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4 décembre 2015 5 04 /12 /décembre /2015 18:39

 

Source : https://www.mediapart.fr

 

 

Tefal: la justice condamne l’inspectrice du travail et le lanceur d’alerte
4 décembre 2015 | Par Rachida El Azzouzi
 
 
 

L’inspectrice du travail et le lanceur d’alerte qui dénonçaient les abus et pressions de la société d’électroménager sont condamnés à 3 500 euros d’amende avec sursis.

3 500 euros, c’est l’amende à laquelle un employeur est condamné s’il entrave un inspecteur du travail dans ses missions. Pas à Annecy, en Haute-Savoie, où la justice marche à l’envers. Ce vendredi 4 décembre, le jugement est tombé dans l’affaire Tefal qui fait couler de l’encre depuis trois ans (sur Mediapart ici, ou encore ). Laura Pfeiffer, l’inspectrice du travail, traînée en justice pour avoir dénoncé les entraves à sa fonction de la part de la société d’électroménager Tefal, est condamnée. Elle écope de 3 500 euros d’amende avec sursis, pour « violation du secret professionnel » et « recel d'e-mails internes ». La condamnation sera inscrite à son casier judiciaire. Soit un coup d’arrêt à sa carrière professionnelle si son ministère de tutelle le décide. Mais selon le cabinet de la ministre du travail, Myriam El-Khomri, joint par Mediapart, Laura Pfeiffer sera « maintenue dans ses fonctions ». 

Christophe M., le « lanceur d’alerte », un ancien informaticien de Tefal, licencié depuis l’affaire, qui a transmis les e-mails à l'inspectrice prouvant l’étendue des pressions qu’exerçait sur elle la direction de cette filiale du groupe Seb, a été condamné à la même peine. 3 500 euros d’amende avec sursis pour « détournement de courriels » et « accès frauduleux à un système informatique ». Laura Pfeiffer et Christophe M. devront également verser un euro symbolique à chacune des cinq parties civiles au procès (la société Tefal et quatre personnes physiques), ainsi que payer solidairement 2 500 euros au titre des frais de justice.

 

La justice leur reproche d’avoir diffusé dans les syndicats et la presse des documents obtenus frauduleusement, internes au service des ressources humaines de Tefal. Ces documents, fournis par Christophe M. à l’inspectrice, ont permis de révéler l’ampleur des abus et pressions du principal employeur privé de Haute-Savoie pour se débarrasser de Laura Pfeiffer. Tout commence en 2013 quand l’inspectrice, en charge du contrôle de Tefal, dénonce l’accord caduc sur les 35 heures. Furieuse de cette remise en cause qui peut coûter cher à l’entreprise, la direction de Tefal s’acharne pour obtenir la mutation de la fonctionnaire. Du Medef local aux renseignements généraux, en passant par le préfet et, plus grave, par le supérieur hiérarchique de Laura Pfeiffer, Philippe Dumont – qui, en échange du service rendu à Tefal, obtiendra l’embauche en stage d’un de ses protégés, un étudiant, membre éloigné de sa famille, en dernière année d’école d’ingénieurs à Paris –, Tefal a joué de ses relations et pouvoirs pour parvenir à ses fins.

 

Laura Pfeiffer (au premier rang à droite) lors de l'audience du 5 juin qui a vu le procès renvoyé au 16 octobre. © Rachida El Azzouzi Laura Pfeiffer (au premier rang à droite) lors de l'audience du 5 juin qui a vu le procès renvoyé au 16 octobre. © Rachida El Azzouzi
 

« Ça me choque. J'avais toujours l'espoir qu'on sorte de l'absurde. J'ai le sentiment d'avoir juste fait mon métier, ce qui apparemment dérange », a réagi Laura Pfeiffer auprès de l’AFP, à l’annonce de sa condamnation ce vendredi 4 décembre. Elle était accompagnée d'une centaine de syndicalistes venus la soutenir. Son avocat, Henri Leclerc, va faire appel de la décision (pas encore motivée à l’heure où nous publions ces lignes). Le 16 octobre dernier, au terme de six heures d’audience, il avait plaidé la relaxe pure et simple dans cette affaire « absurde ». Un procès politique dans l’air ultralibéral du temps. Celui d’un corps de métier, de la police du travail chargée de faire respecter le droit du travail bien malmené dans les entreprises. Loin de tout débat juridique et du fond de l’affaire : les pressions exercées par l’un des plus gros pourvoyeurs d’emplois pour mettre hors jeu une inspectrice.

 

Le procureur d'Annecy Éric Maillaud – pour qui les intérêts économiques semblent compter plus que le droit du travail – avait, lui, requis 5 000 euros d'amende, éventuellement assortie de sursis, à l'encontre de Laura Pfeiffer, et une amende « symbolique » intégralement assortie de sursis à l'encontre de Christophe M. Le magistrat n’avait d’ailleurs jamais caché vouloir « faire le ménage » chez les inspecteurs, selon des propos tenus auprès d’une journaliste de l’Humanité en juin dernier qui lui avaient valu les réprimandes du directeur général du travail (DGT) Yves Struillou, lui-même ancien inspecteur (lire ici). S’il a instruit avec célérité la plainte de Tefal, les plaintes de l’inspectrice, contre le groupe d’électroménager pour « obstacle aux fonctions d’inspecteurs du travail » et contre son supérieur de l’époque pour harcèlement, dorment toujours à ce jour dans les tiroirs de son parquet.

À l’audience, Éric Maillaud s’était trouvé des alliés : l’avocat de Tefal et la présidente du tribunal. Cette dernière avait surpris l’assistance avec ses questions très orientées à destination de l’inspectrice et des différents agents qui viendront témoigner en sa faveur. Notamment en les interrogeant sur leur conception du métier. « “Appliquer le code du travail”, “garantir de bonnes relations sociales”, expliqueront la plupart d’entre eux. Jusqu’à ce que l’un d’eux trébuche : “Pour défendre aussi les plus faibles”, dira-t-il. Propos qui sera ensuite utilisé par le procureur dans son réquisitoire », racontait Libération ici.

L’annonce de la condamnation de l’inspectrice et du lanceur d’alerte ce matin a fait l’effet d’une bombe dans les inspections du travail de l’Hexagone, en émoi depuis le début de l’affaire en 2013. Une centaine d’agents se sont rassemblés en début d’après-midi devant le ministère du travail à Paris tandis qu’une délégation était reçue par la ministre El-Khomri. « Nous sommes indignés et stupéfaits », écrit dans un communiqué l’intersyndicale du ministère du travail (CGT, Sud, FO, CNT, FSU). Il n’est pas possible de condamner une inspectrice du travail pour n’avoir fait que son travail. Il n’est pas possible de condamner un lanceur d’alerte pour avoir joué ce rôle essentiel d’aiguillon. » L’intersyndicale dénonce « un procès honteux », « symbole de la collusion entre le patronat et les hauts cadres de l’État ». Elle appelle « l’ensemble des collègues et des salariés » à organiser des assemblées générales. Un préavis de grève pour une durée illimitée a été déposé au niveau national à compter de lundi prochain par plusieurs syndicats dont la CGT et Sud. « Du jamais vu », dit une fonctionnaire.

Tout au long de cette affaire, tombée en plein démantèlement de l’inspection du travail au travers de la réforme Sapin, et dans un contexte généralisé de casse du code du travail par une « gauche » au pouvoir qui a cédé à l’ultralibéralisme, Laura Pfeiffer n’a bénéficié d'aucun soutien de sa hiérarchie régionale ni de son ministère de tutelle – qui refuse de reconnaître en accident de service son arrêt maladie. Alors même que les pressions et l’atteinte à l’indépendance des inspecteurs du travail sont caractérisées, alors même qu’un avis du Conseil national de l’inspection du travail (CNIT) reconnaît clairement les pressions indues exercées sur l’inspectrice. Seul appui : les syndicats de sa corporation.

Lorsque François Rebsamen était ministre du travail, l’indifférence était la rigueur. Le sera-t-elle encore avec Myriam El-Khomri, qui lui a succédé ? « La ministre ne commente pas publiquement une procédure judiciaire, ni une décision de justice. En revanche, elle s’est entretenue longuement avec Laura Pfeiffer avant le délibéré et l’a assurée de son soutien », insiste aujourd’hui le cabinet de la ministre, joint par Mediapart. L’intersyndicale reste sceptique. Si elle est rassurée par l’engagement oral de la ministre de ne pas sanctionner la carrière de l’inspectrice, le compte n’y est pas, selon une syndicaliste proche du dossier : « Le ministère refuse tout soutien public comme de s’engager sur la reconnaissance de l’accident de service de Laura Pfeiffer en arrêt maladie. Mercredi prochain, Laura Pfeiffer est convoquée par le directeur général du travail et sa hiérarchie régionale. Mais cela ressemble plus à une convocation qu’à une discussion pour sortir par le haut de cette histoire. Et dans ces conditions, Laura refuse l’entretien. » À suivre.

 

 

 

 

Source : https://www.mediapart.fr

 

 

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3 décembre 2015 4 03 /12 /décembre /2015 17:33

 

Source : http://www.bastamag.net

 

 

Désobéissance civile

Les faucheurs de chaises « braquent » une banque à Bastille pour dénoncer l’évasion fiscale

 

par

 

 

« Fermeture du siège de la BNP pour cause d’évasion fiscale ! ». Ce jeudi 3 décembre, les grilles du siège de la première banque de France située dans le 9e arrondissement de Paris, restent fermées. En cause, l’appel lancé quelques jours plus tôt par plusieurs organisations [1] à prendre le siège de la BNP qui « refuse toujours de fermer les 7 filiales qu’elle détient aux Îles Caïmans, trou noir de l’économie mondiale ». L’évasion fiscale coûte en effet 1000 milliards euros par an aux budgets publics, et est organisée en grande partie par les banques [2]. « L’évasion fiscale, en asséchant les finances publiques, est une cause profonde de l’austérité et contribue pour beaucoup aux inégalités », relève Dominique Plihon de l’association Attac France. En France, un cinquième de la dette publique est causée par l’évasion fiscale. Sans l’évasion fiscale, la dette publique de la France s’élèverait à 70 % du PIB, au lieu de dépasser les 90 % (lire notre enquête).

 

Jeudi 3 décembre 2015 à 10h - Prenons le siège de la BNP !
par Attac Play
 

Alors qu’une rangée de forces de l’ordre encadre les manifestants, une opération de réquisition citoyenne de chaises est en cours à quelques stations de métro plus loin, dans une agence BNP située place de la Bastille. Six chaises viennent d’être « fauchées », annoncent les organisateurs. C’est la 36e action de ce type depuis le début de l’année 2015. Elle s’inscrit dans le cadre d’un appel à la désobéissance civile pour mettre fin au système organisé de l’évasion fiscale et des paradis fiscaux. « Pendant que l’État mendie pour organiser la COP21, l’évasion fiscale de BNP assèche les finances publiques », observe Txetx Etcheverry, l’un des initiateurs du mouvement. En tant que sponsor de la COP21, BNP Paribas a contribué à son organisation à hauteur de 250 000 euros.

Au total, plus de 240 chaises ont été réquisitionnées ces derniers mois dans des agences bancaires. 196 d’entre elles seront réunies ce dimanche place Jean-Jaurès à Montreuil (Seine-Saint-Denis), dans le cadre du sommet citoyen sur le climat. Des représentants d’organisations venant de tous les continents, de communautés affectées, d’associations luttant contre l’évasion fiscale seront assis sur ces sièges. Le symbole doit rappeler que l’argent caché dans les paradis fiscaux pourrait plutôt financer la transition écologique et sociale, à commencer par le Fonds vert pour le climat. « Tant que les banques ne fermeront pas leurs filiales dans les paradis fiscaux, nous continuerons nos actions. La désobéissance civile est devenue une nécessité. »

Texte et photos : Sophie Chapelle


 

Sur le mouvement des faucheurs de chaises, lire aussi :


- 12 février 2015 : Saisie citoyenne dans une agence HSBC
- 18 février 2015 : Après HSBC, nouvelle saisie citoyenne dans une agence de BNP à Bruxelles
- 9 mars 2015 : Nouvelles réquisitions citoyennes dans des agences de BNP Paribas
- 2 octobre 2015 : Ils réquisitionnent des chaises dans les banques pour dénoncer la fraude fiscale
- 6 novembre 2015 : Sept heures de garde à vue pour avoir dénoncé les paradis fiscaux
- 25 novembre 2015 : BNP Paribas rencontre les faucheurs de chaises mais refuse de quitter les paradis fiscaux
- Spéculation, évasion fiscale, bonus des traders : observez en direct la démesure des banques et marchés financiers

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3 décembre 2015 4 03 /12 /décembre /2015 17:13

 

Source : http://www.bastamag.net

 

 

Austérité

Pourquoi la dette publique française explose alors que les dépenses de l’Etat n’augmentent pas ?

par

 

 

 

Après avoir voté un nouveau budget d’austérité pour 2016, le Parlement est en train de l’amender pour débloquer des centaines de millions d’euros de dépenses supplémentaires pour la sécurité, la justice et l’armée. Mais pour les dépenses d’éducation ou de santé, François Hollande maintient bel et bien sa ligne : réaliser les cinquante milliards d’euros prévus d’économies. En cause : la dette publique française qui représente aujourd’hui plus de 97 % du PIB. Au fait, pourquoi a-t-elle bondi depuis dix ans malgré un budget stable ? Et si on osait enfin poser les bonnes questions : d’où vient cette dette publique ? Pourquoi explose-t-elle depuis trente ans alors que les dépenses stagnent ? Enquête.

 

On pensait l’austérité gravée dans le marbre. « Le pacte de sécurité l’emporte sur le pacte de stabilité », a décidé François Hollande dans son discours à Versailles le 16 novembre. Il y annonce les dépenses supplémentaires consacrées à la sécurité dans le budget 2016, quelques jours après les attentats : création de 5000 postes supplémentaires de policiers et de gendarmes, de 2500 postes dans les prisons et la justice et abandon des réductions d’effectifs prévues dans l’armée. 815 millions d’euros de dépenses supplémentaires sont prévues pour 2016 pour la sécurité intérieure et les opérations militaires extérieures. Le Sénat et l’Assemblée nationale sont en train de voter les amendements qui modifient le budget 2016 en fonctions des ces nouveaux choix politiques [1].

 

Il y a encore quelques mois, au moment de la présentation du budget 2016, le discours du gouvernement était tout autre. Priorité à la réduction tous azimuts des dépenses et du déficit ! La dette publique est alors l’ennemi n°1. Car l’explosion de la dette française, bien réelle, sert depuis dix ans à couper dans les dépenses publiques. Si les nouveaux choix politiques du gouvernement inversent la tendance pour les dépenses de sécurité, les dépenses sociales restent, elles, bel et bien soumises à une ligne claire d’austérité. L’hôpital ou l’université peuvent bien être étouffés par les coupes budgétaires, leur utilité se semble pas suffisante pour remettre en cause l’austérité.

 

Une dette qui représentait 16 % du PIB en 1974, 97 % en 2015

Entre 2008 et 2015, la dette publique française est passée de 68 % à plus de 97 % du produit intérieur brut (PIB). Un chiffre à faire trembler dans les chaumières. Dans ce contexte, le discours sur la rigueur budgétaire fait facilement recette. On pointe du doigt l’exemple de la Grèce, surendettée, à qui aucun pays ne veut ressembler. Un discours, pourtant, qui omet souvent de préciser d’où vient cette dette qui grossit à grande vitesse.

En 1974, la dette publique française représente seulement 16 % du PIB [2]. Il y a 20 ans, en 1995, elle en est encore à 55 % du PIB. Depuis, elle explose : 67 % en 2005, près de 90 % en 2012, 95 % en 2014 [3]. Pour arriver, mi-2015, à 97,6 % du PIB – soit plus de 2 100 milliards d’euros.

En 2005, le rapport dit « Pébereau » (concocté par celui qui était alors président du directoire de la banque BNP-Paribas) appelait déjà à « rompre avec la facilité de la dette publique ». Et préconisait d’« utiliser au maximum l’opportunité des départs à la retraite pour supprimer les sureffectifs ». S’en est suivi la politique dite de révision générale des politiques publiques (RGPP), qui a entériné le principe du non-remplacement de un fonctionnaire sur deux partant à la retraite. La recette de Michel Pébereau a-t-elle fonctionné pour réduire la dette ? Manifestement, non. Depuis cette date, la dette publique a encore presque doublé. Et pourtant, dix ans plus tard, le budget initial pour 2016 que l’Assemblée nationale avait voté le 17 novembre poursuivait le même objectif de réduction générale des dépenses. Il prévoyait 16 milliards d’euros d’économies dans les dépenses publiques en 2016, et 50 milliards sur la période 2015-2017 [4]. Une ligne qui, en soi, n’est pas remise en cause par les centaines de millions débloqués à la hâte pour la police, le justice et l’armée après les attentats.

 

Les dépenses de l’État ? Stables depuis 30 ans

« Le discours dominant sur la montée de la dette publique fait comme si son origine allait de soi : elle résulterait tout simplement d’une croissance excessive des dépenses publiques. Ne reste plus alors qu’à en déduire un discours qui semble relever du sens commun : on ne peut durablement dépenser plus qu’on ne gagne, et, par conséquent, il faut dépenser moins et ajuster les dépenses aux recettes », analysent les auteurs de l’Audit citoyen de la dette française [5].

Le problème, rappellent les auteurs de l’audit, c’est que les dépenses de l’État français ont en fait régressé en proportion du PIB depuis les années 1980. Les dépenses de l’État sont certes passées de 101 milliards d’euros en 1980 à 463 milliards en 2014 [6]. Mais, en part du PIB, elles sont en fait restées stables, avec même une tendance à la baisse ces dernières années. Ainsi, en 1985, les dépenses de l’État représentaient 24,8 % du PIB. En 1990, la proportion était de 22,2 %, et de 22,5 % en 2000. Et en 2012, elles redescendent à 21,6 % du PIB. Elles sont restées au même niveau en 2014. La part des dépenses de l’État dans le PIB français a donc baissé de trois points en trente ans [7].

 

Baisses d’impôts et cadeaux fiscaux

Plus que du côté des dépenses, c’est vers les recettes que l’audit citoyen de la dette publique nous pousse à regarder. « Si le montant des déficits – et, par conséquent, [celui] de la dette – augmente, c’est tout d’abord parce que l’État s’est privé de recettes importantes, en allégeant la fiscalité des ménages aisés et des grandes entreprises », soulignent les auteurs.

Depuis quinze ans, baisses d’impôts et cadeaux fiscaux se sont multipliés. Avec des effets désastreux sur les finances publiques. Dès 2000, le gouvernement de Lionel Jospin adopte des mesures de baisses d’impôts. Une nouvelle réforme fiscale a suivi en 2006, avec notamment la réduction de la taxe professionnelle et la création du « bouclier fiscal » qui plafonne l’imposition globale d’un contribuable à 60 % de ses revenus. En 2007, Nicolas Sarkozy fait adopter la loi « Travail, emploi, pouvoir d’achat » (dite loi Tepa), qui met en place, entre autres, la baisse de l’impôt de solidarité sur la fortune (ISF) et des droits de succession. Avec, là encore, une baisse des recettes fiscales de l’État à la clé.

« Entre 100 et 120 milliards d’euros de recettes fiscales ont ainsi été perdues pour le budget général de l’État entre 2000 et 2010 », souligne le député communiste Nicolas Sansu dans un rapport parlementaire réalisé au printemps dernier. À l’image du bouclier fiscal, de la baisse des droits de succession et de l’ISF, beaucoup de ces réductions d’impôts ont profité aux plus aisés. Autre exemple : le taux le plus élevé de l’impôt sur le revenu. Il était de plus de 60 % au début des années 1980 et de plus de 50 % jusqu’en 2000. Puis il est passé à 48 % en 2005, et même à 40 % en 2007, avant d’être ramené à 45 % après l’élection de François Hollande [8].

 

Un cinquième de la dette publique causée par l’évasion fiscale

Résultat : en 1980, les recettes en impôts et cotisations sociales qui arrivaient dans les caisses de l’État représentaient plus de 20 % du PIB français. Le chiffre est retombé à 18 % dans les années 1990, et à environ 16 % depuis 2010. Le budget pour 2016 poursuit cette tendance. En parallèle du plan de réduction globale des dépenses publiques, le budget prévoit plusieurs allégements fiscaux supplémentaires pour les entreprises (Crédit d’impôt pour la compétitivité et l’emploi [CICE], mesures du pacte de responsabilité, etc.), à hauteur de 33 milliards d’euros pour 2016 et de 41 milliards pour 2017.

C’est sans compter les centaines de milliards d’euros potentielles qui échappent aux caisses de l’État par le biais de l’évasion fiscale. Selon les estimations de l’économiste Gabriel Zucman [9], cette pratique serait responsable d’un manque à gagner de 17 milliards d’euros pour l’État français en 2013. Sans l’évasion fiscale, la dette publique de la France s’élèverait à (seulement) 70 % du PIB, au lieu de dépasser les 90 %. Ce qui veut dire que près de un cinquième de la dette de l’État serait à mettre sur le compte de l’évasion fiscale. « Chaque année, l’État, parce qu’il a été privé des impôts évadés depuis les comptes cachés, a dû s’endetter davantage », souligne l’économiste. Les derniers rapports parlementaires évaluent même le manque à gagner entre 60 et 80 milliards d’euros par an (lire ici).

 

La dette, poison pour les États, aubaine pour les rentiers

« Il existe deux façons principales pour un État de financer ses dépenses : par l’impôt, ou par la dette », explique aussi Thomas Piketty dans son Capital au XXIe siècle [10]. « D’une manière générale, l’impôt est une solution infiniment préférable, à la fois en termes de justice et d’efficacité. Le problème de la dette est qu’elle doit le plus souvent être repayée, si bien qu’elle est surtout dans l’intérêt de ceux qui ont eu les moyens de prêter à l’État, et à qui il aurait été préférable de faire payer des impôts. »

De fait, la France dépense chaque années des dizaines de milliards d’euros pour payer les intérêts de sa dette. En 2015, l’État a ainsi déboursé plus de 44 milliards d’euros rien que pour le remboursement des intérêts de sa dette. À titre de comparaison, le budget de l’Éducation nationale, hors cotisations retraites, oscille autour des 47 milliards d’euros. Les intérêts de la dette sont autant de milliards qui ne peuvent pas être investis dans l’éducation ou la transition écologique.

Or l’évolution des taux d’intérêt a largement contribué à l’explosion de la dette publique française depuis trente ans. Aujourd’hui, la France finance sa dette à des taux très bas, à moins de 1 % depuis le début de l’année [11]. Mais cela n’a pas toujours été le cas. Sur la période 1998-2007, le taux moyen auquel l’État français emprunte sur le marché des obligations est, en moyenne, de 4,15 %. Et dans les années 1990, les taux atteignent les 6 % ! « Au début des années 1990, la politique de désinflation compétitive (ou du « franc fort ») menée par le gouvernement Bérégovoy pour préparer l’entrée dans l’euro, puis la crise monétaire due à la spéculation financière contre les monnaies européennes, se traduisent par une envolée inédite des taux d’intérêt », détaille l’audit citoyen de la dette publique.

Ces taux élevés ont évidemment profité aux créanciers de l’État français. Qui sont-ils ? Impossible de le savoir exactement. La Banque de France fournit simplement des informations sur la part des résidents et des non-résidents parmi les détenteurs d’obligations de la dette publique française (lire aussi : la dette de la France, un secret bancaire ?). En 1999, 28 % de la dette est détenue par des non-résidents. La proportion a plus que doublé en quinze ans. Et c’est au moment de la crise de 2008 qu’elle a dépassé les 60 %, sans revenir en arrière depuis.

 

Près de 60 % de la dette publique serait « illégitime »

« Aujourd’hui, les taux sont très bas, ils sont mêmes inférieurs à l’inflation. Mais cela n’empêche pas l’engouement pour la dette publique. Car elle constitue pour les banques prêteuses un gage dans leurs actifs pour obtenir de la Banque centrale européenne (BCE) des prêts quasiment à taux négatif », précise Pascal Franchet, du Comité pour l’annulation de la dette du tiers-monde (CADTM), contributeur de l’audit. « Mais cette baisse est fragile et un retournement du marché est possible. » Des taux d’intérêt qui repartent à la hausse signifieraient de facto une nouvelle augmentation en flèche de la dette publique française. « Il y a cette épée de Damoclès », analyse l’économiste Michel Husson. « Avec cette menace, les marchés financiers ont, de fait, un droit de contrôle sur les politiques publiques. »

L’audit citoyen réalisé l’an dernier a conclu que 59 % de la dette publique, à son niveau de 2012, provenaient des cadeaux fiscaux et des taux d’intérêt excessifs, et étaient donc illégitimes. « Si l’État n’avait pas réduit ses recettes et choyé les marchés financiers, le ratio dette publique sur PIB aurait été en 2012 de 43 % au lieu de 90 % », conclut l’audit. Et ce chiffre ne prend pas en compte le poids du sauvetage des banques par les pouvoirs publics après la crise financière de 2007-2008. Pour mémoire, le seul sauvetage de la banque Dexia a coûté 6,6 milliards d’euros aux contribuables français.

 

Pour alléger la dette, un impôt exceptionnel sur le capital privé

Si la hausse de la dette n’est pas principalement due à l’augmentation des dépenses publiques, quelles sont les solutions possibles, autres qu’un budget d’austérité ? « Économiquement, ce serait tout à fait possible pour la France de ne plus financer sa dette sur les marchés financiers, fait remarquer Michel Husson. C’est un choix politique de ne financer sa dette qu’auprès des marchés financiers. Mais on peut faire autrement. Ce serait par exemple possible de demander aux banques privées d’avoir des quotas de dette publique. Et aussi, comme ça se fait aux États-Unis et Royaume uni, de faire financer la dette publique par la banque centrale. »

L’audit propose aussi de faire financer les dettes publiques par le Livret A – donc par les épargnants français – à des taux d’intérêt bas mais garantis. Autre solution : un impôt exceptionnel progressif sur les 10 % ou les 1 % les plus riches pour rembourser une partie de la dette. Une idée également émise par Thomas Piketty : un impôt exceptionnel à un taux de 10 % pour les patrimoines entre un et cinq millions d’euros, et au taux de 20 % au-delà de cinq millions. Une telle mesure permettrait d’obtenir en une seule fois 20 % du PIB et donc de réduire considérablement et d’un coup la dette publique [12] . Ce n’est pas la direction prise par le gouvernement.

 

Rachel Knaebel

Photo : CC Simon Van Vliet

 

Lire aussi : Sur le déficit de la Sécurité sociale, lire aussi notre enquête : Cotisations sociales : pourquoi les patrons fraudeurs sont si rarement poursuivis

Sur le secret des détenteurs de la dette française :
La dette de la France, un secret bancaire ?

Notes

[1Voir ces amendements du gouvernement adoptés par le Sénat ces derniers jours, ici, ici, ici et ici.

[2Source : Lettre de l’OFCE, 13 janvier 2006.

[3Source : Insee. Pour les chiffres d’avant 2008, voir ici.

[4Le budget prévoit toutefois la création nette d’un peu plus de 8 000 emplois publics en dehors des amendements décidés depuis les attentats, essentiellement dans l’Éducation nationale et l’enseignement supérieur.

[5Réalisé en 2014 par un groupe de travail du Collectif pour un audit citoyen de la dette publique, composé de Michel Husson, du conseil scientifique d’Attac, Pascal Franchet, du Comité pour l’annulation de la dette du tiers-monde, Robert Joumard, d’Attac, Evelyne Ngo, du syndicat Solidaires Finances publiques, Henri Sterdyniak, des Économistes Atterrés, Patrick Saurin, du syndicat Sud de Banque populaire-Caisse d’Épargne. À lire ici.

[6Source : Insee. Voir « Télécharger la série longue » pour les chiffres d’avant 2008. Ces chiffres concernent les seules dépenses de l’État. Les dépenses publiques, dans leur ensemble, englobent celles de l’État, mais aussi celles de la Sécurité sociale et des collectivités locales. De la même manière, l’ensemble de la dette publique englobe la dette de l’État, celle de la sécurité sociale et celle des collectivités locales. Mais c’est la dette de l’État qui représente la quasi-totalité, 80 %, de la dette publique. Source pour le PIB : Insee.

[7En détail, total des dépenses de l’État en 1985 : 188,7 milliards, soit 24,8 % du PIB de 760,5 milliards. En 1990 : 241,3 milliards, 22,2 % du PIB de 1 058,6 milliards. En 1995 : 291,5 milliards, 23,7 % du PIB de 1 225 milliards. En 2000 : 330,5 milliards, 22,2 % du PIB de1 485,3 milliards. En 2005, 398,7 milliards, 22,5 % du PIB de 1 772 milliards. En 2010, 482,5 milliards, 24,1 % du PIB de 1 998,5 milliards. En 2012, 451,1 milliards, 21,6 % du PIB de 2 086,9 milliards. En 2014, 463,3 milliards, 21,7 % du PIB de 2 132,4 milliards.

[8Sources : ici et ici.

[9Gabriel Zucman, La Richesse cachée des nations.
Enquête sur les paradis fiscaux
, coédition Seuil-La République des idées, 2013, p. 57-60.

[10Thomas Piketty, Le Capital au XXIe siècle, editions Seuil, 2013, p. 883.

[11« Le taux moyen pondéré sur les émissions de dette à moyen et long terme ressort sur les trois premiers trimestres de l’année à 0,62% », indique l’Agence française du Trésor, l’agence publique qui gère la dette française.

[12Le Capital au XXIe siècle, ibid., p. 889.

 

 

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3 décembre 2015 4 03 /12 /décembre /2015 16:23

 

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Après la pensée unique, "Le Monde" invente le traitement obligatoire

 

Directeur adjoint de la rédaction de Marianne

 

 

Assouplissement des procédures de licenciement, travail du dimanche, suppression des 35 heures… Ne discutez pas : pour le quotidien du soir, ces recettes sont forcément « efficaces ».
 

Le Monde est un journal sérieux. La preuve : où le sondé a le choix entre le « oui, tout à fait » et le «  oui, mais », mais en aucun cas le non franc et massif.

Le sondage en question, réalisée par Ipsos dans le cadre de la 17ème journée du livre d’économie, porte sur la valeur travail, si méprisée par les temps qui courent. Voici la question posée aux personnes consultées : « Pour favoriser la création d’emplois en France sans creuser les déficits publics, chacune des mesures suivantes vous paraît-elle… ? » Et là, deux options s’offrent à la personne, au choix, soit : « efficace mais souhaitable », soit : « efficace mais pas souhaitable ».

 

Visiblement, nul n’ose imaginer  que les options proposées puissent être inefficaces. Et quelles sont ces options miraculeuses ? « Assouplir les procédures d’embauche et de licenciement » ; « Autoriser plus largement le travail du dimanche » ; « Revenir aux 39h de travail hebdomadaire » ; « Assouplir le salaire minimum et l’adapter en fonction des branches » ; « « Reculer l’âge de la retraite à 65 ans pour les salariés et les fonctionnaires » ; « Réduire le nombre de congés payés pour les salariés ». Rien que ça.

Bon. On aura reconnu le vade-mecum de tout bureaucrate patronal ayant révisé sa leçon après avoir suivi ses cours du soir. Visiblement, pour Ipsos et Le Monde, il n’existe absolument aucune autre piste de travail que celles exposées lors des universités d’été du Medef, en présence ou non de Manuel Valls. Passons. Non seulement, le choix se réduit à un médicament conçu par un laboratoire connu, mais en plus on est sommé de le trouver « efficace », à défaut de le trouver « souhaitable ».

 

Bref, licencier plus facilement, c’est forcément « efficace ». Le travail du dimanche, c’est forcément « efficace ».Travailler plus sans gagner plus via la mise à bas des 35 heures, c’est forcément « efficace ». La baisse du Smic, ce salaire de privilégiés, c’est forcément « efficace ». Un nouveau recul de l’âge de la retraite, c’est forcément « efficace ».

Après la pensée unique, voilà le traitement obligatoire. Il peut être plus ou moins douloureux, avoir des effets secondaires à surveiller de près, mais il n’y en a pas d’autre en magasin. Désolé, on fait ce qu’on peut, à l’impossible nul n’est tenu.

Et si la médication s’avère un peu pénible à supporter, Le Monde saura offrir un traitement complémentaire pour faire passer la pilule.

Il n’est pas une semaine où le journal du soir ne nous explique, tableaux à l’appui, qu’il va falloir travailler plus longtemps.Prenez la retraite, par exemple. Il n’est pas une semaine où le journal du soir ne nous explique, tableaux à l’appui, qu’il va falloir travailler plus longtemps et qu’il n’est pas d’autre solution pour sauver les régimes de retraites, comme si le chômage n’avait aucune conséquence. C’est l’un des mantras du chroniqueur Arnaud Leparmentier et de quelques autres, qui inondent les pages du supplément « Economie » du quotidien de déférence de leurs idées toutes faites et de leurs raisonnements coulés dans le marbre.

Puis, un jour, on ouvre le supplément « Argent & placements » du Monde (1/12/2015), consacré – ô surprise – à la retraite. Et que lit-on ? « La récente réforme des régimes complémentaires ouvre un boulevard à un nouveau report de l’âge légal de départ à la retraite » (ce qui est vrai) et donc que les Français « inquiets » (il y a de quoi) « ont tout intérêt à réfléchir aux solutions permettant de compléter leur future pension » (ben voyons).

Alors, Le Monde expose (on est dans le supplément « argent », ne l’oublions pas) les charmes cachés de l’assurance-vie, « placement idéal », le « bon plan des rentes à vie », ou encore les avantages de « la pierre, un abri pour les vieux jours », sans oublier les produits d’épargne-retraite et « la promesse des fonds flexibles ».

 

Résumons. Le Monde promeut au quotidien une réforme des retraites qui est une machine à fabriquer de futurs vieux pauvres. Dans la foulée, pour calmer des citoyens perturbés, il leur lance une bouée de secours pour les inciter à monter en catastrophe dans les navires affrétés par les banques, les compagnies d’assurance et les groupes financiers qui font miroiter l’éclat de formules aussi séduisantes qu’illusoires (sauf pour ceux qui en vivent).

Bravo. C’est du bon boulot. Cela s’appelle joindre l’utile au désagréable.

 

 

Source : http://www.marianne.net

 

 

 

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3 décembre 2015 4 03 /12 /décembre /2015 16:15

 

 

Source : http://rue89.nouvelobs.com

 

 

Etat d’urgence : les députés veulent prendre le contrôle

 

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3 décembre 2015 4 03 /12 /décembre /2015 16:01

 

Source : http://cadtm.org

 

Communiqué du CADTM France

Non aux restrictions du droit de manifester

3 décembre par CADTM France

 

 

Chaîne 29 nov 2015 à Paris

 

Communiqué du CADTM France

Nous considérons comme une atteinte aux droits humains fondamentaux toute restriction au droit de manifestation et à celui de se rassembler.

De ce point de vue, nous exigeons du gouvernement :

- la levée de l’état d’urgence et de ses dispositions liberticides ;
- la libération immédiate des militants interpellés ;
- l’annulation des mesures d’assignation à résidence des militants politiques, syndicaux et associatifs ;
- le retrait des mesures similaires prises dans plusieurs États européens, notamment celles visant à restreindre le droit légitime des salariés à défendre leurs revendications.

Le CADTM France appelle tous ses adhérents et amis à rejoindre les initiatives unitaires de protestation et de manifestation contre la criminalisation du mouvement social pour le respect.

Le CADTM France appelle les citoyennes et les citoyens de ce pays à rejoindre ces initiatives.

Pascal Franchet, président du CADTM France
Contact presse = 06 60 13 99 08

 

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Chaîne 29 nov 2015 à Paris
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Chaîne 29 nov 2015 à Paris

 

 

 

 

 

Source : http://cadtm.org

 

 

 

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3 décembre 2015 4 03 /12 /décembre /2015 15:48

 

Source : http://cadtm.org

 

Bravons l’état d’urgence

place de la République, dimanche 29 novembre 2015

2 décembre par Là-bas si j’y suis , taranisnews

 

 

 

Deux reportages place de la République à Paris le 29 novembre 2015, à écouter en intégralité sur la-bas.org et Taranisnews.

 

Le reportage de Là-bas si j’y suis :

Le reportage de Taranisnews :

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3 décembre 2015 4 03 /12 /décembre /2015 15:33

 

Pour information :  (*reçu par mail)
 
 
Actualité post-attentats de la région parisienne
 
 
"Ne laissons pas à l'Etat la politique de nos émotions", par Philippe Corcuff, Libération daté du 2 décembre 2015 (1er décembre sur liberation.fr), http://www.liberation.fr/debats/2015/12/01/ne-laissons-pas-a-l-etat-la-politique-de-nos-emotions_1417538 
 
 
Autres textes et collaborations récents de Philippe Corcuff
 
 
* Introduction du livre Enjeux libertaires pour le XXIe siècle par un anarchiste néophyte (Editions du Monde libertaire, octobre 2015) disponible en ligne sur le site libertaire Grand Angle, 4 novembre 2015http://www.grand-angle-libertaire.net/enjeux-libertaires-pour-le-xxie-siecle-par-un-anarchiste-neophyte-philippe-corcuff/  
 
* N° 8, automne 2015 de la revue éfitée à l'initiative du Conseil Scientifique d'Attac Les Possibles, avec un dossier sur "Questions stratégiques après le coup d'Etat contre la Grèce", introduit par Jean Tosti et Jean-Marie Harribey, avec les contributions de Gabriel Colettis, Jonathan Marie, Bruno Théret, Pierre khalfa et Thomas Coutrot, Jean-Marie Harribey, Peter Wahl, Felipe Van Keirsbilck, Claude Calame, Janette Habel, Catherine Samary, Gustave Massiah, Etienne Balibar, Philippe Corcuff et Samy Johsua), https://france.attac.org/nos-publications/les-possibles/numero-8-automne-2015/ 
Voir notamment Philippe Corcuff, "Attac et les mouvements sociax émancipateurs : redéfinir les repères stratégiques après la Grèce", https://france.attac.org/nos-publications/les-possibles/numero-8-automne-2015/debats/article/attac-et-les-mouvements-sociaux-emancipateurs-redefinir-les-reperes (version développée d'un texte plus court paru initialement sur Mediapart le 26 août 2015, incluant notamment en plus quelques éléments critiques sur le dernier livre de Fédéric Lordon, Imperium, La Fabrique, septembre 2015)
 
* Sous la direction de Jean Birnbaum, Qui tient la promesse?, Paris, Gallimard, collection "Folio Essais", novembre 2015, http://www.gallimard.fr/Catalogue/GALLIMARD/Folio/Folio-essais/Qui-tient-promesse 
Dont la contribution de Philippe Corcuff, "La promesse d'émancipation et "le côté obscur de la force" dans la France d'aujourd'hui", pp. 165-183
 
* "Antiquarks ou la pop métisse contre les néoréacs", Mediapart, 6 novembre 2015, http://blogs.mediapart.fr/blog/philippe-corcuff/061115/antiquarks-ou-la-pop-metisse-contre-les-neoreacs  
 

* "Les séries, politique fiction", revue Quaderni (Les éditions de la Maison des sciences de l'homme), n° 88, automne 2015, 142 p., 16 euros, commandable en ligne : http://www.editions-msh.fr/livre/?GCOI=27351100378250  

Coordonné par Antoine Faure et Emmanuel Taïeb
 
Sommaire
Dossier
Antoine Faure et Emmanuel Taïeb, « Avant-propos. Les "esthétiques narratives" : l'autre réel des séries »
Philippe Corcuff, « Jeux de langage du noir : roman, cinéma et séries »
Sabine Chalvon-Demersay, « Pour une responsabilité politique des héros de séries télévisées »
Mehdi Achouche, « Battlestar Galactica et la politique-fiction américaine »
Emmanuel Taïeb, « House of Cards. Qu'est-ce qu'un coup politique fictionnel ? »
Carlos Ossa, « Le prince des images. Télévision et réconciliation politique »
Pierre-Olivier Garcia et Sébastien Leroux, « Mobiliser la série The Wire en géographes : retour sur une expérience pédagogique »
 
 
 
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3 décembre 2015 4 03 /12 /décembre /2015 14:27

 

Source : http://blog.mondediplo.net

 

 

Etat d’urgence

Ce que nous pouvons
par Frédéric Lordon, 30 novembre 2015
 
 
 
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Brandalism détourne des publicités en marge de la COP21
Par Eube, Paris, 2015. Voir aussi le dossier du Monde diplomatique de novembre 2015 sur la Conférence de Paris.

 

Sil existait quelque chose comme une jauge de la faute et de la vertu des peuples, on pourrait dire que le corps social n’a jamais que « ce qu’il mérite ». Mais rien de tel n’existe sauf dans la vision moraliste du monde qui passe tout au tamis du jugement et de la rétribution. Nous avons cependant le recours de dire autre chose : de dire que le corps social fait, à chaque instant, la démonstration en actes de ce qu’il peut — de son degré de puissance. Ça n’est donc plus une question de jugement, c’est une question de mesure. Par ce qu’il accomplit et par ce qu’il omet de faire, par ce qu’il tolère et par ce qu’il refuse, le corps social donne l’exacte, la parfaite mesure de ce qu’il peut.

 

Voir le dossier « Dans l’engrenage de la terreur », Le Monde diplomatique, décembre 2015.Dans ces conditions, il n’y a plus qu’à arpenter. Un peuple qui, s’étant donné à un Sarkozy, se donne à un Hollande — sa réplique sous tous les rapports, parfois même en pire —, que peut-il exactement ? Un peuple qui tolère une classe de porte-voix médiatiques répétant comme des tourne-disques toutes les injonctions gouvernementales, quel est son degré de puissance ? Un peuple qui aurait dû, scandalisé par l’obscénité de leur servilité d’Etat, conspuer les chaînes d’information en continu, qui devrait congédier sous les lazzis les intellectuels casqués, et sous les épluchures les éditorialistes à jugulaire, qui devrait faire honte à un premier ministre se revendiquant explicitement de l’inintelligence des choses, honte à ses représentants rejouant comme des automates ces scènes historiques du parlementarisme français, les scènes de la trahison des représentés, de l’assentiment démocratique au pire, un peuple que l’amour de la liberté devrait soulever contre l’Etat policier terrorisant certains de ses citoyens au nom de la sécurité des citoyens, un peuple qui devrait faire tout cela et qui ne le fait pas, de quoi est-il capable au juste ? A ce peuple en corps, il faut poser la question que Spinoza pose à tout corps : qu’est-ce que peut un corps ? Et la réponse s’ensuit au spectacle des choses faites par le corps.

 

Au fond de la dépossession, les citoyens protesteront qu’« ils n’y peuvent rien ». Ils n’ont pas « fait » les institutions de la Ve République qui déterminent largement d’avoir à choisir entre le dur-mou et le mou-dur (en attendant la dure-dure), ils n’ont pas barre sur l’offre et prennent ce que l’état de l’offre leur offre. Ils ne peuvent rien au jeu capitaliste qui organise les médias et leurs efforts de verrouillage au service du duopole dit « de gouvernement ». Ils ne peuvent rien contre l’Etat de police infiniment plus puissant qu’eux, etc. Il y a du vrai et du faux dans toutes ces protestations. Du vrai à échelle de chacun, et du faux à échelle collective. Oui chacun est en proie à la dépossession, mais tous ont contribué de fait aux structures de la dépossession – un tous historique (diachronique) puisque ces structures viennent de loin, mais un tous contemporain également puisque, venues de loin, ces structures n’en sont pas moins revalidées à chaque instant : par l’assentiment, fût-il tacite et passif. Seul un corps politique qui peut peu peut tolérer des institutions aussi anti-démocratiques que la Constitution de la Ve République. Seul un corps politique impuissant peut ne pas se dresser pour accabler les imposteurs de la parole publique de son sentiment de légitime scandale et, de honte, les faire rentrer sous terre. Au lieu de quoi, reconnus, reconduits et contents, ils prospèrent à l’air libre. À la fin des fins, si le corps politique d’aujourd’hui ne se lève pas dans un élan outragé, c’est que ses propres seuils de l’outrage se sont dramatiquement déplacés, qu’il en faut de plus en plus pour lui soulever une oreille, de cette surdité qui fait la joie des gouvernants abuseurs, littéralement déchaînés – puisqu’ils n’ont d’autres chaînes que nous.

 

La rupture avec la pensée morale ne se fait complètement qu’à la condition de ne plus dire que nous sommes « individuellement responsables », et de substituer à ce type de jugement culpabilisateur la mesure de notre impuissance collective. Rien de ceci n’ôte qu’il y aura des actions individuelles (ou qu’il n’y en aura pas), qu’elles se rejoindront en forces plus ou moins importantes. Mais cette physique des forces passionnelles et désirantes en quoi consiste la politique n’a rien à voir avec la morale de la responsabilité (même si, le plus souvent, c’est ainsi qu’elle se présente à notre conscience, parfois même non sans une certaine efficacité). La question, c’est de savoir ce qui nous affecte, à partir de quels seuils, et ce qui nous met en mouvement – car c’est dans le mouvement de ce qu’il fait que le corps politique manifeste son exact degré de puissance.

 

L’Etat de police, qui est en train de s’abattre sur nous, nous fera-t-il passer nos seuils ? Ou encore : quelle part de la population les franchira-t-elle, et quelle demeurera dans la servitude contente ? Quelles inductions s’établira-t-il d’une part à l’autre ? Quels ralliements du dessillement, quelles modifications de seuil des uns au spectacle des autres ? C’est que le corps politique est loin d’être tout un. S’il est une union, c’est une union de parties – groupes et classes. Certaines des parties accourent à l’Etat et « luttent pour leur servitude comme s’il s’agissait de leur salut ». D’autres luttent pour leur salut tout court et n’ont pas le goût de la servitude. La puissance d’ensemble du corps se joue dans cette composition conflictuelle. Qui entraînera qui dans quel sens ? Où s’établira la résultante ? À quel régime de puissance globale ses mouvements internes antagonistes détermineront-ils le corps un-mais-divisé ? Il faut poser ces questions pour mesurer nos chances de secouer l’appareil des précepteurs de l’ordre, qui ne tient que parce que nous ne voyons pas qu’il n’a pour lui que la reconnaissance que nous lui donnons, qu’il n’a en réalité aucune autre ressource – sinon, au cas-limite, la force des armes.

 

Nous verrons se dessiner une tendance quand se manifestera, ou pas, l’écœurement aux discours. Il est désormais un lieu commun de rappeler qu’Orwell le premier avait aperçu la corruption des mots comme le propre même de la dictature, y compris celle qui se donne dans la forme de la « démocratie parlementaire ». Il est, rarement peut-être, des lieux qui, pour être devenus communs, n’ont rien perdu de leur force propre ni de leur pouvoir d’éclairer. Or le renversement des mots atteint ici des sommets qu’une époque pourtant riche en la matière n’avait pas encore envisagés. Manuel Valls jure n’être en rien « bushiste (1) » quand il a de la guerre (« extérieure ET intérieure (2) ») plein la bouche ; il déclare n’avoir qu’« une seule réponse, c’est la République » en installant l’état d’exception ; refuse par principe comme « excusisme (3) » tout effort de comprendre et se fait ouvertement le chantre martial d’un crétinisme d’Etat ; proclame devant le Parlement que « grande démocratie, nous [devons] nous appuyer sur la force du droit (4) », pour aussitôt décréter la suspension du droit ordinaire (« la force de notre droit, c’est notamment l’état d’urgence »), quelques jours avant, logiquement, d’informer le Conseil de l’Europe que la France pourra s’affranchir de certains droits garantis par la Convention européenne des droits de l’homme et des libertés fondamentales… Les mots sont à l’envers absolu des choses, tout est cul par-dessus tête, tout est renversé – étymologiquement, tout est catastrophique. En définitive, seule la police qui enfonce les portes des squats et des opposants politiques livre une version remise sur ses pieds de la réalité : « c’est l’Etat d’urgence, la loi, ça existe plus (5) ».

 

Pendant ce temps, un illuminé auto-déclaré « chroniqueur politique » nous explique que « François Hollande a bien failli pleurer (6) » pendant l’hommage national mais que « la vulnérabilité du président au sentiment est une force » et qu’il « a montré au monde son humanité » – mais il faudrait citer presque l’intégralité de ce morceau d’anthologie à faire pâlir de honte professionnelle l’équivalent-Gantzer de Kim Jong-un (7). Pendant ce temps également, à Libération, bien forcé de se pencher sur quelques abus, on oscille entre la minimisation par l’ironie distanciée d’auteur (« rien de grave ») (8) et la contre-pesée des réussites objectives de l’état d’urgence (9) : « Un policier de la brigade des stupéfiants le reconnaît : “l’état d’urgence nous permet d’aller voir chez des dealers repérés depuis longtemps” » – c’est quand même plutôt bien. « A Beauvau on juge la stratégie “positive”, tant sur le plan de la saisie d’armes que sur le recueil de renseignements » – et l’article de nous faire le bilan détaillé au cul du camion de l’Intérieur. Nous sommes donc invités à ne pas nous départir du souci du « positif » quand bien mêmes certaines personnes « estiment (sic) être victimes de perquisitions abusives, parfois violentes » – gageons qu’avec un tableau plus complet du positif et du négatif en tête, elles « estimeraient » autrement.

 

Alors oui, un corps politique qui s’est abandonné à de tels médiateurs, politiques et journalistiques, est un corps qui n’est pas dans une forme bien fameuse. Le propre des corps cependant, c’est que leur degré de puissance ne cesse de varier – selon ce qui affecte différentiellement leurs parties. Or c’est peu dire qu’ici le corps politique est affecté – du dehors par le meurtre de masse terroriste, du dedans par ce que, supposément en leur nom, sa partie gouvernante inflige à ses parties gouvernées. Rendu en ce point, il n’y a pas trente-six solutions. Deux seulement. Ou bien, comme souvent, comme tout l’y a de longue date préparé, comme tout dans le fonctionnement des institutions l’y encourage encore, le peuple se précipite apeuré dans les bras de l’Etat de police et trouve réconfort dans un supplément d’asservissement. Ou bien le « goût de la franchise », comme dit La Boétie, lui revient par un sursaut d’indignation au tour de vis marginal qui passe les bornes.

 

On ne dira jamais assez que la « franchise » (la liberté), et la puissance du corps politique, se jouent dans l’espace public, tautologiquement le lieu du public, et de la chose publique. La politique n’a lieu qu’en réunion. C’est bien de cela que Sartre avait pris douloureusement conscience en observant, catastrophé, le renversement dans les urnes des affirmations politiques posées dans la rue (10). Car là où la rue réunit, le (bien-nommé) isoloir isole – et renvoie chacun à une condition monadique qui le coupe des solidarités concrètes de la politique réelle. Mais, isoler, n’est-ce pas par excellence ce que vise l’état d’urgence, qui indique le mieux ses intentions dans l’assignation à résidence : nous vous interdirons de vous rencontrer, nous vous interdirons de vous réunir, nous vous renverrons à votre tête-à-tête avec vos écrans. Et Spinoza ne saisit-il pas la chose même quand il écrit qu’« une Cité dont la paix dépend de l’inertie de sujets conduits comme du bétail pour n’apprendre rien que l’esclavage mérite le nom de solitude plus encore que celui de Cité (11) » ? L’Etat de police, c’est l’Etat de solitude. C’est l’impuissance collective organisée. L’urgence de l’état d’urgence, c’est de nous séparer pour nous impuissantiser.

 

Il est des parties du corps collectif qui ne veulent plus de ce destin d’impuissance. La seule solution de réveil du corps entier, c’est la leur. D’abord faire savoir dans l’espace public que non. Ensuite tenir le registre des exactions de l’état d’exception, leur donner par la narration détaillée une force affectante que jamais n’auront les abstractions de la dénonciation par idées générales des intellectuels – car en face, pas seulement à la tête de l’Etat d’ailleurs, il y a d’autres idées générales qu’on trouve tout aussi bonnes : « la sécurité », « les frapper », « la guerre de l’intérieur à gagner ». Ces idées générales, véritable compost à sondages de « l’union nationale », n’auront quelque chance d’être défaites qu’à la condition de les sortir de leur généralité pour en montrer les effets concrets. De ce point de vue le registre de la Quadrature du net ou, parmi tant d’autres, l’effarant récit de Rue89 (12), valent mille fois mieux que n’importe quelle tribune, à commencer par celle-ci. Et si l’on peut lui adjoindre des photos, des vidéos, du son, il en aura plus de force affectante encore. Paradoxalement, la photo de l’article de Libération – un jeune fouillé face contre mur, bras écartés, entourés d’une nuée de robocops, est glaçante au point de contredire radicalement l’intention minimisatrice du texte. Comme on sait, on n’a jamais rien trouvé de mieux contre les bavures policières que des images, face auxquelles même les amis les plus résolus de la police doivent aller puiser loin pour continuer de soutenir. Et, de même, les idées de la liberté n’ont-elles quelque chance de devenir efficaces qu’avec l’appui visuel de ce qui suscite immanquablement l’indignation.

 

Refuser par écrit, montrer par images, et puis reprendre l’espace public en actes. Nombreux tant qu’à faire, seule manière de ramener le pouvoir à l’essence LaBoétienne de sa condition : il est peu, nous sommes beaucoup – par conséquent, normalement… Mais bien sûr on sait tout ce qui s’oppose à ce « normalement… » Célébrant notre « mode de vie » et chantant la « liberté », l’Etat appuyé de tous ses supplétifs ne cesse de nous pousser dans la servitude. En effet c’est bien de manière de vivre qu’il est question dans toute cette affaire. La nôtre n’est ni celle des cinglés à kalach ni celle de l’état d’urgence à vocation de reconduction permanente. Cette manière ne peut être posée qu’en actes, c’est-à-dire dans la rue. Donc il faut aller dans la rue. Et puis nous verrons bien.

 

Post scriptum

À qui voulait accéder à l’idée de parti de l’ordre dans son concept le plus général, il suffisait, dimanche soir, d’ouvrir la télévision et de regarder BFM. Tout y était. La re-présentation de la manifestation interdite comme pur rassemblement de « casseurs », l’escamotage méthodique de tous ses attendus, notamment celui que ce rassemblement n’avait que secondairement pour objet la COP21, et pour motif principal l’état d’urgence (celui-ci interdisant de manifester en général, et pour celle-là en particulier), la fenêtre du duplex avec la préfecture où trônait une commissaire en uniforme dans un dispositif riant comme un JT nord-coréen, le média et la police dans un état de parfait unisson, de symbiose institutionnelle même, l’un relayant la voix de l’autre, et les deux ensemble faisant avec satisfaction le compte des gardés à vue. Il faudrait parfois que la chose qui se nomme elle-même « presse libre » se regarde. Mais autant demander à une bouse de se reconditionner en bougie parfumée.

 

Un gouvernement qui, mesurant toutes les conséquences, et même les désirant, ne retient plus sa police en lui ouvrant le mandat indéfini de l’état d’urgence est un gouvernement qui se voue tôt ou tard à l’indignité. Et telle est bien en effet la destination de celui-ci qui, déjà si couvert de honte, a décidé d’en explorer une dimension supplémentaire. Expert en montages symboliques frauduleux et en dévoiement des valeurs, le voilà qui, après avoir expliqué cet hiver que la loi Macron devait être votée au nom de l’« esprit du 11 janvier », s’est bruyamment scandalisé que des bougies du mémorial de la République aient pu servir de projectile à quelques manifestants contre les forces de police. Photos à l’appui, il semble que les rangers de la flicaille n’aient pas témoigné d’un respect excessif au mémorial non plus. Mais tout ceci, en réalité, n’a qu’une finalité : faire oublier qu’il n’y a de violence qu’à l’instant où un gouvernement interdit l’exercice de la liberté et rencontre des individus décidés à ne pas y renoncer tout à fait.

Frédéric Lordon

« Briser le cloisonnement des domaines de compétence, solliciter en même temps l’économiste et le poète, le sociologue et l’artiste ; chacun enrichit la compréhension des autres et ferme la porte à ce poison de la culture contemporaine : l’information-spectacle » Claude Julien, ancien directeur du « Diplo » Faire un don
 

(2) Discours à l’Assemblée Nationale, 19 novembre 2015, c’est le texte de Valls qui souligne.

(4) Discours à l’Assemblée Nationale, 19 novembre 2015.

(5) « C’est l’état d’urgence, la loi, ça existe plus », IAATA (Information Anti-Autoritaire Toulouse et Alentours), 28 novembre 2015.

(6) Olivier Picard, « Hommage national : Hollande a failli pleurer en direct. Cette vulnérabilité est une force », leplusnouvelobs.com, 28 novembre 2015.

(7) « A la qualité de son mental (sic), le président a ajouté une sensibilité qu’on lui déniait. Il a su trouver des mots, dans un très beau discours qu’il a écrit lui-même, en résonance avec l’âme à la fois blessée et combative des Français. Alors même si les larmes avaient coulé sur ses joues mordues par le vent froid (…) elles n’auraient pas été incongrues. (…) Cette capacité à mêler l’intime et le martial n’est pas seulement un beau sujet pour la presse. C’est une synthèse en image de l’originalité de la démarche française et de la geste de son président ».

(8) Mathieu Lindon, « Perquisitionnez-moi, ça grouille », Libération, 27 novembre 2015.

(9) « Etat d’urgence : ça ratisse large », Libération, 27 novembre 2015.

(10) Jean-Paul Sartre, « Elections, piège à cons », Les Temps Modernes, n°318, janvier 1973.

(11) Traité politique, V, 4.

(12) Benoît Le Corre, « Un jeune couple interpellé : seul les flics ont entendu le mot Daech » Rue89, 29 novembre 2015.

 

 

Source : http://blog.mondediplo.net

 

 

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2 décembre 2015 3 02 /12 /décembre /2015 15:38

 

Source : http://www.bastamag.net

 

 

Opacité financière

Une « class action » de victimes de terrorisme cible BNP Paribas aux États-Unis

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La banque française est poursuivie en justice par des victimes des attentats de 1998 contre les ambassades américaines à Nairobi et Dar es Salaam. Elles lui réclament 2,4 milliards de dollars de dommages et intérêts. En 2014, les autorités des États-Unis avaient infligé une amende de près de 9 milliards de dollars à BNP pour avoir notamment enfreint l’embargo qui visait le Soudan en réalisant des transactions liées au pétrole. Ce pays avait abrité des groupes d’Al Qaïda, ciblés en 1998 par des bombardements de l’armée américaine. Explications sur un nouvel imbroglio financier.

Après l’amende record de BNP Paribas aux États-Unis, un nouvel imbroglio frappe la banque : des victimes du terrorisme lui réclament des dommages et intérêts. En juin 2014, la plus grande banque française écope d’une amende de plus de 6 milliards d’euros (8,8 milliards de dollars) aux États-Unis pour avoir enfreint des embargos. Début novembre, un groupe de victimes d’attentats de 1998 devant les ambassades américaines au Kenya et en Tanzanie, déposent à leur tour une plainte contre la banque l’accusant, dans le cadre de cette même affaire, d’avoir financé les groupes terroristes qui ont perpétré ces attaques. Leur objectif est d’obtenir 2,4 milliards de dollars de compensation de la banque française.

Quand la justice américaine annonce le montant de la pénalité infligée à BNP Paribas pour avoir contourné pendant des années les embargos des États-Unis à l’encontre de l’Iran, de Cuba et du Soudan, la presse française insiste alors sur la mise au pas de la banque tricolore par Washington. Car les sanctions, en tous cas pour Cuba, pouvaient sembler discutables. Mais les trois-quarts des transactions mises en cause dans l’affaire concernent non pas l’île castriste, mais le Soudan. Le pays est soumis à des sanctions américaines depuis 1997 pour des violations répétées des droits humains, des tentatives de déstabilisation des gouvernements voisins et un soutien au terrorisme international. En 2006, les États-Unis renforcent ces sanctions face aux violences continues, en particulier des violences sexuelles, perpétrées contre la population civile au Darfour, où règne la guerre civile depuis 2003. Dès lors, les États-Unis interdisent aussi les transactions de pétrole soudanais qui se feraient en dollars.

Quand BNP Paribas assistait le gouvernement soudanais

En juin 2014, BNP plaide coupable pour des faits ayant eu cours entre 2004 et 2012. Lexposé des faits indique que les transactions soudanaises ont été réalisées entre 2002 et 2007. « Des emails internes montraient que des employés de BNP Paribas exprimaient alors leur préoccupation sur le fait que la banque assiste le gouvernement soudanais, au regard de son rôle dans le soutien au terrorisme international et dans la violations des droits humains qui se produisaient au même moment », indique le département de la justice des États-Unis en juin 2014. En mars 2007, un employé écrit ainsi à un cadre du service juridique de BNP en lui rappelant que certaines banques soudanaises avec lesquelles traite BNP « jouaient un rôle pivot dans le soutien au gouvernement soudanais qui… a hébergé Oussama Ben Laden et refusé une intervention des Nations unies au Darfour. »

 

Aujourd’hui, c’est sur le volet du terrorisme et des transactions avec un gouvernement suspecté d’avoir abrité Al Qaïda que s’appuie une class action de victimes des attentats de 1998 pour demander des dommages et intérêts à BNP. Ces attaques à la voiture piégée avaient fait plus de 200 morts, dont une douzaine de citoyens états-uniens, et des milliers de blessés. Ils sont aujourd’hui 68 plaignants – des familles de personnes décédées et de blessés, tous états-uniens – à avoir rejoint l’action en justice. Ils demandent 2,4 milliards de dollars de dommages et intérêts à la banque française pour avoir facilité, en violant l’embargo américain, le financement du terrorisme au Soudan (lire ici le communiqué de presse de leurs avocats). Le Soudan a en effet un temps abrité des groupes d’Al Qaïda. En août 1998, quelques semaines après les attaques des ambassades en Tanzanie et au Kenya, l’armée américaine bombardait d’ailleurs des camps d’entraînement d’Al Qaïda situés au Soudan. Reste aux avocats de la class action de prouver que la banque était déjà impliquée auprès du régime ou d’institutions soudanaises en 1998. Car l’amende record pour laquelle BNP a plaidé coupable concerne des transactions postérieures aux attentats.

« L’exposé des faits, cosigné par BNP Paribas et le procureur des États-Unis, reconnaît les « méthodes opaques », les sociétés écrans et les « modes de paiement très complexes, sans aucun but légitime » utilisées par la banque pour masquer les destinataires des « paiements », rappelle Attac dans un communiqué, qui alerte sur les dangers que représente encore potentiellement la banque aujourd’hui avec ses multiples filiales dans des paradis fiscaux : « La présence massive de la banque dans les paradis fiscaux n’est pas de nature à nous rassurer. »

Le Crédit agricole et la Deutsche Bank dans le viseur

Sur le volet des violations des droits humains, une campagne internationale émanant de la société civile a déposé en septembre une requête auprès des autorités des États-Unis pour que l’amende versée par BNP serve aussi à aider les populations soudanaises qui ont souffert des abus du régime. La campagne demande ainsi qu’une partie de la pénalité soit consacrée à apporter une aide humanitaire aux réfugiés et aux déplacés internes dans le pays, « qui ont désespérément besoin d’assistance », ainsi qu’à des programmes de reconstruction.

D’autres grandes banques ont été rattrapées de la même manière par les autorités états-uniennes sur leurs transactions avec le Soudan et avec d’autres pays sous embargo. La plus grande banque allemande, la Deutsche Bank, s’est vue infliger une amende de 258 millions de dollars début novembre pour des faits similaires. La troisième banque française, le Crédit agricole, s’est vue notifier en octobre une amende de 787 millions de dollars, pour avoir réalisé entre 2003 et 2008 des transactions avec le Soudan, l’Iran, Cuba, et la Birmanie. Ce pays se trouvait alors encore sous le joug d’une junte militaire, qui, en 2007, réprime dans la violence un mouvement de contestation. Une enquête est toujours en cours sur la Société générale.

De quoi pousser les grandes banques à plus de prudence, de respect des sanctions internationales et de considération pour les droits humains sur les transactions opérées dans des zones d’instabilité, de développement de groupes terroristes et dans des pays sous régime autoritaire ? Comme nous l’écrivions il y a quelques jours (Voir l’article), la première banque française a, depuis son amende historique, renforcé son contrôle juridique sur les transactions qui risqueraient de venir financer l’État islamique. Elle serait aujourd’hui particulièrement vigilante à ne pas s’impliquer dans les pays voisins de la Syrie.

Rachel Knaebel

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