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13 mars 2016 7 13 /03 /mars /2016 18:17

 

Source : http://www.marianne.net

 

 

Pologne : un pas de plus vers la fin de l'Etat de droit ?

 
 
Le Tribunal constitutionnel polonais a rejeté mercredi 9 mars une loi qui vise à le paralyser. Une décision que le gouvernement polonais récuse, ce qui préoccupe une nouvelle fois une opposition citoyenne inquiète des atteintes répétées aux libertés publiques.
 
Des Polonais du KOD ont réclamé jeudi la publication de la décision du Tribunal constitutionnel sous les fenêtres de la Première ministre. - Sipa
 

Le ciel s'assombrit encore en Pologne. Depuis que le parti nationaliste et traditionaliste Droit et Justice (PiS) a pris le contrôle de la Diète (la chambre basse) en octobre dernier, les manifestations à l'encontre des réformes votées par la majorité parlementaire se multiplient. Des dizaines de Polonais se sont encore réunis mercredi soir devant le Tribunal constitutionnel pour lui apporter leur soutien, alors que son président annonçait le rejet d'une loi visant à en modifier le fonctionnement par des dispositions "non conformes à la Constitution".

Mais le refus de la cour constitutionnelle de valider la conformité du texte à la loi fondamentale polonaise n'émeut pas plus que cela le pouvoir conservateur. Au mépris même de la loi, la Première ministre Beata Szydlo avait déjà annoncé mardi que la décision du Tribunal "ne sera pas une décision, dans le sens légal du terme", assurant qu'elle ne peut "violer la Constitution" "en publiant ce document" au Journal officiel. Et de justifier ce choix par l'absence de plusieurs juges lors de l'examen de la loi, des magistrats précisément nommés… par le président Andrezj Duda (PiS). Une attitude que dénonce sans réserve Jean-Yves Potel, écrivain et universitaire spécialiste de la Pologne, qui assure à Marianne que le PiS "joue avec le feu en instaurant une double légalité : constitutionnelle et gouvernementale". Ce que l'ancien président de la cour constitutionnelle Marek Safjan estime "dramatique" : "On est en train d'entrer dans l'anarchie".

Des pratiques autoritaires

La loi en question, promulguée le 28 décembre par le président conservateur Andrzej Duda, complexifie le fonctionnement de la cour constitutionnelle, en entravant substantiellement son activité. Des délais de trois à six mois entre le dépôt d'une requête auprès du Tribunal et son verdict sont ainsi prévus par le texte. Mais le point épineux de la réforme concerne les modalités de vote de la Cour suprême. La loi impose des restrictions qui ont pour seul objet de prendre en compte les voix des cinq magistrats récemment nommés par le présidentj Duda. Une décision qui fait suite au refus présidentiel d'assermenter un mois plus tôt trois juges élus par la majorité de centre-droit sortante. Pour parachever le tout, le texte prévoit la possibilité de sanctions à l'égard des juges constitutionnels, voire leur révocation par le pouvoir politique.

De son côté, Andrzej Duda assure que "ce changement contribue à renforcer la position et la situation du Tribunal correctionnel". Le président polonais est rejoint en ce sens par , qui affirme que cette réforme permet de "mettre de l'ordre" dans le fonctionnement du Tribunal et ainsi, d'éliminer un obstacle dans la mise en œuvre des promesses électorales… Au détriment de la séparation des pouvoirs, donc.

"L'acte final de la liquidation du Tribunal constitutionnel"Des pratiques autoritaires que la présidente de la Cour de cassation Malgorzata Gersdorf considère comme des manœuvres visant "à entraver, voire empêcher" le fonctionnement de la juridiction suprême. "Nous avons affaire à l'acte final de la liquidation de facto du Tribunal constitutionnel car, dès son entrée en vigueur, la loi paralysera ce tribunal totalement", renchérit Jerzy Stepien. L'ancien président du Tribunal constitutionnel rejoint ainsi la large opposition à la réforme, qui rassemble du parti libéral d'opposition jusqu'à l'association citoyenne du Comité de défense de la démocratie (KOD), laquelle compte à ce jour près de 180.000 membres sur Facebook.

L'Europe ne se fait pas entendre

La mobilisation contre la réforme du Tribunal constitutionnel dépasse les seules frontières nationales, l'Union européenne et le Conseil de l'Europe s'inquiétant des atteintes portées à l'encontre de l'Etat de droit en Pologne. Dans une lettre adressée le 30 décembre aux responsables polonais, le vice-président de la Commission européenne Frans Timmermans a demandé "que cette loi ne soit pas finalement adoptée, ou au moins qu'elle n'entre pas en vigueur" avant que son impact sur l'indépendance de la Cour suprême ne soit évalué. Une requête qui est manifestement restée lettre morte. "L'UE n'a pas vraiment de moyens de pression", analyse Maciej Gdula, sociologue de l'université de Varsovie. Il estime que la seule solution européenne viable "serait d'exclure la Pologne du Conseil européen", une décision qui requiert une unanimité des pays membres. Or, la Hongrie de Viktor Orban, , "a déjà fait savoir qu'elle y opposerait son veto". Plus largement, "les pays européens ne peuvent pas faire grand chose : la Commission a beaucoup de difficultés à faire autre chose que des condamnations verbales", renchérit Jean-Yves Potel.

"La démocratie et les droits de l'Homme sont en danger"Le Conseil de l'Europe se montre bien plus impliqué que Bruxelles sur le sujet, investissant la Commission de Venise de la mission d'analyser le conflit et de livrer un avis. Un avant-projet du rapport, qui sera rendu public le 12 mars, a fuité samedi 5 mars dans la presse polonaise. Et il est peu de dire que les conclusions du document sont accablantes : "Tant que le Tribunal constitutionnel ne peut poursuivre son travail de manière efficace, non seulement l'Etat de droit mais la démocratie et les droits de l'Homme sont en danger", considèrent ainsi les experts européens, qui appellent au retrait par le Parlement "des résolutions adoptées en contradiction avec les décisions du Tribunal". Un avis tranché mais non contraignant, que balaie d'un revers de main le chef du gouvernement Beata Szydlo. La présidente du Conseil considère que "le fait que ce projet ait fait l'objet de fuites dans les médias démontre que des personnes souhaitent alimenter les mauvaises opinions"

Une réforme parmi d'autres

La loi réformant le Tribunal constitutionnel n'est pas la première manifestation d'une résurgence autoritaire en Pologne. Au pouvoir depuis cinq mois, les conservateurs du PiS ont déjà entamé une large réforme du parquet général, de l'administration . Ainsi les Polonais ont appris le 23 janvier que le ministre de l'Environnement a ordonné le retrait d'un spot télévisé, commandé par son prédécesseur libéral, faisant la promotion du tri des ordures et des déchets ménagers. Le clip présente deux hommes, un célèbre restaurateur et un critique gastronomique, qui expliquent le bon usage du tri sélectif à un jeune garçon. Non pas que le gouvernement conservateur souhaite abandonner sa politique de développement durable, c'est le développement des jeunes Polonais qui est ici en question. Les autorités considèrent en effet que ce spot cherche à convertir les enfants à "l'idéologie du genre"

"Une véritable épuration à la tête des médias publics"Avant le ministre de l'Environnement qui bouleverse les programmes audiovisuels, son homologue au Budget, désormais chargé de nommer et révoquer – sans consultation du conseil national de l'audiovisuel – les nouveaux patrons des médias publics, a nommé au poste de président de la télévision publique un certain Jacek Kurski. Un "spin doctor du PiS", selon son propre frère Jaroslaw, rédacteur-en-chef adjoint du quotidien d'opposition Gazeta Wyborcza. "C'est une véritable épuration qui a eu lieu à la tête des médias publics, où ont été placées des personnalités notoirement ultra-conservatrices", soutient Jean-Yves Potel.

C'est donc sous les coups portés de plus en plus fort par un pouvoir ultra-conservateur que tente de s'exprimer aujourd'hui l'opposition citoyenne. Ils étaient 80.000 Polonais à défiler le 27 février dans les rues de Varsovie pour dénoncer la politique gouvernementale et l'instrumentalisation par le pouvoir du processus de transition post-communiste, cinq jours après la publication .

Privé par ses dirigeants d'un nombre croissant de libertés publiques, le peuple polonais saura-t-il suivre l'exemple de l'ex-leader de Solidarnosc à l'époque de ses révoltes ? Constatant avec une "grande inquiétude" que "le pouvoir va vers l'affrontement", Jean-Yves Potel estime que "l'on ne peut pas exclure un scénario à l'ukrainienne"

 

 

 

Source : http://www.marianne.net

 

 

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13 mars 2016 7 13 /03 /mars /2016 17:57

 

Source : http://www.marianne.net

 

 

 

"Merci patron !" censuré au "Parisien" : "La liberté de la presse est menacée"

 
 
 
 
Dans un communiqué, des syndicats de journalistes du "Parisien" dénoncent la "censure" dont a été victime selon eux le film "Merci patron !" de François Ruffin dans leurs pages. Pour le fondateur du journal "Fakir", ce nouvel épisode confirme bien que l'on a "essayé de passer le film à la trappe".
 
Bernard Arnault est le propriétaire des quotidiens "Le Parisien", "Aujourd'hui en France" et "Les Echos". DR/Sipa/montage Marianne
 
 
 

François Ruffin, journaliste et réalisateur du film Merci patron !, a vraiment bien choisi son titre. Car depuis la sortie en salle de cet Ovni cinématographique, les efforts déployés pour le censurer ont eu l'exact effet inverse. Lui garantissant au contraire un maximum de visibilité médiatique. Après l'annulation à la dernière minute de l'invitation du fondateur et rédacteur en chef du journal Fakir sur Europe 1 qui, face à l'émotion suscitée, l'avait finalement réinvité face à un Jean-Michel Aphatie remonté comme un coucou, des syndicats du journal Le Parisien ont publié ce mercredi un communiqué intitulé "Le film Merci patron ! censuré au Parisien".

Conjointement signé par le SNJ, FO, SNJ-CGT et la SDJ, le communiqué dénonce la décision "assumée" du directeur des rédactions, Stéphane Albouy, de ne pas parler du film : "Ordre a été donné aux confrères du service culture-spectacle qui avaient visionné le long métrage de ne pas le chroniquer, fût-ce en 10 lignes. De même a été repoussée plus tard une proposition de sujet du service politique sur le buzz suscité à gauche par le film sous prétexte qu’il s’agissait 'd’un sujet militant', 'et qu’il y avait d’autres sujets prioritaires ce jour-là'. L’argument est étonnant car s’il ne faut plus parler dans nos colonnes des actes militants, la rubrique politique a-t-elle encore une raison d’être ?". Plus qu'un cas de censure, les journalistes parlent "d'auto-censure" pour éviter, semble-t-il, de …Bernard Arnault. Le patron de LVMH est en effet au centre du film de François Ruffin. 

 

 

Selon les syndicats du Parisien, Stéphane Albouy aurait justifié sa décision par sa volonté de ne "pas, même en 10 lignes, faire la promotion d’un procédé déloyal, malhonnête qui a instrumentalisé les Klur", ce couple licencié par une filiale d'LVMH qu'accompagne Ruffin dans sa croisade contre Bernard Arnault. "Au final, le choix retenu est toxique : le silence pour lequel a opté le directeur de la rédaction est un message dangereux envoyé à l’actionnaire LVMH", conclut le communiqué

"Ils ne peuvent plus nier qu'ils ont essayé de passer mon film à la trappe"

"Je ne veux pas me poser en martyr des médias mais il y a un certain nombre de cas d'auto-censure dans la presse. Nous en avions l'intuition avant la sortie du film. Cela ne fait que les confirmer", analyse François Ruffin, contacté par Marianne. Et de saluer le "courage" des journalistes du Parisien d'avoir mis sur la place publique les agissements de leur directeur des rédactions. Pour le fondateur de Fakir, l'épisode d'Europe 1 suivi de ces nouvelles révélations démontrent bien que "la liberté de la presse est menacée par la détention de la propriété des moyens de production par ces grands capitalistes qui se connaissent, se côtoient… Ils ne peuvent plus nier qu'ils ont essayé de passer mon film à la trappe". Le réalisateur rapporte aussi cette anedocte au sujet d'un journaliste d'un média national qui, après avoir visionné Merci patron !, lui a confié que son film "donne envie de devenir bolchevique mais que malheureusement, il ne pourrait pas en parler au risque de faire perdre les budgets publicités à son journal".

Reste que si Ruffin remercie "chaleureusement" Largardère, Arnault & co "pour ce plan de communication" qui a permis à son film de faire le "buzz", il souhaite maintenant passer à une autre étape : "On parle beaucoup de 'Merci patron !' grâce à cette grossière censure dont il est victime. J'aimerais bien qu'on en parle sur le fond aussi, qu'il soit pris au sérieux comme un objet de débat. Ce film pose un certain nombre de questions, politiques, économiques ou sur la précarité". Des problématiques qui, fait-il remarquer, entrent en totale résonnance avec la loi El Khomri."Moi, par exemple, je suis disponible pour faire un débat avec Dominique Seux (Directeur délégué de la rédaction des Echos, également propriété de Bernard Arnault, ndlr) sur ce que soulève mon film".  L'invitation est lancée...

 

 

 

Source : http://www.marianne.net

 

 

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12 mars 2016 6 12 /03 /mars /2016 17:27
 

Source : http://rue89.nouvelobs.com

 

 

 

iSlaves
Dans les usines à smartphones, certains meurent, tous sont brisés

Aux éditions Agone, un petit livre donne la parole aux ouvriers chinois qui se tuent, parfois littéralement, au travail pour produire en flux continu les technos de la modernité.

 
 

« J’ai souvent pensé que la machine était mon seigneur et maître, dont je devais peigner les cheveux, tel un esclave... »

 

« La Machine est ton seigneur et ton maître », par Yang, Jenny Chan et Xu Lizhi, traduit de l’anglais par Celia Izoard, éd. Agone, septembre 2015
 

Yang travaille à la chaîne pour une usine de la région de Shenzhen, en Chine.

Il fait partie des centaines de milliers de jeunes Chinois qui travaillent douze heures par jour pour la Silicon Valley, et dont l’existence montre le revers brutal et féroce de la prétendue économie dématérialisée.

Un petit livre paru aux militantes éditions Agone donne la parole à trois d’entre eux. Leur témoignage exprime la dure réalité du travail chez le taïwanais FoxConn, plus gros constructeur mondial de matériel informatique, qui travaille notamment pour Apple, Amazon, Nokia, Google, Microsoft, Sony, etc.

Il faut le lire pour se rappeler du coût réel de nos smartphones.

 

Epuisement, brimades et solitude

Yang, Tian Yu et Xu Lizhi ont un profil similaire.

Ils ont entre 16 et 25 ans, ils ont grandi dans les campagnes misérables, élevés par leurs grands-parents tandis que leurs parents travaillaient en ville. Internet leur a donné accès aux images de la société de consommation et les a fait rêver à une vie urbaine « pleine de richesse et de merveilles », comme dit Tian Yu, une jeune fille de 17 ans.

Dès qu’ils peuvent, ils prennent le train ou le bus et partent s’embaucher dans les grandes usines. Ils y découvrent épuisement, brimades et solitude. Certains en meurent, tous sont brisés.

 

« Dictateur pour le bien commun »

Car à FoxConn, les conditions de travail sont draconiennes. Le PDG, Terry Gou, est un ancien militaire réputé pour son « cost-cutting ». Il dit :

« Un dirigeant doit avoir le courage d’être un dictateur pour le bien commun. »

Terry Gou, en visite sur le site de FoxConn à Shenzhen, le 26 mai 2010

Terry Gou, en visite sur le site de FoxConn à Shenzhen, le 26 mai 2010 - VOISHMEL/AFP
 

D’ailleurs, son rêve, et il n’en fait pas mystère, est de remplacer ses ouvriers par des robots.

Tian Yu, numéro F9347140

Sur une chaîne d'assemblage de l'usine FoxConn de Shenzhen, le 27 mai 2010

Sur une chaîne d’assemblage de l’usine FoxConn de Shenzhen, le 27 mai 2010 - STR/AFP
 

Ce que racontent ces ouvriers, c’est bien l’expérience d’une déshumanisation ; un travail où leur humanité basique est niée et où l’aliénation à la machine et aux impératifs de productivité est totale.

Yu raconte son embauche, à peine débarquée de sa campagne :

« Au centre de recrutement de FoxConn, j’ai fait la queue toute la matinée, rempli le formulaire de candidature, pressé le bout de mes doigts contre le lecteur électronique, scanné ma carte d’identité et terminé l’examen médical par une prise de sang.

Le 8 février 2011, j’étais embauchée comme ouvrière à la chaîne. FoxConn m’a attribué le numéro F9347140. »

 

« Good, very good ! ! ! »

Dans son usine, la chaîne de montage fonctionne jour et nuit. Les journées de travail durent douze heures, les cadences sont infernales. Chaque geste est chronométré à la seconde près, les pauses sont restreintes et les humiliations publiques, fréquentes. Isolés, exténués, les ouvriers souffrent de solitude et de dépression.

Pourtant, chaque matin, les managers crient à leurs employés : « How are you ? ? ? » Les ouvriers sont obligés de répondre : « Good, very good ! ! ! »

 

Des ouvriers, sur le site de FoxConn à Shenzhen, le 26 mai 2010

Des ouvriers, sur le site de FoxConn à Shenzhen, le 26 mai 2010 - VOISHMEL/AFP
 

Pendant leurs sessions de formation, on leur raconte les hagiographies de Bill Gates ou Steve Jobs. Eux ne peuvent même pas se payer l’iPhone qu’ils ont assemblé, raconte Yu :

« Quand on travaille douze heures par jour avec un seul jour de congé toutes les deux semaines, on n’a pas de temps libre pour utiliser les piscines, ou pour faire du lèche-vitrine dans les boutiques de smartphones qu’on voit dans les centres commerciaux du complexe. »

 

Le poète-travailleur suicidé

Certains craquent et tentent de se tuer. C’est le cas de Yu, qui a sauté du quatrième étage après seulement 37 jours de travail. Elle a survécu.

Mais pas Xu Lizhi, le dernier et le plus poignant de ceux qu’on entend dans ce livre. Xu Lizhi avait 24 ans, il adorait les livres et rêvait d’être bibliothécaire. Il décrit dans des poèmes saisissants la vie à FoxConn :

« J’ai avalé une lune de fer
Qu’ils appellent une vis
J’ai avalé ces rejets industriels, ces papiers à remplir pour le chômage
Les jeunes courbés sur des machines meurent prématurément
J’ai avalé la précipitation et la dèche
Avalé les passages piétons aériens,
Avalé la vie couverte de rouille
Je ne peux plus avaler.
Tout ce que j’ai avalé s’est mis à jaillir de ma gorge comme un torrent
Et déferle sur la terre de mes ancêtres
En un poème infâme. »

Le 30 septembre 2014, Xu Lizhi s’est suicidé.

 

Impunité de FoxConn

En 2010, une vague de suicides a mis FoxConn sous les feux de l’attention médiatique. L’entreprise a d’abord voulu faire signer aux employés des clauses de « non-suicide » mais a rétropédalé devant l’indignation générale. A la place, elle a installé des filets antisuicide sur les toits de l’usine et aux fenêtres. Ceux-ci ont achevé de transformer le bâtiment en prison, raconte une jeune fille :

« Je me sens vraiment enfermée à FoxConn depuis les suicides. [...] Ça donne un sentiment d’étouffement. Je déprime. »

Des membres de l'organisation des Etudiants et chercheurs contre la mauvaise conduite des entreprises (Students and Scholars Against Corporate Misbehaviour, Sacom) brûlent des représentations de l'iPhone, à proximité de bureaux de FoxConn, le 25 mai 2010

Des membres de l’organisation des Etudiants et chercheurs contre la mauvaise conduite des entreprises (Students and Scholars Against Corporate Misbehaviour, Sacom) brûlent des représentations de l’iPhone, à proximité de bureaux de FoxConn, le 25 mai 2010 - MIKE CLARKE/AFP
 

Depuis, les suicides n’ont pas cessé. Les ouvriers sont en moyenne plus mobilisés mais ils font face à des syndicats contrôlés par le management et à des pouvoirs locaux décidés à ne pas intervenir.

La pression des gros clients

Outre le management militaire, les conditions de travail à FoxConn tiennent aussi des gros clients, qui font la loi.

La sociologue Jenny Chan, qui a interviewé Yu et étudie le travail à FoxConn, note que les marges de FoxConn déclinent depuis 2007 alors que celles d’Apple augmentent :

« Ce changement pointe vers la capacité accrue d’Apple à faire pression sur FoxConn pour que l’entreprise accepte des marges plus faibles tout en accédant aux exigences d’Apple concernant les changements techniques et les commandes massives. »

Ceci se répercute directement sur les conditions de travail, notamment les cadences et la durée de la journée à l’usine.

Malgré les révélations sur les suicides, les gros clients de FoxConn, tels Apple ou Amazon, n’ont pas rompu leur contrat avec l’entreprise.

En France, l’entreprise de robotique Aldebaran a conclu un accord avec FoxConn pour fabriquer son robot Pepper.

 

Division mondiale du travail

Le monde du numérique est donc schizophrène :

  • d’un côté, le coût social, les vies brisées, les corps fatigués, les conditions de travail indignes, mais aussi le coût environnemental ;
  • de l’autre, le monde lisse et joyeux des firmes de la Silicon Valley où des ingénieurs grassement payés bossent dans des campus avec des bars à salade et des salles de gym (quoique la division du travail existe aussi sur ces campus).

En termes politiques, comme l’écrit l’éditrice et traductrice des textes Celia Izoard, on assiste à :

« Une division mondiale du travail qui repose, dans les pays riches, sur l’évacuation pure et simple de la production des biens matériels alors même qu’ils sont de plus en plus nombreux, de plus en plus voraces en énergie et en matière fossile. »

Il est temps de cesser de se voiler la face devant le coût réel de l’économie dite dématérialisée, et de sortir du fétichisme de la marchandise. C’est la condition sine qua non si on veut avoir un débat public informé et lucide sur l’impact réel du numérique et le type de société technique que nous voulons.

Ce petit livre devrait pouvoir y contribuer.

 
 
 
 
 

Source : http://rue89.nouvelobs.com

 

 

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12 mars 2016 6 12 /03 /mars /2016 17:07

 

Source : https://www.mediapart.fr

 

 

Brésil: l'«opération Kärcher» des juges sème la panique
11 mars 2016 | Par Lamia Oualalou
 
 
 
 
 

L'ancien président Lula pourrait bientôt dormir en prison, Dilma Rousseff est menacée de destitution, de grands patrons sont condamnés et l'économie est à genoux. Le Brésil vit au rythme de l'opération Lava Jato (Kärcher) lancée par le juge Sergio Moro en s'inspirant du précédent Mani pulite («Mains propres») en Italie. Tout un système liant politique et business s'effondre.

 

De notre correspondante à Rio de Janeiro (Brésil). – On ne dort plus à six heures du matin à Brasilia. C’est l’heure à laquelle la police fédérale lance ses opérations, et les politiques de tous bords s'attendent chaque jour à apprendre qu’un membre de leur famille politique a été touché. Quand il ne s’agit pas d’eux-mêmes. La dernière cible, la plus spectaculaire, fut l’ex-président Luiz Inacio Lula da Silva. Le 4 mars, la police a perquisitionné son domicile, l’Institut qui porte son nom et où il concentre ses activités depuis son départ du pouvoir fin 2010, et les résidences de son fils et de proches.

En tout, 200 policiers ont été mobilisés pour 44 mandats judiciaires. On reproche à Lula d’avoir reçu 30 millions de reais (7,2 millions d’euros) en dons et honoraires d’entreprises du bâtiment. Il aurait aussi bénéficié de la rénovation gratuite d’un appartement à Guaruja, une station balnéaire à proximité de Sao Paulo, ainsi que de celle d’une maison de campagne. Le tout financé par ces mêmes compagnies impliquées dans le scandale de corruption qui éclabousse la compagnie d’hydrocarbures Petrobras depuis deux ans.

C’est à Curitiba, une ville de province dans le sud du Brésil, que Sergio Moro, un juge spécialiste du blanchiment d’argent, a lancé cette investigation qui a pris depuis une dimension nationale. Il a prouvé que Petrobras était victime depuis des années de surfacturations au profit d’un cartel d’entreprises du bâtiment. En échange, ces dernières versaient des commissions allant de 1 % à 3 % des contrats à des cadres de Petrobras et à des dirigeants des partis de la coalition gouvernementale. Outre l’enrichissement personnel de certains, c’est surtout le financement illicite des campagnes électorales qui est en ligne de mire du magistrat. À commencer par celle qui a permis l’élection, en octobre 2014, de la présidente Dilma Rousseff.

L’enquête, baptisée « Lava Jato », littéralement « Kärcher » par une police fédérale toujours soucieuse du nom de ses opérations, a renversé la scène politique et économique brésilienne.

De hauts cadres du Parti des travailleurs (PT, la formation politique de Lula et de Dilma Rousseff) ont été appréhendés et déjà condamnés, dans un pays connu pour la lenteur de sa justice. C’est le cas du trésorier du parti, Joao Vaccari, qui a écopé de 15 ans de prison. Mais il y a plus important encore : la mise sous les verrous de patrons de grandes entreprises, les principales du pays. Au Brésil, ordinairement, les voleurs de shampoings font de la prison alors que les cols blancs y échappent. « On assiste à une véritable révolution de l’institution judiciaire et de la police fédérale », résume Stéphane Monclaire, politologue spécialiste du Brésil à l’université Sorbonne Paris-I. Il souligne la démocratisation progressive des deux corps : « Les juges et les commissaires d’aujourd’hui n’ont plus nécessairement le réflexe de classe qui les pousse à protéger l’élite », dit-il, de passage au Brésil.

 

Le juge Sergio Moro, lors de la présentation d'un ensemble de mesures de lutte contre l'impunité et pour l'efficacité de la justice, au siège de l'Association fédérale des juges du Brésil © Fabio Rodrigues Pozzebom / Agencia Brasil Le juge Sergio Moro, lors de la présentation d'un ensemble de mesures de lutte contre l'impunité et pour l'efficacité de la justice, au siège de l'Association fédérale des juges du Brésil © Fabio Rodrigues Pozzebom / Agencia Brasil

 

Plus indépendants, et, depuis les années Lula, dotés de plus de ressources tant financières qu’humaines, magistrats et policiers n’ont plus d’état d’âme. Ces dernières années, on a vu se multiplier les cassations de mandats au niveau municipal, preuve d’une moindre impunité des notables locaux. S’y ajoute la médiatisation de certains magistrats, et notamment du juge Sergio. Avec leurs manières de cow-boys, applaudies par la société, ils contraignent leurs collègues moins zélés à adopter une position plus offensive à l’égard des puissants.

Après avoir interpellé le banquier d’affaires André Esteves, l’un des hommes les plus riches du Brésil, Sergio Moro a ainsi condamné cette semaine Marcelo Odebrecht, l’héritier du géant du BTP homonyme, à 19 ans de prison. Certes, avec le régime de peines, ramenées au sixième au Brésil, il n’en passera que trois derrière les barreaux. Cela reste énorme pour une personne auparavant protégée par son statut. Le juge de Curitiba lui fait miroiter la possibilité de sortir plus vite. À condition qu’il parle. Qu’il le fasse ou non, la lourdeur de la peine a probablement déjà incité nombre de ses collègues au bavardage.

Car la délation est le principal instrument de cette instruction. Très peu utilisée au Brésil jusqu’à aujourd’hui, la pratique consistant à échanger des informations sur de gros poissons contre des remises de peine est très mal vue pas l’establishment local. Tant pis, estime Sergio Moro qui, pour en faire bon usage, multiplie jusqu’à l’absurde la prison préventive : plus d’une centaine d’occurrences dans l’affaire Lava Jato, et toujours de façon spectaculaire.

C’est que l’autre grand instrument de l’instruction est la presse. Sergio Moro a longuement étudié le cas de l’opération Mani pulite (« Mains propres ») qui, dans l’Italie des années 1990, était alimentée par les fuites organisées par le pouvoir judiciaire dans les médias afin de provoquer panique et aveux. Il revendique aujourd’hui cette stratégie qui dérange : lorsque la police débarque pour une perquisition, la presse est toujours sur place.

C’est d’ailleurs cette logique qui a inspiré le cirque entourant l’interrogatoire de Lula, qui a été emmené de force dans le commissariat de l’aéroport Congonhas, à Sao Paulo. Un épisode condamné par de nombreux magistrats, y compris de la Cour suprême : la loi brésilienne ne prévoit ce genre de pratique que lorsque le témoin refuse de coopérer. « Moro est clairement à la limite du droit, mais en bousculant Lula, il donne un coup d’accélérateur à Lava Jato, il fait comprendre à tous que personne n’est protégé, et espère ainsi faire parler plus vite les acteurs », commente Stéphane Monclaire.

L’image de la présidente reste intimement liée à celle de son prédécesseur

Pour Sergio Moro, la fin semble justifier les moyens. Et cela marche. Le Brésil vit aujourd’hui au rythme de dénonciations publiées par la presse avant même qu’on puisse en définir la sincérité, avec l’espoir d’en provoquer d’autres. La dernière en date est explosive. Elle viendrait – le conditionnel est de mise, puisque seule la presse en a pour l’heure la teneur – du sénateur Delcidio Amaral, issu du PT et ex-représentant du gouvernement au Sénat. Incarcéré deux mois avant de se voir autorisé à la prison domiciliaire, il aurait assuré que Lula comme Dilma Rousseff seraient à l’origine de la tentative d’obstruction de l’enquête Lava Jato. La campagne de la présidente aurait également directement été alimentée par des fonds illégaux en provenance des détournements de Petrobras, aurait-il assuré.

« Si ces propos sont avérés, de la part d’un sénateur qui représentait le gouvernement jusqu’en novembre dernier, la situation de Dilma Rousseff deviendrait très précaire », analyse Mauricio Santoro, professeur de sciences politiques à l’Université d’État de Rio de Janeiro. Contestée par la population, avec une popularité inférieure à 10 %, la plus basse depuis le rétablissement de la démocratie brésilienne, la présidente pensait avoir bénéficié d’un sursis fin 2015. La Cour suprême avait affirmé que le Sénat aurait le dernier mot, si sa destitution était soumise au vote, or le gouvernement bénéficie d’appuis plus sûrs dans la chambre haute.

Parallèlement, le président de l’Assemblée, Eduardo Cunha, principal partisan d’une chute de Dilma Rousseff, a vu son horizon s’assombrir. Poursuivi par le parquet brésilien pour avoir reçu des millions de dollars en pots-de-vin, dans des comptes dont les banques suisses ont confirmé l’existence, ses jours sont comptés, même si son immunité parlementaire et un indéniable talent procédurier lui ont assuré la permanence au perchoir pour l’instant. Surtout, les accusations à l’encontre de la présidente, techniquement recevables, étaient politiquement fragiles. Elle aurait volontairement maquillé les comptes publics à la veille de sa réélection en 2014, cachant l’ampleur du déficit public, révélée après le scrutin. Une pratique peu glorieuse, mais ne justifiant pas, aux yeux de la population de chasser la mandataire avant terme.

S’il était en revanche prouvé que Dilma Rousseff a bénéficié d’un financement illégal de sa campagne ou qu’elle a tenté de bloquer l’enquête, la dynamique de sa destitution serait relancée. Et plus encore si Lula se retrouvait inculpé, ou pire, derrière les barreaux. Car l’image de la présidente reste intimement liée à celle de son prédécesseur.

 

La présidente Dilma Rousseff et l'ancien président Lula, dans son appartement de São Bernardo do Campo © Ricardo Stuckert /Institut Lula La présidente Dilma Rousseff et l'ancien président Lula, dans son appartement de São Bernardo do Campo © Ricardo Stuckert /Institut Lula

 

Le mandat de Dilma pourrait être écourté de deux manières. D’une part, le Congrès pourrait, suite à l’examen par une commission parlementaire de ses « crimes de responsabilité », voter la suspension de la présidente. Il lui faudra le cas échéant réunir deux tiers des votes au Parlement puis au Sénat pour que la destitution soit effective. Dans ce cas, c’est son vice-président, Michel Temer, qui terminerait son mandat, jusqu’au 31 décembre 2018. Peu charismatique mais expert des négociations en coulisses, le président du PMDB – Parti du mouvement démocratique brésilien, une formation fourre-tout, de tous les gouvernements ces trente dernières années – a déjà pris ses distances à l’égard de la présidente. Il tente depuis de se présenter comme l’homme capable d’unir un Brésil polarisé. Une tentative gênée par l’appétit de pouvoir de ses coreligionnaires.

Parallèlement, le Tribunal supérieur électoral (TSE) se penche depuis des mois sur les comptes de campagne de la présidente, un travail qui pourrait être accéléré par les révélations de Lava Jato. En cas d’invalidation des comptes, il ne s’agit plus d’une destitution mais d’une cassation, qui concerne aussi bien la présidente que le vice-président, élus sur le même ticket. Elle pourrait même s’étendre à Aécio Neves, le candidat malheureux de l’opposition (Parti de la social-démocratie brésilienne, PSDB, conservateur), arrivé en deuxième position, en octobre 2014. Car même si le juge Moro et la presse affichent une discrétion à la limite de la complicité à son égard, le sénateur de droite n’en est pas moins cité à plusieurs reprises comme bénéficiaire de dons illicites.

Or le Tribunal supérieur électoral est censé examiner simultanément les comptes des deux candidats puisqu’ils ont bénéficié des largesses des mêmes entreprises aujourd’hui sur la sellette. La plus grande probabilité d’une chute de Dilma Rousseff accroît d’ailleurs les risques pour Aécio Neves : au sein du PSDB, d’autres figures, notamment l’ex-maire de Sao Paulo José Serra et le gouverneur de Sao Paulo Alckmin, voudraient briguer la présidence et pourraient livrer des secrets précieux à la presse et à la justice contre leur ancien candidat.

Une cassation du mandat de Dilma Rousseff par le TSE plongerait le Brésil dans l’inconnu. Si elle se produisait avant le 31 décembre 2016, le pouvoir reviendrait alors temporairement au président de l’Assemblée, Eduardo Cunha. Une situation surréaliste, puisque le député est celui sur lequel pèsent le plus d’accusations prouvées. Ce dernier aurait alors 90 jours pour organiser une élection au suffrage universel, et bien malin celui qui pourrait prédire aujourd’hui quel président surgira des urnes.

Dans le PT, le seul candidat naturel, Lula, risque d’être mis hors-jeu par les accusations, prouvées ou non, à son encontre. Les leaders du PMDB et du PSDB vont s’entretuer pour désigner un poulain, alors que l’écologiste Marina Silva tentera de nouveau sa chance, ainsi que de probables « outsiders ». Un ticket formé par deux députés évangéliques d’extrême droite – Jair Bolsonaro et Feliciano – vient d’ailleurs d’annoncer ses prétentions. Si la cassation était prononcée par le Tribunal électoral après le 1er janvier 2017, le Congrès élirait alors un président chargé de terminer le mandat. « Ce dernier n’aurait aucune légitimité, car si les Brésiliens sont furieux contre le pouvoir exécutif, ils détestent plus encore le Congrès », souligne Mauricio Santoro.

 

Déjà fragilisée, l’économie a alors subi l’impact dévastateur de la bombe Lava-Jato

Dans les deux cas, s’ouvre une période imprévisible détestable pour une économie brésilienne déjà à genoux. Le produit intérieur brut a reculé de 3,8 % en 2015. La récession devrait, selon les prévisions, s’approfondir encore : un recul de 3,5 % est prévu cette année. C’est la pire chute depuis 1990. Les emplois sont détruits par centaines de milliers, l’inflation, de 10 %, rogne les revenus, alors que le gouvernement envisage de limiter le salaire minimum et de faire des coupes dans les allocations sociales, rigueur oblige. Selon l’économiste Ana Maria Barufi, interrogée par le quotidien économique Valor, 3,7 millions de personnes qui s’étaient hissées au-dessus de la pauvreté après 2004 y sont déjà retombées, et le mouvement ne fait que commencer.

La crise économique s’explique par le ralentissement international, en particulier la chute du cours des matières premières, dont le Brésil est un grand exportateur, « mais c’est surtout le résultat de la politique économique du gouvernement », accuse Joao Sicsu, professeur à l’Université fédérale de Rio de Janeiro. Entre panique pour combler de gros déficits publics et volonté de séduire l’élite pour se maintenir au pouvoir, Dilma Rousseff « a préféré couper dans les investissements publics et offrir des réductions de charges aux entreprises, qui n’ont pas pour autant limité les licenciements », poursuit l’économiste.

Le ralentissement avait aussi pour objectif affirmé d’augmenter le chômage pour que les employés cessent d’exiger des hausses de salaires. Flanquée d’une politique monétaire restrictive (le taux de base a atteint 14,75 %) tuant le crédit, cette stratégie a si bien marché qu’elle a enclenché un cercle vicieux. La peur du chômage faisant plonger la consommation des ménages, qui a connu la plus grande chute en 2015 des vingt dernières années, ralentissant l’économie et faisant exploser les mesures de dégraissages des entreprises.

 

La police fédérale arrive à l'entreprise de construction Odebrecht dans le cadre de l'opération Lava Jato. © Rovena Rosa/ Agência Brasil La police fédérale arrive à l'entreprise de construction Odebrecht dans le cadre de l'opération Lava Jato. © Rovena Rosa/ Agência Brasil

 

Déjà fragilisée, l’économie a alors subi l’impact dévastateur de la bombe Lava Jato. Car en atteignant le bâtiment et le pétrole, les deux principaux moteurs de l’économie brésilienne, l’enquête a pratiquement paralysé tout l’investissement dans le pays. Impayés, les petits fournisseurs mettent la clef sous la porte. Des États fortement dépendant des royalties du pétrole, comme celui de Rio de Janeiro, ont cessé de payer leurs fonctionnaires et ferment des hôpitaux. Le secteur de la culture, qui dépendait des subventions de Petrobras, est au bord de la faillite. Et l’impossibilité de prévoir qui sera à la tête du Brésil dans quelques mois incite à l’attentisme. Sans sortie de la crise politique, la récession devrait s’approfondir, sans qu’on en aperçoive le fond.

La situation est d’autant plus confuse qu’elle semble ne plus dépendre du tout des politiques, qui ne font que réagir aux actions et annonces de la justice. « Aujourd’hui, les juges et les commissaires ont plus de poids sur l’avenir du Brésil que les députés et sénateurs », note Mauricio Santoro. « Cela donne une idée de la profondeur de la crise des institutions politiques dans le pays », dit-il, rappelant qu’en 1993, quand se débattait la possibilité de la destitution du président Collor pour cause de corruption, le processus dépendait des leaders du Congrès, qui avaient une véritable légitimité au sein de la population.

Politique et économie dépendent donc du « Parti de la justice », comme l’a surnommé le politologue André Singer, professeur de sciences politiques à l’université de Sao Paulo. En jetant pour la première fois hauts cadres de partis et d’entreprises derrière les barreaux, le « PJ » contraint le Brésil à une réflexion sur les ravages de la corruption, dans un pays où les autorités se servent de l’État pour s’enrichir ou gagner un statut. Son impact sur la vie politique interroge pourtant tant sa sélectivité choque. Il semble naturel que les condamnations au sein du PT soient majoritaires, le parti ayant un président à la tête de l’État depuis treize ans. Mais le silence de la justice quant aux dénonciations de leaders de l’opposition intrigue.

« La conduite de la justice fédérale dérange, celle des justices locales est plus problématique encore », souligne Mauricio Santoro, qui rappelle que les magistrats de Sao Paulo sont acquis à l’opposition. Pour le politologue, Lava Jato est « légitime mais ne devrait pas être au-dessus de la loi ». Mercredi 9 mars, le ministère public de l’État de Sao Paulo a dénoncé l’ex-président Lula pour corruption avant de demander le lendemain son incarcération. C’est en théorie une enquête indépendante de Lava Jato, même si la subtilité est incompréhensible par le public. Face au « Parti de la justice », Lula essaie d’actionner celui de la rue. L’ex-président prend aujourd’hui ses distances par rapport à la politique économique du gouvernement, honnie par les mouvements sociaux. Reste à savoir s’il n’est pas trop tard.

 

 

 

Source : https://www.mediapart.fr

 

 

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11 mars 2016 5 11 /03 /mars /2016 17:12

 

Source : https://www.mediapart.fr

 

 

Des anciens de PSA-Aulnay obtiennent la requalification de leur licenciement
11 mars 2016 | Par Rachida El Azzouzi
 
 
 

Quelque 200 anciens ouvriers de l’usine PSA d’Aulnay-sous-Bois (Seine-Saint-Denis), emmenés par la CGT, contestaient le motif économique de leur licenciement en 2013. Les prud’hommes de Bobigny ont donné raison cette semaine à 55 d’entre eux, mais débouté les autres.

C’était en juillet 2012, l’un des plus gros plans sociaux du quinquennat Hollande. PSA Peugeot-Citroën annonçait la suppression de plusieurs milliers de postes, dont la fermeture de l’usine d’Aulnay-sous-Bois en Seine-Saint-Denis qui emploie 3 000 personnes, soit la première grande usine automobile française à baisser le rideau depuis Renault Billancourt en 1989. Mediapart a largement chroniqué les dix-huit mois de conflit, dont quatre de grève dure, qui ont suivi l’annonce de cette bombe sociale dans l’un des départements les plus pauvres du pays.

Trois ans et demi plus tard, alors que le groupe a écrémé ses effectifs partout en France (11 600 suppressions de poste), un tiers seulement des ouvriers d’Aulnay sacrifiés sur l’autel de la compétitivité ont été reclassés au sein du groupe. Quand ils n’ont pas bénéficié d'un départ volontaire en retraite ou d'un "congé senior" (4 000 en deux ans à l’échelle du groupe), les autres pointent à Pôle emploi et plus d’une centaine, selon la CGT, sont en fin de droits et survivent avec les 480 euros de l’allocation de solidarité spécifique (ASS).

La lutte collective est derrière. Un très beau documentaire, en salles le 23 mars prochain, vient la raviver : Comme des lions, réalisé par Françoise Davisse et dont Mediapart est partenaire (voir ici le blog qui lui est consacré). Mais le combat se joue aujourd’hui individuellement en justice pour des centaines d’entre eux. En décembre dernier, 101 anciens d’Aulnay, adhérents pour la plupart au syndicat Sud, contestaient le motif économique de leur licenciement et obtenaient gain de cause devant le conseil des prud'hommes de Bobigny, qui requalifait leur licenciement économique en « licenciement sans cause réelle ni sérieuse ». Même démarche pour 203 anciens ouvriers, soutenus par la CGT.

55 d’entre eux ont vu leur licenciement requalifié « sans cause réelle ni sérieuse » cette semaine. PSA devra leur verser une indemnité qui s’élève, en moyenne, à six mois de salaire, soit 12 000 euros, ainsi que la prime exceptionnelle de 19 700 euros perçue lors du protocole de fin de conflit. En revanche, les prud’hommes de Bobigny ont débouté les 148 autres ex-salariés parce qu’ils avaient fait une transaction avec Citroën en signant un accord de fin de grève. « C’est un acte par lequel on renonce à aller en justice. Mais cette transaction a été imposée par la contrainte et était donc illégale à nos yeux. Pour avoir des mesures du PSE (plan de sauvegarde de l’emploi) ou un accord collectif, normalement il est interdit à un employeur de faire signer un tel document », explique ici aux Inrocks le délégué CGT Philippe Julien. Leur avocate Marie-Laure Dufresne-Castets va faire appel de la décision, déplorant « un manque de cohérence ».

 

 

Source : https://www.mediapart.fr

 

 

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11 mars 2016 5 11 /03 /mars /2016 17:00

 

Soirce : http://www.courtfool.info/zz_La_route_vers_la_democratie.htm

 

 

La route vers la démocratie

Par Rudo de Ruijter,
Chercheur indépendant,
Pays-Bas

 

 

 

Le mot 'démocratie' vient des mots grecs 'demos' ( = peuple) et 'cratein' ( = regner). Démocratie serait la meilleure forme de gouvernance possible. Dans une démocratie complète tous les citoyens ont droit à la parole. Tout le monde peut signaler des problèmes. Tout le monde peut proposer des solutions. Tout le monde peut exprimer des arguments en faveur ou contre ces propositions, afin que tous les intérêts en jeu puissent être discutés et pesés. De cette facon les meilleures décisions peuvent être prises. En effet, elles sont basées sur toutes les connaissances et sur tous les avis disponibles. Et quand on a participé soi-même à ces prises de décision on sera plus vite porté à les respecter. Participer signifie aussi qu'on acquiert plus de compréhension pour les intérêts et l'avis des autres, ce qui contribue à une compréhension mutuelle et un vivre ensemble paisible.

Du susdit on peut déjà déduire, que ce qu'on nous présente aujourd'hui comme démocratie, en est éloigné encore de quelques pas. La vraie démocratie, dans laquelle les citoyens prennent les décisions eux-mêmes, n'existe encore quasiment nulle part et là où elle existe plus ou moins, c'est à petite échelle, comme dans un nombre de cantons Suisses.

Société et gouvernance.

Beaucoup de caractéristiques de société et de gouvernance sont toujours basées sur les us et coutumes d'il y a des milliers d'années. Ainsi, dans les sociétés les plus avancées il y avait déjà le principe de solidarité, suivi du droit à la propriété et l'émergence de la différence de classes avec le droit d'exploitation (aussi bien physique que par le crédit), et un gouvernement centralisé, qui basait son autorité sur la crainte.

 

 

 

 

La première notion de démocratie apparaît mille ans après dans l'histoire grèque.

 

 

Dans le reste de l'Europe la démocratie restera encore un concept inexistant pendant de nombreux siècles. Ce n'est qu'assez récemment, au 18me / 19me siècle, lorsque des empereurs, rois, ducs et autres souverains aristocratiques avaient causé des révoltes populaires en raison de leur exploitation abusive et leurs guerres continuelles, qu'ils finissaient par accepter des représentants du peuple (ou par être décapités). Caractéristique pour tous ces pays Européens est, qu'ils s'appellent tous démocratique maintenant.

Cependant, si l'on regarde l'organisation des gouvernements, on remarque tout de suite que dans la plupart des pays les soi-disants représentants du peuple sont divisés en une première et une deuxième chambre, dont seuls les représentant de la deuxième chambre sont directement élus par le peuple. La première chambre (sénat) peut rejeter les propositions de loi votées par la deuxième chambre.

Et lorsqu'on constate, que dans chaque pays il reste toujours une assez petite minorité de citoyens avec des privilèges énormes, aussi bien en richesse qu'en influence politique, on peut présumer que le fonctionnement de ces 'démocraties' est loin d'être démocratique. Souvent cela est déjà causé à la base, par la forme peu démocratique du gouvernement, imposée par la constitution. Le plus souvent ces constitutions ont été écrites par un petit nombre de personnes de la classe supérieure et limitent de façon statutaire l'influence de la grande majorité des citoyens, des gens du peuple.

 

 

 

L'histoire des souris qui élisent des chats

L'histoire de Mouseland: des souris qui élisent des chats [7]

 

Depuis l'ascension des partis politiques, à partir d'environ 1870, les chambres sont peuplées par des représentants de partis politiques. Avec des promesses électorales ces partis politiques tentent d'obtenir le plus grand nombre de votes possible. Aussitôt après les élections des chefs de parti se rencontrent en secret pour tenter d'obtenir une majorité de représentants en se liant à plusieurs partis ensemble. Le but de l'opération est d'obtenir le pouvoir absolu de voter des lois, sans avoir à se soucier des arguments et avis des représentants des autres partis.

Cette formation de coalition signifie d'un côté, que quelques chefs de partis politiques, essaient de construire un accord de gouvernance au moyen de marchandages, où des promesses électorales sont éliminées de chaque côté. D'un autre côté cela signifie, qu'à partir du moment où une coalition existe, le résultat des débats sur des propositions de loi est connu d'avance et donc, que le débat perd sa fonction démocratique comme instrument pour mettre sur table tous les arguments en faveur et contre des propositions, pour bien peser tous les intérêts en jeu. Il va de soi, que l'absence de débat véritable détériore grandement la qualité des lois votées. Cela signifie en outre, que les membres de la majorité sont obligés d'obéir aux ordres de vote de leur chef. S'ils n'obéissaient pas, la majorité serait en danger. Le résultat de cette manière de travailler est que les chefs de parti prennent les décisions et que consécutivement plus aucun membre du parlement n’étudie soigneusement les textes sur lesquels il doit voter. En effet, cela serait inutile et un gaspillage de temps. Avec ces coalitions le parlement est devenu un instrument corrompu et dangereux pour la prise de décision démocratique.

Ce n'est donc pas surprenant, que ces soi-disants représentants du peuple sont devenus une caste à part, qui fonctionne sous une bulle en verre, souvent protégée par des portillons de sécurité contre ces citoyens étranges et dangereux.

Dans beaucoup de pays Européens la constitution date encore du temps, où les populations étaient en majorité illettrées. On peut comprendre quelque peu, que les puissants de l'époque étaient d'avis que ces illettrés devaient être mis en curatelle et représentés par des gens sachant lire et écrire. Cependant, aujourd'hui la situation est telle qu'il y a beaucoup plus de connaissance et de compréhension à l'extérieur du parlement qu'à l'intérieur.

Aujourd'hui nous disposons des moyens techniques pour organiser une vraie démocratie à l'échelle d'un pays entier. Rien qu'avec une plateforme-web bien structurée nous pouvons:

• signaler des problèmes;
• faire des propositions pour des solutions et des lois;
• formuler des arguments en faveur et contre ces propositions.

Et avec un peu d'organisation supplémentaire nous pouvons également procéder à des votes.

La question principale est donc: sommes-nous toujours des citoyens qui doivent être représentés, ou est-il temps d'introduire une vraie démocratie?

Si vous pensez qu'il est temps pour la démocratie et si vous avez des idées sur la construction d'un tel site web (sa mise en forme, ses règles, sa programmation, son financement) ou si vous avez connaissance de projets similaires, ou si vous pouvez être utile d'une autre façon (par exemple pour aider à lancer une initiative similaire dans votre pays), veuillez réagir svp.

Rudo de Ruijter,
Chercheur indépendant
Pays-Bas

courtfool@xs4all.nl

 

Sources et références:

[1] Tablettes d'argile en Sumer: http://www.historyguide.org/ancient/lecture2b.html

[2] Loi de Hammurabi: http://avalon.law.yale.edu/ancient/hamframe.asp http://www.sacred-texts.com/ane/ham/ham05.htm ; http://www.sacred-texts.com/ane/ham/ham06.htm ; http://www.sacred-texts.com/ane/ham/ham07.htm

[3] Aujourd'hui environ 35 pourcent de toutes nos dépenses consistent d'intérêts. Helmut Creutz:

"Tous les frais qui s'accumulent dans la production et dans les prix intermédiaires entrent dans les prix finaux. Ils doivent donc être payés par les ménages, qui, comme derniers dans la chaîne ne peuvent plus reporter ces frais à d'autres et paient ces frais directement ou indirectement avec leurs dépenses.

Selon le bulletin de la Bundesbank de septembre 2003 les dépenses totales de tous les ménages de l'année 2000 se situaient à 1.201 milliards d'euro, les frais des emprunts (les intérêts collectés par les banques) à 370 milliards d'euros. De ces montants, qui représentent par ménage 31.600, respectivement 9.740 euros, se laisse calculer un pourcentage d'intérêts dans les dépenses de 31 pourcent." En 1950 cela n'était que 7 pourcent et en 1975 c'était 14 pourcent.

[4] Remises de dettes en Mésopothamie: http://www.globalresearch.ca/debt-cancellation-in-mesopotamia-and-egypt-from-3000-to-1000-bc/5303136

[5] Remises de dettes jusqu'à nos jours: http://www.telegraph.co.uk/finance/economics/11383374/The-biggest-debt-write-offs-in-the-history-of-the-world.html

[6] Dans un radius de 700 m tout le monde pouvait se servir d'un puits. Et lorsque quelqu'un ne pouvait pas trouver d'eau à 18 mètres de profondeur il avait le droit de se servir du puits de son voisin.  http://www.solon-line.de/solon-legislator-and-poet.htm

[7]    L'histoire de Mouseland: les souris qui élisent des chats:   https://www.youtube.com/watch?v=kdwySCMovHk (à partir de 1'20'') 

mars, 2016

 

L'auteur peut être contacté via www.courtfool.info/fr_contact.htm

Si vous voulez, vous pouvez copier cet article, l'envoyer à des intéressés ou le publier dans des journaux ou sur l'internet. Et si vous connaissez des politiciens ou fonctionnaires qui pourraient être intéressés, veuillez leur envoyer un petit message.

 

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Soirce : http://www.courtfool.info/zz_La_route_vers_la_democratie.htm

 

 

 

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10 mars 2016 4 10 /03 /mars /2016 22:00

 

Source : http://www.dailymotion.com

 

 

Il a travaillé 9 ans avec Manuel Valls, et balance tout !

 

Il s'appelle ‪#‎Pascot‬, il a travaillé pendant 9 ans avec Manuel Valls, et dénonce dans son livre "Pilleur d'état" les abus légaux dont abusent les élus.

"30% des élus ont eu affaire avec la justice(...) ce sont des gens qui votent des lois pour dire que les gens qui sont au RSA on va aller fouiller sur leur compte en banque pour voir s'il dépense plus que le RSA (...) 150 députés se sont payés une maison avec l'IRFM*, est ce qu'on est allé fouiller sur leur compte en banque ?!" s'indigne Philippe Pascot.

Interviewé par JJ Bourdin, il explique entre autre pourquoi la plupart des journalistes refusent de l'inviter :

Partageons donc son message, puisqu'ils sont si peu à le faire !!!

*IRFM : c'est une indemnité touchée par chaque député et chaque sénateur en France pour couvrir leurs frais de représentation. Elle ne fait l'objet d'aucun contrôle, n'est pas imposable et peut servir à couvrir tout type de dépense : habillement, restauration, achat immobilier, voyage...
 
 
 
 
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10 mars 2016 4 10 /03 /mars /2016 21:29

 

Source : http://www.euractiv.fr

 

 

« La lâcheté de la France face à la crise migratoire est inqualifiable »

 

 

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10 mars 2016 4 10 /03 /mars /2016 18:10

 

Source : http://www.bastamag.net

 

 

Droits du travail

Licenciement abusif : une intermittente fait condamner le groupe Canal+

par

 

 

 

Voici l’histoire d’une bataille aux prud’hommes dont l’issue donne de l’espoir. Au terme de deux ans et demi de procédure judiciaire, la Cour d’appel de Versailles a condamné le 1er mars 2016, D8, la chaine TNT du groupe Canal+, dans l’affaire qui l’oppose à l’intermittente du spectacle Sophie Tissier. Le litige débute le 30 mai 2013. Sophie Tissier est alors opératrice prompteur sur la chaine D8. Ce jour-là, elle intervient en direct dans l’émission de Cyril Hanouna, Touche pas à mon poste (TPMP) pour dénoncer les baisses de salaire des intermittents de la chaîne. « Le groupe Canal, qui a racheté D8 dernièrement, nous impose une baisse de salaire. Pour ma part, c’est 25 % mais tous les intermittents sont touchés. Alors que le groupe Canal a un chiffre d’affaire de cinq milliards d’euros, je crois [1,88 milliards d’euros en fait, en 2013. Celui du groupe Vivendi, propriétaire de Canal+ est de 10,2 milliards]. On nous prend à la gorge. J’ai envie de travailler avec vous, mais j’ai envie de gagner ma vie », déclare t-elle.

 

« black listée »

Suite à cette intervention, Sophie Tissier se retrouve « black listée » des plannings de D8, Canal+ et de nombreuses productions privées. Évaluant le manque à gagner autour de 7 à 8 jours de travail par mois, elle décide d’attaquer aux prudhommes son ancien employeur. L’enjeu, explique-t-elle sur Médiapart est de « dénoncer l’injustice dans l’abus de CDD intermittent, mais aussi dévoiler la vulnérabilité face aux employeurs et la précarité que subissent les personnes en CDD ».

D’abord déboutée en première instance, la cour d’Appel de Versailles lui donne finalement raison ce 1er mars 2016. La chaine doit verser 138 000 euros de rappel de salaires et d’indemnités – l’équivalent de trois ans de salaires – pour abus de contrat à durée déterminée intermittent, licenciement sans cause réelle ni sérieuse. Le tribunal juge également légitime son intervention en direct au nom des intermittents, et illégale la baisse de salaire imposée sans négociations aux intermittents de D8. Dans une vidéo de 7 minutes réalisée avec le collectif #OnVautMieuxQueCa, Sophie Tissier revient sur cette bataille judiciaire :

 

 

Suite au verdict de la Cour d’appel, la chaine D8 peut encore se pourvoir en cassation. Mais pour Sophie Tissier, cette décision de justice constitue déjà une belle victoire. « Le message que j’aimerais faire passer est simple : c’est un message d’espoir et d’appel au courage, de ne pas se résigner, de dire haut et fort nos légitimes colères et se battre, sur tous les plans, seuls ou en collectifs, envers et contre toute forme d’injustice », écrit-elle.

A partir de son cas personnel, Sophie Tissier explique qu’avec le projet de loi de la ministre du Travail Myriam El Khomri, elle aurait gagné « deux fois moins d’indemnités aux prud’hommes » et qu’il est donc « important de se mobiliser contre cette loi ». Dans les faits, le projet de nouveau barème des indemnités prud’homales est encore plus pénalisant : pour celles et ceux qui ont entre 2 et 5 ans d’ancienneté, le plafond s’élèverait à 6 mois... quand Sophie Tissier, qui a travaillé pour D8 entre novembre 2010 et mai 2013, a pu bénéficier de 36 mois d’indemnités. Sophie Tissier bénéficierait donc de six fois moins d’indemnités, si le projet de loi est adopté en l’état. Un appel à mobilisation générale contre le projet de démantèlement du droit du travail est lancé le 9 mars dans toute la France.

 

 

Sophie Chapelle - Voir également la page facebook Touche pas à mon intermittent(e)

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10 mars 2016 4 10 /03 /mars /2016 17:50

 

 

« Merci patron ! », de François Ruffin

Un film d’action directe
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Anonyme. – « Robin des bois »
Look and Learn - Bridgeman Images
 

Comme on ne risque pas d’avoir les studios Universal sur le dos et qu’en réalité il ne s’agit pas tout à fait d’un film à suspense, on peut révéler l’intrigue de Merci patron !, de François Ruffin (1). C’est l’histoire de Serge et Jocelyne Klur, employés d’Ecce, filiale du groupe LVMH, plus exactement employés de son usine de Poix-du-Nord, jadis chargée de la confection des costumes Kenzo. « Jadis », car, mondialisation oblige, le groupe a cru bon d’en délocaliser toute la production en Pologne. Moyennant quoi les Klur ont été invités à se rendre employables ailleurs. Cependant, ils explorent méthodiquement la différence entre employables et employés. Depuis quatre ans. Evidemment, la fin de droits a été passée depuis belle lurette, on tourne à 400 euros par mois, la maison est fraîche — forcément, il n’y a plus de chauffage, et il a fallu se replier dans la seule pièce habitable. Au rayon des vertus tonifiantes, on compte aussi l’élimination de tout excès alimentaire et l’adoption de saines résolutions diététiques ; on peut même aller jusqu’à parler de rationnement — Noël avec une tartine de fromage blanc, les amis de la frugalité apprécieront.

 

On en est là, c’est-à-dire déjà sur un grand pied, quand survient un avis de saisie de la maison, ni plus ni moins, à la suite d’une ardoise d’assurance de 25 000 euros. Pour les Klur, qui considèrent qu’on est « un gros », voire « un capitaliste », à partir de 3 000 euros par mois, c’est là tomber d’un coup dans des ordres de grandeur qui font sortir de la Voie lactée. Ce qui n’empêche pas d’ailleurs de tirer des conséquences pratiques. En l’occurrence sous la forme du projet, si c’est ça, de foutre le feu à la maison — la seule chose que les Klur aient vraiment eue à eux et dont ils ont tiré à peu près tout ce que l’existence leur a réservé de joies.

 

On ne fait pas plus local que le cas Klur. Et on ne fait pas plus global non plus. Car les Klur offrent en concentré un résumé presque complet du système. Pourtant, contrairement à bon nombre de ceux qui ont traité avant lui de la condition salariale à l’époque néolibérale, le film de François Ruffin n’a aucune visée analytique ou pédagogique. C’est un film d’un autre genre, difficilement identifiable, d’ailleurs, au regard des catégories cinématographiques habituelles. Le plus juste serait sans doute d’en dire qu’il est un film d’action directe. Car Ruffin, qui a Bernard Arnault dans le collimateur depuis un moment, veut littéralement faire quelque chose de la situation des salariés d’Ecce. En 2008, déjà, il avait fait débouler impromptu les licenciées à l’assemblée générale des actionnaires de LVMH (2). Cette fois, ce sera l’attaque frontale : Klur-Ruffin contre Arnault. L’époque néolibérale enseignant que si l’on ne demande pas avec ce qu’il faut de force, on n’obtient rien, Klur-Ruffin va demander. Avec ce qu’il faut de force. En l’occurrence : 45 000 euros de dédommagement pour réduction à la misère, plus un contrat à durée indéterminée (CDI) quelque part dans le groupe pour Serge ! Et sinon, campagne de presse. Pas Le Monde, pas France Inter, pas Mediapart : Fakir, journal fondé par Ruffin et basé à Amiens. Tremblez, puissants !

 

C’est à ce moment que le film passe d’un coup dans la quatrième dimension, et nous avec. Car dans le cortex frontal de l’éléphant, l’attaque du moustique a semé un sacré foiridon. Et le puissant se met à trembler pour de bon. On ne peut pas raconter ici la série des hilarantes péripéties qui y conduisent, mais le parti pris de spoiler commande au moins de donner tout de suite la fin de l’histoire : Bernard Arnault s’affale ! On se pince. C’est simple, on ne peut pas y croire. On se dit que le projecteur est couplé à un diffuseur de champignons, qu’on est victime. Or tout est vrai. Comme la physique contemporaine a établi l’existence de l’antimatière, la physique sociale de Merci patron ! nous découvre l’univers parallèle de l’antilutte des classes : tout s’y passe comme dans l’autre, mais à l’envers. C’est l’opprimé qui fait mordre la poussière à l’homme aux écus. On se doute que cette irruption de l’univers inversé dans l’univers standard est un événement rare. Mais on l’a vue, de nos yeux vue ! Alors il faut bien y croire. Avec cet effet particulier que la reddition de l’entendement donne aussitôt l’irrésistible envie de renouveler les résurgences du bon univers dans le mauvais, et pourquoi pas de l’y transfuser totalement.

 

Passé l’incrédulité, le premier effet de ce film à nul autre pareil, c’est donc de donner le goût des ambitions révisées à la hausse. En commençant par prendre l’exacte mesure de ce qu’il annonce. D’abord, le cauchemar de la droite socialiste : lutte des classes pas morte ! Ça n’était pourtant pas faute d’avoir rédigé toutes les variantes possibles et imaginables de son acte de décès. C’est que, de la lutte des classes, on peut dire ce qu’on veut : que son paysage s’est complexifié ; que le feuilletage de la couche intermédiaire des « cadres » a créé une vaste catégorie d’êtres bifaces, partie du côté du capital (par identification imaginaire), partie du côté du salariat (par statut) ; que cette nouvelle sociologie a fait perdre à la polarisation de classes sa netteté originelle, etc. De la lutte des classes, donc, on peut dire tout cela. Mais certainement pas qu’elle a disparu. Pour en réapercevoir le noyau, il faut cependant monter des opérations de court-circuit, qui font revenir à l’os : typiquement, les ouvrières d’Ecce faisant effraction parmi les actionnaires de LVMH en train de discuter des dividendes, soit le face-à-face pur du capital exploiteur et du travail exploité. Ou alors les Klur : la misère directement rapportable à la valorisation du capital.

 

Evidemment, ce sont là des spectacles que la droite socialiste voudrait beaucoup s’épargner, et qu’elle s’emploie d’ailleurs à conjurer autant qu’elle peut par toutes les armes de la dénégation. A l’image de la fondation Terra Nova qui, en 2011, s’était mise en devoir d’expliquer que les classes populaires (« populaires » pour ne même plus avoir à dire « ouvrières ») étaient, sinon sociologiquement inexistantes, en tout cas politiquement inintéressantes : ça n’était plus pour elles que la droite socialiste devait penser sa politique. Comme on sait, le problème avec les morts mal tués et mal enterrés, c’est qu’ils reviennent. Ici, les morts font tout de même 25 % de la population active, auxquels ajouter 25 autres pour cent d’employés — une sacrée armée de zombies. Et la promesse de nuits agitées pour tous ceux qui auront pris leurs entreprises de déréalisation pour le réel même. Il faut croire que les spectres gardent le pouvoir d’en terroriser encore quelques-uns, si l’on en juge par l’empressement de Bernard Arnault à dépêcher les sbires de sa sécurité pour négocier contre euros le silence des Klur. Le secrétaire général du groupe, un hiérarque du Parti socialiste, convaincu que le progressisme consiste essentiellement en la progression des dividendes, est à lui seul un résumé sur pattes de toute l’histoire de son parti, doublé d’un fameux cornichon, dont toutes les savantes manœuvres vont conduire Bernard Arnault à la double déconfiture : payer et la publicité !

 

Ainsi, il arrive aux classes « populaires » de revenir du néant où on a voulu les enfouir, et d’en revenir avec quelque fracas. C’est là sans doute la seconde bonne nouvelle de l’évangile selon saint Klur : il se pourrait que cet ordre social soit beaucoup plus fragile qu’on ne le croit. On commence en tout cas à se poser de sérieuses questions lors de cette scène sublunaire qui voit un ex-commissaire des renseignements généraux, devenu barbouze privé pour l’empire du sac à main, négocier avec les Klur devant une caméra cachée (lui cherche un magnétophone sous une chaise…) et devenir quasi hystérique à l’évocation de Fakir. Que la campagne de presse passe par Le Monde, Mediapart ou par François Hollande, il n’en a cure. Mais Fakir ! Et c’est Molière chez les Picards, avec, à la place de Diafoirus qui trépigne « Le poumon ! », l’ex-commissaire Machin devenu maboule : « Fakir ! Fakir ! » — on le menacerait de tout envoyer à CNN ou au pape, il continuerait de glapir comme un possédé : « Fakir ! »

 

Rendu à ce point du visionnage, et totalement éberlué, on tente soi-même de reprendre pied pour former à nouveau quelques idées générales. D’ailleurs, avec l’aide du commissaire lui-même ! Qui, du fond de son sens commun de flic, est détenteur d’une philosophie politique à l’état pratique : pourquoi Fakir, qui est tout petit ? Parce que, explique le commissaire, « c’est les minorités agissantes qui font tout ». Si des Klur coachés par le camarade Ruffin ont le pouvoir de mettre Bernard Arnault à quatre pattes, c’est bien qu’en face, on a peur. Confusément conscience que tant de vilenies accumulées ne pourront pas rester éternellement impunies, et peur. Mais alors quid de dix, de cent Klur-Ruffin, d’une armée de Klur-Ruffin ? Et puis décidés à obtenir autre chose que la simple indemnisation de la misère ? Et si l’espoir changeait de camp, si le combat changeait d’âme ?

 

Le propre des films d’action directe, c’est qu’ils propagent leurs effets bien après leur dernière image. De celui-ci, on sort chargé comme une centrale électrique et avec l’envie de tout renverser — puisque, pour la première fois, c’est une envie qui nous apparaît réaliste. Ecrasés que nous étions par la félonie de la droite socialiste, par l’état d’urgence et la nullité des boutiques de la gauche, Merci patron ! nous sort de l’impuissance et nous rebranche directement sur la force. Ça n’est pas un film, c’est un clairon, une possible levée en masse, un phénomène à l’état latent. De cet événement politique potentiel, il faut faire un événement réel.

 

Frédéric Lordon

Economiste.
A quoi sert « Le Monde diplomatique » ? A apprendre et à comprendre. A donner un peu de cohérence au fracas du monde là où d’autres empilent des informations.

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(1) Produit par Fakir et Jour2fête, 90 minutes, en salles le 24 février.

(2) Lire François Ruffin, « Insolite face-à-face entre ouvrières et actionnaires », Le Monde diplomatique, août 2008.

 
 
 

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