme Peter Wahl ou Wolfgang Streeck, et d’autres, ou bien les manifestations au pied de la BCE à Francfort, attestent que la société allemande a sa part de dissensus et de contradictions même quand il s’agit de doctrine monétaire. Mais la question est de savoir où se situe son centre de gravité à ce sujet, quelle est sa consistance, et quelles sont les chances, à horizon raisonnable, de le déplacer significativement.

Si donc l’on cherche les raisons de l’impossibilité d’un autre euro, c’est d’abord de ce côté, du côté du point de plus forte résistance, qu’il faut avoir la lucidité de regarder. Et puis aussi du côté de l’expérience grecque, ou plutôt de ce que l’Union européenne sous principes allemands fait subir à la Grèce. Car nous savons maintenant ce que pèse une crise humanitaire en face d’une orthodoxie monétaire : rien.

Entre le FN et le bloc eurolibéral,
une symbiose fonctionnelle Retour à la table des matières

Tous les secteurs de la gauche qui se sont accrochés si longtemps à la fable « Un autre euro est possible » devraient trouver dans l’expérience grecque matière à quelques méditations, et peut-être à quelques révisions. Car les quatre premiers mois de Syriza ont confirmé les termes d’une rigoureuse alternative telle qu’elle vaut pour tous : plier ou sortir. Entre la complète résipiscence et l’affranchissement radical, il n’y a pas, il n’y aura pas, de tiers terme.

Lire aussi Stelios Kouloglou, « Grèce, le coup d’Etat silencieux », Le Monde diplomatique, juin 2015.On cherche alors avec peine à expliquer que la gauche (la vraie) demeure ainsi interdite face au verrou qui frappe d’impossibilité radicale toute politique progressiste. Il y va sans doute des fourvoiements d’un internationalisme aussi louable en principe que mal pensé en réalité — mais il faudrait beaucoup de temps pour s’expliquer complètement sur ce point et, pour ce qui me concerne, j’ai déjà eu l’occasion de le faire ailleurs [6].

Il y va surtout, et en fait de plus en plus, d’une déformation monstrueuse du débat politique qui a conduit à faire de la sortie de l’euro le monopole du Front National, et en fait le stigmate même de l’extrême droite. Que le duopole indifférencié des partis de gouvernement, assisté de tout son appareil médiatique, se complaise dans cet argument ignominieux, la chose n’a rien pour surprendre. Elle est même bien faite pour indiquer le véritable rapport qui a fini par s’établir entre le FN et ce qu’on pourrait appeler le massif eurolibéral (dans lequel, on l’a compris, PS et UMP sont deux composantes de mieux en mieux substituables et en fait tendanciellement identiques). Ce rapport est de symbiose fonctionnelle — évidemment déniée par la comédie de l’intransigeance républicaine [7].

Un rapport de symbiose puisque le bloc eurolibéral se sert du FN comme disqualificateur universel, et renvoie systématiquement à l’extrême droite tout programme économique de rupture, quelle qu’en soit la teneur et quel qu’en soit le porteur. Le FN est ainsi devenu fonctionnellement nécessaire au bloc eurolibéral qui, à bout d’argument, ne peut plus se maintenir qu’à l’aide de l’extrême droite, dont il se sert comme un point d’assimilation auquel renvoyer toute critique économique radicale. Et en effet : comment mieux garantir la normalisation du débat qu’en assimilant toute dissidence à cette référence qui la frappe aussitôt d’indignité ?

Symétriquement, le FN prospère sur l’apparence de différence manifeste d’avec le massif eurolibéral, et ne continue de croître que tant qu’il peut revendiquer cette singularité. Mais le peut-il ? La différence manifeste n’est-elle pas que de l’ordre de l’apparence ? Mis à part son racisme congénital, et en fait constitutionnel, qui restera sans doute sa particularité (en tout cas il faut l’espérer…), on prête au FN de devoir ses succès récents à son inflexion économique en direction des classes populaires, et notamment à sa préemption du thème de l’euro. C’est à ce sujet qu’il faudrait y regarder de plus près.

Le FN, le capital et l’euro Retour à la table des matières

En toute rigueur, le débat sur l’euro a sa parfaite légitimité propre, et n’a aucunement à prendre en considération cette préemption, qui n’est en fait qu’une pollution. En réalité il l’a d’autant moins qu’on peut soutenir que, le FN arriverait-il au pouvoir, il ne ferait pas la sortie de l’euro. En voici la raison : du moment où la perspective de l’arrivée du FN au pouvoir prendrait consistance, le grand capital pactiserait avec lui. Il le ferait sans la moindre hésitation car, l’histoire l’a suffisamment montré, le capital ne se connaît aucun ennemi à droite, et aussi loin qu’on aille à droite.

Il y a là, incidemment, de quoi faire ravaler leur dégueulis à tous ces misérables personnages qui n’ont rien eu de plus pressé que de poser un signe égal entre Front National et Front de gauche — et je le dis avec d’autant plus de liberté que je ne suis pas membre du Front de gauche, et que j’ai même de sérieux désaccords avec sa ligne actuelle. Mais enfin il n’est pas besoin d’être extralucide pour imaginer ce que serait l’attitude du capital face à un Front de gauche aux portes du pouvoir : il y a tout lieu de penser en effet qu’il chercherait moins à pactiser qu’il n’entrerait en mode « guerre », et même « guerre à outrance ». Il y a de quoi être atterré, et prendre la mesure du degré de corruption intellectuelle du débat politique contemporain, de devoir rappeler, contre ce mécanisme d’assimilation-disqualification évoqué à l’instant, l’asymétrie élémentaire, en réalité l’antinomie radicale, entre Front National et Front de gauche, que seuls les tauliers de la symbiose fonctionnelle peuvent avoir la bassesse de nier — misérables stratagèmes, qui signalent en réalité les régimes rendus à toute extrémité.

En tout cas le capital pactisera avec le FN. Et voici quels seront les termes de la transaction : le capital apportera ce qu’il sait apporter de mieux : de l’argent — de l’argent pré-électoral, post-électoral, de l’argent. Et puis aussi de l’assistance technique en prêtant ses cadres les mieux disposés. Mais la contrepartie sera que le FN ne touche pas à l’euro. C’est que l’euro dans sa construction d’ensemble est la plus puissante machine à discipliner le salariat que le capitalisme contemporain ait inventée, et cela, en effet, le capital ne permettra pas qu’on y touche.

Nul doute qu’il obtiendra complète satisfaction, et si l’on ajoute à ça que le « modèle économique » du FN consiste en réalité en une sorte de néo-corporatisme reaganisé essentiellement adressé aux patrons de PME, on mesurera l’imbécillité aussi bien intellectuelle que politique, de créditer le FN d’une posture « anti-système », c’est-à-dire de lui accorder sa principale revendication !, lui qui, parti de l’ordre, ne peut être que le parti du système, c’est-à-dire, autant que le bloc d’en-face, le parti du capitalisme, dont il propose simplement d’en revenir à une forme rétrograde — et il se confirme que les promesses de changement social faites par le FN aux classes populaires tourneront à la plus cruelle des désillusions.

Ces raisons-là n’étaient nullement nécessaires, mais elles devraient être en principe suffisantes pour déchirer le voile de stupéfaction qui, sous la forme du FN, a été jeté sur le débat de l’euro. Elle devrait l’être d’autant plus que s’y ajoute le démenti catégorique apporté par l’expérience grecque. Double démenti en vérité : démenti de la fiction d’une transformation de l’intérieur des institutions de l’euro ; démenti surtout de l’assimilation à l’extrême droite de tout projet de s’affranchir de la camisole ordolibérale et de la monnaie unique.

On dira, précisément, que Tsipras se bat pour rester dans l’euro. Mais d’une part, comme on pouvait en fait l’annoncer avant même son arrivée au pouvoir, ce combat est voué à l’échec [8], et n’admet pour seul alternative au renoncement que la sortie de l’euro. Et, d’autre part, Syriza doit compter avec une forte minorité interne, à laquelle s’ajoute une opposition externe de gauche qui, elles, plaident résolument pour la sortie de l’euro. Et que même l’éditorialisme le plus malhonnête aura du mal à faire passer pour des fourriers du nationalisme xénophobe. La vérité, c’est que cette gauche radicale-là, internationaliste — mais d’un internationalisme réel, et non imaginaire —, décidée à ne pas se laisser intimider, est le seul véritable rempart contre l’extrême droite, la vraie, qui reprendrait sa marche en avant du moment où les eurolibéraux reviendraient au pouvoir à Athènes.

Mais on a beau multiplier les arguments, les cas et les expériences, il y a une forme de cécité ou de tétanie politique inexplicables qui laissent en France la gauche interdite, et incapable de conséquence. Les choses ne vont pas si vite qu’on croit, disais-je en introduction. On peut ne pas être par principe un militant de l’accélérationnisme et malgré tout commencer à trouver qu’il serait temps que ça se bouge un peu maintenant.

Notes

[1] Daniel Cohen, « La crise tient fondamentalement aux vices de la construction de la zone euro », L’Express, 5 juin 2013.

[2] Thomas Piketty, « Il faut donner un parlement à l’euro », Le Monde, 20 mai 2014.

[3] « Manifeste pour une union de l’euro », Le Monde, 17 février 2014.

[4] Lire « Un peuple européen est-il possible ? dans Le Monde diplomatique d’avril 2014.

[5] Voir le dossier du Monde diplomatique de mai « L’Allemagne, puissance sans désir ».

[6] Lire « Leçons de Grèce à l’usage d’un internationalisme imaginaire (et en vue d’un internationalisme réel) », 6 avril 2015. Voir également La Malfaçon. Monnaie européenne et souveraineté démocratique, Les Liens qui Libèrent, 2014.

[7] Lire Joël Gombin, « Mythologie du front républicain, Le Monde diplomatique, mars 2015.

[8] Lire, sur ce blog, « L’alternative de Syriza : passer sous la table ou la renverser », 19 janvier 2015.

 

 

Source : http://blog.mondediplo.net

 

 

 

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