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21 juillet 2015 2 21 /07 /juillet /2015 20:47

 

Source : http://www.marianne.net

 

 

Construire l'Europe des citoyens !

Bruno Langlois
 
 
 
 
Pour le Mariannaute Bruno Langlois, il est urgent de redonner un élan démocratique à la construction européenne. Il propose donc de créer un comité d'initiative regroupant citoyens, intellectuels, militants politiques, syndicaux et associatifs. Et il appelle notamment "les dirigeants politiques européens qui aspirent à diriger les exécutifs de chacun des Etats membres de l'Union européenne" à s'engager à "organiser un vote citoyen simultané et coordonné à l'échelle de l'Union européenne qui permettra de dégager de manière transparente et démocratique les grandes orientations politiques de l'Union."
 
Emilio Morenatti/AP/SIPA
 

Il est temps d'agir. La construction européenne, depuis plus de cinquante-huit ans, a été jalonnée par un ensemble de traités entre Etats qui ont posé les fondements de l'Union européenne telle que nous la connaissons aujourd'hui. Le moteur de cette construction est désormais en panne. Seul un vote simultané et coordonné à l'échelle de l'ensemble de l'Union européenne pour désigner les pouvoirs exécutifs de chaque Etat membre autoriserait le grand débat démocratique capable de faire émerger et de légitimer les grandes orientations et prises de décisions politiques dont la construction européenne a urgemment besoin. L'absence de tout processus de cette nature participe à la désaffection des citoyens pour les institutions européennes actuelles. Ce déficit démocratique est source de confusion, de déception et souvent même de frustration. Les traités européens apparaissent aux peuples comme des accords contraignants même s'ils sont adoptés par tous les Etats membres de l'Union européenne. Ces traités définissent pourtant les objectifs poursuivis, les règles de fonctionnement, les procédures à suivre pour prendre des décisions et régir les relations entre l'Union européenne et les Etats membres. Ils étaient censés constituer le socle d'une relation de confiance et de paix. Ils donnent aujourd'hui une image très autocratique de l'Union européenne.

Dans ces conditions, comment trouver la bonne réponse à un référendum demandant au peuple souverain d'un seul Etat membre de trancher dans un différend qui l'oppose à d'autres Etats membres ? Les dirigeants de cet Etat démocratiquement élus sont-ils plus légitimes que ceux d'un autre Etat tout aussi démocratiquement élus. Quand les traités européens sont négociés et signés entre Etats souverains, ils apparaissent généralement comme le résultat de compromis qui ne revêtent aucune légitimité démocratique aux yeux des citoyens européens. Ils engagent pourtant durablement la responsabilité des Etats qui les signent et constituent les règles de droit international sur lesquelles est fondée l'Union européenne et les directives qu'elle édicte.

Pour relancer l'Europe, nous prenons l'initiative de cet appel. Nous nous croyons capables de redonner un élan démocratique à la construction européenne par une mesure simple. Nous pensons que c'est le devoir des dirigeants européens actuels et futurs de trouver une issue positive à la crise que traverse l'Union européenne en ce moment. En soutenant massivement cet appel, les peuples européens peuvent contribuer à cette prise de conscience à court terme. Nous appelons donc à la constitution dans toute l'Union européenne d'un comité d'initiative, aussi large que possible, rassemblant les peuples européens, les personnalités du monde intellectuel, culturel et économique, les militants politiques, syndicaux ou associatifs. Ce comité aura vocation à diffuser largement cet appel dans toutes les langues de l'Union européenne pour le seul but de contribuer à un mouvement démocratique d'ampleur à l'échelle de toute l'Europe autour d'une exigence claire et facile à mettre en œuvre : « Que tous les dirigeants politiques européens qui aspirent à diriger les exécutifs de chacun des Etats membres de l'Union européenne s'engagent, dans le respect des règles constitutionnelles nationales et par tous les moyens légaux à leur disposition, notamment la démission anticipée de leur mandat électif et l'exercice du droit de dissolution, à organiser un vote citoyen simultané et coordonné à l'échelle de l'Union européenne qui permettra de dégager de manière transparente et démocratique les grandes orientations politiques de l'Union sur la durée de mandats nationaux harmonisés à quatre ou cinq ans. »

Ainsi les peuples d'Europe pourront construire des majorités politiques européennes et décider ensemble d'un avenir commun à la fois dans le strict cadre des nations et au-delà des Etats nationaux. Tous les dirigeants européens qui revendiquent agir au nom de la démocratie et pour la construction d'une Europe des peuples souverains doivent adhérer à cet appel pour faire émerger le modèle politique que nous appelons tous de nos vœux et relever les défis du XXIe siècle autour de valeurs partagées à l'échelle européenne. Nous pouvons exiger de nos femmes et hommes politiques qui aspirent aux plus fonctions de nos Etats européens cet engagement public et solennel. Nous n'avons qu'un espoir : susciter le soutien massif qui donnera l'impulsion nécessaire au dépassement des petits enjeux politiciens nationaux. L'espoir commence par des actions concrètes. Il est à la portée des peuples européens.

 

Si vous souhaiter en savoir plus sur cette initiative : construireleuropedescitoyens@numericable.fr

 

 

Source : http://www.marianne.net

 

 

 

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19 juillet 2015 7 19 /07 /juillet /2015 20:52

 

Source : http://antoineleaument.fr

 

 

 

tsipras iglesias melenchon donald tusk oligarchie
Source : Robert Crc, Flickr, Stéphane Burlot
Grèce : l’oligarchie avoue qu’elle craint une «contagion politique et idéologique»

« Je suis surtout inquiet des risques de contagion politique et idéologique »

 

Donald Tusk, président du Conseil européen

 

Connaissez-vous Donald Tusk ? Non ? C’est normal. Il est un fantôme qu’on a décidé de mettre quelque part pour « incarner l’Europe » et faire croire qu’elle est autre chose qu’une machine à broyer les peuples pour leur faire cracher de l’argent à destination des banques. En l’occurrence, Donald Tusk est président du « Conseil européen ». Ça ne vous dit rien non plus ? C’est normal aussi : l’Europe est une machine technocratique compliquée. C’est fait exprès pour qu’on n’y comprenne rien (et je trouve que ça marche assez bien). Le Conseil européen, c’est la réunion des chefs d’États et de gouvernements qui sert à définir les grands axes de la politique européenne.

Bref, voici Donald Tusk, qui ne sert à rien. Donald Tusk a en théorie pour rôle d’arbitrer les matches de boxe entre les États membres. Dans le cas présent, cela veut dire arbitrer entre Merkel et les autres. Sauf que personne n’ose affronter la chancelière allemande, à part Tsipras. Pour Le Monde, qui tient absolument à nous faire croire que Donald Tusk sert à quelque chose (pour justifier son salaire exorbitant de 300 000 euros par an), il « a joué un rôle décisif lors du dernier sommet de la zone euro ». S’il en a joué un, ce n’est pas celui d’arbitre : c’est de boxeur aux côtés de Madame Merkel. François Hollande, lui, qui se croyait arbitre du match, était en fait spectateur d’une mise à mort à laquelle il a participé en n’intervenant pas.

Donc, Le Monde a décidé d’accorder une interview palpitante à Donald Tusk. Voilà qui intéresse le peuple et déchaîne les passions. Non ? Et bien figurez-vous que oui. Mais pas parce que Donald Tusk est intéressant : parce que ce qu’il a dit est intéressant. Tellement que Le Monde a même fini par censurer ses propos ! Il avoue que l’oligarchie dont il fait partie craint une contagion politique et idéologique du cas grec. Voici ce qu’il a dit dans l’interview (avant que celle-ci ne soit censurée), en répondant à la question : « l’aspect géopolitique est-il entré en ligne de compte dans les discussions dimanche ? » :

« Je suis surtout inquiet des risques de contagion politique et idéologique. Avec ce qui se passe en Grèce est apparue l’illusion idéologique qu’il est désormais possible de changer le cours de l’Europe, qu’on peut construire une alternative à la vision traditionnelle de l’Europe de l’austérité. Je trouve l’atmosphère très similaire à celle de l’après 1968. Je sens un état d’esprit, peut-être pas révolutionnaire, mais un sentiment d’impatience en Europe. »

Les mots parlent d’eux-mêmes : ce que craint par-dessus tout l’oligarque Donald Tusk, c’est une « contagion politique et idéologique » du cas grec. Il se rattrape évidemment après, en reprenant le discours classique de l’oligarchie et en parlant « des » extrêmes ou en disant que l’extrême droite et l’extrême gauche c’est pareil, etc. Mais il n’empêche qu’il l’a dit : ce qu’il craint, c’est que l’épisode grec s’étende au reste de l’Europe. Or, dans le cas présent, cela veut dire deux grandes échéances : les élections générales en Espagne où Podemos peut l’emporter et l’élection présidentielle en France où nous pouvons renverser la table par une insurrection civique.

Je m’amuse assez, aussi, de ce que dit Donald Tusk sur l’état d’esprit quasi-révolutionnaire. Craindre une révolution, c’est avouer qu’on a quelque chose à y perdre. C’est avouer qu’on n’est plus du côté du peuple. Beaucoup de gens en France espèrent une révolution. J’en suis. Il suffit de parler une dizaine de minutes avec à peu près n’importe qui : même les plus modérés disent aujourd’hui qu’il « faudrait tout envoyer péter ». Pour l’instant, c’est du conditionnel. Mais ça bouillonne dans le peuple. Et le conditionnel finira par se transformer en indicatif. Puis en impératif. Alors, trembleront les Tusk, les Merkel, les Hollande, les banquiers, et tous ceux qui nous affament pour s’en mettre plein les poches.

Pour l’heure, Donald Tusk confirme la marche à suivre pour renverser l’oligarchie : emprunter le chemin qu’ont ouvert Tsipras en Grèce, Iglésias en Espagne et Mélenchon en France. Car on sent bien aujourd’hui que si ces trois-là étaient au pouvoir en même temps, Merkel n’aurait pas pu imposer ses conditions à la Grèce. Tusk l’avoue en disant qu’il craint moins les risques géopolitiques que les risques politiques et idéologiques, et que c’est cela qui a présidé dans la prise de décision sur l’accord grec.

L’Europe arrive à un moment historique. Soit elle change et sert les peuples, soit elle continue à servir l’oligarchie et elle disparaîtra. Ce que l’épisode grec a montré, c’est que ce sont les nations qui ont la clé du changement. C’est par les élections nationales qu’on peut réorienter l’Europe. Ou en sortir, si le changement apparaît définitivement impossible. C’est la ligne que tracent aujourd’hui Iglésias en Espagne et Mélenchon en France, c’est à dire dans la quatrième et la deuxième économie de la zone euro. Donald Tusk peut trembler, en effet. Et ses amis avec. Car l’heure des révolutions approche, et nous l’attendons, nous, avec impatience.

 

 

Source : http://antoineleaument.fr

 

 

 

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19 juillet 2015 7 19 /07 /juillet /2015 20:26

 

Source : http://blog.mondediplo.net

 

La gauche et l’euro : liquider, reconstruire

samedi 18 juillet 2015, par Frédéric Lordon

 

 

 

1. L’euro interdit radicalement toute politique progressiste possible.

2. S’il en était encore besoin, le traitement criminel infligé à la Grèce en six mois de brutalisation (rebaptisée « négociation ») prouve que l’entreprise de « transformer l’euro », ou l’hypothèse d’un « autre euro possible », sont des chimères qui, par désillusions successives, ne mènent qu’à l’impasse et à la désespérance politiques.

3. Abandonner aux extrêmes droites (qui au demeurant n’en feront rien [1]…) toute perspective politique d’en finir avec l’euro et ses institutions est une faute politique qui condamne les gauches européennes à l’impuissance indéfinie.

4. Sauf à continuer de soupirer après ce qui n’arrivera pas — un « autre euro » et l’« Europe sociale » qui va avec — le réarmement des gauches européennes passe donc impérativement par l’imagination de l’après-euro.

L’avenir de la gauche se joue entre ces quatre propositions.

Les refus « internationalistes » de penser Retour à la table des matières

A ceux qui, sincèrement de gauche, se sont refusés si longtemps à voir l’impasse de l’euro, pour entretenir l’illusion d’un improbable « rapport de force » qui permettrait d’en changer la configuration, à ceux à qui il aura fallu le calvaire grec pour (commencer à) mesurer la radicalité idéologique des institutions européennes, il faut dire qu’après que cette erreur aura assommé les Grecs de Syriza, elle assommera les Espagnols de Podemos, et puis que nous y passerons tous.

Depuis tant d’années, certains secteurs de la gauche, par un mélange d’internationalisme postural et de reddition sans combattre face aux menées récupératrices du Front national, ont refusé de voir ce qui était pourtant sous leurs yeux : un despotisme économique irréductible. Despotisme, puisqu’on ne peut nommer autrement une entreprise aussi résolue de négation de la souveraineté démocratique, et ceci, d’ailleurs, indépendamment de toute considération d’échelle territoriale : soustraire la politique économique à la délibération parlementaire ordinaire pour en inscrire les orientations fondamentales dans un texte constitutionnel, en l’occurrence celui des traités, est un acte d’une telle portée qu’on s’est toujours demandé comment il pouvait se trouver des personnes pour qualifier l’Europe de « démocratique » sans aussitôt sombrer dans le ridicule. Irréductible, car c’est un despotisme sous influence, l’influence d’un pays qui joue ce qu’il se représente comme ses intérêts vitaux dans un agencement institutionnel entièrement fait à sa mesure : l’Allemagne.

On ne compte plus les intellectuels qui, sous l’emprise de leurs terreurs nocturnes, ont fini par renoncer à penser quoi que ce soit qui aille au cœur de la situation européenne, et se retrouvent au comble du dénuement face à l’extrême, mais trop prévisible, violence faite à la Grèce. Il fallait vraiment avoir perdu toute colonne vertébrale pour s’interdire de penser à ce point, de peur d’avoir l’air de penser comme le Front national, et (surtout) sans être capable de penser ce qu’il y avait à penser autrement que le Front national : penser la souveraineté en général, penser les conditions de possibilité de son redéploiement international, penser l’idiosyncrasie allemande et ses inévitables effets dans toute construction monétaire européenne.

On se demande encore en quelles interdictions ces gens-là ont pu s’enfermer pour en arriver à oublier que la souveraineté, dans son concept, c’est-à-dire comme « décider en commun », n’est pas autre chose que la démocratie même, qu’il y faut un peu plus que quelques bons sentiments universalistes pour constituer un peuple de peuples [2], ou que questionner le rapport de la société allemande à la chose monétaire n’est pas plus germanophobe que questionner le rapport de la société américaine aux armes à feu n’est américanophobe. Et plus généralement pour en arriver à un degré de cécité volontaire tel qu’il aura rendu impossible toute analyse des données réelles des compatibilités — ou des incompatibilités — qui déterminent la viabilité d’une construction monétaire et politique commune.

Il aura fallu en particulier atteindre ce niveau de brutalisation d’un pays par un autre, sans précédent en temps de paix, pour qu’enfin la question de l’Allemagne commence à échapper aux censures qui ont jusqu’ici prononcé leurs interdictions enveloppées de vertu. On reconnaît l’indigence d’une pensée à son incapacité à traiter aucun problème autrement que dans des coordonnées morales. Mais la manie de passer toute question au filtre d’une interrogation préalable de vertu est le plus sûr moyen de passer à côté de ce qu’il y a à comprendre, de toute saisie positive du réel, indépendamment de tout jugement, qui viendra à son heure. On peut, par exemple, s’interroger sur les mécanismes sociaux et les héritages historiques qui soutiennent la passion américaine pour les armes sans avoir fait connaître son opinion sur la question, ni lui soumettre entièrement l’analyse. Faute d’avoir envisagé de penser le rapport tout à fait singulier de l’Allemagne à la monnaie autrement que sous le crible débile de la germanophobie ou de la germanophilie, le refus de penser se retrouve logiquement percuté par la violence d’un fait, et reconduit à son incapacité de comprendre.

Encore un pilote enfermé dans le cockpit Retour à la table des matières

Au moins les dénégations du pharisaïsme sont-elles maintenant devenues intenables, quitte d’ailleurs à se donner des formulations néo-éclairées d’une naïveté touchante : l’Allemagne est « le nouveau problème de l’Europe », écrit ainsi François Bonnet [3]. Le nouveau problème… C’est juste le problème constitutionnel de la monnaie unique, et il est consigné depuis 1991 dans le texte des traités. Un pays, l’Allemagne, a imposé ses obsessions monétaires à tous les autres. Tous les pays vivent avec les obsessions de leur roman national, c’est bien leur droit, en tout cas à court et même moyen terme il n’y a rien à y faire. C’est qu’un pays exige d’autres qu’ils vivent sous ses propres manies, quand ces manies-là ne sont pas les leurs, qui est le commencement des problèmes. Contrairement à ceux qui ne peuvent pas penser l’hégémonie allemande sans des images de Panzer ou de casque à pointe, il faut redire que l’Allemagne dans cette affaire n’a jamais poursuivi de projet positif de domination, et que ses comportements n’ont jamais été gouvernés que par la peur panique de souffrir, dans le partage communautaire, l’altération de principes qui lui sont plus chers que tout [4]. Or il ne faut pas s’y tromper : une angoisse collective, surtout quand elle est de cette intensité, ne détermine pas moins à la violence que les menées conquérantes de l’hégémonie positive. Peut-être même au contraire. C’est qu’il y a dans les projets hégémoniques un reliquat de rationalité auquel les paniques monétaires allemandes sont devenues totalement étrangères.

Lire Wolfgang Streeck, « Allemagne, une hégémonie fortuite », Le Monde diplomatique, mai 2015. En témoigne la brutalité aveugle avec laquelle l’Allemagne a décidé de châtier la Grèce, mais plus encore son inaccessibilité à toute argumentation rationnelle. Quand la presse française, collée au cul de Sapin et de Moscovici, se contente pour tout récit des négociations de leur version, avec le consciencieux d’un bureau de propagande d’Etat et le label de la « presse libre » [5]), faisant à peu de choses près passer les négociateurs grecs pour des clodos égarés, des paysans du Danube ignorants des usages et des codes — pensez donc, ils n’ont même pas de cravate —, bref incapables de se tenir dans la bonne société européenne, et avec lesquels il est tout simplement impossible de discuter, Varoufakis [6] et Tsakalotos [7] ont, eux, découvert, stupéfaits, un club de l’eurozone semblable à un hôpital de jour, une réunion de grands autistes à qui il est impossible de faire entendre la moindre argumentation économique, et dont la psychorigidité terminale ne connaît plus que la conformité aux règles, fussent-elles de la dernière absurdité, et le continent entier dût-il en périr.

Que désormais la majorité des économistes, ceux du FMI en tête, et Prix Nobel compris, n’hésitent plus à hurler au fou en découvrant les dernières trouvailles de l’Eurogroupe — rajouter une dose massive de ce qui a déjà méthodiquement détruit l’économie grecque —, n’est plus d’aucun effet. On peut déjà dire, à la louche, mais sans grand risque de se tromper de beaucoup, qu’en étant certain de précipiter la Grèce dans une récession carabinée pour 2015, le « plan » supposément fait pour réduire le ratio de dette lui fera passer les 200 % de PIB, ainsi que le taux de chômage les 30 %, à horizon d’un an ou deux. Mais peu importe, l’essentiel est de les passer dans les règles. À ce moment, vient immanquablement à l’esprit l’image du cinglé enfermé dans le cockpit de l’Airbus, toutes manettes bloquées en mode descente (l’avion était un modèle européen, et le pilote allemand, on ne le fait pas exprès, c’est comme ça) ; le monde entier tambourine au-dehors (« ouvre cette putain de porte ! ») — mais comme on sait la conséquence annoncée n’était pas de nature à entamer la détermination de l’intéressé.

Comme toute métaphore, celle-ci a sa limite : l’Allemagne n’a pas le projet de pulvériser l’union monétaire. Elle est juste obsédée par l’idée de continuer à y maintenir les principes qui lui ont réussi quand elle était seule, dont elle a fait une identité nationale de substitution, et dont rien au monde ne pourra la détacher — et certainement pas le renvoi d’un peuple entier, ou de plusieurs, au dernier degré de la misère. Qu’une frange de gauche radicale en Allemagne se déclare scandalisée et se lève contre son propre gouvernement, d’ailleurs en une démonstration de ce qu’est vraiment l’internationalisme — ne pas endosser aveuglément les faits et gestes de son pays parce que c’est son pays —, demeure un fait minoritaire et n’ôte rien à la massivité du consensus social — et non politique —, transpartisan, dont la croyance monétaire allemande se soutient : pour autant qu’on puisse lui accorder quelque confiance, un sondage publié par Stern indique que la position d’Angela Merkel à l’Eurogroupe du 12 juillet est approuvé par 77 % des Verts, et 53 % des sympathisants de Die Linke — 53 % de Die Linke…

François Hollande, le « grand frère de Tsipras » ? Retour à la table des matières

Mais le vrai mystère européen n’est pas en Allemagne — à laquelle, finalement, on ne saurait reprocher de vouloir vivre la monnaie selon l’idée qu’elle s’en fait, et d’après les traumas de son histoire. Il est dans d’autres pays, la France tout particulièrement, qui se sont appropriés la manie allemande hors de tout contexte propre, alors que rien dans leur histoire ne les vouait à épouser une telle particularité — alors que tout les vouait plutôt à ne pas l’épouser —, et sur un mode proprement idéologique, jusqu’à finir par y voir une forme désirable de rationalité économique — évidemment une « rationalité » assez spéciale, puisqu’elle est étrangère à toute discussion rationnelle —, un peu à la manière d’athées qui, non contents de s’être convertis au dogme de l’Immaculée conception, entreprendraient de s’y tenir par ce qu’ils croiraient être une décision de la raison. A ce stade, et l’on y verra un indice du degré de dinguerie de la chose, on ne peut même plus dire qu’il s’agit simplement de la « rationalité » du capital : le capital n’est pas fou au point de désirer la strangulation définitive, à laquelle lui-même ne peut pas survivre — et les forces capitalistes américaines, par exemple, assistent, interloquées, à l’autodestruction européenne. Mais ces considérations n’entrent pas dans la haute pensée des élites françaises, qui cultivent l’aveuglement des convertis de fraîche date à titre transpartisan, comme l’Allemagne la croyance de première main.

On reconnaît en effet le fin fond de la bêtise à ce que, non contente de se donner libre cours, elle se vante de ses propres accomplissements. François Hollande, précocement parti dans la chasse aux gogos, est désormais occupé à faire croire qu’il est de gauche, ou plutôt à faire oublier à quel point il est de droite. Aussi, avec un art du pointillisme qui fait plutôt penser à la peinture au rouleau, le voilà qui pense se refaire la cerise « à gauche » en « venant au secours de Tsipras ». Il n’en faut pas plus pour que l’éditorialisme de service, spécialement celui qui s’est donné pour vocation de ne jamais rien faire qui puisse contrarier la droite complexée en situation électorale, fait bruyamment chorus : « Hollande est devenu une sorte de grand frère européen de Tsipras », s’extasie Libération [8]…

S’il y avait la moindre lueur de vitalité dans le regard de Hollande, on pourrait à la rigueur le songer en Caïn comme grand frère tabasseur. Mais même pas : il n’y a rien d’autre à y voir que la combinaison de l’abrutissement idéologique le plus compact et de l’opportunisme électoral le plus crasse — non sans se souvenir qu’il n’y a de manœuvres opportunistes réussies que s’il y a des relais d’opinion suffisamment veules pour les proclamer réussies. Dans le cas présent cependant, les chefferies rédactionnelles n’ont pas fini de mouiller la chemise : c’est qu’il va falloir de l’imagination à la hauteur du lyrisme pour faire avaler comme épopée de gauche d’avoir si bien « aidé » Tsipras à se raccrocher à la corde du pendu. Quand se feront connaître les splendides résultats de l’équarrissage économique auquel Hollande, en grand frère, aura conduit Tsipras par la main, il nous sera donné une nouvelle occasion, plus fiable peut-être, d’évaluer la teneur réelle de « gauche » de cette forme toute particulière de la sollicitude social-démocrate.

Syriza (Tsipras), Podemos (Iglesias) :
prendre ses pertes dès maintenant Retour à la table des matières

Et ailleurs en Europe, du côté de la vraie gauche ? Les traders emportés dans une glissade de marché connaissent bien l’obstacle principal à la décision rationnelle, il est psychologique : la répugnance à « prendre ses pertes » (dans le langage de la finance, « prendre ses pertes » signifie accepter que ses actifs ne retrouveront pas leur valeur perdue, et consentir à les vendre à perte, sachant que toute attente supplémentaire les verra se déprécier davantage encore), et l’entêtement à vouloir se refaire. Après Syriza, ou disons plus justement après le Syriza de Tsipras, et avant Podemos, les gauches européennes en sont là.

Le souvenir est encore frais de l’« accueil » qu’avait reçu en janvier, en pleine montée électorale de Syriza, c’est-à-dire à un moment où l’emballement des espoirs ne veut plus connaître aucune contrariété, l’anticipation d’une rude alternative — la « table » [9] — dont on suggérait d’ailleurs que le terme le moins avantageux — « passer dessous » — était aussi le plus probable. De ce point de vue, on aimerait assez connaître l’avis que portent rétrospectivement certains sur leurs propres puissantes analyses, on pense en particulier à Michel Husson qui à l’époque n’avait pas manqué de critiquer « le syllogisme de la défaite », « l’absence totale de sens stratégique », « l’ânerie stratégique majeure de la sortie de l’euro », avec des arguments qui, en effet, nous font voir aujourd’hui que la stratégie est bien son affaire. En réalité, il faut voir tout son texte [10] comme un symptôme car, là où sur les autres sujets de ses interventions, le travail de Michel Husson est indispensable et d’une grande qualité, les questions de l’euro et de la souveraineté ont l’effet de lui mettre, mais comme à tant d’autres, l’entendement en erreur système, avec tout le compteur intellectuel qui disjoncte : l’analyse de l’idiosyncrasie allemande n’est qu’« essentialisation », la sortie de l’euro du « nationalisme », et tous les pont-aux-ânes de l’internationalisme-réflexe y passent les uns après les autres [11].

Podemos, le prochain prisonnier de la « croyance de l’euro » Retour à la table des matières

On laissera à d’autres le soin de se prononcer sur les convolutions de l’esprit d’Alexis Tsipras, dont les divers mouvements, spécialement celui du référendum, ont parfois pu donner à espérer [12] que, réticent à la sortie de l’euro, il pouvait cependant être capable de briser ses propres limites, après avoir achevé de parcourir, comme par acquit de conscience, toutes les (im)possibilités de la « négociation ». Mais non.

On reconnaît la servitude volontaire, ou comme dirait Bourdieu la violence symbolique, à ceci que les dominés épousent fondamentalement la croyance des dominants, même si c’est la croyance constitutive d’un ordre qui les voue à la domination, parfois à l’écrasement.

Tsipras aura donc été incapable de s’extraire de la « croyance de l’euro », à laquelle, l’expérience maintenant le prouve irréfutablement, il aura été disposé à tout sacrifier : la souveraineté de son pays, l’état de son économie, et peut-être bien, à titre plus personnel, sa grandeur politique. Car la chose est désormais écrite, quelle que soit la suite des événements : il y a des places dans l’histoire politique auxquelles on ne peut plus prétendre après avoir à ce point renié les engagements qui ont porté tout un peuple — c’est qu’on voit mal derrière quelles indulgences on pourrait accommoder d’avoir consenti à un memorandum plus catastrophique que le précédent quand on a fait serment de rompre avec les memoranda, et pire encore de ne plus hésiter à aller chercher loin à droite des majorités de rechange pour le faire voter. Il est donc avéré que Tsipras était mentalement prisonnier de l’euro, et l’on sait désormais où conduit ce type d’enfermement volontaire. Disons les choses tout de suite, quitte à ce que ce soit avec rudesse : le Podemos d’Iglesias le rejoindra dans la même cellule.

Lire Pablo Iglesias, « Podemos, “notre stratégie” », Le Monde diplomatique, juillet 2015.Il y aurait beaucoup à dire sur Podemos, sur ses prémisses — justes — d’une perte d’efficacité du langage « classique », on pourrait même dire d’une certaine phraséologie de gauche, mais aussi sur les conclusions qu’il en tire, et qui le conduisent malheureusement, non pas à chercher les voies d’une nouvelle adresse, mais, le bébé filant avec l’eau du bain, à l’évacuation même de la catégorie de gauche, pour ne rien dire de celle de classe, si bien que ce qui devait n’être que (souhaitable) rectification de forme aboutit à une inquiétante déperdition de substance : ne plus vouloir parler, fût-ce dans des termes renouvelés, du capital parce que ça fait old school, pour livrer une vision du monde à base de « la caste contre le peuple », aller jusqu’à revendiquer la péremption de la catégorie de gauche, sont des partis pris fondamentaux, en l’occurrence tout à fait explicites, qu’il y a lieu de regarder avec quelques appréhensions, pour ne pas dire une légitime suspicion — dont se fait déjà l’écho, par exemple, la New Left Review quand elle interroge Iglesias [13].

On ne s’étendra pas non plus (il le faudrait pourtant) sur la mutation radicale de Podemos en parti pour le coup lui des plus classiques, et de son personnage principal en un leader charismatique qui, classique, ne l’est pas moins, au prix d’une trahison manifeste de l’esprit du mouvement des places, dont Podemos est pourtant issu — et qu’on n’aille pas faire porter à la présente analyse l’excès polémique typiquement gauchiste de la « trahison » : c’est Jorge Lago, membre de la direction de Podemos, qui assume lui-même le terme avec une déconcertante tranquillité d’âme [14].

Très logiquement, le réarmement de Podemos en machine électorale entièrement tendue vers la conquête du pouvoir est voué à l’abandon en cours de route de quelques principes et de quelques espérances… On en est presque à se demander s’il faudra mettre au compte de ses prévisibles « délestages » une déception (de plus) sur l’euro et l’Europe, déception qui en réalité n’a presque pas lieu d’être. Car au moins les choses sont claires dès le départ, elles feront même la différence, si c’est possible, entre Syriza et Podemos : là où Tsipras doit indiscutablement être crédité de s’être battu, Iglesias n’essaiera même pas. Il ne s’agit pas là d’anticipation mais de simple lecture : « Nous n’aimons pas la façon dont l’euro s’est construit, ni comment ont été mis en place les accords de Maastricht, mais nous pensons que l’euro est actuellement incontournable. Il faut certes améliorer la façon dont est gérée la monnaie unique, et nous pensons qu’il devrait y avoir à ce sujet un contrôle démocratique, mais nous ne sommes pas partisans de la sortie de l’euro pour notre pays. (…) Même si nous n’aimons pas la façon dont fonctionne la BCE, nous assumons d’être dans la zone euro » [15]. Comme toujours dans un propos politique, il y a le creux et il y a le plein. Le creux : nous n’aimons pas les choses comme elles sont, et d’ailleurs nous disons qu’il faut les changer ! Le plein : nous assumons d’être dans l’euro et nous pensons qu’il est incontournable. C’est-à-dire que ce qui précède n’est pas sérieux, car la réalité est que nous ne changerons rien. On ne devrait donc pas être davantage étonné qu’Iglesias « n’aime pas l’accord (de l’Eurogroupe), mais que c’était soit l’accord, soit la sortie de l’euro » [16].

On peut sans doute compter encore sur quelques bonnes volontés alter-européistes pour reprendre à leur compte l’argument répété en boucle par Podemos — qui en réalité n’en a pas d’autre : à 2 % de PIB européen, la Grèce n’avait pas sa chance, à 14 % l’Espagne a la masse pour tout faire basculer. Mais, supposé qu’on puisse lui prêter vraiment le projet de faire basculer quoi que ce soit, Iglesias ne fera rien basculer du tout. Ou plutôt il ferait basculer tout autre chose que ce qu’il croit. C’est bien en ce point d’ailleurs que se tient l’erreur presque « logique » des croyants de « l’autre euro possible ». Car s’il s’avérait que se crée effectivement un mouvement consistant de plusieurs pays rendant plausible une révision significative des principes de l’euro… c’est l’Allemagne, sans doute accompagnée de quelques satellites, qui prendrait le large. Si bien qu’au moment même où il serait sur le point d’être changé… l’euro serait détruit ! Il n’y aura pas d’« autre euro » dans son périmètre actuel — avec l’Allemagne —, car tout autre euro possible sera inadmissible pour elle, et se fera sans elle.

Ce n’est pas nous qui devons compter sur Podemos,
c’est Podemos qui doit compter sur nous ! Retour à la table des matières

Aucun risque : Podemos ne veut rien de tout ça. On verra bien comment il s’arrange de ses propres contradictions : en finir avec l’austérité sans changer l’euro de l’austérité est une performance logique dont on peine toujours autant à discerner les voies, une de celles auxquelles les gauches européennes s’abonnent avec une désarmante compulsion de répétition. En tout cas, on ne pourra pas dire qu’on ne savait pas. Comment tout ça se terminera, la chose n’est que trop claire, elle est comme déjà écrite. Il ne faudra pas venir pleurer une fois de plus sur les normalisations douloureuses et les espérances (encore) déçues.

Voilà donc le drame actuel des gauches européennes. Du fin fond de la déveine où elles se trouvent, Syriza et Podemos leur ont été de puissantes raisons d’espérer, l’aliment d’un désir de croire à un possible renouveau au travers du continent — et comment ne pas le comprendre, avouons-le : comment ne pas avoir soi-même éprouvé la tentation de se laisser gagner par ce sentiment. Les stratégies politiques « de l’espoir », cependant, font fausse route quand elles prennent le parti de tout accorder à leurs affects et plus rien à la raison analytique si elle risque de venir les contredire. Malheureusement, et si douloureuse la chose soit-elle parfois, on gagne rarement à ne pas regarder les situations en face. Une vraie stratégie politique, reconnaissable à ce qu’elle fait aussi bien la part de la lucidité que celle de l’espoir, devrait tenir et l’indiscutable énergie politique que, pour toutes leurs failles, ces mouvements ont fait naître, et la claire conscience des impasses où ils s’engagent, et ce faisant nous engagent, lorsqu’ils refusent à ce point de poser la question de l’euro — dont il ne faut pas se lasser de répéter qu’elle est le verrou radical de notre temps.

S’il doit être autre chose qu’un nouveau motif de dépression, le naufrage de Tsipras doit être intellectuellement rentabilisé, et nous aider, pour enfin faire mouvement, à passer une bonne fois la paille de fer. C’est-à-dire, en l’occurrence, à d’ores et déjà « passer dans les comptes » les pertes Podemos telles qu’on peut raisonnablement les anticiper. Sauf si… Sauf si, au lieu de compter sur la défectuosité Podemos pour réanimer (défectueusement) les gauches européennes, on compte plutôt sur les gauches européennes pour réorienter Podemos — et pourquoi pas Syriza s’il en reste quelque chose (ce qu’on espère le plus au monde, faut-il le dire). Cette réorientation, où la gauche en Europe engage son sort en la possibilité d’échapper enfin à l’inanité, se joue entièrement sur la ligne de la rupture avec l’euro et ses institutions, une fois intégré — il est vraiment temps… – qu’un autre euro n’est pas possible.

Lucidité pour tout le monde Retour à la table des matières

Il est bien certain que la désynchronisation des conjonctures politiques voue le plus probablement cette rupture à prendre les formes du retour à des monnaies nationales — dont trois décennies de fordisme (comme d’ailleurs la situation présente des quelque 180 nations qui n’ont pas l’immense bonheur d’appartenir à l’eurozone) devraient normalement convaincre tout esprit ayant résisté à la croyance européiste qu’elles ne sont pas la guerre.

La lucidité valant pour tout le monde, il serait irresponsable de présenter la sortie de l’euro comme l’entrée immédiate dans la lumière. Quand il s’agit de la Grèce, on peut, on doit même, dire les choses plus carrément encore : la (les ?) première année de cette sortie serait très éprouvante. C’est qu’après cinq années d’austérité ayant méthodiquement détruit la base économique du pays, sans même parler des effets de dislocation produits par la criminelle asphyxie monétaire pilotée par la BCE ces dernières semaines, n’importe laquelle des options de politique économique disponibles est vouée à commencer par d’immenses difficultés — et certaines de ces options, celles de la Troïka, à y demeurer. Tragique ironie du diktat du 12 juillet : là où la sortie de l’euro se serait immanquablement vu opposer son « échec » au bout de cinq mois (ou même cinq semaines…) — les politiques néolibérales, elles, ont le droit de durer cinq ans, ou même trois décennies sans qu’on n’en tire jamais le bilan —, là où, donc, la sortie de l’euro aurait été aussitôt agonie, c’est la politique d’austérité continuée qui portera la responsabilité du surplus de désastre que l’économie grecque va connaître immanquablement — et ça n’est que justice : c’est bien cette politique-là qui a fait un corps mort de l’économie d’un pays tout entier.

On répète ad nauseam que le peuple grec ne veut pas quitter l’euro et que, dans ces conditions, Tsipras a joué la seule carte qui était à sa disposition. Mais ceci est irrecevable. L’opinion grecque a déjà commencé à se déplacer sur cette question, et comme l’a fait justement remarquer Stathis Kouvelakis [17], le vrai sens du « non » au référendum du 5 juillet incluait évidemment l’acceptation d’une rupture avec l’eurozone : les partisans du « non » se sont entendu matraquer pendant une semaine que leur vote était synonyme de Grexit, et il est peu douteux que bon nombre d’entre eux aient persisté dans leur intention de vote en y incorporant pleinement cette possibilité, donc en l’assumant comme telle.

Il y a aussi, et surtout, que la politique est un corps-à-corps avec l’opinion. C’est entendre l’opinion et aussi lui parler. Parler à l’opinion, contre ses réticences premières, pour y faire « prendre » l’idée de la sortie de l’euro, de ses difficultés et bien sûr de ses perspectives, c’est ce que Tsipras, en cela cohérent avec lui-même — il n’y croyait pas et ne le voulait pas —, n’a (donc) jamais essayé de faire. Y compris lorsque la force propulsive du « non » lui en apportait la possibilité. Or il était bien des choses à dire pour entraîner l’opinion grecque là où elle commençait d’elle-même à se rendre. Les métaphores valent ce qu’elles valent et il faut se méfier de certaines qui sont parfois scabreuses, mais sans pousser trop loin l’analogie de la domination par les « tanks » et de la domination par les « banks » [18], il est une idée à laquelle l’opinion grecque, au point où elle en est arrivée, pourrait être sensible : de même qu’en cas d’occupation étrangère, les luttes de libération acceptent bien le supplément de destruction qui vient de se battre sur son sol, et qu’elles l’acceptent car il y va de la reconquête de la liberté, de même le surplus de difficulté qui accompagnerait immanquablement la sortie de l’euro est, dans l’impasse présente, le tribut de la reconstruction politique.

Lexit ! Retour à la table des matières

Or c’est peu dire qu’il y a à reconquérir et à reconstruire — par la gauche. La souveraineté, non comme talisman, mais comme condition de possibilité de toute politique progressiste — car répétons-le : la sortie de l’euro n’est jamais qu’une condition nécessaire, et certainement pas suffisante. On peut sortir de l’euro de bien des manières, et par bien des côtés — qui ne se valent pas du tout. Dans une sorte de syndrome d’autoréalisation inconsciente, la gauche européiste semble mettre tous ses efforts à ne laisser ouvert que le côté de la droite extrême, comme pour mieux se donner raison à elle-même et mieux pouvoir dire ensuite que la sortie de l’euro, « c’est le nationalisme ». Si c’est ça, ça n’est pas exactement un service qu’elle se rend, ni à tous ceux qui remettent leurs espoirs en elle. La vérité, c’est que depuis qu’elle a décidé de camper obstinément sur la ligne de l’« autre euro », elle ne rend plus service à grand monde. Comme les pouvoirs de l’analyse sont faibles — il n’y a pas de force intrinsèque des idées vraies, disait Bourdieu —, et que la lucidité du réalisme n’est pas le fort de cette gauche, il aura fallu en arriver aux extrémités du spectacle en vraie grandeur, celui d’une illusion fracassée, d’une impossibilité radicale désormais établie, du rôle spécifique qu’y joue un Etat-membre, enfin de tout un peuple sacrifié, il aura fallu en arriver à ces extrémités, donc, pour que quelques vacillements commencent à se faire connaître. Mais que de temps perdu…

Comme il n’est jamais très utile de pleurer sur le lait renversé, il vaut mieux oublier le temps perdu et songer plutôt à faire quelque chose du temps à venir. Même si elle ne le sait pas encore, la construction européenne est morte. On ne peut pas survivre à une telle infamie. Le destin de l’Union européenne est maintenant celui des entreprises devenues haïssables : elle n’est plus qu’en attente de son renversement. Faudra-t-il patienter de nouveau jusqu’à la ruine complète pour que la gauche européiste s’interroge sérieusement sur l’obstination qui l’aura conduite à se lier à une erreur historique de ce format, même sous la clause « alter » dont il est maintenant établi qu’elle n’altérera plus rien ? Ça n’est pas une autre version du même qu’il s’agit de penser, c’est de « l’autre » tout court, et pour de bon. Voilà à quoi devrait servir le temps à venir des gauches européennes : à lever enfin l’hypothèque de l’euro, à penser de concert ce qu’elles s’aideront mutuellement à faire : les unes soutiendront telle autre à qui sa conjoncture permettra de se mettre en marche indépendamment, et celle-ci les aidera en retour à accélérer leurs propres évolutions — solidarités concrètes dans un mouvement d’ensemble nécessairement mal synchronisé, mais où les effets d’entraînement par émulation jouent réellement, à l’inverse des grandes coordinations fantasmatiques de l’internationalisme abstrait.

Voilà ce qu’est un internationalisme bien compris, c’est-à-dire qui ne soit pas totalement confit en postures ni oublieux du réel, un internationalisme qui pourrait même, si l’on veut, trouver son compte dans le retour aux monnaies nationales, comme base d’un nouveau départ vers la reconstruction d’une monnaie, non plus unique, mais commune [19], un internationalisme auquel il faudrait quand même expliquer que, sauf à avoir complètement succombé à l’économicisme, il pourrait lui venir à l’idée de trouver ses réalisations ailleurs que dans l’ordre de la monnaie, fût-elle européenne…

Plaidant depuis sa situation à lui, celle d’un citoyen du Royaume-Uni, où l’on est confronté plus carrément à la question de l’appartenance non à l’eurozone mais à l’Union européenne elle-même, Owen Jones, dans un article du Guardian [20], lance une idée qui pourrait bien avoir un certain avenir : l’idée du Lexit (Left-Exit). Ça n’est plus tel ou tel pays qu’il faut faire sortir de l’euro : c’est la gauche elle-même.

Notes

[1] Voir sur ce sujet « Les tâches aveugles de l’“autre euro possible” », 1er juin 2015.

[2] Voir à ce sujet « Un peuple européen est-il possible ? », Le Monde diplomatique, avril 2015.

[3] François Bonnet, « L’Allemagne, le nouveau problème de l’Europe », Mediapart, 12 juillet 2015.

[4] Lire « De la domination allemande (ce qu’elle est, et ce qu’elle n’est pas) », 18 juin 2013.

[5] À cet égard il faut considérer comme un sommet de ce journalisme embedded le récit fait par Jean Quatremer de l’accord du 21 février, « Grèce vs. Eurozone : histoire secrète d’un bras de fer », Libération, 10 mars 2015.

[6] Yanis Varoufakis, « Our battle to save Greece », New Statesman, 13 juillet 2015.

[7] Voir le témoignage de Stathis Kouvelakis, « Greece, the struggle continues », entretien avec Sebastian Budgen, Jacobin, 14 juillet 2015. Lire aussi son texte, « Sortie de l’euro, une occasion historique » dans Le Monde diplomatique de juillet 2015, en kiosques.

[8] Grégoire Biseau, « François Hollande en coach politique », Libération, 10 juillet 2015.

[9] « L’alternative de Syriza : passer sous la table ou la renverser », 19 janvier 2015.

[10] Michel Husson, « Lordon, ou le syllogisme de la défaite », Alencontre, 21 janvier 2015.

[11] Comme il n’est pas possible ici de se défaire exhaustivement toutes les contrevérités ou de toutes les caricatures qui peuvent être dites sur ce sujet, je me contente de renvoyer au texte « Leçon de Grèce à l’usage d’un internationalisme imaginaire (et en vue d’un internationalisme réel) », 6 avril 2015.

[12] Moi y compris. Lire « L’euro, ou la haine de la démocratie », 29 juin 2015.

[13] Pablo Iglesias, « Spain on Edge », entretien, New Left Review, n° 93, mai-juin 2015. De cet entretien, Le Monde diplomatique a tiré un texte, publié dans le numéro de juillet 2015, en kiosques, « Podemos, “notre stratégie” ».

[14] Jorge Lago, « Après Syriza, jusqu’où ira Podemos ? », « Contre-courant », Mediapart, 1er juillet 2015.

[15] L’Obs, entretien avec Aude Lancelin, 17 juin 2015.

[16] Cité par Ludovic Lamant, « En Espagne, Podemos s’adapte à l’onde de choc grecque », Mediapart, 17 juillet 2015.

[17] Stathis Kouvelakis, art.cit.

[18] Une demi-plaisanterie qui fait fureur en Grèce en ce moment et qu’on a même vu Varoufakis reprendre à son compte : « On the Eurosummit statement on Greece, first thought », blog de Yanis Varoufakis, 14 juillet 2015.

[19] Voir La Malfaçon. Monnaie européenne et souveraineté démocratique, Les Liens qui Libèrent, 2014, chapitre 7, ou bien « Pour une monnaie commune sans l’Allemagne (ou avec, mais pas à la francfortoise) », 25 mai 2013.

[20] Owen Jones, « The Left must put Britain’s EU withdrawal on the agenda », The Guardian, 14 juillet 2015.

 

 

Source : http://blog.mondediplo.net

 

 

 

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16 juillet 2015 4 16 /07 /juillet /2015 18:29

 

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Que s’est-il passé de positif en juin 2015 ?

16 juillet par Bonnes nouvelles

 

La célèbre expression de Margaret Thatcher « TINA » (There Is No Alternative) est tout sauf vraie. Partout sur la planète, des alternatives sociales, économiques, démocratiques et écologiques se mettent en place. Partout dans le monde, des hommes et des femmes refusent et combattent l’injustice. Certains de ces combats mènent à des victoires…

 

Voir les bonnes nouvelles

Le courage politique, ça existe ! Lire

  • Borgerhout, première zone hors TTIP de Flandre
  • La proposition de loi contre les fonds « vautour » adoptée
  • Allocation universelle : la Finlande fait le test !
  • Le « non » largement en tête du référendum grec
  • Cuba, premier pays à éliminer la transmission du Sida et de la syphilis de la mère à l’enfant
  • Utrecht, la ville où la pauvreté n’existera (peut-être) plus

C’est la lutte sociale qui paie Lire

  • Les « indignés » prennent les mairies de Madrid et Barcelone
  • Après 2 ans d’arrêt, la radio-télé publique ERT émet à nouveau en Grèce
  • En Espagne, les citoyens font plier les banques...
  • Victoire pour les travailleurs de la Deustche Post !

Le droit comme instrument de lutte Lire

  • La Cour constitutionnelle abroge la loi sur la conservation des données des communications électroniques
  • Grèce : les coupes dans les retraites jugées inconstitutionnelles

Reconnaître ses erreurs Lire

  • Barack Obama sur le mariage gay : « Une victoire pour l’Amérique »

 

 
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Bonnes nouvelles

La célèbre expression de Margaret Thatcher « TINA » (There Is No Alternative) est tout sauf vraie. Partout sur la planète, des alternatives sociales, économiques, démocratiques et écologiques se mettent en place. Partout dans le monde, des hommes et des femmes refusent et combattent l’injustice.
www.bonnes-nouvelles.be

 

 

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15 juillet 2015 3 15 /07 /juillet /2015 20:37

 

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Les Grecs ne s’en sortiront pas seuls, là est le principal problème

15 juillet par Jean Gadrey

 

 

CC - flicker

 

Des dizaines de commentaires circulent dans la presse et sur la Toile depuis la signature de ce que Jean-Marie Harribey nomme à juste titre sur son blog « l’accord de Berlin » du 13 juillet 2015, en montrant clairement, texte à l’appui, qu’il s’agit d’une vraie défaite pour le peuple grec et pour la plupart de ceux qui ont voté « Non » au référendum. C’est en l’état un abominable accord néocolonialiste, dans sa version moderne : le néocolonialisme financier.

 

Des « solutions » alternatives sont proposées un peu partout. Parmi elles, on trouve notamment 1) celles de Yanis Varoufakis (« émettre des IOUs » - phonétiquement « I owe you », « je vous dois », des reconnaissances de dettes en euros) ; « appliquer une décote sur les obligations grecques » détenues par la BCE depuis 2012, pour réduire d’autant la dette, et « prendre le contrôle de la Banque de Grèce des mains de la BCE », et 2) celles plus radicales et plus complètes d’Eric Toussaint, qui sont en très résumé les suivantes, au delà de la suspension du paiement de la dette :

1. Les pouvoirs publics grecs constituent de loin l’actionnaire majoritaire des grandes banques grecques (représentant plus de 80% du marché bancaire grec) et devraient donc exercer pleinement le contrôle des banques…

2. Les autorités grecques doivent réquisitionner la banque centrale.

3. Les autorités grecques ont également la possibilité de créer une monnaie électronique (libellée en euro) à usage interne au pays. Les pouvoirs publics pourraient augmenter les retraites ainsi que les salaires de la fonction publique, payer les aides humanitaires aux personnes en leur ouvrant un crédit en monnaie électronique qui pourrait être utilisé pour de multiples paiements : facture d’électricité, d’eau, paiement des transports en commun, paiement des impôts, achats d’aliments et de biens de première nécessité dans les commerces, etc. Contrairement à un préjugé infondé, même les commerces privés auraient tout intérêt à accepter volontairement ce moyen de paiement électronique car cela leur permettra à la fois d’écouler leurs marchandises et de régler des paiements à l’égard des administrations publiques (paiement des impôts et de différents services publics qu’ils utilisent). La création de cette monnaie électronique complémentaire permettrait de diminuer les besoins du pays en euros. Les transactions dans cette monnaie électronique pourraient être réalisées par les téléphones portables comme c’est le cas aujourd’hui en Equateur.
Le gouvernement pourrait également émettre de titres publics en papier sous formes de IOU’s (I Owe You), équivalents à des billets d’euro : 10 euros, 20 euros,… pour faire face à la pénurie de billets en circulation. Ils présentent un avantage par rapport à la drachme car ils laissent la porte ouverte à la négociation et permettent à la Grèce de rester formellement dans la zone euro.

4. Le contrôle sur les mouvements de capitaux doit être maintenu…

5. L’organisme chargé des privatisations doit être dissout…

6. De nouvelles mesures doivent être adoptées dans un souci de justice fiscale en vue de renforcer très nettement celles déjà prises, notamment en décidant de taxer très fortement les 10 % les plus riches (et en particulier le 1% le plus riche) tant sur leurs revenus que sur leur patrimoine. De même, il convient d’augmenter fortement l’impôt sur les bénéfices des grandes entreprises privées et de mettre fin à l’exemption fiscale des armateurs. Il faut aussi taxer plus fortement l’Eglise orthodoxe qui n’a versé que quelques millions d’euros d’impôts en 2014.

7. Une réduction radicale des impôts sur les bas revenus et les petits patrimoines doit être décidée…

11. Réaliser une politique d’emprunt public interne via l’émission de titres de la dette publique à l’intérieur des frontières nationales.

Le problème est que ces mesures, ou encore la sortie totale de l’euro préconisée par d’autres, n’ont aucune chance d’aboutir sans de puissants soutiens populaires et citoyens d’abord en Grèce, mais aussi et peut-être surtout en Europe, permettant d’isoler les « ultras » en Allemagne et ailleurs. Il est aujourd’hui et dans les mois qui viennent bien plus important de contribuer à des mouvements européens de solidarité et de résistance au néocolonialisme financier que de taper sur Tsipras ou sur l’euro, qui ont l’un et l’autre des limites, mais ces limites sont fonction de contextes, pour l’instant déplorables, mais pour l’instant seulement.

En attendant, c’est en grande partie du côté d’Alternatives économiques (et du site AlterEcoPlus) et de La Tribune (les articles de Romaric Godin) que je trouve les meilleures sources de réflexion sur ce sujet terriblement déprimant quand on veut encore croire à la démocratie et à la solidarité. « Indignez-vous », écrivait Stéphane Hessel. Pour le moment, l’indignation n’est pas à la hauteur du scandale.

 

Ajouts du 15 juillet

1) Je me retrouve bien dans cette analyse sombre et critique de Gérard Filoche et Jean-Jacques Chavigné : « Le 13 juillet 2015 : un jour sombre pour la Grèce et l’Europe ».

2) Un appel à rassemblement en solidarité avec le peuple grec (accompagné de la prise de position de Varoufakis ci-dessous) aujourd’hui 15 juillet à 19H place de la République circule sur les réseaux sociaux. L’initiative est fragile mais permet d’exprimer le refus de la mise en coupe réglée du peuple grec par la troïka. C’est un enjeu déterminant dans la période de se saisir de toutes les possibilités d’exprimer notre solidarité avec le peuple grec, notre refus de la politique de l’Eurogroupe, et singulièrement, pour ce qui nous concerne, du gouvernement Hollande.

 

Voici la prise de position du 14 juillet de Yanis Varoufakis

NOUS SOUTENONS LE PARTI GREC SYRIZA

” Dans les heures et jours qui viennent, je siègerai au Parlement pour évaluer la législation qui fait partie de l’accord récent du sommet européen sur la Grèce. J’ai également hâte d’écouter en personne mes camarades, Alexis Tsipras et Euclid Tsakalatos, qui ont traversé tant d’épreuves ces derniers jours. Jusque là, je garde mon jugement concernant la législation qui est devant nous. Mais avant, voici quelques premières pensées subjectives attisées par le rapport du sommet européen.

• Un nouveau Traité de Versailles hante l’Europe — j’avais utilisé cette expression dès le printemps 2010 pour décrire le premier prêt à la Grèce qui était en préparation à l’époque. Si cette allégorie était pertinente alors, elle l’est d’autant plus maintenant.

• Jamais auparavant l’Union européenne n’avait prise une décision, qui affaiblit si fondamentalement le projet d’intégration européenne. Les leaders de l’Europe, en traitant Alexis Tsipras et notre gouvernement de la façon qu’ils l’ont faite, ont porté un coup décisif contre le projet européen.

• Le projet d’intégration européenne a en effet, reçu une blessure fatale durant ces derniers jours. Et comme Paul Krugman l’a bien dit, quoique vous pensiez de Syriza ou de la Grèce, ce ne sont ni les grecs ni Syriza qui ont fait mourir le rêve d’une Europe démocratique et unie.

• En 1971, Nick Kaldor, l’économiste renommé de Cambridge, avait mis en garde que forger une union monétaire avant qu’une union politique soit possible mènerait non seulement à un échec de l’union monétaire mais aussi à la destruction du projet politique européen. Plus tard, en 1999, le sociologue anglo-allemand Ralf Dahrendorf avait également alerté qu’une union monétaire et économique diviserait l’Europe plutôt qu’elle ne l’unirait. Toutes ces années j’espérais qu’ils avaient tort. Maintenant, les puissances qu’elles soient à Bruxelles, Berlin ou Francfort ont conspiré pour me donner tort.

• La déclaration du sommet européen d’hier matin se lit comme un document engageant la Grèce sur des termes de capitulation. Elle se présente comme une déclaration confirmant que la Grèce acquiesce à devenir un vassal de l’Eurogroup.

• Cet accord n’a rien à voir avec l’économie, ni avec quelconque considération pour le type d’agenda de réformes capables de sortir la Grèce de son bourbier. C’est purement et simplement une manifestation d’une politique d’humiliation en acte. Même si on est dégouté de notre gouvernement, on doit voir que la liste de demandes de l’Eurogroup représente un abandon majeur de toute décence et raison.

• L’accord du sommet européen signale une annulation complète de la souveraineté nationale, sans mettre à sa place de corps politique supranational et paneuropéen. Les Européens, même ceux qui n’ont rien à faire de la Grèce, devraient s’inquiéter.

• Beaucoup d’énergie a été dépensée par les médias pour savoir si les conditions de la capitulation passeront au parlement grec, et en particulier si des députés comme moi-même se conformeront aux ordres et voteront en faveur de ce projet de lois. Je ne crois pas que ce soit la question la plus intéressante. La question cruciale est : est-ce que l’économie grecque a la moindre chance de s’en sortir avec ces conditions ? C’est la question qui me préoccupera durant les sessions parlementaires qui suivront les jours prochains. La grande inquiétude c’est qu’une capitulation complète de notre part mènerait à l’approfondissement d’une crise sans fin.

• Le récent sommet de l’Euro n’est en effet rien de moins que le moment culminant d’un coup d’État. En 1967, c’était les tanks que les puissances étrangères ont utilisées pour en finir avec la démocratie grecque. Dans mon interview avec Philip Adams sur ABC, j’ai avancé l’idée qu’en 2015 un autre coup d’État était mené par des puissances étrangères, utilisant non plus des tanks, mais les banques. Peut-être que la principale différence ÉCONOMIQUE, est qu’en 1967 la propriété publique de la Grèce n’était pas ciblée, en 2015 les puissances derrière le coup d’État ont réclamé la reddition de toutes les avoirs publics qui restaient, pour qu’ils soient mis au service de notre dette, impayable et insoutenable.”

 

 
Auteur
 
Jean Gadrey

 

 

Source : http://cadtm.org

 

 

 

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15 juillet 2015 3 15 /07 /juillet /2015 17:41

 

Source : http://rue89.nouvelobs.com

 

 

Tournée papier 15/07/2015 à 12h27
Un cheval de Troie dans le blouson du facteur ?
Emilie Brouze | Journaliste Rue89

 

Le smartphone Facteo doit accompagner les agents de La Poste dans leur tournée, à la fin 2015. Mais il fait l’objet de plusieurs résistances – à cause de services farfelus ou de bugs – et de certains soupçons.

Le 4 juin dernier, les 250 facteurs de la zone de Lisieux (Calvados) ont dû rendre leur smartphone professionnel, confié trois mois plus tôt. Au placard, les Facteo, retrace Le Pays d’Auge, provisoirement au moins. Ce matin-là, les salariés ont donc repris leur tournée avec du papier... Comme si de rien n’était.

La veille, lors d’un Comité d’hygiène, de sécurité et des conditions de travail (CHSCT), les représentants syndicaux ont demandé à leur direction une expertise réalisée par un cabinet extérieur (estimée à 50 000 euros, à la charge de l’entreprise), sur les risques et les modifications des conditions de travail engendrés par les téléphones.

Une problématique « locale » ?

« La situation actuelle est celle de la recherche complémentaire d’informations pour pouvoir répondre encore plus précisément au CHSCT », répond La Poste. Qui précise :

« La problématique posée à Lisieux est strictement locale. »

Pourtant, même situation dans les Hauts-de-Seine où les smartphones ont été retirés à Boulogne-Billancourt, Neuilly ou Colombes. « La direction a annoncé donner un téléphone aux agents avant même que le CHSCT ait été informé. On a fait une demande d’expertise », détaille Brahim Ibrahimi, secrétaire départemental adjoint SUD-PTT.

Dans l’Essonne, le déploiement des smartphones a été suspendu : une expertise globale est en cours.

Pelletée de services payants

Facteo est le plan qui doit permettre à La Poste de dématérialiser et de transformer ses 88 000 facteurs en couteaux suisses numériques : armés d’un smartphone, ils vont en plus des opérations postales classiques pouvoir assurer de « nouveaux services de proximité ». Ce sont les mots du PDG, Philippe Wahl, qui expose à Libé :

« La numérisation de la société menace notre métier historique. [...] Notre modèle économique n’est plus viable, le groupe doit donc se transformer. »

Pour pallier la baisse des volumes de courrier, La Poste a fait preuve d’une imagination sans limites pour développer une kyrielle de services payants :

« Tout ça, gratos »

Avec leur smartphone, les facteurs peuvent aussi :

  • s’occuper des relevés de compteurs électriques :
  • et même devenir des experts en assurance en photographiant entre deux courriers un dégât des eaux ou une voiture cabossée.

« Tout ça, gratos » (pour les facteurs), fait remarquer Christophe Musslé, représentant syndical CGT-FATP. « La Poste est dans une période où à partir du moment où un client paie, ils prennent », synthétise Giorgio Stassi, secrétaire départemental de SUD Poste 91.

Récemment, le postier a ri jaune en découvrant sur le magazine interne les lauréats 2014 d’un concours d’idées maison : des salariés ont soumis leurs projets, « pour contribuer au développement économique et à la transformation de La Poste ». Ceux qui sont arrivés troisièmes avaient proposé « Animaleo ». « Devinez... » glisse Giorgio Stassi avant de casser le suspense :

« C’est un service pour sortir un chien ou l’amener en visite chez le vétérinaire. »

« Pour les plus vieux, c’était la cata »

Testé en 2012 auprès de 1 000 facteurs, Facteo devrait être généralisé dans toute la France au plus tard fin 2015. Selon La Poste, 64 000 téléphones ont déjà été déployés.

Les postiers du pays d’Auge, dans le Calvados, ont reçu le leur début mars dernier. Un smartphone avec plusieurs applications, pour lequel ils ont suivi une formation après leur tournée : deux fois une heure et demie-deux heures pour maîtriser l’outil et son utilisation professionnelle.

« Pour les plus jeunes, ça allait. Pour les plus vieux, c’était la cata », se souvient un facteur de Lisieux. Ce jeune agent (qui ne préfère pas donner son nom) rentrait chez lui avec le smartphone dans la poche de son blouson. Eteint, « à cause de la géolocalisation ». Premier réflexe, en arrivant tôt le matin au bureau : l’allumer et le connecter à Internet via le wifi (« parfois, ça plantait »).

« Puis on se mettait sur la bonne appli, on sélectionnait notre tournée. Tous les recommandés s’affichaient. On pouvait alors valider et partir. »

L’avis de passage toujours en papier...

A cette étape, le facteur explique qu’il gagnait du temps par rapport à la méthode papier. Ça se complique ensuite : à chaque fois qu’il se trouve devant un client, il faut sortir le smartphone, taper le code de déverrouillage (« on avait tous le même, avec la consigne de ne pas le changer ») puis faire défiler la (longue) liste des recommandés pour retrouver le bon (« quand j’avais 60 colis, c’était une horreur »).

 

Un postier prépare sa tournée en campagne au centre de tri postal de Douvres-la-Délivrande, dans le Calvados, le 26 novembre 2008 (MYCHELE DANIAU/AFP)

Enfin, il clique et valide. Pour récupérer son recommandé, le client signe directement sur le portable, raconte le facteur, mais aussi sur papier : l’accusé de réception n’est pas encore numérisé. Et si la personne est absente ?

« On remplissait toujours l’avis de passage papier. »

« Ça ne vous fait pas gagner de temps »

Ce facteur fait partie des 250 qui ont rendu leur smartphone début juin. Tout comme Stéphane Gambier, facteur à Orbec, 46 ans dont 24 ans de boîte (syndiqué CGT-FATP) :

« Quand on est revenus au papier, ça nous a fait suer. Quand ça marche, c’est pratique. »

Il n’est pas le seul à pointer les bugs et prévient : « Ça ne vous fait pas gagner de temps. » La manipulation du stylet par le récipiendaire, sorte de crayon pour signer sur le smartphone, n’est parfois pas aisée, complète-t-il :

« Les gens le retournent, il faut leur expliquer. »

Un représentant syndical de Haute-Normandie soulève aussi les mauvaises conditions climatiques qui rendent difficile la bonne utilisation du téléphone ou la faible connexion internet, problématique, quand un postier se trouve « au fin fond de la campagne ».

Deux heures d’appel et les SMS illimités

« Vous avez deux versions », soulève Giorgio Stassi au sujet des retours que lui ont fait des postiers de l’Essonne. « Ceux qui sont très contents, surtout sur le côté utilisation personnelle. Et ceux qui s’inquiètent. » Sans oublier une autre catégorie, ceux dont les dysfonctionnements agacent et qui se retrouvent « à devoir y aller au stylo ».

Avec chaque téléphone, la direction offre à ses facteurs deux heures de communication avec SMS illimités. L’usage personnel du forfait est toléré. Un cadeau empoisonné, pointent des représentants syndicaux interrogés qui soulignent entre autres le problème de confidentialité. Certains voient le forfait comme une sorte d’écran de fumée... pour faire passer le reste en douce.

Un smartphone cheval de Troie, en somme.

Six minutes en moins... pour quoi faire ?

Sur la zone de Lisieux, Christophe Musslé met un mot sur le point qui coince : « la reprise de temps ». Pour la direction, explique le représentant syndical, un agent connecté travaille six minutes par jour en moins grâce à son portable.

Chaque activité d’un facteur est décomptée, expose Giorgio Stassi. Pour un recommandé, par exemple, c’est 90 secondes à partir du moment où il laisse son vélo jusqu’à son retour, peu importe s’il faut sonner plusieurs fois avant qu’un client réponde.

Pour la « reddition des comptes », l’inventaire du courrier et des recommandés non distribués au retour de la tournée, c’est dix minutes. « Comme avec Facteo, il n’y a plus la partie de remplissage manuel, ils comptent désormais quatre minutes. » Soit six de moins.

Avec ce chiffre ramené sur l’année et sur le nombre de facteurs du pays d’Auge, Christophe Musslé arrive à la conclusion qu’à la prochaine réorganisation, 5,4 postes sont menacés (l’équivalent de 8 736 heures annuelles en moins sur la plaque de Lisieux).

« Cinq emplois sur 250, c’est énorme, pour un téléphone. »

« Ils le font de façon insidieuse »

En Haute-Normandie, au moins sur les zones de Duclair, Lillebonne, Montivilliers et Dieppe, où les Facteo sont déployés depuis moins d’un an, la direction a soustrait six minutes au temps de travail sur la prochaine réorganisation mise en place fin juillet, affirme Sylvain Sigurani, secrétaire Sud-PTT de Haute-Normandie. Rue89 a pu consulter un document de travail interne concernant Montivilliers où la soustraction apparaît. « Ils le font de façon insidieuse », continue celui qui parle de « défaut d’information ».

« Quand ils nous présentent le dossier en CHSCT, ils n’en parlent pas. Une fois [le dossier] validé, on nous reprend du temps. »

Contactée par Rue89, La Poste ne répond pas précisément sur le retrait des six minutes. Et indique :

« Facteo n’est en rien un projet de productivité mais au contraire un projet de développement qui doit permettre de rendre de nouvelles prestations et services à valeur ajoutée : des prestations ou gestes sont réalisés plus facilement avec Facteo ce qui permet d’en réaliser et enrichir d’autres. »

 

Source : http://rue89.nouvelobs.com

 

 

 

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15 juillet 2015 3 15 /07 /juillet /2015 17:09

 

Source : http://www.bastamag.net

 

 

Droit du travail

Les lois Macron et Rebsamen sont à peine votées que la prochaine vague de régressions sociales se profile

par

 

 

 

 

Discrètement, le gouvernement prépare déjà une nouvelle offensive contre le droit du travail, dans la foulée des lois Macron et Rebsamen. Les milieux patronaux en rêvent depuis longtemps : que les règles de travail négociées dans l’entreprise, là où la pression sur les salariés est la plus forte, puissent s’imposer à la loi et aux conventions collectives. Ce rêve est-il sur le point de devenir réalité ? Pour plancher sur la question, le gouvernement vient de créer une commission, en partie composée d’ « experts » proches des milieux néolibéraux. Leur rapport est attendu pour la rentrée. Sous prétexte de simplifier le Code du travail, ce rapport pourrait être annonciateur de nouvelles régressions pour les salariés.

Le gouvernement a décidé d’enclencher la vitesse supérieure sur les « réformes » du marché du travail. Les lois Macron et Rebsamen sont à peine adoptées, qu’une nouvelle dérégulation d’ampleur est en préparation. Présentée le 4 mai dernier, une commission « accords collectifs et travail », surnommée « mission Combrexelle » du nom de son président, est actuellement à pied d’œuvre à la demande du Premier ministre. Son objectif ? Produire, pour la rentrée, un rapport dont les préconisations devront inspirer une réforme pour donner plus de place aux accords collectifs – c’est à dire les accords de branche et surtout d’entreprise – dans la définition des règles qui encadrent le travail et le lien de subordination des employés à leurs employeurs. Sous couvert de bon sens et de pragmatisme – le « dialogue social de terrain » serait plus adapté à la réalité des entreprises – le projet s’attaque en fait à l’un des piliers du droit social français, suivant l’une des revendications les plus anciennes du Medef.

Dans le code du travail, deux principes jouent un rôle crucial. La « hiérarchie des normes », d’abord, consacre la primauté de la loi : cette dernière s’impose aux conventions de branche qui s’imposent, elles-mêmes, aux accords d’entreprise. En vertu du second, appelé « principe de faveur », une règle négociée au niveau d’une branche ou d’une entreprise ne peut être que davantage favorable aux salariés. En clair, si une convention de branche fixe le salaire horaire minimum à douze euros, un accord d’entreprise, dans le même secteur, ne pourra prévoir un salaire inférieur à cette somme. En revanche, rien n’interdit d’aller au delà, par exemple à treize euros. Logique, à moins de rendre la loi ou les accords de branche caducs. En principe, donc, ces règles garantissent les mêmes droits pour tous les salariés, et préviennent le dumping social au sein d’une même branche d’activité.

« Moderniser en profondeur notre système de relations sociales »

En pratique, les dérogations sont nombreuses. Rendues possibles, d’abord, par les lois Auroux en 1982, puis par les lois Aubry sur les 35 heures, enfin par les réformes successives des gouvernements Raffarin, Fillon et Ayrault, elles concernent essentiellement l’organisation du temps de travail, et parfois les salaires. Ainsi, depuis 2008, la durée minimale de repos journalier, légalement fixée à onze heures, peut, dans certains secteurs, être ramenée à neuf heures par accord de branche ou d’entreprise. Concernant les rémunérations, la loi du 14 juin 2013, transcription législative de l’Accord national interprofessionnel (ANI, lire ici), autorise, en cas de difficultés économiques, une réduction des salaires par simple accord d’entreprise – les fameux accords de maintien de l’emploi, étendus par la loi Macron.

Aujourd’hui, loin de restreindre le domaine des règles soumises à la dérogation, le Premier ministre entend « engager une réflexion nouvelle pour élargir la place de l’accord collectif dans notre droit du travail ». Une place « encore trop limitée », écrit Manuel Valls dans sa lettre de mission adressée à Jean-Denis Combrexelle, le président de la commission. Le champ concerné reste restreint, et les partenaires sociaux ne se saisissent pas suffisamment de la souplesse que la loi leur donne pour déroger au cadre réglementaire. (…) Je souhaite que vos propositions ne se limitent pas à des aménagements du cadre législatif actuel, mais ouvrent des perspectives nouvelles et audacieuses, capables de moderniser en profondeur notre système de relations sociales. » La dérogation deviendra-t-elle la règle et le respect de la loi l’exception ?

Emmanuel Macron : « Autoriser les entreprises à déroger aux règles »

« Il s’agit d’une demande récurrente du Medef, constate Marie-Laure Morin, ancienne conseillère à la chambre sociale de la Cour de cassation. Le patronat veut élargir la négociation d’entreprise sur le modèle anglo-saxon. Aux États-Unis, les règles de travail sont négociées dans chaque entreprise, dans le cadre d’un contrat collectif. » En 2014, le Medef publiait un « Livre jaune » programmatique, qui réaffirmait cette priorité : « Le cœur de la définition des règles sociales doit être l’entreprise. Cela suppose une révolution importante car aujourd’hui, c’est la loi qui fixe ces règles. » Autre indice des intentions gouvernementales : Emmanuel Macron n’annonçait-il pas la couleur, à la veille de son entrée au ministère de l’Économie ? « Nous pourrions autoriser les entreprises et les branches à déroger aux règles de temps de travail et de rémunération. C’est déjà possible pour les entreprises en difficulté. Pourquoi ne pas l’étendre à toutes les entreprises, à condition qu’il y ait un accord majoritaire avec les salariés ? »

Auprès des syndicats, la mission Combrexelle passe mal. C’est d’abord le calendrier qui surprend, puisque la commission travaille et auditionne en plein examen parlementaire de la loi Rebsamen qui porte, déjà... sur le dialogue social ! « Ce n’est pas logique, s’agace Marie-Alice Medeuf-Andrieux, secrétaire confédérale chez Force ouvrière (FO). Ce point avait été abordé, puis mis de côté pendant la discussion sur le dialogue social. » Suite à l’opposition des syndicats, « le gouvernement a voulu reprendre la main », estime la juriste Marie-Laure Morin, auditionnée le 6 juillet par la commission. Sa composition est perçue comme « très orientée ». « Il y a surtout des juristes et des pseudo-économistes, déplore Julien Gonthier, du syndicat Solidaires-industrie. Ces gens ne connaissent pas grand chose au fonctionnement d’une entreprise. En tout cas, ils ne sont pas inspirés d’un grand progressisme. »

Des experts obsédés par l’« obésité » du code du travail

La commission regroupe, de fait, des experts habitués à naviguer entre public et privé, certains affichant des orientations ouvertement néolibérales. Après avoir été directeur adjoint du cabinet de Martine Aubry, Yves Barou, actuel président de l’AFPA [1], a intégré la direction RH de l’entreprise Thalès. Longtemps membre du Conseil d’analyse économique, Michel Didier est quant à lui président du Coe-Rexecode, un « institut privé d’études économiques » proche du Medef. Il est aussi proche du très libéral Cercle des économistes, tout comme Pierre Cahuc, favorable à la réduction du « coût » du travail et à l’assouplissement des conditions de licenciement. Dans la commission, on trouve aussi, pêle-mêle, le président du groupe Alpha (un cabinet de conseil en relations sociales), Pierre Ferracci, la DRH de Lafarge France, une ex-DRH enseignant désormais en business school, ou encore le juriste Paul-Henri Antonmattei, fervent soutien de François Bayrou lors de la dernière présidentielle. Voilà qui promet !

La participation d’Antoine Lyon-Caen, auteur avec Robert Badinter d’un ouvrage et d’une tribune qui viennent de faire du bruit, est encore plus remarquée. Dans Le travail et la loi, les deux juristes – habituellement classés à gauche – dénoncent la « complexité croissante » et l’« obésité » du code du travail. Ils proposent de réduire ce dernier à 50 principes fondamentaux. Enfin, c’est le pedigree du président de la commission, Jean-Denis Combrexelle, qui laisse perplexe. Dans les milieux syndicaux, le conseiller d’État est décrit comme le « Talleyrand » du ministère du travail [2] : de Jospin à Raffarin, en passant par de Villepin ou Ayrault, le haut-fonctionnaire, ancien directeur général du travail (DGT), survit à tous les gouvernements ! [3]

« A force de déroger, on fait du code du travail un véritable gruyère »

« Jean-Denis Combrexelle est le chantre de la "négociation administrée", explique Julien Boeldieu, inspecteur du travail et secrétaire national de la CGT Travail, emploi et formation professionnelle (CGT-TEFP). On négocie, et l’administration valide après-coup, comme pour les plans sociaux depuis l’ANI. On glisse d’une logique de contrôle à une logique d’accompagnement, avec une faveur aux employeurs. » En parallèle, la multiplication des « assouplissements » affaiblit la norme légale. « Chaque gouvernement enfonce un ou plusieurs coins dans le code du travail, poursuit Julien Boeldieu. On multiplie les dérogations, les droits se différencient selon les secteurs d’activité, les entreprises, les territoires. » Peu à peu, « on instaure une inégalité de traitement, une concurrence de fait entre entreprises et entre salariés », insiste Marie-Alice Medeuf-Andrieux, de FO.

La mission Combrexelle va-t-elle confirmer cette tendance ? « Sous couvert de simplification, l’objectif est de poursuivre l’inversion de la hiérarchie des normes et du principe de faveur. On veut définir un socle de droit minimal, et renvoyer le reste aux accords de branche et d’entreprise, craint Julien Boeldieu. En fait, la simplification est un faux débat, car le code du travail est complexe par nature. Il ne s’agit pas seulement du travail du législateur, mais aussi du résultat de luttes sociales sédimentées. Si on simplifie la base légale, on va produire de la jurisprudence ce qui, pour le coup, est une véritable source de complexité. » « A force de déroger, on fait du code du travail un véritable gruyère, confirme l’ancienne magistrate Marie-Laure Morin. On fait de la déréglementation par sur-réglementation ! »

La loi, une limite au pouvoir considérable des employeurs ?

Serait-ce une manière de rogner, lentement mais sûrement, un siècle d’émancipation sociale ? Jusqu’aux premières lois sociales, à la fin du XIXe siècle, les règles de travail sont fixées par le règlement intérieur de l’entreprise, et sont donc imposées par la direction. Avec la légalisation des syndicats et la création d’une administration du travail, la loi vient fixer des limites à ce pouvoir considérable, tout en harmonisant les droits des salariés sur le territoire national. Les premières lois touchent le travail des enfants, l’hygiène et la sécurité, les temps de repos. Cet encadrement public, réalisé au nom de l’intérêt général, est très tôt combattu par le patronat. Ce dernier y voit une ingérence insupportable, et dénonce une entorse à la propriété privée des entreprises (sur l’histoire des mouvements sociaux, lire ici).

Cette position sera longtemps la ligne des organisations patronales. Elle s’est bien-sûr atténuée, officiellement du moins. Cependant, l’heure est à la mondialisation des marchés, à la recherche, coûte que coûte, de compétitivité pour les entreprises. Il faut « assouplir », « faciliter », « réduire le coût du travail ». La loi serait une source de « rigidité », et l’entreprise le lieu idéal pour une redéfinition des normes de travail. Il faut « faire une plus grande place à la négociation collective et en particulier à la négociation d’entreprise, pour une meilleure adaptabilité des normes aux besoins des entreprises ainsi qu’aux aspirations des salariés », explique Manuel Valls. Mais qui dit négociation, dit acteurs sur un pied d’égalité. Et dans l’entreprise, les salariés sont-ils vraiment en capacité de négocier ?

Chômage de masse et chantage à l’emploi

Le contexte de chômage de masse s’avère lourdement défavorable aux salariés : « Si la direction fait du chantage à l’emploi, la négociation est terminée », estime Julien Gonthier du syndicat Solidaires. « Dans l’entreprise, les salariés sont fragilisés, les délégués du personnel exposés », souligne encore Marie-Alice Medeuf-Andrieux. C’est précisément l’une des raisons d’être du code du travail. Le rapport salarial est un rapport de subordination, qui bride, voire rend impossible, les velléités de revendication individuelles mais aussi collectives. La loi permet, de ce point de vue, la construction d’une norme plus émancipée d’un tel lien de dépendance économique.

Dès lors, quelle doit être la place des accords collectifs ? Les positions syndicales divergent sensiblement. Sur une ligne de compromis, la CFDT se montre plutôt favorable à un élargissement de la négociation collective et à l’adaptation des normes, « dans un cadre protecteur défini par la loi », selon les besoins des branches et des entreprises. « A défaut d’accord, la loi s’applique », précise Marylise Leon, secrétaire nationale au dialogue social. Pour Solidaires et au sein de plusieurs instances de la CGT [4], la hiérarchie des normes et le principe de faveur ne sont pas négociables : « Il vaudrait mieux supprimer les dérogations inutiles pour les entreprises », estime Julien Boeldieu à la CGT. Chez FO, « on est accrochés à la branche », ose Marie-Alice Medeuf-Andrieux. Le syndicat défend la hiérarchie des normes, tout en donnant la priorité à la négociation nationale et en acceptant l’accord d’entreprise, « s’il est dans l’intérêt des salariés ».

Renforcer la présence syndicale... ou bien l’étouffer ?

Dans le même temps, la loi Rebsamen, indissociable de la mission Combrexelle, vient affaiblir la représentation syndicale (voir également notre article). « L’enjeu, c’est au contraire de renforcer la présence syndicale, estime Julien Gonthier. De donner aux délégués les moyens de mieux représenter les salariés. La mission Combrexelle s’intéresse au référendum en entreprise. Mais je pense que c’est un moyen pour contourner les syndicats. » La loi Rebsamen permettra bientôt la fusion des institutions représentatives du personnel, ainsi qu’un regroupement des obligations d’information et de négociation avec les représentants salariés. « Jusqu’à présent, le Comité d’entreprise était consulté avant tout projet de réorganisation, poursuit Julien Gonthier. Désormais, l’information arrivera après-coup. Quand on casse les outils qui permettent de comprendre le fonctionnement de l’entreprise, alors on casse la négociation collective. »

Depuis son arrivée à Bercy, Emmanuel Macron n’a qu’une obsession : « Nous devons continuer à réformer en profondeur le marché du travail », répète-t-il à l’envie. S’agit-il de renforcer la représentation syndicale ? « L’important, c’est que la loi précise les règles générales et [donne] davantage de place aux accords de branche et d’entreprise, donc aux partenaires sociaux. Cela suppose que les organisations syndicales s’adaptent à l’évolution de leurs responsabilités. » Non content de déréguler le marché du travail, c’est à dire de dégrader nos conditions de travail et d’existence, l’ancien banquier d’affaires chez Rothschild, qui pourra se targuer d’avoir employé trois fois l’article 49-3 de la Constitution pour imposer sa dernière loi, compte aussi expliquer aux syndicats comment ils doivent « s’adapter ». Ces derniers seront-ils en mesure de résister à la révolution menée au pas de course par un exécutif qui n’a plus de socialiste que le nom ?

Thomas Clerget

Photo : CC Gerry Lauzon

Notes

[1Association pour la formation professionnelle des adultes.

[2Charles-Maurice de Talleyrand-Périgord, dit « Talleyrand », est un homme d’État et diplomate français qui a survécu à tous les régimes politiques de l’Ancien régime jusqu’à la Monarchie de Juillet.

[3Jean-Denis Combrexelle a successivement occupé les fonctions de directeur des relations du travail des gouvernement Jospin, Raffarin et de Villepin, puis de directeur général du travail (DGT), le plus haut poste du ministère, jusqu’à la fin du gouvernement Ayrault, au début de l’année 2013. Sacrée longévité !

[4Malgré nos relances, le secrétariat confédéral de la CGT n’a pas répondu à nos questions.

 

 

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Source : http://www.bastamag.net

 

 

 

 

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13 juillet 2015 1 13 /07 /juillet /2015 18:48

 

 

Source : http://www.lemonde.fr

 

 

Pourquoi la dette allemande surpasse la dette grecque

LE MONDE | • Mis à jour le | Par

 
 
 

Un employé de BASF, sur le site de Schwarzheide, dans l'est de l’Allemagne, en mars 2013.

 

La chronique planète. On sait qu’Athènes doit à ses créanciers une somme de près de 320 milliards d’euros ; on sait qu’elle a fait défaut vis-à-vis du Fonds monétaire international ; on sait, enfin, que les Grecs ont largement rejeté, dimanche 5 juillet, les exigences de leurs créanciers. Tout cela, personne ne l’ignore. Un fait plus discret est que la vertueuse et intransigeante Allemagne traîne elle aussi quelques impayés, dont il n’est pas déraisonnable de penser qu’ils surpassent de très loin l’ardoise grecque. Et on ne parle pas ici de l’Allemagne exsangue de l’après-guerre. On parle bel et bien de l’Allemagne d’aujourd’hui, avec sa puissante industrie, son budget impeccable, etc.

Externalités négatives

Pour comprendre la nature de cette « dette » allemande, il faut se pencher sur un numéro récent du Journal of Clinical Endocrinology & Metabolism (JCEM). En avril, la revue publiait une série d’études conduites par une vingtaine de chercheurs internationaux et coordonnées par Leonardo Trasande, spécialiste de santé des populations, professeur à l’université de New York. Leur but était d’évaluer le coût économique des dégâts sanitaires dus aux pollutions chimiques dans l’Union européenne. Avec 2010 comme année de référence, leur estimation chiffre la valeur médiane de ces dégâts à 1,3 % du produit intérieur brut des Vingt-Huit. Soit 157 milliards d’euros par an, en frais de santé et de prise en charge de certains troubles, en perte de productivité des salariés, etc. Et ce n’est là qu’une valeur médiane : la partie haute de la fourchette surpasse les 260 milliards d’euros annuels.

 
Les dégâts sanitaires dus aux pollutions chimiques coûtent 157 milliards d’euros par an à l’Europe. Une grande part incombe à l’Allemagne, qui domine le secteur de la chimie

Le rapport avec nos voisins d’outre-Rhin ? C’est simple : en Europe, la chimie, c’est l’Allemagne. Le pays domine de très loin le secteur avec des géants comme Bayer ou BASF, et il est très clair qu’une grande part de ces 157 milliards d’euros lui incombe. L’Allemagne aurait beaucoup à perdre, si les mesures adéquates étaient prises pour éviter ces dégâts collatéraux. A Berlin, on en est parfaitement conscient. Par le biais de l’une de ses agences de sécurité sanitaire, l’Allemagne n’a eu de cesse d’entraver la mise en place de nouvelles réglementations européennes destinées à réguler les produits les plus problématiques – dits perturbateurs endocriniens.

Si l’on s’en tient à la dernière décennie, ces coûts collatéraux cachés – ces « externalités négatives », disent les économistes – liés à l’industrie chimique ont donc vraisemblablement coûté au moins 1 570 milliards d’euros à l’économie européenne. Sur cette même décennie, la dette grecque est passée de 195 milliards à 320 milliards d’euros, soit un accroissement de 125 milliards d’euros. Plus de dix fois moins que les externalités négatives des chimistes sur la même période, et certainement beaucoup, beaucoup moins que celles des géants allemands du secteur.

Ces travaux sont-ils crédibles ? Il est indéniable que l’exercice est délicat. « L’impact sanitaire des polluants chimiques de l’environnement peut sembler élusif et c’est un concept difficile à saisir, écrit Tracey Woodruff, professeur à l’université de Californie à San Francisco, à qui JCEM a confié son éditorial d’avril. Nous manquons de données exhaustives sur la manière dont les substances chimiques présentes dans notre vie quotidienne dans la nourriture, l’eau, l’air et les produits d’usage courant touchent notre santé. »

« Véritable fardeau »

Face à ce manque de données, M. Trasande et ses coauteurs se sont focalisés, précise Mme Woodruff, « sur les effets de seulement sept produits et familles chimiques [pesticides organophosphorés, plastifiants, etc.], sur trois catégories de troubles (troubles du système reproductif masculin, troubles neuro-comportementaux, obésité et diabète) ». Les auteurs n’ont donc tenu compte que du coût des effets sanitaires quantifiables, grâce aux études épidémiologiques sérieuses disponibles, ainsi qu’aux mesures d’imprégnation de la population. Tout le reste, tout ce qui est suspecté mais insuffisamment étudié, a été ignoré.

Outre l’énormité de son poids économique, cette dette interfère avec notre biologie et dégrade la santé des populations, elle altère les écosystèmes, elle modifie les paysages

Non seulement la totalité des effets sanitaires recherchés ne peut être estimée précisément, mais l’industrie chimique produit d’autres externalités, supportées par la collectivité : sources d’eau potable polluées par les résidus de pesticides, perte de biodiversité et des services associés (pollinisation, maintien de la fertilité des sols, etc.)… « Ce qu’il faut retenir, poursuit Mme Woodruff, est que ce calcul de 157 milliards d’euros ne représente que la partie émergée du véritable fardeau attribuable aux polluants chimiques de l’environnement. »

Cette « dette »-là ne fait hurler personne. Elle est pourtant bien plus tangible que la dette grecque : outre l’énormité de son poids économique, elle interfère avec notre biologie et dégrade la santé des populations, elle altère les écosystèmes, elle modifie les paysages.

Sans le savoir, nous donnons bien plus pour la prospérité de la fière Allemagne que pour aider la petite Grèce

Ces constats relèvent d’une science consensuelle, conventionnelle, et citée comme telle par le Programme des Nations unies pour l’environnement. C’est ainsi : l’industrie chimique ne se développe qu’au prix d’externalités gigantesques, assumées par les Etats, les collectivités, les systèmes de santé et les autres secteurs économiques. Bien sûr, une externalité n’est pas une dette stricto sensu. « La première peut être vue comme une dette morale, alors que la seconde est contractuelle », dit l’économiste Alain Grandjean. Certes, mais tout cela, nous l’avons payé, nous le payons, ou nous le paierons d’une manière ou d’une autre.

Sans le savoir, nous donnons bien plus pour la prospérité de la fière Allemagne que pour aider la petite Grèce.

 

 

 Stéphane Foucart
Journaliste au Monde

 

 


Source : http://www.lemonde.fr

 

 

 

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11 juillet 2015 6 11 /07 /juillet /2015 19:07

 

Source : http://www.reporterre.net

 

 

« La politique de la zone Euro vis-à-vis de la Grèce est un néo-colonialisme »

11 juillet 2015 / Entretien avec Nicolas Sersiron

 

 

 

Les chefs d’Etat européens se retrouvent dimanche pour décider du sort économique de la Grèce. Mais celle-ci supporte une dette illégitime et illégale, comme l’explique le président du Comité pour l’annulation de la dette du tiers-monde en France (CADTM).


Auteur de Dette et extractivisme, la résistible ascension d’un duo destructeur, Nicolas Sersiron est président du CADTM-France, un réseau international qui a notamment participé à la commission pour la vérité sur la dette publique grecque.

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Nicolas Sersiron

Reporterre - Comment s’est formée l’actuelle dette de la Grèce ?

 

Nicolas Sersiron - Elle a plusieurs origines. On parle beaucoup de 2009-2010 – en somme, des conséquences de la crise des subprimes – mais on peut remonter à la Grèce de la dictature des colonels, entre 1967 et 1974, voire même à la sortie de la guerre. Mais l’essentiel vient de l’entrée de la Grèce dans la zone Euro en 2001 : la Grèce n’avait pas une économie suffisamment développée pour adopter l’euro et se trouver à égalité avec les pays qui formaient la zone à ce moment-là. C’était une économie trop primaire, trop peu industrialisée par rapport aux économies tertiaires et de services que sont la France et l’Allemagne par exemple. Il y avait un déséquilibre.

Mais l’idée de cette zone euro n’était-elle pas justement de tirer les économies faibles, avec des mécanismes de soutien à leur intention ?

Oui, et c’est à ce titre que la Grèce a reçu des fonds structurels d’adaptation. Ces fonds sont justement en partie responsables de la dette, parce qu’ils n’ont pas été utilisés pour financer des infrastructures, des équipements de communication, etc. - tout ce qui peut permettre à un pays de résister à un système commercial transparent, avec une concurrence ouverte des pays plus développés dans un libre-marché.

Il s’est passé la même chose qu’en Espagne, où ces fonds structurels ont principalement servi à financer des bâtiments à touristes, des réseaux de train à grande vitesse à moitié vides ou des aéroports qui n’ont jamais ouvert, plutôt qu’à doper ce qu’il fallait.

Ne tenez-vous pas un discours qui consiste à culpabiliser le peuple grec ?

Non : la responsabilité des créanciers – tout du moins, ceux qui le sont devenus – est colossale. Ils ont abondamment prêté à la Grèce, sans prendre les précautions nécesaire. C’est vrai qu’il y a un problème de corruption, c’est vrai que c’est un problème que les armateurs et l’Eglise ne payent pas d’impôts aujourd’hui. Mais au fond, c’est le même problème que les subprimes : on a prêté à des gens dont on savait qu’ils ne rembourseraient pas.

Pourquoi ? Parce qu’on alimentait la machine des prêts et on savait que les banques seraient sauvées sur le principe du too big to fail trop gros pour faire faillite » : cette expression désigne la situation d’une banque dont la faillite aurait des conséquences systémiques si désastreuses qu’elle est renflouée par les pouvoirs publics dès que ce risque est avéré, NDLR avec Wikipedia]. C’est exactement ce qui s’est produit en Grèce : les banques françaises et allemandes ont prêté allègrement, à des taux très élevés, ont gagné beaucoup d’argent, et quand la Grèce s’est cassée la figure, qu’ont-elles fait ? Elles se sont retournées auprès de la BCE (Banque centrale européenne) et de la Commission européenne pour être sauvées.

 

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Mario Draghi

Il faut aussi parler de la responsabilité de Goldman Sachs, qui a maquillé les comptes du pays pour la faire entrer dans la zone Euro. Sans cela, le pays n’y serait pas entré. Or, qui dirigeait le département européen de cette banque à ce moment-là ? Un certain M. Draghi, qu’on retrouve aujourd’hui à la tête de la BCE

Y a-t-il eu un abus de faiblesse ?

Les banques ont profité d’une opportunité exceptionnelle : le besoin de biens de consommation et le manque d’infrastructures, et elles se sont jetées sur l’occasion. Comme pour les Jeux Olympiques de 2004, qui devaient coûter 1,5 milliard, pour une facture finale de 20 milliards, avec beaucoup de corruption autour de Siemens et d’autres compagnies européennes, qui ont corrompu des ministres et des politiques grecs pour leur vendre des armes. Tout cela, c’est beaucoup d’argent à gagner, car le risque est important donc les taux d’intérêts élevés.

Une commission du Parlement a lancé, avec votre participation, un audit citoyen qui conclut à une dette « illégitime, illégale et odieuse » » : qu’est-ce que cela veut dire ?

Une dette illégitime est une dette qui n’a pas servi l’intérêt général. À l’intérieur de la dette illégitime, il faut distinguer la dette odieuse, la dette illégale et la dette insoutenable. La dette odieuse, c’est la dette qui a été créée dans un pays sans son accord, sans qu’elle profite au peuple, c’est souvent la dette d’un dictateur – comme la dette de Ben Ali, que la Tunisie ne devrait pas, en droit international, rembourser. Sauf que la FMI lui a re-prêté de l’argent en l’obligeant à rembourser… La dette odieuse est très particulière, elle concerne beaucoup de pays africains, mais aussi la Grèce des colonels, par exemple.

La dette illégale est une dette qui ne respecte pas les traités. Quand la Troïka (BCE, FMI et Commission européenne) impose à la Grèce des mesures sociales terribles – baisse du montant des retraites, baisse des salaires des fonctionnaires, diminution de la couverture sociale, etc. –, elle ne respecte pas les nombreux traités internationaux que la Grèce a signé, comme la Déclaration universelle des droits de l’Homme, où il est inscrit qu’on ne doit jamais privilégier l’intérêt des créanciers par rapport aux constituants d’une vie digne – manger, se loger, se soigner, etc. Il y a des prêts qui n’ont pas respecté les traités de Lisbonne, la BCE n’a pas respecté ses statuts, le FMI (Fonds monétaire international) non plus.

Par exemple ?

Le FMI ne doit pas prêter à un pays s’il n’est pas sûr de recouvrer ses créances. C’est pour cela que plusieurs gouverneurs refusaient de prêter à la Grèce, car cela ne respectait pas ses statuts. Finalement, le FMI a prêté une trentaine de milliards d’euros tout en sachant que la Grèce ne rembourserait pas.

Comment les institutions internationales ont-elles réagi à cet audit ?

Elles ne veulent pas en entendre parler ! Vous pensez bien : analyser l’ensemble de la dette grecque, pour savoir à quoi a servi chaque prêt, où il a été, s’il a été accepté par le Parlement grec, s’il a respecté la Constitution, etc. Qu’y apprend-on ? Que 77 à 80 % des prêts de sauvetage de la Grèce depuis 2010 ont été versés aux banques françaises et allemandes. Ces fonds qui ont été prêtés à la Grèce ne se sont pas retrouvés dans les mains des Grecs, ils ont été essorés au nom du remboursement de la dette.

C’est d’ailleurs pour ça que les principales institutions refusent de parler de la dette et préfèrent parler des mesures que la Grèce doit prendre. C’est trop embêtant de parler de ce qui cause la dette, car cela pose de vraies questions. D’ailleurs, qui a entendu parler de l’audit de l’Equateur ? En 2008, Rafael Correa a annulé une grande partie de la dette équatorienne suite à un rapport qu’elle était à 80 % illégitime. Il y est parvenu grâce au marché secondaire de la dette, sur lequel les principales banques avaient fini par revendre leurs titres de reconnaissance de dette à des taux dépréciés.

Le cas de la Grèce est malheureusement très différent. Au lieu de revendre leurs titres sur le marché secondaire, les banques françaises et allemandes se sont arrangées pour que ce soit la BCE qui rachète les titres. Aujourd’hui, ce sont donc en définitive les contribuables européens qui possèdent la dette grecque. C’est une socialisation des pertes privées potentielles. Et maintenant, on viendrait nous dire que tel peuple ne peut plus payer pour tel autre ? Mais jusqu’à présent, les Allemands ont payé pour les banques allemandes !

 

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La BCE

Dans votre ouvrage, Dette et extractivisme, vous analysez la dette comme le moyen pour les pays riches d’opérer le « pillage » des ressources après la disparition des colonies. Cela vaut-il aujourd’hui pour la Grèce ?

La dette est un outil d’asservissement des peuples par les détenteurs de capitaux. Tant qu’on n’a pas compris cela, on ne peut pas comprendre « l’utilité » de la dette. Depuis quarante ans, les ex-colonies sont asservies par la dette, et pour la payer, elles exportent – car cette dette est en devises – leurs ressources naturelles, qu’elles soient minières, fossiles ou végétales. Et une fois qu’elles ont reçu des devises en paiement des bananes, du cacao, du pétrole et du cuivre, elles renvoient une partie de ces devises au titre du remboursement des intérêts de la dette.

Cela fait quarante ans qu’on entend dire en France qu’on aide les Africains, mais ce n’est pas vrai : au nom de la dette, les transferts des pays en développement vers les pays riches ont été énormes, de l’ordre de 5 à 10 plans Marshall ! La dette est un transfert du pauvre vers le riche.

On est exactement dans le même cas de figure avec la Grèce, que l’on oblige à vendre ses côtes, ses îles, ses plages.

La politique de la zone Euro est-elle un néo-colonialisme ?

Absolument. C’est une forme de néo-colonialisme. Au nom de la dette, on crée des plans d’austérité qui sont une copie-conforme des plans d’ajustement structurel des années 1980. La finalité de ces plans est le même : il faut vendre l’ensemble des ressources pour payer la dette, et il faut laisser entrer les capitaux qui vont pouvoir faire fructifier ces ressources et rapatrier ensuite leurs bénéfices. Grâce à la dette, on justifie toutes les privatisations.

C’est comme ça qu’on brade le port du Pirée, qu’on brade les côtes, qu’on brade n’importe quoi. Mais le néo-colonialisme s’installe aussi en France. On est aujourd’hui à 45 milliards d’intérêt de la dette par an, c’est une somme qui va des contribuables français vers les détenteurs de capitaux.

Pendant ce temps-là, on baisse les impôts de ces détenteurs – qu’ils vont d’ailleurs souvent mettre dans les paradis fiscaux – et quand l’Etat n’a plus d’argent dans les caisses, il finit par déléguer au privé la construction des infrastructures, la sécurité sociale, etc. Il y a un transfert formidable des communs et de tout ce qui appartient au peuple vers le privé...

 

*Suite de l'article sur reporterre

 

 

Source : http://www.reporterre.net

 

 

 

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11 juillet 2015 6 11 /07 /juillet /2015 17:17

 

 

Source : http://www.mediapart.fr

 

 

Pourquoi Hollande veut garder la Grèce dans la zone euro

|  Par Lénaïg Bredoux

 

 

 

Le président français répète depuis son élection qu’il est opposé à un « Grexit ». Non pas en raison des risques économiques – « Les marchés ont banalisé la question grecque », explique à Mediapart Michel Sapin – mais pour ne pas être un des fossoyeurs du projet européen et pour des raisons géopolitiques.

 

La France ne veut pas d’un “Grexit”. Ces derniers jours, elle multiplie les initiatives diplomatiques pour l’éviter : Angela Merkel était à Paris lundi soir pour permettre la reprise des négociations ; Michel Sapin est parti jeudi à Francfort pour rencontrer Wolfgang Schäuble et, selon plusieurs sources confirmant une information du Guardian, la France a dépêché plusieurs hauts fonctionnaires auprès du nouveau ministre grec des finances Euclide Tsakalotos pour préparer les mesures que la Grèce doit présenter à ses créanciers. « On ne ménage pas notre peine et on le fera jusqu’au bout », explique-t-on à l’Élysée. « Nous parlons à tout le monde », dit le ministre français des finances.

 

Angela Merkel, François Hollande et Alexis Tsipras le 7 juillet à BruxellesAngela Merkel, François Hollande et Alexis Tsipras le 7 juillet à Bruxelles © Reuters
 

Jeudi, le séminaire du gouvernement, réuni à Matignon, était aussi quasi exclusivement consacré à la Grèce. « Cette fois, la France est au centre du jeu. Nous sommes les seuls à pouvoir parler à tout monde. C’est justement le rôle d’une diplomatie. Contrairement à ce que croit Nicolas Sarkozy, ce n’est pas de sortir le revolver pour faire croire qu'on est le plus fort », estime Matthias Fekl, secrétaire d’État au commerce extérieur auprès de Laurent Fabius. « Ce n’est pas un sujet technique. Là, la technique n’a même aucun sens, explique un autre des participants, sous couvert d’anonymat. Ce n’est pas l’Europe des petits comptables qui peut changer la donne. C’est la dignité d’un peuple qui est en jeu, l’avenir de l’Europe, nos frontières à l’Est et au Sud. Cela dépasse les tableaux Excel des technocrates. »

Au gouvernement, à Matignon et à l’Élysée, tous semblent d’accord : il faut tout faire pour maintenir la Grèce dans l’euro. Pour l’histoire, d’abord. « La France a toujours cherché à faire avancer l’Europe et je ne vais pas ne pas être conforme à cette histoire, et à la place de la France, j’allais dire presque à sa dignité », a affirmé François Hollande, mardi soir à Bruxelles, après un énième Eurogroupe. Il croit à ce « projet européen », « cette belle idée », « ce vieux rêve, devenu une réalité, (…) une magnifique construction », selon les mots du premier ministre Manuel Valls. 

François Hollande l’a toujours assumé : l’Europe est son horizon politique. Toutes ces années, il a rappelé son attachement à Jacques Delors, du moins à ce qu’il représente, lui qui a commencé son parcours militant dans les clubs “Témoins” de l’ancien président de la Commission. Pour le chef de l’État, le départ de la Grèce de la zone euro, voire de l’Union européenne, serait d’abord une catastrophe politique. « Notre génération, c’est de ne pas faire en sorte que nous connaissions la dislocation de l’Europe », a également prévenu Manuel Valls mercredi. « La France ne raisonne pas à court terme, explique-t-on aussi à l’Élysée. L’Europe est un projet qui se déploie sur plusieurs décennies, qui nous dépasse tous et mérite d’être défendu en tant que tel. C’est l’intérêt général européen. » Un proche du chef de l’État résume : « Il faut savoir prendre une responsabilité historique. »

L’attachement européen de François Hollande n’est pas seulement idéologique : il correspond aussi à sa manière de faire de la politique, de la concevoir. La machinerie bruxelloise, dont il s’est souvent plaint en privé (la lenteur, les petits pays qu’il faut prendre en compte, etc.), et la culture du compromis entre la gauche et la droite qui règne à Bruxelles et Strasbourg ne détonnent guère avec le caractère et la ligne politique du chef de l’État. Il ne croit pas au rapport de forces et à la mise en scène du combat politique. Il croit à l’alignement progressif des intérêts entre gens raisonnables.

De ce point de vue, la stratégie radicalement politique d’Alexis Tsipras lui est totalement étrangère. Tout comme l’idée que le « couple franco-allemand » puisse être dépassé. Son ancrage est fondamentalement celui de l’axe Paris-Berlin, par nécessité, par idéologie et aussi parce qu’il est politiquement persuadé de la pertinence d’une grande partie des mesures mises en place en Allemagne depuis l’agenda 2010 de Gerhard Schröder. « Penser que l’Europe peut avancer en tapant sur l’Allemagne est une hérésie », dit aussi un ministre du gouvernement.

 

 

Depuis son élection, François Hollande défend sa méthode et jure que, contrairement à ce que pensent le Front de gauche, les écologistes et l’aile gauche de son parti, il a davantage obtenu de la chancelière Angela Merkel que s’il avait choisi la « confrontation ». Mardi soir, à Bruxelles, le président a de nouveau cité le pacte pour la croissance de 2012 (pourtant très faible), l’union bancaire, la politique monétaire de la BCE. « De même que sur l’affaire grecque, j’ai passé combien de soirées, encore tout à l’heure, avec la chancelière et le premier ministre Tsipras, pour essayer de faire aboutir une solution. Personne ne pourra dire que les Allemands et les Français n’ont pas agi », a insisté le président de la République, mardi. Parions qu’en cas de “Grexit”, il le redira.

« La France cherche toujours l’accord, le compromis, la France, elle l’a toujours fait, c’est sa place dans l’Europe, c’est sa place historique dans l’Europe », a même lancé François Hollande. Son premier ministre ne dit pas autre chose : « Son rôle, celui de la France, c’est le compromis. Ce n’est pas casser, exclure, renverser la table. » L’argument a l’avantage, aux yeux de l’exécutif, de justifier à la fois sa politique européenne et sa politique intérieure bien davantage centriste qu’ancrée dans la tradition socialiste.

 

«Une fois que c’est parti, vous ne savez pas où ça s’arrête»

Mais au-delà de ces déclarations de bonnes intentions, l’exécutif français insiste désormais sur les risques géopolitiques en cas de sortie de la zone euro, voire de l’Union européenne. « Le maintien de la Grèce dans l’euro, et dans l’Union européenne, c’est aussi un enjeu géostratégique et géopolitique de la plus haute importance », juge Manuel Valls. C’est même un des premiers arguments qu’il a utilisés mercredi devant les députés, citant « nos relations avec la Turquie, aux Balkans toujours fragiles, aux tensions à la frontière Est de l’Europe ». En mai dernier, la Macédoine semblait même au bord de la guerre civile (lire l’enquête de Jean-Arnault Dérens).

Le premier ministre a également évoqué les liens de la Grèce « avec la Russie et le monde orthodoxe », alors que Tsipras a multiplié les échanges avec Vladimir Poutine depuis son arrivée au pouvoir, les migrants et bien sûr l’appartenance du pays à l’Otan qui en fait « l’avant-poste européen d’un Proche-Orient en plein embrasement ». « La Grèce est une des frontières de l’Europe, proche de la Turquie et des Balkans », insiste-t-on aussi à l’Élysée.

 

 

 

Le discours de Manuel Valls à l'Assemblée mercredi

Jacques Delors (encore lui) a insisté sur ces aspects dans une tribune publiée par le Financial Times le 5 juillet qui a eu beaucoup d’écho à Bruxelles. « Nous devons voir la Grèce comme un pays au cœur des Balkans, une zone dont l’instabilité n’a pas besoin d’être alimentée, à l’heure d’une guerre ouverte en Ukraine et en Syrie, et d’une menace terroriste grandissante – sans même parler de la crise migratoire », écrit-il.

Ce sont les mêmes inquiétudes qui conduisent les autorités américaines à encourager tant qu’elles peuvent la conclusion d’un accord entre la Grèce et ses créanciers. « Nous continuons à encourager l'ensemble des parties à participer de manière constructive aux discussions », a déclaré mardi Josh Earnest, porte-parole de l'exécutif américain, appelant une nouvelle fois à un compromis. Depuis le référendum grec de dimanche, Barack Obama s’est entretenu avec Alexis Tsipras, Angela Merkel et François Hollande. Selon la Maison Blanche, Obama et Hollande ont évoqué « l'importance de trouver la voie à suivre pour permettre à la Grèce de reprendre les réformes et de retourner vers la croissance (...) à l'intérieur de la zone euro », reconnaissant « que cela va nécessiter des compromis difficiles de tous les côtés ».

Reste la boîte noire du raisonnement français : les risques financiers d’une sortie de la Grèce de la zone euro. Hollande et Valls répugnent à les évoquer. Ils se sont parfois contredits, l’un disant qu’ils étaient nuls, l’autre s’en inquiétant. « Ce n’est pas le premier argument, ce n’est pas le sujet. On n’est pas des boutiquiers ou des comptables », insiste l’Élysée. Il y a peu, un ministre glissait pourtant sous couvert du off : « On risque d’arriver à quelque chose dont personne ne connaît les effets. » Le président français a tout de même estimé mardi que « la France défend ses intérêts aussi en faisant en sorte que ce soit l’option de l’accord qui l’emporte ». Il a notamment évoqué le « problème des prêts, des liquidités qui ont été apportées et des conséquences que cela aurait sur un certain nombre d’échanges ».

« Objectivement, les conséquences de court terme (d'un Grexit) sont extrêmement minimes », explique à Mediapart Michel Sapin, le ministre des finances. Pour Paris, un “Grexit” ne provoquerait pas de cataclysme économique et financier immédiat : « L’Europe est beaucoup plus forte aujourd’hui pour se protéger, avec le MES [mécanisme européen de stabilité] et avec l’union bancaire, estime Michel Sapin. Et la France est beaucoup plus forte qu’en 2010 ou en 2011. »

La France n’est pas non plus très inquiète d’une éventuelle remontée des taux d’intérêts en cas de sortie de la Grèce de la zone euro : « Les marchés ont banalisé la question grecque », juge Sapin. Le ministre n’est pas davantage paniqué par les pertes pour les finances publiques françaises. Un récent rapport du Sénat avance pourtant un montant total de 65 milliards d’euros d’exposition. Mais en citant aussi bien le prêt bilatéral consenti par la France à la Grèce à hauteur de 11,4 milliards que l’engagement de la Banque de France auprès de la BCE et que les prêts consentis via le Fonds européen (FESF). Cette présentation est un peu « bébête », ironise Michel Sapin. « On ne peut pas additionner des expositions directes et indirectes et des sommes parfois remboursables jusqu’en 2057. Ou alors il faudrait diviser le montant par année. C’est un peu comme Nicolas Sarkozy qui parle de 2 300 euros par foyer français », balaie le ministre des finances.

En revanche, Bercy est bien plus soucieux des répercussions en chaîne que pourrait avoir une sortie de la Grèce de la zone euro. Si les marchés financiers ont anticipé un défaut grec, ils risquent de guetter le prochain pays fragilisé, et de profondément le déstabiliser. « Notre crainte réside dans l’effet de second tour, explique Michel Sapin. Les tensions sur des pays périphériques peuvent provoquer un ralentissement de croissance dans ces pays, et donc ensuite dans l’ensemble de la zone euro. » Un scénario dont l’Europe et tout particulièrement la France n’ont franchement pas besoin.

« Un Grexit montrerait que la zone euro n’est pas stable, explique un autre ministre du gouvernement. On risquerait de voir apparaître des tendances centrifuges, avec la Grande-Bretagne ou l’extrême droite dans des pays de l’Est de l’Europe ou chez nous… Une fois qu’on voit que l’euro n’est pas fort, pas protecteur et pas durable, on ouvre la boîte de Pandore. » Puis : « Une fois que c’est parti, vous ne savez pas où ça s’arrête. »  

« On a besoin de confiance, de visibilité, et pas d’attentisme. Sinon nous aurons encore des décisions d’investissements reportées », et donc une croissance plus faible, juge le ministre des finances. Pour François Hollande, c’est crucial : la présidentielle est dans deux ans et il sait que, sans un bilan économique meilleur et une baisse du chômage, il pourra rentrer en Corrèze. Mais dimanche déjà, on saura si sa stratégie a contribué à sauver la zone euro. Ou si sa réticence à la confrontation aura eu définitivement raison de l'influence de la France en Europe.

 

 

 

Source : http://www.mediapart.fr

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