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7 décembre 2015 1 07 /12 /décembre /2015 17:09

 

Source : http://rue89.nouvelobs.com

 

 

Etat d’urgence

Bloquer le wifi public et autres WTF : la « liste d’envies » de la police

 

 

Internet est visiblement dans le collimateur du ministère de l’Intérieur : selon une note interne, l’interdiction des wifis publics et du réseau Tor pour naviguer anonymement est envisagée par les forces de police.

 

« Ici wifi gratuit » lit-on souvent dans les vitrines de café ou de resto. Eh bien c’est peut-être bientôt fini ! La Place Beauvau a collecté la liste des envies de mesures sécuritaires de la mesure et de la gendarmerie, dans le cadre de l’état d’urgence : la plupart filent des frissons dans le dos (internement des fichés S, fouilles des véhicules et bagages sans consentement, contrôle d’identité sans justification) et nombre d’entre elles concernent Internet.

Etablie par la direction des libertés publiques et des affaires juridiques (DLPAJ), cette note interne du ministère de l’Intérieur, datée du 1er décembre, et révélée par nos confrères du Monde, évoque en effet la possibilité d’« interdire les connexions wifi libres et partagées » durant l’état d’urgence et carrément de supprimer « les connexions wifi publiques », sous peine de sanctions pénales !

 

Capture décran du site Lemonde.fr

Capture décran du site Lemonde.fr
 

Autre mesure dans les cartons :

« interdire et bloquer les communications des réseaux TOR en France“ 

Ce réseau informatique décentralisé et superposé ‘en oignons’ permet de naviguer anonymement sur Internet, à travers une connexion chiffrée.

Bernard Cazeneuve déclarait vendredi 4 décembre, en commentant l’accord européen sur la création d’un fichier de passagers aériens de l’UE :

‘Sur Internet, la lutte contre le terrorisme, la guerre contre le terrorisme, c’est une guerre totale qui implique que l’on utilise la totalité des outils dont on doit avoir la disposition.’

Il faudrait donc ratisser au plus large et ajouter un max d’outils à l’arsenal répressif pourtant déjà costaud. Cazeneuve a d’ailleurs aussi évoqué la loi Renseignement qui dote les forces de l’ordre ‘de techniques de renseignement permettant d’entrer dans les messages cryptés des terroristes de manière à être davantage en situation de prévenir les attentats qu’ils fomentent en utilisant ces moyens cryptés.’

Car le chiffrement, facile bouc émissaire des attentats, est aussi dans le viseur ; dans la liste de mesures figure :

‘Identifier les applications de VoIP [voix sur IP comme Skype, WhatsApp, ndlr] et obliger les éditeurs à fournir les clés de chiffrement’.

Aux services de messagerie d’ouvrir des ‘backdoors’, des portes dérobées pour que les agents du renseignement puissent venir mettre le nez dans certaines communications privées. On sait que l’appli Telegram, réputée la préférée des terroristes, a été tout de suite pointée du doigt après les attentats du 13 Novembre. Sans que rien n’atteste à ce jour que les auteurs de ces tueries ne soient des utilisateurs de cette appli de communication entièrement chiffrée.

 

 

Pas de wifi

Pas de wifi - Pixabay
 

Le n’importe quoi du wifi public interdit

On récapitule : plus de wifi public, plus de Tor et les messageries sur écoute à la demande. Adieu la vie privée ? Ces révélations ont fait réagir pas mal de monde, sur Twitter, dans le cercle des initiés et des entrepreneurs du numérique.

Beaucoup s’émeuvent de ‘délires liberticides’, voire d’être ‘en route vers la dictature numérique’. Un twitto relève :

‘Il est quand même question de criminaliser les réseaux wifi ouverts. Ça va loin dans le WTF’

Interrogée par Rue89, Adrienne Charmet-Alix, de l’association de défense des liberté en ligne La Quadrature du Net, se désole :

‘Ce n’est malheureusement pas très étonnant. Sur le chiffrement et Tor, on s’y attend depuis un an et demi. Sur le wifi public, là c’est n’importe quoi. Depuis Hadopi, il n’y a plus de wifi en total libre accès. Il faut s’identifier, au moins avec une adresse mail. Je ne vois pas en quoi ça peut faire diminuer le terrorisme.’

Interdire tous les réseaux wifi ouverts ou partagés ? Etonnant, alors que la France est justement la championne du monde de wifi avec plus de 13 millions de bornes publiques, selon l’étude du cabinet spécialisé Maravedis Rethink pour la société iPass.

 

Capture d'écran de l'étude WiFi Growth Map

Capture d’écran de l’étude WiFi Growth Map - iPass
 

On imagine la réaction d’enseignes comme Starbucks et McDo qui en ont fait un argumentaire commercial, ou même des fournisseurs d’accès Internet, comme Free, pionnier des réseaux communautaires proposant à ses abonnés d’ouvrir leurs Freebox (3 millions de hotspots FreeWifi). Certes, les opérateurs télécoms se diront peut-être qu’ils se rattraperont en dépassement des forfaits 3G ou 4G, mais a priori cela fera plutôt grogner la majorité de leurs clients.

Pierre Beyssac, cofondateur de Gandi.net, bureau d’enregistrement de noms de domaine, a ironisé sur Twitter :

‘Quand ils ont interdit le wifi gratuit, je n’ai rien dit, j’avais un abonnement 3G pas cher.’

Quid du wifi public des bibliothèques, de certains musées, utilisés à des fins pédagogiques ? Quid des hôtels ? Retour au câble de connexion pour tout le monde et exit smartphones et tablettes ?

Un autre twitto persifle :

‘Lorsqu’on n’aura plus le wifi nulle part, c’est sûr qu’on sera bien protégés des terroristes.’

La DLPAJ mettrait en avant la difficulté d’identification des personnes connectées à ces wifis publics ou partagés. Mais il existe sans doute d’autres méthodes que l’interdiction pure et simple qui sonne comme un retour à l’âge de pierre. Ça risque de grincer du côté des entreprise mais pas seulement : comment se lancer à fond dans le numérique avec de telles restrictions ? La fameuse ‘confiance dans le numérique’, souvent citée par Emmanuel Macron et Axelle Lemaire, risquent d’en prendre un sacré coup.

‘Vite, bloquons la Poste aussi !

Et ce d’autant plus que les éléments de l’enquête révélés à ce jour n’indiquent pas que les auteurs des attentats ont communiqué grâce à un quelconque wifi public. Ils se sont échangés de banals SMS.

La question de l’efficacité de ces mesures envisagées (ce sont des hypothèses de travail, paraît-il) se pose. Le journaliste des Echos, spécialiste des questions internationales, objecte :

 
 

1/2 Les lois orwelliennes en préparation/ (wifi gratuit interdit, Tor et backdoor ouvertes, etc) ont tout faux;tous spécialistes

 
 

2/2 savent que pb n'est pas collecter + d'infos, fuite en avant, mais analyser énorme masse d'infos DEJA disponible + coop inter services

L’interdiction de Tor soulève de son côté des problèmes techniques. Le gouvernement pourrait carrément pénaliser l’utilisation de Tor’ ou alors ‘s’attaquer aux associations qui hébergent des oignons’ [un des noeuds du réseau] de Tor”, avance Adrienne Charmet-Alix.

Tor d’abord et pourquoi pas ensuite les VPN, ces réseaux privés virtuels qui permettent de masquer l’adresse IP ? Mais là, le gouvernement risquerait vraiment d’empoisonner de nombreuses entreprises qui s’en servent pour sécuriser le télétravail. Tor n’a pas bonne presse partout : il est souvent cité par Interpol dans des affaires de pédopornographie et Wikipédia n’autorise pas l’édition de pages d’utilisateurs de Tor, après avoir subi du “vandalisme”. Comme tout outil il peut être utilisé par des personnes malintentionnées, ce qui ne veut pas dire que tous ses utilisateurs sont à ranger dans cette catégorie : on y compte aussi beaucoup de défenseurs des droits de l’homme, de jounalistes, etc.

L’interdiction de Tor ferait franchement mauvais genre : quels Etats ont bloqué Tor jusqu’ici ? LIran et la Chine. Il y a mieux comme modèle de respect des libertés publiques. Adrienne Charmet-Alix : 

“Ce serait taper complètement à côté. On se demande si c’est de la communication ou pour faire juste quelque chose. Le jour où on aura empêché un attentat en bloquant Tor je veux bien me raser la tête !

Bloquons la Poste aussi alors. Les réseaux terroristes des années 90 s’envoyaient des CD-Rom par courrier...”

 

 

Source : http://rue89.nouvelobs.com

 

 

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7 décembre 2015 1 07 /12 /décembre /2015 16:57

 

Source : https://blogs.mediapart.fr/noel-mamere/blog

 

 

Confusion !

 

 

Le premier tour des élections régionales est donc conforme aux résultats des élections européennes ainsi qu’au premier tour des élections municipales et départementales. Si on connait les deux grands vainqueurs, le Front national et le parti de l’abstention, les perdants sont nombreux : de la gauche de la gauche aux Républicains de Sarkozy, en passant par le PS.

Le premier tour des élections régionales est donc conforme aux résultats des élections européennes ainsi qu’au premier tour des élections municipales et départementales. Si on connait les deux grands  vainqueurs, le Front national et le parti de l’abstention, les perdants sont nombreux : de la gauche de la gauche aux Républicains de Sarkozy, en passant par le PS. Si ce dernier masque son recul et même sa disparition de plusieurs régions, en offrant une apparence de cohérence dans sa communication, il ne peut enrayer une décomposition politique et morale, qui débouche sur un comportement électoral de « Gremlins » l’entrainant dans l’abîme. Cette course au précipice est scandée par la double langue de bois des caciques du PS : le mollétisme de Cambadélis et l’autoritarisme  d’adjudant-chef de Manuel Valls.

 

Mais le jeu de dupes, qui consiste à refiler le mistigri de la responsabilité aux uns ou aux autres, est si voyant qu’il  ne parviendra pas à dédouaner les acteurs de ce tour de passe-passe. Cet enfumage ne permet en rien de dire que la vague « Bleu Marine » ne l’emportera pas dimanche prochain.  D’autant plus que pour nombre d’électeurs de gauche et écologistes, il faudra avoir le cœur bien accroché pour voter Bertrand en Nord-Pas-De-Calais-Picardie ou Estrosi en Paca.

 

Ce chamboulement met « Les Républicains » - dont le  patronyme est une insulte aux valeurs qu’il prétend incarner - au pied du mur. Ils  sont tombés dans le piège tendu par François Hollande. En pratiquant la triangulation sur la sécurité, après le massacre du 13 novembre, celui-ci est apparu, pour beaucoup d’électeurs de centre droit,  comme plus crédible que Sarkozy, qui s’agitait dans un bocal sans les moyens de sa politique. Une autre partie de l’électorat de l’ex-UMP a préféré l’original à la copie en allant directement rejoindre le Front national. Ce dernier est donc en passe de devenir le parti de l’alternance dans plusieurs régions et renforce sa banalisation, sans paradoxalement baisser la garde sur ses fondamentaux.

 

Car les derniers jours de la campagne ont montré que les filles Le Pen étaient bien les héritières de leur père et de leur grand père. Entre le refus des subventions au Planning familial et les envolées contre la djellaba, nous avons assisté à un festival réactionnaire et islamophobe sans précédent. Si les dirigeantes du Front se sont écartées de la pseudo diabolisation, c’est que, en politiciennes chevronnées, elles ont lu les sondages ; ils constataient que 50 % des Français éprouvent  non seulement un sentiment de haine envers  les djihado-fascistes ou les institutions qui ne les protègeraient pas, mais surtout contre « l’Autre », c‘est-à-dire celui qui ne leur ressemble pas. A commencer par le musulman. Nous sommes là - et c’est pourquoi la situation est si confuse - dans une dynamique de haine qui échappe à tout le monde et, en particulier, à une caste politique hors-sol.

 

C’est pourquoi Valls et Hollande ont pris une responsabilité très grave en hystérisant la politique. En s’attaquant aux soi-disant tabous de la gauche, comme la déchéance de nationalité, l’armement des policiers en dehors des heures de service,  en reprenant les propositions des Sarkozystes qui, eux-mêmes, puisaient leurs solutions dans le programme du FN, ils ont contribué à produire cette confusion. Ils jouent avec le feu en effaçant la question sociale par le traitement préférentiel de l’ordre et de l’identité, en prônant, avec Macron, un ordre social-libéral débridé et doublé d’autoritarisme, en organisant une gouvernance de la peur par la surenchère sécuritaire et l’état d’exception permanent… Ils gagnent peut-être sur le court-terme, mais brûlent les vaisseaux de la gauche pour l’avenir.

 

Ce qui est en jeu n’est donc pas seulement l’arrivée au pouvoir de l’extrême droite dans une ou deux régions de plusieurs millions d’habitants, mais le possible effondrement d’une Vème république à bout de souffle. Nous touchons du doigt les limites d’un système conçu pour le bipartisme, mais qui se révèle gros d’une tripartition que Michel Debré et le Général De Gaulle n’avaient pas prévu. Les bricolages du mode de scrutin auxquels se sont livrés leurs successeurs ont fini par se retourner contre eux. Et les mêmes ingrédients qui avaient entrainé la chute de la Quatrième République sont en train de produire la fin de l’alternancesans alternative du PS et de la droite.

 

La présidentielle de 2017 est plus que jamais la zone de tous les dangers. Pour la première fois, la stratégie du choc et de la tension, entretenue depuis des années par la gauche et la droite, risque de placer la présidente du Front en position d‘être au second tour, ce qui paraît probable, mais, peut-être présidentiable !

 

 «Le vieux monde se meurt, le nouveau tarde à apparaitre. Dans ce clair-obscur surgissent les monstres», écrivait le philosophe Antonio Gramsci dans ses cahiers de prison. Pour affronter l’un de ces monstres, le lepénisme, le nécessaire rassemblement de la gauche au deuxième tour ne suffira pas, encore moins les appels à l’unité nationale pour défendre des valeurs communes  avec le parti de Sarkozy, mais, pour sortir de notre entre soi suicidaire, il faudra créer dans l’urgence les conditions d’un choc de lucidité à gauche et chez les écologistes. En serons- nous capables ?

 

Noel Mamère

 

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Source : https://blogs.mediapart.fr/noel-mamere/blog

 

 

 

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7 décembre 2015 1 07 /12 /décembre /2015 16:39

 

Source : https://blogs.mediapart.fr/philippe-corcuff/blog

 

 

Extrême droitisation et crises des gauches

 

 

 

Après la nouvelle avancée du FN au 1er tour des élections régionales, un éclairage historique, sociologique et politique sur l’extrême droitisation en cours et sur ses rapports avec les crises des gauches…
 

Entretien avec Philippe Corcuff, paru sous le titre « La gauche radicale en pleine confusion » dans Siné Mensuel, n° 46, octobre 2015, publié pour la première fois sur internet ici et suivi d’un post-scriptum du 7 décembre 2015.

 

**********************************************

 

Sur les réfugiés, comme sur d’autres sujets qui traversent la société, les intellectuels sont bien silencieux. Vous parlez de désintellectualisation. Qu’est-ce que cela veut dire ?

Les intellectuels sont moins présents dans le paysage politique français pour plusieurs raisons. Premièrement, la gauche dominante s’intéresse plus aujourd’hui au showbiz pour ses estrades électorales qu’aux chercheurs pour ses réflexions. Deuxièmement, les cadres idéologiques comme le marxisme qui reliaient les intellectuels professionnels à l’engagement se sont effondrés. Troisièmement, le monde intellectuel sous l’angle de l’université et de la recherche est devenu beaucoup plus spécialisé. Il est plus à l’écart d’une globalisation des problèmes de la cité.

 

D’accord mais l’intellectuel est un citoyen tout de même…

Pour intervenir dans la cité, avoir une vision globale est nécessaire. Aujourd’hui, l’intellectuel professionnel apparaît éparpillé comme tout le monde dans des micro-créneaux, les vues d’ensemble s’effacent, l’action politique se segmente elle-même ou patine dans un brouillard épaissi.

 

 

 Autre disparue, la gauche de la gauche qui, d’après vous, perd tous ses repères…

La gauche radicale n’a pas su suppléer aux défaillances néolibérales du PS. Pire, les attentats de Charlie Hebdo et de l’Hyper Cacher ont été un révélateur de fortes confusions. Il y a ceux qui disaient qu’il fallait être laïc en pointant surtout du doigt l’islam. D’autres répondaient que la laïcité était un truc colonial menaçant principalement les musulmans. Il y avait ceux qui faisaient primer la lutte contre l’antisémitisme, d’autres contre l’islamophobie et d’autres encore contre les fondamentalismes islamistes. Ces divisions ont oublié la boussole historique de la gauche émancipatrice : la convergence des opprimés. Est-ce si difficile d’être laïc et antiraciste, de combattre l’islamophobie, l’antisémitisme et les fondamentalismes islamistes ? Avec l’embrouillamini de ces débats, la gauche radicale est partie en vrille. La Grèce a accéléré ce processus. J’ai vu sur internet des comparaisons délirantes entre la supposée attitude des « Allemands » en général vis-à-vis de la Grèce et Auschwitz. Bref une poussée de germanophobie avec des relents négationnistes ! Avant même ces dérapages, il y avait cette attente mythologique de « l’homme providentiel ». Tsípras était presque un dieu vivant et en quelques jours il est devenu un « salaud ». Qu’est-ce que cette gauche qui a besoin d’adorer des dieux humains et de cracher sur des « traîtres » à la place de l’implication dans des actions émancipatrices ? Et n’a-t-on pas enfin compris que la délégation de nos attentes à des professionnels de la politique n’a pas grand-chose à voir avec le projet démocratique ?

 

Vous avez fait un livre sur le retour des années 1930, Les années 30 reviennent et la gauche est dans le brouillard (éditions Textuel, 2014). Vous voyez l’Europe rebasculer dans le fascisme et le nazisme ?

Comme dans les années 30, l’extrême droite porte une solution nationaliste et xénophobe. Après la crise de 1929, il y a aussi eu des difficultés sociales et des problèmes de réfugiés. La construction antisémite du « problème juif » s’est présentée comme un dérivatif. Aujourd’hui, il y a la construction du « problème musulman », mais aussi du « problème rom », et on n’en a toujours pas fini avec « le problème juif »… Mais je ne crois pas que ce soit la même extrême droite. Si Marine Le Pen arrive au pouvoir, les camps d’extermination sont peu probables, mais de fortes régressions autoritaires et xénophobes, oui.

 

 

 De là à faire une analogie…

Il n’y a pas identité entre aujourd’hui et les années 1930, mais des ressemblances inquiétantes. Il y a actuellement une extrême-droitisation des esprits, une aimantation idéologique et politique par les thèmes de l’extrême droite. Même si le FN n’arrive jamais au pouvoir, il est d’ailleurs déjà au cœur de la politique partisane, de l’imaginaire politique et des politiques publiques telles qu’elles sont menées à droite et à gauche. On le voit dès qu’il s’agit des pratiques musulmanes (foulard, cantines scolaires, etc.), des Roms ou récemment avec les réfugiés.

 

Dans les années 1930, il y avait une confrontation avec une gauche puissante qui n’existe plus.

Il y a aujourd’hui des facteurs modérateurs et aggravants. Modérateurs ? Par exemple, l’extrême droite n’est pas militarisée comme hier. Mais le principal facteur aggravant, c’est l’état structurel d’affaiblissement militant et intellectuel des gauches et du syndicalisme. Or, après les émeutes fascisantes de février 1934, il y a eu le Front populaire.

 

Dans les années 1930, des gens comme Doriot passent de la gauche à l’extrême droite, mais là ce n’est pas encore arrivé…

Des gens comme Philippot ont sympathisé avec le chevènementisme avant de passer au FN. Un économiste qui se définissait comme de gauche et proche de Sapir, Philippe Murer, est conseiller de Marine Le Pen. Quant à Sapir, en envisageant la possibilité d’une alliance à terme avec le FN, il est la pointe la plus avancée des séductions nationales-étatistes au sein de la gauche radicale. Pour l’instant, on a des Doriot d’opérette, mais…

 

Une expression revient souvent dans votre livre : théories du complot. Les pensées conspirationnistes sont à la mode ?

La critique sociale classique s’est appuyée sur des concepts pensant des structures sociales enserrant nos existences comme le capitalisme. Pour Marx, le capitalisme, ce n’est pas les méchants riches qui essaient de piquer l’argent aux gentils pauvres. C’est une force impersonnelle qui contraint tout le monde. Le capitalisme, ce n’est pas James Bond, mais plutôt la machinerie de Matrix. Cette critique structurelle du capitalisme est en train de se perdre dans le grand public. Aujourd’hui, être critique pour beaucoup, c’est dénoncer des individus qui manipulent dans l’ombre.

Si on pense que le problème principal du capitalisme, c’est quelques riches ou quelques journalistes qui tirent les ficelles dans l’ombre, il suffit de s’en débarrasser pour que tout baigne...Une critique simpliste s’est ainsi développée. C’est même devenu l’un des principaux canaux de renaissance d’une extrême droite idéologique ; ce que j’appelle le néoconservatisme xénophobe, sexiste, homophobe et nationaliste, avec deux pôles, celui islamophobe et négrophobe de Zemmour et celui antisémite de Soral.

 

Dans votre livre, vous consacrez justement un chapitre à Soral et un autre à Zemmour. N’est-ce pas trop ? Ne vaut-il pas mieux les ignorer…

Le livre de Zemmour est à plus de 300 000 ventes ! Les vidéos de Soral peuvent dépasser le million de vues. Parmi les étudiants aujourd’hui, beaucoup connaissent Soral, ce qui n’est pas le cas pour les générations plus âgées qui, elles, via la télé connaissent bien Zemmour. Les égouts sont déversés vers divers types de publics.

C’est tout de même un paradoxe de voir qu’il y a beaucoup de choses en commun, pas pour les mêmes raisons, entre le Front de gauche et ce que dit Marine Le Pen.

L’extrême droite est en train de voler la critique à la gauche radicale. D’abord, à travers ses thèmes (la critique du néolibéralisme, de la mondialisation, des banques, des médias, etc.), mais encore plus insidieusement avec la posture du « politiquement incorrect ». Ce n’est plus le caractère factuellement démontrable d’une critique ou sa valeur de justice qui font sa supposée « vérité », mais qu’elle se pose contre le prétendu « politiquement correct ». Il suffit de faire de la provoc pour croire être dans le vrai. Les appuis émancipateurs de la critique sont en train de s’effilocher, et c’est ainsi que certains peuvent croire qu’être vraiment critique c’est être raciste, puisque l’antiracisme serait « politiquement correct »…

Les animateurs de la gauche radicale, souvent imbus de leur intelligence critique, ne semblent guère s’en rendre compte. Et parmi les sympathisants de cette gauche de la gauche, l’importance prise par la critique du « politiquement correct » à la place de la critique sociale émancipatrice ou l’attrait des explications conspirationnistes laissent ouvert un boulevard aux récupérations par l’extrême droite.

 

Comment analysez-vous les succès du FN ?

La montée du FN trouve une de ses sources principales dans la compétition entre deux manières de se représenter la société. Ce que j’appelle le clivage de la justice sociale, fondé sur la production et la répartition des ressources, et le clivage national-racial, le FN jouant de l’ambiguïté entre le référent national et le référent ethnico-racial. Le clivage national-racial a commencé à grimper au début des années 80 sur le recul du clivage de la justice sociale, avec notamment la décomposition du parti communiste, le recul de la CGT, la désyndicalisation et la dérive néolibérale du PS. Par contre, lors des grèves et manifestations de 1995, le clivage de justice sociale a repris des couleurs au détriment du clivage national-racial. Depuis, le FN tient un discours national-social, pour lequel la solution sociale passe par la nation dans une lecture xénophobe.

 

Vous pensez que la droitisation du PS est responsable de la montée en puissance du FN et, par ailleurs, vous dites que s'en prendre au virage social-libéral du PS ne suffit pas…

L’abandon néolibéral du social par le PS a permis le développement du clivage national-racial. Mais il y a d'autres facteurs, dont l'effondrement du courant stalinien qui a laissé un énorme espace vide. En même temps, il y a une responsabilité morale importante du sarkozysme. Sarkozy a pris la tête du brouillage idéologique, en contribuant à installer plus durablement l’aimantation idéologique et politique par l’extrême droite. Dans ce processus d’extrême droitisation, les gouvernants du PS vont essayer de courir derrière le sarkozysme, lui-même courant derrière le FN. Nous sommes au-delà de la « social-libéralisation », nous entrons dans un contexte politique où l’extrême droitisation est devenue une des données cardinales. Par ailleurs, il y a une autre responsabilité : celle des organisations politiques de la gauche radicale (NPA, Front de gauche et Nouvelle Donne), incapables de construire une alternative depuis 1995. Ils ont eu vingt ans, nous avons eu vingt ans pour le faire, quand même !

 

Vous avez des solutions face à ce foutoir ?

Dans un livre qui paraît ce mois-ci, Enjeux libertaires pour le XXIe siècle par un anarchiste néophyte (Editions du Monde libertaire), j’essaye de dessiner un anarchisme pragmatique, deux mots qui ne vont pas souvent ensemble ! Je n’ai pas de solutions clés en main à proposer, car c’est aux gens à bâtir individuellement et collectivement leurs solutions. Dans une perspective démocratique et libertaire, je ne peux que mettre à disposition des pistes méthodologiques, afin d’aider à formuler les problèmes. Quelques-unes de ces pistes ? Elargir la question sociale à la variété des inégalités et des discriminations (de classe, de genre, racistes, etc.), redonner une actualité à la double visée d’autogouvernement des individus et d’autogouvernement des peuples contre la professionnalisation politique, relancer un internationalisme par le bas…

 

Propos recueillis par la rédaction de Siné Mensuel

 

Le questionnaire de Siné Mensuel

 

Votre livre préféré :

De la certitude de Ludwig Wittgenstein.

Votre chanson préférée :

Pauvre baby doll d’Eddy Mitchell, mon chanteur français de cœur.

Quel métier vouliez-vous faire, enfant ?

Guérillero en Amérique latine comme, jadis, Régis Debray.

Votre insulte préférée :

Fais chier !

Votre animal préféré :

L’hippopotame.

Si vous deviez passer une soirée inoubliable avec quelqu’un :

Rosa Luxemburg.

 

* Post-scriptum du 7 décembre 2015 : Le 1er tour des élections régionales du 6 décembre 2015 a vu une nouvelle avancée du Front national. Ce qui était analysé en octobre dans l’entretien ci-dessus à Siné Mensuel s’est prolongé avec des aggravations dans le contexte post-attentats du 13 novembre. Á cette occasion, l’aimantation par des thèmes portés au départ par l’extrême droite a encore plus nettement affecté la gauche sociale-libérale au gouvernement : recul des libertés individuelles et collectives avec l’état d’urgence, en voie de constitutionnalisation, et augmentation des possibilités de déchéance de nationalité, affaiblissant les logiques les plus républicaines en matière de nationalité française. Au-delà, la concurrence autour d’un sécuritaire ethnicisé fait de plus en plus rage entre extrême droite, droite sarkozyste et gauche hollando-vallsienne. Le Parti socialiste n’avait pas atteint un tel niveau de décomposition morale, de dérive politique et de léthargie intellectuelle depuis l’époque où Guy Mollet présidait le Conseil au cours de la guerre coloniale en Algérie. La gauche radicale de 1995, presque paralysée et en voie d’auto-marginalisation, apparaît de moins en moins comme une alternative possible, écartelée entre ceux qui n’ont pas combattu l’état d’urgence à l’Assemblée nationale et au Sénat (en votant pour ou en s’abstenant dans le cas de tous les élus du Front de gauche) et ceux dont les langues de bois gauchistes ripent de plus en plus sur les secteurs de la population auxquels elles s’adressent (en particulier ceux qui mettent en avant des valeurs multiculturelles, et qui se sont particulièrement exprimés dans le mouvement « Je suis Charlie » et dans ce qui a été appelé « la génération Bataclan »). Dans ce contexte post-attentats, la suspicion vis-à-vis de ceux qui sont identifiés comme « musulmans » s’est accrue, autorisant davantage d’agressions islamophobes isolées comme plus largement des votes aux justifications xénophobes. Par contre, la logique ultra-sécuritaire privilégiée par les sommets de l’État a rendu difficile le nécessaire développement d’une auto-organisation démocratique contre les menaces réelles venant de fondamentalismes islamistes. Dans une conjoncture si périlleuse, des mobilisations et des expérimentations citoyennes, sociales, multiculturelles, antiracistes, libertaires, internationalistes, pragmatiques et convergentes sont plus que jamais à l’ordre du jour.

 

 

 

Quelques publications récentes pour alimenter éventuellement une boussole dans une période particulièrement confuse

 

* « Les chevaliers Jedi de la sociologie », par Philippe Corcuff, paru sur Le Huffington Post, dans le cadre du festival international des idées dans la région Rhône-Alpes Mode d’emploi (16-29 novembre 2015), 19 novembre  2015 [texte rédigé avant les attentats du 13 novembre], http://www.huffingtonpost.fr/philippe-corcuff/les-chevaliers-jedi-de-la-sociologie_b_8589456.html

 

* N° 8, automne 2015 de la revue éditée à l'initiative du Conseil Scientifique d'Attac Les Possibles, avec un dossier sur « Questions stratégiques après le coup d'État contre la Grèce », introduit par Jean Tosti et Jean-Marie Harribey, avec les contributions de Gabriel Colettis, Jonathan Marie, Bruno Théret, Pierre Khalfa et Thomas Coutrot, Jean-Marie Harribey, Peter Wahl, Felipe Van Keirsbilck, Claude Calame, Janette Habel, Catherine Samary, Gustave Massiah, Etienne Balibar, Philippe Corcuff et de Samy Johsua, https://france.attac.org/nos-publications/les-possibles/numero-8-automne-2015/

 

Voir notamment Philippe Corcuff, « Attac et les mouvements sociaux émancipateurs : redéfinir les repères stratégiques après la Grèce », https://france.attac.org/nos-publications/les-possibles/numero-8-automne-2015/debats/article/attac-et-les-mouvements-sociaux-emancipateurs-redefinir-les-reperes [version développée d'un texte plus court paru initialement sur Mediapart le 26 août 2015, incluant notamment en plus quelques éléments critiques sur le dernier livre de Frédéric Lordon, Imperium, La Fabrique, septembre 2015, ainsi que des réflexions sur la place renouvelée de la figure de « penseurs providentiels » dans une conjoncture de plus grande délégitimation des organisations]

 

* Introduction du livre Enjeux libertaires pour le XXIe siècle par un anarchiste néophyte de Philippe Corcuff (Editions du Monde libertaire, octobre 2015) disponible en ligne sur le site libertaire Grand Angle, 4 novembre 2015, http://www.grand-angle-libertaire.net/enjeux-libertaires-pour-le-xxie-siecle-par-un-anarchiste-neophyte-philippe-corcuff/

 

* Dossier « Pour un dialogue épistémologique entre sociologues marocains et sociologues français », coordonné par Philippe Corcuff et Ben Mohamed Kostani pour la revue en ligne SociologieS (Association Internationale des Sociologues de Langue Française), avec les contributions de Philippe Corcuff, Mohamed Faoubar, Bertrand Geay, Ben MohamedKostani, Lilian Mathieu, Abdelmalek Ouard, Grazia Scarfò Ghellab et François de Singly, 2 novembre 2015, sommaire : http://sociologies.revues.org/5138

 

Voir notamment :

- Philippe Corcuff et Ben Mohamed Kostani : « Pour un dialogue épistémologique entre sociologues marocains et sociologues français. Introduction du Dossier », http://sociologies.revues.org/5139

- Philippe Corcuff : « Antinomies et analogies comme outils transversaux en sociologie : en partant de Proudhon et de Passeron », http://sociologies.revues.org/5154

 

* Sous la direction de Jean Birnbaum, Qui tient la promesse ?, avec les contributions de Rachid Benzine, Alain Boyer, Philippe Corcuff, Monique Dixsaut, Arnaud Esquerre, Marie Gil, Hervé Guillemain, Delphine Horvilleur, Jean-Luc Marion, Michela Marzano, Jean-Luc Nancy, André Orléan et de Véronique Ovaldé, Paris, Gallimard, collection « Folio Essais », novembre 2015, 192 p., 6,40 euros, http://www.gallimard.fr/Catalogue/GALLIMARD/Folio/Folio-essais/Qui-tient-promesse [Actes du 26e Forum Philo Le Monde Le Mans de novembre 2014]

 

Dont la contribution de Philippe Corcuff, « La promesse d'émancipation et "le côté obscur de la force" dans la France d'aujourd'hui »

 

* « Les séries, politique fiction », revue Quaderni (Les éditions de la Maison des sciences de l'homme), n° 88, automne 2015, 142 p., 16 euros, peut être commandé en ligne : http://www.editions-msh.fr/livre/?GCOI=27351100378250

Coordonné par Antoine Faure et Emmanuel Taïeb

 

Sommaire du dossier :

Antoine Faure et Emmanuel Taïeb, « Avant-propos. Les "esthétiques narratives" : l'autre réel des séries »

Philippe Corcuff, « Jeux de langage du noir : roman, cinéma et séries »

Sabine Chalvon-Demersay, « Pour une responsabilité politique des héros de séries télévisées »

Mehdi Achouche, « Battlestar Galactica et la politique-fiction américaine »

Emmanuel Taïeb, “House of Cards. Qu'est-ce qu'un coup politique fictionnel ? »

Carlos Ossa, « Le prince des images. Télévision et réconciliation politique »

Pierre-Olivier Garcia et Sébastien Leroux, « Mobiliser la série The Wire en géographes : retour sur une expérience pédagogique »

Le Club est l'espace de libre expression des abonnés de Mediapart. Ses contenus n'engagent pas la rédaction.

 

 

Source : https://blogs.mediapart.fr/philippe-corcuff/blog

 

 

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7 décembre 2015 1 07 /12 /décembre /2015 16:24

 

Source : http://arretsurinfo.ch

 

 

Elections régionales : Les médias subventionnés et les élites «choquées» affichent leur mobilisation de classe contre les classes populaires

Par Guillaume Borel | 07.12.2015

 

 

Alors qu’au lendemain du premier tour des élections régionales, le Front National de Marine Le Pen est officiellement devenu le premier parti de France en totalisant 28 % des suffrages exprimés devant Les Républicains, 27 %,  et le Parti socialiste, 23,5 %, la presse subventionnée est scandalisée et tient à le faire savoir à ces lecteurs.

Dans Libération, Laurent Joffrin donne le ton en dégainant un éditorial intitulé « Ennemi », flanqué d’un article dont le titre sensationnel occupe la moitié supérieure de la page : « FN premier péril de France » :

 

france - elections 1

Le quotidien ne fournit cependant aucune explication au succès du Parti de Mme Le Pen, il est vrai qu’il aurait fallu pour cela que la rédaction se donne la peine de produire une analyse de la politique menée par la majorité au pouvoir, dont le scrutin de dimanche constitue un rejet sans appel. Cette démarche journalistique semble aujourd’hui impossible au sein du journal Libération tant la défaite du parti socialiste et de ses idées est également celle de la rédaction de Libération qui défend, depuis le traité de Maastricht, l’idéologie euro-libérale des classes dominantes. C’est précisément sur ces questions que le Front National s’inscrit en opposition contre l’ensemble de l’espace politique et médiatique subventionné en se prononçant pour une sortie de l’espace Schengen et pour une renégociation des traités européens dans le sens d’un retour à la souveraineté nationale. Le parti est également favorable à un abandon de l’euro, dont l’adoption s’est accompagnée de la mise en place de mécanismes d’austérité budgétaire contraignants, comme le pacte budgétaire européen (TSCG).

La rédaction de Libération, se trouve donc dans l’incapacité de penser l’impensé des élites au pouvoir, à savoir qu’une couche de plus en plus importante de la population puisse rejeter le système idéologique dominant, présenté par l’ensemble de la classe politique et des médias de masse subventionnés comme le seul « raisonnable ». L’ascension du parti Frontiste réveille l’éternel cauchemar des classes dominantes que constitue l’émergence d’une force de contestation populaire en mesure de remettre en cause ses intérêts.

Ce n’est ainsi pas un hasard si, la semaine précédant les élections régionales, le représentant du patronat français Pierre Gattaz avait mis en garde contre « le programme économique » du Front National en le qualifiant notamment « d’irresponsable » et en le comparant au programme commun de la gauche de 1981. Ainsi lorsqu’il affirme : « Extrême droite, extrême gauche, c’est la même chose: Mélenchon-Le Pen, même combat. » M Gattaz ne donne pas autre chose à entendre que les intérêts et les oppositions de classe de la classe dominante face au danger que représente toute force politique représentant les classes populaires, qu’elle soit issue de l’extrême gauche ou de l’extrême droite de l’échiquier politique.

Les élites considèrent en effet traditionnellement le peuple et ses représentants comme une masse manipulée guidée par ses seules intérêts et ses passions, incapable d’agir de manière rationnelle dans l’optique d’un « bien commun » dont elles se considèrent comme les seules dépositaires et représentants légitimes.

Le quotidien Libération exprime parfaitement ce préjugé de classe lorsqu’il conclu son dossier sur le premier tour des élections régionales : « Répétition générale pour une France malade » :

 

france elections 2

 

C’est ainsi tout le système médiatique subventionné par le pouvoir politique – et qui partage les mêmes intérêts de classe – qui se trouve « choqué » par l’irruption de « l’irrationalité » et de la « folie » populaire, qui ne peuvent qu’être le fait de la « maladie » comme le souligne Libération, et non la traduction politique de l’opposition des intérêts de classe.

La campagne précédent les élections avait déjà montré les signes de la divergence de classe opposant le parti frontiste à la presse, à travers la polémique ayant opposé Marine Le Pen et le journal régional La Voix du Nord qui s’était engagé dans la campagne politique en titrant : « Pourquoi une victoire du FN nous inquiète. »

La présidente du Front National avait réagi en dénonçant un « tract du Parti Socialiste » et le système des aides à la presse qui constitue une forme de mise sous tutelle des médias vis à vis du pouvoir politique. La Voix du Nord a ainsi touché plus de 2,4 millions d’euros de subventions en 2013 pour un total d’aides à la presse de plus de 430 millions d’euros.

Le « choc » ressenti par la presse française face à la montée du Front National tient donc tout autant de la divergence idéologique de classe qui la sépare des classes moyennes et populaires, qui constituent le socle de l’électorat frontiste, que de ses intérêts spécifiques liés notamment au système d’aides publiques.

Le programme du Front National prévoit ainsi l’interdiction pour un groupe privé bénéficiaire de contrats publics d’être propriétaire d’un groupe de presse, disposition qui concernerait particulièrement le journal Le Figaro, propriété du groupe Dassault. Plus généralement, le système d’aides à la presse serait revu et « les subventions seront plus liées qu’aujourd’hui aux recettes propres, les structures subventionnées devront prouver qu’elles touchent un public important. »

De quoi en effet susciter l’inquiétude de nombreux titres de presse qui sont les principaux bénéficiaires du système d’aides actuelles malgré la baisse significative de leur lectorat, comme c’est le cas par exemple du journal Libération et du Nouvel Observateur qui ont touché en 2013 9,8 et 8,2 millions d’euros de subventions pour seulement 32 et 26 millions d’exemplaires diffusés. A titre de comparaison, le journal Le Parisien a touché pour la même année un peu moins de 4 millions d’aides soit deux fois moins, pour une diffusion supérieure à 88 millions d’exemplaires, soit trois fois plus que le Nouvel Observateur…

C’est donc selon la logique de leurs intérêts corporatistes – aussi bien que ceux de leurs propriétaires et de la classe dominante à laquelle ils appartiennent et dont ils partagent et diffusent l’idéologie – qu’une grande partie de la presse a titré au lendemain du premier tour des élections régionales sur le « choc » ressenti, traduisant en cela ses intérêts et sa mobilisation de classe.

Le journal L’Humanité et Le Figaro ont partagé ce jour-là le même titre, affichant ainsi, au-delà des clivages qui structurent le champ politique considéré comme légitime, la même appartenance de classe et le corporatisme de la presse française …

 

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Par Guillaume Borel | 07.12.2015

 

Le contenu de cet article n’engage que son auteur.

 

Source: http://arretsurinfo.ch/elections-regionales-les-medias-subventionnes-et-les-elites-choquees-affichent-leur-mobilisation-de-classe/

 

 

Source : http://arretsurinfo.ch

 

 

 

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7 décembre 2015 1 07 /12 /décembre /2015 16:06

 

Source : http://arretsurinfo.ch

 

 

Référendum danois: le silence des journaux

 
 
 

Le référendum qui s’est tenu au Danemark le jeudi 3 décembre, et qui a vu la victoire du « non » et des eurosceptiques, continue de soulever des interrogations multiples. La première concerne le faible retentissement médiatique de ce référendum. Assurément, nous sommes en campagne électorale en France. Mais, ce quasi-silence des médias est un objet d’étude à lui tout seul. La seconde interrogation porte sur le sens qu’il convient de donner à ce référendum. On voit bien que, dans les rares commentaires à son sujet on parle de « questions techniques ». Techniques, elles l’étaient assurément. Mais il faut être bien naïf, ou bien de mauvaise fois, pour ne pas se rendre compte que, derrière cette dimension « technique » la véritable question portait sur le processus d’intégration européenne.

 

Le silence des journaux

Un simple test le prouve. Une demande de recherche sur Google actualités ne produit que 170 résultats, dont certains ne concernent pas les médias français. Dans une liste d’environ 150 références des médias français, on trouve une très large part d’articles qui ne sont que des reprises, soit in extenso soit partielle de l’article publié le 3 décembre au soir par l’AFP. La différence avec la presse anglo-saxonne ici saute aux yeux.

Certes, ce n’est pas la première fois que la presse française se comporte de manière plus que désinvolte vis-à-vis d’événements survenant dans un « petit » pays. Cette arrogance de « grande nation » qui ressort spontanément et en dépit de discours pourtant ouvertement européistes n’est pas la moindre des choses qui m’insupportent dans les comportements des journalistes français. A cet égard, il est intéressant de lire les commentaires dans les journaux belges (Le Soir ou La Libre Belgique) ou dans les quotidiens suisses francophones. Ils sont souvent de meilleures qualités que ce que l’on peut lire dans une presse française qui se révèle à la fois partiale et surfaite. Mais, cette arrogance n’est sans doute pas la cause première de ce silence.

Ce relatif silence de la presse française traduit, et trahit, une gêne devant le résultat. Les danois, peuple européens, ont rejeté une proposition de plus grande intégration dans le cadre de l’Union européenne. Ils l’ont rejeté de manière très claire, ce qui a été reconnu par le gouvernement danois. Ils l’ont rejeté aussi dans une alliance entre l’extrême-gauche (et la gauche dite « radicale ») et le parti populiste et souverainiste danois le DPP. On constate une nouvelle fois que, quand peuvent se retrouver sur un terrain commun, des souverainistes de gauche et de droite ont une large majorité. Et ceci gêne sans doute autant, voire plus, les éditorialistes à gages de notre presse nationale. Cela pourrait donner des idées au bon peuple de France. Voici donc une autre raison de ce silence relatif, et il faut le dire bien intéressé. Ce référendum porte en lui une critique de l’européisme. C’est pourquoi il convient de faire silence dessus. Ah, elle est belle la presse libre en France ; elle est belle mais elle est surtout silencieuse quand il convient à ses propriétaires…

 

Une question technique ?

Dans les rares articles que les journaux, ou les autres médias français, consacrent aux résultats de ce référendum, on pointe avant tout la nature « technique » de la question posée : fallait-il remettre en cause les clauses dites « d’opting-out » négociées par le Danemark avec l’Union européenne pour permettre une meilleure coopération policière entre ce pays et les instances policières européennes (Europol pour les nommer). Mais, si l’énoncé de la question était assurément technique, il faut beaucoup d’aveuglement, bien de la cécité volontaire, pour ne pas voir que la réponse apportée par les danois fut avant tout politique.

Il convient ici de rappeler que ce référendum a connu une forte participation. Près de 72% des électeurs danois se sont déplacés pour voter, ce qui constitue un record dans des référendums portant sur l’Europe pour le Danemark. C’est bien la preuve que les danois ont compris que, derrière une apparence technique, la question était bien avant tout politique. D’ailleurs, cette dimension politique ressortait bien de la campagne qui se déroula avant ce référendum. Les questions de la suspension des accords de Schengen, de l’intégration européenne, des coopérations multiples, furent en réalité largement débattues.

Cette réponse donc politique que les électeurs danois ont apporté, elle a un sens très net : celui d’un refus de toute nouvelle intégration européenne. Face à des questions essentielles, comme celles concernant la sécurité, les danois ont clairement opté pour le maintien de leur souveraineté et le refus pour une plus grande intégration. Leur réponse traduit le profond désenchantement auquel on assiste quant à la construction européenne. Que ce soit dans le domaine de l’économie ou dans celui de la sécurité, que ce soit sur l’Euro ou les contrôles aux frontières, c’est bien à un échec patent de l’intégration que l’on est confronté. Or, la réponse des européistes à cet échec n’est pas de s’interroger sur ses causes mais de demander, encore et toujours, plus d’intégration. En fait, l’intégration européenne est devenue un dogme, une religion. Et celle-ci n’admet aucune critique, ne souffre aucune contradiction. C’est pourquoi les dirigeants poussent à une surenchère mortelle. Mais, c’est aussi pourquoi les peuples, qui bien souvent ne sont pas dupes d’un discours trop formaté pour être honnête, refusent justement cette surenchère et exigent qu’un bilan honnête et objectif de cette intégration soit fait.

 

L’heure des bilans

Ces bilans vont se multiplier, que les dirigeants le veuillent ou non. La Grande-Bretagne votera sur son appartenance à l’Union européenne en 2016 et, n’en doutons pas, on y suit de très près les implications du référendum danois. On votera sans doute sur la question de l’Euro en Finlande, en 2016 ou en 2017. Ce vote aura aussi une importante signification. Mais, surtout, c’est dans sa pratique au jour le jour que l’Union européenne sera confrontée à cette demande de bilan.

Car, il est clair que le trop fameux « pragmatisme » européen a engendré des monstres, qu’il s’agisse de l’Eurogroupe, club dépourvu d’existence légale et qui pourtant pèse d’une poids énorme comme on l’a vu lors de la crise grecque de l’été 2015, ou qu’il s’agisse des abus de pouvoir que commet désormais chaque semaine la Commission européenne. On se souvient des déclarations de Jean-Claude Juncker à l’occasion de l’élection grecque de janvier dernier[1]. Leur caractère inouï fut largement débattu. Un autre exemple réside dans la manière dont ces institutions européennes négocient, dans le plus grand secret, le fameux « Traité Transatlantique » ou TAFTA qui aboutira à déshabiller encore plus les Etats et la souveraineté populaire qui s’y exprime. Le comportement de l’Union Européenne tout comme celui des institutions de la zone Euro appellent une réaction d’ensemble parce qu’elles contestent cette liberté qu’est la souveraineté[2].

Il est plus que temps de dresser le bilan de ces actes, d’évaluer la politique poursuivie par les institutions européennes et leurs diverses affidés, de gauche comme de droite, en Europe. On peut comprendre, à voir l’importance de l’investissement politique et symbolique qu’ils ont consenti, que les dirigeants européistes voient avec une certaine angoisse s’avancer l’heure où ils devront rendre des comptes. Mais, à recourir à de quasi-censure, à des méthodes ouvertement anti-démocratiques pour en retarder le moment ils risquent bien de finir par voir leurs tête orner le bout d’un pique.

 
 Notes

[1] Jean-Jacques Mevel in Le Figaro, le 29 janvier 2015, Jean-Claude Juncker : « la Grèce doit respecter l’Europe ».http://www.lefigaro.fr/international/2015/01/28/01003-20150128ARTFIG00490-jean-claude-juncker-la-grece-doit-respecter-l-europe.php Ses déclarations sont largement reprises dans l’hebdomadaire Politis, consultable en ligne :http://www.politis.fr/Juncker-dit-non-a-la-Grece-et,29890.html

[2] Evans-Pritchards A., « European ‘alliance of national liberation fronts’ emerges to avenge Greek defeat », The Telegraph, 29 juillet 2015,http://www.telegraph.co.uk/finance/economics/11768134/European-allince-of-national-liberation-fronts-emerges-to-avenge-Greek-defeat.html

***

Le “Non” danois à l’Europe

Le mercredi 3 décembre se tenait, dans la plus grande discrétion de la presse française, un référendum au Danemark portant sur une plus grande intégration à l’Union européenne. Le vote a été sans appel : le « Non » l’a emporté avec 53% des suffrages exprimés[1]. Il faut aussi noter l’importante participation, environ 72% des électeurs ont voté, qui fait de ce référendum le plus important dans l’histoire des différends votes concernant l’UE au Danemark. Le relatif silence de la presse française est à noter ici, mélange de mépris pour ce qui se passe dans un « petit » pays et de gêne quant au résultat qui dérange, et c’est peu dire, les opinions européistes de maints commentateurs.

L’objet du référendum était de savoir si les danois acceptaient de renoncer aux différentes exemptions qu’ils avaient obtenues, à la suite de précédentes consultations référendaires, aux règles de l’Union européennes. Dans le langage technique dont raffole la bureaucratie bruxelloise cela s’appelle des clauses « d’opting out ». Le gouvernement libéral qui dirige actuellement le Danemark tout comme l’opposition social-démocrate avaient fait campagne pour le « Oui ». Ils ont donc été désavoués. La campagne du « Non » était portée par une alliance de la gauche radicale et du parti populiste et souverainiste, le DPP[2]. Tout comme lors du référendum de 2005 en France sur le projet de Constitution européenne, c’est cette alliance qui a triomphé.

Pourtant, tant le parti au pouvoir que l’opposition européistes n’avaient pas hésiter à jouer de la carte de la peur pour influencer les électeurs, allant jusqu’à prétendre qu’un succès du « non » remettrait en cause remettrait en cause la coopération policière avec les autres pays de l’UE. Cet argument était particulièrement stupide quand on sait que l’UE, et son instrument Europol, collabore avec des pays comme la Suisse et la Norvège qui ne font pas partie de l’UE ! Tout comme en France, la carte de la peur n’a pas joué.

Le sens de ce référendum est clair. C’est une nouvelle victoire pour le courant souverainiste er eurosceptique en Europe. Cette victoire témoigne de l’épuisement de l’idée européenne dans les opinions publiques et de la faillite du projet d’intégration renforcée que portent les européistes que ce soit à Bruxelles ou à Paris. Avec le projet de futur référendum sur l’Euro qui pourrait se tenir en Finlande en 2016 ou 2017, c’est aussi le signe très nets que les peuples des pays de l’UE rejettent cette idée d’intégration renforcée et de pseudo-fédéralisme que portent les partisans de l’Euro. Les gouvernements feraient bien d’en tenir compte. Ce référendum, le premier vote qui survient dans un pays de l’UE depuis que la crise des réfugiés a fait exploser les contradictions de la construction européenne, signale très certainement la fin d’une époque. L’intégration européenne ne fait plus rêver. Au contraire, elle fait peur. Les populations constatent que les mécanismes d’intégration, dont ben entendu l’Euro, n’ont jamais produits les effets bénéfiques qui leurs étaient attribués et ont même détérioré l situation.

Par ailleurs, c’est aussi une victoire qui aura certainement une influence sur le futur référendum qui doit se tenir en 2016 en Grande-Bretagne sur une possible sortie de ce pays de l’UE. De ce point de vue aussi, ce référendum danois annonce des tournants majeurs dans l’histoire de la construction européenne. Et c’est probablement ce qui gêne tant les divers commentateurs français qui, sauf la reprise du communiqué de l’AFP, se tiennent pour l’heure dans un silence qui en dit long sur ce qu’ils pensent…

[1] Milne R., « Danish referendum rejects further EU integration », The Financial Time, 3 décembre 2015,http://www.ft.com/intl/cms/s/0/3cfbeb8c-9a05-11e5-9228-87e603d47bdc.html#axzz3tKNccVIJ

[2] Orange R., « Denmark delivers snub to Brussels with ‘no’ in EU rules referendum », in The Telegraph, 3 décembre 2015,http://www.telegraph.co.uk/news/worldnews/europe/denmark/1203202-Denmark-delivers-Snub-to-Brussels-withno-to-EU-rules-referendum.html?utm_source=dlvr.it&utm_medium=twitter

Source: http://russeurope.hypotheses.org/4530

 

 

Source : http://arretsurinfo.ch

 

 

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7 décembre 2015 1 07 /12 /décembre /2015 15:46

 

Source : http://partage-le.com

 

Des Rockefeller à Naomi Klein : nos amies les ONG?
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Donc, aujourd’hui, à Montreuil, au village des alternatives, Action non-violente COP21, Attac France, Bizi ! et Les Amis de la Terre organisent le « Sommet des 196 chaises », où l’organisation 350.org, et l’organisation Tax Justice Network, seront également présentes.

 

Attac, subventionnée (à titre d’exemple, voici ce qu’ATTAC a obtenu pour la préparation du « Forum Social Européen » du 12 au 15 novembre 2003 à Saint-Denis : 2 500 000 € d’aides indirectes en locaux et moyens matériels ; 2 330 000 € de subventions directes, dont 1 000 000 € de la Ville de Paris ; 480 000 € en provenance des Conseils généraux ; 250 000 € de Matignon ; 250 000 € de la part du Quai d’Orsay et 300 000 € du Conseil régional Ile-de-France. Par ailleurs, ATTAC reçoit chaque année environ 100 000 € de subvention de fonctionnement.).

 

350.org, subventionnée (plus de 100 dons depuis 2005, de la part de 50 généreuses fondations, pour un montant de 10 millions de dollars, avec 6 dons de plus d’1 million, plus de la moitié de ces 10 millions provient du Rockefeller Brothers Fund (RBF), du Rockefeller Family Fund et du Schumann Center for Media and Democracy).

 

Etc., encore une fois, les ONGs ne sont pas toutes contre-productives et leurs militants sont probablement de bonne volonté, mais encore une fois, il faut aussi se méfier, les engagements de 350 (Bill McKibben et Naomi Klein) relèvent du capitalisme vert, de l’écologie « main dans la main » avec les corporations et les gouvernements. Quelle est le sens d’une écologie pensée « main dans la main » avec VINCI, SUEZ, VEOLIA, MONSANTO, etc?

 

Ci-dessous, Susan Rockefeller, qui a co-produit le documentaire « tout peut changer » de Naomi Klein, & Naomi Klein qui pose avec Angel Gurria, actuellement Secrétaire général de l’Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE), avec son fameux livre révolutionnaire et anticapitaliste (soi-disant).

 

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Dans une interview, David Rockefeller (le mari de Susan) explique que :

[…] L’énergie sera toujours un levier économique. Si mon grand-père était vivant aujourd’hui, il aurait très certainement exploré l’univers très prometteur des énergies renouvelables et recherché à améliorer l’impact négatif du pétrole et du gaz.

Il aurait lié des partenariats avec Bill Gates aujourd’hui, par exemple, sur certains projets, comme nous le faisons aujourd’hui en Afrique avec lui sur les semences. […]

Mais également que:

[…] Nous sommes aux côtes de Bill Gates dans ce domaine. Un projet qui permet aux agriculteurs locaux de cultiver pour eux, mais également d’exporter. La semence devenant pour eux une valeur économique.

Parmi les projets dont il parle, on retrouve l’AGRA (Alliance for a Green Revolution in Africa – Alliance pour une révolution verte en Afrique), un nouveau programme mis en place par la fondation Gates & la fondation Rockefeller, entre autres.

Pour en savoir plus sur cette « nouvelle révolution verte », et ses conséquences désastreuses, lire cet article assez complet, dont voici des extraits:

L’AGRA déclare que son principal objectif est d’aider l’Afrique à accroître sa productivité pour un certain nombre de plantes alimentaires majeures, tout comme cela avait été envisagé par les programmes initiaux de la révolution verte.[3] Et une fois de pus, cela est censé se faire via la sélection végétale de type occidental dans les instituts nationaux de recherche agricole. La différence étant que cette fois-ci une nouvelle fournée de sélectionneurs de plantes sera formée en Afrique même, au lieu d’être formée dans les université du Nord, mais l’université de Cornell, la principale institution des premiers programmes de la révolution verte, sera cependant là pour superviser la formation. (…)

L’une des premières étapes de l’AGRA cependant est de créer un réseau de « fournisseurs en agroalimentaire », pour vendre les semences, les pesticides et les engrais. L’AGRA a déjà recruté une ONG étasunienne appelée Citizens’Network for Foreign Affairs (Réseau de citoyens pour les affaires étrangères) pour effectuer ce travail au Kenya, en Tanzanie et au Malawi. Jusqu’à présent, cette ONG a reçu près de 14 millions de dollars de subventions, ce qui en fait de loin le plus gros bénéficiaire des financements de l’AGRA jusqu’à présent. Pour approvisionner les fournisseurs, les donateurs de l’AGRA financent aussi des entreprises privées de semences. La fondation Rockefeller est le principal investisseur dans l’African Agricultural Capital (Capital agricole africain), un fonds d’investissement en capital-risque qui investit dans plusieurs petites entreprises de semences africaines qu’il contrôle en partie et qui sont aussi soutenues par l’AGRA.[6] (…)

Que ce soit l’ancienne ou la nouvelle révolution verte, les premiers perdants sont les agriculteurs, en particulier les petits. L’AGRA cherche à remplacer les semences que les agriculteurs africains ont soigneusement développées pour leurs fermes et leurs cultures, par des variétés adaptées aux monocultures industrielles. Ces semences ouvriront la voie à l’industrialisation des cultures alimentaires africaines, laissant le champ libre à l’introduction et à la domination de l’agrobusiness. (…)

Au moment où l’AGRA a été lancée, ses fondateurs se sont empressés de souligner que l’AGRA n’utiliserait pas de plantes cultivées génétiquement modifiées (GM). Pas pour l’instant, bien sûr. Lors de la troisième assemblée générale des collaborateurs du programme de l’AGRA sur les « Biotechnologies, sélection et systèmes de semences pour les plantes cultivées africaines », un certain nombre de présentations de recherches et d’essais sur des plantes cultivées GM ont été intégrées.[16] Il est donc difficile de prendre au sérieux la déclaration que l’AGRA n’avait rien à faire avec les semences GM. Tous ceux qui financent l’AGRA, dont Rockefeller et Gates, essayent déjà d’imposer l’introduction des technologies des modifications génétiques en Afrique. Mais ils se sont rendu compte que l’initiative de l’AGRA serait plus facile à introduire sans inclure les cultures ou les semences GM. La stratégie est sans aucun doute de l’introduire plus tard, une fois que le programme sera installé et que les agriculteurs auront déjà adopté les nouvelles semences. De plus, la plupart des pays d’Afrique n’ont pas encore mis en place de législation de biosécurité, et cela n’a donc aucun sens de se focaliser sur les cultures GM actuellement. Il faut plutôt se concentrer sur l’harmonisation des politiques, en s’assurant que les durées d’autorisation des plantes cultivées sont plus rapides et en construisant l’infrastructure nécessaire à l’introduction rapide des cultures GM. (…)

Ou, pour les anglophones, cet excellent article écrit par Eric-Holt Gimenez.


PS: Nous étions hier (samedi 5 décembre) au village des alternatives à Montreuil, les grandes ONG sont évidemment bien visibles, brassent beaucoup de monde (et/ou de vent), tandis que des petites ONGs montées par des activistes passionnés et refusant les grosses subventions d’état ou de corporation sont quasiment ignorées ; nous tenons à saluer, à féliciter et à remercier Foil Vedanta pour le travail accompli, et merci d’être venu!


Nico

A propos des ONG, lire également:

http://partage-le.com/2015/12/les-ong-internationales-et-lindustrie-de-la-catastrophe-lexemple-haitien/

http://partage-le.com/2015/12/long-isation-de-la-resistance-par-arundhati-roy/

 

 

Source : http://partage-le.com

 

 

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5 décembre 2015 6 05 /12 /décembre /2015 17:37

 

Source : http://acteursdeleconomie.latribune.fr

 

 

Pierre Rabhi : "La COP21 manipule l'opinion"

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(Crédits : Laurent Cerino/Acteurs de l'Economie)

 

Auteur, philosophe, conférencier, agriculteur, Pierre Rabhi sème depuis plusieurs années sa conception du monde et de la nature. Face à l'urgence climatique, il dénonce l'inefficacité des grandes messes internationales, à l'instar de la COP21, qui selon lui, "manipule les esprits". Il appelle à la conscience et à l'action citoyenne pour faire bouger les lignes et ainsi se réapproprier la vraie valeur de la vie.

 

 

Acteurs de l'économie-La Tribune : Quel est votre regard sur les événements tragiques qui ont touché Paris le 13 novembre dernier ?

Pierre Rabhi. Je suis ulcéré comme beaucoup de gens et je condamne fermement cette violence. Elle est planétaire et terrible. L'humanité doit de toute urgence suffisamment évoluer pour éradiquer toute violence, et pour cela, il faut changer de processus, en allant vers une plus grande reconnaissance de l'autre.

Ces violences sont, en général, reliées à des contentieux larvés, construits au cours de l'histoire : la colonisation, l'humiliation, la non-reconnaissance, l'iniquité mondiale.Toutes les sept secondes, selon les experts de l'ONU, un enfant meurt de faim. Pourtant, la planète est suffisamment riche pour que ce fléau ne se produise pas.

L'humanité est de nos jours confrontée à une mutation sans précédent. Et dans ces bouleversements, nous devons garder le cap, c'est-à-dire, construire une fraternité humaine en adéquation et en relation avec la nature, le berceau indispensable à tous êtres humains et toutes créatures.

 

Justement, la Cop 21 est censée éviter le pire en limitant à 2°c le réchauffement climatique. Vous êtes très pessimiste concernant cette conférence...

Je n'attends pas grand-chose de ces sommets internationaux. Ces rencontres sont censées rassembler des autorités afin qu'elles prennent des décisions importantes concernant notre rapport à la vie et à la nature. Mais depuis des années, aucune grande mesure ne sort de ces grandes messes.

L'inefficacité de ces rendez-vous du type de la COP21 - au-delà du danger qu'ils font courir à la planète,- engendre un autre mal : celui d'une manipulation de l'opinion. Les décideurs font croire à la population qu'ils s'occupent de ces grands enjeux climatiques, mais ils n'apportent pas une réponse à la hauteur de la gravité de la situation.

Le problème réside dans la division entre la nature et nous. Nous sommes la nature, et l'écologie devrait ainsi être la chose qui concerne absolument tout le monde, du président de la République au balayeur. Sauf qu'aujourd'hui, il y a un clivage initié par l'être humain. Il s'est ainsi installé dans un statut dans lequel il s'est donné tous les droits contre la nature. Avec un mot d'ordre : pillons et détruisons.

Pourtant, sur l'échelle du temps, si nous reprenons un ratio temporel de 24 heures, l'Homme n'est présent sur la planète que depuis une ou deux minutes. Et dans ce très court instant, l'Homme est devenu un fléau pour la planète. Mais aussi pour lui-même. Il est son premier fléau.

 

Les discours dominants portés par les grands États et leurs responsables politiques ne sont, pour le moment, que très rarement suivis d'actes majeurs. Quels sont les blocages que vous avez identifiés ?

La première nécessité et d'analyser où se trouve désormais l'autorité. La finance s'est accaparée cette autorité et cette toute-puissance dans le monde. De ce principe d'argent roi, concentré dans les mains d'une caste qui décide, se trouve les limites du pouvoir politique. Les responsables, pourtant élus, ont ainsi un espace de décision mince.

Par ailleurs, au sein même de la sphère politique, la question climatique est substituée, depuis de nombreuses années, à d'autres priorités, à l'instar du chômage. La question du climat passe également au second plan lorsque les luttes politiques, où triomphe parfois la démagogie aux dépens du réalisme, prennent le dessus, avec pour dessein de répondre à une logique personnelle de réélection électorale.

Pourtant, face à ces blocages, nous pourrions commencer à modifier la société dès demain.

 

Quels sont les moyens disponibles, selon vous, afin de bousculer ces paradigmes établis ?

L'un des enjeux majeurs résulte de l'éducation de nos enfants. Celle-ci devrait se focaliser, non pas sur la compétition, mais sur la sociabilité et la solidarité. En très peu de temps, nous pourrions créer des êtres solidaires, et non pas opposés.

Le système actuel de l'école introduit immédiatement la notion d'antagonisme, en poussant les enfants vers un élitisme insatiable. Cette conception est nauséabonde. D'une part, elle pare l'enfant d'angoisse. D'autre part, l'enfant est ainsi préparé à avoir une perception de l'autre comme l'antagoniste étant celui qu'il faut dominer.

Ce balancier entre dominant et dominé est une aberration au regard de l'histoire. Il y a toujours eu une catégorie opprimée, qui s'est ensuite révoltée contre son oppresseur. Puis, l'opprimé devient oppresseur. Il faut donc changer totalement de schéma.

 

Vous prônez particulièrement l'action locale et citoyenne pour changer le modèle. Celle-ci, aussi dynamique soit-elle, ne se heurte-t-elle pas à un niveau décisionnel qui étouffe, à un moment donné, toutes perspectives profondes de changement ?

Nous, simples citoyens, avons un pouvoir énorme, qui par notre action peut avoir des répercussions majeures. Mais nous ne l'exerçons pas. Nous devons aller vers un comportement frugal.

Certaines multinationales sont par leurs activités nocives à notre planète. Mais ces mêmes entreprises que nous pointons du doigt, nous les nourrissons tous les jours. Certes, il y a des faits que je ne peux pas renier. Je suis également en cause sur certains comportements, lorsque, par exemple, je fais le plein d'essence de ma voiture. Mais il y a des espaces dans lesquels je peux prendre des initiatives personnelles. C'est à ce titre que je parle de sobriété.

 En devenant "simples", nous pouvons ainsi poser des soucis aux multinationales. En effet, elles fonctionnent sur une approche subliminale, qui est de mettre l'individu psychologiquement dans le manque. La marge du superflu qu'elles engendrent est sans limites. C'est face à cette tentation que grâce à notre comportement, nous pouvons jouer un rôle majeur. "Est-ce que je me comporte avec simplicité et sobriété qui me permet de répondre à mes besoins légitimes, où suis-je dans l'avidité permanente ?

La sobriété peut être heureuse, apporter de la joie en marquant un palier de satisfaction. Or nous sommes dans une société qui s'appuie sur l'insatiabilité avec le credo du "toujours plus". Que ce soit au niveau de l'État ou de l'individu, le gaspillage est énorme. Ce comportement n'a pas pour seule conséquence, notre personne, mais il se répercute sur l'autre. Notre gaspillage peut affamer notre voisin. Il y a tout un pan de l'humanité qui est dans la précarité, et nous, on fabrique 30 à 40 % de déchets.

 

La solution est donc, selon vous, en chacun d'entre nous...

La solution se construit en chacun de nous. Si nous ne nous mettons pas dans une logique de transformation raisonnée et bénévole, celle-ci s'imposera à nous. Quel que soit le chemin, nous allons vers la précarité. Il faut, selon moi, la choisir et non pas la subir, en l'ordonnant, l'organisant pour qu'elle ne soit pas douloureuse. Mais la précarité, ce n'est pas ne rien avoir, c'est simplement posséder l'indispensable.

 

Pour atteindre cette sobriété, vous prôner notamment l'agroécologie. De plus en plus de personnes s'en réclament. Comment observez-vous cette évolution ? Redoutez-vous un risque de récupération, à l'instar de ce qui s'est fait pour l'agriculture biologique ?

Il y a toujours un risque. Dans mon dernier livre (La puissance de la modération, Hozhoni Eds), j'ai souhaité rappeler d'une manière claire, l'éthique et les fondements de l'agroécologie. Au-delà de son ambition initiale, être pourvoyeuse de produit bio, elle est avant tout une éthique. Elle impose de cultiver en conscience.

La dimension spirituelle est évacuée de notre monde. Nous devons retrouver le ressentiment que nous fassions partie de quelque chose qui est complexe, mais porteur d'une forme d'intelligence, c'est-à-dire l'esprit, sans pour autant comprendre le tout. L'agro-écologie permet cela.

 

Vous êtes à la fois agriculteur, écrivain, poète...que vous permettent ces multiples casquettes ?

L'agroécologie est une activité tangible, qui ne brasse pas à l'infini des théories. J'ai cette chance l'a pratiquer, c'est-à-dire d'être en mouvement. Cette activité est un test quotidien, alors que la société d'aujourd'hui est beaucoup trop dans les concepts. On brasse, on brasse, et pendant ce temps-là, le bateau coule.

Le dilemme est désormais le suivant : sommes-nous capables de changer l'histoire par une approche tangible de la réalité des choses, où allons-nous gloser alors que nous faisons naufrage?

Il est absolument nécessaire qu'aujourd'hui, dans la façon dont nous considérons la vie, elle puisse s'incarner dans nos gestes quotidiens ; et l'agriculture est magnifique pour cela, car elle permet de vivre. Sans elle, tout est fini.

 

Comment transmettre les valeurs que vous prônez vers d'autres domaines d'activités. Tout le monde ne peut pas revenir à l'exploitation de la terre...

Le grand problème de la société, aujourd'hui, c'est qu'elle est hors sol. L'individu est concentré dans des villes de plus en plus gigantesques, éloignant ainsi davantage les populations des problématiques de la vie.

Prenons un exemple extrême. Pendant les guerres, tout le monde se souvient du cousin à la campagne. Il était pourtant jusqu'alors catégorisé comme le "pauvre type" qui n'a jamais réussi. Sauf, qu'en réalité, c'est lui qui détient la vie. Le réalisme aujourd'hui, c'est une écologie pratique, qui incarne la vie.

 

Source : http://acteursdeleconomie.latribune.fr

 

 

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4 décembre 2015 5 04 /12 /décembre /2015 20:45

 

Source : http://sciences.blogs.liberation.fr

 

 

 

Le Climat, les riches, les pauvres
 
2 décembre 2015  
 
 
 

Emissions par niveau de revenus

Emissions par niveau de revenus

 

Faut-il procéder à "l'éradication des hauts revenus et patrimoines" pour conduire une politique climatique sérieuse ? L'ONG Oxfam a publié hier un rapport allant en ce sens, rejoignant ainsi d'autres analyses.

Le rapport d'Oxfam  (ici en pdf) commence par souligner quelques évidences : les riches émettent beaucoup plus de gaz à effet de serre, singulièrement du CO2 issu du charbon, du gaz et du pétrole, que les pauvres. Si l'on additionne toutes les émissions des 3,5 milliards de personnes qui constituent la moitié la plus pauvre de la population mondiale, on atteint seulement «10% des émissions totales dues à la consommation individuelle» montre le rapport. A l'inverse «50% de ces émissions sont imputables à 10% des habitants de la planète les plus riches, dont l'empreinte carbone est en moyenne 11 fois plus élevée que celle de la moitié de la population la plus pauvre et 60 fois plus élevée que celle des 10% les plus pauvres. On estime que les 1% les plus riches du monde ont une empreinte carbone moyenne 175 fois supérieure à celle des 10% les plus pauvres», indique Oxfam.

 

Le vin de  Bordeaux et le mil du Sahel

Cette analyse sur les causes du changement climatique se double d'une autre sur ses conséquences. Les pauvres seront les plus victimes de ce changement dont ils ne sont pas

 

Emissions et vulnérabilité

Emissions et vulnérabilité

 

responsables. D'abord parce que nombre des pays les plus vulnérables au changement climatique font partie de ceux où vivent le plus grand nombres des pauvres de la planète, en particulier en Afrique. Le graphique ci-contre, tiré du rapport d'Oxfam, le montre.

Mais aussi parce que les parades aux conséquences du changement climatique nécessitent souvent de la technologie, de l'organisation sociale solide, dotée de compétences et capable d'anticiper l'avenir... bref ce dont les pauvres sont en général privés. Le rapport d'Oxfam souligne ainsi que si 91% des agriculteurs des Etats-Unis sont assurés contre les aléas de la météo, ils ne sont que 1% au Malawi.

Un exemple simple. Dans la région de Bordeaux, l'évolution prévue du climat et notamment des températures va affecter durement les productions de vin. Mais les viticulteurs sont compétents, organisés, et peuvent compter sur un Etat qui fonctionne. Donc, l'INRA - Institut national de recherche agronomique - et les viticulteurs sont déjà en train de tester sur des parcelles expérimentales des cépages venus du Sud, adaptés à des températures plus élevées. Mais où sont les études similaires pour le sorgho ou le mil qui nourrit les populations du Sahel ? Elles n'existent pas.

 

Publicité  et  consumérisme

Les chiffres du rapport d'Oxfam soulignent qu'aucune politique climatique sérieuse ne peut esquiver la question des inégalités sociales. Mais il faut le compléter. Tout d'abord en soulignant que si les pauvres des pays riches sont souvent plus émetteurs que les classes moyennes des pays pauvres ou émergents, c'est qu'ils bénéficient de conditions de vie meilleures. Or, la solution du problème climatique ne proviendra pas de la péjoration de ces conditions de vie. Ensuite en notant que ces conditions de vie meilleures s'accompagnent d'un gaspillage massif, et d'un consumérisme qui ne fait manifestement pas le bonheur. Il faut donc compléter l'éradication des grosses fortunes et patrimoines par celle de la publicité comme facteur de consommations inutiles, une des conditions pour mettre en oeuvre une politique de sobriété énergétique et de matières premières généralisée.

 

Cacophonie climatique

Cacophonie climatique

 

Ci-dessous un extrait du livre Les dessous de la cacophonie climatique qui traite de ces questions:

La première piste est une question dure. Dans quel monde voulons-nous vivre ? Cette question est dure non pas tant par la difficulté d'y répondre que par la multiplicité des réponses et souvent leurs incompatibilités à la fois entre elles et avec l'objectif d'une atténuation réussie du risque climatique. Voulons nous vivre dans un monde juste ou profondément inégalitaire ? Dans un monde où les plus riches pourront se payer un week-end dans un hôtel spatial, emportés par une fusée comme le Spaceshiptwo que propose la Virgin Galactic du milliardaire britannique Richard Branson – bonjour le bilan carbone de cette excursion. Or, qui veut d'un tel monde ? De très nombreux citoyens, responsables politiques et décideurs de l'économie qui prétendent qu'ils détiennent ainsi la meilleure solution pour tous.

Emmanuel Macron, par exemple, le ministre de l’Économie et des finances nommé par François Hollande. Un ministre qui, dans une interview au journal Les Echos le 7 janvier s'exclame : « il faut des jeunes français qui souhaitent devenir milliardaires ». Le ministre prétend qu'une telle ambition est nécessaire pour que l'économie numérique se développe. Chacun peut avoir sur ce sujet l'opinion qu'il veut. La mienne, le lecteur l'aura compris, est qu'un monde sans milliardaires, aux inégalités sociales et économiques limitées, serait probablement un monde plus heureux. Je ne vois guère en effet ce que les plus hauts revenus apportent à notre société, alors que je vérifie chaque jour à quel point de bons mécaniciens, plombiers, enseignants, ingénieurs, médecins ou juges – mais aussi de bons responsables administratifs et politiques - sont nécessaires à notre collectivité. Je ne demande à aucun de mes lecteurs de partager cette opinion. En revanche, je ne vois pas comment concilier une société où de telles inégalités persisteraient avec l'exigence de sobriété énergétique généralisée d'une politique de maîtrise du risque climatique efficace.

 

Une fausse piste

En l'absence d'une telle sobriété, il faudrait, pour parvenir aux objectifs climatiques de Copenhague, une sorte de miracle technologique. Un miracle permettant aux sept milliards actuels et aux huit à neuf milliards d'êtres humains de la moitié du siècle en cours de consommer autant d'énergie que, mettons, les Européens aujourd'hui, et ceci en n'émettant pas plus de gaz à effet de serre par tête de pipe que les habitants de l'Inde actuellement. Soyons franc : il existe une alternative à ce miracle technologique. Celui de sociétés où les inégalités actuelles persistent, et même s'aggravent, afin de comprimer les consommations d'énergie des pauvres et des classes moyennes. Une telle perspective est-elle réaliste ? Oui... si l'on croit qu'il sera toujours possible de convaincre ou de contraindre les dominés et les pauvres de ces sociétés d'accepter cette situation. Une option qui fait manifestement partie de nombreux programmes politiques à travers le monde. Et qui trouve des soutiens jusque chez les pauvres lorsque ces derniers sont persuadés qu'il leur suffit de travailler dur pour accéder aux niveaux plus élevés de consommation

Cet exemple est choisi afin de souligner une fausse piste : le risque climatique proviendrait d'une décision de quelques uns. De méchants responsables, inconscients ou futiles, avides de profits et de pouvoirs. Certes, notre démocratie n'est pas parfaite. Mais qui a fait d'Emmanuel Macron notre ministre de l’Économie ? Un Président élu par une majorité d'électeurs. Et son adversaire d'alors, Nicolas Sarkozy pour lequel une presque moitié de l'électorat s'est prononcé, n'est pas vraiment un ennemi des inégalités et des milliardaires, il a montré qu'il en était même encore plus proche que François Hollande

Certains prétendent que pour conduire au succès une politique de maîtrise du risque climatique, il faut abolir le capitalisme. Ou que les mesures nécessaires à cette politique, qu'on le veuille ou non, conduiront inéluctablement à cette abolition. C'est par exemple la thèse du livre de Naomi Klein Tout peut changer : capitalisme et changement climatique (Actes Sud). Je ne prétends pas savoir si cette thèse est vraie ou fausse, je crains que les classes dominantes des sociétés capitalistes aient plus d'un tour dans leur sac et soient capables de faire face à ce nouveau défi bien qu'il est vraiment redoutable. Mais quittons ce discours général sur les choix de société en « isme » et concentrons nous sur des éléments concrets et limités. Est-il possible de conduire une politique de maîtrise des émissions de gaz à effet de serre dans une société profondément inégalitaire ? Où les classes sociales dominantes n'ont aucune limitation à leur consommation d'énergie ? Si la réponse est non, et si le risque climatique est pris au sérieux, alors il faut des politiques de réduction drastique des inégalités. C'est bien l'éradication des hauts revenus et patrimoines qu'il faut viser. Voici donc un bon « marqueur politique » pour jauger la sincérité et la validité d'un discours de gouvernant ou d'aspirant gouvernant sur le climat : mais que dit-il des inégalités sociales et économiques ? Un conseil au citoyen électeur : ne pas se contenter du discours, mais le confronter aux actes lorsque le pouvoir politique est exercé.

 

Sous la négociation de la COP-21 la science du GIEC.

Comment travaille le Giec ?, une interview de Philippe Ciais, l'un des co-auteurs principaux du rapport.

► Le texte en français de la Convention climat de l'ONU.

► Climat : et si la seule vraie controverse était l'économie ?

► Polémiques entre économistes sur le climat. Et une première note sur cette polémique.

 Contradictions entre experts sur les prévisions énergétiques.

► Quels sont les scientifiques les plus influents en climatologie ?   ► Le ridicule défi des climatosceptiques.

► Les intentions des États annoncées pour la COP-21 très loin de l'objectif des 2°C.

 

Par Sylvestre Huet, le 2 décembre 2015

 

 

Source : http://sciences.blogs.liberation.fr

 

 

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4 décembre 2015 5 04 /12 /décembre /2015 19:31

 

Source : http://piketty.blog.lemonde.fr

 

 

Pourquoi le gouvernement protège-t-il les multinationales ?
 

En pleine COP 21, alors que la planète entière est réunie à Paris pour tenter de s’accorder sur des principes de solidarité et de responsabilité, le gouvernement français va-t-il prendre la défense de l’opacité financière et des stratégies d’optimisation fiscale des multinationales? C’est malheureusement ce qui se profile.

Un vote important va en effet avoir lieu ce vendredi 4 décembre à l’Assemblée nationale, dans le cadre du projet de loi de finances rectificative. Les députés doivent se prononcer sur un amendement qui introduit un reporting public pays par pays pour les entreprises multinationales. En clair, il s’agit de rendre public un certain nombre d’informations sur les activités des multinationales dans les différents pays où elles opèrent : chiffre d’affaire, effectifs employés, masse salariale, profits réalisés, montant des impôts payés (ou pas), etc. La liste des informations obligatoirement rendues publiques mériterait d’ailleurs d’être élargie, par exemple à la structure des rémunérations versées.

Les députés de la commission des finances se sont prononcés en faveur de cet amendement mercredi 25 novembre. Mais il s'agit désormais de transformer l'essai et ce n'est pas gagné, car le gouvernement est farouchement opposé à ce que ces informations soient rendues publiques. Il souhaite s'en tenir à la proposition minimaliste défendue par le lobby des multinationales et par l'OCDE, selon laquelle ces informations seraient transmises uniquement aux administrations fiscales.

L’argument selon lequel il faudrait préserver le secret des affaires sur les activités réalisées par Google en Irlande ou Total au Congo n’est pourtant guère convaincant. On ne trahit aucun brevet, aucun secret légitime, en imposant le reporting pays par pays. De telles informations sont au contraire indispensables pour que les acteurs de la société civile puissent se mobiliser pour constater année après année les progrès réalisés – ou non – en matière de transparence financière et de justice fiscale.

L’autre argument, avancé par le gouvernement, est que l’on ne peut prendre le risque de pénaliser les seules multinationales françaises. Là encore, cela ne tient pas. Les eurodéputés ont voté en juillet dernier le principe du reporting public pays par pays, ouvrant la voie à l’adoption d’une directive européenne ambitieuse sur la question. Si la position conservatrice du gouvernement est suivie, alors la France risque d'envoyer un signal très négatif à l'Union européenne, alors même qu'elle aime se présenter comme un leader sur ces questions de transparence, et de bloquer ainsi toute législation européenne ambitieuse. Espérons que les députés tiennent bon et se prononcent pour cet amendement.

 

 

Source : http://piketty.blog.lemonde.fr

 

 

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4 décembre 2015 5 04 /12 /décembre /2015 19:22

 

Source : http://www.lemonde.fr/planete

 

 

Climat : EDF, BNP Paribas et Chevron « remportent » le prix Pinocchio

 

Le Monde.fr | | Par

 

 

 

BNP  a été distingué dans la catégorie « Impacts Locaux » par les organisateurs du prix Pinocchio du climat 2015 pour son soutien au secteur du charbon, notamment en Afrique du Sud.

EDF, BNP Paribas et Chevron sont les grands « vainqueurs » du prix Pinocchio du climat 2015. Ce prix est attribué chaque année aux entreprises qui se distinguent par leurs actions de « greenwashing », de lobbying ou par leur impact négatif sur les communautés locales. Il est organisé chaque année depuis 2008 par les Amis de la Terre, en partenariat avec le Centre de recherche et d’information pour le développement (CRID), Corporate Europe Observatory et Peuples solidaires-ActionAid France. À l’occasion de la COP21, « la sélection des entreprises s’est effectuée autour du climat et à l’échelle internationale », explique Sylvain Angerand, coordinateur de campagne chez les Amis de la Terre.

 

Lire aussi : Total accusé de « crime contre l’humanité » par des militants écologistes

 

Parmi les nominés, neuf entreprises ont été sélectionnées par les organisateurs. Total, par exemple, concourait pour avoir « infiltré les associations professionnelles de promotion des énergies renouvelables », selon les ONG. Shell pour « son empreinte dévastatrice sur le plan social et environnemental laissée au Nigeria », et l’entreprise Engie, anciennement GDF Suez, pour ses investissements dans les énergies fossiles. Du 3 novembre au 2 décembre, près de 43 000 votes en ligne ont été comptabilisés pour déterminer les lauréats.

« Créer un dialogue avec les entreprises »

Dans la catégorie « impacts locaux », le prix Pinocchio du climat 2015 est accordé à BNP Paribas. Comme son nom l’indique, cette distinction est réservée aux entreprises dont les activités nuisent aux communautés locales. Ce sponsor officiel de la COP21 a été choisi pour son soutien financier au secteur du charbon et les conséquences des activités minières sur les communautés locales, en particulier en Afrique du Sud et en Inde.

Contactée par Le Monde, la banque met en avant ses nouveaux engagements en faveur des énergies renouvelables et des populations affectées par ses activités. Dans un communiqué, elle affirme « ne plus financer l’extraction de charbon que ce soit via les projets miniers ou via les sociétés minières spécialisées dans le charbon qui n’ont pas de stratégie de diversification. »

Lire aussi : Les énergéticiens français sur la sellette

Quant au financement des centrales, l’établissement bancaire indique que ces projets devront « faire l’objet d’une consultation des populations locales potentiellement impactées. Leur dédommagement devra être prévu si nécessaire et elles devront avoir accès à un mécanisme de recours ».

Ce nouvel engagement chez BNP Paribas est une preuve, pour Sylvain Angerand, de l’impact du Prix Pinocchio. « Il nous permet surtout de créer un dialogue avec les entreprises. C’est un moyen d’accroître la pression. »

Chevron, sélectionné dans la catégorie « lobbying »

Le pétrolier américain Chevron se voit décerner un prix dans la catégorie « lobbying ». Cette récompense est « remise à l’entreprise qui a déployé le plus d’actions de lobby pour saper les politiques climatiques », selon les critères du Prix. Pour les ONG, Chevron mène une politique « très agressive de lobbying » pro-gaz de schiste en Argentine, et plus particulièrement en Patagonie.

Pascoe Sabido, chercheur et chargé de campagne pour l’Observatoire de l’Europe industrielle, dénonce « l’exploitation des énergies polluantes par l’entreprise Chevron qui ne serait pas possible sans les relations privilégiées qu’elle entretient avec les mêmes gouvernements qui sont censés réguler ses activités ».

EDF, leader du « greenwashing »

EDF, autre sponsor officiel de la COP, se voit « récompensée » dans la catégorie « greenwashing ». Celle-ci distingue les entreprises qui se « blanchissent en employant un discours de développement durable ». Les ONG reprochent au Français sa campagne de publicité « visant à faire du nucléaire une énergie propre » et ses investissements dans les énergies fossiles.

 

EDF remporte le prix Pinocchio du climat 2015 dans la catégorie « Greenwashing » pour « sa campagne visant à faire du nucléaire une énergie propre» selon les ONG.

De son côté, le fournisseur d’électricité précise que cette campagne portait avant tout sur les émissions de dioxyde de carbone. « La campagne s’appuie sur des faits : l’électricité produite par EDF est peu chère et émet peu de CO2 ». L’entreprise affirme avoir plus que divisé par deux ses rejets de carbone depuis 1990. Elle spécifie également que « 98 % de l’électricité d’EDF est produite sans carbone, en France ».

Juliette Renaud, chargée de campagne sur les industries et la responsabilité sociale et environnementale des entreprises (RSEE) pour les Amis de la Terre, en est convaincue. « En votant massivement pour ces deux sponsors de la COP21, analyse-t-elle, les citoyens ont montré qu’ils ne sont pas dupes des mensonges qui polluent les négociations et sapent la possibilité de parvenir à un accord ambitieux et équitable sur le climat ».

 

 

 

Source : http://www.lemonde.fr/planete

 

 

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