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2 novembre 2015 1 02 /11 /novembre /2015 16:55

 

Source : http://rue89.nouvelobs.com

 

 

Prenez le temps d’écouter ce discours de campagne turc
 

 

 

 

Pour la seconde fois en cinq mois, les Turcs sont appelés ce dimanche à voter pour désigner un nouveau Parlement.

Dans un contexte politique et sécuritaire très tendu – notamment après l’attentat du 10 octobre dernier et la reprise en main des médias d’opposition par le président Erdogan –, ces élections marquent la volonté du Président très conservateur de récupérer la majorité absolue qu’il avait perdue en juin dernier.

Pour mesurer les enjeux de ce scrutin et la gravité de la situation – mais aussi parce qu’il a été sous-titré en français et qu’il est d’une grande dignité –, nous vous proposons de prendre dix minutes pour écouter le discours de Mustafa Sarisuluk, candidat du HDP.

Le HDP – Parti démocratique des peuples – est un parti politique issu de l’indépendantisme kurde et situé à gauche. Qualifié parfois de « Syriza turc », il défend l’autogestion, le bien-vivre entre les différents peuples turcs et s’inscrit dans la continuité des mouvements protestataires de 2013 autour du parc Gezi. En France, il est soutenu par Europe-écologie-Les Verts, le Parti de gauche et le Parti communiste.

 

 

Source : http://rue89.nouvelobs.com

 

 

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2 novembre 2015 1 02 /11 /novembre /2015 15:43

 

Source : http://www.bastamag.net

 

 

 

Libéralisation

Comment les multinationales privent les Mexicains d’un accès à l’eau potable

par

 

 

 

Neuf millions de Mexicains vivent sans accès à l’eau potable. Le gouvernement s’apprête pourtant à renforcer la politique de libéralisation du secteur, en partie responsable de la situation actuelle. Les multinationales détiennent déjà d’immenses concessions d’eau, et leurs activités entraînent pollutions, raréfaction des ressources et conflits sociaux. Les entreprises françaises ne sont pas en reste : Suez et Veolia gèrent de manière controversée des systèmes de distribution d’eau, et l’entreprise Total veut y lancer l’exploitation très polluante du gaz de schiste. Une coalition citoyenne lutte pour mettre fin à la privatisation, l’accaparement et la surexploitation de l’eau. Mais la bataille s’annonce rude. Enquête.

Neuf millions de Mexicains – sur une population de 121 millions – n’ont pas accès à l’eau potable. La situation empire dans le pays : en 50 ans, la disponibilité de l’eau par habitant au Mexique a chuté de 64% [1] ! En cause notamment, la libéralisation du marché de l’eau instaurée en 1992, qui a rendu possible la vente des eaux nationales à des entreprises privées ou des particuliers sous forme de concessions. Cette libéralisation a fait entrer le secteur privé dans la gestion des systèmes d’eau et d’assainissement municipaux. Et des secteurs économiques très gourmands de cette ressource, comme l’industrie de l’eau en bouteille, des sodas ou des bières, possèdent désormais d’importantes concessions, dont une partie est pourtant située dans des zones à risque.

Coca-Cola a ainsi le droit d’extraire 33,7 millions m3 d’eau par an au Mexique, l’équivalent de la consommation annuelle minimale pour faire vivre 20 000 personnes. Le groupe américain exploite 50 nappes d’eau, dont 15 sont surexploitées [2]. À moindre échelle, la compagnie suisse Nestlé extrait 9 millions m3 d’eau par an dans le pays et exploite 16 aquifères, dont 6 sont surexploités.

 

Les eaux du Mexique sont à vendre

L’industrie minière – tout comme l’extraction de gaz et de pétrole – a un impact encore plus important. Elle consomme quotidiennement des millions de litres d’eau. La mine d’or Los Filos, dans l’État de Guerrero, dans le sud du pays, en utilise 418,8 millions chaque jour rien que pour la lixiviation, processus durant lequel les tonnes de minéraux extraits sont aspergés d’eau et de cyanure de sodium pour séparer l’or des détritus [3]. Cette mine, située dans une zone gangrenée par le narcotrafic, est exploitée depuis 2007 par Goldcorp, première compagnie minière des Amériques et deuxième au niveau mondial. Goldcorp prévoit d’extraire 200 tonnes d’or de Los Filos dans les vingt prochaines années, pour un chiffre d’affaires de 7 milliards de dollars. L’entreprise canadienne s’est installée grâce aux accords de libre-échange nord-américains (Alena). L’usage de produits toxiques comme le cyanure a de graves impacts sur l’environnement et les populations.

Ces excès sont aussi associés à de nombreux incidents, comme le déversement accidentel de 40 000 m3 de sulfate de cuivre dans le fleuve Sonora en août 2014 dans le nord du pays, dont les eaux ont viré à l’orange sur plus de 150 kilomètres après la rupture d’un bassin dans une mine de cuivre exploitée par Grupo Mexico. 20 000 habitants ont été privés d’eau, des dizaines d’autres sont tombés malades et tous attendent toujours réparation de la part du groupe, propriété de German Larrea, deuxième homme le plus riche du pays après Carlos Slim. À l’origine de ces dérives se trouve la réforme du droit agraire orchestrée par le président Carlos Salinas de Gortari (Parti révolutionnaire institutionnel, PRI) en 1992 [4]. Pour faciliter l’entrée du capital étranger, elle a impulsé la conversion des terres de « propriété sociale » en propriétés privées et simplifié l’octroi de l’usufruit des terres collectives aux entreprises, portant un coup fatal à l’héritage de Zapata.

 

 

La production d’énergie hydroélectrique a elle aussi, par définition, besoin d’eau. La multiplication des concessions octroyées à ce secteur cristallise les tensions sociales : la construction de barrages dérègle l’écosystème des rivières et peut inonder des centaines d’hectares de terres habitables et cultivables. Dans l’État du Guerrero, les habitants de La Parota résistent depuis onze ans à la construction d’un barrage destiné à alimenter en électricité la grande ville d’Acapulco, au détriment des pêcheurs et agriculteurs du village.

 

Arsenic, pesticides et hydrocarbures

Conséquence de ces réformes libérales, et de l’accroissement de la population, le pays se rapproche un peu plus chaque année du stress hydrique, fixé à 1700 m3 d’eau disponible par an et par habitant. Sur les 37 régions hydrologiques que compte le pays, trois pourraient passer sous le seuil fatidique d’ici à 2030 si la tendance persiste : la région du Rio Bravo (907m3), la péninsule de Basse Californie (780m3) et la Vallée de Mexico (127 m3).

L’autre grand problème auquel fait face le Mexique est l’inégal accès aux systèmes d’eau potable à travers le territoire. Les populations les plus marginalisées se trouvent en milieu rural, où cinq millions de personnes n’ont pas accès à cette denrée. Dans le Guerrero, État le plus concerné par ce problème, une personne sur trois est affectée, dans le Veracruz, une sur quatre, et dans le Tabasco, le Chiapas et le Oaxaca, une sur cinq.

 

 

Pour ne rien arranger, 21 bassins hydrographiques étaient fortement contaminés en 2009 (sur les 1471 que compte le Mexique). La Commission nationale de l’Eau (Conagua) y a enregistré la présence d’arsenic, de pesticides, d’hydrocarbures, de métaux lourds, de composants pharmaceutiques et antibiotiques, et de bactéries. Une partie de cette pollution est de source industrielle : les fuites pétrolières sont innombrables. Un rapport du ministère de l’Environnement a recensé plus de 7000 incidents en quinze ans pour la seule entreprise parapublique Petroleos Mexicanos (Pemex) [5]. Soit 1,3 incident par jour ! L’activité minière, en plus d’être régulièrement responsable de déversements accidentels de produits chimiques dans les rivières, est à l’origine de la dispersion de métaux lourds provoquée par les explosions à la dynamite. L’épandage d’engrais chimique en agriculture est lui aussi très polluant. Mais la pollution domestique est également importante dans ce pays où 11 millions d’habitants – dont 7,8 millions en zone rurale – ne sont pas reliés à un système de drainage des eaux usées et d’assainissement.

 

Gaz de schiste et fracturation hydraulique, la nouvelle menace

Face à cette situation critique, le président mexicain Felipe Calderón (Parti action nationale - PAN, de centre droit) fait entrer en 2012 le droit à l’eau dans la Constitution du pays, deux ans après la reconnaissance de ce droit fondamental par les Nations unies : « Toute personne a droit à une eau accessible, disponible et assainie en vue d’un usage domestique ou personnel », précise désormais la Constitution [6]. Depuis lors, le Congrès mexicain est appelé à réformer la Loi des Eaux de 1992, héritée du gouvernement de Carlos Salinas de Gortari et dénuée de vision écologique et sociale, afin d’assurer le respect de ce nouveau droit. Le gouvernement du président Enrique Pena Nieto (PRI), qui succède à Felipe Calderon en 2012, s’est promis de faire passer cette réforme avant la fin de son mandat. Va-t-il enfin remettre la population au centre de la politique de l’eau ? Il prend malheureusement la direction inverse. Sa réforme énergétique de 2014 a mis fin au monopole de l’entreprise parapublique Pemex sur le secteur des hydrocarbures, instauré en 1938. L’extraction et la distribution du gaz et du pétrole sont désormais ouvertes aux entreprises privées nationales et étrangères – avec à la clé des besoins en eau encore plus importants.

 

 

L’un des objectifs de cette réforme est d’ouvrir la voie à l’exploitation des hydrocarbures « non conventionnels », tels que le gaz de schiste, extraits au moyen de la technique controversée de la fracturation hydraulique (fracking en anglais). Chaque fracturation requiert entre 15 et 20 millions de litres d’eau [7], et les produits chimiques utilisés pénètrent dans les nappes phréatiques. Les gisements de schiste mexicains se trouvent essentiellement à la frontière avec les États-Unis, dans les régions les plus arides du pays. Leur exploitation à grande échelle risque de créer de nouvelles zones de conflits liés à l’eau.

Le géant français Total, déjà investi dans l’extraction de gaz de schiste dans le Texas voisin – il possède des parts dans des gisements de l’entreprise américaine Chesapeake – est intéressé par ces nouveaux filons. En avril 2014, son PDG Christophe de Margerie accompagne le président François Hollande lors d’une visite officielle au Mexique. Il en repart avec un accord signé avec Pemex concernant « un échange de technologie dans l’exploration et la production d’hydrocarbures » et « une évaluation des futures opportunités dans les secteurs non conventionnels, comme le gaz de schiste ».

 

Une nouvelle Loi des Eaux qui viole les droits humains

En mars 2015, la Commission nationale de l’Eau (Conagua), organisme dépendant du ministère de l’Environnement, présente un projet de réforme de la Loi des eaux. Un texte à rebours de l’objectif affiché par le gouvernement qui « viole le droit humain à l’eau », dénoncent chercheurs et ONG [8]. Il limite le minimum vital d’eau par jour et par habitant à 50 litres – alors que l’Organisation mondiale de la santé l’établit entre 50 et 100 – et promeut la privatisation de cette ressource, soulignent-ils.

En juin 2015, les députés enterrent (provisoirement) cette loi controversée [9], qui appelle à construire davantage de barrages hydroélectriques, à utiliser des eaux nationales « pour l’extraction de tout type de substance et pour n’importe quel processus de transformation », facilitant ainsi l’extraction d’hydrocarbures mais aussi l’activité minière qui occupe déjà près de 13% du territoire. « Le projet de la Conagua est clairement lié à la réforme énergétique car il facilite l’appropriation des ressources en eau pour l’extraction de combustibles et la production d’énergie dans le pays », explique Gerardo Alatorre, professeur et chercheur à l’Université de Veracruz.

 

La gestion de l’eau désastreuse de Veolia et Suez

Selon ce projet de loi, les autorités locales doivent « promouvoir » la participation du secteur privé dans les services publics d’eau et d’assainissement, qui devient une obligation, et non plus une simple possibilité comme dans la loi de 1992. La participation du secteur privé à la gestion de l’eau suscite pourtant beaucoup de critiques. « Depuis la décentralisation de la gestion de l’eau et de l’assainissement dans les années 1980, les gouverneurs des États reçoivent des fonds et en font ce qu’ils veulent, explique María Luisa Torregrosa, docteure en sociologie et coordonnatrice du Réseau de l’eau de l’Académie mexicaine des Sciences. Il y a aussi un manque de professionnalisation du personnel et de continuité dans les projets qui changent en fonction des maires. »

À Aguascalientes, dans le centre du pays, l’eau est gérée depuis 1993 par Proactiva Medio Ambiente CAASA, succursale du groupe français Veolia et de ICA, entreprise mexicaine dirigée par Carlos Slim. Bilan : le réseau de distribution n’a pas été étendu, CAASA ayant renoncé après des difficultés financières à financer la construction d’infrastructures. Les tarifs ont flambé et sont parmi les plus élevés du pays – 22 pesos par m3 par mois, quand la moyenne nationale est de 12,3 – alors que le service n’est pas satisfaisant et que l’eau manque constamment dans certains quartiers de la ville [10].

À Saltillo (Coahuila, nord), le service est opéré par la ville et par l’entreprise Aguas de Barcelona (Agbar), filiale du groupe français Suez environnement. Les tarifs ont triplé tandis que 70% de la population ne peut toujours pas boire l’eau du robinet. Agbar vient pourtant de décrocher un contrat de 30 ans avec la ville de Veracruz, dans le golfe du Mexique, pour gérer son service d’eau et d’assainissement, en tandem avec l’entreprise brésilienne Odebrecht. Nul doute que Veolia et Suez, leaders mondiaux du marché de l’eau, bénéficieront de la réforme proposée par la Conagua, si celle-ci finit par voir le jour.

 

Mettre fin à la privatisation, l’accaparement et la surexploitation de l’eau

Mais la résistance s’organise face à cette privatisation de la gestion et des ressources en eau. Gerardo Alatorre coordonne le collectif national Agua para Todos, Agua para la Vida (« De l’eau pour tous, de l’eau pour la vie »), qui réunit 420 chercheurs et organisations de tout le pays. Le collectif travaille depuis 2012 à une proposition de réforme citoyenne de la Loi des Eaux. Celle-ci a été déposée devant la Chambre des Députés le 12 février 2015, mais le projet de loi du gouvernement l’a vite éclipsée.

Le texte du collectif citoyen « reconnaît l’eau comme un bien commun de la Nation, provenant de la Nature et devant être géré sans fins lucratives ». Opposé à la multiplication des barrages, il propose une gestion des ressources hydriques bassin par bassin, par des instances participatives communautaires et citoyennes. Il prévoit de démonter le système de concessions « qui a mené à la privatisation, l’accaparement et la surexploitation de l’eau ». Et d’interdire « l’usage des eaux nationales pour l’industrie minière toxique et pour le fracking ».

Le projet a récolté près de 60 000 signatures. Plusieurs sénateurs de l’opposition ont promis leur soutien, assure Gerardo Alatorre, qui espère une forte mobilisation populaire si le projet initial du gouvernement était validé. Mais le gouvernement mexicain sait faire passer des réformes controversées en douce. En 2014, la réforme énergétique a été adoptée en pleine Coupe du monde de football. Et les élections de juin dernier ont permis au parti au pouvoir, le Parti Révolutionnaire Institutionnel (PRI), de gonfler ses rangs à la Chambre des députés. Celle-ci est chargée d’adopter un nouveau texte au plus vite. Sera-t-il du même acabit que le précédent ?

Marie-Pia Rieublanc

 

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Photos :
- Une : Peter Barwick @ flickr CC
- L’usine Coca-Cola exploite les eaux de San Cristóbal de Las Casas (Chiapas) depuis 1980. Son activité a suscité le mécontentement de nombreux habitants des communautés voisines, inquiets de voir leurs réserves hydriques se vider au profit de l’entreprise américaine. / © Marie-Pia Rieublanc.
- Un opposant à la fracturation hydraulique devant le Sénat mexicain le 22 juillet 2014. L’Alliance mexicaine contre le fracking venait de remettre ce jour-là aux sénateurs une pétition leur demandant d’adopter une loi interdisant cette technique polluante. / Alianza mexicana contra el fracking (libre de droits)
- Cours d’eau du sud du Chiapas menacé par l’industrie minière. / © Marie-Pia Rieublanc

Notes

[1De 18 035 m3 en 1950, puis 11 500 m3 en 1955 à 4 312 m3 en 2007. Source.

[2Selon l’économiste mexicain Gian Carlo Delgado, dans son ouvrage Apropriación del agua, medioambiente y obesidad : los impactos del negocio de bebidas embotelladas en México (UNAM, CIICH, Colección Alternativas).

[3Déclaration d’impact environnemental du projet minier Los Filos, 2005

[4Réforme de l’article 27 de la Constitution mexicaine, qui a mis fin à la redistribution des terres des grands propriétaires terriens aux paysans par l’État, mise en place après la révolution de 1910 et gênante à l’heure de signer un accord de libre-échange avec les États-Unis et le Canada (l’Alena).

[5Rapport publié en 2007, par le ministère de l’environnement mexicain, qui a depuis 1993 répertorié 7279 incidents chez PEMEX, Petroleos Mexicanos, entreprise paraétatique chargée de l’extraction et la production d’hydrocarbures au Mexique.

[6Article 4 de la Constitution mexicaine.

[7Selon un rapport de l’ONG Food and Water Watch. Cette technique de la fracturation hydraulique consiste à forer la terre jusqu’à plusieurs kilomètres de profondeur pour y injecter un mélange d’eau, de sable et de centaines de produits chimiques afin de libérer le gaz contenu dans la roche.

[8Lettre ouverte d’une trentaine de chercheurs et d’organisations dont Greenpeace. L’Union des scientifiques engagés auprès de la société au Mexique fustige également cette loi qui « promeut la privatisation de l’eau en la considérant principalement comme un bien économique et non culturel et social », « aggravant les inégalités sociales à travers la hausse des tarifs » et « compromettant la disponibilité de l’eau ».

[9Approuvé le 5 mars par deux commissions de la Chambre des députés dans le cadre d’une procédure accélérée qui a scandalisé l’opinion publique et une partie de l’opposition, le texte n’a finalement jamais été examiné en session plénière.

[10Constat réalisé en juin dernier par la Commission citoyenne d’eau potable et d’assainissement d’Aguascalientes. Source.

 

 

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Source : http://www.bastamag.net

 

 

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29 octobre 2015 4 29 /10 /octobre /2015 18:30

 

Source : http://www.huffingtonpost.fr

 

 

Les vrais chiffres du temps de travail en France (pour répondre à Jeb Bush)
Publication: Mis à jour:
 

EMPLOI - La polémique est venue de l'autre côté de l'Atlantique. A l'occasion du troisième débat pour la primaire républicaine, le candidat à la Maison-Blanche Jeb Bush a cité la France en exemple. Mais pas comme d'un modèle à suivre. Pour le frère de l'ex-président des Etats-Unis, les Français sont parmi les moins travailleurs au monde.

Un argument qu'il a utilisé pour moquer l'un de ses rivaux, le sénateur Marco Rubio pointé du doigt pour ses absences répétées au Parlement. "Au Sénat, vous faites une semaine de travail française ? Vous devez être présent trois jours ?" a ironisé Jeb Bush.

Seulement, il semble que le candidat républicain ne soit pas très au fait de la législation française en matière de temps de travail. Certes il existe un débat ici sur l'opportunité de conserver la durée légale à 35 heures par semaine mais personne n'imagine accuser un Français de ne travailler que trois jours par semaine. Ambassadeur de France aux Etats-Unis, Gérard Araud a pris la défense de ses compatriotes en assurant qu'ils travaillaient 0,4 heures de plus que les Allemands.

 

De Jeb Bush ou de Gérard Araud, qui dit vrai? Pour démêler le vrai du faux sur le temps de travail des Français voici quelques graphiques réalisées à partir de données collectées sur des organismes de référence. Ils permettront d'éclaircir la situation.

 

1- Un total annuel qui diminue depuis 2000

 
 

Commençons par une statistique de l'OCDE qui place la France en bas d'un classement international. En 2014, un Français a travaillé 1473 heures, soit le plus faible total depuis 2000. Ce chiffre qui tient compte tout autant de la durée de travail par semaine que du nombre de jours de congés était monté à 1535 heures au début du siècle.

 

heures travaillées en France par an Create line charts

 

2- Un total annuel très faible comparé au monde

 
 

Avec ce chiffre de 1473 heures travaillées par an, la France se place très bas dans le classement international. Selon les données compilées par l'OCDE, seuls les travailleurs allemands (1371), norvégiens (1427), néerlandais (1425) et danois (1436) travaillent moins d'heures que les Français. Sur le podium, figurent le Mexique (2228), le Costa-Rica (2216) et la Corée (2124). A titre de comparaison, les Américains travaillent 1789 heures. Si l'on ramenait ce nombre d'heures à une durée hebdomadaire, on arrive à 28,3 heures en France et 34,4 aux Etats-Unis. C'est la statistique qui se rapproche le plus de ce que Jeb Bush a pu dire.

 

3- Un temps hebdomadaire supérieur à la moyenne européenne sauf que...

 
 

Si l'on s'intéresse maintenant au nombre d'heures travaillées chaque semaine (en mettant de côté les jours de congés), Eurostat indique qu'un Français travaillait 37,2 heures en 2014. C'est exactement la moyenne européenne. C'est par exemple plus qu'au Danemark (33,5 h) qu'en Allemagne (35,3 h) qu'en Italie (36,9 h) mais c'est moins qu'en Grèce (41,9 h) qu'en Espagne (37,9 h) ou qu'en République Tchèque (40,4 h).

Seulement si l'on regarde seulement les salariés à temps plein, la France baisse nettement dans le classement. Avec 40,5 heures travaillées par semaine, c'est mois que la moyenne de l'Union européenne (41,5 h). C'est aussi moins qu'en Allemagne (41,5 h), qu'au Royaume-Uni (42,9 h).

 

Temps de travail hebdo Europe Create column charts

 

4- Dans le privé, 100 heures de plus par an

 
 

Le 9 septembre, la Cour des comptes a publié un gros pavé sur le temps de travail dans la fonction publique en se basant sur une précédente étude réalisée en 2012. Résultat, les agents du secteur public travaillent moins que ceux du privé, à raison d'une centaine d'heure chaque année. Mais la Cour souligne que c'est "davantage en raison d’un nombre plus important de jours de congés que d’une durée hebdomadaire significativement plus faible". En effet, les agents du secteur public bénéficient de 38 jours de congés par an en moyenne, contre 31 pour le secteur privé.

heures travaillées public-privé Create bar charts

 

5- Un nombre d'années travaillées (presque) dans la moyenne

 
 

Et combien d'années un Français travaille-t-il dans sa vie? Selon Eurostat, en 2013, la moyenne s'élevait à 34,7 années. Un chiffre en constante augmentation depuis 2004 (32,7 ans) mais qui reste inférieur à la moyenne européenne qui atteint 35,2 ans. En tête, on retrouve la Suède (40,9 ans), les Pays-Bas (39,8 ans) et le Danemark (39 ans). En bas de classement, se trouvent l'Italie (30,3 ans), la Hongrie (30,8 ans) et la Croatie (31,1 ans). Au Royaume-Uni, la durée atteint 38,4 ans et en Allemagne, elle se situe à 37,9 ans.

Nombre d'années au travail Create column charts

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29 octobre 2015 4 29 /10 /octobre /2015 18:22

 

Source : http://www.mediapart.fr

 

 

En plein scandale Volkswagen, les Européens cajolent l’industrie automobile

|  Par Ludovic Lamant

 

 

Un comité technique, dont la composition n’est pas publique, a relâché mercredi à Bruxelles certaines contraintes sur les futurs tests antipollution des voitures diesels. Des capitales, Berlin en tête, ont fait pression. À gauche, des eurodéputés dénoncent l’emprise des lobbies.

 

De notre envoyé spécial à Bruxelles.- C’est un accord « technique », dans le jargon bruxellois, aux allures de provocation pour de nombreux eurodéputés. À peine cinq semaines après les révélations sur la fraude de Volkswagen, les États membres de l’Union se sont entendus, mercredi, pour alléger certaines des contraintes qui encadreront, jusqu’en 2020, les tests antipollution pour les voitures.

La norme sur l’oxyde d’azote, émis par les véhicules diesels, reste stable : pas plus de 80 milligrammes au kilomètre (conformément à la régulation dite « Euro 6 », négociée en 2007). Sauf que les constructeurs automobiles se sont vu octroyer des marges de tolérance particulièrement généreuses, qui leur permettront de dépasser allègrement le seuil : de 110 % jusqu’en 2019 pour les nouveaux véhicules, puis encore de 50 % à partir de 2020.

La commission européenne de Jean-Claude Juncker, qui chapeaute ce processus de définition de tests antipollution, proposait à l’origine une approche plus restrictive, avec un seuil de tolérance fixé à 60 % dès 2017, selon des informations du Monde. Un laps de temps jugé suffisant, pour que les constructeurs – qui emploient 12 millions de personnes dans l’UE – s’adaptent.

Mais plusieurs États membres, à commencer par l’Allemagne, sont montés au créneau pour adoucir l’approche. La République tchèque a même voté contre le compromis, le jugeant encore trop contraignant pour l’industrie automobile, tandis que les Pays-Bas, eux, se sont abstenus, pour protester contre ce manque d’ambition. La France, elle, a soutenu le texte, comme une large majorité des 28.

 

Un laveur de vitres à l'usine Volkswagen de Séville.Un laveur de vitres à l'usine Volkswagen de Séville. © Marcelo del Pozo / Reuters.
 

Les partisans de ce compromis rappellent qu’en parallèle, une mesure encore plus contraignante – qui a été actée, elle, en mai dernier – sera mise en place : les tests automobiles ne seront plus seulement « sur banc d’essai », c’est-à-dire effectués en laboratoire, mais aussi en conditions réelles. D’après la commission européenne, les émissions d’oxyde d’azote des véhicules diesels sont sous-estimées à hauteur de… 40 % lorsque l’on se contente de tests de banc d’essai. Si bien qu’il y a fort à parier que quasiment aucun véhicule diesel en circulation aujourd’hui ne respecte en fait les critères d’« Euro 6 », sur les fameux 80 milligrammes.

Prise dans son intégralité, la nouvelle procédure, qui sera en vigueur à partir de septembre 2017, revient donc tout de même à durcir les tests. Mais bien moins que prévu. « C’est une décision à contresens, regrette l’eurodéputée socialiste Christine Revault D’Allonnes, jointe par Mediapart. Nous venions juste de voter une résolution au parlement européen, qui cherche à durcir les normes antipollution, et là, au même moment, les États membres remontent les taux de pollution autorisées… ».

L'eurodéputée des Républicains (LR) Françoise Grossetête (membre du PPE, le premier groupe du parlement) y voit plutôt une forme de pragmatisme bienvenue : « Cette flexibilité va de pair avec les nouvelles mesures de test qui ont été adoptées, en conditions réelles. (...) Nous devons être pragmatiques et ambitieux, il est inutile de fixer des objectifs auxquels personne ne pourra se conformer. »

Du côté des écolos, le ton est plus musclé. « On entend des blabla de la part des dirigeants sur le fait qu’il faut sauver la planète, mais en sous-main, les États donnent leur feu vert pour baisser les normes antipollution, s’est agacée l'eurodéputée Michèle Rivasi, au micro de France Inter. On donne un blanc-seing aux constructeurs automobiles, contre la santé des Européens. » EELV avait aussi convoqué une manifestation jeudi en fin d’après-midi devant les murs du ministère de l’écologie.

Si l’eurodéputée écologiste parle d’une décision « en sous-main », c’est que le compromis négocié mercredi a été établi au sein d’une instance opaque, mise sur pied en 2011 à Bruxelles pour définir ces fameux tests automobiles « en conditions réelles ». Il s’agit du Technical committee on motor vehicles (TCMV), constitué de représentants des États membres, et présidé par la commission européenne. Sa composition n’est pas publique, « pour des raisons de protection des données », explique-t-on du côté de l’exécutif bruxellois.

Le TCMV relève d’une pratique bien connue à Bruxelles, la « comitologie », qui consiste, pour la commission européenne, à sous-traiter à des comités d’experts l’élaboration de tout un pan de normes jugées très techniques. Des centaines d'entités de ce genre fonctionnent à Bruxelles, de manière plus ou moins régulière. Le parlement européen ne peut que contrôler a posteriori ces normes. Aux yeux de certaines ONG, c’est une opportunité en or, pour les industries, de renforcer leur lobbying, en intégrant ces arènes de discussion peu connues du grand public.

Dans le détail, le TCMV s’appuie sur les travaux d’un sous-comité, au sein du groupe de travail plus large consacré à l’automobile, constitué d’experts de l’industrie mais aussi des ONG. « Composés d'acteurs extérieurs aux statuts divers, ces groupes ont un pouvoir strictement consultatif, qu'ils exercent dans une phase aussi cruciale que souvent peu publicisée » de la prise de décision à Bruxelles, analysait Cécile Robert, maître de conférences à l'Institut d'études politiques (IEP) de Lyon, dans une enquête consacrée aux « experts bruxellois » publiée par Mediapart en 2011.

Tout le débat, dès lors, est de savoir si la composition de ces collectifs est, au cas par cas, biaisée au profit de l’industrie (on peut lire ici la composition du sous-groupe sur les émissions des véhicules motorisés, dont dépend celui sur les tests automobiles, à titre d'exemple). Certains ne manquent pas de noter l'extrême lenteur des travaux de ces « experts » sur l'automobile, puisqu'il leur a fallu pas moins de quatre ans, une fois la décision politique prise, pour s'entendre sur la méthodologie des nouveaux tests antipollution… De là à penser que ces panels d’experts cherchent surtout à ralentir l’avancée des réformes…

« Les États membres complotent dans le dos des citoyens pour autoriser les dépassements des plafonds autorisés. Ils arrangent soigneusement la législation européenne pour protéger le lobby de l’automobile dans un déni démocratique total et intolérable », s'indigne l’eurodéputée écolo Karima Delli. « Le fait que des représentants de l’industrie siègent au sein du TCMV (…) pose un sérieux problème de transparence dans la prise de décision, et surtout, représente un déni de démocratie flagrant », juge, de son côté, la délégation socialiste française à Strasbourg.

Selon les traités, le parlement européen, et le conseil (qui représente les 28 capitales), ont désormais trois mois pour contester s'ils le souhaitent la décision prise par le TCMV. S’ils y parviennent (il faudrait par exemple une majorité en session plénière à Strasbourg), la décision sera annulée. Mais l’affaire est loin d’être gagnée. Une majorité d’eurodéputés ont refusé, en début de semaine, de mettre sur pied une commission d’enquête sur le scandale Volkswagen.

 

 

 

 

Source : http://www.mediapart.fr

 

 

 

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28 octobre 2015 3 28 /10 /octobre /2015 15:58

 

Source : http://www.huffingtonpost.fr

 

 

L'Europe a voté la suppression des frais de "roaming" mobile (voilà ce que vous économiserez)
Publication: Mis à jour:
 
 
ROAMING EUROPE

 

TELEPHONIE - Les frais d'itinérance, ou "roaming", facturés aux utilisateurs de téléphones mobiles quand ils voyagent dans l'Union européenne seront interdits à partir du 15 juin 2017. C'est le résultat d'une nouvelle législation adoptée le 27 octobre par le Parlement européen.

De quoi parle-t-on exactement? Il s'agit de tous les frais supplémentaires facturés pour les appels, l'envoi de SMS ou l'utilisation de l'internet mobile à l'étranger au sein de l'UE, sur téléphones ou tablettes.

Le texte interdit par ailleurs aux fournisseurs d'accès internet de bloquer ou de ralentir les flux en fonction de l'expéditeur ou du destinataire, afin de garantir la "neutralité du net" - avec quelques exceptions.

En attendant leur interdiction totale, il est déjà prévu que ces frais ne pourront pas dépasser certains montants à partir du 30 avril 2016 (5 centimes d'euros par minute pour les appels vocaux, 2 centimes pour les SMS, 5 centimes par mégaoctet pour l'usage de l'internet mobile).

Un plafond pour les appels vocaux entrants doit être déterminé d'ici la fin de l'année et devrait être beaucoup moins élevé que celui pour les appels sortants.

"Les Européens vont payer le même prix pour utiliser leur appareil mobile quand ils voyagent dans l'UE que chez eux", s'est félicité le commissaire européen Andrus Ansip, saluant "un premier pas vers un marché unique des télécommunications", à l'issue du vote des eurodéputés.

Le vote du 27 octobre entérine un accord intervenu le 30 juin entre les institutions européennes (Commission, Parlement et Conseil représentant les Etats) sur cette mesure emblématique du "paquet télécom" défendu par la précédente Commission.

Cette dernière avait proposé la fin du "roaming" dès décembre 2015, mais les Etats membres de l'UE ont freiné le processus, demandant que la question soit réexaminée en 2018, avant de consentir un horizon moins lointain.

 

 

Source : http://www.huffingtonpost.fr

 

 

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28 octobre 2015 3 28 /10 /octobre /2015 14:37

 

 

Source : http://www.monde-diplomatique.fr/carnet

 

 
La CFDT et le Medef font reculer l’âge de la retraite

 

 

L’accord de principe sur les retraites complémentaires Agirc et Arrco, signé le 16 octobre dernier entre le patronat (Mouvement des entreprises de France, Confédération générale des petites et moyennes entreprises et Union des professions artisanales) et trois syndicats (Confédération française démocratique du travail, Confédération française de l’encadrement - Confédération générale des cadres et Confédération française des travailleurs chrétiens), se traduit par un recul de l’âge de la retraite et une baisse des pensions. Pas étonnant que le président du Medef, M. Pierre Gattaz, pourtant avare de compliments en général, salue le courage de ces représentants des salariés : « Je voudrais d’ailleurs [leur] rendre hommage. Ils ont joué un rôle très important et ont été responsables (1). »

par Christiane Marty, 27 octobre 2015
 
 
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Manifestation contre une réforme des retraites en 2009
Flickr

Officiellement, l’objectif de l’accord est de rétablir l’équilibre financier de ces caisses de retraites complémentaires Agirc et Arrco, dont les comptes sont devenus déficitaires après la crise de 2008 du fait de la dégradation de l’emploi et de la stagnation des salaires. En 2014, le déficit est de 3,1 milliards d’euros. Mais ces caisses ont des réserves, respectivement 14,1 et 61,8 milliards d’euros (résultats 2014) et leur fonction est précisément de faire face à une conjoncture défavorable. La dramatisation des difficultés pour assurer le financement futur des retraites est un classique pour mieux faire accepter des réformes régressives. Les négociations entre patronat et syndicats de salariés, qui se sont succédé depuis une vingtaine d’années, ont organisé une baisse continuelle du niveau relatif des pensions complémentaires servies. Ainsi en 19 ans, de 1990 à 2009, le taux de remplacement des pensions complémentaires a baissé de plus de 30 % dans chacun des régimes, une baisse encore plus sévère que dans le régime de base ! La constante de la part du Mouvement des entreprises de France (Medef) est son refus de voir sa cotisation augmenter et sa volonté de reculer l’âge de départ. Derrière ces reculs permanents se cache la volonté de favoriser le déplacement des cotisations vers l’épargne et les assurances privées. La négociation actuelle poursuit et aggrave la tendance des accords précédents.

Les efforts sont loin d’être partagés !

Les mesures prévues dans l’accord devraient dégager une économie annuelle de 6 milliards d’euros en 2020… qui pèsent quasi exclusivement sur les salarié-es et retraité-es. Le patronat a bien fini par accepter une (légère) hausse de sa cotisation, sa contribution est ainsi estimée entre 500 et 700 millions d’euros… soit autour de 10 % seulement du montant total de l’économie. De plus, le Medef s’est vanté d’avoir obtenu la garantie que l’Etat compensera une partie significative de cette contribution par une baisse des cotisations accident du travail et maladies professionnelles ! L’accord est un marché de dupes. Voici les six mesures :

 

1. La sous-indexation des pensions. Cette principale mesure d’économie devrait rapporter 1,3 milliard d’euros en 2017 et 2,6 milliards en 2030. La revalorisation des pensions sera inférieure d’un point au taux de l’inflation jusqu’en 2018 inclus, sans toutefois pouvoir être négative. Cette mesure reconduit donc pour trois ans supplémentaires la sous-indexation — dite temporaire — en vigueur en 2014 et 2015 et instaurée par le précédent accord signé en mars 2013. Cela contribue déjà à la perte régulière de pouvoir d’achat des retraités actuels.

 

2. Le report de la date de revalorisation des pensions. Celle-ci est décalée de sept mois, du 1er avril au 1er novembre.

Ces deux mesures cumulées — sous-indexation et report de la date — représentent une économie pour les caisses de 4,1 milliards en 2030, et donc un manque à gagner équivalent pour les retraité-es…

 

3. La baisse du rendement des cotisations. En 2016, le prix d’achat du point sera à nouveau relevé, l’objectif étant d’en abaisser encore le rendement. Les salariés constituent des droits à la retraite complémentaire sous forme de points accumulés tout au long de leur carrière et au moment de la retraite ces points sont transformés en pension, en fonction de la valeur du point à ce moment (voir l’encadré « Pour en savoir plus »).

En 1993, le rendement brut pour l’Agirc était de 10,21 % ; il est tombé à 6,56 % actuellement ; et celui de l’Arco est passé de 8,87 % à 6,56 %. L’accord prévoit une nouvelle baisse à 6 % pour les deux à l’échéance 2018. Le gain attendu pour les caisses est de 1,1 milliard en 2030. Ce qui représente encore une réduction des pensions des futurs retraités.

 

4. Une augmentation du taux d’appel des cotisations est décidée, à partir de 2019. Ce qui rapportera 1,2 milliard en 2030.

 

5. Une augmentation des cotisations des cadres, avec une répartition différente selon les tranches de salaire, accompagnée d’une modification du partage de la cotisation avec l’employeur. Il entérine la fusion future des régimes Agirc et Arco, moyennant une négociation future pour (re)définir un statut de l’encadrement.

Il est à noter que depuis 1996, le système de compensation existant entre les deux caisses prend la forme d’un transfert financier récurrent et croissant de l’Arrco vers l’Agirc. En 2014, ce transfert s’est chiffré à 1,2 milliard d’euros. Le principe de solidarité entre caisses est juste et nécessaire. Simplement, la compensation qui en découle ici fait contribuer de manière répétée les non-cadres — statut d’ouvriers et employés — pour financer le régime des cadres, voire des hauts cadres. Elle s’avère être un dispositif antiredistributif.

 

6. Un système d’abattement et de bonus : c’est la mesure la plus significative, même si ce n’est pas celle qui rapporte le plus. Elle aboutit à repousser d’un an l’âge où une personne peut toucher sa pension (base et complémentaire) sans aucun abattement.

Comment s’appliquera-t-elle ? À partir de 2019, une personne qui a atteint l’âge légal de départ à la retraite (62 ans) et toutes les annuités exigées pour bénéficier du taux plein se verra appliquer un abattement de 10 % sur sa pension complémentaire, et ceci pendant trois années (deux années fermes, l’application la troisième année sera éventuellement rediscutée en 2021). Pour éviter cette perte, la personne devra rester en emploi un an de plus, jusqu’à 63 ans donc. Plus généralement, à partir de 62 ans, toute personne qui arrive au moment où elle obtient toutes les annuités exigées pour le taux plein devra travailler un an de plus pour ne pas subir d’abattement sur sa pension complémentaire — lequel ne s’applique plus à partir de 67 ans.

Le principe de cette mesure est donc à la fois de reculer d’un an, de 62 à 63 ans, l’âge d’ouverture du droit à la retraite à taux plein, mais aussi d’allonger d’un an la durée de cotisation ouvrant le droit au taux plein pour la pension complémentaire !

Certes, il est prévu un abattement réduit (5 %), voire nul, pour les retraités dont la pension est assez faible pour être éligible au taux de contribution sociale généralisée (CSG) réduit ou nul. La Confédération française démocratique du travail (CFDT) se félicite de cette clause qui, dit-elle, « exonère de cette contribution un tiers des futurs retraités, les plus modestes » (l’abattement est en effet nommé « contribution de solidarité » par les partisans de l’accord). La CFDT assure aussi que « tous les salariés partant à la retraite avec moins de 1 100 euros ne seront pas concernés par l’effort de solidarité (2». Il semble que pour justifier l’accord, ce syndicat s’appuie sur des données infondées. Il affirme qu’un tiers des futurs retraités seront exonérés d’abattement. Difficile de trouver la source de ce chiffre (3), que le syndicat ne donne pas.

En 2012, 31 % des personnes retraitées étaient exonérées de CSG (4). Mais ce pourcentage concerne l’ensemble des personnes à la retraite et non le flux des nouveaux retraités, c’est-à-dire les « liquidants » de l’année. En 2004, cette même proportion était de 38 %, soit 7 points de plus. Elle décroit régulièrement au fil du temps. Chaque année en effet, il y a un renouvellement avec de nouvelles générations qui arrivent à la retraite et qui remplacent de plus anciennes ayant de plus faibles pensions (5) (effet dit de noria). En tout état de cause donc, si la part des retraités exonérés de CSG est de 31 % pour l’ensemble des retraités actuels, on voit mal comme cette part pourrait être de 33 % pour les futurs retraités chaque année. À moins d’anticiper de nouvelles réformes régressives…

De plus, il faut remarquer que les conditions d’attribution des taux réduit et nul de CSG sur les pensions viennent d’être modifiées en 2015. Aucune statistique n’est donc encore disponible sur la part des retraités exonérés de CSG (ou à taux réduit) avec la nouvelle règle, ni sur ces données pour le flux des nouveaux retraités de 2015. Ce qui rend hasardeuse toute projection…

Selon les nouveaux critères, liés au revenu fiscal de référence, une personne seule bénéficierait d’un taux nul de CSG — et serait donc exonérée de l’abattement — à condition d’avoir une pension inférieure ou égale à 985 euros. On est loin des affirmations de la CFDT. Une personne dont la pension est de 1 100 euros ne sera donc pas exonérée d’abattement, mais elle sera soumise à l’abattement de 5 %.

Pour un couple, le revenu global ne devrait pas dépasser 1 510 euros (par mois) pour être exonéré, ou 1 974 euros pour voir l’abattement réduit à 5 %. Mais l’application d’un critère basé sur le revenu fiscal de référence pour décider ou non de la réduction pose un problème récurrent. Le revenu fiscal de référence qui sert est en effet le même pour les deux conjoints quel que soit le niveau respectif de leur revenu. Or dans la grande majorité des couples, la femme touche un salaire ou une pension inférieure à celle du conjoint. Ainsi, même si sa pension est éligible à un taux nul de CSG, et donc à un abattement nul, elle risque fort de se voir tout de même concernée par l’abattement. Par exemple, si une femme a une pension de 750 euros — ce qui devrait l’exclure de tout abattement potentiel — et si son conjoint a une pension de 1 250 euros, la femme sera concernée par l’abattement de 10 % sur sa pension personnelle. Il semble que ce problème n’ait pas été pris en compte. Au détriment de nombreuses femmes…

Un bonus est aussi instauré. Les personnes qui prolongeront leur activité pendant un, deux ou trois ans après avoir atteint les conditions requises — à la fois l’âge de 62 ans et la durée de cotisation — pour bénéficier du taux plein profiteront d’un bonus respectif de 10 %, 20 % ou 30 %… Toutefois, ce bonus sera appliqué pendant un an et non trois comme l’abattement.

Les chômeurs et les femmes plus pénalisés

Ce système de malus et bonus permettra, selon le patronat, d’agir sur le comportement des salariés à qui il reviendrait ainsi de décider de poursuivre ou de cesser leur activité, selon le niveau de pension souhaité. La fameuse retraite à la carte ! On mesure la tromperie de cet argument lorsqu’on sait que 56 % des personnes ne sont plus en emploi au moment où elles liquident leur retraite. Que signifie alors cette incitation à travailler plus longtemps ? Pour l’instant, dès que les chômeurs atteignent la durée de cotisation exigée (les périodes de chômage indemnisé valident une durée de cotisation), ils sont mis d’office à la retraite selon le règlement actuel de l’assurance chômage. Subiront-ils alors l’abattement ?

Comme dans les réformes du régime de base, l’augmentation de la durée de cotisation et le report de l’âge d’ouverture des droits pénalisent davantage les femmes car elles ont toujours aujourd’hui des carrières plus courtes. Leur pension moyenne en 2014 ne représente que 60,5 % de celle des hommes, pourcentage qui tombe même à 40,2 % pour la pension servie par l’Agirc. Elles liquident leur retraite plus tard que les hommes (8 mois plus tard en moyenne à l’Arrco, à 62,5 ans). En outre, même si une femme a une pension très faible, elle ne sera pas pour autant exonérée de l’abattement, car le critère retenu renvoie en réalité au revenu du couple, comme on l’a vu plus haut.

L’accord prévu va donc à l’encontre de l’objectif d’égalité entre les femmes et les hommes, quoiqu’en disent ses partisans. Rappelons qu’une étude de la Confédération générale du travail (CGT) a montré que si l’égalité salariale entre les femmes et les hommes était réalisée, une grande part du déficit des caisses de retraite serait comblée.

Régimes complémentaires,
champions de la régression ?

Le système d’abattement et de bonus devrait rapporter 800 millions à l’horizon 2030, soit relativement peu par rapport aux 6 milliards prévus. L’affrontement rude qui a eu lieu entre les syndicats et le patronat sur cette question témoigne du caractère idéologique de la mesure. Le Medef peut être satisfait, les régimes complémentaires vont constituer un point d’appui pour repasser à l’offensive sur l’âge légal de départ à la retraite. Ces régimes deviennent même à la pointe de la régression sur les retraites, puisque l’accord recule de fait à 63 ans l’âge d’ouverture des droits à la retraite à taux plein (sans passer par la loi !) et qu’il augmente d’un an la durée de cotisation, au-delà de l’augmentation instaurée par les réformes passées sur la retraite de base !

Contrairement au régime général, il n’y a pas dans les régimes complémentaires de taux de remplacement (montant de la pension reçue par rapport au dernier salaire) fixé à l’avance et les salariés n’ont aucune visibilité sur ce qu’ils toucheront. L’ajustement de l’équilibre financier des caisses se fait de manière négociée entre « partenaires sociaux », en réglant divers paramètres (taux d’appel, le rendement du point, etc.) auxquels vont désormais s’ajouter le niveau d’abattement (5 %, 10 %) et la durée pendant laquelle il sera appliqué. Tout cela est complexe, reste obscur pour la plupart des personnes et n’occupe pas en général le devant de la scène médiatique. Pourtant les enjeux sont importants.

Il faut rappeler que des solutions justes existent pour financer nos retraites. Il est possible d’augmenter les cotisations : la baisse programmée des pensions vise non pas à limiter le niveau de cotisations salariales, mais à les déplacer du système public de retraite vers la finance privée. Bien sûr les solutions passent par la réduction du chômage, l’amélioration de l’emploi, l’égalité salariale entre les femmes et les hommes, et l’organisation d’un autre partage des richesses.

 

Pour en savoir plus 
sur les régimes complémentaires de retraite par points

Les régimes de retraite complémentaires sont des systèmes par répartition qui fonctionnent par points. Comme les régimes par annuités (régime de base), ils sont basés sur la répartition, c’est-à-dire que les cotisations payées par les salarié-es et leurs employeurs sont redistribuées immédiatement aux retraité-es sous la forme des pensions.

Les salarié-es se constituent des droits à la retraite complémentaire sous forme de points tout au long de leur carrière, en versant des cotisations. Celles-ci sont transformées en points de retraite sur la base du prix d’achat du point. Au moment de prendre la retraite, le nombre total de points obtenus est multiplié par la valeur du point, dite aussi valeur de service, (différente du prix d’achat) et donne ainsi le montant annuel de la retraite complémentaire.

La valeur du point au moment de la liquidation, comme le prix d’achat du point évoluent chaque année en fonction de critères décidés par les négociations entre le patronat et les syndicats (indexation sur le salaire moyen, ou sur les prix, indexation sur le salaire moyen diminué d’un point, ou de 1,5 point, etc.). Concrètement, le rapport de forces étant défavorable aux salarié-es, l’ajustement de ces paramètres aboutit régulièrement à ce que les points coûtent plus cher à l’achat et rapportent de moins en moins au moment de la retraite. Le rendement du point, qui exprime le rapport entre la valeur de service du point et son prix d’achat, est ainsi continuellement décroissant.

Le réglage de l’équilibre financier fait aussi intervenir un paramètre, le taux d’appel, qui aboutit à majorer le montant de la cotisation prélevée sur le salaire sans donner les points supplémentaires correspondant à cette majoration. Exemple : le taux de cotisation sur la première tranche de salaire à l’Arrco est de 6,2

 

% pour le salarié, et seuls ces 6,2

 

% de cotisation donneront des points. Mais la cotisation réellement prélevée est plus forte car on la majore par le taux d’appel, qui vaut actuellement 125

 

% (et qui passera à 127

 

%). La cotisation versée est donc de (6,2

 

% ⨉ 1,25) = 7,75

 

% du salaire brut.

Dans les régimes par points, un rapport étroit existe entre d’un côté les salaires perçus et donc les cotisations versées, et de l’autre côté le montant de la pension. Un régime de retraite est dit plus ou moins contributif selon que le lien entre cotisations versées et montant de la pension est plus ou moins fort. Les régimes par points sont par construction beaucoup plus contributifs que les régimes par annuités, ce qui signifie que les mécanismes de solidarité (dispositifs familiaux, etc.) y sont bien plus faibles.

Christiane Marty

Chercheuse, coauteure de Retraites, l’alternative cachée et coordinatrice de l’ouvrage Le Féminisme pour changer la société, les deux publiés par Attac - Fondation Copernic, Syllepse, Paris, 2013.

(1) Les Echos, 21 octobre 2015

(2) Tribune de Jean-Louis Malys, secrétaire national de la CFDT, parue sur le site de Marianne le 17 octobre.

(3) La Direction de la recherche, des études, de l’évaluation et des statistiques (Drees) déclare ne pas publier de statistiques sur les nouveaux liquidants et le taux de CSG.

(4) Données de la Drees, Echantillon interrégimes (EIR) 2012 et 2004.

(5) L’effet positif de ce renouvellement par des retraités ayant des pensions supérieures à celle des générations plus anciennes est à ce jour encore supérieur à l’effet négatif des réformes passées qui aboutissent à diminuer les droits à pension des salariés d’aujourd’hui. La pension brute moyenne de droit direct a ainsi augmenté de 1 029 euros en 2004 à 1 306 euros en 2013.

 
 
 
 

 

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28 octobre 2015 3 28 /10 /octobre /2015 14:17

 

Source : http://www.bastamag.net

 

 

Hospitalité...

Épidémies, violences policières et dépressions : ce que la France offre aux réfugiés de Calais

par

 

 

 

De retour d’une mission humanitaire en Bolivie, une jeune psychologue française raconte la « jungle » de Calais. Avant de repartir en mission avec Action contre la faim, Sadia Diloo a accompagné bénévolement, pendant un mois, les réfugiés, malades ou blessés, qui vivent dans ce camp. À son poste de médiateur sociosanitaire pour l’association Médecins du monde, elle a observé et écouté ce que vivent les hommes, femmes et enfants, qui sont parqués dans la « jungle », tels des animaux. Elle raconte leurs épouvantables conditions de survie.

« Ici, règne une atmosphère de guerre. » Telle est la première impression de Sadia à son arrivée dans ce « village » autogéré que les exilés appellent la « jungle ». Elle se revoit, ce matin-là, dans la clinique de Médecins du monde, installée dans le camp. Quelques tentes en guise de salles d’attente et trois chalets comme cabinets de consultation. Comme chaque matin, autour d’un café noir, la jeune psychologue participe au debriefing quotidien. « Hier, un jeune Syrien m’a confié qu’il était mieux sous les bombes », rapporte un médiateur. « Il y a deux jours, ajoute un médecin, j’ai reçu un homme très affaibli à la clinique. Il ne voulait plus boire ni manger pour éviter d’aller aux toilettes. » Sadia comprend vite le malaise et la gêne éprouvée à l’idée de devoir s’agenouiller dans les allées boueuses et irrespirables qui servent de sanitaires pour les 6 000 habitants de ce bidonville.

 

L’eldorado rêvé a viré au cauchemar

Ce jour-là, alors qu’elle parcourt le terrain, Sadia croise Ayman, 22 ans, sur le point de perdre sa hanche. Il a été renversé par une voiture en Syrie, il y a trois ans. Les quelques vis incrustées dans sa chair au fond d’un dispensaire syrien n’ont pas soigné sa blessure, qui s’est infectée. Ayman est bloqué au camp, dans l’attente d’une nouvelle opération. « Je suis fatigué, confie-t-il à Sadia. C’est ça la France ? » Un peu plus loin, du côté du « quartier » kurde, elle aperçoit cette petite fille aux yeux émeraude : « Elle était là, assise par terre, à me regarder tout en mangeant des pâtes crues. » La psychologue se souvient aussi de cet homme agenouillé sous un robinet, se contorsionnant dans différentes positions pour se laver. « Les points d’eau installés au ras du sol coulent en permanence, et certaines tuyauteries ont lâché, formant de véritables mares autour des robinets. »

Un gaspillage d’eau potable que dénonce la bénévole ébranlée par un sentiment d’impuissance qui frôle la honte. Celle de se retrouver confrontée à une telle situation de crise humanitaire dans son propre pays, la France. Pour ces exilés qui fuient la guerre, la torture et la dictature, l’eldorado tant rêvé a viré au cauchemar. « Tous ont cette même désillusion dans les yeux. Une immense déception de l’Europe et de la France, qu’ils voyaient comme un idéal. » Traumatisés, certains songent à rentrer, mais la plupart ont encore l’espoir d’une vie meilleure de l’autre côté de la Manche, comme cet Éthiopien qui se confie à Sadia. Après avoir fui la guerre dans son pays, il a vécu en Égypte, où il a été victime de violences raciales et emprisonné, injustement. « Tout ce que je cherche, c’est la liberté », répète l’homme âgé d’une quarantaine d’années, porteur de l’hépatite B.

 

Cinq enquêtes liées à des violences policières

Il fait partie de ces petits groupes de migrants qui quittent la « jungle » toutes les nuits, à la lueur de la lune. Direction l’Angleterre par le tunnel sous la Manche ou le ferry. « Des collègues me racontaient qu’aux abords des bateaux, les CRS veillent et délogent, à coups de pied et de gaz lacrymogènes, ceux qui réussissent à monter dans les camions de marchandises. » Les réfugiés préfèrent désormais partir en journée, m’explique Sadia, même si, aux dires de ses collègues, ces abus perdurent de nuit comme de jour. L’organisation Médecins du monde a d’ailleurs déposé plusieurs réclamations auprès du Défenseur des droits, Jacques Toubon.

Interpellé par plusieurs associations en janvier dernier, il s’est saisi d’office et a déclenché une enquête après la diffusion, en mai, d’une vidéo dans laquelle des migrants sont violentés par des CRS. Dans son rapport du 6 octobre 2015, il dénonce les atteintes aux droits fondamentaux et les conséquences humaines de la « fermeture étanche de la frontière » franco-britannique. « Il a assuré à l’ONG l’ouverture de cinq enquêtes liées à des violences policières », précise la psychologue. Ce type d’exactions se déroule aussi aux abords du camp. Sadia Diloo n’oubliera pas ce jour où le mot d’ordre était de « ramener tout le monde à l’intérieur ». C’était le 21 septembre. L’opération policière lancée ce jour-là répondait à une décision judiciaire suite aux plaintes du voisinage hostile à la présence d’environ 200 Syriens installés près du port.

Les forces de l’ordre avaient pour mission de démanteler le moindre campement « sauvage », y compris les quelques familles établies autour de la « jungle ». « C’était d’une violence incroyable », les CRS hurlaient les ordres dans un mégaphone dernier cri avec traduction instantanée en arabe. «  Ils ont fini par détruire les baraquements à coup de bulldozer. La scène a viré à l’émeute. Ils se sont mis à tirer des cartouches de lacrymo. Un homme, asthmatique, a été touché. Son cœur s’est arrêté. » « La jungle c’est pour les animaux, on n’est pas des animaux ! », scandent les révoltés délibérément parqués dans le camp. Au lendemain des évènements, la maire de Calais, Natacha Bouchart (Les Républicains), s’est félicitée de cette intervention : « Pour qu’il y ait de l’humanité, il faut aussi de la fermeté », avait-elle déclaré à la presse. « Ils sont surveillés en permanence », s’indigne Sadia. À l’écouter parler des policiers postés aux quatre coins du terrain, ce camp ressemble à une prison où l’humanité n’est pas la priorité des matons.

 

« L’état dépressif est devenu la norme »

L’homme asthmatique est sain et sauf, réanimé par les médecins à la clinique. Chaque jour, Sadia et ses collègues y reçoivent entre 50 et 70 patients. La plupart souffrent de problèmes liés à l’humidité (toux, nez bouché), au manque d’hygiène (infections gastro-intestinales) et aux blessures à la frontière (barbelés plantés dans la peau, fractures aux talons, etc.). «  Sans compter l’épidémie de gale. Les traitements sous forme de spray, fournis par les services du ministère de la Santé, ne permettent pas d’enrayer le phénomène [1]. C’est le camp entier qu’il faudrait désinfecter. » Mais le plus difficile à soigner, c’est le traumatisme psychologique causé par la guerre. « Beaucoup sont insomniaques et font des cauchemars. » Se remémorant des discussions avec des psychologues de Médecins du monde, Sadia Diloo analyse de son côté : « C’est délicat de diagnostiquer un état dépressif ici, car la dépression est presque devenue la norme. Il faudrait repenser cette pathologie dans le contexte de Calais. »

Depuis que Sadia a quitté Calais, une question l’obsède : jusqu’à quand tiendront-ils ? Elle repense alors à l’impact psychologique des toilettes insalubres sur le moral des réfugiés. Elle songe à l’hiver qui approche, à l’humidité et au froid qui persistent au fond des tentes. « J’aimerais lancer un projet de toilettes sèches avec des architectes ou des associations qui pourraient aider à construire des abris en matériaux recyclés. C’est une autre forme de thérapie, concrète, économique et écologique, qui fait sens pour améliorer les conditions de vie et redonner de la dignité à tous ces déracinés. » La psychologue a déjà fédéré deux architectes parisiens autour d’un projet de foyer avec sanitaires, douches, cuisine autogérée, lieu d’échange social et culturel. Reste à trouver les fonds pour lancer les chantiers de construction avant les premières gelées.

Pauline A.Dominguez

Photo : CC Jey OH photographie

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28 octobre 2015 3 28 /10 /octobre /2015 14:07

 

Source : http://www.bastamag.net

 

 

Témoignages Cybermarchés

« Je n’avais plus le droit de parler avec mes collègues, ensuite ils m’ont supprimé ma pause pipi »

par

 

 

 

Faire ses courses en ligne, pour une livraison rapide, c’est bien pratique. Sauf que, dans les rayons des entrepôts, une autre course se déroule, pour préparer au plus vite les produits achetés. Découvrez les coulisses des hypermarchés connectés, grâce aux témoignages étonnants de deux employés de l’enseigne Chronodrive de l’agglomération toulousaine, une chaîne de cybermarchés lancée en 2004 par le groupe Auchan. Rebecca et Julien, 20 ans, étudiants en médecine à Toulouse, en quête d’un revenu pour payer leurs études, y racontent leur marathon permanent au service du client sous la pression des managers.

 

Cet article a initialement été publié dans la Revue Z (voir ci-dessous).

 

Rebecca  : On avait besoin d’un peu d’argent, on ne trouvait pas de boulot ailleurs. Chez Chronodrive, c’était facile. J’ai postulé par Internet. À l’entretien d’embauche, ils nous ont dit qu’il fallait être disponible le samedi, avoir de l’énergie, le sens du relationnel. On te propose un CDI d’office et tu choisis le nombre d’heures que tu veux. J’ai pris dix heures par semaine. Les employés sont tous très jeunes, il y a beaucoup d’étudiants.

Le premier jour, les responsables de secteur étaient sympathiques, c’était très « On forme une grande famille ». Ils se présentent par leur prénom, on se tutoie tous. Ils te rassurent : « On sait que vous n’allez pas être rapide, ne vous inquiétez pas, faites à votre rythme. »

J’ai découvert mon lieu de travail, un grand hangar avec des alignements d’étagères numérotées et des niveaux, numérotés également. Une sorte de supermarché sans clients. Moi, je travaillais au frais, à trois degrés. Ils nous ont donné un bonnet et des gants. Il faisait froid, j’étais un peu surprise. Après je me suis mieux habillée.

 

« La montre-écran au poignet, ça leur permet de t’identifier »

Le matin, tu mets ta montre-écran à ton poignet, une sorte de petit ordinateur. Tu fais ton code. Ça leur permet de t’identifier, c’est comme si tu pointais. Là, la première commande s’affiche, avec le nombre d’articles. Tu ne connais pas la nature des articles que tu vas chercher. Juste un chiffre qui correspond à un emplacement. Tu as un numéro pour le rayon, un autre pour l’étagère, un autre pour le niveau. Tu mets trois ou quatre articles par sac dans une caisse en plastique puis dans un chariot roulant. Ça peut être très lourd.

L’objectif, c’est d’aller le plus vite possible, pour que le client ait ses courses dans son coffre rapidement. Le lendemain, tu as ton classement sur un grand tableau : ton nom, ton prénom et ton score. Les trois premiers classés sont surlignés d’une couleur, les trois derniers d’une autre couleur. C’est un score de productivité, calculé selon le nombre d’articles scannés en une minute et le nombre de commandes par jour.

Au début ils te disent : « Tu fais les commandes comme tu peux. » Ensuite tu comprends qu’il faut courir si tu ne veux pas te faire engueuler. Dès que tu ne cours pas, le chef te voit. Il est à un angle de mur derrière une vitre, dans un bureau, et il crie dans son micro : « Rebecca je te vois, tu cours pas, là. Dépêche-toi ! » Il n’y a pas d’horloge, et j’ai même eu droit à des remarques uniquement parce que je regardais ma montre ! Les ordres t’arrivent par un haut-parleur dans le frigo géant. Tous les autres l’entendent.

 

J’ai commencé à me faire punir.

On ne m’avait pas dit que ce serait aussi physique. Même après plusieurs jours, je suis restée dans les dernières. J’ai commencé à me faire punir. Je n’avais plus le droit de parler avec mes collègues. Et puis ensuite ils m’ont supprimé ma pause pipi. Et pour moi c’est difficile de ne pas aller aux toilettes pendant trois heures ! Ma punition c’était aussi la mise en rayons. Il fallait mettre des cartons remplis de boîtes de conserve sur les étagères. On était quatre à le faire avec un seul escabeau. À la fin je ne faisais que ça. Physiquement c’était très dur. Quand on n’est pas bon, on n’a pas le choix. Mais entre nuls on s’entraide, parfois des collègues me filaient un coup de main.

 

Julien : Au début j’étais à fond. C’est quand même admirable : les marchandises sont tellement bien classées. On m’a dit que le score de productivité minimum, c’était 200. Sans courir, on les faisait pas. « Dépêchez-vous, à Bordeaux ils courent », on nous répétait. L’obsession, c’était de passer devant ce magasin et que notre centre à Basso Cambo devienne troisième de France. Mais une fois que tout le monde eut atteint les 200, ça ne suffisait plus. Là tu commences à avoir la boule au ventre quand tu vas au boulot. Dès que tu as atteint un objectif, on t’en donne un nouveau. Quand tu sais que tu auras toujours un nouvel objectif, c’est démotivant, tu n’as plus envie de l’atteindre. Les chefs de secteur sont aussi en compétition entre eux. Ils nous disaient : « Vous comprenez, si vous ne travaillez pas, c’est moi qui ne vais pas atteindre mes objectifs. »

 

« Le surgelé, c’est pour les rebelles. »

Il y a différentes sonneries. Quand une commande attend depuis plus de trois minutes, ça sonne dans l’entrepôt. Et puis il y a la « cavalerie » : ça paraît ludique mais ça ne l’est pas du tout. C’est quand il y a plus de trois clients à l’accueil dont la commande n’est pas encore prise. Il faut décrocher de son poste pour aller s’occuper d’eux. Mais attention, interdit de courir quand on livre, « ça stresse le client ».
Je travaillais de 5 h 30 à 8 h 30 du matin. Tu as trois minutes de pause par heure.

Moi, j’avais un contrat de douze heures réparti sur quatre ou cinq jours. Je gagnais 350 euros. Mais je faisais tout le temps des heures supplémentaires. T’as pas vraiment le choix. Ils préfèrent les contrats à temps partiel, comme ça ils comptabilisent tes heures supplémentaires en heures « complémentaires ». Elles sont payées en heures normales… Lorsque j’ai refusé, ils sont devenus désagréables : « Sympa pour samedi ! On était vraiment dans la merde. » Tu peux aussi te retrouver au surgelé, à -18 degrés, sans gants. Le surgelé, c’est pour les rebelles. Tu prends les produits à la sortie du camion, tu places les produits tout au fond, les mains dans la glace. Ça fait mal.

Une fois par mois, le magasin est ouvert aux clients. Là, il ne faut plus courir, il faut sourire. Les haut placés viennent travailler avec nous, ils prennent les caddies. Il y a une super ambiance, les chefs sont sympas, ils rigolent.

 

Interdite d’aller aux toilettes

Rebecca : Je travaillais tout le temps avec un mec aux 35 heures, qui était premier du classement. C’était le sbire du chef de secteur. Il allait lui cafter s’il me voyait parler. Une fois, on empilait des caisses vides tous les deux, et il a posé sa pile sur la mienne alors que j’avais encore mes mains dessous. Je n’étais pas assez rapide, il a lancé : « Tu te les reprendras sur les doigts si tu t’améliores pas. » Quand je ne trouvais pas les articles, si je lui demandais il me disait que j’étais nulle, que je n’avais pas à poser de questions. C’est vraiment lui qui m’a décidée à partir.

Le boulot me rendait malade. La veille, je n’arrivais plus à manger ni à m’endormir alors que je me levais à 4 heures. J’ai posé ma démission un jour avant la fin de ma période d’essai. Je disais : « Vous n’avez pas le droit de m’interdire d’aller aux toilettes » ; ils répondaient : « On connaît la loi, si on te le dit c’est qu’on a le droit [1]. »On ne s’organise pas. On ne se syndique pas. On peste sur le chemin avec quelques collègues, on se raconte nos colères. Et ça continue.

 

Les primes de fin d’année supprimées

Julien : Tous les deux mois, nous étions convoqués pour faire le point sur les primes. Un soir, ils nous montrent les chiffres de notre magasin, qui était enfin passé troisième de France, devant Bordeaux. Ils avaient gagné 18 millions d’euros sur l’année, avec + 40 % de chiffre d’affaires. Ils nous expliquent que nous n’aurons pas notre prime car il y a eu deux arrêts maladie et un accident de travail, et ça a coûté trop cher à la boîte. Ils te disent que tu en es aussi responsable : «  C’est à toi de faire attention aux gens quand ils grimpent sur les escabeaux. Il faut leur dire, sinon après ils tombent, ils se font mal et ils prennent un arrêt de travail. » Il y avait aussi des dépenses à cause de badgeuses défectueuses. On y était pour quoi ?

Là je me suis dit : ils ne sont pas honnêtes. Être dur, OK, mais la moindre des choses c’est d’être honnête. Ça m’a décidé à partir. Quand j’ai déposé ma démission, ils m’ont dit : « T’as pas le droit, t’as pas encore passé assez de temps avec nous. » Je savais que j’étais dans mon droit. Le dernier mois, ils m’ont mis tous les matins à 5 heures, ils ne me parlaient plus. Trop de gens démissionnent, alors il y a toujours des annonces sur le site, ils sont en recrutement permanent. Ça m’arrivait de faire mes courses sur Chronodrive. Je ne fais plus mes courses là-bas. C’est une question d’honneur. Il y avait un gars qui travaillait là depuis deux ans. Il disait : « Moi, si je gagne la cagnotte de l’Euro Million, je rachète Chronodrive et je le brûle. »

Propos recueillis par : Naïké Desquesnes (Revue Z)

Photo d’illustration : CC Michael Heiland


Izi Baby, ce boîtier connecté pour faire ses courses...depuis son réfrigérateur

Chronodrive a lancé en mars 2015 la « liste intelligente », aka le nouvel ami du consommateur : « Izy ». Ce boîtier connecté rond et blanc a été conçu par la société californienne Hiku, basée dans la Silicon Valley. Il peut s’aimanter sur le frigo et permet de scanner le code-barres des produits à disposition dans notre cuisine ou de dicter vocalement leurs noms. Grâce à une application téléchargeable, l’appareil transmet par Wi-Fi les informations au « panier en ligne ». Un dernier clic via votre smartphone, et la commande est faite ! Un gadget technologique à 29,90 euros pour gagner encore et toujours plus de temps et permettre ainsi à Chronodrive de rester en tête du marché de la consommation éclair. Dur, dur de rester speed : la concurrence devient de plus en plus rude dans le secteur du drive. 14 des 75 sites de Chronodrive en France ont fermé l’an dernier, et plusieurs projets d’ouverture ont été gelés. La famille Mulliez, actionnaire de référence de Chronodrive et propriétaire du groupe Auchan, réfléchit aux meilleurs moyens de sauver le taux de profit dans le secteur…


La Revue Z est une revue itinérante d’enquête et de critique sociale. Son dernier numéro est notamment consacré aux technopoles. Pour découvrir son sommaire et son édito, rendez-vous ici. La Revue Z a besoin du soutien de ses lecteurs : elle lance un appel.

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27 octobre 2015 2 27 /10 /octobre /2015 21:52

 

Source : http://www.mediapart.fr

 

 

 

Non, le chômage ne baisse pas en France

|  Par Rachida El Azzouzi

 

 

 

Dans la catégorie A, le chômage est en baisse en septembre et, à écouter le gouvernement, c'est le début de l'inversion de la courbe. C'est aussi, selon les mots de Manuel Valls, le résultat des réformes engagées. Mais de quel chômage parle-t-on ?

C’est la bonne nouvelle de la semaine pour le gouvernement empêtré dans les abîmes de l’impopularité. L’éclaircie, l’aubaine, à quelques semaines des élections régionales et d’une probable nouvelle déroute socialiste. « Le chômage est en baisse », entend-on partout sur les ondes depuis la publication, lundi, des statistiques mensuelles de Pôle emploi et la Dares. 23 800 chômeurs de moins en septembre dans la catégorie A, la catégorie de référence (qui n’en demeure pas moins la plus restreinte puisqu’elle ne regroupe que ceux qui sont au chômage et qui font des recherches effectives d’emploi) (le détail des chiffres ici). Mais si l'on y ajoute ceux qui, travaillant un peu, sont malgré tout en “recherche active d'emploi” (catégories A, B et C), le résultat est nul, comme l'établit le tableau ci-dessous.

Regardons de plus près la fameuse catégorie A. Moins 0,7 % de demandeurs d’emploi, c’est la plus forte baisse jamais enregistrée depuis huit ans. Le premier grand ralentissement depuis l’arrivée à l’Élysée de François Hollande, qui conditionne les suites de son avenir présidentiel à « l’inversion de la courbe du chômage », sa promesse. La diminution est particulièrement notable chez les moins de 25 ans, cible de nombreux dispositifs “aidés” (emplois d’avenir, garantie jeunes, contrats de génération, relance de l’apprentissage) : – 2,6 %. Soit la quatrième baisse consécutive enregistrée pour cette classe d’âge (– 2,7 % sur un an).

L’exécutif n’a cependant pas sauté aux lustres du pouvoir devant « les chiffres positifs ». Prudence. En août 2013, après vingt-sept mois de hausse consécutive, il avait applaudi l’annonce de 50 000 chômeurs en moins, « la plus forte baisse jamais enregistrée depuis treize ans dans la catégorie A ». Or, ce n’était pas ses réformes ou le retour de la croissance qui en étaient responsables mais une gigantesque panne informatique de l’opérateur SFR, qui avait empêché des milliers de demandeurs d'emploi d'actualiser leur situation sur le site de Pôle emploi. A posteriori, l’administration avait réévalué la baisse entre 22 000 et 29 000.

Manuel Valls, tout à la préparation de la loi “Macron 2”, une nouvelle dérégulation massive du marché du travail, n’a tout de même pas pu s’empêcher, ce mardi, de s’enorgueillir de cette septième baisse du quinquennat. « C'est le résultat de la conjoncture que tout le monde connaît, c'est le résultat des réformes que nous avons engagées et cela doit nous amener à poursuivre », a réagi le Premier ministre. Il ne perd pas son nord libéral, sa droite, convaincu que la baisse du chômage réside dans le “pacte de responsabilité” – 40 milliards d’euros de baisses de charges qui gonflent les marges, mais pas les effectifs, des entreprises – et dans un code du travail allégé de ses protections salariales pour une meilleure flexibilité et précarisation du marché. « C'est le résultat de (...) choix politiques qui ont été faits, à la fois la politique active et publique pour l'emploi, et en particulier à destination des jeunes, je pense (...) aux emplois d'avenir, à l'ensemble des emplois aidés, et puis c'est aussi le résultat d'une activité économique qui (...) reprend », a appuyé Stéphane Le Foll, le porte-parole du gouvernement.

 

Les chiffres du chômage en avril 2012Les chiffres du chômage en avril 2012
Les chiffres du chômage en septembre 2015Les chiffres du chômage en septembre 2015
 

Quand Myriam El Khomry, elle, s’est montrée plus prudente, marchant sur des œufs sémantiques : « Seule la tendance compte. Et le chômage est orienté à la baisse sur les quatre derniers mois. C'est encourageant. (...) Cette baisse n'appelle pas d'autosatisfaction de ma part. La crédibilité de l'action publique se joue sur la durée. » La nouvelle ministre du travail sait bien que quatre mois de baisse ne tracent pas une “inversion” durable. Aussi effective soit cette baisse inédite, aussi réelle soit la “stagnation” des chiffres officiels depuis quelques mois, la réalité reste toujours aussi sombre en France sur le front de l’emploi. Pour mesurer le drame du chômage de masse, son ascension vertigineuse en quelques années, la montée de la précarité, il faut aller par-delà les courbes de la simple catégorie A, sous les feux sempiternels des médias, où les demandeurs d’emploi s’établissent fin septembre à 3,55 millions (3,81 millions en incluant l’Outre-Mer), soit tout de même une augmentation de 3,1 % sur un an.

Il faut prendre en compte, dans le détail mais aussi dans leur ensemble, les catégories de demandeurs d’emploi, cet abécédaire désincarnant la tragédie du chômage sur les individus (A, B, C, D et E) qui regroupe tous les types de chômeurs, y compris ceux qui ont effectué des missions de très courte durée ou qui, par découragement, ont cessé de faire des recherches. En avril 2012, avant que François Hollande n’emporte la présidentielle, toutes catégories réunies, ils étaient près de cinq millions (4 925 800). En septembre 2015, ils sont plus de six millions (6 111 300), soit en l’espace de trois ans une hausse de plus d’un million (1 185 500). Voilà le bilan social, la France du réel en septembre 2015 : plus de six millions d’hommes et de femmes sur la touche, sans emploi ou vivotant dans la précarité du sous-emploi, du temps partiel subi, de l’intérim. Des cohortes de sans-travail et de travailleurs pauvres.

Et lorsqu’on regarde de près les courbes de chacune des catégories qui les réduisent à une lettre de l’alphabet, en ce mois de septembre, comme les précédents, elles sont toutes à la hausse. La réalité, c’est aussi un chômage de longue et très longue durée (d’un an à plus de trois années sans emploi) qui n’en finit pas de grimper (sur un mois : de 0,9 % à 1,2 % selon les tranches ; sur un an : de 6,4 à 7,8 %). Ce drame décrété « cause nationale » en 2014, « priorité des priorités » de 2015, emporte presque trois millions de personnes… La réalité, c’est aussi un chômage des seniors enkysté qui n’en finit pas de progresser. En septembre, il augmente de 0,1% ; sur un an, de 8,5%. Les plus de 50 ans ne connaissent pas de répit. « Ils sont ma priorité », dit Myriam El Khomry. Les prochains mois le diront…

 

 

 

Source : http://www.mediapart.fr

 

 

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27 octobre 2015 2 27 /10 /octobre /2015 18:11

 

Source : http://www.marianne.net

 

 

 

La France de la tolérance... à la fraude

 
Dans "L'impunité fiscale. Quand l'Etat brade sa souveraineté" Alexis Spire et Katia Weidenfeld nous démontrent que les grands principes font défaut dès lors que la justice doit s'intéresser à la fiscalité, car il y a bien une justice à deux vitesses pour ceux qui sont en délicatesse avec le fisc. Extraits.
 
Monaco, son port et ses avantages fiscaux - Lionel Cironneau/AP/SIPA
 

« Selon que vous serez puissant ou misérable, les jugements de cour vous rendront blanc ou noir » : les Français ont (presque) tous appris dans les vers de La Fontaine que la justice pouvait être inique. Mais que la Révolution avait proclamé l'égalité de tous les hommes en droits. Deux siècles plus tard Alexis Spire et Katia Weidenfeld nous démontrent que les grands principes font défaut dès lors que la justice doit s'intéresser à la fiscalité, car il y a bien une justice à deux vitesses pour ceux qui sont en délicatesse avec le fisc.

Les riches, qu'il s'agisse des entreprises ou des particuliers, bénéficient souvent d'un traitement qu'on n'ose dire « de faveur ». Les petites entreprises et les ménages modestes, eux, coupent moins souvent aux rigueurs de la loi. Dans leur fine enquête, les auteurs de l'Impunité fiscale ont épluché plusieurs centaines de cas soumis aux tribunaux, mais aussi remonté la machine à trier des fauteurs, qui fait en sorte que sur 16 000 fraudeurs délibérés aux impôts recensés chaque année un millier d'entre eux seulement se retrouvent devant le juge.

Il existe bien une « tolérance française » pour la fraude fiscale, dans la société, le personnel politique, l'administration, les prétoires. La répression elle-même est mesurée. La prison est l'exception, l'amende, la règle, et l'oubli, généralisé. Une mansuétude qui ne va pas de soi lorsqu'on sait que ces délinquants font perdre 80 milliards d'euros de recettes publiques chaque année.

L'Impunité fiscale. Quand l'Etat brade sa souveraineté, d'Alexis Spire et Katia Weidenfeld, La Découverte, coll. « L'horizon des possibles », 180 p., 13,50 €.

 

 

EXTRAITS
« Des prévenus triés sur le volet »

Depuis le milieu des années 2000, les gouvernements successifs ont tous affiché leur volonté de lutter contre les paradis fiscaux et de contrôler plus étroitement les grandes entreprises et les contribuables fortunés. Au-delà des résolutions de principe adoptées dans les sommets internationaux, cette préoccupation a donné lieu à de nouvelles formes de coopération entre administrations. Néanmoins, en matière de poursuites pénales, les changements sont limités.

 

Chargée du contrôle des plus grandes entreprises françaises, la Direction des vérifications nationales et internationales (DVNI) n'est à l'origine d'aucun des 570 jugements rendus contre des prévenus de fraude fiscale que nous avons analysés. Pourtant, ce service a notifié en 2009 des redressements à hauteur de 3,5 milliards d'euros d'impôts, répartis sur seulement 1 350 dossiers, soit en moyenne 2,5 millions d'euros par dossier. Comment des manquements d'une telle ampleur n'ont-ils pu donner lieu à aucunes poursuites ?

Les raisons de ce paradoxe sont multiples. L'explication la plus couramment avancée renvoie à la technicité des montages juridiques réalisés par les grands groupes. Ainsi, cet inspecteur, passé d'une direction nationale chargée des plus grandes entreprises à un service départemental, compare deux façons bien différentes de contourner l'impôt : « C'est beaucoup mieux fait, beaucoup mieux protégé par des fiscalistes et aussi beaucoup plus sophistiqué [dans le cas des grandes entreprises]... donc ça donne moins lieu à des poursuites. »

D'un côté, les manquements des petites entreprises apparaissent sans ambiguïté comme des fraudes flagrantes ; de l'autre, les grands groupes développent, avec l'aide de professionnels du droit et de la comptabilité, des structures leur permettant de brouiller la frontière entre le légal et l'illégal, ou de diluer les responsabilités.

Tout comme dans le domaine du droit du travail, les vérificateurs utilisent, pour les décrire, le terme d'« ingénierie » plutôt que celui de « fraude ». Ce champ lexical traduit à la fois l'existence de montages plus complexes et la capacité des spécialistes de la fiscalité à euphémiser leurs pratiques de contournement de l'impôt en les présentant comme de simples optimisations. Dès lors, le caractère intentionnel de la fraude est beaucoup plus difficile à prouver. [...]

La frontière entre l'erreur et la fraude est présentée ici comme poreuse, surtout lorsqu'elle est travaillée par des professionnels du droit qui parviennent à faire passer leurs stratégies de contournement de l'impôt pour des divergences d'interprétation de la loi. [...] La pluralité des intervenants - président-directeur général, directeur financier, directeur juridique, etc. - dilue également l'intentionnalité de la fraude. Même si, d'un strict point de vue juridique, des poursuites pour fraude fiscale pourraient être engagées contre la personne morale, cette voie n'est presque jamais utilisée : sur les 570 jugements que nous avons étudiés, seuls deux visaient des personnes morales. Les entreprises, et notamment les plus grandes, sont considérées, en raison des emplois qu'elles créent ou des produits de consommation qu'elles distribuent, comme ayant une action sociale positive ; il y a là un frein à l'engagement de poursuites pénales qui pourraient menacer leur survie.

A l'inverse, cette représentation explique que des actions pénales soient plus facilement engagées contre des sociétés étrangères, particulièrement dans un secteur qui subit un fort discrédit comme l'activité bancaire. Plus fondamentalement, les rapports qui se nouent entre les vérificateurs et les représentants de grandes entreprises se situent d'emblée sur le mode de la négociation et se prêtent donc assez peu à une confrontation qui pourrait déboucher sur des poursuites. Les échanges sont plus «feutrés» et moins conflictuels que ceux que connaissent les petites entreprises contrôlées par les services départementaux.

[...] Les disparités entre les objectifs chiffrés qu'ils fixent aux services en sont autant d'illustrations. Tandis que les brigades de vérification départementale et régionale doivent présenter 30 % de redressements à dimension répressive (c'est-à-dire comportant des pénalités sanctionnant des fraudes et non de simples erreurs), les inspecteurs chargés des très grandes entreprises et de leurs filiales n'y sont pas astreints.

L'autre obstacle de taille pour engager des poursuites pénales à l'encontre des plus grands groupes économiques tient à leur dimension transnationale. [...] La dimension transnationale des très grandes entreprises les place dans une position singulière vis-à-vis du droit : leur implantation dans plusieurs pays leur permet de relativiser chaque règle nationale en faisant jouer la concurrence entre Etats. Il en découle une série de litiges qui n'engagent pas seulement un contribuable face à une administration, mais plutôt une société multinationale en position de négocier avec plusieurs Etats aux intérêts divergents. [...]

Les plus grandes entreprises ne sont pas les seules à échapper massivement à toute poursuite pénale. Il en va de même pour les contribuables les plus riches. Les déclarations de ceux dont les revenus annuels dépassent 770 000 € ou dont le patrimoine est supérieur à 6,9 millions, soit environ 150 000 foyers, sont contrôlées par la Direction nationale de vérification des situations fiscales (DNVSF). En 2010, ce service a notifié des redressements sur 900 dossiers, à hauteur de 255 millions d'euros en droits et 66 millions d'euros en pénalités, mais n'a déposé que 17 plaintes. Autrement dit, les contrôles sur les plus fortunés induisent des rappels moyens de plus de 280 000 €, mais leur probabilité d'être orientés vers une procédure pénale est plus faible que pour les autres contribuables contrôlés. Là encore, un tel paradoxe mérite qu'on s'y arrête.

Pour expliquer la faible pénalisation des contribuables les plus aisés, les vérificateurs qui sont chargés du suivi de ces dossiers soulignent une tendance à la conciliation ancrée de longue date :

« S'il n'y a pas de dossier pénal à la DNVSF, c'est sans doute parce qu'on y traite des fraudes fiscales les plus sophistiquées. Et puis, on a un objectif budgétaire, donc on a tendance à favoriser des transactions avec un paiement immédiat. Pour un de mes dossiers, mon supérieur hiérarchique a reçu l'avocat et lui a dit : "Soit vous transigez, soit on va au pénal." Quand on fait ce genre de chantage, on est sûr d'obtenir une transaction... Faire des transactions permet à la fois de réduire le stock du contentieux, mais aussi d'améliorer le recouvrement. » [Entretien avec un inspecteur de la DNVSF en poste depuis 2001.]

[...] La pratique de la transaction varie selon le type de secteur et la catégorie de contribuable concernée : « Entre l'Ouest et l'Est [parisien], il y a des différences. L'Ouest parisien travaille avec le haut de portefeuille, et les inspecteurs ont un peu tendance à délaisser le répressif... Ils privilégient la transaction ! Dans l'Est en revanche, ils ont la Seine-Saint-Denis et on leur demande beaucoup plus de procédures pénales. » [Entretien avec un inspecteur chargé des procédures pénales en région parisienne.]

L'opposition entre Est et Ouest parisien constitue ici une illustration éloquente d'une gestion des illégalismes qui varie selon la position sociale des populations concernées. Cette variation ne résulte pas du pouvoir d'appréciation de tel ou tel inspecteur : elle s'inscrit dans des routines administratives propres à chaque service. Dans les secteurs les plus prospères comme l'Ouest parisien, l'importance des redressements et l'enjeu budgétaire qu'ils représentent conduisent à privilégier le recouvrement, quitte à consentir une transaction. En revanche, dans des secteurs plus défavorisés où la fraude fiscale émane davantage de délinquants placés à la tête de petites entreprises et moins coopératifs, l'objectif d'exemplarité l'emporte et se traduit par davantage de poursuites pénales.

L'impunité fiscale des plus puissants ne se mesure pas seulement au faible nombre de plaintes émanant des services chargés de contrôler leurs dossiers. Elle se déduit également de l'absence quasi totale des impôts sur le patrimoine dans les affaires soumises au juge pénal. Dans notre base statistique constituée de 570 affaires, on ne trouve que trois types d'impôts : la taxe sur la valeur ajoutée dans 85 % des affaires, l'impôt sur les sociétés (41,8 %) et l'impôt sur le revenu (27,4 %). En 2013, seules sept plaintes de l'administration fiscale pour fraude fiscale ont concerné d'autres impôts. Ainsi la fraude patrimoniale, c'est-à-dire celle concernant l'évaluation, la cession ou la transmission des patrimoines, échappe pratiquement à toute forme de pénalisation.

Depuis quelques années, cette impunité des fraudes patrimoniales est sous le feu des critiques et, pour y répondre, Bercy affiche désormais sa volonté de les faire entrer dans le domaine pénal. Mais un tel objectif se heurte à plusieurs obstacles. Tout d'abord, les patrimoines des classes dominantes dépassent largement le strict cadre national et la preuve tangible d'une intention d'éluder l'impôt est, dans ce cas, toujours plus difficile à établir.

Si les poursuites visant des détenteurs de patrimoine restent rares, c'est aussi en raison du type de rapport social que l'administration entretient avec ces contribuables. Tout se passe comme si les contestations récurrentes de la légitimité des impôts sur le patrimoine incitaient les agents spécialisés dans ce domaine à se montrer plus discrets et moins intrusifs. « Quand ce sont des gens qui nous ressemblent, qui paient, qui semblent être de bonne foi, on n'est pas très enclins à les poursuivre en correctionnelle. C'est particulièrement vrai pour les services du patrimonial où ils ont l'habitude de considérer qu'à partir du moment où le contribuable paie l'affaire est réglée. » [Entretien avec un inspecteur chargé des procédures pénales en région parisienne.]

Les pinçons s'évadent

Où et comment planquer son magot ? Tous les exilés fiscaux se sont un jour posés la question. Michel Pinçon et Monique Pinçon-Charlot aussi. Mais pas avec le même but : ces deux sociologues, anciens directeurs de recherche au CNRS, qui décortiquent depuis vingt-cinq ans les us et coutumes des grandes fortunes, ont voulu jouer les « victimes » du fisc en quête de secret bancaire. Pour voir. Et témoigner. 

 

​En 1994, le duo n'avait eu aucune difficulté à se faire dérouler le tapis rouge dans une banque de Lausanne. Vingt ans plus tard, ils ont renouvelé l'expérience. Sans succès cette fois. « Les banques suisses n'en sont plus à l'accueil complice et amusé du tout-venant. L'heure est à la précaution. Celle-ci est de rigueur quand il s'agit de défendre les intérêts collectifs d'une classe sociale dominante et mondialisée à laquelle appartiennent à la fois les banquiers et leur clientèle », constatent les Pinçon, dans Tentative d'évasion (fiscale)*, leur dernier opus. Un voyage instructif et facile à lire au paradis des comptes. « Qui ne sont pas des contes pour enfants, mais n'en enchantent pas moins leurs détenteurs. »

Arnaud Bouillin

 

* Editions Zones, 254 p., 17 €.

 

 

Source : http://www.marianne.net

 

 

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      devant la maison carrée

 

       A partir du 16 Juillet 2014

            et pendant l'été

                     RV

       chaque mercredi à 18h

                et samedi à 13h

    sur le terrain de Caveirac

                Rejoignez-nous  

et venez partager ce lieu avec nous !



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