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2 février 2016 2 02 /02 /février /2016 19:30

 

Source : http://www.marianne.net

 

 

Des allocations chômage dégressives ? La musique de fond du gouvernement

 
 
La ministre du Travail Myriam El Khomri est entrée dimanche dans un petit jeu que pratique le gouvernement depuis plus d'un an au sujet des allocations chômage : braquer les projecteurs sur le retour à la dégressivité, tout en prenant garde de ne pas la prôner ouvertement…
 
Myriam El Khomri n'exclut pas de réintroduire la dégressivité des allocations chômage. - Sipa
 

Cela n'a pas fonctionné une première fois… mais pourquoi pas y revenir quand même ? C'est ce qu'a dit en substance la ministre du Travail dimanche au sujet de la dégressivité des allocations chômage. Interrogée sur BMTV, Myriam El Khomri a en effet reconnu que l'option n'était pas écartée par le gouvernement. Et ce, tout en rappelant que les études montrent que "la dégressivité mise en œuvre entre 1992 et 2001" n’avait pas "joué un rôle sur les personnes les plus en difficulté".

Si le sujet est de nouveau sur la table, c'est parce que les partenaires sociaux doivent entamer à la mi-février leurs tractations pour une nouvelle convention de l'assurance chômage, l'actuelle expirant le 1er juillet. Or, outre son rôle "d'amortisseur social" et de favorisation du "retour à l'emploi", la ministre du Travail a rappelé que le nouvel accord devrait améliorer la "trajectoire financière" du dispositif, qui devrait accuser fin 2016 une dette de 29,4 milliards d'euros. Elle préconise donc de "regarder les chose de façon non passionnée"...

Consciente que la dégressivité n'est pas une idée très populaire à gauche, Myriam El Khomri s'est bien sûr gardée de la prôner ouvertement. Renvoyant les partenaires sociaux à leurs responsabilités, en insistant simplement sur le fait qu'ils devront "travailler sur une diminution de la dette". Ce n'est que s'ils ne parviennent pas à se mettre d'accord, a-t-elle précisé, que "le gouvernement prendra ses responsabilités", en vue de prendre "un décret". A ce moment-là, "toutes les pistes" seront étudiées.

Cette petite musique sur le sujet commence à devenir familière dans la bouche des représentants du gouvernement. En octobre 2014, lors d'un déplacement à Londres, Manuel Valls avait déclaré devant des journalistes britanniques que la question "doit être reposée". Avant que François Hollande ne calme le jeu. Il y a un an, en février 2015, le Premier ministre avait assuré que la dégressivité n'était "pas aujourd'hui (son) sujet"… mais constituait un "défi" pour les partenaires sociaux : "Il faudra bien trouver des solutions (...), je les invite à prendre pleinement leurs responsabilités".

Le 18 janvier dernier, en présentant son plan pour l'emploi, François Hollande n'a pas abordé le sujet de front. Mais il a souligné qu'en France, "la durée d'indemnisation est la plus longue d'Europe" tandis que la "durée de formation des chômeurs" est "la plus courte". Suivez son regard…

Aujourd'hui, Myriam El Khomri assure donc, comme Manuel Valls l'an dernier, que ce n'est pas à elle d'orienter la réflexion vers la dégressivité, tout en martelant : "Les partenaires soicaux doivent regarder toutes les possibilités". La dégressivité n'est pas "un tabou", a abondé le ministre des Finances Michel Sapin, lundi matin sur . Si les partenaires sociaux ne sont pas sourds, on voit mal comment ils n'auraient pas reçu le message.

 

 

 

Source : http://www.marianne.net

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2 février 2016 2 02 /02 /février /2016 19:07

 

Source : http://www.bastamag.net

 

 

Etat d’urgence

Pour les Européens, il devient risqué de manifester en France

par

 

 

 

Après trois jours en centre de rétention sous le coup d’une mesure d’expulsion pour avoir participé à une manifestation en soutien au migrants à Calais, trois étudiantes italiennes ont finalement été relâchées. Sur fond d’état d’urgence, l’exécutif fragilise le pouvoir des juges afin de mettre la pression sur des manifestants étrangers, y compris Européens. « Ce cas illustre bien la manière dont l’autorité administrative fait fi des décisions judiciaires voire contourne la justice pour appliquer sa propre répression », explique l’universitaire Vanessa Codaccioni.

 

« Jamais on ne se serait attendu à ce qui nous est arrivé, avoue Valentina. La France est devenue complètement malade. » Samedi 23 janvier, Valentina se trouve avec ses deux compatriotes à Calais pour la manifestation de solidarité avec les migrants. Près de 2000 personnes, membres d’associations, d’organisations politiques, citoyens solidaires, riverains et migrants se sont rassemblés à la « Jungle », territoire du bout du monde jouxtant le port. C’est ici que survivent, dans une grande précarité, près de 7000 personnes tentant depuis des mois de passer en Angleterre (lire aussi notre reportage : Calais, au sein d’un bidonville en état d’urgence, devenu la honte de la France).

 

Le cortège bigarré s’élance de cet endroit désolé où femmes, hommes et enfants sont arrosés, la nuit, de gaz lacrymogènes par les CRS depuis début janvier. « Nous dénonçons les politiques française et européenne qui créent ces situations à Calais comme aux portes de l’Europe, souligne l’appel au rassemblement. Nous demandons immédiatement des conditions d’accueil dignes pour tous et toutes. Qu’ils/elles soient nommé-e-s réfugié-e-s, migrant-e-s ou sans-papiers, nous exigeons des droits égaux pour tou-t-e-s, des titres de séjour, l’accès aux soins et au logement. »

 

En fin de manifestation, une centaine de migrants se mettent à courir vers le port. « Nous les avons suivis en solidarité, raconte Martina. Et puis il y a eu une grande confusion. Face à nous, un horizon de tirs de lacrymo. Derrière, des fourgons de police qui se rapprochent. Des gens passaient sous un grillage, on a fait pareil pour se sortir de là. » Alors qu’elles entrent dans des toilettes toujours situées dans la zone portuaire, la police aux frontières les interpelle, avec quatre personnes françaises. Les voilà parties pour 24 heures de garde-à-vue à l’hôtel de police de Coquelles, une ville qui jouxte Calais.

 

« La police nous faisait croire que des migrants étaient morts et que c’était de notre faute »

Les sept interpellés sont accusés de « dégradation volontaire en réunion » et d’avoir « pénétré illégalement dans le port ». « Nous ne savions pas où nous allions ! », s’exclament les filles. L’ambiance au commissariat est tendue. « La police nous faisait croire que des migrants étaient morts et que c’était de notre faute. »  Les agents aimeraient les classer « no border » (pas de frontière), un terme péjoratif dans la bouche des forces de l’ordre, qui désigne chez eux des activistes radicaux menaçant la sécurité du territoire. « Nous étions là en soutien aux migrants », préfère asséner Ornella. À l’issue des interrogatoires, aucune poursuite pénale n’est retenue contre les sept imprudents : les Français sont libérés et les Italiennes se préparent à sortir dans la foulée. Deux autres manifestants et six migrants accusés d’être montés illégalement sur un ferry à la fin de la manifestation seront, eux, jugés, le 22 février.

Pour les trois Italiennes, l’histoire aurait dû s’arrêter là. Sauf que Bernard Cazeneuve a « donné des instructions pour que les no-border qui ont participé à ces opérations fassent l’objet d’une expulsion » , comme il le déclare à la presse dès le dimanche. « Dix minutes avant la fin de la garde-à-vue, nous apprenons que la préfecture ordonne notre obligation de quitter le territoire français (OQTF) et que nous sommes transférés dans un centre de rétention administrative (CRA) », relate Martina.

 

« Menace réelle, actuelle et grave »

Au CRA de Lesquin, à quelques kilomètres de Lille, les jeunes femmes reçoivent, incrédules, leur notification d’obligation de quitter le territoire et les faits qui leur sont reprochés par l’exécutif, alors même que le procureur a d’ores et déjà estimé que rien ne permettait de les poursuivre.

 

 

La France peut donc motiver des avis d’expulsion avec des allégations infondées, non vérifiées, n’ayant donné lieu à aucune poursuite pénale. « Comment mes clientes peuvent-elles représenter une "menace réelle, actuelle et grave" alors qu’elles n’ont jamais été inquiétées par la justice ou la police en France comme en Italie ? », demande leur avocate Murielle Ruef.

Ce motif de la « menace pour la société française » avait déjà été mobilisé durant la COP21, pour mettre en rétention et menacer d’expulsion deux militants écologistes belges après qu’ils aient participé à la manifestation interdite de place de la République, le 29 novembre dernier à Paris. « J’avais pu faire annuler par le tribunal l’OQTF en démontrant qu’ils ne représentaient pas une menace grave, témoigne leur avocat Bruno Vinay. Comme pour mes clients, la situation des italiennes semble bien liée à une décision politique. »

 

Un acte qui n’aurait jamais dû exister

Dans ce qui ressemble à une croisade zélée contre d’improbables perturbatrices étrangères, la préfecture recourt à un second arbitraire : pour les placer en rétention, elle invoque le fait que les Italiennes n’auraient pas fourni d’éléments justifiant qu’elles résident en France depuis plus de trois mois. « Elles ont indiqué qu’elles étaient étudiantes dès la garde-à-vue », rétorque Murielle Ruef, qui a déposé un recours devant le tribunal administratif. « Nous avons transmis les preuves de résidence en France depuis plus de deux ans : des preuves d’adresse fixe, d’inscription à l’université, d’emploi pour l’une d’entre elles. »

Après les communiqués des universités, les lettres de soutien des professeurs, les pressions au Consul italien et les articles dans les médias, la France a finalement décidé d’écourter une situation difficilement tenable : le soir du troisième jour de rétention, le 27 janvier, la préfecture du Pas de Calais libère les Italiennes et « retire » l’OQTF. « Elles ont les bons justificatifs », confirme Steve Barbet, de la préfecture du Pas-de-Calais. Il ajoute même qu’« elles n’ont commis aucun délit ». Que deviennent alors les graves accusations inscrites sur la notification d’OQTF ? Elles disparaissent, tout simplement. « Le retrait, ce n’est pas l’abrogation, précise leur avocate. Cela veut dire que l’acte n’aurait jamais dû exister, que la Préfecture acquiesce à son illégalité. »

 

Un moyen de pression sur les manifestants étrangers

Sur fond d’état d’urgence, dans un contexte actuel où l’exécutif fragilise le pouvoir des juges, se garder la possibilité de mettre quelques jours en rétention des manifestants étrangers pour les relâcher ensuite sans passage devant le tribunal relève d’une méthode qui met une nouvelle fois à mal l’idée d’un « État de droit ». « Ce cas illustre bien la manière dont l’autorité administrative fait fi des décisions judiciaires voire contourne la justice pour appliquer sa propre répression, analyse Vanessa Codaccioni, maîtresse de conférences en science politique à l’université de Paris 8 [1] « C’est un classique des "moments d’exception", rappelle-t-elle. Pendant la guerre d’Algérie, de très nombreux individus ont été relâchés par la justice mais immédiatement transférés dans des camps d’internement par la volonté des seuls préfets. »

En attendant, l’expérience de l’enfermement n’a fait qu’accroître l’indignation des Italiennes face à l’existence des prisons pour migrants. « Même enfermées, on ressentait fortement nos privilèges d’européennes », racontent-elles sur la route qui les ramène à Paris. « Les femmes que nous avons rencontrées ne connaissaient pas leurs droits, elles étaient très isolées. Les migrantes ne savaient même pas qu’elles avaient droit au portable. Elles vivent des situations d’insécurité : c’est un homme qui effectue la ronde de 5 heures du matin et vient compter les détenues jusque dans leurs chambres ! »

Autour des trois Italiennes, il y avait une Camerounaise, fille de diplomate, qui vivait en Grande Bretagne depuis dix ans et ne pouvait pas y retourner et une Dominicaine qui sortait de prison mais ne pouvait rejoindre son mari et ses enfants catalans en Espagne car l’administration avait perdu son permis de séjour espagnol. « Ces situations sont hallucinantes. Faut-il rappeler que ces femmes n’ont commis aucun crime et qu’elles souhaitent juste se rendre là où vivent leurs familles ? »

Naïké Desquesnes 

Photo : CC Rasande Tyskar

 

 

A lire sur Basta ! :

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2 février 2016 2 02 /02 /février /2016 18:42

 

Source : http://www.streetpress.com

 

 

A Calais, les policiers dérapent, l’extrême droite ratonne et les migrants se fightent

StreetPress a passé une semaine dans l'enfer du Nord

 

 

Pierre Gautheron | 1 Février 2016

 

 

 

Mâchoires cassées, coups de cutter et milices : dans la jungle la situation est explosive. StreetPress a rencontré bénévoles, policiers et migrants. Tous tirent le même constat : le pire est à venir.

Calais (62)« La violence monte d’un côté comme de l’autre », lance Amine Trouvé-Bagdouche, responsable de Médecin du Monde pour le camp de Calais :

 
« On a fermé notre clinique [dans la jungle] parce qu’on subissait des menaces. Ici, pour mes équipes, j’applique le même protocole que dans nos camps à l’étranger. Un jour on a trouvé notre permanence détruite à coup de haches. »

 

Posé dans un café du centre-ville, l’homme à la barbe de 3 jours décrit une situation au bord de l’explosion. Avant sa fermeture, des dizaines de réfugiés défilaient sous les tentes de l’hôpital de campagne monté par l’ONG. Les blessures constatées témoignent de l’extrême tension qui règne dans et aux abords de la jungle : coups de couteaux ou de cutters, os brisés par les coups de matraques, marques de tirs de flashballs…

 

Comme un air de Banlieue 13 à Calais

Pendant une semaine, StreetPress a traîné ses savates dans le plus grand bidonville d’Europe. Un labyrinthe boueux où la violence atteint des sommets inédits. Du côté de la police, on n’hésite plus à utiliser la force jusqu’à blesser par dizaines ceux qui tentent de passer en Angleterre ou à réprimander ceux qui protestent. Et même à mettre des bâtons dans les roues des ONGs : en témoignent ces 24 PVs collés sur les parebrises de véhicules d’humanitaires stationnés à l’entrée de la jungle.

 

Jungle 1

StreetPress a passé une semaine dans la jungle de Calais / Crédits : Pierre Gautheron

 

Mais ce n’est pas tout. Aux abords du bidonville, des milices d’extrême droite veillent, prêtes à dégainer leur matraque pour perpétrer de véritables ratonnades. C’est ce qui est arrivé à Ahmed, un jeune syrien qui s’est fait éclater la mâchoire dans le centre-ville de Calais par 6 hommes armés.

Face à cette situation totalement incontrôlable, l’Etat a mis en place une zone tampon de 100 mètres pour isoler le camp du reste du monde. A l’entrée de la jungle, alors que des bulldozers finissent de raser les dernières habitations de fortune, des tractopelles forment des petits talus. Comme un air de Banlieue 13 à Calais…

 

« La police attise les tensions »

Pour Christian Salomé, le boss de l’Auberge des Migrants, le coupable de cette ambiance délétère est tout trouvé :

« C’est la pression de la police, surtout la nuit, qui attise les tensions. »

 

A la nuit tombée, alors que les assos’ quittent le site, la jungle plonge dans la violence. Plusieurs fois par semaine des heurts éclatent entre migrants et CRS. Descentes de flics, jets de pierre, gazages tous azimuts… A la lumière des lampes torches, c’est une autre histoire qui commence. Une histoire qui se déroule souvent sans témoin. Le matin, ONG et asso’ ne peuvent que constater la présence d’un épais nuage de fumée à l’entrée du camp. Et voir des cadavres de bombes lacrymos sur le bas-côté.

 

Jungle 2

Les heurts entre migrants et CRS sont devenu quasi quotidien / Crédits : Pierre Gautheron

 

Une bavure par jour selon les assos’

A 500 mètres de la jungle, on rencontre Annie. Posée sur une palette à l’entrée d’un vaste entrepôt, cette bénévole anglaise de 24 ans nous raconte ses démêlés nocturnes avec la maréchaussée locale.

« Le pire c’était le 7 décembre », se souvient-elle. Vers 4 heures du matin, plusieurs dizaines de policiers font une descente dans le quartier kurde du bidonville. Quand Annie et ses collègues arrivent sur place, ils découvrent un corps inconscient qui gît dans la boue. Un jeune kurde vient de prendre un tir de flashball en pleine poitrine. « Il avait du mal à respirer. »

Annie et ses potes décident de l’évacuer. « Il n’arrivait pas à marcher, alors on a décidé de le porter jusqu’à la sortie de la jungle, où les pompiers nous attendaient. » Rue des Garennes, à deux pas du camp de fortune, ils tombent sur une patrouille de bleus, plutôt intransigeants. Cette nuit-là, ordre leur est donné de ne laisser sortir personne. La jeune femme pète les plombs :

« Ils nous ont demandé de le déposer par terre dans la boue. Je ne comprenais pas. Je leur ai dit qu’il fallait qu’il aille à l’hosto. »

 

 

jungle 6

Annie est une bénévole anglaise / Crédits : Tomas Statius

 

Le ton monte. Un policier arrose Annie et ses potes de gaz lacrymogènes. Ce n’était pas la première fois de la journée : « Plus tôt, un sit-in était organisé à l’entrée de la jungle. C’était une protestation non violente. Les policiers n’ont pas cherché à comprendre. Ils ont juste gazé. »

StreetPress a fait le tour des assos’ médicales présentes sur place : sur les seuls mois de décembre et janvier 51 certificats médicaux ont été délivrés suites à des violences attribuées à la police, soit quasiment un par jour.

Aux différentes permanences médicales, des réfugiés se présentent chaque semaine pour des hématomes sur le corps suite à des tirs de flashballs. D’autres ont les yeux défoncés en raison d’une exposition trop fréquente aux gaz lacrymogènes. Beaucoup d’affaires restent sans suite, rappelle Amine :

« Ici aucun droit n’est respecté pour les réfugiés, sauf le droit répressif. »

 

Bavure au bord de l’autoroute

A Calais, les tensions se déportent aussi aux endroits de passage : les abords du Tunnel sous la Manche ou des axes routiers qui rejoignent le port. C’est le long de la N16, à la sortie de la Jungle, que Nima, un jeune iranien de 30 ans, a tenté de monter dans un camion. Une option qui ne lui a pas franchement réussi… Il est tombé sur un CRS qui lui a refait le portrait. Le jeune homme a porté plainte.

Le 16 décembre à 10 h du mat’, avec 2 autres potes qui tentent aussi de passer en Angleterre, il attend sur le bord de la route, prêt à se glisser à l’arrière d’un camion. « Plusieurs se trouvaient à l’arrêt. Je suis montré dans l’un d’entre eux, sur l’emplacement qui se trouve entre la cabine et la remorque », écrit-t-il dans sa déposition que StreetPress a pu consulter. Manque de chance pour le jeune homme, un CRS à la carrure imposante le repère.

Nima prend peur et décide de filer à l’anglaise. Ses potes partent à gauche du camion, lui à droite. A peine sorti de sa cachette, le jeune homme tombe nez à nez avec l’homme en uniforme. Plutôt vénère, celui-ci lui envoie plusieurs coups de matraques. Alors qu’il tente de prendre la fuite, le CRS frappe Nima à l’arrière du crâne, puis en pleine poire au point de lui casser la mâchoire. « Pendant toute la durée de l’attaque, je pouvais entendre le policier crier. » K.O, Nima s’étale de tout son long. Le policier lui assène 2 coups de pieds alors qu’il est à terre, puis l’abandonne sur le bord de la route. Laissé pour mort.

A l’hosto, les médecins constatent la gravité de son cas. Mâchoire cassée, hématomes sur tout le corps… Les toubibs lui délivrent un certificat de 60 jours d’incapacité totale de travail (ITT). En attendant d’être rétabli, Nima galère. Il vit toujours à la jungle, peine à trouver le sommeil et même à s’alimenter :

« Je peux seulement consommer du liquide. J’ai déjà perdu beaucoup de poids, je suis très affaibli. »

 

La police débordée ne reconnait pas les bavures

Contacté par StreetPress, Ludovic Hochart, délégué CRS pour le syndicat UNSA Police à Calais reconnait que la situation est hors de contrôle :

« On est dans un cadre de violences urbaines. Il y a près de 7.000 personnes dans ce camp. Nous on n’a pas l’effectif pour gérer ça. Pour l’instant on ne déplore que des blessés légers mais on est à 2 doigts d’un drame »

 

En terrasse d’un café du centre-ville de Calais, l’homme d’une quarantaine d’années insiste avant tout sur les violences des migrants et nie toute bavure :

« Aucun fonctionnaire n’a été condamné et aucune instruction n’est en cours à l’IGPN, à ma connaissance. Il n’y a pas de bavures, la réponse de mes collègues est légitime. »

 

 

Jungle 3

Les abords du Tunnel sous la Manche ou des axes routiers qui rejoignent le port de Calais sont devenus des lieux de tension / Crédits : Pierre Gautheron

 

Coup de cutter

Dans les allées de la jungle, la tension est palpable. Si les associatifs expliquent cette flambée de violence par la pression policière et l’extrême misère, ils constatent aussi les nombreuses violences entre les migrants dans le camp.

En novembre dernier, StreetPress avait pu sans souci, poser sa caméra dans le bidonville. Aujourd’hui ce n’est plus la même musique. Olivier, un photojournaliste belge qui bossait pour Médecin du Monde, a fait les frais de cette ambiance délétère. L’homme est pourtant expérimenté. En mars dernier, il couvrait le conflit syrien, boîtier au poing.

Le 22 janvier, il est dans la jungle quand il sort son iPhone. Quelques minutes plus tard il se retrouve avec un cutter braqué sur le ventre. 4 adolescents l’encerclent. L’un d’eux tente d’arracher son portable pendant que les deux autres lui font les poches. Un coup part et lui entaille le doigt. « C’était 4 gamins, ils ne devaient pas avoir plus de 16 ans. » Pour lui, la tension à la jungle est aussi due au nombre de journalistes et d’anonymes venus prendre quelques photos de la jungle :

« Il y a des tensions entre les migrants, c’est sûr. Mais je pense aussi que les mecs en ont marre de la présence des journalistes. Pour ma part, je trouve qu’il y a un tourisme humanitaire assez désagréable à Calais. »

 

Olivier n’est pas le seul à avoir été confronté à cette montée de violences. StreetPress a dénombré 5 agressions ou rackets de journalistes (link is external) sur les 2 dernières semaines. Et ils ne sont pas les seules victimes de cette violence. Faith, une bénévole anglaise qui bosse dans une cuisine associative raconte avoir été agressée le matin de notre rencontre. « C’était assez confus. Un homme est arrivé avec un couteau dans la cuisine mais il a fini par repartir. » Là aussi, ce cas est loin d’être isolé : de nombreuses personnes témoignent de la présence de plusieurs réfugiés armés de couteaux. Alors qu’elle dormait dans la jungle avant la montée des tensions, Faith a décidé de se rabattre sur un appartement en centre-ville :

« On nous a dit que c’est devenu trop dangereux. »

 

Embrouilles entre migrants

Les migrants ne sont pas épargnés par ces agressions. Difficile cependant de recueillir leurs témoignages. Mais dans son hôpital de forturne, Amine de Médecins du Monde a rencontré de nombreuses victimes de ces embrouilles entre migrants : « Les rixes entre réfugiés sont au moins aussi fréquentes que les violences policières, assure-t-il. Des violences de la part d’individus perdus. » En ce moment, ses équipes reçoivent chaque semaine en moyenne 4 à 6 personnes en état de « décompensation psychologique » :

« On a de tout : des gens se mettent à agresser les forces de l’ordre ou les humanitaires sans raison. Mais aussi des suicidaires »

 

Pour une salariée d’une ONG qui préfère garder l’anonymat, la tension en bordure du camp et la difficulté à passer en Angleterre agissent comme un catalyseur :

« Depuis que c’est plus difficile de passer en Angleterre, il y a un stress en plus. Ils [les réfugiés, ndlr] se disent que ça ne va pas être simple du tout »

 

Milices d’extrême droite

« Mon fils s’est pris un coup de couteau pour une cigarette qu’il n’a pas voulu donner. Il n’a même pas pu porter plainte. On lui a dit qu’il n’y avait rien de plus ressemblant à un migrant qu’un autre migrant », raconte Jean-Yves, un riverain. C’est en partie suite à cet événement que le quadra aux traits creusés a décidé de se joindre aux Calaisiens en colère. Crée en juin 2015, ce collectif s’est fait connaître en organisant des « rondes » aux abords de la jungle.

 

jungle 7

L'équipe des « Calaisiens en colère » / Crédits : Vassili Feodoroff

 

Ces dernières semaines, plusieurs vidéos les montrant en action, diffusées sur leur page Facebook ont fait le buzz. Sur l’une d’elle, on voit plusieurs membres du collectif jeter des pierres sur des réfugiés ou proposer de l’aide aux CRS. Accusé d’avoir monté une petite milice par de nombreux calaisiens, Jean-Yves se justifie dans un troquet du centre-ville de Calais :

« Ces vidéos sont sorties du contexte. On est devant la jungle, y’a 300 migrants qui commencent à jeter des cailloux à la tronche. Les CRS n’étaient pas prêts, il fallait le temps qu’ils s’habillent. On ne fait que renvoyer des cailloux qui nous ont été lancés. »

 

Vidéo « C’est la guerre »

Aider les flics oui mais péter la gueule à des migrants non, assure Sandrine Désert. La fondatrice du collectif, une petite dame propre sur elle, nie l’implication des siens dans les nombreuses agressions racistes à Calais. Mais reconnait que d’autres groupes patrouillent à la nuit tombée aux abords de la jungle :

« Au début on a commencé à venir à 10 autour de la jungle le soir. Puis des gens nous ont accompagnés. Des gens biens pour la majorité mais aussi d’autres qui n’étaient là que pour la castagne. »

 

Devant un café crème, Ludovic Hochart de l’UNSA Police ne voit pas de problème à la collaboration entre les CRS et les Calaisiens en colère : « N’importe quel individu qui voit un délit est en droit d’informer la police. Par contre, pas question d’exposer des civils. » Et assure la vigilance de la police à propos de ces milices d’extrême droite :

« Il y a des services qui gèrent ces questions. Des enquêtes sont menées. On y porte une attention toute particulière. »

 

Les témoignages de la présence de milices d’extrême droite œuvrant à la nuit tombée sur le Calais sont nombreux. Impossible de savoir qui sont ces commandos armés. Seule certitude, ils peuvent être ultra violents, comme le montre la mésaventure d’Ahmed, toujours à l’hôpital, 7 jours après les faits.

Expédition punitive

Dans la nuit du 20 au 21 janvier, Ahmed et 2 de ses potes syriens se trouvent aux abords du parc Richelieu, dans le centre-ville de Calais. 6 hommes viennent à leur rencontre. Grands, baraqués, tout de noir vêtus, matraques télescopiques à la main et gun à la ceinture, comme nous l’explique Bachir, un pote à qui il a raconté toute l’histoire. Ce récit, il l’a aussi fait à la police. Le parquet a confirmé avoir ouvert une enquête. Bachir poursuit :

« Ils se présentaient comme des policiers. Ils ont dit à Ahmed et aux 2 autres Syriens de s’asseoir par terre et de leur donner téléphone, papiers et argent. Ahmed avait tout son argent sur lui : 1200 euros. »

 

Ahmed à l’hôpital

ahmed_1.jpg

Rapidement, les 3 copains comprennent qu’ils vont passer un sale quart d’heure. Coups de pompes, de poings, de matraques. « L’agression a dû durer 5 ou 6 minutes », précise Bachir. Alors qu’il est saoulé de coups, Ahmed ressent une vive douleur au visage : les assaillants viennent de lui péter la pommette. « Il s’est mis à crier parce qu’il avait mal. Les 6 hommes lui ont hurlé dessus pour qu’il se taise. L’un d’eux a continué à le frapper mais ses potes l’ont emmené. » Après l’agression, Ahmed se relève, péniblement. Il met 4 heures pour revenir à la jungle avant d’être emmené à l’hôpital. Dans sa déposition Ahmed n’a pas dit que les assaillants se présentaient comme des flics, une thèse qu’aucun élément ne permet de confirmer.

 

Les humanitaires également pris pour cible

Parmi les victimes de ces groupuscules, on retrouve aussi des bénévoles. Contacté par StreetPress, Christian Salomé, le boss de l’Auberge des Migrants, nous raconte les menaces constantes de ces milices sur son asso’ :

« La semaine dernière, il y a eu une tentative d’intrusion dans notre hangar. Devant l’Auberge de jeunesse de Calais, 2 voitures de membres de l’asso ont été brûlées. D’autres ont eu plusieurs pneus crevés. On est clairement visés. Sur Internet, plusieurs pages ont diffusé l’adresse de notre hangar. »

 

Christian Salomé a fait savoir à StreetPress qu’il a porté plainte.

L’extrême droite s’implante à calais

Rondes, provocations aux abords de la jungle… A Calais, les fachos montrent leurs muscles et participent au pourrissement de la situation. Ce samedi 23 janvier, les réfugiés et des assos’ de soutiens aux migrants défilent de la jungle jusqu’au centre de Calais. Rue Mollien, il y a du grabuge. Posté sur le perron de sa baraque, un jeune mec, plutôt costaud, braque son fusil sur des réfugiés. De son côté, son père, même gabarit, parade. Torse nu, il vocifère, prêt à en découdre avec les « envahisseurs ».

 

Jungle 5

Ce "riverain en colère" est connu comme le loup blanc à Calais / Crédits : Pierre Gautheron

 

L’image a fait le tour des JTs (link is external). Quelques minutes plus tôt, les 2 hommes avaient insulté la manif’ qui passait au coin de leur rue. Jets de pierres, de pneus, insultes de part et d’autre… L’escarmouche a failli tourner à l’expédition punitive.

Les 2 hommes, Gaël et David, sont connus comme le loup blanc à Calais, tous les 2 proches de groupes d’extrême droite, hostiles à la présence des réfugiés. Sur Facebook, le fils, Gaël, pose aux côtés de Kevin Reche, fondateur de Sauvons Calais, célèbre pour sa croix gammée tatouée sur le pectoral. Le père, David, serait proche de la mouvance Pegida, récemment implantée dans le Nord de la France. Ces 2 groupes sont connus pour organiser des manifestations rassemblant la crème de l’extrême droite radicale française.

  • Les noms de Nima et Bachir ont été modifiés à leur demande.

 

 

Source : http://www.streetpress.com

 

 

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2 février 2016 2 02 /02 /février /2016 18:28

 

Source : https://www.mediapart.fr

 

 

Servier, Sanofi : l'industrie pharmaceutique licencie en masse
2 février 2016 | Par Mathilde Goanec
 
 
 

C’est l’hécatombe dans le monde du médicament. Plus de 600 emplois supprimés brutalement chez Servier, 600 licenciements annoncés le même jour chez Sanofi sur les trois prochaines années, et des effectifs réduits à bas bruit chez Novartis. Premiers visés, les visiteurs médicaux.

L’annonce est tombée en fin d’année dernière, entre les attentats de Paris et la COP21. Forcément, elle n’a pas fait grand bruit. Et pourtant, le choc a été brutal pour les 690 visiteurs médicaux de chez Servier, un mois avant Noël. « On a appris notre licenciement par mail, certains étaient dans leur voiture et l’ont su en écoutant la radio », se rappelle Karine, qui n’en revient toujours pas d’un tel traitement, après 23 ans d’exercice dans le laboratoire. 

Ce mardi 2 février, les visiteurs médicaux ont donc délaissé pour une journée leur secteur en région afin de squatter le siège du laboratoire en région parisienne, rassemblés pour la première grève de la maison Servier. Éparpillés habituellement sur toute la France, ils s’étreignent et s’embrassent, sur le parvis de Suresnes, avec à la main des pancartes dénonçant la « trahison » de leur employeur. « Tout le réseau commercial est mis dehors, y compris des directeurs régionaux, s’indigne Valérie, arrivée ce matin de l'est de la France. À l’heure actuelle, on ne sait pas qui va vendre les médicaments chez Servier. » 

 

Manifestation devant le siège de Servier à Suresnes, le 2 février 2016 © Mathilde Goanec Manifestation devant le siège de Servier à Suresnes, le 2 février 2016 © Mathilde Goanec

 

Les visiteurs médicaux sont lucides, ils savent que leur métier est sur la sellette. Le scandale du Mediator a durablement entaché la marque Servier et fragilisé l'ensemble de la profession, accusée de pousser les médecins à des prescriptions hasardeuses. Les visiteurs médicaux souffrent également du ralentissement de l'innovation dans l'industrie pharmaceutique. Mais la pilule est néanmoins dure à avaler. Chez Servier, 610 postes (657 selon les syndicats) vont être supprimés, avec peu d’espoirs de reclassement en interne. Près de 80 % de ces salariés sont des femmes. Le projet de réorientation stratégique du laboratoire vers l’oncologie, et donc le milieu hospitalier, ne convainc personne, car il n'offre de perspectives que pour une quarantaine d'employés. « 23 nouvelles molécules sont dans les tuyaux, dont neuf en oncologie », explique la direction. « Mais ces nouveaux produits ne nécessiteront pas de visiteurs médicaux comme  actuellement », concède Servier qui peste aussi contre « l’environnement du médicament » en France, responsable selon lui de la chute du chiffre d’affaires de 15 % dans l’Hexagone. Le laboratoire ne résisterait pas au « déremboursement », aux « baisses de prix imposées » par le gouvernement, ni aux « retards dans l’obtention d’AMM », soit l’autorisation de mise sur le marché, qui permet à un médicament d’entamer son parcours commercial. 

 



« On nous parle de nouvelles molécules tous les trois ans, sans jamais rien voir venir, se plaint Marie-Pierre Juyoux, déléguée syndicale centrale CFDT. La direction fait un "pari financier" sur l’oncologie, alors que le domaine est déjà largement dominé par les grands Pfizer et Sanofi. On en paye le prix. » Et de rappeler les multiples aides dont a bénéficié le laboratoire pour pérenniser l’emploi, dont 107 millions d’euros en crédit impôt recherche rien que l’an dernier. « Ce choix brutal remet à l’ordre du jour la nécessité d’une loi contre les licenciements boursiers dans les entreprises réalisant des bénéfices, souligne à ce propos la députée de Nanterre-Suresnes, Jacqueline Fraysse, dans une lettre de soutien aux salariés. Il soulève également la question des aides publiques aux entreprises censées permettre la création d’emplois et non favoriser leur destruction. » Selon un communiqué d'Unsa Chimie, l'intersyndicale sera reçue au ministère du travail à la mi-février. 

 

Nouveau plan de départs volontaires chez Sanofi

Par ailleurs, le laboratoire est loin d’être au bord du gouffre. Le groupe, qui comprend la lucrative filiale Biogaran (laboratoire produisant des génériques), a présenté pour l’an dernier un chiffre d’affaires de près de quatre milliards, ainsi qu’un bénéfice net de 352 millions d'euros, contre 77 millions sur l'exercice précédent (un chiffre plombé par une amende qu'a infligée la Commission européenne à l’entreprise pour entrave à la commercialisation d’un générique concurrent). « Nous voulons que le plan de sauvegarde de l’emploi soit à la mesure de la brutalité dont Servier a fait preuve à notre égard, insiste donc Marie-Pierre Juyoux. Il est hors de question que mes collègues se retrouvent à Pôle emploi et que la collectivité paye encore une fois pour Servier. » Pour le moment, le projet de PSE présenté par la direction ne prévoit aucune indemnité au-delà du minimum légal et un dispositif de « préretraite » accessible aux seuls salariés âgés d’au moins 59 ans et ayant au minimum 10 ans d’ancienneté (soit moins de 30 salariés sur les 610 concernés). Le congé de reclassement portera sur 12 ou 24 mois, selon l’âge du salarié licencié. « Ce n’est pas décent, estime Linda, dont l'emploi est menacé. On sait bien que les visiteurs médicaux, c’est fini, il faut qu’on puisse changer complètement de voie pour s’en sortir. » 

Le laboratoire français n’est pas le seul à tailler dans ses effectifs. L’entreprise suisse Novartis le fait, de manière moins spectaculaire, depuis deux ans, misant sur des plans de « redéploiement » pour contracter son service commercial.  « Nous avons dû batailler l’an dernier pour avoir un plan de sauvegarde de l’emploi digne de ce nom, et encore, les conditions de départ étaient les plus basses de l’industrie pharmaceutique, explique, sous couvert d’anonymat, une déléguée syndicale chez Novartis. Là, ils ont sorti un plan de départs volontaires, avec des volontaires désignés, et des mesures de compensations ridicules. Mais on laisse faire… » Au total, pratiquement 200 emplois sont partis en fumée, et ce n’est pas près de s’arrêter.

Chez Sanofi, trois ans après le dernier plan de départs volontaires (retoqué par la justice mais mis en œuvre en attendant l’appel), la direction remet le couvert, et ce malgré les déclarations rassurantes du nouveau PDG du groupe en 2014. D’après un document remis aux partenaires sociaux le même jour que la grève chez Servier, six cents postes seront supprimés d’ici deux ans dans l’Hexagone, de manière à réaliser 1,5 milliard d’économies pour anticiper la « falaise des brevets », ces molécules tombant prochainement dans le domaine public, selon la direction. « Ça va toucher a priori les fonctions supports du groupe, mais c’est sans compter les 474 postes vacants en recherche et développement, suite au dernier plan de départs volontaires, rappelle Sandrine Caristan, membre du collectif Sanofric. « On fait plus de quatre milliards de bénéfices l’an dernier, mais c’est toujours le même blabla sur des centaines de pages : Sanofi va très mal, on perd de l’argent… C’est à pleurer », ironise avec amertume la salariée. Le laboratoire a touché depuis 2008 des centaines de millions d’euros en crédit impôt recherche et de 11 à 18 millions d’euros par année depuis la mise en œuvre du CICE (lire ici notre article détaillé sur les effets du CICE). Par ailleurs, la part du chiffre d’affaires reversée aux actionnaires de Sanofi dépasse désormais celle consacrée à la recherche, environ 4,8 milliards d’euros en 2014. 

 

 

 

 

 

Source : https://www.mediapart.fr

 

 

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1 février 2016 1 01 /02 /février /2016 21:12

 

Source : http://www.bonnes-nouvelles.be

 

Grenoble lance un droit d’interpellation « qui donne du pouvoir d’agir »

 

 

01 Fév 2016

 

 

 

 

Ce samedi 23 janvier, lors des Assises citoyennes (acte 2), l’équipe municipale de Grenoble, conduite par le maire EELV Eric Piolle, a lancé l’une des mesures phares de son mandat : un droit d’interpellation.

Le nouveau « droit d’interpellation » grenoblois, imaginé par la Ville de Grenoble, a été baptisé « dispositif d’interpellation et de votation d’initiatives ». Il devrait être voté lors du conseil municipal du 29 février prochain. Ses modalités sont particulièrement audacieuses. « Le système a été pensé pour être engageant, afin qu’il donne du pouvoir d’agir » expliquait Pascal Clouaire, adjoint à la démocratie locale, samedi 23 janvier, lors des Assises Citoyennes (acte 2). « Il y a deux chiffres clés à retenir : 2000 et 20 000 » poursuit-il. Pour qu’une pétition soit prise en compte, son auteur devra réunir seulement 2000 signatures. L’objet de la pétition (qui devra relever des compétences de la Ville) est ensuite débattu au conseil municipal. A partir de là, « deux possibilités seulement, pas d’échappatoire» : soit le conseil accepte la mesure et propose une délibération dans les trois mois, soit le conseil municipal ne veut pas s’engager et soumet cette question aux Grenoblois par une votation citoyenne. Pour que le projet soit adopté, les porteurs de l’objet de la votation devront récolter 20 000 voix majoritaires. « La spécificité et la force de notre droit d’interpellation est de lier un système de pétition à un système de votation », insiste l’adjoint.

Mobilisation imprévisible

« C’est une mesure extrêmement ouverte et qui fait sens », commente Loïc Blondiaux, professeur de sciences politiques et expert de la démocratie participative. Le chiffre des 20 000 voix n’a en effet pas été choisi au hasard. Il correspond au nombre de voix obtenues par l’équipe municipale, au deuxième tour des dernières élections. Ce chiffre sera encore plus facilement atteignable par les porteurs d’initiatives, car tout habitant à Grenoble, de plus de 16 ans pourra voter. Ne cachant pas son a priori positif devant l’innovation grenobloise, Loïc Blondiaux émet toutefois deux réserves : « A-t-elle été parfaitement verrouillé juridiquement ? ». Il semblerait que oui, mais la mise en œuvre le confirmera. Sa seconde crainte porte sur la mobilisation : «Dans un contexte d’absentéisme fort, le risque serait qu’au final, il n’y ait qu’une trop faible participation et que les 20 000 voix ne soient pas atteints. Il faudra veiller à organiser le débat ! ». Pour Pascal Clouaire, rien est écrit à l’avance : « Mais les gens ont plutôt tendance à s’informer et à se mobiliser, quand ils voient que cela sert à quelque chose ! ». Par ailleurs, une seule journée par an sera consacrée au vote de tous les sujets de votation de l’année, ainsi qu’au choix des projets du budget participatif – de sorte à concentrer la mobilisation citoyenne.

« On va recueillir des propositions et aussi des problèmes ! »

Il n’est pas non plus à exclure que des mesures validées par le suffrage populaire, soient en contradiction avec le projet écologique plutôt tourné vers la sobriété de l’actuelle majorité grenobloise. Le comble étant que ces propositions entérinées par la votation, pèseront dans les finances, par ailleurs en piteux état de la Ville… La municipalité a anticipé l’épineuse question du financement des initiatives qui vont lui être soumises. « Si par exemple l’objet de la pétition ayant recueilli 2000 signatures est de “mettre partout des caméras de vidéosurveillance”. Cela aurait un coût ! Et ce n’est évidemment pas une mesure que soutient notre majorité ! Le financement de cette opération serait mis au débat durant la période précédant la votation. Notre majorité se prononcerait aussi sur la manière dont pourrait être financée cette mesure. Les Grenoblois voteront ainsi en connaissance de cause…». L’équipe d’Eric Piolle préfère miser sur « l’intelligence collective ». « Seule la démocratie peut défaire ce que la démocratie a faite », lance sentencieusement Pascal Clouaire. Si nous voulons donner du pouvoir d’agir aux habitants, il faut que nous sortions de notre zone de confort. Donc on va recueillir des propositions et aussi des problèmes. »

Les règles du jeu pourront évoluer…

Cyril Lage, créateur de Parlement & Citoyens et co-fondateur de Démocratie Ouverte se dit naturellement partisan de ce type de dispositif. Ce qui ne l’empêche pas d’en percevoir déjà les travers : « Les groupes d’intérêts extrêmement bien structurés vont instrumentaliser ce droit. Cela peut être la porte ouverte à faire passer tout ce qu’on veut. » Rompu aux systèmes de démocratie participative, il détecte une autre faille plus problématique pour la cohésion sociale : « Etant donné que l’objet de la pétition, de fait, n’évoluera pas jusqu’à la votation, on ne sera pas dans la co-construction, mais plutôt dans le clivage. Les gens feront bloc contre bloc …» Aucun outil de démocratie participative n’est parfait. « L’équipe municipale ne s’interdira pas de faire évoluer les règles du jeu, si cela s’avérait nécessaire », lâchait Pascal Clouaire, lors de la conférence de presse.

Par Séverine Cattiaux (25/01/2016)

A lire dans La gazette des communes

 

 

Source : http://www.bonnes-nouvelles.be

 

 

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1 février 2016 1 01 /02 /février /2016 21:05

 

 

 

Auvergne > Moulins 26/01/16 - 08h09
Il réhabilite des vieux PC qu'il offre à des familles démunies

 

 

Julien Sennepin, président de l’association, (à gauche), et Shaip Xhuka, bénévole, à droite, redonnent vie à des ordinateurs donnés à 1pas vers l’informatique.? - photo : françois-xavier gutton

Julien Sennepin, président de l’association, (à gauche), et Shaip Xhuka, bénévole, à droite, redonnent vie à des ordinateurs donnés à 1pas vers l’informatique.? - photo : françois-xavier gutton

 

Depuis 6 mois le Moulinois Julien Sennepin et son association "1er pas vers l’informatique" réhabilite des ordinateurs d’occasion pour les offrir aux gens dans le besoin. Il propose également d’autres prestations informatiques, à bas prix, pour gérer l’association.

 

Donner une seconde vie à des ordinateurs défectueux et les offrir aux ménages les plus modestes. Un pari risqué dans lequel s'est lancé depuis quelques mois Julien Sennepin.

« Je trouvais dommage de gaspiller du matériel encore en état
de fonctionner »

Cette initiative inédite dans l'agglomération moulinoise lui est venue de son expérience personnelle.

« Il y a dix ans, je n'avais pas les moyens de me procurer un ordinateur. C'est un de mes voisins qui m'a aidé à en acquérir un gratuitement, par le biais de son réseau d'amis. »

Un don généreux qui l'a incité à créer sa propre association, 1 er pas vers l'informatique. Son objectif : recycler du matériel informatique (PC, imprimantes, etc.) et l'offrir aux plus démunis.

Mais difficile de se lancer quand on n'a pas les bases en informatique. Employé de libre-service, c'est son frère informaticien qui l'a formé pour la bonne cause.

« Je trouvais dommage de gaspiller du matériel de bonne qualité et encore en état de fonctionner, explique le Moulinois. Surtout quand cela peut profiter à des étudiants ou des familles sans le sou. »

Bénéficiaires du RSA, allocataires de la CAF ou touchant moins de 900 € par mois peuvent jouir de ces dons. Mais également des associations ou encore des écoles possédant très peu de budget.

« En général c'est un échange de service. Nous, on leur offre un ordinateur et eux reviennent pour imprimer des documents, des affiches. C'est un échange de bons procédés. Et d'une manière ou d'une autre on s'y retrouve. »

 

Une centaine d'ordinateurs en quelques mois

 

En l'espace de quelques mois, une centaine d'ordinateurs sont passés sous ses mains. Des PC glanés à droite à gauche, auprès du conseil départemental, des lycées et des collèges du département.

« On essaye également de démarcher des structures sur Clermont, pour étendre notre rayon d'action. »

Mais tout ceci à un coût. Et pour financer les locaux, l'association propose également des services de qualité à prix attractifs

Réparation, installation de système d'exploitation, impression de document, sans oublier la vente d'ordinateurs et d'éléments informatiques. Autant de prestations qui permettent à l'association de s'autofinancer.

« Nous assurons la qualité des produits de nos fournisseurs. S'il y a un souci, nous changeons tous de suite les composants défectueux ou nous remboursons le client. »

Modeste, mais pas moins ambitieuse, l'association tente également de diversifier son activité. Et cherche à tout prix à démarcher des entreprises locales pour concevoir des ordinateurs sur mesure, aux demandes des clients. Mais encore faut-il être connu.

« Nous envisageons de développer cette filière. Et recruter un bénévole pour démarcher les entreprises. Nous sommes déjà en contact avec la sécurité sociale qui, avec l'incendie qu'elle a subi cet été, doit restaurer son parc informatique. »

Pratique. Association 1er pas vers l'informatique, 23 rue de l'Oiseau 03 000 Moulins. Ouvert du lundi au samedi, de 9 heures à 12 heures et de 14 heures à 18 heures. Contact : 09.84.56.95.96

Laura Bazin

 

 

 

 

 

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1 février 2016 1 01 /02 /février /2016 20:51

 

Source : http://m.20minutes.fr

 

 

ARGENT

Une personne seule a besoin de 1.424 euros par mois pour vivre décemment

 

Mis à jour le 06/03/15 à 10h17

 

 

Une personne seule a besoin de 1.424 euros par mois pour vivre décemment.

Une personne seule a besoin de 1.424 euros par mois pour vivre décemment. — Damien Meyer AFP

 

Selon une étude de l'Observatoire national de la pauvreté et de l'exclusion sociale (ONPES) publiée vendredi...

 

Un budget permettant de vivre décemment en logement social dans une ville moyenne serait de 1.424 euros pour une personne seule, et de 3.284 euros pour un couple avec deux enfants, évalue une étude de l'Observatoire national de la pauvreté et de l'exclusion sociale (ONPES) publiée vendredi.

Le rapport annuel de l'Observatoire livre les résultats d'une recherche menée depuis trois ans pour évaluer les «budgets de référence», nécessaires pour «une participation effective à la vie sociale». Cette étude s'inscrit dans une réflexion menée au niveau européen, visant à déterminer «un revenu minimum décent».

 

Des budgets pour une vie décente

Avec l'aide d'experts et de citoyens, l'ONPES a ainsi élaboré des budgets de référence pour des ménages vivant dans les villes moyennes de Tours et Dijon.

Ils ont d'abord déterminé les paniers de biens et services relevant d'un besoin minimum: disposer d'une chambre pour chaque enfant de sexe différent et de plus de 6 ans, d'une chambre d'amis pour les retraités.

Avoir une voiture d'occasion, pouvoir partir en vacances (deux semaines par an pour les actifs avec enfants, une semaine pour les retraités et les actifs sans enfant), pouvoir pratiquer des activités culturelles et sportives, inviter des amis, offrir des cadeaux. Alimentation, habillement, soins et hygiène corporelle ont également été pris en compte.

Les budgets nécessaires à une vie décente, pour un ménage logé dans le parc social, ont ainsi été établis entre 1.424 euros pour une personne active seule (1.571 euros dans un logement du parc privé), et 3.284 euros pour un couple avec deux enfants (3.515 dans le privé).

Le budget nécessaire pour les familles monoparentales avec deux enfants est de 2.599 euros dans un logement social (2.830 dans le privé).

Les budgets de référence des retraités en couple sont de 2.187 euros (2.437 dans le privé), ceux des couples d'actifs sans enfant de 1.985 euros (2.133 dans le privé).

 

De faibles moyens pour les familles monoparentales 

Ces budgets ont permis de déterminer la part des ménages qui sont en situation financière tendue. Ainsi, selon l'étude, les familles monoparentales sont soit pauvres (55%), soit disposent de moyens insuffisants pour vivre décemment (40%).

14% des retraités seuls sont pauvres, 45% en risque de restrictions.

Seuls 12% des couples d'actifs sans enfant sont dans cette situation (5% sous le seuil de pauvreté, 7% amenés à renoncer à certains biens et services jugés nécessaires pour vivre décemment). Il s'agit de la catégorie la moins en difficulté.

12% des couples avec deux enfants vivent sous le seuil de pauvreté, 24% doivent s'imposer des restrictions.

Le seuil de pauvreté se situe à 60% du niveau de vie médian (987 euros par mois).

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1 février 2016 1 01 /02 /février /2016 18:50

 

Source : http://www.reporterre.net

 

 

 

Les dix casseroles de Vinci, bétonneur de Notre-Dame-des-Landes

29 janvier 2016 / Tiffany Blandin (Reporterre)
 


 

 

Il est le deuxième groupe de BTP au monde. Et champion français du béton, concessionnaire d’autoroutes, de parkings, de stades, d’aéroports. Il veut saccager la zone humide de Notre-Dame-des-Landes. Mais Vinci, c’est aussi une liste, non exhaustive, de dossiers destructeurs de l’environnement. Et de juteux arrangements financiers.

Vinci : cinq lettres, un géant peu connu, le promoteur du projet d’aéroport de Notre-Dame-des-Landes. Aéroports du Grand Ouest (AGO), filiale du groupe et concessionnaire du site, a demandé à la justice l’expulsion immédiate des habitants historiques de la zone, qui refusent de quitter leurs terres. Le tribunal de Nantes a approuvé les expulsions lundi 25 janvier. L’éviction par Vinci de ces opposants permettrait le début des travaux de cette infrastructure très controversée.

Mais qui connaît vraiment Vinci ? À Reporterre, nous avons eu envie de dresser un portrait du premier groupe de construction français. Qui est aussi le deuxième acteur du BTP (bâtiments et travaux publics) dans le monde, avec 38,7 milliards d’euros de chiffre d’affaires en 2014. Réparties dans une centaine de pays, plus de 185.000 personnes sont salariées par ce mastodonte.

Quand l’État français décide de confier la construction et la concession de grands projets à une entreprise privée, la firme implantée à Rueil-Malmaison, près de Paris, remporte souvent le contrat. Elle gère ainsi 4.386 kilomètres d’autoroutes, de nombreux parkings souterrains, des stades, et même l’éclairage public de certaines communes. Le groupe se développe aussi à l’étranger. Un des principaux axes de sa stratégie est de se développer dans les aéroports, à l’étranger - et en France. Il en exploite 33. Pour connaître le détail des activités de Vinci, c’est par ici.

Mais il y a évidemment un revers à la médaille. Bulldozers et pelleteuses massacrant l’environnement, soupçons autour de l’attribution des marchés, conditions de travail de ses salariés. Voici la liste, non exhaustive, des casseroles du géant du BTP.

 

1. La LGV entre Tours et Bordeaux : désastre commercial et environnemental

 

 

Quand les patrons de Vinci veulent en imposer devant un futur client, parions qu’ils parlent de la ligne à grande vitesse entre Tours et Bordeaux. En quatre ans, le groupe a bâti 340 kilomètres de voies nouvelles, érigé 500 ponts et ouvrages d’art, déplacé 60 millions de mètres cubes de terre. Liséa, le consortium mené par Vinci chargé de l’exploitation de la ligne, a d’ailleurs publié une vidéo sur internet dont le titre en dit long sur la fierté que représentent ces travaux pour le groupe : « Embarquez pour le survol du chantier en full HD ! ». Filmé à l’aide d’un drone, cette vidéo de 24 minutes et 40 secondes sur fond de musique pop montre l’ampleur du chantier... et des dégâts sur l’environnement.

Tout à leur émerveillement, les dirigeants n’ont pas vu arriver la catastrophe commerciale. Vu les sommes investies par Vinci, le péage payé par la SNCF sur l’axe Paris-Bordeaux va beaucoup augmenter. Pour faire des économies, le groupe ferroviaire va programmer en moyenne 16,5 allers-retours quotidiens, soit une dizaine de moins que prévus initialement, et privilégier les trains directs pour ne pas diminuer l’attrait commercial de la ligne. Du coup, non seulement Vinci aura moins de recettes que prévu, mais en plus, plusieurs élus ont décidé de suspendre leur financement après s’être rendus compte que le TGV allait bien passer chez eux, mais sans s’arrêter.

 

2. Des expropriations à moindre coût pour le grand stade de Lyon

 

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Sur le chantier de construction du grand stade de l’Olympique lyonnais, début 2014.

Un grand stade, le siège de l’Olympique lyonnais (OL), deux hôtels de luxe, un centre de loisirs, et 7.000 places de stationnement. Ce Disneyland du foot business, c’est le rêve de Jean-Michel Aulas, le président de l’OL, et une aubaine pour Vinci, qui doit recevoir autour de 400 millions d’euros pour réaliser ces travaux.

Mais les Lyonnais ne voient pas très bien l’utilité d’un tel projet immobilier qui mange 160 hectares de champs en bordure de l’agglomération. Quant aux riverains du futur complexe, ils ont essayé de tout faire capoter. Ces rabat-joie ont réussi à faire annuler cinq déclarations d’utilité publique concernant les accès au stade. Motif ? Leurs terres ont été rachetées 1 euro le mètre carré, parce qu’elles étaient classées en zone agricole. Étienne Tête, leur avocat, a réclamé qu’elles soient valorisées à 40 euros le mètre carré, parce qu’elles sont situées en zone périurbaine. Mais le Conseil d’État a cassé l’avis de la Cour administrative d’appel de Lyon. La fête peut continuer.

 

3. En Russie, des soupçons de corruption pour une autoroute

 

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Camp de résistance à Khimki en 2013

Il n’y a pas que les campagnes françaises que Vinci recouvre de béton. En Russie, la forêt de Khimki, qui servait de poumon vert à la région de Moscou, est aujourd’hui méconnaissable. Elle est maintenant traversée par une autoroute entourée de bâtiments sur plusieurs kilomètres de large.

Mais ce n’est pas le seul problème. En 2013, plusieurs associations, dont Sherpa, ont déposé une plainte contre Vinci concessions Russie pour infractions financières et corruption d’agents publics. Le groupe français est accusé de s’être associé à des partenaires liés à la mafia et au blanchiment d’argent pour obtenir la concession de l’autoroute, comme nous vous l’expliquions à l’époque de la plainte.

Aujourd’hui, une enquête préliminaire est en cours. « L’enquête est longue et difficile », confie William Bourdon, avocat et président de Sherpa à Reporterre. Mais pourquoi serait-ce si difficile si Vinci n’avait rien à se reprocher ?

 

4. Un plan pour les autoroutes très généreux

 

 

Quand on travaille pour le compte des pouvoirs publics, les négociations avec les décideurs prennent une place très importante. À ce jeu là, Vinci semble très fort. En tout cas, le groupe - comme les autres sociétés - a bien négocié lors du grand accord sur les autoroutes signé en septembre 2015 avec le gouvernement Valls.

Ce « plan de relance autoroutier » prévoit que les sociétés concessionnaires – Vinci est leur numéro un dans l’Hexagone – prennent en charge une vingtaine de chantiers de raccordements, d’élargissement ou d’aménagements d’autoroutes existantes, pour un montant de 3,27 milliards d’euros. En contrepartie, la durée de leurs concessions (et des recettes des péages) sera allongée de 2,5 ans en moyenne.

Nous avons demandé à Laurent Hecquet, le président du think tank Automobilité et avenir ce qu’il pensait de cet accord. « C’est simple, les sociétés vont empocher 1,2 milliard d’euros par année supplémentaire d’exploitation. Si l’on prend en compte l’évolution des recettes des péages, elles devraient gagner, grâce à cet accord, plus de 10 milliards d’euros. »

 

5. Le financement public-privé du stade contesté à Bordeaux

Le plan de financement du nouveau stade de Bordeaux est pour le moins complexe. C’est un partenariat public-privé, donc l’État et les collectivités locales paient une partie du projet, et la société SBA (Stade Bordeaux Atlantique) – filiale détenue à parts égales par Vinci et Fayat – en finance une autre. Jusque-là tout va bien. En plus, la municipalité va verser un « loyer » à SBA, qui va exploiter le stade. On suit toujours. La subtilité, c’est que, en plus du loyer, la ville doit rembourser à SBA les impôts locaux que la société devrait normalement lui verser... Là, on s’y perd un peu. C’est aussi le cas de Matthieu Rouveyre, un élu municipal PS qui a déposé un recours devant le Conseil d’État pour dénoncer le contenu de l’accord entre les sociétés de BTP et les pouvoirs publics. Il a en effet calculé que, entre le loyer et les « bons de remboursement », Bordeaux devrait verser 6,45 millions d’euros par an aux concessionnaires pendant 30 ans. Pour ceux qui n’auraient pas tout compris, le détail des explications ici.

6. Les conditions de travail des migrants au Qatar dénoncées

Semaines de 66 heures, 200 euros de salaire mensuel, logements indignes, manque de matériel de protection, confiscation des passeports... Voici à quoi ressemblerait le quotidien des travailleurs immigrés travaillant sur les chantiers d’une filiale de Vinci en vue de la future Coupe de monde de football au Qatar, d’après l’association Sherpa.

Cette dernière a déposé une plainte en mars 2015 pour travail forcé, réduction en servitude et recel contre Vinci construction et les dirigeants français de sa filiale qatarie, Qatari Diar Vinci construction. Elle s’appuie notamment sur un rapport de la Confédération syndicale internationale, qui est allé mener l’enquête sur place. À noter que, suite à cette plainte, Vinci poursuit Sherpa pour atteinte à la présomption d’innocence et diffamation. L’association, interrogée dans Libération, assure que « la procédure engagée par Vinci, que l’on appelle Slapp (Strategic Lawsuit Against Public Participation, ou poursuite-bâillon, en français), vise à entraver la dénonciation de faits par un individu ou un organisme à travers des menaces de poursuite ».

 

7. Le très contestable projet d’aéroport à Notre-Dame-des-Landes

 

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Sur la ZAD de Notre Dame des Landes, en juillet 2014

Vinci a obtenu en janvier 2011 la concession du terrain où doit être construit l’aéroport du Grand-Ouest. C’est bien sûr un pur hasard si le préfet de Loire-Atlantique au moment de la rédaction de l’appel d’offres, Bernard Hagelsteen, travaille maintenant chez Vinci Autoroutes. Depuis, le groupe de BTP orchestre les propositions de rachat puis les expulsions des riverains. Les procédures, visant onze familles habitant sur le site, avaient été stoppées par Vinci le 10 décembre dernier, trois jours avant le second tour des élections régionales. Elles ont depuis repris et, le 25 janvier 2016, le tribunal de grande instance de Nantes a autorisé les expulsions.

Rappelons en forme de litote que la question de la légitimité de cet aéroport se pose. Comme Reporterre le rappelait début janvier, les calculs qui ont permis de chiffrer son avantage économique sont introuvables. Or, ces données ont été déterminantes dans la déclaration d’utilité publique de l’infrastructure. Si elles étaient caduques, le projet n’aurait plus lieu d’être.

 

8. Une route du littoral au prix démentiel à La Réunion

 

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Vue numérique du projet d’autoroute à La Réunion par le cabinet d’architectes Lavigne Cheron.

Une deux fois trois voies sur pilotis au dessus de la mer. Ce projet d’autoroute à La Réunion fait certainement fantasmer les ingénieurs de Vinci et de Bouygues, les deux groupes choisis pour réaliser une bonne partie des travaux. Mais la « nouvelle route du littoral » est une catastrophe pour l’environnement, doublée d’une aberration économique. La réalisation de ces 12,5 kilomètres de route, entre Saint-Denis et Le Port, doivent coûter 1,66 milliard d’euros, soit 138 millions d’euros le kilomètre. Du jamais vu, dans la mesure où un kilomètre de route coûte en moyenne 6,2 millions d’euros.

Cerise sur le gâteau, une enquête portant sur l’attribution des marchés a été ouverte après une dénonciation anonyme pour malversations. Une quinzaine de perquisitions ont été menées en octobre dernier au domicile de Didier Robert, le président du conseil régional de La Réunion, au siège du conseil régional ainsi qu’au siège du groupement Vinci-Bouygues à La Réunion.

 

9. Le grand contournement inutile de Strasbourg...

 

*Suite de l'article sur reporterre

 

 

Source : http://www.reporterre.net

 

 

 

 

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1 février 2016 1 01 /02 /février /2016 18:03

 

Source : http://rue89.nouvelobs.com

 

 

 

« Les pouvoirs de surveillance sont comme du chocolat pour le renseignement »

 

 

 

 

L’Américain Christopher Soghoian, chercheur en sécurité informatique, invite les utilisateurs à protéger eux-mêmes leur vie privée, face aux entreprises et aux gouvernements.

 

Il est l’une des voix les plus audibles en matière de défense de la vie privée. Ce qui a le don de prodigieusement agacer les autorités de son pays... L’Américain Christopher Soghoian, chercheur en sécurité informatique et spécialiste des questions de surveillance, se décrit comme quelqu’un qui débusque ce que les gouvernements veulent taire. Pour, ensuite, porter ces secrets sur la place publique.

Depuis 2012, il mène ses enquêtes au sein de l’une des plus prestigieuses associations de défense des libertés au monde, l’American Civil Liberties Union (ACLU). « Mon patron est l’avocat d’Edward Snowden », glisse-t-il fièrement lors de notre rencontre au Forum international de la cybersécurité, à Lille.

 
 

Chiffrement, maman, services de renseignement et secrets en pagaille... Il nous explique ici son travail, et les grands enjeux qui se présentent aujourd’hui, à un monde toujours sous surveillance.

 

Rue89 : En quoi consiste votre boulot ?

Christopher Soghoian : Mon boulot consiste à trouver les secrets des gouvernements ; j’essaie de comprendre comment ils espionnent pour ensuite le faire savoir au grand public. Ma chance, c’est de pouvoir expliquer des choses très complexes avec des termes plus faciles à comprendre.

Après un doctorat sur la manière dont les entreprises collaborent à la surveillance d’Etat, je suis rentré à l’ACLU, où je travaille avec des avocats pour les aider à constituer des plaintes solides.

Normalement, quand tu décroches ton doctorat, tu deviens un expert mondial d’un sujet très, très précis, qui est le plus souvent ennuyeux. J’ai beaucoup de chance, parce que le sujet pénible que j’ai choisi intéresse en fait pas mal de gens !

Donc votre boulot est d’énerver le FBI ?

Pas les énerver, non ! Les énerver est un effet secondaire. Le but est de ne pas les énerver, mais de savoir ce qu’ils font.

D’accord. Comment vous faites alors pour le savoir ?

Il est très difficile de garder quelque chose caché en 2016 : il y a un petit bout ici, un petit bout là... Je commence par comprendre des rapports déjà publics. J’ai aussi recours aux requêtes FOIA [voir encadré, ndlr].

C’est quoi le FOIA ?

Le FOIA, ou Freedom of Information Act, est un texte de loi américain qui autorise n'importe qui à demander des documents à l'administration américaine. Dont font évidemment partie les agences de renseignement : FBI, NSA et toutes leurs copines.

Néanmoins, cette transparence est limitée, notamment quand les requêtes portent sur le secret défense...

Et puis, comme un journaliste, j’ai un carnet d’adresses. Je m’entends bien avec certaines personnes qui, après trois-quatre verres, commencent à dire des choses qu’elles n’auraient peut-être pas dites autrement... Et puis, beaucoup d’entre elles ont aussi mauvaise conscience.

Après les révélations de Snowden, voyez-vous un changement dans la façon dont les gens appréhendent leur vie privée ? Ils s’en soucient ou ils s’en fichent, selon vous ?

Dire qu’ils s’en fichent n’est probablement pas la meilleure manière de présenter les choses. Je pense simplement que beaucoup de personnes ignorent ce qui se passe.

Beaucoup de gens ont une vie très chargée, surtout dans cette situation économique : certains ont deux voire trois jobs et ont donc d’autres priorités. Nourrir leur famille, leurs enfants, avoir un meilleur boulot... Ils n’ont pas le temps de consacrer douze heures à la façon dont on surveille sur Internet !

Et par ailleurs, ce n’est pas si facile de saisir tout ça. Il y a eu tant de révélations Snowden ces trois dernières années, qu’elles forment une image un peu floue dans l’esprit de la plupart des gens. S’ils ont entendu parler de Snowden, ils savent qu’il a révélé quelque chose sur la surveillance, mais les détails spécifiques, ils les ignorent.

Donc je pense qu’à long terme oui, il y a eu une petite prise de conscience sur l’espionnage, mais pas sur ses modalités précises.

En revanche, la communauté qui bosse sur ces sujets technologiques s’est énormément renseignée sur la question. Or l’un de ses principaux enseignements est que l’espionnage gouvernemental a été en grande partie rendu possible parce que la sécurité n’était pas très bonne. Les entreprises ont été fainéantes. Elles n’ont pas chiffré leurs données quand elles le pouvaient. Elles ont utilisé de vieilles versions de logiciels quand elles pouvaient en avoir de nouvelles, plus sécurisées.

On s’est rendu compte de l’état de la sécurité au sein de ces sociétés un peu comme si on avait fait un tour dans la cuisine de son resto favori, pour s’apercevoir que c’était pas super propre !

Par ailleurs, il y avait aussi une forme de honte personnelle dans les équipes. Ils voulaient réparer ce qui avait foiré.

Donc pour moi, voilà le plus gros impact des affaires Snowden : les grosses boîtes dont tout le monde utilise les services ont été forcées à davantage de sécurité.

Christopher Soghoian, en 2013 à Hambourg

Christopher Soghoian, en 2013 à Hambourg - Tobias Klenze/Wikimedia Commons/CC
 

Donc quand Google, Facebook et Yahoo affirment, par exemple après l’affaire Prism, qu’ils n’ont pas aidé la NSA à surveiller tout le monde, vous les croyez ?

Techniquement, c’est vrai : ils ont aidé le FBI, qui a ensuite donné les infos à la NSA. Ils n’ont jamais nié cela.

L’affaire Prism n’était pas super : c’est l’une des premières histoires à sortir, avec des documents qui contiennent tous les noms de ces grandes entreprises... Mais la manière dont cela a été raconté dans la presse n’a pas été totalement exacte au départ. 

Du fait de ces quelques erreurs, les entreprises ont pu nier avec franchise. Le gouvernement aussi ! Et ce, même si 77 % de l’histoire était juste !

Il y a six ans, le FISA Act a autorisé le gouvernement à demander aux entreprises américaines des informations sur des citoyens non américains. Cette loi était très claire. Ce n’était pas une surprise pour les juristes.

Quand l’affaire est sortie, les deux dénis des entreprises étaient les suivants : un, nous ne partageons pas les données avec la NSA – ce qui est vrai, vu qu’ils les refilaient au FBI. La distinction est stupide mais ça leur a permis de nier. Deux, nous ne donnons pas tout.

L’idée qu’il n’y avait pas un accès direct aux données ?

Oui, l’idée qu’ils n’ont filé que des données précises, sur quelques centaines de milliers de comptes. C’est beaucoup, mais de leur point de vue, ils peuvent dire que ça reste peu par rapport aux millions de comptes enregistrés.

Donc l’histoire Prism est vraiment compliquée, parce que chaque côté pouvait dire ce qu’il voulait et que c’était trop embrouillé pour une personne moins impliquée de saisir la vérité.

Que répondez-vous aux personnes qui affirment ne rien avoir à cacher ? Et qui disent être très contentes des services offerts par Facebook, Twitter et compagnie ?

Déjà, ces services sont avant tout publics. Ensuite, tout le monde a des secrets.

Par exemple : combien d’argent gagnez-vous ? Quels médicaments prenez-vous ? Avec qui avez-vous couché ? Et puis, pourquoi portez-vous des vêtements ? Je veux dire, ce n’est pas simplement parce qu’il fait froid... Même chose avec les rideaux : si vous n’avez rien à cacher, baladez-vous à poil devant vos fenêtres ! Bon, certains le font... mais pas tout le monde ! Nous avons tous des choses à cacher.

Après, je pense que c’est faux de dire que si on utilise Facebook, alors on abandonne toute vie privée. On peut au contraire s’en soucier, par exemple en choisissant ce qu’on partage sur le site. Ou en faisant le choix de ne croire que certaines entreprises : le simple fait de faire confiance à une société ne veut pas dire que tout le monde a le droit de mettre son nez dans vos affaires !

Quand vous allez voir votre médecin, pour une démangeaison ou je ne sais quoi, vous confiez à quelqu’un d’autre quelque chose de privé. Vous comptez sur lui pour qu’il le garde secret.

Donc on devrait pouvoir attendre la même chose de Google et Facebook ?

Oui. Après, ces sociétés peuvent respecter ou non la vie privée – c’est une autre histoire – mais cette exigence ne me paraît pas déraisonnable.

Et vous pensez que les gens sont prêts à changer leurs habitudes sur Internet, à apprendre à protéger leurs communications, par exemple en chiffrant leurs e-mails ?

Non. Mais c’est surtout parce que la plupart des gens sont occupés. Combien de personnes changent leurs habitudes alimentaires pour être en meilleure santé ? Combien vont aller faire du sport alors même qu’on sait que l’exercice nous procurera certainement une vie plus saine et plus longue ?

Les recherches en sciences sociales nous ont appris que la plupart des personnes ne bousculent pas leurs habitudes. Donc si on veut avoir une meilleure sécurité, attendre que les gens changent n’est pas la solution. Les technologies que nous utilisons, en revanche, devraient être plus sécurisées.

Par exemple, aujourd’hui, des services comme WhatsApp utilisent un chiffrement résistant. Et vous n’avez pas à l’activer : la sécurité est déjà là !

Donc les utilisateurs n’ont pas à configurer, à apprendre comment se faire une clé PGP...

Oui, PGP, c’est beaucoup trop de boulot ! Si on reste réaliste, je doute qu’une majorité de personnes chiffrera ses mails dans le futur.

Le problème, c’est qu’aujourd’hui des agences de renseignement, des représentants des forces de l’ordre, des politiciens du monde entier s’en prennent à ces mêmes applications chiffrées, affirmant qu’elles les empêchent d’attraper les « méchants » !

Ces personnes sont hypocrites : elles sont les premières à utiliser le chiffrement !

Oui, mais eux se présentent comme les « gentils » !

Oui, c’est chiffrement pour nous, mais pas pour vous ! Tous les Etats utilisent le chiffrement, pour que leurs voisins n’entendent pas ce qu’ils disent.

Vous savez, quand vous demandez aux gens s’ils devraient être capables d’appeler leur médecin, leur psychiatre, ou leur prêtre en toute discrétion, ils répondent : « Oui, bien sûr ! » Un individu lambda est favorable à cela ! Bien sûr, on est tous d’accord pour dire que les méchants ne devraient pas avoir ces outils... Mais quand vous téléchargez une application, elle ne peut pas vous demander : « Hey, êtes-vous sûr de ne pas être un criminel ? »

La question est donc la suivante : voulons-nous, en tant que société, que ces outils demeurent disponibles pour tous ? Et je pense que de manière générale, la réponse positive est plus bénéfique.

Mais y a-t-il un moyen de contenter tout le monde : chiffrer les communications de chacun, tout en donnant, quand c’est nécessaire, justifié, et de façon très encadrée, un accès aux informations de criminels ?

Quel est le niveau de compétence technologique de la police française ?

En France ? Ça dépend, il y a beaucoup de services...

Donc la police française n’est pas unanimement reconnue pour sa compétence technologique. Et malgré tout, vous placeriez votre confiance dans cette police en lui donnant les clés permettant de déchiffrer vos communications ?

Donc il n’y pas de solution ?

Il n’y a aucun moyen de concevoir un outil de communication offrant un accès uniquement aux gentils.

Est-ce si difficile de casser le chiffrement aujourd’hui ? Parce que c’est l’un des arguments des forces de l’ordre : par exemple, certains disent que le chiffrement de Daech est trop puissant et ne peut être cassé.

Ça peut l’être oui. Mais bon, il n’est jamais impossible pour eux d’obtenir ce qu’ils veulent. La DGSE a des outils pour pirater des téléphones, même s’ils sont chiffrés.

Vous savez que la France a été touchée par des attentats terroristes cette année. Le gouvernement y répond en adoptant des lois qui renforcent les outils technologiques de surveillance...

En novembre, lors de la deuxième attaque, vous aviez déjà renforcé la surveillance, non ? Donc le problème vient-il de là ou du fait qu’ils ont échoué à connecter les indices à leur disposition ?

L’une des réponses apportée a été que la loi sur le renseignement n’était pas appliquée à ce moment là...

Mais les Belges savaient, non ? Le problème est peut-être dans le manque de coordination.

Oui, et vous n’êtes pas le seul à le dire. Mais pourquoi alors les gouvernements, ici, au Royaume-Uni ou aux Etats-Unis, répondent toujours au terrorisme en renforçant ces outils de surveillance technologiques ?

Chaque attaque terroriste est une opportunité pour les services de renseignement d’obtenir ce qu’ils veulent. Si vous demandez à un enfant s’il veut plus de chocolat, sa réponse sera toujours « oui » ! Les pouvoirs de surveillance sont comme du chocolat pour les agences de renseignement. Elles en veulent toujours plus, même si ce n’est pas efficace.

Vu que le terrorisme n’est pas prêt de disparaître, ça veut dire que le monde est de toute façon voué à être de plus en plus massivement surveillé ?

Ce que les Américains, les Anglais, les Français ont créé, c’est une société où les gouvernements peuvent scruter ce que vous faites, le tout alimenté par la peur du terrorisme. De quel type de société s’agit-il ?

Mais existe-t-il un moyen pour en sortir ?

Oui : le chiffrement ! Si les Etats échouent à protéger les droits de leurs citoyens, la seule chose qui demeure possible, c’est qu’eux-mêmes se protègent.

Oui, mais je ne suis pas sûre que ma mère, par exemple, voudra chiffrer toutes ses communications...

Est-ce que votre mère a un iPhone ? Est-ce que vous utilisez FaceTime de temps en temps ? Si c’est le cas, utilisez FaceTime pour des discussions un peu sensibles !

Mais Apple ne peut pas y accéder ?

Apple ne peut pas casser FaceTime. C’est du chiffrement de bout en bout.

 

 

Source : http://rue89.nouvelobs.com

 

 

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1 février 2016 1 01 /02 /février /2016 17:51

 

Source : http://cadtm.org

 

 

La crise du capitalisme chinois

1er février par Mylène Gaulard

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Avec la fermeture anticipée/précipitée des bourses de Shanghai et Shenzhen pour cause de chute brutale des indices, la situation financière chinoise a récemment fait l’actualité, ravivant le spectre d’une panique bancaire, voire d’une déstabilisation économique mondiale. Depuis plusieurs mois, il est régulièrement question d’une « crise » de l’économie chinoise. Quel est le sens de cette « crise » ? L’économiste Mylène Gaulard propose ici une interprétation attentive aux spécificités chinoises, tout en les réinscrivant dans les contradictions génériques du développement capitaliste.

En 2014, la croissance économique chinoise atteignait son plus bas niveau depuis vingt-cinq ans, le pays étant confronté à un ralentissement indéniable depuis 2011 (Figure 1). Certes, un taux de croissance du PIB de 7,4% n’en est pas moins un excellent résultat relativement à ce qui est observé en Europe et aux États-Unis depuis la crise de 2008, avec par exemple une croissance française qui n’a pas dépassé les 2% depuis 2007. Mais la situation est sans doute bien plus grave, les données chinoises étant sans doute surévaluées, avec une croissance réelle de 2% en 2014 estimée par l’économiste Patrick Artus à partir de l’évolution des importations, de la production d’électricité et du fret |1|. Plus profondément, cette conjoncture reflète les difficultés structurelles de l’économie chinoise, qui pourraient remettre durablement en question le rattrapage économique de ce pays, et l’entraîner dans une profonde récession impliquant une sérieuse dégradation des conditions de vie de la majorité du peuple chinois.

 

Figure 1 : Taux de croissance du PIB en Chine, en %

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Source : Banque mondiale, World Development Indicators

 

Il est incontestable qu’une crise majeure se produit en Chine. L’éclatement des bulles financières et immobilières, entraînant avec lui une grande partie du secteur bancaire, remet en question les analyses très optimistes que de nombreux économistes faisaient jusqu’à présent de l’économie chinoise. Après avoir rappelé dans cet article les faits marquants de ces deux dernières années, nous expliquerons les difficultés rencontrées, qui pourraient encore apparaître à certains comme purement conjoncturelles, par des faiblesses structurelles majeures très similaires à celles étudiées et théorisées au 19e siècle par Karl Marx pour les économies capitalistes.


L’éclatement des bulles spéculatives

Depuis le mois de juin 2015, les bourses de Shanghai et Shenzhen sont confrontées à une chute des cours atteignant près de 40% en six mois malgré les soutiens apportés par le gouvernement chinois. Il existe bien évidemment une bulle spéculative avec des cours multipliés entre mai 2014 et juin 2015 par 2,5 à la bourse de Shanghai et par 2,7 à Shenzhen. Malgré la baisse amorcée en juin dernier, ces derniers sont cependant toujours deux fois plus élevés qu’au printemps 2014, et on peut supposer que grâce à la réactivité du gouvernement chinois, ayant imposé durant quelques jours en juillet des contraintes extrêmement strictes sur ces marchés, mais aussi grâce à la présence d’une centaine de millions de petits spéculateurs, les cours continuent d’être artificiellement gonflés. L’activité de ces spéculateurs continue d’ailleurs d’être encouragée par des opérations dites « sur marge », leur permettant d’emprunter une partie des capitaux placés en bourse ; si le gouvernement cherchait à limiter ces activités au début de l’année 2015, il s’est décidé à supprimer le contrôle des opérations sur marge durant l’été afin de tenter de contenir la baisse des cours.

Cette évolution des marchés financiers chinois et l’appui apporté par les autorités au gonflement de la bulle spéculative sont des conséquences immédiates de la chute des prix de l’immobilier subie depuis l’été 2014 par la majorité des grandes villes chinoises (Figure 2). Depuis le début de la décennie 2000, les prix de l’immobilier avaient été multipliés par trois dans des villes comme Shanghai ou Pékin, poussés à la hausse à la fois par l’endettement des ménages souhaitant se procurer un logement et par l’activité essentiellement spéculative des collectivités locales, entreprises et promoteurs immobiliers. Or, depuis un an et demi, la baisse des prix de l’immobilier pousse les agents économiques à se tourner vers un secteur plus rémunérateur, la finance, afin de dégager des revenus suffisants pour faire face à des situations proches du surendettement.

 

Figure 2 : Évolution des prix de l’immobilier dans les 70 plus grandes villes chinoises

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Source : National Bureau of Statistics, “Sale Price Indices of Residential Buildings in 70 Large and Medium-Sized Cities”, 2015.

 

Gonflés par l’euphorie suscitée par le marché de l’immobilier puis par la finance, les crédits offerts par le système bancaire chinois sont passés de moins de 100% du PIB en 1996 à 170% en 2014, alors même que ce chiffre ne prend pas en compte les prêts accordés par la finance informelle, le fameux « shadow-banking », représentant au moins 50% des emprunts chinois effectués depuis le début de la décennie 2000. L’essor de la finance informelle fut causée aussi bien par les difficultés d’accès au crédit des ménages et des entreprises privées, les trois quarts des prêts des grandes banques publiques chinoises étant accordés à des entreprises publiques, que par le besoin des collectivités locales de contourner l’interdiction pour elles de s’endetter dans un contexte où 70% des dépenses publiques sont assurées par elles alors qu’elles ne reçoivent que 50% des recettes (ce qui explique que le gouvernement central présente un excédent budgétaire alors que ces collectivités sont largement déficitaires). Pour cette dernière raison, les collectivités furent également incitées durant la décennie 2000 à participer au gonflement de la bulle immobilière afin, d’une part, de profiter de prix de plus en plus élevés et de la vente des droits d’utilisation du sol permise par l’expulsion de nombreux paysans de leurs terres (les revenus fonciers et immobiliers représentant aujourd’hui 40% des revenus des collectivités), et d’autre part d’attirer des entreprises et des catégories aisées sur leur territoire.

L’éclatement de la bulle immobilière chinoise est donc extrêmement néfaste pour tous ces agents économiques qui avaient profité jusque-là de la hausse des prix, et qui se retrouvent actuellement dans des situations de surendettement inextricables. Christine Peltier |2|, économiste chez BNP Paribas, relevait ainsi l’année dernière une hausse des créances douteuses, accompagnant l’essor des crédits bancaires accordés, mais surtout une sous-évaluation des risques liée à la montée spectaculaire du financement informel qui se poursuit aujourd’hui pour pousser à la hausse les cours boursiers. Le surendettement des collectivités, le développement du shadow-banking et la multiplication des créances douteuses au sein du secteur bancaire traditionnel sont des signes aujourd’hui indéniables de l’imminence d’une crise financière sans précédent sur le sol chinois.


La perte de compétitivité internationale

À côté de ces difficultés internes, la position économique de la Chine pourrait aussi être rapidement remise en question sur le plan international. Malgré une exploitation encore très forte des travailleurs, la hausse des coûts salariaux est depuis la fin de la décennie 1990 supérieure à celle de la productivité, ce qui relève le coût unitaire du travail (CUT), atteignant dans le secteur manufacturier 54% du coût américain en 2014 contre 20% au milieu de la décennie 1990 (Gaulard, 2015). Cette évolution pénalise la compétitivité de l’industrie chinoise alors même que le pays était devenu en 2009 le premier exportateur mondial. Accompagnant la baisse de l’excédent commercial, passé de 9% du PIB en 2007 à 3% en 2014, les investissements directs étrangers prennent une part de moins en moins importante dans l’économie chinoise, de nombreuses entreprises ayant choisi de relocaliser leur production aux États-Unis et en Europe de l’Ouest (le Boston Consulting Group évaluait en 2014 à 54% la part des managers américains souhaitant relocaliser leur production industrielle aux États-Unis), ou de déplacer leurs unités de production dans des pays offrant une main d’œuvre moins coûteuse (c’est le cas des firmes Nokia et Samsung qui se sont récemment implantées au Vietnam).

Cette perte de compétitivité fait craindre à de nombreux économistes (Cai, 2012 ; Eichengreen, 2013 ; Gaulard, 2015 ; etc.) que le pays ne soit entré récemment dans le « piège des revenus intermédiaires », expliquant l’impossibilité pour des pays en développement d’atteindre des revenus les plaçant dans la catégorie des pays développés (supérieurs à 12615 dollars par habitant) en raison de la perte progressive de leur principal avantage comparatif, le coût de leur main-d’œuvre, notamment lorsque des efforts suffisants ne sont pas effectués pour amorcer un vif rattrapage technologique.

Surtout, l’éclatement des bulles spéculatives et l’incapacité de la Chine d’effectuer une remontée en gamme suffisamment rapide de son appareil productif sont à l’origine d’une fuite des capitaux observée depuis 2011. Alors que le pays se trouvait au cœur de la stratégie de carry-trade des investisseurs étrangers, consistant notamment après la crise de 2008 à emprunter des capitaux en Europe, aux États-Unis et au Japon pour les placer dans les pays « émergents » proposant des taux d’intérêt plus rémunérateurs ainsi qu’une appréciation de leur monnaie, le débouclage de ce carry-trade amorcé en 2011 et accentué en 2013 par le changement de politique monétaire aux États-Unis est à l’origine d’une balance financière négative depuis le quatrième trimestre 2014. Outre leur impact sur la balance financière, les flux de « hot money » sortants peuvent aussi être détectés « indirectement » par une baisse des réserves de change inexpliquée par les seules interventions de la banque centrale, les flux d’IDE ou l’évolution de la balance des transactions courantes (Figure 3).

 

Figure 3 : Estimation des entrées et sorties de capitaux volatiles en Chine

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Source : Fonds monétaire international, Balance of Payments Statistics Yearbook

 

Si le pays est l’un des rares émergents à ne pas faire face actuellement à une dépréciation brutale de sa monnaie, malgré quelques dépréciations temporaires telle que celle de février/mars 2014 ou celle de juillet/août 2015, c’est essentiellement grâce aux interventions de la banque centrale et à la vente de devises. En mars 2015, la banque centrale annonçait dans ce sens une vente de 25,3 milliards de dollars afin de maintenir le cours du yuan. En juillet, les ventes atteignaient 39 milliards, et en août, 112 milliards de dollars |3|…

La baisse des réserves de change chinoises, passées de 4000 milliards de dollars en avril 2014 à 3500 milliards en novembre 2015, ne pourrait durablement se poursuivre sans créer un mouvement de panique chez les investisseurs étrangers. La dépréciation de juillet 2015 visait ainsi à soutenir la compétitivité des exportations chinoises, mais surtout à rassurer ces derniers ainsi que les grandes institutions internationales comme le Fonds monétaire international sur la volonté de la Chine de poursuivre l’internationalisation de sa monnaie en la rendant notamment plus flexible.


Une explication marxiste de ces difficultés

Tous ces signes assez récents de la présence de sérieuses difficultés financières et économiques en Chine, actuellement observées et analysées par tout un chacun, ne sont que les épiphénomènes de blocages plus structurels de l’économie chinoise. Comme je le montrais en 2014 dans mon ouvrage Karl Marx à Pékin, les analyses faites au 19e siècle par Marx sur le ralentissement inéluctable des économies capitalistes s’appliquent actuellement parfaitement au cas chinois.

 

Figure 4 : Évolution du taux de profit en Chine

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Source : China Statistical Yearbook
Taux de profit : (PIB – Masse salariale)/Stock de capital fixe

 

La baisse du taux de profit observée dans l’appareil productif depuis la fin de la décennie 1990 (Figure 4) et analysée par de nombreux économistes (Felipe et Xiaoqin Fan, 2008 ; Piovani et Li, 2011 ; Gaulard, 2015), est parfaitement appréhendée par la théorie de Marx, pourtant longtemps caricaturée et rejetée, sur la baisse tendancielle du taux de profit. Malgré la légère contre-tendance observée depuis 2009, expliquée par une remontée purement temporaire et artificielle de la valeur ajoutée dégagée par des secteurs spéculatifs comme l’immobilier et la finance, l’augmentation de la composition organique du capital, correspondant grossièrement à une utilisation plus forte de biens d’équipement, à des dépenses en capital fixe et en matières premières employées par l’appareil productif de plus en plus élevées relativement à la masse salariale, provoque effectivement une valeur ajoutée de plus en plus faible relativement aux investissements effectués.

Cette baisse de la productivité du capital s’expliquerait selon Marx par le fait que seul le travail est en mesure de créer de la valeur. Qu’on accepte ou non la théorie de la valeur travail, la baisse de la productivité du capital non compensée par une hausse équivalente de la productivité du travail est un phénomène observé dans toutes les économies capitalistes, et étudié y compris par un économiste néoclassique comme Solow dans son fameux modèle de croissance accordant une place majeure au progrès technique pour empêcher l’arrivée d’un état stationnaire.

La Chine n’est donc pas un cas de figure exceptionnel, et la baisse du taux de profit dans son appareil productif est simplement le signe annonciateur d’un ralentissement économique rencontré inéluctablement par toutes les économies capitalistes. En raison d’une rentabilité de plus en plus faible de l’industrie manufacturière, les investisseurs, étrangers et nationaux, publics et privés, ont été rapidement contraints, suivant en cela le même cheminement que l’Europe de l’Ouest, le Japon et les États-Unis depuis la décennie 1980, de trouver de nouvelles sphères de valorisation du capital, comme l’immobilier ou la finance, permettant de créer au moins une « plus-value fictive » liée à l’ampleur des mouvements spéculatifs et disparaissant lors de l’éclatement des bulles spéculatives. Cette évolution explique la légère remontée du taux de profit observée depuis le milieu de la décennie 2000 (Figure 4), qui n’en reste pas moins purement artificielle.

Les gonflements des bulles financières et immobilières chinoises sont ainsi directement liés aux difficultés de l’appareil productif, ce qui explique que de nombreuses entreprises publiques aient préféré depuis la fin de la décennie 2000 se détourner de leur métier de base pour s’orienter vers ces secteurs malgré les fréquents rappels à l’ordre du gouvernement chinois (Gaulard, 2014).


Une « réorientation » impossible de la croissance économique

Conscient des problèmes rencontrés par l’appareil productif, à l’origine d’une perte de compétitivité internationale et d’une volonté des investisseurs d’orienter leurs capitaux vers des secteurs essentiellement spéculatifs, le gouvernement central prône une « réorientation de la croissance » depuis le début de la décennie 2000 pour diriger le pays vers une « société harmonieuse » dans laquelle la classe moyenne en plein essor rendrait l’économie chinoise moins dépendante des exportations. Pour cette raison, le système de sécurité sociale a subi une profonde rénovation ces dernières années, avec l’objectif de couvrir l’intégralité de la population sur le plan de la santé et des retraites d’ici 2025. De même, les salaires minimums des différentes provinces ont augmenté en moyenne de 30% depuis 2009, alors que le salaire moyen des travailleurs chinois s’élevait annuellement de 15% sur la même période. Enfin, le plan de relance de 400 milliards de dollars lancé en 2008 cherchait également à soutenir la demande et l’investissement national dans un contexte de crise internationale ; notons que ce plan pourtant massif fut encore complété en 2015 par le déblocage de 1100 milliards de dollars visant à financer des projets d’infrastructures routières, ferroviaires et aéroportuaires et surtout à donner de l’emploi à des travailleurs risquant de subir de plein fouet le ralentissement de la croissance.

Cependant, si cette « réorientation de la croissance » permet surtout de rassurer les investisseurs nationaux et étrangers, on peut douter de son efficacité et de sa pertinence quant à l’objectif affiché de stimuler la demande intérieure. Concernant son efficacité, rappelons effectivement que 80% des dépenses sociales sont aujourd’hui assurées par les collectivités locales, et la contrepartie de la mise en place d’une véritable couverture sociale impliquerait forcément un accroissement insoutenable de leurs dépenses alors même que leur niveau d’endettement atteint déjà les limites du raisonnable : d’après un audit effectué par le National Audit Office (NAO) dans 18 provinces, 16 villes et 36 cantons, la majorité des entités territoriales étudiées présentaient déjà un taux d’endettement supérieur à 400% de leurs revenus en 2013... Cette incapacité financière à faire face à une réforme profonde du système de sécurité sociale et à stimuler ainsi la consommation nationale, en encourageant notamment les Chinois à réduire leur épargne de précaution, explique que les résultats ne soient pas forcément au rendez-vous. Notamment, alors que le taux promis de remboursement des dépenses d’hospitalisation est officiellement de 70 %, le taux constaté est de seulement 23 %. De même, bien que seulement 45 % de la population totale (25 % des ruraux) soit couverte par le régime des retraites, le taux de remplacement moyen est proche de 33 % (contre 77 % en 1990)…

Quant à la hausse des salaires, expliquée surtout par le besoin de répondre à des tensions sociales croissantes dans un contexte où la population active a par ailleurs commencé à diminuer, on peut douter aussi de sa pertinence lorsque la baisse de la productivité du capital pèse déjà sur les profits et que l’appareil productif national voit chuter sa compétitivité internationale. Phénomène souvent oublié, rappelons que la hausse des salaires observée en Corée du Sud lors de la décennie 1980 fut à l’origine d’une accentuation de la baisse du taux de profit au sein de son appareil productif (Bell et Rosenfeld, 1990), débouchant sur la crise de 1997 expérimentée par tous les pays de la région confrontés à des difficultés similaires. Selon Marx :

« Il suffit de remarquer que les crises sont chaque fois préparées précisément par une phase au cours de laquelle la hausse des salaires est générale, où la classe ouvrière obtient effectivement une part plus large du produit annuel destiné à la consommation. Si l’on écoutait ces chevaliers du sain et « simple » bon sens humain, il faudrait admettre que cette phase éloigne au contraire les crises. En somme, il apparaît que la production capitaliste renferme des conditions tout à fait indépendantes de la bonne ou la mauvaise volonté des capitalistes, et que ces conditions n’admettent que momentanément cette relative prospérité de la classe ouvrière, et ce, toujours comme le prélude d’une crise » (Marx, Le Capital, Livre II, 1968, p. 781).


Conclusion

La réorientation de la croissance chinoise n’est visiblement pas une solution pour éviter le piège des revenus intermédiaires dans lequel finissent inévitablement par tomber tous les « pays en développement ». La crise actuelle de l’économie chinoise fait craindre un sévère ralentissement dont ce pays aura sûrement beaucoup de mal à se remettre.

Alors qu’il était d’usage suite à la crise de 2008 d’évoquer un « découplage » entre la croissance des pays développés et celle de pays dits émergents comme la Chine ou le Brésil, très peu d’économistes maintiennent aujourd’hui leur optimisme face à la dégradation des fondamentaux observée dans ces pays. Cependant, alors que le ralentissement chinois est présenté comme un phénomène purement conjoncturel marquant l’établissement d’une « nouvelle normalité » selon l’expression du président Xi Jinping, avec des taux de croissance plus faibles, l’éclatement des bulles spéculatives précédemment formées, et une consommation intérieure qui se substituerait à la demande externe, nous persistons à affirmer que l’économie chinoise se confronte actuellement à des blocages beaucoup plus sérieux que ce que de nombreuses analyses laissent transparaître.

Le capitalisme, qui connaît pourtant des adaptations majeures en Chine, n’en est pas moins fragile dans ce pays qu’en Europe de l’Ouest, en Amérique du Nord ou au Japon. Mais malgré ses faiblesses, à l’origine d’une dégradation toujours plus forte des conditions de vie, il ne disparaîtra pas de lui-même. Plutôt que de s’affronter sur l’efficacité supposée des politiques à adopter pour sortir de l’impasse ici ou là-bas, il serait donc sans doute plus pertinent de remettre directement en question ce mode de production dans lequel nous vivons tous et de proposer enfin de nouvelles façons de produire et de consommer dans une société alternative qui en finirait avec les fondements du capitalisme, qu’il s’agisse du besoin de dégager des profits pour accumuler toujours plus, mais aussi du salariat ou de la présence d’un État central chargé d’assurer le bon fonctionnement de cette accumulation.

 

Bibliographie :

- Bello Walden, Rosenfeld Stephany, 1990, Dragons in Distress, Asia’s Miracle Economies in Crisis, a food first book, San Francisco.

- Cai Fang, 2012, « Is There a Middle Income Trap ? Theories, Experiences and Relevances to China”, China and World Economy, vol. 20, n°1.

- Eichengreen Barry, Park Donghyun, Shin Kwanho, 2013, « Growth Slowdowns Redux : New Evidence on the Middle Income Trap », NBER Working Paper, n° 18673.

- Felipe Jesus, Xiaoqin Fan Emma, 2008, « The Diverging Patterns of Profitability, Investment and Growth of China and India during 1980-2003 », World Development, vol. 36, n° 5, p. 741-774.

- Gaulard Mylène, 2014, Karl Marx à Pékin, Les racines de la crise en Chine capitaliste, Demopolis, Paris.

- Gaulard Mylène, 2015, « Le “piège des revenus intermédiaires” : un danger pour la Chine ? », Economie Appliquée, Tome LXVIII, n°2, pp. 89-120.

- Marx Karl, 1968, Le Capital, Livre II et III, in Œuvres II, Gallimard, Paris, pp. 499-1488.

- Piovani Chiara, LiMinqi, 2011, « One Hundred Million Jobs for the Chinese Workers ! Why China’s Current Model of Development is Unsustainable and How a Progressive Economic Program Can Help the Chinese Workers, the Chinese Economy, and China’s Environment », Review of Radical Political Economics, vol. 43, n°1, p. 77-94.

 

Source : Contretemps

Notes

|1| Artus Patrick, « Peut-on estimer la vraie croissance de la Chine ? », Flash Economie, Natixis, n°589, 20 juillet 2015.

|2| Peltier Christine, « La Chine rattrapée par sa dette », Conjoncture, BNP Paribas, février 2014.

|3| Le Figaro, « La Chine accélère ses ventes de devises », 14 septembre 2015.

Auteur.e
 
 

Mylène Gaulard

économiste.

 

 

Source : http://cadtm.org

 

 

 

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