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2 mars 2016 3 02 /03 /mars /2016 17:42

 

 

Source : https://www.mediapart.fr

 

 

Affaire Kerviel: deux banquiers ont contredit la Société générale
1 mars 2016 | Par martine orange
 
 
 
 
 

Tout ne s’est peut-être pas passé comme l’affirme la Société générale, lorsqu'il s'est agi de « déboucler » les 50 milliards d'euros d'engagements pris par Jérôme Kerviel. Deux grands banquiers ont raconté à une journaliste financière qu’ils avaient été prévenus à l'avance par Daniel Bouton de l'opération. Ce qui change beaucoup de choses.

La déposition de la principale enquêtrice, puis les confidences enregistrées de la magistrate avaient déjà amené à se poser de sérieuses questions sur la conduite judiciaire de l’affaire Kerviel. Mais aujourd’hui, ce sont les récits de deux banquiers qui viennent battre en brèche la version officielle de la banque. Et pas des moindres : Philippe Dupont, ancien président des Banques populaires, et Georges Pauget, ancien directeur du Crédit agricole. D’après leurs propos, recueillis par la journaliste financière Marie-Jeanne Pasquette, tout ne s’est pas déroulé comme l’a expliqué la banque. Le lourd secret semble avoir été partagé par plusieurs banques, bien avant que l’affaire Kerviel ne soit rendue publique. Au nom d’un consensus de place, par peur d’une crise systémique, pourrait-on dire.

 

La direction de la Société générale au moment de l'affaire Kerviel. Au centre, son PDG d'alors, Daniel Bouton © Reuters La direction de la Société générale au moment de l'affaire Kerviel. Au centre, son PDG d'alors, Daniel Bouton © Reuters
 

En septembre 2015, Marie-Jeanne Pasquette avait fait déjà paraître un article sur son site Minoritaires.com, puis sur le site Deontofi.com, intitulé « Les mensonges de Daniel Bouton » et passé alors trop inaperçu. Elle y affirmait que le président de la Société générale avait prévenu d’autres présidents de banque dès le dimanche 20 janvier 2008, soit avant même que le débouclage des positions de la Société générale ne commence. Mais elle ne citait alors aucun nom, se contentant d’indiquer que des témoins de premier plan avaient alors été contactés par Daniel Bouton, ce dernier les informant de l’existence d’un « rogue » trader dans sa banque et du débouclage imminent de ses positions dès le lendemain 21 janvier, et leur demandant leur soutien.  

 

Cette révélation n’a jamais été démentie par les intéressés. Elle est pourtant explosive, car elle met à mal la version officielle donnée par la Société générale dès la révélation de l’affaire Kerviel le 24 janvier 2008, mais aussi tout ce qu’ont dit les autorités de régulation par la suite. 

À l’époque, Daniel Bouton avait expliqué que le débouclage des positions prises par Jérôme Kerviel, correspondant à des engagements de 50 milliards d’euros, sur l’indice Dax et sur l’Eurostoxx, avait été réalisé dans la plus grande confidentialité. Une poignée de responsables de la banque seulement étaient au courant et supervisaient l’opération. Un seul trader, Maxime Kahn, avait été chargé de liquider les positions.

À l’extérieur de la banque, seuls le gouverneur de la banque de France Christian Noyer et le président de l’Autorité des marchés financiers Michel Prada avaient été mis dans la confidence, selon les déclarations de la banque. Même l’Élysée avait été tenu à l’écart pour éviter toute fuite, à la grande colère de Nicolas Sarkozy. « Il fallait éviter toute fuite, afin que le marché ne joue contre la banque », avaient expliqué les différentes autorités pour justifier le secret absolu, y compris à l’égard du pouvoir politique, entourant la situation de la Société générale pendant quatre jours.

Selon les témoignages recueillis par Marie-Jeanne Pasquette, l’histoire ne s’est pas vraiment passée comme cela, comme elle l’a rapporté à Mediapart et aux Inrocks. « C’était en 2013. J’avais rencontré Philippe Dupont. Il m’a alors dit que Daniel Bouton l’avait appelé le dimanche soir [soit quatre jours avant l’annonce publique officielle du scandale– ndlr] pour l’informer de l’affaire Kerviel et que la banque allait vendre massivement dès le lendemain matin. Je suis retournée voir Philippe Dupont en janvier 2014. Il m’a alors raconté longuement ce qui s’était passé », dit-elle aujourd’hui, avec toutes les preuves en main. « Quand j’ai interrogé par la suite Daniel Bouton à ce sujet, il s’est arrêté un instant, pétrifié, et il m’a dit : je démentirai », poursuit-elle.  

« Quand Daniel moi aussi m’a appelé le soir, il m’a dit : "T’es assis ?" Je lui ai dit : "Oui, je suis dans ma voiture." Il m’a dit : "Mais surtout tu ne me coupes pas les lignes de trésorerie." Je lui ai dit : "Ne t’inquiète pas" », rapporte alors Philippe Dupont à la journaliste. « Il avait eu des rumeurs, donc cela clarifiait », dit-il, avant d’affirmer que Joseph Ackerman, président de la Deutsche Bank mais aussi Jean-Claude Trichet, alors président de la BCE, étaient également informés. « J’ai prévenu mon staff, en leur disant c’est systémique. On ne joue pas avec le feu. La directive c’est : on soutient la position de trésorerie que j’ai promise à Bouton. Et puis dès que quelque chose se passe, je veux être prévenu », poursuit alors Philippe Dupont.

Le banquier justifie l’appel de Daniel Bouton par le danger encouru par la Société générale. « Si les patrons ne sont pas informés comme nous l’étions, vous jouez contre », explique-t-il alors, avant de rapporter qu’il surveillait dès le lundi matin le marché de Tokyo. « Pourquoi ? Parce que s’il y avait eu une fuite, il fallait dénouer le plus tôt possible. Le plus tôt possible, c’était sur les marchés asiatiques qui sont ouverts à 2 heures du matin. Et donc vous commencez à déboucler la position, parce que s’il y avait eu une fuite à 10 heures du matin, alors là, la planète finance sautait. Pourquoi ? Parce que la Générale sautait », racontait-il alors. « Il a continué sur les marchés européens. Cela s’est fait avec beaucoup d’intelligence. Parce que Mustier [Jean-Pierre Mustier, alors directeur général de la banque de financement et d’investissement de la Société générale – ndlr], c’était un excellent. Ils l’ont fait sans que cela se voie », affirme-t-il.

Interrogé par Mediapart, l’ancien président des Banques populaires ne dément pas aujourd’hui l’appel de Daniel Bouton mais le jour auquel il a eu lieu. « Non, ce n’était pas le dimanche que Daniel Bouton m’a appelé. C’était un autre jour, un jour où je travaillais. Je ne me souviens plus lequel. Mais c’était un matin. J’étais dans ma voiture avec mon chauffeur », affirme-t-il aujourd’hui. « Daniel Bouton voulait m’informer avant le marché pour s’assurer que nous lui conservions sa confiance et que nous maintenions nos contreparties », tout en répétant que ce ne pouvait être le dimanche.

 

« Vous avez tellement d'engagements croisés »

Pourquoi Philippe Dupont dément-il avoir été informé le dimanche ? Le fait que son récit premier contredise la version officielle présentée par la Société générale et les autorités de régulation n’est pas le plus grave. Si tous les banquiers ont été informés dès le dimanche, comme le raconte d’abord Philippe Dupont, cela revient à dire qu’il y a pu y avoir un risque de délit d’initiés, de manipulation de marché. D’autant plus que le jour où s’engage la liquidation des positions prises par Jérôme Kerviel est le 21 janvier, jour du Martin Luther King’s day, un des trois jours de l’année où les marchés financiers américains sont fermés. La planète bancaire européenne est entre soi.

Cette impression se confirme avec le récit tout aussi circonstancié d’un autre banquier. Interloquée par le récit fait par le président des Banques populaires, Marie-Jeanne Pasquette a entre-temps cherché à avoir confirmation auprès d’un autre banquier et joint Georges Pauget, directeur général du Crédit agricole. À la question « Daniel Bouton a-t-il dit que la veille il avait appelé Noyer [gouverneur de la Banque de France] ? », le banquier répond : « Oui, il a appelé ses confrères aussi. Enfin moi, il m’a appelé mais je crois qu’il a appelé les autres aussi. Il a appelé vers 9 heures du soir, quelque chose comme ça », lui confirme Georges Pauget. Celui-ci dit avoir prévenu son directeur financier et son directeur des risques.

« Je crois qu’il [Daniel Bouton – ndlr] voulait rassurer. Et puis si les patrons sont au courant avant que ça remonte par les marchés, ça évite d’entraîner une espèce de spirale dans les maisons », explique Georges Pauget, justifiant lui aussi l’attitude prise par le président de la Société générale. Le banquier reconnaît aussi auparavant qu’il était dans l’obligation de soutenir la Société générale parce qu’il était impossible de toute façon de couper les lignes de crédit accordées à la banque sur le marché interbancaire. « Entre banques françaises à 4 ou 5, vous avez tellement d’engagements croisés (…) que ce n’est pas possible », avouait-il.

 

Philippe Dupont, ancien PDG des Banques populaires © BP Philippe Dupont, ancien PDG des Banques populaires © BP

 

En dépit de multiples tentatives, il n’a pas été possible de joindre Georges Pauget pour lui demander sa réaction aujourd’hui. De même, l’ancien gouverneur de la Banque de France, Christian Noyer, pourtant informé de nos informations, du nom des banquiers qui tenaient ces propos, n’a pas retourné notre appel.

De son côté, Jean Veil, avocat de la Société générale, dément tous les propos tenus par les deux banquiers. « Ils se trompent de date. C’est impossible que Daniel Bouton ait appelé ses pairs. Mécaniquement, c’est impossible. Il n’y a aucune raison. Tout ceci n’est absolument pas crédible. D’ailleurs, j’ai eu Georges Pauget, qui est au Portugal, au téléphone, il dément avoir reçu le moindre coup de téléphone de Daniel Bouton », affirme Jean Veil. « Daniel Bouton, poursuit l’avocat, a peut-être appelé certains banquiers le mercredi soir, d’autres le jeudi matin. Mais il n’a prévenu personne avant. C’est une chose d’annoncer des pertes et de demander un soutien en vue de l’augmentation de capital à venir, et une autre de prévenir de positions non couvertes », déclare-t-il avant d’annoncer son intention d’engager des poursuites en diffamation.

Mais pourquoi deux présidents de banque se tromperaient-ils tous les deux de date durant tout un entretien ? D'autant que l'un comme l'autre donnent l'impression d'avoir été frappés par l'événement et d'en avoir gardé un souvenir vif. Leur récit ne laisse guère de doute : à deux heures du matin, le lundi 21 janvier 2008, ils ont le nez sur les écrans pour suivre ce qui se passe sur le marché de Tokyo et les marchés asiatiques et être capables d’intervenir, en cas de problème.  

 

Georges Pauget, ancien directeur du Crédit agricole © Revue-Banque Georges Pauget, ancien directeur du Crédit agricole © Revue-Banque

 

Les explications de Philippe Dupont et Georges Pauget sont sans doute les bonnes pour justifier ce secret partagé, en passant au-dessus des lois : le risque était systémique. Les intérêts des établissements bancaires français, voire européens étaient tellement entremêlés, surtout face à la Société générale, hyperactive sur les marchés, qu’il fallait peut-être une démarche concertée pour organiser le repli des positions de la banque.

Le récit de ces deux banquiers, en tout cas, met à mal toute l’histoire officielle bâtie par la Société générale et les régulateurs. Tout cela évoque de plus un storytelling (voir l'article de Christian Salmon « Construction d'un coupable »). Leur témoignage soulève aussi nombre de questions. Tout s’est-il passé comme prévu ? Tous les banquiers informés ont-ils joué le jeu ? Certains n’ont-ils pas profité de l’information, ne serait-ce qu’en prenant des positions à terme en sachant que l’ensemble du marché obligataire allait baisser ? « Il n’y avait pas que la Société générale comme vendeur », dit Philippe Dupont. Dans quelle mesure tout cela a-t-il contribué à creuser les pertes affichées de la Société générale ?

À ce stade, aucune réponse ne peut être vraiment assurée. La justice n’a mené aucune enquête réelle auprès de la chambre de compensation Eurex, pour savoir ce qui s’était passé. Aucune expertise comptable indépendante n’a été engagée à la Société générale. Huit ans après le début de l’affaire Kerviel, la justice ne sait toujours rien. Si ce n’est que les preuves s’accumulent, montrant qu’elle a accepté une narration qu'elle n'a jamais cherché à démonter.

 

Boîte noire : Le magazine Les Inrocks publie cette semaine une enquête complémentaire sur l'affaire Kerviel, portant notamment sur les positions financières de la Société générale.

 

 

 

 

Source : https://www.mediapart.fr

 

 

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19 février 2016 5 19 /02 /février /2016 22:06

 

 

Source : https://www.mediapart.fr

 

 

 

Loi sur le travail: le 49-3 pour assommer la majorité
19 février 2016 | Par Mathieu Magnaudeix
 
 
 

Manuel Valls innove : avant même que le projet de loi sur la réforme du code du travail ne soit présenté en conseil des ministres, il invente le 49-3 préventif pour faire taire sa majorité. Plus la bête parlementaire regimbe, plus il faut l'assommer tôt. Il n'est pas dit que l'exercice réussisse.

« Êtes-vous prête à utiliser le 49-3 si cela s’avère nécessaire ? » « Avec le premier ministre, nous voulons convaincre les parlementaires de l’ambition de ce projet de loi. Mais nous prendrons nos responsabilités. » En une phrase en fin d’un entretien au quotidien économique Les Échos jeudi 18 février, la ministre du travail Myriam El Khomri a rallumé le feu dans la majorité. Tout le monde a vite compris : le gouvernement n’exclut pas de passer en force sur le projet de loi de réforme du travail, en activant l’article 49-3 de la Constitution qui permet de faire adopter un texte par vote bloqué. Comme il l’a fait trois fois début 2015, à chaque passage de la contestée loi Macron à l’Assemblée nationale.

La phrase de Myriam El Khomri ressemble à une énorme bourde, mais ça n'en est pas une. Sur le papier, il n'y avait aucune urgence à polémiquer. Rejeté par les syndicats, mais applaudi par le Medef, le texte, qui remet en cause les 35 heures et instaure un droit du travail à la carte (lire l'analyse détaillée de Mathilde Goanec), ne sera présenté que le 9 mars au conseil des ministres, et débattu ensuite au Parlement.

En réalité, Manuel Valls, qui ne laisse aucune marge de manœuvre à sa ministre du travail, a délibérément souhaité raviver les cendres à gauche, encore toutes chaudes du débat sur la déchéance de nationalité. Alors qu'une version assez inoffensive de l'entretien avait été validée par l'Élysée, c'est Manuel Valls lui-même qui a fait rajouter l'allusion codée au 49-3 dans la réponse de la ministre.

 

Emmanuel Macron, Myriam El Khomri et Manuel Valls le 18 janvier, au Conseil économique et social © Reuters Emmanuel Macron, Myriam El Khomri et Manuel Valls le 18 janvier, au Conseil économique et social © Reuters
 

À quatorze mois de la présidentielle, le premier ministre, coincé par sa loyauté surjouée à François Hollande, ne s'embarrasse plus de détails : en toute occasion, il s'emploie à s'affirmer et à marteler l'existence d'un schisme définitif entre « deux gauches irréconciliables ». Sous-entendu : la sienne, moderne et « républicaine », qui « correspond plus que jamais à ce dont ce pays a besoin », a-t-il dit il y a peu lors d'un meeting à Corbeil-Essonnes ; et l'autre gauche, présentée comme archaïque, en dehors des réalités, qui « fuit » les responsabilités. Sur un dossier majeur comme l'emploi, dont dépendra en grande partie une nouvelle candidature de François Hollande, Manuel Valls pose brutalement le pistolet sur la tempe des parlementaires : si vous ne votez pas cette loi, nous échouerons tous.

 

« Le débat va être très nourri, car il y a un changement de philosophie important », assure benoîtement Myriam El Khomri dans Les Échos. Bel euphémisme. Sitôt les propos de la ministre connus, de nombreux élus de gauche ont rué dans les brancards. Et les plus virulents ne sont pas forcément ceux que l'on attendait.

« La guerre est déclarée, c'est ça ?, dit la vice-présidente PS de l'Assemblée nationale, Sandrine Mazetier. Un 49-3 sur un texte même pas présenté en conseil des ministres, c'est du jamais vu ! On est dans le pur rapport de force, le coup de menton destiné à démontrer que les parlementaires sont des irresponsables. En fait, le gouvernement a fait le deuil d'une majorité stable. Désormais, des députés comme moi, ni godillots ni déloyaux, sont susceptibles de dire non pour des raisons de fond. Que ce soit la réforme de la Constitution, les libertés publiques ou le code du travail, on touche à chaque fois à des repères fondamentaux, à des convictions fortes. » C'est passé assez inaperçu, mais cette semaine encore, les socialistes se sont opposés à plusieurs reprises au gouvernement en commission sur le projet de loi à venir qui va sévèrement durcir la procédure pénale, dans la foulée de l'état d'urgence.

 

«La fuite en avant est totale»

Mardi soir, lorsqu'il a dîné avec Myriam El Khomri, le président du groupe des radicaux de gauche, Roger-Gérard Schwartzenberg, ne lui a pas caché tout le mal qu'il pense de la loi. « Il y a dans ce texte des dispositions malsaines ou contestables, et pas vraiment de gauche. De telles mesures n'ont même jamais été prises sous un gouvernement de droite, dit-il. Je l'ai dit à la ministre : pour être qualifié au second tour de la présidentielle, il faut déjà passer le premier. En Allemagne, le chancelier social-démocrate Gerhard Schröder a réformé en profondeur le code du travail : résultat, la gauche n'a pas voté pour lui et dix ans après, la droite est toujours au pouvoir. » D'habitude placide, “RGS” prévient : « Plutôt que de brutaliser la majorité, il conviendrait plutôt de convaincre et d'arriver à un consensus. »

À la gauche du PS, l'opposition s'exprime avec plus de détachement. Comme si, définitivement, il n'y avait plus rien à attendre de ce pouvoir. « On s'achemine vers un remake de la loi Macron, en pire, anticipe Christian Paul, chef de file de l'opposition interne au PS. C'est un coup de force, un témoignage supplémentaire de la défaillance démocratique actuelle, une preuve de plus que la social-démocratie et la démocratie sociale ont été oubliées. Il n'y a plus personne autour de la table. Le patronat est seul à applaudir. Personne à gauche ne défend cette loi qui marque le retour au libéralisme des années 1980. La fuite en avant est totale. Ce qui est extraordinaire, c'est l'enfermement dans cette ligne et le durcissement des comportements. À vrai dire, je n'ai pas de précédents en tête. »  « Éviter le débat, ça ne marchera pas, prévient le député PS Denys Robiliard, spécialiste des questions sociales et ancien rapporteur de la loi Macron, estampillé “frondeur”. À force de passer sur le corps de la majorité, à la fin, il n'y a plus de majorité. »

Candidat déclaré en cas de primaires à gauche, l'ancien ministre Benoît Hamon trouve la stratégie de « Matignon » assez « maligne ». « Ils se disent : quitte à passer par le 49-3 et éviter le vote, autant mettre le paquet dans le texte et y aller franchement. » « Valls continue de taper sur un seul et même clou et le fait méthodiquement. Il s'agit de briser la gauche et de recomposer le paysage politique autour de lui », poursuit Hamon. Et il met François Hollande dans le même sac : « C'est un projet proposé par l'exécutif, point barre. » De fait, Hollande et Valls sont d'accord sur la ligne politique. Tous deux envisagent d'ailleurs depuis des mois de faire passer cette réforme du code du travail par 49-3 pour afficher leur volonté réformatrice.

« Je ne vais pas vous dire maintenant qu'on ne votera pas ou je ne sais quoi parce qu'ils n'attendent que ça pour nous traiter de frondeurs sectaires et archaïques, poursuit Hamon. Allons-y, moi je veux avoir ce débat car il ne faut pas rater cette occasion de clarification politique. »

Vendredi matin sur Europe 1, le secrétaire d'État aux relations avec le Parlement Jean-Marie Le Guen, un des rares proches de Manuel Valls au gouvernement, a commencé à écrire cette partition en s'en prenant aux « grincheux »  et à la « gauche du conservatisme ». Le refrain, lancinant depuis le début du quinquennat, devrait être martelé sans nuance dans les prochaines semaines.

Maintenant que la grenade est dégoupillée, des députés échafaudent des scénarios. Certains s'inquiètent qu'à l'occasion du 49-3, des élus socialistes exaspérés n'en viennent à se faire hara-kiri en allant jusqu'à voter une éventuelle motion de censure déposée par la droite, également approuvée par les communistes et certains écologistes, qui ferait tomber le gouvernement. D'autres envisagent même que le gouvernement abatte le 49-3 dès le début des débats à l'Assemblée nationale. La loi Macron, elle, avait été précédée d'un très long débat parmi les députés. Une commission spéciale avait été créée, et Emmanuel Macron s'était montré très attentif aux arguments des députés. Ce n'est qu'en dernier ressort, par peur de manquer d'une majorité mais aussi pour affirmer son autorité, que Manuel Valls avait décidé d'y recourir. Cette fois, le coup de massue est préventif : plus la bête regimbe, plus il faut la choquer tôt pour vaincre ses résistances.

 

 

 

Source : https://www.mediapart.fr

 

 

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18 février 2016 4 18 /02 /février /2016 16:58

 

Source : https://www.mediapart.fr

 

 

Julien Jeandesboz: «Tout ce qui entrave la liberté des migrants entrave aussi la nôtre»
18 février 2016 | Par Amélie Poinssot
 
 
 

Le Conseil européen se réunit ce jeudi et ce vendredi à Bruxelles. Au menu : la « crise » des réfugiés, que l'Union européenne a échoué à gérer depuis cet été. Revue des impasses et des solutions européennes avec Julien Jeandesboz, chercheur et spécialiste des questions frontalières et migratoires.

Plus de 78 000 migrants sont déjà arrivés sur les îles grecques depuis le début de l'année 2016. Dans le même temps, 428 personnes sont mortes au cours d'une traversée en mer Méditerranée. Les derniers chiffres de l'Organisation internationale pour les migrations (OIM) montrent que l'année 2016 démarre de manière encore plus intense que 2015. Les dirigeants européens, à quelques exceptions près, ont pourtant fait jusqu'à présent preuve d'une grande frilosité pour accueillir comme il se doit ces dizaines de milliers de personnes fuyant des zones de conflit, et la Grèce, première porte d'entrée de l'Union européenne (UE), est stigmatisée par les autorités bruxelloises. Le Conseil européen qui se tient jeudi 19 et vendredi 20 février verra-t-il une inflexion ? Le lancement, en fin de semaine dernière, d'une opération de l'Otan au large de la Turquie ne va guère dans ce sens : il montre que la question des réfugiés est abordée, une fois de plus, sous l'angle de la surveillance des frontières.

Julien Jeandesboz, spécialiste des questions frontalières et migratoires, est enseignant-chercheur au REPI – Recherche et enseignement en politique internationale – de l’Université libre de Bruxelles et chercheur associé au Centre d’études sur les conflits - Liberté et sécurité, à Paris. Auteur du chapitre « Au-delà de Schengen. Contrôles aux frontières de l'Europe, Frontex et l'espace Schengen » de l'ouvrage Les Frontières mondialisées (PUF, collection La vie des idées), il répond aux questions de Mediapart.

À la suite d'une demande conjointe de Berlin et Ankara, l'Otan a décidé le 11 février d'envoyer trois navires en mer Égée. Cette solution est-elle satisfaisante ?

Julien Jeandesboz : Ce déploiement pose un triple problème. Tout d'abord, cela fait intervenir un organisme tiers dans les affaires européennes. Cela pose la question de l'autonomie de l'Union européenne par rapport à l'Otan, et ce, en période de paix. Il n'y a pas de menace territoriale ni rien qui justifie, aujourd'hui, l'activation de l'article 5 obligeant les États signataires du Traité de l'Atlantique Nord à intervenir en faveur d'un de ses membres. On le voit bien, depuis la fin de la guerre froide, l'Otan est à la recherche de nouveaux mandats : il est intervenu en dehors de sa zone, en Afrique notamment, puis il a participé à la lutte contre la piraterie au large de la Somalie ; à présent, il s'interposerait face aux passeurs…

 

« L'UE et l'Otan sont en train de transformer la Méditerranée en mer de morts. Arrêtez ce crime maintenant ! » Banderole du Parti communiste grec sur l'Acropole, 15 octobre 2015. © Reuters « L'UE et l'Otan sont en train de transformer la Méditerranée en mer de morts. Arrêtez ce crime maintenant ! » Banderole du Parti communiste grec sur l'Acropole, 15 octobre 2015. © Reuters

 

Deuxième problème, il y a une règle dans le code Schengen [qui régit les frontières internes et externes de l'UE – ndlr], qui dit que le contrôle des frontières doit être assuré par des autorités civiles. Or l'Otan est un organisme militaire…

Enfin, le champ de cette intervention n'est pas clair : est-ce la traite d'êtres humains qui est visée ? Est-ce que ce sont les passeurs ? Est-ce que l'Otan va avoir le mandat d'une autorité policière ?

Il y a un mélange des genres inquiétant : s'il s'agit de lutter contre des trafics, cela relève de la justice, c'est une question de droit pénal et ce n'est pas aux militaires d'intervenir, ils n'ont ni la formation ni les compétences pour cela. La manière dont le personnel de l'Otan va se comporter en mer Égée n'est pas claire non plus. Que va-t-il faire s'il se retrouve face à des embarcations de migrants clandestins ? Va-t-il les arrêter, les arraisonner ? Or toute manœuvre d'intimidation en pleine mer équivaut à un refoulement, c'est interdit par la convention de Genève.

Depuis décembre, les déclarations se succèdent à Bruxelles pour évoquer une expulsion de la Grèce de l'espace Schengen. Est-ce un scénario réaliste ?

Non, les choses sont plus complexes que cela. Ce qu'autorise le code Schengen, c'est le rétablissement des contrôles aux frontières intérieures pendant un temps donné.

Pour le cas de la Grèce, il y a eu une visite surprise en novembre sur certaines îles de la mer Égée et à la frontière avec la Bulgarie. Ce système d'évaluation existe depuis 1998, sous le nom de « Scheval ». Cette mission a permis d'identifier une série de déficiences dans l'enregistrement des empreintes digitales et dans la vérification des identités et des documents des individus. À la suite de cette mission, le Conseil de l'UE a publié le 10 février une série de 50 recommandations, que la Grèce doit mettre en œuvre dans les trois mois. Si au bout de ce laps de temps, les autorités européennes considèrent que ces recommandations ne sont pas suivies, la procédure de l'article 26 du code Schengen sera enclenchée : les contrôles entre la Grèce et les autres membres de « l'espace de libre circulation » pourront être rétablis pendant deux ans. Ce n'est pas une expulsion, mais cela met évidemment en péril le fonctionnement de la zone Schengen.

Cela dit, dans le cas de la Grèce, il ne s'agit que de frontières aéroportuaires : les ports desservant l'Italie et les aéroports. La Grèce n'a pas de frontière terrestre avec d'autres États membres ! En réalité, l'intérêt d'activer l'article 26 en pointant du doigt la Grèce, c'est de pouvoir maintenir pendant deux ans les contrôles aux frontières intérieures ailleurs sur le continent, alors que le régime d'exception dans lequel sont actuellement l'Allemagne ou l'Autriche, par exemple, ne peut excéder six mois. Autrement dit, le gouvernement grec sert de bouc émissaire sur le dossier Schengen, comme c'est le cas, à plusieurs égards, depuis l'arrivée au pouvoir de Syriza.

Enfin, une « expulsion » ne me paraît pas du tout réaliste car les gouvernements des États membres perdraient ainsi toute capacité à agir sur l'exécutif grec. Sans compter que cela entraînerait d'importantes contraintes pour les touristes européens…

Est-ce que cette tendance, depuis l'automne, à vouloir fermer les frontières intérieures signifie que l'on se dirige, à terme, vers la fin l'espace Schengen ?

Je ne le crois pas, car Schengen n'est pas seulement un espace de libre circulation, c'est aussi un système de collaboration policière et de coopération entre les États membres, sur la gestion des frontières extérieures comme sur l'octroi des visas. Nous avons un visa uniforme, commun, qui est précisément le visa « Schengen ». Si la tendance actuelle est de mettre un terme à la libre circulation, au nom de la lutte contre l'arrivée des migrants, elle ne met pas du tout fin à la collaboration policière et au système de visa. Au contraire : la partie sécuritaire fonctionne pleinement. Or tout ce qui entrave la liberté des migrants entrave aussi la nôtre. Les citoyens européens sont confrontés aux mêmes gouvernements que les migrants – des dirigeants aux pratiques « illibérales » qui vont à l'encontre des principes européens et du respect de l’État de droit. Ce qui se passe à Calais, avec la répression contre les bénévoles qui viennent en aide aux personnes en situation irrégulière, en est un exemple.

« La peur est devenue un mode de mobilisation politique »

Plutôt que de fin de Schengen, je parlerais donc de fuite en avant. Activer l'article 26 ne résoudra rien : cela ne fera que repousser le problème à dans deux ans. Cette stigmatisation de la Grèce s'accompagne par ailleurs de mouvements contradictoires. Ainsi, le 10 février, j'ai relevé une synchronisation intéressante. Le Conseil européen discutait des contrôles aux frontières et envoyait ses recommandations à la Grèce et, le même jour, la Commission recommandait la réintégration de la Grèce dans le système de Dublin II qui veut que les demandeurs d'asile restent dans le premier pays par lequel il entrent dans l'Union européenne. [Depuis 2011, le renvoi des demandeurs d'asile en Grèce était suspendu en raison d'un système défectueux et engorgé, dans un pays par ailleurs très contraint financièrement – ndlr.] Autrement dit, l'exécutif européen considère que les autorités grecques ont amélioré la situation et que le pays peut à présent gérer correctement les demandes d'asile ! Ces décisions divergentes montrent la complexité de la discussion sur la Grèce, sur Schengen et sur l'accueil des réfugiés. Il y a un double jeu de la part des Européens : on menace la Grèce, et dans le même temps, on lui demande de reprendre en charge les demandeurs d'asile.

 

charge les demandeurs d'asile.

 

La fermeture des frontières internes à l'espace Schengen, à la mi-janvier 2016 © touteleurope.eu

*Source : http://www.touteleurope.eu/actualite/schengen-la-carte-des-controles-aux-frontieres-nationales.html

 

D'autres scénarios sont-ils envisageables ?

Le problème, c'est que le programme de « relocalisation » des réfugiés arrivés en Grèce et en Italie ne fonctionne absolument pas. D'après les derniers chiffres dont nous disposons, sur les 160 000 places prévues dans les différents États membres, seuls 279 réfugiés en provenance d'Italie et 218 en provenance de Grèce ont été déplacés. Au 10 février, la France avait accueilli par le biais de ce programme 135 personnes, et avait 1 100 places disponibles… Sur les 20 000 annoncées au départ ! On voit bien là le côté complètement trompeur du discours politique. Autre aspect sur lequel la France est très à la traîne : l'envoi d'experts du droit d'asile. Cela fait pourtant partie du mécanisme de relocalisation, les États membres sont censés envoyer du personnel en renfort en Italie et en Grèce. La République tchèque en a envoyé 35, l'Autriche 45, l'Espagne 30… et la France, 6. C'est autant que le Luxembourg !

Parallèlement, les États membres ne contribuent pas à Frontex comme il le faudrait [Frontex est l'organisme européen de surveillance des frontières extérieures de l'UE, ses effectifs sont fournis par les États membres en fonction des missions – ndlr]. En octobre, l'organisme devait remplir 775 postes ; seulement 447 ont été comblés. En janvier, nouvelle demande : il lui faut 1 054 gardes-frontières ; pour l'instant seulement 104 ont été envoyés.

Il y a donc une contradiction entre le discours politique et la réalité du terrain et des administrations. N'oublions pas en outre que côté français, on est peu enclin à détacher ses effectifs en plein état d'urgence et alors qu'on a rétabli les contrôles aux frontières… Il y a, à l'évidence, un manque absolu de solidarité de la part des États membres envers la Grèce et l'Italie.

L'Union européenne n'a-t-elle pas d'autres outils à sa disposition pour gérer cette « crise » des réfugiés ?

Si, elle en a. Une note publiée par l'OCDE en septembre est à cet égard très intéressante. Elle aborde la question des réfugiés en termes économiques : combien cela nous coûte, combien cela pourrait nous rapporter. C'est une lecture « instrumentalisante » et cela a quelque chose de nauséabond, mais étant donné les termes du débat aujourd'hui, je pense qu'elle peut être utile.

Que dit cette note ? Elle explique que l'Europe n'a jamais été aussi bien outillée pour traiter les demandes d'asile et elle s'appuie sur l'expérience de la guerre des Balkans pour montrer que si, dans un premier temps, les demandeurs d'asile sont relativement dépendants des États, ils deviennent rapidement des « contributeurs fiscaux nets ». Cela signifie que si l'on donne aux réfugiés la possibilité de se former, ils peuvent à court terme devenir actifs sur le marché du travail.

L'un des outils dont dispose l'UE, c'est le statut de « protection temporaire » issu d'une directive du 20 juillet 2001, et qui peut être activé dans le cas d'un afflux massif de personnes. À la différence du statut de réfugié, qui a un caractère définitif, le statut temporaire offre un titre de séjour de un à trois ans, et ouvre des droits : droit de travailler, de suivre une formation, de faire un stage en entreprise, mais aussi droit à des aide sociales, à l'accès au logement et au système éducatif pour les mineurs.

Cette directive, qui avait été décidée après la guerre du Kosovo et pensée pour des situations similaires, est parfaitement appropriée au contexte d'aujourd'hui, qui nécessite une gestion immédiate. Certes, le problème risque de se reposer dans trois ans, lorsque ces réfugiés au statut temporaire devront être régularisés. Mais dans l'immédiat et vu l'ampleur des chiffres, commençons par nous saisir des outils existants !

Les autorités européennes semblent avoir abordé cette crise sous l'angle de la surveillance des frontières et pas du tout en termes d'accueil des réfugiés…

En effet. On ne cesse de nous dire que l'Europe a un problème de réfugiés. Mais gardons le sens des proportions ! L'Europe, première économie du monde qui compte un demi-milliard d'habitants, a vu arriver un million de migrants, en peu de temps, certes, sur le continent. Cela reste très largement inférieur aux nombres accueillis par les pays limitrophes de la Syrie, et en particulier de la Turquie ! Il faut savoir que le Liban a vu sa population augmenter de 25 % depuis le début du conflit syrien… Le traitement des réfugiés en Europe est encore trop dans le registre de l'émotion.

Mais il y a, selon moi, un problème plus général. La peur est devenue un mode de mobilisation politique. Je reprends ici les idées du philosophe Robin Corey et de son livre La Peur, histoire d'une idée politique. On l'a vu dans l'unanimisme aux États-Unis après le 11-Septembre ou encore en France depuis les attentats : la peur permet à la fois d'intimider les gens en désaccord avec l'état d'urgence, mais aussi ceux qui apportent de l'aide aux réfugiés. Les dirigeants prennent aujourd'hui appui sur cette peur, rejoignant l'aile la plus extrême de la droite française et européenne.

Il n'y a pas de problème de réfugiés. Il y a le problème d'un espace politique qui se recentre autour de la peur : la peur de l'autre, la peur d'une confession, la peur du réfugié. Nos dirigeants ne sont pas capables de répondre avec apaisement et sérénité à cette question des réfugiés. Face à cette inquiétude, il faut prendre le contrepied et prôner une politique de la quiétude.

Car ces personnes arrivent et continueront d'arriver : empêcher les migrants de venir est impossible. On ne peut pas clore une frontière, a fortiori une frontière maritime comme celle de la mer Égée. Renforcer les contrôles a par ailleurs pour effet d'augmenter les activités illicites et la dangerosité du passage. Les activités criminelles se nourrissent de la frontière.

Il est nécessaire de déplacer le débat, de prendre comme donnée de base le fait que les gens vont continuer à arriver.

 

 

 

Source : https://www.mediapart.fr

 

 

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18 février 2016 4 18 /02 /février /2016 16:48

 

Source : http://www.humanite.fr

 

 

Une bombe contre le monde du travail
Kareen Janselme et Paule Masson
Jeudi, 18 Février, 2016
L'Humanité

 

Photo : Patrick Nussbaum

Paris octobre 2015. Manifestation contre le travail dominical.
Photo : Patrick Nussbaum
 

Loin d’être une « simplification à droits constants » du Code du travail, le préprojet dévoilé hier par le Parisien remet au patronat les clés de la relation de travail. Le modèle ultralibéral de l’économie numérique prend les commandes. Décryptage.

Les 150 pages du préprojet de loi de réforme du Code du travail que Myriam El Khomri doit présenter en Conseil des ministres le 9 mars prochain creuse la tombe d’un siècle de droit du travail. Les 35 heures volent en éclats et la possibilité d’en travailler 60 se généralise. La modulation des salaires pourra durer jusqu’à cinq ans. Le contournement des syndicats par l’employeur est facilité. Les pleins pouvoirs sont accordés aux patrons et l’ubérisation de l’économie est en marche. « Ce gouvernement entend donner un blanc-seing aux entreprises pour déréglementer le temps de travail et, avec lui, la santé, la vie personnelle et familiale des salariés », s’alarme la CGT.

 

1. Temps de travail : fini les 35 heures !

Le gouvernement l’aura sans cesse rabâché : mais non, on ne touchera pas aux 35 heures… Même si le principe est posé, l’avant-projet de loi sur la négociation, le travail et l’emploi (Nete) va permettre d’y déroger à tout-va. Et ce, en généralisant la négociation au niveau de l’entreprise qui s’imposerait à la loi. Le seuil de déclenchement des heures supplémentaires correspond toujours à la 36e heure, mais les entreprises pourront en augmenter le volume hebdomadaire. Jusqu’ici, il était interdit de faire des heures supplémentaires au-delà d’une durée maximale de 48 heures (Article L. 3121-35), sauf dans certains cas très précis comme dans les branches d’activité à caractère saisonnier. Le préprojet rend ce dépassement possible jusqu’à 60 heures « en cas de circonstances exceptionnelles, une convention ou un accord d’entreprise, ou, à défaut, un accord de branche », bref à tout niveau et sans respect de la hiérarchie des normes. Tout cela sans nécessiter l’autorisation de l’inspection du travail. Les apprentis de moins de 18 ans pourront travailler au-delà des 8 heures actuelles jusqu’à 10 heures par jour et 40 heures par semaine. Sans besoin de connaître l’avis du médecin ou de l’inspecteur du travail, qui devront simplement être informés. Et le forfait jours, qui peut lisser le travail des cadres sur 235 jours par an sans comptabiliser le nombre d’heures effectuées, va maintenant pouvoir être proposé à un salarié sans qu’un accord collectif ne l’y autorise.

 

2. Négociation collective : le pouvoir aux entreprises

Le modèle des accords de maintien dans l’emploi, qui permettent de revoir pour un temps déterminé le temps de travail et les salaires (c’est-à-dire augmenter le premier et baisser les seconds), est élargi « en vue de la préservation ou du développement de l’emploi ». Ils s’imposeront au contrat de travail. Si les salariés refusent, l’employeur pourra les licencier pour « cause réelle et sérieuse ». Pour éviter que des accords ne soient soi-disant bloqués par des syndicats majoritaires (voir reportage ci-contre), l’avant-projet de loi veut légaliser les référendums, jusqu’ici consultatifs. Au premier abord, l’article peut apparaître comme une amélioration : un accord ne pourra être validé que si 50 % des syndicats représentatifs le signent. Mais il y a un loup ! En effet, en relevant ce seuil de 30 % à 50 %, le projet supprime, de fait, le droit d’opposition des syndicats majoritaires. Un accord signé par les syndicats représentant 30 % des salariés pouvait en effet être contesté par ceux représentant 50 %. Ce droit est désormais caduc. Désormais, si un accord n’obtient pas de majorité, les syndicats prêts à signer peuvent déclencher les processus référendaires. Si les salariés votent à plus de 50 %, l’accord sera considéré comme valable. Sous couvert de démocratie directe, on délégitime les syndicats et on fait comme si aucune pression ne pouvait influencer le salarié, subordonné pourtant à son employeur. Quant aux prud’hommes, on le subodorait, c’est confirmé : les indemnités sont plafonnées au plus bas, c’est-à-dire à quinze mois de salaire maximum quelle que soit l’ancienneté du salarié dans l’entreprise. Le patron pourra donc provisionner a priori les licenciements même injustifiés…

 

3. Économie numérique : Uber se frotte les mains.

Enterrée, la loi Macron 2 sur les « nouvelles opportunités économiques » de l’économie numérique ? Au contraire. Le modèle « Uber », bâti sur l’utilisation d’une cohorte de travailleurs faussement indépendants, fait une entrée fracassante dans le Code du travail, avec l’ajout d’un chapitre les concernant. La loi Macron 2, présentée en novembre dernier, avait délivré une définition de l’emploi futur, se partageant en deux catégories : d’un côté, des emplois « bien rémunérés avec un haut niveau de qualification », de l’autre des jobs « peu qualifiés ». Des petits boulots hyperprécarisés, mal rémunérés, et qui ont vocation à le rester. Reprenant à son compte cette philosophie, la loi El Khomri inscrit que le travailleur « ne peut être regardé comme ayant avec la plateforme un lien de subordination juridique caractéristique du contrat de travail… ». Les Uber, Airbnb et compagnie peuvent se frotter les mains. La dépendance de leurs chauffeurs ou loueurs d’appartement à leur plateforme pour trouver des clients est considérée comme relation de gré à gré. Le travailleur ne dépend pas de son employeur, il se soumet librement aux règles édictées par la plateforme. Le travailleur doit procéder lui-même au « recouvrement des cotisations de Sécurité sociale et allocations familiales ». La plateforme, elle, est exonérée de contrôle de la part de l’inspection du travail.

En contrepartie de la consécration dans la loi de ce modèle totalement dérégulé, le compte personnel d’activité s’ouvre aux « professions non salariées ». Maigre consolation quand on sait que ce « sac à dos » de droits attachés à la personne et non plus au contrat de travail vise essentiellement à accorder un crédit de formation professionnelle, plafonnée dans la loi à 150 heuresn contre 120 actuellement.

 

 

 

Source : http://www.humanite.fr

 

 

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18 février 2016 4 18 /02 /février /2016 16:38

 

Source : https://www.mediapart.fr

 

 

La future loi El Khomri achève définitivement les 35 heures
18 février 2016 | Par Mathilde Goanec
 
 
 
 

L'avant-projet de loi de la ministre sur la réforme du code du travail remet largement en cause les 35 heures et instaure un droit du travail à la carte. Mediapart publie la version du texte présentée au Conseil d'Etat, qui diffère seulement sur la semaine de 60 heures, mesure recalée. 

Si le but était de savoir jusqu’où aller dans la provocation, il est largement atteint. L’avant-projet de loi El Khomri a fuité dans Le Parisien mercredi, provoquant immédiatement une levée de boucliers. Depuis un autre texte circule, celui présenté devant le conseil d'Etat, qui sera normalement très proche du définitif. « Tout y passe », s’insurge le groupe communiste républicain et citoyen au Sénat ainsi que les députés du Front de gauche dans un communiqué. « Bombe thermonucléaire », tonne le socialiste Gérard Filoche sur twitter. Pour la CGT, le gouvernement est « hors la loi ». Et il sera désormais difficile de continuer à dire que, promis juré, « on ne touchera pas aux 35 heures », comme l’exécutif le répète depuis l’ouverture du chantier de révision du code du travail. Plus grave encore, il accrédite l'idée que le décorum sur le dialogue social et les précautions oratoires déployées depuis plusieurs mois par l'intermédiaire de figures telles que Jean-Denis Combrexelle ou Robert Badinter n'étaient qu'écran de fumée sur le seul sujet qui vaille, l'allongement du temps de travail. 

 

Myriam El Khomri, ministre du travail © Reuters Myriam El Khomri, ministre du travail © Reuters

 

Que dit ce document de travail, présenté normalement par Myriam El Khomri le 9 mars prochain en conseil des ministres ? Sur le plan des principes, il annonce que la durée maximale du temps de travail se décidera bien dans le périmètre de l’entreprise. Le détricotage des 35 heures, déjà en marche depuis la loi Fillon, prend, de fait, une tout autre ampleur. Par exemple, la durée quotidienne du travail pourra être portée à 12 heures, par simple accord d’entreprise. Selon le ministère du travail, aller jusqu'à 12 heures était déjà possible, par dérogation. Mais si les conditions de la dérogation étaient jusqu'ici énoncées précisément, l'intitulé est maintenant sufisamment large pour être flou : passe de 10 à 12 heures sera autorisé « en cas d’activité accrue ou pour des motifs liés à l’organisation de l’entreprise ».

Sur l'autre article choc, la durée moyenne hebdomadaire, il y a eu un arbitrage. Entre la version du texte publié par Le Parisien, et celle présenté au Conseil d'Etat, la possibilité de passer à 60 heures par accord d'entreprise disparaît (il faut, comme avant, une autorisation administrative). Par contre, l'accord d'entreprise ou d'établissement suffira pour passer de 44 à 46 heures par semaine (et sur 16 semaines au lieu de 12 maximum précédemment).

 

Projet de loi El Khomri sur la réforme du code du travail by Mathilde Goanec

 

Autre manière d’accroître la durée du temps de travail sans le dire, la majoration des heures supplémentaires. Manuel Valls tout comme Myriam El Khomri ont opportunément ouvert le feu il y a quelques semaines, et confirment finalement leurs intentions. Si les « heures sup’ » restent majorées, avec un plancher de 10 %, le verrou que pouvaient jusqu’ici poser les branches professionnelles sur le taux de 25 % minimum saute bel et bien. L’aspect dissuasif de la majoration des heures supplémentaires, potentiellement créatrice d’emplois, se retrouve donc sévèrement amoindri. Par ailleurs, le paiement des heures supplémentaires, jusqu’ici annualisé, pourrait être reporté de deux années supplémentaires. Une partie de son salaire à crédit, en somme. 

Le forfait jour, remis en cause ces dernières années par plusieurs décisions de la Cour de cassation, sort finalement renforcé de ce brouillon de la loi El Khomri. Il pourra, c’est inédit, être appliqué sans accord d’entreprise dans les entreprises de moins de 50 salariés, négocié directement entre la direction et chaque salarié. Le texte révèle aussi que le repos de 11 heures consécutif obligatoire, même pour les salariés au forfait jour, pourra être « fractionné ». « Finalement, pour ces salariés-là, on ne compte plus ni les heures, ni les jours, estime Emmanuel Dockès, enseignant chercheur en droit du travail à Nanterre, c’est inouï. »

Les organisations patronales ont également gain de cause sur les apprentis, qui pourront travailler 10 heures de suite par jour, et 40 heures par semaine au lieu de 35, sans en demander l’autorisation à l’inspection du travail ou au médecin du travail. Il s’agira simplement de les en informer.

Les accords de maintien dans l’emploi, circonscrits jusqu’ici à des entreprises présentant de « graves difficultés économiques conjoncturelles », permettaient d’augmenter par exemple la cadence sans augmentation de salaire ou au contraire de réduire le temps de travail. Une dizaine seulement ont été signés jusqu’ici, car jugés trop contraignants pour le patronat. Leur champ s’étendrait à la « préservation ou le maintien de l’emploi », ce qui n’est pas tout à fait la même chose. « C’est très vague et s’il suffit de mettre cet objectif dans le préambule, alors c’est redoutable, note Pascal Lokiec, également professeur reconnu en droit du travail. Si l’on pousse l’analyse à son terme, on pourra même négocier la mise à l’écart du licenciement économique en inscrivant dans le préambule que l’accord est conclu pour l’emploi. » Si le salarié refuse l’accord, son contrat prévaut, mais il sera licencié. Non plus pour raison économique comme précédemment, mais sur une « cause réelle et sérieuse », ce qui est bien moins avantageux.

De manière générale, les accords d’entreprises deviennent, selon ce texte, « majoritaires », c’est-à-dire effectifs si signés par une ou plusieurs organisations syndicales représentatives et ayant recueilli au moins 50 % des suffrages lors des élections professionnelles. Sauf que la consultation directe des salariés revient sur le tapis, avec la possibilité pour les syndicats totalisant au moins 30 % (mais minoritaires) des voix d’organiser un référendum, dont le résultat s’imposerait à tous. « Moins bloquant », dit l’exécutif, « dangereux », allèguent certaines organisations syndicales, qui craignent les pressions des directions sur les petits syndicats et les salariés. 

Le futur projet de loi tranche aussi sur le plafonnement des indemnités prud’homales, introduit dans la loi Rebsamen, mais jusqu’ici tenu à distance par le conseil constitutionnel. Que dira le « conseil des sages » de cette nouvelle proposition ? En cas de licenciement sans cause réelle et sérieuse, l’employeur saura précisément ce qu’il lui en coûtera de se séparer abusivement d’un salarié : trois mois de salaire pour deux ans d’ancienneté, six mois entre deux et quatre ans, neuf mois entre cinq et neuf ans, douze mois pour 10 à 19 ans. À partir de vingt ans d’ancienneté, quinze mois de salaire. 

Enfin, dans la dernière ligne droite est apparu un énième assouplissement, celui des conditions du licenciement économique qui pourra être enclenché sur un motif nouveau : la réorganisation nécessaire à la sauvegarde de l'entreprise, précisée comme étant « une baisse des commandes ou du chiffre d'affaires de plusieurs trimestres consécutifs, en comparaison à la même période de l'année précédente (...) des pertes d'exploitation pendant plusieurs mois (...) une importante dégradation de la trésorerie, soit par tout élément de nature à justifier de ces difficultés ». Une profusion de détails censés là encore sécuriser les entreprises en cas de contestation du licenciement par le salarié, soit un grand pas en avant pour le patron du Medef cité par Les Échos

Toutes ces propositions ne constituent pas un texte définitif, et la ministre du travail aura beau jeu de dire que rien n’est encore tranché. Mais les organisations syndicales, consultées depuis des mois, ont de quoi se sentir trahies. Le gros du code du travail devient susceptible de dérogations et pourrait même, sur certains sujets et faute d’accord, se réduire à une décision unilatérale de l’employeur. Même les plus prudents après la remise du rapport Badinter, comme Pascal Lokiec, semblent catastrophés. « Si le projet ressemble au document, on va vers un droit du travail à la carte avec une primauté quasi systématique de l’accord d’entreprise sur l’accord de branche en matière de temps de travail, analyse l’expert en droit social. On rappellera qu’à ce niveau, le rapport de force est particulièrement déséquilibré, que cela conduit potentiellement au dumping social et complexifie la situation du salarié qui changera de droit applicable en même temps qu’il changera d’entreprise. » François Hollande répète pourtant, dans cet ordre et chaque fois qu’il en a l’occasion, que cette réforme du code du travail servira à sécuriser les entreprises et protéger les salariés. La version retenue pour le moment permet d’en douter, au moins pour la seconde partie de l'énoncé. 

 

 

Source : https://www.mediapart.fr

 

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18 février 2016 4 18 /02 /février /2016 16:21

 

Source : http://www.nonfiction.fr/article-

 

 

SÉRIE – Imaginer la fin du travail, au-delà de « Trepalium »

 

Yannick RUMPALA

[mercredi 17 février 2016 - 14:00

 

 

Arte a entamé ce jeudi la diffusion de Trepalium, une série d’anticipation qui imagine un monde largement dégagé du travail – pour le pire plutôt que pour le meilleur. Sur le même thème, Cory Doctorow publiait en 2003 Dans la dèche au Royaume Enchanté, un roman futuriste qui envisageait plus radicalement les possibilités ouvertes dans une économie post-rareté et post-travail. Sans travail, c’est peut-être tout un système de valeur qui serait amené à changer.

 
 

Imaginer la fin du travail peut produire des résultats angoissants. La série télévisée Trepalium actuellement diffusée sur Arte en est une expression. Dans le monde décrit, la très grande majorité de la population (80 %, nous dit-on) en est réduite à rêver de pouvoir décrocher un emploi. Un mur a même été construit pour assurer une relative tranquillité aux « Actifs » de la « Ville », maintenant donc les autres dans la « Zone », avec pour maigre espoir de pouvoir éventuellement être sélectionné(e)s pour un « emploi solidaire » (la dernière mesure gouvernementale pour essayer de calmer la révolte montante). Certes, la série, à cause de ses résonances éminemment actuelles, peut faire réfléchir, mais, à cette aune, son potentiel peut paraître limité. Plutôt que ce traitement faussement subversif (et esthétiquement peu inventif), peut-être aurait-il mieux valu une fiction plus risquée, où le travail n’est plus la valeur centrale. Tant qu’à faire dans la fiction spéculative, autant quitter la facilité dystopique, a fortiori si elle est une pâle extrapolation de l’épuisement des sociétés industrialisées et du modèle fordiste (voire une manière de préparer les esprits à une inéluctabilité des « réformes structurelles », sous peine d’en arriver un jour à ce type de futur repoussant).

 

Par contraste, peut-être que le format littéraire permet d’aller explorer des territoires imaginaires plus inspirants. Après tout, la question du travail et de son devenir est aussi déjà présente dans la science-fiction  . Dans le roman intitulé Dans la dèche au Royaume Enchanté , Cory Doctorow part d’un postulat plus radical. C’est même la première phrase du livre : « J'ai vécu assez longtemps pour voir le remède à la mort, assister à l'ascension de la Société Bitchun, apprendre dix langues étrangères, composer trois symphonies, réaliser mon rêve d'enfance d'habiter à Disney World et assister non seulement à la disparition du lieu de travail, mais du travail lui-même ». Dans le futur ainsi imaginé, les accidents de la vie ne sont plus à craindre : la mémoire de chaque individu est en effet régulièrement sauvegardée et, en cas de problèmes physiques à l’issue potentiellement fatale, elle peut être réintégrée dans un nouveau corps déjà cloné, donc rapidement disponible (une variante du « mind uploading »). Les systèmes productifs étant suffisamment développés et les principaux besoins existentiels apparemment satisfaits, hommes et femmes sont dans une situation où ils n’ont plus d’obligation de travailler. Libérés de beaucoup de contraintes matérielles, ils peuvent alors consacrer leur temps à des activités plus ou moins ludiques. L’action du roman se passe principalement à Disney World, où les protagonistes sont surtout occupés à restaurer et développer des attractions du parc. Leurs journées sont au total loin d’être vides et, de fait, les personnages suivis investissent beaucoup d’énergie dans l’entretien de ces attractions.

 

Derrière l’intrigue (en gros, la rivalité entre les groupes gérant des attractions concurrentes), les lecteurs peuvent ainsi voir fonctionner des modalités différentes d’organisation sociale. Avec pour les individus des soucis différents. En l’occurrence, dans la société dépeinte par Cory Doctorow (la « Société Bitchun »), l’argent n’a plus d’utilité. Ce qui compte en revanche, c’est le « whuffie », une espèce d’évaluation permanente de la réputation, de la popularité individuelle, qui est de surcroît devenue facile à visualiser, en temps réel,  grâce aux avancées de l’informatique ambiante et aux possibilités de connexions cérébrales. C’est cette espèce d’objectivation de l’estime accordée à chacun, compte tenu de ses actions, de ses réalisations positives comme de ses fautes et méfaits, qui fait alors non seulement la position sociale, mais qui devient aussi le critère principal des échanges pour accéder plus ou moins facilement à certains biens et services. Dans ce monde, le but principal semble être en définitive d’accumuler cette nouvelle forme de capital symbolique que serait le « whuffie ».

 

L’intérêt du roman de Cory Doctorow est qu’il permet, dans le registre de l’anticipation, de travailler des hypothèses sur ce que pourrait être une économie post-rareté et post-travail. Il fait en quelque sorte la supposition que l’accès à des possibilités technologiques conduira à une évolution des valeurs, spécialement quant aux motivations qui doivent guider les existences individuelles, quant à la conception du travail et à sa centralité dans les collectifs. Dans la « Société Bitchun », il ne semble guère y avoir de sens à essayer de ranger les individus dans les catégories de producteurs et de consommateurs. Ces rôles sociaux, de même que le salariat, se sont dissous. Les « adhocraties » sont devenues la forme d’organisation dominante pour les individus qui souhaitent réaliser des activités ou un projet en commun, en fonction de préférences partagées. Dans le roman, ces coopérations semblent souples et peu formelles. Les attractions de Disney World y sont gérées par des fans sur ce principe. Le roman, par sa lenteur apparente, rend bien ce mode de vie s’écoulant sans gros événements perturbateurs (hormis le « meurtre » qui va intervenir et qui va nourrir l’intrigue). Mais Cory Doctorow a également bien compris que tout individu a besoin de reconnaissance et garde une tendance à vouloir se situer par rapport aux autres. La condition humaine a bien d’autres dimensions que celle du travail pour la structurer. Est-il enviable d’être noté en permanence, sur le moindre de ses actes ? C’est la subjectivité néolibérale qui survivrait ainsi sous d’autres formes, où l’individu devrait malgré tout veiller à sa valorisation et rester entrepreneur de lui-même. Les logiques de marché, voire les inégalités qui en résultent, ne seraient que déplacées (même si, formellement, ont disparu les préoccupations sur les moyens d’assurer sa subsistance).

 

L’enjeu est aujourd’hui d’être capable d’imaginer des futurs variés. La place forcément évolutive du travail dans une société peut justifier ce type d’exploration, a fortiori dans des contextes technologiques eux-mêmes fortement évolutifs en raison des progrès rapides de l’automatisation. Cette exploration a été et continue à être tentée dans le registre académique  . Mais l’évolution d’un modèle culturel se joue également dans les imaginaires. Il n’est donc pas inutile, loin de là, de continuer aussi à aller voir ce qui s’y produit.

 

Yannick RUMPALA

 

 
 
 
  Trepalium,
  Série créée par Antarès Bassis et Sophie Hiet,
  Diffusion sur Arte, à partir du 11 février 2016.
 
 
 
 
  Cory Doctorow,
  Dans la dèche au Royaume Enchanté,
  Gallimard/Folio SF, 2008
  (Down and out in the Magic Kingdom,
  Tor, 2003).                
 
 
 
 
 
 
 
 
Yannick RUMPALA
 
Critique à nonfiction.fr
 
 
 
 
 
 
Biographie

 

Yannick Rumpala est maître de conférences en science politique à l’Université de Nice (Équipe de recherche sur les mutations de l’Europe et de ses sociétés/ERMES). Ses recherches portent pour la plus large part sur les reconfigurations des activités de gouvernement et de la régulation publique, notamment dans le domaine de l’environnement et dans la perspective d’un "développement durable". Dans le prolongement d’un précédent travail (Régulation publique et environnement. Questions écologiques, réponses économiques, L’Harmattan, 2003), il a publié récemment un autre ouvrage sur la transition au "développement durable" comme gouvernement du changement (Développement durable ou le gouvernement du changement total, Le Bord de l’eau, 2010).

 
Ses critiques
 
 
 
 
 
 
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17 février 2016 3 17 /02 /février /2016 16:00

 

Source : http://www.marianne.net

 

 

Lobbies : ça sent enfin le Sapin ?

 
 
Plus de vingt ans après la loi Sapin I, le ministre des Finances s'apprête à présenter un nouveau projet de loi visant à renforcer la lutte contre la corruption. L'encadrement de l'activité des lobbies est au centre du texte.
 
Le ministre des Finances Michel Sapin s'apprête à présenter d'ici la fin du mois de mars son projet de loi sur la lutte anticorruption. -Sipa
 

‘’Aujourd'hui, la France est en retard, par exemple en matière de lutte contre la corruption d'agents publics à l'étranger". De l'aveu de son instigateur, la loi Sapin de 1993 luttant contre la corruption ne suffit plus. Dans une interview accordée ce mardi au journal , le ministre des Finances a dévoilé son projet de loi sur la lutte anticorruption, qui devrait être présenté fin mars en Conseil des ministres.

Pressé d'agir par nombre d'ONG, , le gouvernement s'est donc décidé à présenter un projet annoncé par François Hollande en janvier 2015. Un texte qui prévoit aujourd'hui de mieux encadrer l'activité des lobbies et de protéger les "lanceurs d'alerte", qui dénoncent des pratiques de corruption.


"Fini les voyages, les avantages, les petits cadeaux offerts par les lobbies à tel ou tel responsable public…"L'une des propositions fortes portées par Michel Sapin consiste à mettre en place un registre des lobbies afin de permettre "une identification claire des groupes de pression, au bon sens du terme". Et de prendre l'exemple des "défenseurs des cultivateurs du tabac", qui ont, selon lui, "tout à fait le droit d'exister, mais en pleine lumière". Les entreprises et autres groupes de pression inscrits sur ce registre s'engageraient à "respecter un certain nombre de principes". "Fini les voyages, les avantages, les petits cadeaux offerts par les lobbies à tel ou tel responsable public (…). Idem pour un bon déjeuner payé dans un grand restaurant. Enfin, il leur sera interdit d'utiliser sciemment des chiffres erronés. Sous peine d'amendes", prévient le ministre. Des exigences que devront donc respecter les lobbies référencés sur ce répertoire, sous la surveillance de la Haute Autorité pour la transparence de la vie publique.

Une autre institution veillant à la transparence verra ses prérogatives renforcées. Le Service central de prévention de la corruption sera ainsi transformé "en agence indépendante, dotée de moyens accrus". Une réforme qui vise à protéger davantage les "lanceurs d'alerte", sans qui "beaucoup de scandales n'auraient pas éclaté", selon Michel Sapin. Le ministre souhaite ainsi "leur offrir une protection juridique, y compris la prise en charge de leurs frais d'avocats, par exemple, parfois colossaux". De quoi satisfaire l'ONG Transparency International, qui demande depuis de longues années le renforcement d'une protection "encore largement insuffisante" des "lanceurs d'alerte", ainsi que la mise en place "d'une agence nationale de lutte contre la corruption".

Les entreprises inquiétées pour activités de corruption seront invitées à plaider coupable afin d'éviter un procèsMais la principale innovation du projet de loi est d'instituer un dispositif dit "de convention de compensation d'intérêt public" : les entreprises inquiétées pour activités de corruption seront invitées à plaider coupable afin d'éviter un procès. En clair : une amende, souvent lourde, contre la suspension des poursuites pénales. Une procédure souple et efficace calquée sur le modèle américain du "Foreign Corrupt Act", qui a permis d'infliger ces dernières années de lourdes sanctions à nombre d'entreprises françaises (Total, Tchnip, Alstom), quand la France n'a pas condamné une seule entreprise pour corruption en quinze ans. "Il est assez humiliant de constater que de grandes entreprises françaises se voient imposer de lourdes amendes par des autorités étrangères et se retrouvent placées sous leur monitoring", regrettait ainsi Daniel Lebègue, le président de Transparency International France, en septembre 2015. Ses doléances ont, semble-t-il, aiguillé le ministre Sapin. 

 

 

 

Source : http://www.marianne.net

 

 

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17 février 2016 3 17 /02 /février /2016 15:52

 

Source : http://rue89.nouvelobs.com

 

 

Copé, Pellerin, Baylet : vive la politique et la République exemplaire
 
 

« Il a été tuyauté  ? » demande sur France Info Fabienne Sintès à Eric Ciotti. On parle de Jean-François Copé, l’angelot Copé (si cher à Didier Porte) qui, trois jours plus tôt, annonçait en exclusivité mondiale à Delahousse, sur France 2, qu’il serait candidat à la primaire de la droite. C’était dimanche soir, c’est-à-dire 48 heures avant la mise en examen, pour dépassement des frais de campagne, de son ennemi préféré Sarkozy, intervenue mardi soir. D’où la question directe de Sintès à Ciotti  : il a été tuyauté, Copé  ?

Aujourd’hui sarkozyste (après avoir été fillonniste) le président du conseil départemental des Alpes-Maritimes ne veut certes pas l’affirmer. Mais il se pose bien des questions, Ciotti. Il ne peut s’empêcher de relever la coïncidence. Quel délice matinal rétrospectif, de revoir cette interview de l’angelot, aujourd’hui, après la mise en examen de Sarkozy. Delahousse  : « Pourquoi cette accélération  ? “ Copé  : ‘Parce qu’en fait, je crois que je suis prêt.’

Merveille de la soudaine révélation

Ô merveille de la soudaine révélation. Ô beauté du foudroiement politique. Il est vrai qu’il avait lui-même été mis hors de cause par les juges, quelques jours plus tôt. Et Copé d’ajouter cette précision, qui prend tout son sel après une maturation de trois jours  : ‘Jamais je n’aurais imaginé d’être candidat si j’étais mis en examen’. Alors, tuyauté  ? On se dit beaucoup de choses, dans le secret des cabinets d’instruction, entre magistrats, avocats et greffiers qui se connaissent bien. Mais ne cédons pas au complotisme. Admirons la coïncidence.

‘J’ai voulu m’adresser à un public jeune’. C’est la réponse de la ministre remaniée de la Culture, Fleur Pellerin, quand on lui rappelle la calamiteuse visite télévisée de son bureau, que nous avions racontée ici. Devant les caméras du ‘Petit journal’, elle avait révélé ne savoir faire fonctionner ni son téléviseur, ni son téléphone interministériel, ni son lecteur de CD. Elle n’avait pas lu les livres qui s’entassaient sur ses rayonnages, et ne connaissait pas l’auteur du tableau qui tapissait son bureau. Mais ce n’était pas de l’incompétence. Elle ‘s’adressait à un public jeune’. Le ‘jeune’, c’est bien connu, n’adore rien tant que l’analphabétisme satisfait. Saluons la dextérité de la communication.

 

Tout risque de conflit d’intérêt écarté

Nommé sous-ministre à quelque chose, Jean-Michel Baylet laisse la gestion opérationnelle de La Dépêche du midi à son ex-femme, Marie-France Marchand-Baylet. C’est bien. C’est éthique. C’est très République exemplaire. Ainsi, se trouvent évités tous les risques de conflit d’intérêt. Ce n’est pas demain qu’on reverra La Dépêche saluer à la une la nomination comme ministre de son propriétaire, avec des adjectifs dithyrambiques, et une photo ancienne de dix ans, comme le relevait ‘Le Petit Journal’ (étrangement plus implacable avec les censures de Baylet qu’avec celles de Bolloré). Qu’on se le dise  : avec Baylet comme avec les autres, La Dépêche sera désormais implacable.

Ah, un détail pourtant. Marie-France Marchand-Baylet est la compagne de Laurent Fabius, ex-ministre des Affaires étrangères, président pressenti du Conseil constitutionnel. Mais aucun souci. Le Conseil constitutionnel ne prendra aucune décision concernant le Sud-Ouest, le rugby, et le cassoulet. Faisons confiance à l’intégrité humaine.

Initialement publié sur Arretsurimages.net
http://www.arretsurimages.net
 
 
 
Source : http://rue89.nouvelobs.com
 
 
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17 février 2016 3 17 /02 /février /2016 15:24

 

Source : https://www.mediapart.fr

 

 

Ces enquêtes que Bolloré ne veut pas voir sur Canal+
17 février 2016 | Par La rédaction de Mediapart
 
 

Sur le plateau du site Arrêt sur images, le rédacteur en chef adjoint de l’émission Spécial Investigation, sur Canal+, a dévoilé la liste des enquêtes interdites par le nouveau boss Vincent Bolloré. Après la censure d'un documentaire sur le Crédit mutuel, le milliardaire a notamment refusé des sujets sur les banques, Volkswagen, François Hollande, et même le Nutella.

L'investigation est belle et bien en voie d'extinction à Canal+. La faute au puissant et brutal patron de sa maison mère Vivendi, l'homme d'affaires Vincent Bolloré, qui poursuit sa reprise en main de la chaîne. Bolloré avait déjà censuré un documentaire sur le Crédit mutuel, une banque en affaire avec son groupe et dirigée par l'un de ses amis. Et voilà que le site Arrêt sur images révèle que Bolloré a refusé sept des onze sujets d'enquête proposés par Spécial Investigation, le magazine phare de Canal.

C'est le rédacteur en chef de Spécial Investigation, Jean-Baptiste Rivoire, qui a dévoilé la liste des enquêtes censurées sur le plateau d'Arrêt sur images : « Volkswagen, l’entreprise de tous les scandales », « Le monde selon Youtube », « François Homeland » (une enquête sur le président de la République et les guerres), « Attentats : les dysfonctionnements des services de renseignement », « Les placards dorés de la République » (sur les emplois fictifs dans la haute fonction publique), « La répression made in France » (sur la façon dont la France exporte ses méthodes de répression, matraques électriques, etc. à des régimes plus ou moins recommandables), et « Nutella, les tartines de la discorde ». « Si ça continue comme ça, on va faire des sujets sur les trésors sous les mers ou les ours polaires », conclut Jean-Baptiste Rivoire, par ailleurs délégué SNJ-CGT, que Bolloré a tenter de virer avant d'abandonner la procédure.

À lire et à voir sur Arrêt sur images.

 

 

Extrait : 

 

http://www.arretsurimages.net/breves/2016-02-14/Volkswagen-renseignement-et-Nutella-sujets-interdits-a-la-TV-de-Bollore-id19670

 

Par le - 13h31 - @rrêt sur images
 
 

Le message de Bolloré est passé. Le journaliste de Canal+ (Special Investigation) et délégué syndical SNJ CGT Jean-Baptiste Rivoire, ne reçoit "plus aucun projet d'enquête sur le monde bancaire" depuis la censure d'une enquête sur le Crédit Mutuel par Vincent Bolloré. Mais la banque n’est pas le seul sujet sensible. "On doit aller voir la direction avec nos petits projets et demander la permission de faire nos enquêtes. En gros, sous l’ancienne direction, ça passait à 80 ou 90% des cas. Depuis que Bolloré est sorti des fougères et a manifesté son pouvoir dans l’entreprise, ça se passe beaucoup plus mal", explique Rivoire sur notre plateau. Sur 11 sujets d’enquête proposés lors du dernier "comité d’investigation", la direction a ainsi retoqué... 7 sujets, selon le journaliste

Et il égrène la liste des sujets dont on n'entendra pas parler sur la chaîne cryptée : "Volkswagen, entreprise de tous les scandales", "Le monde selon Youtube", "François Homeland" (une enquête sur le président et les guerres), "Attentats: les dysfonctionnements des services de renseignement", "Les placards dorés de la République" (sur les emplois fictifs dans la haute fonction publique), "La répression made in France" (sur comment la France exporte des matraques électriques, et autres outils de répression, à des régimes pas toujours recommandables), et enfin, "Nutella, les tartines de la discorde", également refusé. Nutella? Peut être un lien avec le fait que le groupe Ferrro, qui détient la marque de pâte à tartiner, figure parmi les 50 plus gros annonceurs de France (avec, de sucroît, 76% de son budget pub destiné à la TV) ? Dans ce top 50 figurent également... Volkswagen et Google, qui possède Youtube.

 

Pour voir en intégralité notre émission sur l'indépendance des médias, c'est ici : "Bolloré et Hollande ont un intérêt conjoint à étouffer l'investigation"...

 

*suite de l'article sur arretsurimages

 

 

Source : https://www.mediapart.fr

 

 

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17 février 2016 3 17 /02 /février /2016 14:47

 

Source : http://rue89.nouvelobs.com

 

 

« Trepalium » : l’apartheid riches-pauvres a salement de l’avenir

 

 

 

 

A ceux qui croient que la science-fiction n’est qu’un prétexte à évasion et gros effets spéciaux, Arte offre à nouveau un beau démenti. La chaîne avait programmé la stimulante série « Real Humans », où la coexistence entre humains et robots trop proches de nous posait maintes questions : elle diffuse, à partir de ce jeudi, une mini-série en six épisodes, « Trepalium ».

Son nom fait référence à l’étymologie de « travail », qui vient de « trepalium », déformation de « tripalium », un instrument de torture antique à trois poutres, où était attaché le sujet.

Réalisée par Vincent Lannoo, « Trepalium » se déroule dans un avenir non précisé. L’urbanisme y est simple  : la Ville, tirée au cordeau, avec des gratte-ciel et des bâtiments énormes et nickels, ceinte d’un mur démesuré. Et tout autour, un monde grouillant de bidonvilles, dont les habitants, les « zonards », survivent avec une maigre distribution de rations alimentaires.

 

« Trepalium », bande-annonce

 

A l’origine de ce monde radicalement scindé, le chômage qui n’a cessé d’augmenter, jusqu’à atteindre 80% de la population, et à amener des politiciens à séparer les privilégiés des autres, à l’abri d’une muraille géante.

 

Ambiance glaciale

Au début, un ministre, qui est aussi l’époux de la Première ministre, séquestré depuis des mois dans la Zone, est relâché. En échange, la Première ministre fait recruter 10 000 zonards, pour occuper en journée un emploi dans la ville.

Outre les décors et l’ambiance (glaciale, avec un zeste de « Brazil » dans un côté rétro-futuriste), « Trepalium » n’est pas si binaire que le résumé pourrait le laisser croire  : la vie est rude même côté Ville. Chacun, fut-il haut placé, vit dans la terreur de déchoir et d’être éjecté dans la Zone.

Les relations en apparence insensibles montrent un univers mis en coupe par des multinationales, où le conformisme étouffe toute joie et tout échange affectueux. L’acteur Aurélien Recoing, père déshumanisé d’un des principaux personnages, est saisissant.

 

La Ville derrière le mur de

La Ville derrière le mur de « Trepalium » - Arte France/Kelija
 

Les auteurs ont regardé nombre de films et de références pour en faire leur miel. Vincent Lannoo explique la conception de cet univers de ségrégation où l’avenir est en impasse :

« L’esthétique rétro-futuriste de la série fait écho à cette régression : les décors, les costumes, les accessoires, les vieilles voitures. On a regardé comment certains architectes du passé, des années 30 aux années 80, comme Le Corbusier, Oscar Niemeyer ou Ricardo Bofill, avaient imaginé l’avenir. »

Les riches à part  ? En 2154, en 2293...

Un monde coupé entre une poignée de privilégiés et tous les autres  ? La SF prolonge des tendances déjà marquées  : les villes privées, gérées comme des entreprises et protégées de l’insécurité extérieure, sont à la mode, et des géants ambitionnent de construire leur propre cité, comme Mark Zuckerberg, le fondateur de Facebook, et son projet Zee-ville qui réinvente les corons.

« Zardoz », de John Boorman, montrait dès 1974 une Terre ravagée en 2293. Les Eternels, une poignée de privilégiés immortels, vivent dans une oisiveté décadente, derrière une barrière invisible ; à l’extérieur de leurs enclaves de luxe, des hordes d’humains dans la misère, les Brutes, travaillent sur une planète semi-détruite, pour alimenter les Eternels. Et un de ces derniers arme des exterminateurs, chargés de massacrer et réduire en esclavage les Brutes.

 

 

 

 

« Zardoz », bande-annonce

 

Récemment, dans « Elysium » (2013), Neill Blomkamp – qui prépare le prochain « Alien » – a mis en scène une Terre polluée et surpeuplée, en 2154, laissée aux pauvres, en proie à la violence et la maladie. Les plus riches, eux, ont pris le large en s’installant dans une énorme station spatiale luxuriante, dont les équipements médicaux guérissent n’importe quelle maladie.

 

« Elysium », bande-annonce

 

Tous contre tous

Dans le premier épisode de « Trepalium », on voit dans une scène un personnage trouver un mort, gisant dans un couloir de sa multinationale, et il réagit en pensant immédiatement à prendre le poste laissé vacant par le mort.

Un passage qui, en dehors de la science-fiction, évoque la compétition meurtrière du chômeur joué par José Garcia dans « Le Couperet » (2005) de Costa-Gavras  : désespérant de retrouver un emploi dans son domaine spécialisé, il assassine ses concurrents potentiels pour être sûr d’être embauché. Polar ou SF, l’avenir du chômeur s’annonce radieux.

 

« Le Couperet », bande-annonce

 

 

 

Source : http://rue89.nouvelobs.com

 

 

 

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