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13 juin 2015 6 13 /06 /juin /2015 15:33

 

Source : http://www.franceculture.fr/emission-pixel-services-publics-vraiment-pour-tous-2015-06-12

 

 

le vendredi de 7h35 à 7h39 Durée moyenne : 3 minutes

 
Ecoutez l'émission 3 minutes

Services publics : vraiment pour tous ? 

12.06.2015 - 07:35

 

Une manifestation est organisée ce samedi à Guéret par un collectif, syndical, politique et citoyen, qui lancera des assises du service public du 21e siècle. En 2015, l’accès aux services publics dans les zones rurales est un problème qui n’est toujours pas résolu. Au contraire, la situation s’aggraverait. Cette problématique est également rencontrée dans des zones urbaines peuplées mais désertées par certains services publics. L’accès à la santé en Seine-Saint-Denis est par exemple au cœur des préoccupations.

Reportage d'Abdelhak El Idrissi.

 

Des collectifs de défense des services publics existent localement depuis 30 ans. La plupart du temps, ils sont animés par des syndicats, des partis politiques de gauche, des corporations ou des usagers de services publics ponctuellement menacés.

Il y a dix ans, nombre de ces collectifs locaux se sont réunis au sein d’une Convergence  nationale des collectifs de défense et de développement des services publics.

C’est cette entité qui organise ce week-end deux jours de manifestations à Guéret.

 

 

« Il y a deux problèmes, explique Michel Jallamion, le président de la Convergence. L’accès au service public dans le monde rural, en périphérie des villes et dans les villes. Et la dégradation de la qualité des services publics » encore en place.

 

Ce militant politique d’extrême gauche fustige le « dessaisissement du politique au profit des entreprises ». Selon Michel Jallamion, les entreprises ne peuvent se substituer à l’Etat correctement, puisqu’elles ne réfléchiraient qu’en terme de réduction des coûts.

« C’est le cas de la Poste qui considère normal de faire des bénéfices colossaux au niveau de la Banque postale. Mais en compensation, est-ce qu’elle va faire mieux ? Plus de bureaux de Poste ? Non, elle va fermer 7.000 bureaux de poste parce que c’est une charge pour elle ».

 

D’où le rassemblement de samedi et dimanche. « On espère arriver à poser les bases d’une coordination de forces favorables aux services publics de manière pérenne » :

 

La désertification des services publics dans les territoires fragiles est l’un des sujets de prédilection de Pierre Morel A l’Huissier.

 

Le député Les Républicains de la Lozère interpelle régulièrement les ministres sur la question et a été le co-auteur d’un rapport remis en 2013 à la ministre de l’aménagement du territoire de l’époque, Cécile Duflot.

 

Consultation médicale en Loire-Atlantique Franck Dubray © PHOTOPQR/OUEST FRANCE

 

Pour comprendre cette problématique des services publics en milieux ruraux, il est nécessaire de s’intéresser aux profils des habitants de nos campagnes. Le problème, c’est une modification profonde de la sociologie des territoires ruraux.

« Depuis une vingtaine d’années, il y a une population diversifiée qui s’est installée dans les campagnes. Cette nouvelle population est habituée à la vie urbaine, à des services », rappelle Pierre Morel A l’Huissier.

 

Face à cette évolution :

 

L’Etat s’est peu ou mal adapté à la réalité de ce que les gens souhaitaient. On avait tendance à avoir les services publics concentrés dans la ville préfecture (…) peut-être la sous-préfecture, mais au-delà : pas grand-chose sur le territoire.


Pour le député, la réponse est de faire venir les services publics dans les territoires pour « arriver à avoir un bouquet de services publics à 20-25 minutes du domicile. C’est le combat que l’on mène, quelles que soient les idéologies politiques : la ruralité n’est ni de gauche ni de droite ».

Les services sont regroupés dans des « maisons de services publics ». Il s’agit d’un « endroit adapté avec accueil qui dispose d’un scanner, de photocopies, d’internet, d’un télé-centre, et d’un accès direct avec les administrations : CAF, MSA, Pôle emploi… ».

Il existe aujourd’hui plus de 300 de ces maisons et l’objectif est d’atteindre le millier d’ici la fin 2017 :

 

 

 

« L’Etat a failli à sa mission »

 

La désertification des services ne concerne pas seulement les zones rurales. Certaines zones urbaines très denses peuvent aussi être concernées. Surtout dans le domaine de la santé. Même s’ils ne sont pas fonctionnaires, les médecins généralistes libéraux assurent la grande partie du service public de la santé, au moins pour ce qui est des services de proximité et des soins primaires. Et leur répartition sur le territoire est très inégale.

Par exemple, la Seine-Saint-Denis est le département français le moins bien doté en médecins généralistes : 58 pour 100.000 habitants. Pourtant, les besoins y sont plus importants qu’ailleurs. Le contexte socio-économique a des conséquences désastreuses sur la santé des habitants. Des maladies comme la tuberculose sont plus présentes que dans les autres départements français.

 

Pour trouver la densité de médecins généralistes dans les départements d'outre-mer, utilisez le moteur de recherche dans la carte. 

 

Sources : Système National Inter-régime, au 1er janvier 2014

 

Où sont donc passés les médecins généralistes ?

« Faire de la médecine dans ces quartiers demande une approche qui ne soit justement pas réductrice à la médecine mais qui soit véritablement une question d’accompagnement des personnes dans toutes leurs dimensions », répond Didier Ménard, médecin à la retraite, président de l’Association communautaire santé et bien-être et de la Fédération régionale des maisons de santé d’Ile de France.

 

ENCADRE :

Maison de santé / Centre de santé : quelle différence ?

La maison de santé est un regroupement de médecins libéraux, généralistes et/ou spécialistes, qui répond au problème de l’isolement. Les médecins partagent les frais comme le secrétariat.

Dans un centre de santé, géré par une municipalité ou une mutuelle, les médecins sont salariés et touchent un salaire fixe chaque mois, contrairement au paiement à l’acte dans le secteur libéral.

Didier Ménard a passé toute sa carrière dans le quartier populaire et pauvre des Francs-Moisins à Saint-Denis, où il a monté un cabinet médical « dans un appartement du quartier ».

« En tant que médecin, on pensait qu’il fallait mieux exercer la médecine dans le milieu qu’on connaissait le mieux »

Un milieu particulier, où les patients ont des histoires atypiques. De par leurs origines - le quartier est composé en majorité de personnes issues de l’immigration - et des histoires personnelles compliquées. On y trouve « les populations les plus précaires, les plus vulnérables », selon le docteur Ménard. Et de rajouter :

 «  La faculté de médecine ne prépare pas du tout à ça, ce n’est pas notre mission. On nous apprend à faire un diagnostic, puis un traitement, et puis c’est terminé. Or là, évidemment ça ne marche pas comme ça. Donc on comprend assez facilement que pour un certain nombre de soignants confrontés à cette réalité là, ils ne se sentent pas en capacité de répondre aux besoins. Et je pense d’ailleurs qu’il ne vaut mieux pas qu’ils s’installent s’ils n’ont pas cette capacité ou cette compétence, car ils seront en souffrance et la population n’y trouvera pas ce qu’elle cherche ».

Une inadéquation qui n’a pas permis à ce type de territoire d’attirer les médecins généralistes. Mais Didier Ménard a vu les choses évoluer. Doucement. Pour combler ce « manque » dans la formation des médecins, il y a désormais le stage chez le praticien.

J’ai reçu des jeunes internes qui sont venus travailler pendant six mois dans la cité des Francs-Moisins, raconte Didier Ménard. Certains n’ont pas été séduits. C’est le moins que l’on puisse dire. Et d’autres ont été séduits, ils se sont formés au contact des anciens et sont devenus aujourd’hui des professionnels compétents pour travailler dans ces quartiers.

Le médecin des Francs-Moisins se réjouit de l’ouverture de ces stages mais aimerait qu’on aille plus loin, et qu’on enseigne cette « médecine médico-psycho-sociale » car « ce n’est pas dévalorisant d’aller travailler dans une cité du 93. C’est même une histoire professionnelle passionnante » :

 

 

Plus généralement, que ce soit dans le domaine de la santé ou dans les services publics en général, en ville comme à la campagne, le docteur Didier Ménard pointe la responsabilité des pouvoir publics : « L’Etat a failli à sa mission ».

Mais loin d’être fataliste, le médecin met en avant le succès des maisons de santé, « outil le plus pertinent » qui répond aux nouvelles attentes des médecins. Il en existe 600 aujourd’hui, et le Premier ministre Manuel Valls en promet 800 d’ici la fin de l’année :

 

 

La densité de médecins généralistes « va s’effondrer complètement dans les cinq ans »

 

La répartition des médecins généralistes ne serait pas problématique aujourd’hui selon certains syndicalistes.

« La différence de densité pour les généralistes est de un à trois selon les départements. Il y a des professions pour lesquelles ces différences sont beaucoup plus importantes. Un à sept chez les infirmières par exemple » avance Claude Leicher, président du syndicat MG France, premier syndicat chez les médecins généralistes.

Mais le médecin prédit une aggravation de la situation : « la densité de généralistes (…) va s’effondrer complètement partout en France dans les cinq ans qui viennent » avec le départ à la retraite des médecins papy-boomers.

Aujourd’hui, s’il n’y a pas une installation massive de jeunes en médecine générale, la population ne trouvera plus, ou difficilement, de médecins traitants près de chez elle. Or tous les systèmes de santé dans le monde entier sont organisés à partir de la proximité et des soins ‘primaires’.

 

 

 

 

Autre explication du faible nombre de médecins généralistes installés et opérationnels : les conditions de travail : «  sur presque 19.000 postes (en médecine générale) proposés aux étudiants en médecine, on en a retrouvé sept ans après que 5.000 médecins généralistes effectivement installés ».

La raisons ? « Les conditions d’exercice de la médecine générale en France sont désastreuses. C’est une spécialité maltraitée », explique Claude Leicher :

 

 

« C’est un enjeu démocratique et républicain »

 

Le Collectif Interassociatif Sur la Santé (CISS) suit depuis de nombreuses années la question des déserts médicaux et a évalué les politiques publiques qui ont tenté de répondre au problème.

Christian Saout, le secrétaire général délégué du CISS partage le constat de Claude Leicher sur la « difficulté aujourd’hui pour les médecins d’aller s’installer dans un certain nombre d’endroits. Je pense qu’ils estiment que dans ces endroits là, soit leur rémunération n’est pas suffisante, soit leurs conditions de vie ne sont pas celles qu’ils attendent ».

Mais il pointe également, comme Didier Ménard, la responsabilité de l’Etat « qui n’a pas eu de vision de ce qu’était la médecine générale ».

Notre pays a eu le regard essentiellement tourné vers l’hôpital depuis 70 ans. On ne s’est pas intéressé à la médecine générale de premier recours. Or, ce sujet nous revient à la figure parce qu’aujourd’hui on a de moins en moins besoin d’hôpital, grâce aux traitements qui guérissent ou qui maintiennent les gens à domicile avec une qualité de vie suffisante. La médecine d’aujourd’hui et encore plus celle de demain sera une médecine ambulatoire alors que notre réponse est essentiellement hospitalière.

 


En résumé, selon Christian Saout :

« Le défi devant lequel on se trouve est de savoir comment on fait, pour implanter des services de médecine générale dans tous les endroits du territoire ».

 

Chiffres 2014 sur la médecine générale (1) © Conseil National de l'ordre des médecins

 

Car les politiques menées jusqu’ici n’ont pas été couronnées de succès. Tous les gouvernements depuis 30 ans « ont essayé de traiter la question des déserts médicaux, surtout dans la période récente parce que cela s’est aggravé ».

Il y a d’abord eu les incitations financières pour attirer les médecins dans les zones rurales.

« On a un peu arrosé le sable, juge Christian Saout. On a donné des aides, on a fait des incitations positives mais cela a surtout constitué des effets d’aubaine pour les médecins. Et ça n’a pas du tout permis de combler les déserts médicaux. Au contraire, ils se sont aggravés dans un certain nombre d’endroits. Et les prévisions sont assez inquiétantes ».

 

Pourtant, si rien ne fonctionne, le secrétaire général du CISS prédit un accès à la santé à deux vitesses.

Pour la France des grandes villes et des bords de côtes, j’aurais une offre de santé humaine et pour mes  arrières pays et mes quartiers et mes cités, j’aurais une offre électronique (…) pour pouvoir dire qu’on fait quand même quelques chose.

 

Chiffres 2014 sur la médecine générale (2) © Conseil National de l'ordre des médecins

 

A l’opposé des incitations « positives » la solution serait la contrainte. Il s’agirait d’encadrer l’installation des médecins pour en diriger un nombre suffisant vers les zones « sous-denses ».

Une pratique à laquelle ne croit pas Christian Saout.

En revanche, sans aller jusqu’à cette contrainte, il existe des outils de « désincitation » à l’installation en surnombre des médecins. Il s’agirait par exemple de « ne pas conventionner de nouveaux médecins dans les zones déjà en surnombre. Par exemple sur les grandes villes ou sur les bords des rivages maritimes, arrêter d’autoriser l’installation de médecins conventionnés ».

 

 

Chiffres 2014 sur la médecine générale (3) © Conseil National de l'ordre des médecins

 

Christian Saout et le CISS pensent également qu’un changement du mode de rémunérations des médecins pourrait faire évoluer la situation actuelle : « Au lieu d’être rémunéré à l’acte il s’agirait de rémunérer les médecins à la capitation ou au forfait (…) On va forcer les médecins implicitement à aller chercher des forfaits là où ils sont : dans les déserts médicaux » où il n’ y a pas de médecins, mais où il y a des patients « donc des forfaits ».

Les avantages à ce mode de rémunération sont multiples : les médecins n’ont pas à se préoccuper de leur salaire à la fin du mois. Et pour les patients, c’est « la possibilité,  au temps des maladies chroniques, de disposer d’une heure avec son praticien parce qu’il ne sera pas en train de rechercher des consultations à l’acte à 23 euros pour faire ‘tourner’ son cabinet » explique Christian Saout. Pour lui, des décisions fortes et politiques devront être prises pour faire avancer le dossier. « On ne peut pas en rester aux clivages actuels. Cela provoque de la crispation chez les professionnels de santé, particulièrement chez les médecins. Et cela provoque du désarroi chez nos concitoyens qui se demandent à quoi sert de payer des impôts si c’est pour ne pas trouver des réponses de santé » :

 

 

Le député Pierre Morel A l’Huissier a été confronté à la désertification médicale. Avec l’absence de médecin dans sa commune de 400 habitants et dans le canton de 2.000 habitants.

Sur les contraintes qui pourraient-être imposées lors de l’installation des médecins, il reconnaît que :

C’est un sujet clivant. Il y a les partisans des mesures coercitives et ceux qui n’en souhaitent pas. J’avais été plutôt  favorable aux mesures coercitives.

 

Bien que selon, l’opposition ne viennent pas tant des médecins généralistes que de leurs syndicats représentatifs.

« Aujourd’hui, on est au bout du bout. Si les mesures incitatives auprès des facultés de médecine ne sont pas suffisantes, il faudra certainement arriver à une cartographie » des secteurs où les médecins ne pourront pas s’installer.

Le député se souvient avoir de médecins résumant ainsi les déserts médicaux en milieu rural de a situation de la manière suivante :

Il ne faut pas faire un AVC le vendredi soir parce que samedi-dimanche on n’est pas sûrs d’avoir une réponse médicale ». Cela revient à de la « non-assistance à personne en danger.

 

Dans beaucoup de secteurs, des médecins de 55 ans et 56 ans sont sur le point de partir à la retraite, et pour certains, ils ne seront pas remplacés, faute de candidats.

« C’est maintenant qu’il faut prendre les décisions » prévient le député de la Lozère :

 

Des médecins libéraux qui ne seraient plus libre de s’installer comme ils le souhaitent ? Une très grave erreur selon Claude Leicher :

 

 

En début d’année, Manuel Valls a annoncé une grande conférence sur la santé, animée par des personnalités reconnues du monde médical, autour de la modernisation du système de santé, et en particulier l’avenir du métier et du mode d’exercice médical.

 

 

Source : http://www.franceculture.fr/emission-pixel-services-publics-vraiment-pour-tous-2015-06-12

 

 

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12 juin 2015 5 12 /06 /juin /2015 16:39

 

Source : http://blogs.mediapart.fr/blog/gerardfiloche

 

 

Valls et les 17 000 croissants

 

« La loi du marché » : vous êtes vendeuse, vous avez 50 ans, votre salaire est si bas que vous avez le besoin de récupérer en douce des « bons » d’achat d’un euro destinés aux clients, oubliés par eux et périmés : la direction du supermarché vous surveille, vous coince, vous convoque, vous humilie, et vous vire sans indemnités pour faute grave en dépit de vos 25 ans d’ancienneté. La vendeuse du film avec Vincent Lindon a peu de chances de retrouver du boulot. Elle se suicide. Comme un salarié de Lidl, récemment à Rousset, dans les Bouches-du-Rhône.

La direction d’un autre supermarché veut se débarrasser de tous les salariés à « temps pleins » pour les remplacer par des femmes à temps partiels, vulnérables et corvéables. La déléguée syndicale qui résiste se voit accuser de manger un croissant de la veille, démarqué, et la direction demande son licenciement pour vol : l’inspecteur du travail qui refuse, se voit désavoué par le cabinet du ministre qui casse sa décision. Les licenciements abusifs sont décidément trop faciles !

Elle va aux prud’hommes qui lui donnent raison, en vérifiant que c’était un « usage » pour les personnels de manger ces croissants périmés : le patron fait appel, entre temps Macron aura fait voter que gagner au tribunal ne donne pas lieu à indemnité ni réintégration, Valls aura baissé les plafonds des indemnités. Elle aussi, va se retrouver à 55 ans sans boulot, pour un croissant 

En 1995, en Suède, une ministre a du démissionner pour avoir fait une course de 20 euros avec la carte bancaire de son ministère, sans l’avouer ni régulariser. En 2013, Cahuzac ministre du budget, proche de Valls, est convaincu de fraude fiscale, sans doute pour plusieurs millions d’euros et doit partir en catastrophe.

Samedi 7 juin 2015, au congrès de Poitiers, trois jours après la hausse du chômage, Manuel Valls se vante de son périple du soir en Falcon vers la « Ligue des champions » à Berlin. Il fanfaronne sur les « grincheux » jaloux de sa vie « people » de Roland Garros à Berlin. Puis il tente de faire croire qu’il va à une réunion – annulée - de l’UEFA, d’autant plus absurde que Platini est à l’Elysée aussitôt après. Platini dit qu’il l’a invité… mais ne paie pas : les 17 000 euros sont de l’argent public. 17 000 croissants d'un coup. 17 000 bons d’achat. Valls bégaie que la présence de ses enfants ne change rien au prix du billet du Falcon puis propose de rembourser, pour eux, 2500 euros, et s’excuse, « si c’était à refaire je ne le ferais pas ».

Tentatives répétées de dissimulations d’abus de biens sociaux : pour moins que ça, pour quelques « bons d'achat » périmés et un croissant, les victimes de la politique austère de Valls en meurent. Comment lui, reste t il en place ? Et le PS, là, empli d’éthique, ne le passe pas devant sa « Haute autorité » ?

Gérard Filoche

 

 

Source : http://blogs.mediapart.fr/blog/gerardfiloche

 

 

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11 juin 2015 4 11 /06 /juin /2015 21:57
BNP Paribas contre Attac : l’hôpital se fout de la charité
mercredi 10 juin 2015, par Attac France

Plus de 3 mois après à la réquisition citoyenne de chaises effectuée par les militant.e.s d’Attac dans l’agence BNP Paribas du boulevard Voltaire à Paris, la banque a finalement osé porter plainte pour « vol en réunion » contre Thomas Coutrot, porte-parole d’Attac. Jusqu’où la principale banque française, qui détient pas moins de 170 filiales dans les paradis fiscaux, s’enfoncera-t-elle dans le ridicule et le déshonneur ?

 

 

Entendu par la police ce matin pour « vol en réunion » sur plainte de BNP Paribas, Thomas Coutrot a réfuté cette accusation : « j’ai rappelé aux enquêteurs que voler, c’est s’approprier le bien d’autrui. Or nous sommes tout disposés à restituer les chaises de BNP Paribas dès que la banque annoncera la fermeture de ses 7 filiales aux Îles Caïmans. En outre, nous ne disposons pas des chaises pour notre bénéfice propre puisqu’elles circulent au sein d’une chaîne d’usage et de solidarité. » Le porte-parole d’Attac France a laissé la police prendre ses empreintes digitales et sa photo mais a refusé le prélèvement d’ADN.

Comme le montre le Livre noir des banques, les banques sont lourdement engagées dans l’organisation industrielle de l’évasion fiscale. Les scandales HSBC et UBS, révélés par de courageux lanceurs et lanceuses d’alerte, ne sont que la partie visible de l’iceberg. Depuis 18 mois, dans le cadre de sa campagne « les Requins » contre les banques et les multinationales prédatrices, Attac demande sans succès à BNP Paribas de fermer ses filiales aux Caïmans. Pour quelle autre raison que l’évasion fiscale la plus grande banque française dispose-t-elle de 29 filiales au Luxembourg, 10 à Hong-Kong, 7 en Suisse, 7 à Singapour et 7 aux Îles Caïmans ?

Plutôt que de diligenter la police et la justice contre les militant.e.s, les pouvoirs publics feraient mieux de mettre un terme à cette situation intolérable. L’évasion fiscale coûte de 60 à 80 milliards d’euros par an au budget de la France, et les timides mesures de régularisation des comptes en Suisse (rapport : 2 milliards par an) n’en représentent qu’une petite partie. Plus généralement, comme le demande la Plateforme paradis fiscaux et judiciaires, l’ensemble des entreprises doit être tenue de publier ses comptes pays par pays, pour faciliter la collecte de l’impôt et réduire la fraude, l’évasion et les injustices.

Attac appelle à une mobilisation nationale sur les réseaux sociaux en incitant les citoyen.e.s à se prendre en photo et à les relayer avec la phrase « Toutes et tous #FaucheursDeChaises BNP et HSBC » pour dire stop à la fraude et à l’évasion fiscale

 

 

Source : https://france.attac.org

 

 

 

 

 

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11 juin 2015 4 11 /06 /juin /2015 21:27

 

Source : http://www.mediapart.fr

 

 

Ce « bureaucrate » du FMI au cœur des négociations avec la Grèce

|  Par Amélie Poinssot et Ludovic Lamant

 

 

Il est l’un des principaux architectes des plans d’aide à Athènes depuis 2010. À 60 ans, le Danois Poul Thomsen, peu connu du grand public, dirige le FMI en Europe. Cet économiste adepte des théories néolibérales pur jus, qui s’est fait la main en Europe centrale et en Russie, se montre inflexible dans le bras de fer qui se joue aujourd’hui entre la Grèce et ses créanciers.

Il fait partie, avec la chancelière allemande et son ministre des finances, des rares négociateurs à être présents depuis le début de la « crise grecque ». Tous les autres, Grecs, Français, commissaires et autres Européens ont tourné, au gré des élections et des remaniements ministériels. Poul Thomsen, lui, est resté. Cet « expert », économiste danois, chef de la mission du FMI en Grèce, a même été promu au sein de l'institution de Washington. Depuis novembre dernier, il officie, aux côtés de Christine Lagarde, comme directeur adjoint en charge du département Europe. Il gère donc, pour l’institution, non seulement le dossier grec, mais aussi le dossier ukrainien, autre lieu critique du continent.

Défenseur acharné de l'austérité budgétaire et de la libéralisation du marché du travail, Poul Thomsen, qui porte beau la soixantaine, est au départ l'un des trois représentants de la Troïka [Banque centrale européenne (BCE) – commission – FMI] avec qui la Grèce a signé des mémorandums d'austérité en 2010 puis en 2012. Aujourd’hui, il est toujours aux manettes de ce que l'on appelle désormais le « Groupe de Bruxelles ». Or depuis février, les négociations patinent et Poul Thomsen, selon plusieurs sources proches des négociations jointes par Mediapart, porte une responsabilité majeure dans le blocage. « Avec le FMI, la question des retraites, et des départs anticipés à la retraite, vient toujours très haut dans l’agenda des négociations. Or c’est une ligne rouge pour Athènes, et cela braque les Grecs d’entrée de jeu », racontait un témoin bruxellois des discussions en avril.

« Il y a des divergences majeures entre nous dans la plupart des domaines essentiels », a d'ailleurs dit un porte-parole du FMI à des journalistes ce jeudi 11 juin tandis que les représentants de l'institution quittaient la table de négociations à Bruxelles. Dans les propositions envoyées quelques jours plus tôt par les créanciers au gouvernement Tsipras figurent en effet plusieurs exigences musclées, à commencer par la suppression de l’allocation de solidarité EKAS à destination des petites retraites. Les créanciers réclament aussi, comme l’indique à Mediapart une source proche des négociations à Athènes, une augmentation de la taxe sur l’énergie – sujet très sensible en Grèce où le fuel domestique, le gaz et l’électricité sont déjà vendus à des tarifs particulièrement élevés, ce qui a plongé les foyers les plus affectés par la crise dans des spirales d’endettement. Ils plaident aussi pour une clause de « déficit zéro » sur les caisses de retraite. Or le secteur des retraites a déjà fait les frais d'une réforme dès le premier mémorandum, en 2010 : les 13e et 14e mensualités avaient alors été supprimées, l'âge de départ à la retraite repoussé, les avantages dont bénéficiaient certaines professions supprimés…

 

Poul Thomsen lors d'une visite au ministère grec des finances, en mars 2014.Poul Thomsen lors d'une visite au ministère grec des finances, en mars 2014. © Reuters
 

Pour qui observe la scène grecque depuis 2009, le visage de Poul Thomsen n'a rien de nouveau. C'est déjà lui qui, en février 2011, avait annoncé lors d'une conférence de presse avec ses homologues de la Troïka un programme de privatisation des biens publics, avant même que le gouvernement (alors dirigé par le socialiste Georges Papandréou) n'en informe les électeurs. Gaffe ou fuite savamment orchestrée pour éviter à l'exécutif grec de se brûler les ailes ? Quoi qu'il en soit, par la suite, la Troïka n'a plus jamais informé les journalistes, poursuivant ses missions à Athènes à l'intérieur des couloirs feutrés des ministères grecs et prenant ses décisions en toute opacité.

À la question d'un journaliste grec demandant si l'Acropole était susceptible d'être mis en vente, le représentant du FMI avait tenté de se montrer rassurant : « Personne ne veut que la Grèce mette en danger son patrimoine culturel ni qu’elle vende des entreprises qui appartiennent naturellement au secteur public, cela va sans dire. » Mais déjà, alors que la péninsule hellène était sur les rails d'un programme d'austérité depuis moins d'un an, il se présentait comme le donneur de leçons, le distributeur des bons et mauvais points.

« Le programme est arrivé à un carrefour critique. Beaucoup a été accompli. Le programme est en partie réalisé, mais il ne sera pas réalisé sans une accélération des réformes structurelles », avait-il déclaré. Comme si les réformes « structurelles » pouvaient être mises en place en à peine quelques mois… À ses côtés, figuraient ses deux homologues de la Troïka, tombés depuis dans les oubliettes, Servaas Deroose, pour le compte de la commission européenne, et Klaus Masuch, pour le compte de la Banque centrale européenne (BCE).

 

La dernière conférence de presse de Poul Thomsen à Athènes. C'était en février 2011, avec les autres représentants de la TroïkaLa dernière conférence de presse de Poul Thomsen à Athènes. C'était en février 2011, avec les autres représentants de la Troïka © Reuters
 

Poul Thomsen, lui, est resté au cœur des négociations. Et c’est en partie à lui que l’on doit cette situation paradoxale : tandis qu'une majorité des électeurs grecs s'est prononcée en janvier dernier contre le tout-austérité à l'œuvre depuis 2010 et a balayé les deux partis au pouvoir depuis 1974, un économiste jamais confronté au verdict des urnes, n'ayant aucun lien avec la Grèce, évoluant depuis trente ans dans les bulles des experts expatriés dans les pays d'Europe centrale et orientale, continue d'imposer sa grille de lecture.

Il reste en outre un personnage méconnu du grand public. Plus gênant, il rechigne à rendre des comptes devant les élus. Il n’a daigné se présenter devant les eurodéputés qu’à de très rares reprises. « Nous avions bataillé pour organiser une audition des dirigeants de la Troïka au Parlement », en mars 2012, se souvient Sylvie Goulard, une eurodéputée qui râle contre ces négociateurs qui ne font même pas le service minimum pour tenir au courant les élus de l’avancée des discussions.

Le FMI, toutefois, ne s’est pas imposé tout seul en Grèce. Comme le rappelle un ancien acteur des négociations à Athènes, joint par Mediapart, « ce sont les gouvernements européens qui ont fait appel au FMI, en 2010, pour gérer le cas grec. La commission avait alors un problème de culpabilité, elle n’avait pas prévu la crise financière et budgétaire qui allait éclater en Grèce ». Politiquement, elle avait besoin, aussi, de ne pas endosser toute seule la responsabilité de ce qui allait suivre… « Si l'on ne voulait pas en arriver là, il ne fallait pas aller chercher le FMI en 2010… Il n'y a rien de surprenant aujourd’hui : le FMI prête de l'argent en l'échange de conditionnalités, c’est comme cela qu’il fonctionne », renchérit Sylvie Goulard.

 

L’erreur stratégique du FMI en décembre 2014

Au début, le FMI n’apparaît d’ailleurs pas comme le partenaire le plus dur dans les négociations grecques. Le Fonds joue même, au sein de la Troïka, le rôle du « gentil », quand la commission européenne et la Banque centrale, elles, se montrent intransigeantes sur la trajectoire budgétaire d’Athènes. En juin 2013, les premières divergences avec Bruxelles apparaissent au grand jour. L’institution de Washington publie un rapport qui fait l’effet d’une bombe : elle y fait son mea culpa, reconnaissant qu’elle avait sous-estimé l’impact des coupes budgétaires sur la récession.

Elle critique aussi le plan de sauvetage négocié en 2010 pour la Grèce, expliquant qu'à ses yeux, il aurait mieux fallu « adoucir » la politique d'austérité en pratiquant, dès le départ, un effacement partiel des dettes publiques – scénario exclu, à l'époque, par Paris et Berlin (lire l'article de Martine Orange) mais finalement réalisé deux ans plus tard. Le commissaire aux affaires économiques et monétaires, Olli Rehn, réplique alors : « Que le FMI se lave les mains et fasse peser toute la responsabilité sur les épaules de l'Europe est injuste. » À l’époque, les observateurs parient sur un désengagement du FMI du prochain plan d’aide à Athènes et la Troïka semble déjà menacée d’implosion.

En octobre 2013, la presse anglo-saxonne en rajoutait une couche : des comptes-rendus de débats internes montrent qu’en ce mois décisif de mai 2010, plus de 40 États membres du Fonds, tous non européens, s'étaient opposés au plan d'aide tel qu'il avait été conçu pour Athènes. Des représentants de l'Australie, de la Russie ou de l'Argentine avaient mis en garde contre d'« immenses risques » encourus. Un officiel brésilien s'était, lui, inquiété d'un programme « mal conçu et insoutenable en dernier ressort ».

Surtout, le FMI pousse pour alléger le poids de la dette grecque, contre l’avis des Européens. « Il y a toujours eu de vrais désaccords entre le FMI d'un côté, et la BCE et la commission de l'autre, assure Liêm Hoang-Ngoc, un ancien eurodéputé socialiste qui a rédigé l'an dernier un rapport d'enquête sur l'action de la Troïka. Dès février 2010, le FMI avait compris qu'il fallait restructurer la dette grecque. Au-delà de 120 milliards d'euros, la dette grecque n'était pas soutenable à leurs yeux. Il fallait donc restructurer, plutôt qu'engager une consolidation budgétaire [des mesures d’austérité – ndlr] qui risquait de casser la croissance. Mais c'est la deuxième option qui a été retenue par les créanciers. Une restructuration de la dette est finalement intervenue deux ans plus tard, mais ce fut à la fois trop vite et trop peu. » Deux opérations d’effacement partiel de la dette ont en effet été engagées avec les créanciers privés de la Grèce, en février puis en novembre 2012.

Fin 2014, la promotion de Poul Thomsen, en remplacement du Britannique Reza Moghadam, plutôt modéré, puis la victoire de Syriza en janvier dernier, accentuent le décalage. Le FMI assume désormais ses divergences de vue, au sein du « groupe de Bruxelles », avec la commission et la BCE. Déjà, en décembre, lorsque le gouvernement grec, alors dirigé par le conservateur Antonis Samaras, demande, conformément à l'accord de février 2012, le déblocage de la dernière ligne de prêt, sentant le mécontentement populaire grandir, Poul Thomsen lui-même refuse, au nom du FMI : il emboîte alors le pas à Mario Draghi, chef de la BCE, pour qui la réforme des retraites était insuffisante, tandis que d'après les informations de l'agence Bloomberg, le commissaire européen Pierre Moscovici était favorable, lui, à l'octroi de la tranche sans nouvelles conditions.

« C’est le FMI qui n’a pas voulu lâcher sur le dernier volet du bailout [le plan d’aide – ndlr], fin 2014, c’est lui qui ne s’est pas montré assez souple. Sans cela, aujourd’hui, on n’en serait pas là », râle un participant bruxellois aux négociations avec Athènes. La décision sera lourde de conséquences, puisque l’impossibilité pour le gouvernement d'alors de trouver un accord avec ses créanciers le conduit à convoquer des élections anticipées… qui amènent Syriza au pouvoir.

 

Victoire de Syriza le 26 janvier 2015. Tsipras annonce la fin de la mission de la Troïka et la sortie de l'austérité.Victoire de Syriza le 26 janvier 2015. Tsipras annonce la fin de la mission de la Troïka et la sortie de l'austérité. © Reuters
 

Était-ce ce que voulait Poul Thomsen ? De fait, il avait certainement compris que le gouvernement Samaras, en manque de légitimité, ne pouvait plus rien faire passer auprès du peuple grec. Mais de là à vouloir se retrouver à la table des négociations aux côtés d'un Yanis Varoufakis, l’actuel ministre des finances grec, ou d'un Euclide Tsakalotos (interviewé par Mediapart au moment de sa nomination comme nouveau coordinateur de l’équipe grecque), tous deux économistes au corpus marxiste, qui ont bâti leur discours sur la remise en cause complète des « recettes » du FMI, ce n'était pas se faciliter la tâche pour un ultralibéral comme Thomsen… Il a commis là une erreur stratégique, se méprenant sur les chances réelles de Syriza de parvenir au pouvoir. À moins qu'il n'ait misé sur un bref passage de Syriza au pouvoir, pariant sur un effondrement rapide. Là aussi, erreur de diagnostic : malgré la dureté des négociations, le rapport de force défavorable à Tsipras et ses nombreux reculs, la majorité de ses électeurs continue, pour l'heure, de le soutenir (lire notre reportage à Athènes en avril). Depuis, les sondages placent toujours Syriza en tête en cas de nouvelles élections.

 

Manifestation de retraités à Athènes, le 20 mai 2015.Manifestation de retraités à Athènes, le 20 mai 2015. © Reuters
 

Cette erreur n'est sans doute pas étrangère à la ligne sans concession que Thomsen adopte depuis février et qui semble plus rigide encore que ses propres positions défendues au cours des années 2010-2012, même si certains acteurs des précédentes négociations à Athènes estiment que sa ligne n’a pas bougé. En réalité, elle correspond au bagage idéologique de ce Danois formé aux courants les plus orthodoxes, qui a toujours été partisan du moins de protection sociale, moins d’État, moins de dépenses publiques.

 

Des divergences d'analyse profondes au sein de l'ex-Troïka

Car avec la Grèce, Thomsen n’en est pas à son premier essai de mise en pratique des recettes néolibérales. Cet économiste a fait l'essentiel de sa carrière d'économiste au FMI : il y est en poste depuis 1982 et se spécialise au cours des années 1990 sur la transition de plusieurs pays du bloc de l'Est. En Roumanie notamment, où il dirige les négociations, il impose, dans les années 1996-1998, d'importantes réductions de salaires. De 1998 à 2010, il suit la Russie où il est détaché pendant quelques années pour y officier comme porte-parole de l'institution. À la fin de son mandat, il a également en charge le suivi de la Pologne.

Autrement dit, des États qui n'ont pas grand-chose en commun avec l'économie d'un pays comme la Grèce, qui n'a pas connu l'économie centralisée propre au système soviétique, qui est restée très pauvre jusque dans les années 1970 et qui se caractérise encore aujourd'hui par le petit entrepreneuriat familial, un secteur rural éclaté, une forte activité touristique saisonnière, de gros handicaps géographiques. Bref, strictement rien à voir avec un pays industriel comme la Pologne… D'ailleurs, Thomsen le dit lui-même : « Nous avons besoin d’assurer que nous traitons nos membres de manière égale, que nous appliquons nos règles de manière uniforme », a-t-il déclaré ce printemps à Bloomberg. Appliquer des règles de manière uniforme : tel est le credo de cet homme pour qui le monde paraît bien manichéen.

 

Christine Lagarde (FMI), Yanis Varoufakis, ministre des finances grec, et Poul Thomsen à droite, en février à Bruxelles.Christine Lagarde (FMI), Yanis Varoufakis, ministre des finances grec, et Poul Thomsen à droite, en février à Bruxelles. © Yves Herman - Reuters.
 

C’est ce que lui reproche à Athènes un ancien ministre qui fut au cœur des négociations grecques entre 2011 et 2014. « Nous avons une différence d’approche fondamentale avec Poul Thomsen, déclare-t-il à Mediapart. Pour lui, comparer le niveau de vie des Grecs avant la crise à celui d’aujourd’hui n’a aucun sens : il compare le niveau de vie des Grecs à celui des Bulgares, des Roumains, des pays baltes. C’est une comparaison inacceptable pour notre société. »

Les discussions avec le chef de la mission Grèce du FMI comme avec ses collègues ont toujours été houleuses, reconnaît cette source. « Thomsen était un interlocuteur difficile, aux opinions très tranchées. Il ne s’intéressait qu’aux données budgétaires annuelles, il n’avait pas notre approche stratégique, structurelle, nationale. Si la question des retraites resurgit aujourd’hui, c’est qu’il est toujours focalisé sur l’équilibre budgétaire des années à venir : il n’y a que cela qui l’importe. C’est un bureaucrate, la dimension sociale d’une baisse des pensions de retraite pour une société frappée par la récession et un chômage explosif lui est étrangère, tout comme le fonctionnement du système de retraites sur le long terme. »

Pour autant, notre interlocuteur athénien ne souhaite pas jeter la pierre à Thomsen plus qu’à un autre. « C’est un membre du staff du FMI qui exprime les idées dominantes de l’institution. Le problème du Fonds monétaire, c’est l’autoréférence du staff, qui décide et impose la ligne directrice du FMI. Celle-ci a toujours été dure concernant la Grèce, prônant d’un côté l’austérité budgétaire et de l’autre, une décote de la dette publique à laquelle la BCE était tout à fait opposée. Cette position n’est pas qu’idéologique, elle résulte aussi de la composition de son conseil d’administration, fait pour partie de pays en voie de développement pour qui il est très difficile d’approuver un programme ambitieux dans un pays “riche”, membre de la zone euro. »

À la différence de la BCE ou de la commission, le FMI n’est pas engagé pour le maintien de la Grèce dans la zone euro. Ses objectifs sont à plus courte vue. Le Fonds cherche avant tout à satisfaire ses actionnaires, dont les États-Unis, mais aussi nombre de pays émergents comme le Brésil ou le Mexique, qui s’agacent, parfois, d’un traitement qu’ils jugent trop doux vis-à-vis du patient grec. Thomsen fait donc avant tout ce que lui demandent ses actionnaires : réclamer le remboursement des prêts dans les temps.

Mais des économistes autrefois proches de lui commencent à lui reprocher son suivisme. Ainsi de son ancien collègue, l’Indien Ashoka Mody, qui défend, dans une tribune récente, une autre piste, qui paraît peu probable : un allègement d’une bonne partie de la dette qu’Athènes a contractée à l’égard du FMI lui-même, un défaut partiel qui serait consenti par les actionnaires du Fonds.

En définitive, les partenaires institutionnels de la Grèce n’arrivent plus aujourd’hui à parler d’une seule voix. Comme l’explique à Athènes une source proche des négociations, le plus gros problème dans les négociations en ce moment est « le désaccord des créanciers sur la question majeure de la dette », ce qui a pour conséquence la situation suivante : « Comme les créanciers ne sont pas d’accord sur la question de la dette, ils ont différentes “lignes rouges”, à savoir : le FMI a besoin de prouver que la dette est soutenable, donc comme les Européens ont posé comme ligne rouge de ne pas effacer la dette, le FMI pose comme ligne rouge la nécessité de coupes horizontales dans les pensions de retraites afin de compenser le problème de la dette. Il en résulte que, dans la mesure où, au final, ils veulent présenter “une position commune” sur la Grèce, cela se traduit par des “lignes rouges à tous les niveaux” de la part des créanciers. »

Autrement dit, le gouvernement Tsipras fait aujourd'hui les frais d’une lutte de pouvoir et d’une divergence d’analyse profonde entre ses différents « partenaires ». Et se voit administrer, après déjà cinq années consécutives d’austérité, et malgré les nombreux constats d’échecs, toujours la même recette.

 

 

 

 

Source : http://www.mediapart.fr

 

 

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11 juin 2015 4 11 /06 /juin /2015 21:06

 

Source : http://www.marianne.net

 

 

 

Novlangue
Virer plus facilement pour créer plus d'emplois : la "doublepensée" de Macron

 
Paul Conge
 
 
 
La "doublepensée", c'est ce concept inventé par George Orwell permettant de garder à l'esprit deux croyances contradictoires, et des les accepter toutes deux. Dans la matinale de France Inter ce mercredi, le ministre de l’Economie était convaincu de deux choses. Plafonner les indemnités de départ, c’est faciliter les licenciements. Mais plafonner les indemnités de départ, c’est favoriser l’emploi.
 
 
SEBASTIEN SALOM-GOMIS

 

Emmanuel Macron est un garçon cultivé. Il a sans doute lu Foucault, peut-être feuilleté le philosophe chinois Han-Fei-tse et, avec l’appui de ses spin doctors, il est probable qu'il a eu vent de l’importance de tordre les mots pour inverser l’ordre des choses. A l’heure du 7/9 de France Inter ce mercredi, le ministre de l’Economie s’est livré à un de ces impayables exercices de rhétorique qu’il maîtrise désormais parfaitement. Au carrefour de la novlangue et du jargon administratif, les mots sont sortis de leur coquille, employés à décrire l’inverse de ce qu’ils veulent dire, mais énoncés sur le ton de la foi. Presque du Orwell dans le texte.

 

« La guerre, c’est la paix »

Questionné par Patrick Cohen sur les fameux plafonnements des indemnités de licenciement, point contesté dans les mesures annoncées hier pour les PME, l’ancien assistant du philosophe Paul Ricœur fait mine de ne pas capter le litige. C’est pour « la visibilité », martèle-t-il. « Visibilité mutuelle » : pour les salariés, et pour les employeurs. D’ailleurs, « cette visibilité, c’est de la sécurité ».

 

 

Le patron du Medef Pierre Gattaz avait usé des mêmes éléments de langage pour louer cette mesure qui viserait à « réduire l'insécurité juridique et de donner de la visibilité ». Converti, Macron parle donc le Medef sans accent : la sécurité des salariés, c’est de faciliter leur licenciement. Et à la clé, « cela créera de l’emploi ». Bref, « la guerre, c’est la paix »...

 

« La liberté, c’est l’esclavage »

« Cette mesure a une efficacité, et elle est juste, parce qu’elle donne une visibilité », reprend Macron en réponse à un auditeur inquiet des incidences de ces mesures sur les CDD. « On donne une flexibilité à certains employeurs qui sont obligés de se séparer du salarié. » Après la « visibilité », la « sécurité », l'« efficacité », place donc à la « flexibilité »... Et de poursuivre, comme s'il avait un dictionnaire des rimes en main : « Les mesures sur le coût du travail, il faut leur donner de la stabilité. Les employés ont besoin de stabilité, d’adaptabilité, et d’agilité », dit-il. Comprendre : fluidifier le licenciement, faciliter la mobilité des salariés, c’est efficace. Et juste. Et la liberté, c’est l’esclavage ?

 

Source : http://www.marianne.net

 

 

 

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11 juin 2015 4 11 /06 /juin /2015 20:00

 

Source : http://cadtm.org

 

 

De quoi la crise est-elle le nom ?

11 juin par Renaud Duterme

 

 

 

CC - Stencil « La crise ?! »

 

Selon le vocable suivi par la majorité des médias et des économistes, nous sommes depuis plusieurs années dans une situation de « crise ». Cette dernière serait non seulement financière et économique mais également écologique, sociale, politique, etc. Pourtant, ce que traversent nos sociétés est beaucoup plus profond. De ce fait, l’utilisation de ce vocabulaire n’a-t-elle pas pour fonction première de servir les intérêts des classes dirigeantes, bien souvent à la manœuvre pour nous faire « retrouver la croissance » ?
De ce fait, ce concept de « crise » est à la fois sous-estimé et exagéré, laissant apparaître un paradoxe qui n’est qu’apparent.

 

Un basculement plutôt qu’une crise
L’utilisation du mot « crise » est tout simplement inappropriée pour décrire l’état de nos sociétés post-industrielles |1| . L’idée de crise suppose en effet un caractère temporaire, impliquant tôt ou tard un retour à une situation antérieure (dans ce cas-ci des taux de croissance positifs combiné avec le « plein-emploi »). Or, les contradictions du système sont telles qu’un retour à ce type de situation, considérée comme allant de soi, est impossible. Ces contradictions sont de deux ordres :

  1. Socio-économiques : ce qu’on nomme la crise n’est en fait rien d’autre qu’une situation de surproduction à l’œuvre depuis la fin des années 70. Traditionnellement pointé du doigt pour expliquer la fin des Trente Glorieuses, le premier « choc pétrolier » ne fut que le révélateur de tendances déjà en œuvre qui précipitèrent dans l’abîme la fameuse croissance économique tant acclamée : d’une part un tassement de la demande en raison du manque de débouchés et d’autre part un chômage de masse irréversible causé par les délocalisations et le recours aux machines de plus en plus omniprésentes. La « crise » fut temporairement résolue par un endettement généralisé (ménages, entreprises et Etats), le tout dilué dans un contexte de financiarisation croissante de l’économie. Ce ne fut qu’une fuite en avant, laquelle montre ses limites depuis 2007 |2| .
  2. Ecologiques : même si les contradictions qui précèdent venaient à être dépassées, il en est d’autres que toute idéologie ne saurait résoudre. En font partie les limites physiques de la planète : réchauffement climatique, épuisement des ressources (pétrole, minerais, réserves d’eau douce, terres arables, etc.), déversement de molécules chimiques artificielles dans la nature, pollution atmosphérique, atteinte à la biodiversité, déforestation, désertification et érosion des sols, etc. Bref, ce qu’on nomme les externalités de la croissance (car non prises en compte dans les calculs du PIB) sont en train de sauter au visage d’un système dont la raison d’être est de ne connaître aucune limite. Ces mises en garde ne sont pas récentes puisque les auteurs du Club de Rome nous les posaient déjà il y a quarante ans |3| .

Ces éléments font qu’il est à la fois illusoire mais également non souhaitable de renouer avec des taux de croissance tels que nous les avons connus lors des périodes de vaches grasses. À l’inverse, nous sommes à bout d’un modèle économique, empêtré dans sa logique du profit à court terme lui occultant toute vision d’avenir.

 

La stratégie du choc
Pour autant, il serait dangereux de croire à la fin du capitalisme par le biais de ces contradictions. Au lieu de ça, le dépassement des seuils écologiques et les déboires économiques que nous connaissons permettent précisément au système de poursuivre son expansion. Comme l’écrit Isabelle Stengers, c’est dans la nature du capitalisme d’exploiter les opportunités |4| . Et force est de constater que c’est exactement ce qu’il est en train de faire. Concrètement, le concept de crise est utilisé pour faire miroiter un hypothétique « retour à la normale », de façon à justifier des politiques visant à étendre l’emprise du capital sur des secteurs jusque là épargnés (services publics, milieux naturels, fonctions éco-systémiques, gestion des catastrophes, etc.). Comme l’écrivent Pablo Servigne et Raphaël Stevens, « tout en invoquant l’urgence, la crise nourrit paradoxalement un imaginaire de continuité » |5| .

Quelques exemples pour illustrer cette tendance.

  1. En Europe, ce qu’on nomme la « crise de la dette » sert parfaitement d’épouvantail pour justifier l’imposition de mesures impopulaires. Le remboursement de la dette (idée techniquement irréfutable) masque ainsi tout rapport de force politique existant et encourage de la sorte les privatisations, les coupes dans les dépenses publiques et le démantèlement du droit au travail. La Grèce est sans doute le pays où la logique est à son paroxysme.
  2. Cette « stratégie du choc » |6| est également à l’œuvre dans la gestion des désastres naturels : de la Nouvelle Orléans à Haïti en passant par les plages balayées par le tsunami en Asie du Sud-est, tout est bon pour jeter dans les bras du marché la gestion et la reconstruction post-catastrophe au détriment des plus pauvres. Or, les prévisions du GIEC concernant les effets du réchauffement climatique sont catégoriques : les catastrophes climatiques vont s’accroître, à la fois en nombre et en intensité. De quoi attiser la convoitise d’un secteur privé toujours avide de profits.
  3. Les conséquences du réchauffement peuvent dans un autre registre permettre d’augmenter encore ses marges de profits. Ainsi, l’ouverture des glaces arctiques encourageant une possible exploitation pétrolière, la mainmise du secteur des assurances sur la gestion des risques climatiques , la financiarisation croissante de la nature, la spéculation sur des espèces en voie d’extinction ou encore la promotion de solutions techniques aux changements climatiques |7| (tels que la géo-ingénierie |8| ou le nucléaire) constituent autant d’exemples qui illustrent la capacité des entreprises multinationales à exploiter toutes les opportunités, peu importe les risques pour les populations et les écosystèmes.
  4. L’argument des créations d’emplois sert en outre de prétexte pour assurer la mainmise sur des ressources naturelles par les grandes entreprises multinationales : l’exemple le plus emblématique est sans doute l’exploitation des pétroles non conventionnels (gaz de schiste et sables bitumineux principalement) mais d’une certaine façon, l’accaparement des terres arables dans les pays du Sud et l’exploitation minière rentrent également dans ce cas de figure.
  5.  

Des remèdes pires que le mal
Bien entendu, loin de résoudre les problèmes, ces remèdes vont aggraver la situation à bien des égards : creusement des inégalités (sociales et entre les sexes |9|), dégradation de la cohésion sociale, appauvrissement et démantèlement de la classe moyenne là où elle existe, surexploitation de l’environnement et des peuples, etc. Cela va clairement porter atteinte à la légitimité du capitalisme. Son principal argument (l’accès au rêve américain pour qui le désire) s’effrite peu à peu et n’est dès lors réservé qu’à une minorité toujours plus réduite de citoyens. Si cet élément peut constituer une brèche dans laquelle peuvent s’engouffrer des idées de changement radical anticapitaliste, force est de constater que dans de nombreux cas, ce sont les replis identitaires qui prévalent, accompagnés de préjugés sur des boucs émissaires tout désignés (immigrés, minorités ethniques, chômeurs, fonctionnaires, etc.). On constate par ailleurs une tendance de plus en plus fréquente à un Etat d’exception, qui s’illustre dans plusieurs domaines : mise au pouvoir de technocrates pour gérer l’endettement des pays, surveillance généralisée prétextée par les divers attentats, répression des mouvements sociaux, etc. Il est ainsi fort à craindre que l’approfondissement de la « crise » tel qu’il va se produire dans les prochaines années ne présage un grand succès pour les partis xénophobes, voire racistes, les mouvements extrémistes religieux, le tout baignant dans une gestion toujours plus autoritaire de l’Etat.

 

Un discours de classes
Face à ce constat, davantage lucide que pessimiste, il est fondamental de réaffirmer un discours sous l’angle d’une analyse en termes de classes sociales. À l’instar du mouvement Occupy Wall Street, nous devons insister sur la responsabilité du 1 % dans la situation de débâcle économique que nous traversons ainsi que dans les dépassements des seuils écologiques mentionnés ci-dessus. Plus qu’un slogan, ces responsables sont identifiables : compagnies multinationales, grandes banques, élites économiques et politiques à leur solde ; en somme, tous les acteurs qui tirent profit d’une façon ou d’une autre de la précarisation du plus grand nombre. Accepter cette vision en termes de classes ne signifie pas nécessairement adhérer à un projet de soviétisation de la société comme veulent nous le faire croire de nombreux économistes libéraux. Il s’agit plutôt de se focaliser sur des actions ciblant prioritairement leur pouvoir : parmi celles-ci, citons notamment l’annulation des dettes illégitimes afin de mettre fin au chantage à l’austérité, la lutte contre les accords de libre-échange, la socialisation du secteur bancaire, un développement des services publics, une réforme fiscale profondément redistributive, etc. Les alternatives existent, non seulement sur papier mais également dans nombre d’endroits. Cela dit, leur concrétisation dépend avant tout des mobilisations collectives impulsées par la base. Or, celles-ci auront plus de chances de se produire une fois cette hypocrisie de la « crise » dévoilée. D’où l’intérêt d’utiliser les bons mots pour qualifier les réalités existantes.

 

 

 
Notes

|1| En fait, bien qu’à des degrés divers, ce qui suit est également valable pour la plupart des autres régions du monde. Les pays qualifiés d’ « émergents » voient déjà leur fameuse croissance tant enviée ralentir significativement. Voir http://donnees.banquemondiale.org/indicateur/NY.GDP.MKTP.KD.ZG

 

 

 

|2| Pour une mise en perspective historique de la crise des Subprimes, Voir HOUBEN Henry, La crise de trente ans, Aden, Bruxelles, 2011.

|3| MEADOWS Donella et Denis, RANDERS Jorgen, Les limites à la croissance, Rue de l’échiquier, Paris, 2012.

|4| STENGERS Isabelle, Au temps des catastrophes, éditions La Découverte, Paris, 2009, p43.

|5| SERVIGNE Pablo, STEVENS Raphaël, Comment tout peut s’effondrer, Seuil, Paris, 2015, p180.

|6| Du nom du célèbre ouvrage de Naomi Klein.

|7| Lire KEUCHEYAN Razmig, La nature est un champ de bataille, éditions Zones, Paris, 2014, chapitre 2.

|8| KLEIN Naomi, Tout peut changer, capitalisme et changement climatique, Actes Sud, Paris, 2015 (pour la traduction française), chapitre 8.

|9| Les femmes subissent en effet très souvent en première ligne les attaques frontales contre les acquis sociaux auxquelles se livrent les classes dirigeantes.

Auteur

Renaud Duterme

est enseignant, actif au sein du CADTM Belgique, il est l’auteur de Rwanda, une histoire volée , éditions Tribord, 2013 et co-auteur avec Éric De Ruest de La dette cachée de l’économie, Les Liens qui Libèrent, 2014.

 

Source : http://cadtm.org

 

 

 

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9 juin 2015 2 09 /06 /juin /2015 20:26

 

Source : http://www.mediapart.fr

 

 

Manuel Valls tourne un peu plus le dos aux salariés

|  Par Mathilde Goanec

 

 

 

Si Manuel Valls aime l’entreprise, il aime encore plus le patronat. Avec ses mesures pour l’emploi, le premier ministre s’attache à répondre point par point aux demandes des employeurs, quitte à détricoter un peu plus le code du travail.

Il paraît que quand les socialistes arrivent au pouvoir, le premier de leur souci est de rassurer le patronat, qui a tôt fait de les caricaturer rouge sang. Mais rassurant ne veut pas dire servile. Une nuance que Manuel Valls semble avoir définitivement enterrée. Prenant appui sur la volonté légitime de donner un coup de pouce aux TPE et PME (les très petites, petites et moyennes entreprises), le premier ministre annonce un catalogue de nouvelles mesures qui sont autant de coups de canif dans la protection des salariés. Surtout, après les lois Macron et Rebsamen, il sanctuarise l’idée que c’est le code du travail qui crée le chômage, et non pas le manque d’activité économique.

Le chef de Matignon avait promis aux syndicats reçus la semaine dernière qu’il ne toucherait pas au CDI, véritable casus belli et ligne rouge pour un certain nombre de militants socialistes. Une fois cela acté, le premier ministre a sûrement estimé avoir les coudées suffisamment franches pour rogner sur les fondamentaux du droit social à la française. À commencer par l’extension du recours aux CDD, qui pourront désormais être renouvelés deux fois, au lieu d’une aujourd’hui (dans une limite de 18 mois consécutifs). « Une souplesse de bon sens », assure le premier ministre. La génération précaire appréciera : après une flopée de stages, ce n’est plus un mais deux CDD que les jeunes arrivant sur le marché du travail pourront enchaîner avant d’avoir le privilège de peut-être enfin accéder au CDI. La dernière étude de l’Insee sur les inégalités est pourtant sévère sur la dislocation du marché du travail et la pauvreté grandissante dans laquelle vivent les Français de moins de 30 ans. Les abus étaient déjà nombreux, ils sont désormais entérinés au sommet de l’État. Plus que jamais, la précarité devient la norme, dans une veine libérale assumée.Validée par le président François Hollande, celui là-même qui, à l’été 2012, à la tribune de la première «conférence sociale» de son quinquennat sous les ors du Palais d’Iena, promettait de refaire du CDI la norme et de s’attaquer à l’explosion des contrats courts, des CDD et autres contrats générateurs de misère.

Le plafonnement des indemnités prud’homales, en fonction de la taille de l’entreprise et de l’ancienneté des salariés, d’apparence plus technique, n’en est pas moins lourd de conséquences. « Nous voulons apporter des réponses aux employeurs qui parfois hésitent à embaucher parce que l’éventualité d’une procédure de licenciement conflictuelle les freine », plaide Manuel Valls. Dans la logique socialiste, le licenciement est de moins en moins un accident de parcours. Il se calcule, se prévoit, se provisionne. Or en mêlant barèmes, plafond et plancher, Manuel Valls marche sur un fil. Il évite a priori le couperet constitutionnel, qui exige que le juge soit maître de sa sanction, mais risque de provoquer l’ire des syndicats, CFDT compris, même s'il a pris soin d’exclure les cas les plus graves de sa réforme. Pour le moment, seules les PME sont concernées. Les barèmes pour les entreprises de plus de 250 salariés seront examinés ultérieurement, « par les parlementaires ».

Dans ce gouvernement socialiste, une boulette de François Rebsamen devient également, le temps aidant, une réforme apte à booster le business. Ainsi la question des seuils sociaux dans les entreprises. Ils ont déjà été assouplis dans la loi sur la modernisation du dialogue social ainsi que dans la loi Macron. Désormais, les petites entreprises qui passeront les seuils des 10 et 50 salariés auront un délai de trois ans pour s’acquitter de leurs nouvelles obligations fiscales et sociales. Les appels du pied de Pierre Gattaz au Medef et de François Asselin à la CGPME ont bien été entendus. Ces derniers se sont d’ailleurs félicités, à grand renfort de communiqués de presse et de déclarations, de ces « bonnes initiatives ».

Sur les accords de maintien dans l’emploi aussi, le gouvernement joue encore une fois contre le salarié. Initiés par l’accord national interprofessionnel (ANI) voté en 2013 pour permettre aux entreprises de temporairement réduire les salaires tout en augmentant le temps de travail en cas de difficultés économiques, une poignée seulement ont finalement été signés. La cause de ce flop pour le patronat ? La résistance de certains salariés, qui refusent de signer ces accords. Ils peuvent être licenciés, mais pour raison économique, avec intervention de l’inspection du travail et indemnités afférentes. Une contrainte désormais levée.

Par compensation, le premier ministre a largement communiqué sur sa prime à la première embauche qui sera immédiatement versée aux toutes petites entreprises n’ayant jamais embauché. Quatre mille euros censés pousser les tout petits à franchir le pas, qu’ils embauchent en CDI ou en CDD. Plus de 60 000 emplois pourraient ainsi être créés selon Matignon. Une mesure séduisante a priori, mais qui arrive après une série d’incitations à l’emploi trop rarement évaluées. Le gouvernement a t-il pris la mesure de l’échec du contrat de génération, qui inclut lui aussi une aide de quelques milliers d’euros aux TPE et PME pour chaque embauche ? Que dire aussi des millions d’euros distribués dans le cadre du CICE ou du Pacte de responsabilité, alors même que le patron des patrons, Pierre Gattaz, s’assoit sur ses engagements sans vergogne ?

Enfin, c’est la méthode qui choque. Les mutations induites par cette série de mesures seront profondes. Pour éviter la controverse, elles vont s’agréger, par la petite porte des amendements, à deux textes différents, les très fourre-tout lois Rebsamen et Macron (dont on voit déjà les limites avec un possible recours à un deuxième 49.3). Drôle de manière de concevoir le monde du travail, ainsi que la démocratie.

 

 

 

Source : http://www.mediapart.fr

 

 

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8 juin 2015 1 08 /06 /juin /2015 18:41

 

Source : http://rue89.nouvelobs.com

 

 

Was ? 07/06/2015 à 11h58
Des milliers de communications françaises écoutées par les Allemands
Andréa Fradin | Journaliste Rue89
 
 

 

Les documents sont techniques, souvent illisibles. Et pour ne rien arranger, ils comptent nombre d’abréviations en allemand. Mais pour Peter Pilz, leur circulation est indispensable car ils constituent la preuve formelle que les services secrets allemands (la BND) scrutent beaucoup de leurs voisins. France comprise.

Et pour le compte, parfois, de l’agence de sécurité américaine, la désormais célèbre NSA, comme l’a révélé un récent scandale qui agite l’Allemagne depuis quelques semaines.

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Ce député Vert autrichien fait le tour de l’Europe, preuves en poche, pour inciter les autorités des différents pays visés par cet espionnage à ouvrir une enquête. La Belgique, les Pays-Bas ainsi que l’Autriche, ont lancé le mouvement. Réunis autour de Peter Pilz le 5 juin, Eva Joly et le député Sergio Coronado appellent le parquet de Paris à en faire de même, invitant les ministères à signaler ce trouble.

Mais à quoi correspond-il concrètement ? Probablement à une surveillance de milliers d’appels téléphoniques passés sur des infrastructures gérées par France Télécom (devenu Orange), suggèrent les experts réseau que nous avons interrogés.

51 liaisons partant de France

Tout remonte à 2002, selon Peter Pilz. A l’époque, les espions allemands et américains ont conclu un accord qui autorise la surveillance de l’opérateur Deutsche Telekom. C’est sur cette base que des câbles de fibre optique, reliant entre eux des pays du monde entier, ont été désignés comme des cibles prioritaires par la NSA.

En tout, 256 lignes se trouvaient sur cette liste en 2005 ; certaines se terminant en Chine, au Japon ou en Arabie saoudite. Et dans le lot, 51 ont la France à une de leur extrémité. Et plus précisément, des centres de l’opérateur historique du pays, France Télécom.

 

Extrait des documents de Peter Pilz, où figurent les 51 liaisons internationales surveillées par la BND et dont une des extrémités est la France (Peter Pilz)

2 048 appels simultanés

« Slovak Telecom - France Telecom », « PTT Zimbabwe - France Telecom », « China Netw. Comm. Grp - France Telecom »... Qu’elles passent par Paris ou Reims, il est fort probable que ces liaisons écoutées concernent uniquement des communications téléphoniques, nous expliquent de nombreuses sources.

L’un des documents en possession du député autrichien, un e-mail échangé en 2005 entre un employé télécoms et un agent allemand, mentionne en effet une transmission en fibre optique avant tout utilisée aujourd’hui pour les appels (pour les plus pointus, il s’agit de STM-1). En pratique, cela veut dire que les appels passés entre la France et l’Allemagne ont de forte chance de passer dans ces tuyaux bien précis.

Même si, tempère le consultant réseau Clément Cavadore, des communications internet pouvaient également y transiter à cette époque. Les documents font en effet référence à des infrastructures vieilles de dix ans – la situation, comme les contenus transportés, ont pu évoluer.

 

Extrait des documents de Peter Pilz, où figure un échange d’e-mail entre un agent et un employé des télécoms allemands (flouté par nous) (Peter Pilz)

A en croire un autre consultant, Jérôme Nicolle, ce genre de câble a la capacité de supporter « 2 048 appels simultanés ».

Attention : il ne s’agit non pas de numéro de téléphone, mais bien de communications passées à l’instant T. Pris comme ça, pouvoir suivre en même temps 2 000 appels passés entre la France et le Pakistan par exemple, semble largement suffisant, poursuit l’expert.

Par ailleurs, contrairement à Internet, les appels téléphoniques empruntent le plus souvent une seule et même route, qui change rarement, du fait de la difficulté de leur mise en place. Ce qui facilite les choses, poursuit Jérôme Nicolle :

« Il suffit d’avoir une liste d’opérateurs et les routes de leurs trafic. »

De même, contrairement à une part toujours plus importante du trafic internet, les communications téléphoniques internationales ne sont pas chiffrées. De quoi faciliter, donc, largement le travail d’écoutes.

Le même effet que la racine d’un arbre

Pour suivre les communications circulant dans ces liaisons internationales, quinze agents allemands se sont installés dans les locaux de Deutsche Telekom, à Francfort, explique encore Peter Pilz.

Pour y parvenir, l’opérateur dérivait directement le trafic des lignes scrutées vers le siège du BND, à Pullach, au sud de l’Allemagne. Il n’est pas si difficile d’y parvenir, expliquent nos interlocuteurs : il suffit d’installer des dispositifs sur la ligne (certains coûtent dans les 6 000 euros) afin de capter une partie de l’information qui circule dans la fibre optique. On appelle cela des « splitters », et ce sont des équipements similaires à ceux utilisés... par la NSA, pardi.

Dans une vidéo promotionnelle de l’équipementier, un représentant d’Alcatel en fait une démonstration très claire (vers la deuxième minute).

 

Problème : il est difficile de détecter de tels appareils.

De nombreux observateurs, comme Stéphane Crozier, délégué syndical chez Orange, affirment pour commencer que si la surveillance se fait à l’autre bout de la liaison, chez l’opérateur étranger avec lequel on s’interconnecte, il est impossible d’en connaître l’existence.

Et même dans les cas où cette intrusion est repérée, les indices sont maigres. Jérôme Nicolle :

« Il y a des micro-coupures et des variations de la puissance. C’est surveillé par les opérateurs mais tout cela peut provenir d’anomalies très courantes : il suffit qu’une racine d’un arbre vienne un peu trop appuyer sur un câble longeant une rivière pour que ces modifications se produisent. »

 

Quand c’est un Etat qui est derrière...

Des appareils (les réflectomètres) peuvent tout de même vérifier où se situe l’anomalie, et sont d’ailleurs indispensables aujourd’hui pour gérer des réseaux de fibre optique. Encore faut-il que France Télécom ait détecté ces variations. Et ait pris la peine d’en vérifier, ensuite, la source.

Certains équipementiers militaires procèdent aujourd’hui à cette vérification en temps réel. Et proposent des appareils pour couper l’intrusion dès qu’elle est repérée (c’est le cas dans la vidéo d’Alcatel). Mais le dispositif est moderne et coûteux. Donc a priori peu répandu en dehors d’infrastructures critiques.

Et par ailleurs pas forcément efficace contre des surveillances bien rodées, poursuit Stéphane Crozier :

« Quand un Etat est derrière, on ne peut rien faire ! »

Et quand bien même : encore une fois, il faut que l’opérateur décide d’interrompre une telle intrusion si jamais il la détecte. Or nos interlocuteurs estiment que de la même façon que France Télécom peut ne pas être au courant, il peut tout aussi bien savoir ce qu’il se passe. Après tout, tout le monde surveille tout le monde – on n’a eu de cesse de l’entendre ces derniers mois. Et les opérateurs de télécommunications, bien plus que n’importe quelle autre boîte, sont bien placés pour le savoir. Et pour collaborer avec les Etats.

 

François Hollande et Angela Merkel, le 31 mars 2015 à Berlin (ALAIN JOCARD/AFP)

 

Peter Pilz n’exclut pas l’éventualité d’une clause contractuelle entre Deutsche Telekom et Orange, qui autoriserait précisément ces opérations. Mais en l’absence de preuves, le députée autrichien se veut prudent. Il insiste :

« Ils ont pour le moment le statut de victime. Et il faut les considérer comme tels. »

Eva Joly précise avoir invité le patron d’Orange, Stéphane Richard, à se joindre à l’initiative d’Europe écologie-Les Verts, pour demander l’ouverture d’une enquête judiciaire en France. En visite au Caire, ce dernier aurait décliné. Initialement prévu, Stéphane Crozier s’est également désisté. Une annulation de dernière minute simplement liée, nous dit-il, à un malentendu.

Et quand on l’interroge sur le niveau de connaissance de l’ex-France Télécom dans cette affaire, ce dernier esquive, et nous renvoie aux obligations des opérateurs :

« La difficulté c’est qu’ils ne peuvent pas s’opposer si les Etats les mettent sous surveillance... »

 

Source : http://rue89.nouvelobs.com

 

 

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8 juin 2015 1 08 /06 /juin /2015 17:12

 

Source : http://www.mediapart.fr

 

 

Barack Obama veut une répression accrue des hackers

|  Par La rédaction de Mediapart

 

 

 

En marge du sommet du G7, le président américain a appelé les États à se montrer « bien plus combatifs » face aux hackers.

Les États-Unis possèdent des systèmes informatiques vieillissants comportant « d'importantes vulnérabilités » et doivent se montrer « bien plus combatifs » face aux cyber-pirates, a estimé lundi Barack Obama en marge du sommet du G7.

« Ce problème ne va pas disparaître. Il va s'accélérer. Ce qui signifie qu'il nous faut être aussi agiles, agressifs et bien équipés que ceux qui s'efforcent de pénétrer dans nos systèmes », a déclaré le président américain lors de sa conférence de presse de clôture en Bavière, où étaient réunis les dirigeants du G7.

L'administration Obama a révélé jeudi dernier que des pirates informatiques avaient forcé l'accès d'ordinateurs appartenant au gouvernement fédéral, mettant potentiellement la main sur les données personnelles de quatre millions d'agents fédéraux.

Plusieurs responsables américains ont déclaré que les hackers étaient probablement basés en Chine, mais sans pouvoir déterminer s'il s'agissait d'agents du gouvernement de Pékin ou d'organisations criminelles.

Ces déclarations interviennent également alors que le New York Times et le site ProPublica viennent de dévoiler de nouveaux documents fournis par Edward Snowden montrant que les États-Unis avaient secrètement considérablement accru les pouvoirs des agences de renseignement dans la lutte contre les hackers.

À la mi-2012, le département de la justice a en effet diffusé deux mémos autorisant les services à se connecter directement aux nœuds d’échange des câbles internet, par lesquels transite le trafic, pour déployer toute une série de techniques visant à identifier des hackers, et ce sans aucune autorisation judiciaire.

(Avec Reuters)

 

Source : http://www.mediapart.fr

 

 

 

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4 juin 2015 4 04 /06 /juin /2015 16:36

 

Source : http://www.reporterre.net

 

 

« Contre le changement climatique, il faut la taxe sur les transactions financières »

4 juin 2015 / Nicolas Hulot
 


 

Pour Nicolas Hulot, la conférence de Paris sur le climat, à la fin de l’année, est cruciale : son échec aurait des conséquences géopolitiques graves. Pour éviter cela, il prône une augmentation de l’aide aux pays pauvres, par la taxe sur les transactions financières et la lutte contre l’évasion fiscale.


Reporterre – La négociation climatique semble mal enclenché. Comment l’expliquez-vous ?

Nicolas Hulot - Chaque Etat interprète la notion de responsabilité différenciée de manière distincte, avec des arguments qui sont tout à fait recevables isolément. Quand un pays en développement vous explique qu’il a d’autres urgences, qu’il subit un phénomène qu’il n’a pas provoqué, et qu’il faudrait honorer la notion de pertes et dommages, c’est recevable. Quand la Chine dit que, "nous par habitant on émet quatre fois moins que les Etats-Unis, donc nos efforts doivent être quatre fois moindres", c’est recevable, quand les Etats-Unis disent que la Chine globalement émet plus, tout ça isolément est recevable. Mais collectivement c’est suicidaire si ça doit paralyser le processus.

 

Est-on en ce moment dans cette situation suicidaire ?

Non. Ce qui fait défaut dans le processus multilatéral, c’est qu’on aborde un enjeu universel par le prisme de ses intérêts nationaux. Et tant qu’on continuera, on aura raison chez soi, mais tort globalement. Il faut que chacun comprenne qu’on sera tous gagnants ou tous perdants et que personne ne pourra tirer seul son épingle du jeu.

 

Pour l’instant, est-on sur le bon chemin pour la conférence de Paris ?

Si la conférence avait lieu ce soir, la réponse est non.

 

C’est une situation d’échec ?

Non. L’échec, c’est le 13 décembre qu’on pourra en juger. Ce que chacun sait, c’est que cela fait partie du jeu de la négociation de ne pas mettre toutes ses cartes sur la table. Rien n’est joué, dans un sens comme dans l’autre. On peut être agréablement surpris à Paris, on peut avoir au dernier moment de quoi rétablir la confiance avec les pays qui sont en légitimité de réclamer une aide manifeste à l’adaptation. On peut avoir de mauvaises surprises. Mais le temps est disponible pour résorber ça si les chefs d’Etat et de gouvernements rentrent dans le jeu.

 

La bonne surprise serait quoi ?

Qu’au G 20 en Turquie, avant la conférence de Paris, les quinze pays les plus émetteurs s’engagent sur un prix au carbone, s’engagent sur un schéma de basculement des subventions aux énergies fossiles sur les énergies renouvelables et s’engagent sur des mécanismes précis pour abonder le financement de l’adaptation au climat.

 

Que serait la mauvaise surprise ?

Le schéma tragique serait que pays impactés par le changement climatique tournent le dos, en disant, ‘ça suffit la comédie’. Il peut y avoir à un moment ou à un autre dans la complexité de la situation, une tentation de fatalisme. Mais le fatalisme des uns peut nourrir le fanatisme des autres. Le pire scénario serait d’infliger l’ultime humiliation aux pays victimes d’un phénomène qu’ils n’ont pas provoqué et de ne pas les convaincre de notre sincérité.

 

 

Vous parlez de fanatisme. Daesch a à voir avec le dérèglement climatique ?

C’est alimenté, c’est amplifié par le changement climatique. Ce qui s’est passé au Nigeria et au Tchad, c’est des déplacements de populations qui font le lit de tous les intégrismes. Il ne faut pas attribuer au changement climatique toutes les conséquences, mais c’est un facteur aggravant, comme en Syrie. C’est l’ultime injustice, parce que à un moment ou un autre, les choses se savent : quand ces gens comprendront que si leurs paturages sont décimés, si leurs troupeaux sont décimés, si leurs terres ne rendent plus, si leurs ressources en eau ne répondent plus, tout ça est lié à un mode de développement dont ils n’ont pas profité et parfois s’est fait sur leur dos, cela fait le lit de toutes les instrumentalisations. Je ne dis pas ça pour effrayer, mais c’est le monde dans lequel on vit. Ce que nous subissons aujourd’hui s’explique dans les racines de l’histoire d’hier, et que ce que nous subissons aujourd’hui écrit l’histoire de demain.

 

Echouer à Paris c’est déclencher la guerre ?

C’est ajouter de l’instabilité à l’instabilité. Et parfois, ça peut mettre le feu aux poudres. A l’inverse, réussir à Paris, c’est pacifier le monde. Parce que ça nous oblige à être solidaires dans les faits, et qu’un des outils pour rétablir l’équilibre climatique, ce sont les énergies renouvelables. La crise climatique va nous obliger à accélérer le déploiement des énergies renouvelables, ce qui aura pour conséquence de permettre plus rapidement qu’on l’imaginait à des pays faibles - ou puissants - d’acquérir une autonomie énergétique. A partir du moment où les pays acquièrent leur souveraineté énergétique, vous pacifiez le monde. Pourquoi ? Parce que permettre à des petits Etats d’être autonomes, donc de ne pas être dans un rapport de dépendance, fait que l’argent qu’ils ne mettront plus dans l’énergie à l’extérieur, ils pourront l’injecter dans des besoins essentiels de leur pays.

Répondre à l’enjeu climatique est un instrument de paix, parce que ça va nous obliger à développer des financements innovants et à développer massivement l’efficacité énergétique et les énergies renouvelables. Le meilleur outil pour la paix, c’est l’autonomie alimentaire et l’autonomie énergétique.

 

Le prix du carbone est un élément clé de la bonne surprise de Paris. Ca signifie quoi, le prix du carbone ? Et comment le fixer ?

Il n’y aura pas un prix du carbone à Paris, mais il faut créer un « corridor » : onze pays en Europe vont se fixer un prix du carbone. Il faudrait ensuite que les les pays extra-européens puissent se fixer une trajectoire du prix du carbone, et que peu à peu, les trajectoires convergent. Mais il faut que les pays avec le gros pourcentage s’engagent là-dessus. Tant que les investisseurs n’intègrent pas le risque carbone, on n’y arrivera pas. Mais si l’on fixe un prix au carbone, et que l’on affiche qu’il va croitre de manière irréversible, la rapidité avec laquelle les désinvestissements vont se faire et les investissements vont se faire sera phénoménale.

 

Ce serait un prix sur le fioul de la chaudière et sur l’essence de l’automobile ou à la source chez les producteurs d’énergie fossile ?

Les deux. Le problème qu’on a eu jusqu’à présent, c’est qu’on a mis en place des mécanismes d’allocations de quotas de CO2 qui n’ont pas bien fonctionné. On a oublié que ce mécanisme de marché ne touchait que les émissions concentrées, les émissions industrielles, qui ne représentent que 40 % des émissions. Si on met le prix à la source, on touche tous les secteurs, l’industrie, mais aussi le bâtiment, le transport, l’agriculture. C’était aberrant de penser qu’avec un marché carbone, on allait réussir. Mais il faut que ce prix carbone touche l’aviation et le transport maritime. On ne peut pas éternellement exonérer ces deux secteurs d’activité.

 

Alors, le prix du carbone serait mis en place comme une taxe ou par le marché ?

Dans un premier temps, il doit être mis en place par les Etats, comme on l’a fait en France avec la contribution climat-énergie, qui est inscrite dans la loi de finances de cette année.

 

 

L’instrument de la taxe est plus efficace que le marché ?

Oui, parce qu’il couvre tous les secteurs. Si on veut toucher l’ensemble des émissions et orienter les investissements, il faut mettre ce fameux prix du carbone, et d’abord chez les pays les plus émetteurs.

 

Cela suppose un changement de la fiscalité.

L’important est à quoi on alloue les recettes. Elles doivent être affectées à la transition énergétique.

 

La France organise la COP et fait des grands discours, mais l’argent qu’elle consacre à l’aide au développement a beaucoup baissé. N’est-elle pas hypocrite ?

Il y a un fossé entre les mots et les actes. Il en est de l’aide au développement comme l’aide à l’adaptation et l’aide à la transition énergétique, on promet de l’argent que nous n’avons pas sous les pieds dans un contexte budgétaire austère. Sur ces deux sujets, si on ne travaille pas sur les sources de financement innovants, si on ne fait pas entrer dans le périmètre de la solidarité les secteurs qui s’en sont affranchis, on n’y arrivera pas. Il faut une approche intégrale, il faut lutter contre l’optimisation fiscale, il faut travailler sur la taxe sur les transactions financières. Si l’on veut être au niveau des besoins des pays en développement, ce n’est pas dans le budget existant des Etats.

 

En ce qui concerne la taxe sur les transactions financières, la France fait partie des pays qui trainent les pieds.

Plus maintenant. Le 2 janvier, j’ai eu cette discussion avec le président. Depuis janvier, il y a eu une commission qui a été créée, avec Pascal Canfin et Alain Grandjean, elle va rendre son rapport, et vous verrez ce qu’il y a dedans, et ça a été arbitré avec Bercy. Les choses bougent.

 

Quel montant cette taxe pourrait-elle atteindre ?

De quoi permettre de tenir nos promesses, d’atteindre ces 0,7 % du PIB d’aide au développement sur lequel on s’est engagé. Tout dépend de cela.

 

Quelle initiative la France pourrait-elle prendre d’ici décembre ?

Elle peut créer une alliance avec l’Allemagne et d’autres pays sur ces sujets qui sont cruciaux pour la réussite de la conférence de Paris : l’accord sur les outils de financement, qui doivent couvrir le champ climatique et celui de l’aide au développement.
Et ensuite prendre des initiatives multilatérales dans des formats inhabituels, réunir les pays concernés par cet argent pour les convaincre qu’on a enfin mis en place ces mécanismes.
On est dans une situation inédite, qui exige des solutions inédites. Si on reste dans les formats existants, on n’a aucune chance.

 

C’est si difficile, alors que le problème existe depuis des années ?

C’est moins difficile aujourd’hui parce la contrainte est probante, elle saute aux yeux. Si on veut rétablir la confiance, il faut sortir des cadres. Jamais une idée n’est aussi forte que quand son temps est venu. Le temps est venu de sortir du cadre de l’orthodoxie financière.

 

En commerce international l’orthodoxie règne aussi. Que pensez du traité Tafta ?

Je n’en pense que du mal...

 

*Suite de l'article sur reporterre

 

 

Source : http://www.reporterre.net

 

 

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