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24 mars 2016 4 24 /03 /mars /2016 16:17

 

Source : http://www.bastamag.net

 

 

 

Nouveau business

Quand des investisseurs spéculent sur les conflits commerciaux entre multinationales et Etats

par , Eva Schram , Frank Mulder

 

 

 

On connaissait la spéculation financière sur les denrées alimentaires, les ressources naturelles, l’immobilier, les produits financiers, et même sur les émissions de CO2. Voici venu le temps de la spéculation sur les plaintes que déposent des investisseurs contre des Etats en cas de conflit commercial ou fiscal. C’est le nouveau business que permet la multiplication des procédures intentées par des multinationales, qui se disent lésées, contre des Etats pour leur faire payer de lourdes amendes. Un business qui dispose d’une plaque tournante, les Pays-Bas, et qui pose, encore une fois, la question des conflits d’intérêt.

 

Épisode 4, suite de notre série sur les procédures d’arbitrages entre investisseurs et États (voir l’épisode précédent).

 

À mesure que les arbitres étendent leur juridiction et que le nombre de procédures ISDS (Investor-state dispute settlement, « mécanisme de règlement des différents entre Etats et investisseurs ») augmente, de nouveaux acteurs font leur entrée sur le marché : des investisseurs appelés third party funders (« financeurs tiers »). Mick Smith travaillait auparavant dans l’équipe dédiée aux marchés de capitaux de Freshfields, la grande firme anglo-allemande présente dans le monde entier. Puis, identifiant une opportunité commerciale, il décida de créer sa propre firme. Désormais, il apporte de l’argent à des entreprises qui souhaitent poursuivre un État, mais ne peuvent pas payer les frais légaux elles-mêmes. Sa firme Calunius Capital dispose aujourd’hui d’un fonds de 90 millions de livres sterling à cet effet.

Sa méthode est simple, nous explique-t-il après une conférence sur l’arbitrage à Rome. « Nous payons les frais légaux d’une entreprise qui souhaite poursuivre un État. Cela peut être un million de dollars, mais cela peut aussi être plus de dix millions de dollars. En échange, nous recevons une partie de l’amende que cet État est condamné à verser. » Cette part peut s’élever jusqu’à une fourchette allant de 10 et 40 % de l’amende totale. Si l’arbitrage est perdu, Calunius reçoit un montant fixe.

Selon Smith, il s’agit souvent d’histoires de David contre Goliath. « Imaginez une entreprise minière avec seulement un actif, une mine. Et cette mine est confisquée par un État. Les États ont souvent des ressources inépuisables à leur disposition, tandis que l’investisseur se retrouve démuni. » Que peut-il faire ? Calunius apporte son aide afin de permettre à David de lutter à armes égales contre le méchant Goliath. L’un des David que Smith aide actuellement est une entreprise minière canadienne, qui veut obtenir 400 millions de dollars du Venezuela. Les critiques caractérisent les activités de Smith d’une manière un peu différente : selon eux, il ne fait, au fond, que spéculer sur des procédures d’arbitrage contre des États.

Et si l’arbitre lui-même était lié à l’investisseur ?

On ne sait pas combien de procédures sont ainsi financées par des tierces parties. Celles-ci ne se font généralement pas connaître. Mais il est clair que même certains arbitres et avocats s’inquiètent de ce phénomène. Après tout, la justification fondamentale de l’arbitrage s’effondre s’il s’avère que les arbitres sont en conflit d’intérêts. Qu’adviendrait-il si un financeur entretenait des relations amicales avec un cabinet juridique qui fournirait un arbitre pour trancher un cas dans lequel il aurait investi ? Et si l’arbitre lui-même était lié à l’investisseur ? Vannin Capital, une firme britannique enregistrée à Jersey (île Anglo-Normande) et qui finance des procédures ISDS, a annoncé en 2015 s’être assurée les services de Bernard Hanotiau. Un peu comme si un arbitre acceptait de travailler pour un casino. Hanotiau nous a déclaré que la nouvelle avait été rendue publique trop rapidement et qu’il avait finalement refusé la proposition en raison des conflits d’intérêts potentiels.

Pour Eduardo Marcenaro, avocat italien travaillant pour un important consortium de BTP, le problème va cependant bien au-delà des conflits d’intérêts. Il doit gérer quotidiennement des procédures d’arbitrage l’opposant à d’autres firmes. « C’est la réalité : il y a des litiges. Mais à quoi sert l’arbitrage ? Pour nous, c’est une manière de trouver un compromis afin de mettre le différend derrière nous. » Or c’est exactement ce que le financement extérieur des procédures ISDS vient remettre en cause. « Je le vois régulièrement : s’il y a un financeur derrière une procédure, cela entraîne toujours davantage d’agressivité. Il ne s’agit plus de trouver un terrain d’entente, il ne s’agit plus que de gagner, à tout prix, et parfois en poussant à la limite de ce qui peut être considéré comme des moyens légaux. En vérité, c’est dégoûtant, ce à quoi ce type de financement mène en pratique. »

Le « sandwich » hollandais

Si l’on examine la liste des pays d’où ont été lancées le plus grand nombre de procédures depuis 2012, on découvre qu’un petit pays y figure en tête : les Pays-Bas. C’est là qu’ont été initiés le plus d’arbitrages en 2014, davantage même qu’aux États-Unis. Les Pays-Bas constituent un carrefour important dans le monde de l’ISDS.

 

 

Cet état de fait est le résultat d’une politique active du gouvernement néerlandais pour promouvoir le pays comme une destination attractive pour les multinationales. L’un des aspects clés de cette politique a été la construction d’un vaste réseau de traités bilatéraux d’investissement. Avec 95 traités bilatéraux d’investissement en vigueur, les Pays-Bas atteignent presque le niveau maximal de couverture possible. En outre, le modèle de traité d’investissement privilégié par les Pays-Bas figure parmi les plus larges possible, du point de vue des investisseurs. Par exemple, il n’y a pas besoin de montrer que vous exercez une quelconque activité économique substantielle dans le pays pour pouvoir prétendre au statut d’investisseur néerlandais.

Selon le gouvernement, qui se base sur les informations d’une enquête des Nations unies, 47% des procédures ISDS lancées aux Pays-Bas sont le fait de filiales de convenance n’existant que comme boîtes aux lettres. Mais une simple requête dans la base de données de la Chambre de commerce des Pays-Bas montre que ce chiffre est d’au moins 68%. Seulement 16% des plaintes sont déposées par une véritable entreprise néerlandaise. C’est ce que l’on appelle le « sandwich hollandais » : il suffit de créer une holding aux Pays-Bas entre vous et votre investissement pour devenir néerlandais.

Cela ne signifie évidemment pas que les Pays-Bas forcent les autres pays à signer des traités d’investissement. C’est un choix que ces pays font délibérément, car ils espèrent attirer ainsi les investisseurs. En ce moment même, l’Irak et l’Azerbaïdjan ont tous les deux demandé à signer un traité bilatéral d’investissement avec les Pays-Bas, où nombre de compagnies pétrolières sont présentes.

 

« Si tout était vraiment si injuste, les pays n’auraient jamais signé »

Dans nos discussions avec des hauts fonctionnaires néerlandais, lesquels souhaitent rester anonymes, c’est la même vision apolitique et quasi technique déjà rencontrée parmi les arbitres qui prévaut : « Nous faisons simplement notre travail. Il faut protéger les investisseurs, non ? Parfois il y a des conséquences indésirables, mais si tout était vraiment si injuste, les pays n’auraient jamais signé, n’est-ce pas ? »

Les Pays-Bas ont-ils délibérément cherché à atteindre la position qu’ils occupent dans le monde de l’ISDS ? Impossible de le prouver. Mais il est frappant de constater à quel point le gouvernement néerlandais a toujours activement défendu ses traités bilatéraux d’investissement, y compris ceux négociés avec d’autres pays de l’Union, et qui vont à l’encontre du droit européen. Détail révélateur : le haut fonctionnaire chargé de négocier les traités bilatéraux d’investissement pour le compte des Pays-Bas ces dernières années, Nikos Lavranos, a quitté ses fonctions en 2014 pour prendre la tête de l’EFILA, le lobby européen des avocats spécialisés en droit de l’investissement. Gerard Meijer est enregistré comme lobbyiste auprès des institutions européennes à Bruxelles pour cette même organisation. Jusqu’en 2014, Lavranos s’est posé en défenseur acharné du système des traités néerlandais ; désormais, sa nouvelle mission implique de rédiger des tribunes pour exiger des droits très étendus pour les investisseurs et un cadre robuste de protection des investissements dans le nouveau traité de libre-échange négocié entre l’Europe et les États-Unis (le TAFTA, aussi appelé TTIP). Il a refusé de nous parler.

À travers sa propre firme de consulting, Global Investment Protections, il aide des entreprises à s’enregistrer comme néerlandaises. Ce qu’il désigne comme une « restructuration de la propriété pour bénéficier du cadre le plus solide disponible de protection par des traités d’investissement bilatéraux ». Mais, bon, c’est un argument publicitaire mis en avant par tous les cabinets d’avocats.

 

Frank Mulder, Eva Schram and Adriana Homolova
Traduction de l’anglais : Olivier Petitjean

Photo : CC Rafael Matsunaga

 

- Voir l’épisode 1 : Plongez dans la guerre invisible que les multinationales livrent aux États
- Voir l’épisode 2 : Quand les Etats, même démocratiques, doivent payer de gigantesques amendes aux actionnaires des multinationales
- Voir l’épisode 3 : Ce petit milieu d’avocats d’affaires qui gagne des millions grâce aux traités de libre-échange

 

À propos de cet article

Cette enquête a été publiée initialement en néerlandais par les magazines De Groene Amsterdammer et Oneworld. Elle est publiée en exclusivité en français par Basta ! et, le même jour, en allemand par le Spiegel online. [L’article original a été légèrement modifié et abrégé pour la présente publication. Une traduction intégrale est disponible sur le site de l’Observatoire des multinationales.

Voir aussi, des mêmes auteurs, cet autre article traduit par l’Observatoire des multinationales : « Pétrole ougandais : Total cherche à échapper à l’impôt grâce à un traité de libre-échange ».

 

Le texte ci-dessous présente la recherche qui sous-tend l’enquête :

Les critiques du TAFTA, le traité de commerce en discussion entre l’Union européenne et les États-Unis, ont pour cible prioritaire les mécanismes de résolution des litiges État-investisseurs, ou ISDS (pour Investor-State Dispute Settlement, en anglais). Il s’agit d’un mécanisme grâce auquel les investisseurs peuvent poursuivre un État s’ils estiment avoir été traités de manière inéquitable. Selon ces critiques, les multinationales se voient ainsi donner le pouvoir sans précédent d’échapper aux lois, à travers une sorte de système de justice privatisée contre lequel aucun appel n’est possible.

En réalité, l’ISDS n’est pas un phénomène si nouveau. Les plaintes ne sont pas simplement déposées contre nous, pays européens ; au contraire, c’est plus souvent de nous qu’elles proviennent. En 2014, pas mois de 52 % de toutes les plaintes connues avaient pour origine l’Europe occidentale.

Le nombre total de cas est impossible à connaître. Les données sont difficiles à obtenir. C’est pourquoi des journalistes de De Groene Amsterdammer et Oneworld ont entrepris quatre mois de recherches, avec le soutien d’EU Journalism Grants.

Ce travail a notamment débouché sur une cartographie interactive unique en son genre de tous les cas d’ISDS, dont beaucoup n’ont jamais été cités dans la presse. Cartographie qui inclut, autant que possible, le nom des arbitres, les plaintes, les suites et, dans de nombreux cas, le résumé des différends. Pour la présente enquête, nous avons interrogé de nombreux arbitres, des avocats, des investisseurs, des chercheurs et des fonctionnaires, y compris des représentants de pays qui se sentent dupés par l’ISDS, comme le Venezuela, l’Afrique du Sud ou l’Indonésie.

La cartographie et les articles qui l’accompagnent sont disponibles sur le site www.aboutisds.org. Ils ont été publiés initialement en néerlandais à l’adresse www.oneworld.nl/isds.

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23 mars 2016 3 23 /03 /mars /2016 15:04

 

 

Le Combat Du Siecle: Keynes vs Hayek 2.0

 

 

Mise en ligne le 12 mai 2011

Toutes mes videos sont dispo a: www.youtube.com/EconomieNet

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23 mars 2016 3 23 /03 /mars /2016 14:35

 

Source : https://la-bas.org/la-bas-magazine/textes-a-l-appui/noam-chomsky-la-verite-dialogue-avec-jacques-bouveresse

 

 

 

NOAM CHOMSKY, dialogue avec Jacques BOUVERESSE

Le

 

 

En mai 2010, à l’invitation du Collège de France, Noam CHOMSKY participait à différents colloques à Paris. On se souvient de sa conférence à la Mutualité avec le Monde Diplomatique et à la rencontre avec des syndicalistes à la Maison des Métallos à l’initiative de Là-bas si j’y suis.

Le 31 mai 2010, à l’occasion du colloque « Rationalité, vérité et démocratie : Bertrand Russell, George Orwell, Noam Chomsky » organisé par Jacques Bouveresse au Collège de France, Daniel Mermet s’entretenait avec Jacques Bouveresse et Noam Chomsky sur le thème « Science et Politique ».

Le dialogue partait plus précisément du concept de vérité. Y’a-t-il « une vérité objective, en dehors de nous, quelque chose qui est à découvrir et non qu’on peut fabriquer selon les besoins du moment » ? Pour George ORWELL, c’est un point fondamental. « Ce qu’il y a d’effrayant dans le totalitarisme, ce n’est pas qu’il commette des atrocités, mais qu’il s’attaque au concept de vérité objective : il prétend contrôler le passé aussi bien que l’avenir. »

Or l’existence de cette vérité est de plus en plus remise en cause dans le monde intellectuel. C’est le point de départ de ce dialogue entre Chomsky et Bouveresse. À ce concept de vérité il faut associer le concept de liberté. Selon le philosophe James Conant, « la capacité à produire des énoncés vrais et la capacité à exercer sa liberté de pensée et d’action sont les deux faces d’une même médaille » . Deux faces que l’on retrouve aussi bien dans la littérature que dans la politique, tout comme dans le journalisme, d’un côté la recherche de la vérité, le respect objectif des faits, de l’autre la liberté de penser et de commenter.


 

 


Vérité et liberté

Daniel Mermet : Jacques Bouveresse, d’où vous est venue l’idée d’inviter Noam Chomsky au Collège de France pour ce colloque sur « Rationalité, vérité et démocratie »  ?

Jacques Bouveresse : Nous nous trouvons confrontés en France à une situation qui devient de plus en plus pénible pour les gens comme moi. On a l’impression qu’une espèce d’incompatibilité s’est instaurée progressivement entre deux idées qui sont aussi essentielles et fondamentales l’une que l’autre, à savoir l’idée de liberté et l’idée de vérité. Il y a des gens qui soutiennent aujourd’hui que, pour être véritablement démocrate, il faudrait s’en prendre directement à l’idée même de vérité et, plus généralement à celles d’objectivité, de fait, etc. La modernité – c’est-à-dire en fait la postmodernité, la modernité postmoderne – semble reposer en grande partie sur une conviction de cette sorte : dans l’intérêt de la liberté et de la démocratie, il faudrait essayer de se débarrasser d’idées comme celles de vérité et d’objectivité.

En réfléchissant à cette question, ce que je fais depuis un bon moment déjà, je me suis rendu compte qu’il y a trois auteurs – Russell, Orwell et Chomsky – qui occupent, dans ce débat, une position assez semblable, et qui ont continué à défendre les idées de vérité et d’objectivité, et à les défendre pour des raisons qui ne sont pas seulement théoriques mais également sociales et politiques. D’où l’idée de notre colloque, qui était aussi pour moi l’occasion d’essayer d’en savoir un peu plus sur les relations que Chomsky entretient avec Bertrand Russell, dont je sais qu’il est une de ses références principales, et avec Orwell.

Noam Chomsky : Je suis honoré par cette association, c’est un compagnonnage qui m’aurait ravi. Russell a profondément influencé ma propre pensée. Orwell aussi, bien que je préfère ses œuvres les moins connues. La Ferme des animaux et 1984 n’ont jamais été pour moi des livres particulièrement marquants. Je les trouve assez faciles et prévisibles ; mais Hommage à la Catalogne est un ouvrage magnifique et très important, et d’autres qui décrivent sa vie à Londres, en Birmanie, etc. sont particulièrement éclairants [1].

Jacques Bouveresse : L’idée de notre colloque, on la comprend assez bien si on regarde de près un texte comme Hommage à la Catalogne, dans lequel la question du lien entre vérité objective et liberté est soulevée de manière particulièrement claire et explicite. Orwell fait le constat que, quand il s’agit de raconter ce qui s’est passé pendant la guerre civile espagnole, personne ne dit la vérité  ; de quelque côté que l’on regarde, il n’y a pour ainsi dire que des récits et des explications qui ne sont absolument pas crédibles  ; les discours qu’on entend ne relèvent pas du tout de l’information objective mais de la propagande. Orwell considère cela comme extrêmement dangereux pour l’avenir, comme extrêmement inquiétant  ; il dit qu’il se pourrait très bien que, d’ici peu, la notion de vérité objective disparaisse complètement – c’est-à-dire qu’on se dise, à partir d’un certain moment, qu’après tout on n’a pas vraiment besoin de cette notion, qu’on peut même très bien s’en passer dorénavant. Et il prévoit que des conséquences désastreuses pourraient en résulter.

Noam Chomsky : Orwell était à Barcelone au début de la révolution, il y est retourné et a assisté aux Journées de Mai [1937], au moment où cette révolution a été en grande partie écrasée par les communistes, les fascistes et les libéraux-démocrates  ; et il a compris que le parti communiste était avant tout le parti de la police, de la petite bourgeoisie et des grandes puissances… Il a compris que la seule chose qui intéressait Staline en Espagne, c’était d’essayer de gagner le soutien des puissances occidentales en cas de confrontation avec Hitler et Mussolini  ; il était d’accord avec les puissances occidentales : la révolution devait être écrasée. Pour Orwell, ça a été une révélation : il a pris conscience du caractère contre-révolutionnaire de toute la révolution bolchevique, sans être d’ailleurs en cela totalement novateur – d’autres, comme Russell, avaient déjà exprimé ce point de vue quinze ans plus tôt [2].

Mais pour Orwell cette découverte a été dramatique. Sa réaction à la révolution populaire est par ailleurs très intéressante : il avait de l’estime pour elle, de la sympathie, mais il ne la comprenait pas et le disait clairement  ; et il ne s’en sentait pas partie prenante. Après tout, il était membre d’une ramification d’un groupe trotskiste, et il n’a jamais appartenu au mouvement anarchiste, qui était la force motrice de la révolution. Il avait donc une vision quelque peu critique, mais ce qu’il voyait le touchait vraiment – « quelque chose qui vaut la peine d’être défendu, même si je ne le comprends pas complètement », écrit-il. Et puis évidemment la révolution a été écrasée. Et son livre a été mis sous le boisseau. Je ne sais pas ce qui s’est passé en France [3], mais en Angleterre quelques centaines d’exemplaires seulement ont été écoulés [avant guerre] par son éditeur  ; plus tard, on a redécouvert l’ouvrage pour en faire un livre de guerre froide, ce qui, j’en suis certain, n’aurait pas plu à Orwell – mais c’est ainsi que le livre est ressorti aux États-Unis et ensuite en Angleterre.

Daniel Mermet : Est-ce que vous êtes intéressé par le conflit, que Jacques Bouveresse a évoqué en commençant, entre ce mouvement intellectuel qu’on appelle postmodernisme et l’attirance pour la vérité, l’objectivité  ? Ou bien est-ce pour vous une scène exclusivement française  ?

Noam Chomsky : Honnêtement je n’y prête même pas attention. C’est une pathologie typiquement parisienne. Elle s’est propagée à travers une bonne partie du monde  ; aux États-Unis, on la retrouve dans les départements de littérature. Dans le tiers-monde, elle a des effets destructeurs. Là-bas, à cause de l’influence culturelle de la France, de tels propos sont pris au sérieux, ce qui a pour effet de détourner les intellectuels de l’action politique, de les détourner de la participation aux mouvements populaires, et de les attirer vers les sphères plus confortables du discours académique, des rencontres, des bars branchés et ainsi de suite – donc de les détourner de l’action politique.

Or les mouvements militants, les mouvements populaires, ont besoin de la participation des intellectuels. C’est tout à fait dramatique de voir la différence entre les intellectuels de gauche des années 1930, dont la plupart étaient des scientifiques de renom, des mathématiciens, qui étaient impliqués dans des activités pédagogiques pour les masses – à travers des livres du genre Les Mathématiques pour tous, mais aussi des études scientifiques et des projets d’éducation des travailleurs, essayant de donner aux mouvements populaires les outils et les clés de leur libération – et leurs homologues d’aujourd’hui, qui essaient de retirer ces outils aux masses, les laissant à la merci des classes dominantes. Mais les élites vont garder ces outils, elles ne font pas attention à l’idée qu’il n’y a pas de vérité, pas de science, pas de mathématiques. Elles sont ravies que les pauvres et les opprimés y croient, car c’est ensuite plus facile de les contrôler.

Jacques Bouveresse : Noam Chomsky a tout à fait raison lorsqu’il évoque l’exemple des universités populaires, comme celle qu’il y a eu à Vienne entre les deux guerres. Le cercle de Vienne, dont certains membres étaient impliqués dans le mouvement de réforme scolaire qui avait été déclenché par la première république autrichienne, a apporté un concours très actif au programme de développement de l’éducation pour les adultes, et en particulier à la création et au fonctionnement d’universités populaires, dans lesquelles une grande importance était accordée à l’enseignement des sciences.

Cette volonté de développer la connaissance des sciences et de la philosophie scientifique dans les milieux populaires avait évidemment une signification politique. L’aile gauche du cercle de Vienne était constituée de gens qui croyaient à l’existence d’un lien réel entre le programme antimétaphysique et antithéologique du cercle et le mouvement ouvrier.

Pour en revenir à notre débat, j’ai un problème que Noam Chomsky n’a pas. Je comprends tout à fait sa position : il se dit, au fond, que ce dont nous parlons est une maladie essentiellement française. Néanmoins, il y a une influence considérable de ce qu’on appelle la French Theory aux États-Unis, et peut-être pas seulement dans les départements de littérature : dans une partie du monde philosophique aussi. Mais si on considère le problème comme une pathologie, ce que je serais moi-même enclin à faire, la question est alors : que fait-on  ? Étant philosophe, je suis évidemment professionnellement plus concerné que ne peut l’être Noam Chomsky, qui est véritablement et avant tout un scientifique. Wittgenstein disait : « Un philosophe traite un problème  ; comme on traite une maladie. » Quand on est confronté à une maladie, que faut-il faire  ? Faut-il l’ignorer  ? Faut-il essayer de la traiter  ? Et quels peuvent être les remèdes  ?

C’est extrêmement compliqué, parce que, comme Noam Chomsky le sait très bien, on se trouve immédiatement dans une position très inconfortable, notamment parce qu’on est amené à défendre la science, qui aujourd’hui n’a pas particulièrement bonne presse – en tout cas chez les philosophes, qui, dans un pays comme la France, n’ont jamais accordé une très grande importance à la culture scientifique, mais le font probablement moins que jamais en ce moment. On est conduit à défendre des idées comme celles de vérité et d’objectivité, qui sont assez facilement perçues et présentées comme étant, à la limite, antidémocratiques. C’est une tendance que Russell percevait déjà comme très inquiétante : on a l’impression que la démocratie exige en quelque sorte une notion de vérité telle que la vérité puisse apparaître, elle aussi, comme une chose que nous créons et dont nous disposons librement.

La vérité objective est une notion qui a souvent été qualifiée de répressive – ce que je trouve toujours étonnant. Par exemple, un article est paru récemment dans Le Monde, à propos d’un livre d’Imre Toth sur la philosophie des mathématiques, où était clairement affirmée cette idée d’une sorte d’antinomie censée exister entre la liberté et la vérité : Frege, explique à peu près textuellement le journaliste, était un conservateur, qui acceptait de s’incliner devant la vérité, et donc de sacrifier sa liberté [4]. Quand on lit des choses pareilles, les bras vous en tombent.

Prenez un résultat mathématique comme le théorème de Fermat, qui a résisté pendant plus de trois siècles à toutes les tentatives de démonstration ou de réfutation, mais qui a fini par être démontré, il n’y a pas très longtemps, par un mathématicien britannique, Andrew Wiles. Que doivent faire les mathématiciens une fois cette démonstration obtenue  ? Continuer à afficher des doutes sérieux sur la vérité de ce théorème sous prétexte de défendre leur liberté contre une chose qui la menace  ? Ce genre d’idée est pour moi à peu près incompréhensible. On a, du reste, régulièrement affaire, sur les questions de cette sorte, à des gens dont on ne sait pas s’ils croient eux-mêmes ce qu’ils disent.

Je me souviens, en 1968, lors d’une assemblée générale, d’un programme de réforme de l’enseignement de la philosophie dont un des principes de base était : la philosophie n’est pas constatation mais contestation des faits. Je me suis demandé ce que cela pouvait bien signifier : la liberté (philosophique et peut-être également ordinaire) exige-t-elle qu’on conteste les faits mathématiques eux-mêmes, comme par exemple le fait que deux plus deux font quatre  ? Certains semblent le penser. Je suis assez d’accord avec Chomsky pour dire qu’il y a là une espèce de pathologie intellectuelle dont il faudrait écrire la nosographie et la nosologie. Mais cela servirait-il à quelque chose  ? Je comprends très bien que Chomsky ait mieux à faire.

Noam Chomsky : On ne peut pas sérieusement penser que la vérité objective n’existe pas. Savoir jusqu’à quel point on peut l’approcher est une autre question. On sait depuis le XVIIème siècle que l’enquête empirique comporte toujours un élément de doute. On peut en principe démontrer ou réfuter le dernier théorème de Fermat, mais dans le monde empirique, le monde de la physique, de la chimie, de l’histoire et ainsi de suite, on a beau faire de son mieux, on a beau essayer de faire de son mieux pour approcher la vérité, on ne peut pas démontrer que les résultats trouvés sont corrects. C’est une évidence depuis l’effondrement du fondationnalisme cartésien [5]. On a donc compris dans les sciences, dans la philosophie, etc., que nous devons procéder avec ce que Hume appelle un « scepticisme mitigé ». Scepticisme au sens où nous savons que nous ne pouvons pas établir des résultats définitivement, mais mitigé au sens où nous savons que nous pouvons progresser.

Mais cela n’a pas de rapport direct avec la liberté  ; celle-ci est une question de valeur : nous choisissons de l’accepter ou de la rejeter. Voulons-nous adopter la croyance selon laquelle les êtres humains ont le droit de déterminer leur destin et leurs propres affaires  ? ou voulons-nous adopter celle selon laquelle de plus hautes autorités les guident et les contrôlent  ? La science ne répond pas à cette question, c’est une affaire de choix. Peut-être la science sera-t-elle capable un jour de confirmer ce que nous espérons être vrai, à savoir qu’un instinct de liberté fait partie de la nature humaine – cela pourrait bien être vrai, et je pense que ça l’est  ; mais il n’y a aucun domaine où les sciences soient suffisamment développées pour être en mesure d’établir un tel résultat. Peut-être en seront-elles capables un jour.

Ainsi, dans nos vies quotidiennes – qu’elles soient des vies politiques, militantes, que nous restions passifs ou dans quelque direction que nous choisissions d’agir –, nous faisons des suppositions que nous tenons pour vraies, mais nous ne pouvons pas les établir fermement  ; et nous les utilisons en essayant de leur donner des bases plus solides au fur et à mesure que nous avançons. C’est essentiellement la même chose qui se passe dans les sciences, mais lorsqu’on réduit la sphère de l’enquête à des domaines très spécifiques, on peut évidemment aller plus loin dans l’établissement des conclusions qui nous intéressent.

Vérité et pragmatisme

Daniel Mermet : Pensez-vous que la science a besoin d’être défendue, comme le suggère Jacques Bouveresse  ?

Noam Chomsky : La question est tellement absurde que je n’arrive même pas à l’envisager. Pourquoi la tentative de découvrir la vérité sur le monde aurait-elle besoin d’être défendue  ? Si quelqu’un ne se sent absolument pas concerné, il peut tenir les propos suivants : « Je me moque de ce qui arrive dans le monde, je me moque de ce qui arrive aux gens, je me moque de savoir si la lune est faite en fromage vert, je me moque de savoir si les gens souffrent et sont tués. Je m’en moque éperdument, je veux juste aller boire un verre et me sentir bien. » Mais celui qui rejette cette position – celui qui dit : « Moi, ça m’intéresse de savoir si la lune est faite en fromage vert, ça m’intéresse de savoir si les gens souffrent, ça m’intéresse de savoir si on peut faire quelque chose pour les aider » – celui-là n’a rien à défendre. Et, pour avancer dans cette voie, il va évidemment chercher à comprendre les faits, à comprendre le monde. Cette position n’a pas besoin d’être défendue.

Jacques Bouveresse : Concernant ce que vient de dire Noam Chomsky, je crois qu’il y a deux questions qu’il faut distinguer. La première est : dans quelle mesure réussissons-nous à connaître objectivement la réalité, dans quelle mesure réussissons-nous à savoir réellement quelque chose  ? Je suis entièrement d’accord avec Noam Chomsky sur le fait qu’il est pour le moins difficile, pour ne pas dire impossible, de contester que nous ayons réussi à en savoir de plus en plus  ; et là, je parle de savoir objectif, d’un savoir sur ce que sont réellement les choses. Cela ne veut pas dire, bien sûr, que nous réussissons à disposer d’une connaissance en tout point irréprochable, inattaquable, parfaitement exacte, etc. Il se peut qu’il n’existe de vérité qu’approchée, c’était la conviction profonde de Bertrand Russell.

La première question est donc : peut-on mettre sérieusement en doute le fait que, jusqu’à un certain point, nous avons réussi à en savoir beaucoup plus que nous n’en savions il y a 2 500 ans  ? La réponse semble suffisamment évidente pour qu’il ne soit pas nécessaire d’argumenter en sa faveur. Ici, je citerais volontiers Hao Wang, un logicien d’origine chinoise, devenu américain, pour qui « nous en savons beaucoup plus sur ce que nous savons que sur la manière dont nous le savons [6] ». C’est-à-dire que nous n’avons guère de doutes sur le fait que nous savons réellement  ; dans des domaines comme les mathématiques et dans une bonne partie des sciences exactes, par exemple, nous sommes tout à fait certains de savoir. Mais, sur ce qui nous permet de savoir et sur la façon dont nous y parvenons, nous en savons généralement beaucoup moins. Et ce sont les incertitudes et les ignorances qui règnent sur ce point qui sont susceptibles de conduire au scepticisme.

Il y a, en plus de cela, une seconde question, vraiment philosophique, et qui, en général, intéresse moins les savants. C’est la question de la valeur de la vérité et de la connaissance : est-il si important de chercher et, si tout se passe comme on pouvait l’espérer, de trouver la vérité  ? C’est le genre de question qu’a posée Nietzsche. La question de la valeur de la vérité est une question tout à fait centrale chez lui et, dans l’opération de « transvaluation », ou de renversement, des valeurs qu’il essaie d’effectuer, il y a cette mise en question radicale de la valeur de la vérité, qui a influencé énormément la philosophie française contemporaine : est-ce qu’on n’a pas surestimé considérablement l’importance de la notion de vérité, l’intérêt de la connaissance, etc.  ?

Quand Bertrand Russell polémique contre le pragmatisme – il a polémiqué de façon extrêmement violente (et certainement injuste, mais discuter ce point nous entraînerait trop loin) contre William James [7] –, il fait la constatation suivante : d’une certaine façon, le pragmatisme essaie de démocratiser la vérité, puisque c’est une doctrine philosophique qui souhaiterait que la vérité soit davantage en notre pouvoir, que nous puissions décider beaucoup plus librement de ce qu’elle est  ; d’où la tendance du pragmatisme à identifier la vérité à ce qui nous convient, à ce qui nous fait du bien, à ce qui nous est utile, etc.

À première vue, c’est une notion de vérité plus démocratique que celle de vérité objective : la vérité objective est une chose sur laquelle nous n’avons pas de pouvoir, que nous sommes obligés d’accepter  ; par définition, les faits objectifs sont des choses devant lesquels nous devons nous incliner. On a l’impression d’une limite infranchissable qui est imposée à la démocratie. On peut alors se poser le problème : après tout, la démocratie n’exige-t-elle pas que nous disposions aussi d’un certain pouvoir de décision libre concernant les faits  ? Les faits sont-ils réellement ce qu’ils ont l’air d’être  ? Ne sont-ils pas plutôt des créations plus ou moins contingentes et arbitraires, des constructions – certains disent des constructions sociales –, qui dépendent de nous et dont nous pouvons disposer jusqu’à un certain point, etc.  ?

Noam Chomsky : Permettez-moi un bref commentaire sur le débat entre Russell et James. Russell critiquait ce que James avait littéralement dit, mais il n’est pas sûr que James l’ait vraiment pensé. Russell critiquait le slogan selon lequel ce qui est vrai est ce qui est utile (what is true is what is useful) – qui est évidemment une absurdité. Mais on peut avancer une interprétation plus favorable, une interprétation dont je pense que James et, très certainement, Dewey l’auraient acceptée.

C’est l’idée que, dans les sciences, notre connaissance est toujours provisoire, elle est toujours ouverte à une remise en cause. Nous pouvons apprendre quelque chose de nouveau qui viendra bouleverser la manière dont nous comprenons le monde, ça s’est toujours passé ainsi. Notre connaissance, nos efforts pour formuler clairement ce que nous croyons être une connaissance sur le monde sont donc provisoires, sujets au questionnement, à l’enquête, à la remise en cause, etc. Mais, à chaque étape, nous travaillons dans le cadre de cette compréhension limitée. Dans ce sens restreint, ce qui est utile est vrai.

Il en va de même dans les affaires humaines. Nous n’avons pas suffisamment de connaissances pour appréhender complètement ce que sont les notions parfaites de justice, ou d’égalité, ou d’équité, etc. Et nous travaillons dans le cadre des conceptions, si limitées soient-elles, que nous avons de ces notions, et nous essayons de les améliorer. Concrètement, cela veut dire : plutôt que de poser la question « Que serait une démocratie parfaite  ? », qui n’a pas de réponse, nous posons la question pratique : comment pouvons-nous améliorer la démocratie imparfaite qui est la nôtre pour la rendre plus efficace, plus équitable, plus juste  ? C’est, je pense, le véritable sens des idées du genre « ce qui est utile est vrai ».

Mais Russell a tout à fait raison de soutenir que de telles idées, si elles sont comprises littéralement, sont complètement absurdes. On trouve une bonne version contemporaine de cette position dans les travaux d’Amartya Sen sur la théorie de la justice. Dans sa critique d’ouvrages tels que La Théorie de la justice de John Rawls, il montre qu’au point où nous en sommes nous ne pouvons espérer parvenir à un modèle convaincant, persuasif et cohérent de ce que pourrait être une société parfaitement juste, mais que nous pouvons identifier des injustices particulières et travailler à les combattre.

Jacques Bouveresse : Bien entendu, on peut estimer que Bertrand Russell n’a pas fait de gros efforts pour comprendre réellement ce que disait William James. Il est amené à dire, par exemple, que, si on accepte le point de vue pragmatiste – qui, lorsqu’on l’exprime de façon un peu simpliste et vulgaire, consiste à dire que, ce qui est vrai, c’est ce qui est utile –, cela entraîne comme conséquence que c’est finalement « la force des gros bataillons » qui décide, cela revient à s’en remettre pour la décision à la supériorité du plus fort. À certains moments, Russell n’hésite pas à dire que, d’une certaine façon, le pragmatisme a rendu possibles des choses comme l’hitlérisme et le stalinisme. Une des conséquences prévisibles du pragmatisme est, en effet, que, finalement, ce sont les puissants qui décident de ce qui est vrai et de ce qui ne l’est pas, par exemple en matière d’Histoire – un problème qui a particulièrement préoccupé Orwell.

Pour en terminer avec cela, il y a une chose qui m’a beaucoup intéressé en lisant les trois auteurs dont les noms ont été réunis dans ce colloque – Russell, Orwell et Chomsky –, c’est que tous les trois considèrent comme évident que c’est la dictature qui a besoin du mensonge et de la fausseté, et sûrement pas la démocratie. Dieu sait si ce thème est présent et essentiel chez Orwell : la dictature ne peut se construire que sur le mensonge et sur la manipulation, en particulier la manipulation du passé, la manipulation de l’histoire.

Science et action

Daniel Mermet : Mais tout le travail de Chomsky a consisté à montrer que le mensonge existe aussi dans la démocratie, à travers la « fabrication du consentement »  ?

Jacques Bouveresse : Tout à fait. Mais on pourrait répondre que, de ce point de vue, les démocraties ne sont tout simplement pas suffisamment et même pas réellement démocratiques. Quand elles se comportent de cette façon, quand elles croient nécessaire, ou même simplement utile, réellement utile, en profondeur et à long terme, d’utiliser le mensonge, elles se comportent de façon antidémocratique. Il y a dans 1984 tous ces passages célèbres où O’Brien dit : le passé, c’est ce que le parti décide qu’il est, il n’y a pas un passé objectif, il n’y a pas des événements qui ont eu lieu ou qui n’ont pas eu lieu. C’est pour moi un problème absolument crucial : les démocraties (véritables) peuvent-elles se permettre de parler de la vérité (et de la traiter) comme certains de nos penseurs postmodernes ont tendance aujourd’hui à le faire, c’est-à-dire comme s’il s’agissait de quelque chose qui n’est pas très important et qui pourrait même comporter une dimension répressive et oppressive  ?

Dans mon exposé au colloque [8], j’ai fait référence au livre de Bernard Williams, Vérité et véracité, où il décrit le comportement d’une catégorie de gens qu’il appelle « les négateurs [deniers] » : ceux qui nient l’intérêt de notions comme celle de vérité, qui contestent ouvertement la valeur de la vérité. Ce sont des gens, dit-il, qui ne peuvent manifestement pas penser véritablement ce qu’ils disent puisque, par exemple, quand ils disent : « les propositions des sciences ne sont jamais rien d’autre que des conventions sociales, des constructions sociales plus ou moins arbitraires qui pourraient être différentes si la société était différente », ils oublient simplement qu’ils parient quotidiennement leurs vies sur une croyance en la vérité – la vérité objective – de certaines lois de la nature, comme celle de la chute des corps, ou toutes les lois scientifiques qui permettent de faire voler des avions, rouler des trains, etc. [9]

Aucun d’entre nous ne met sérieusement en doute de telles vérités. Ce sont, pour tout le monde, des choses aussi vraies qu’une chose peut jamais être vraie. Le genre de discours que tiennent, sur ce point, les négateurs soulève une énorme difficulté : il laisse ceux qui ont envie de protester complètement désarmés  ; on ne peut même pas savoir, encore une fois, si les gens qui s’expriment de cette façon pensent réellement ce qu’ils disent  ; cela rend la situation encore plus inquiétante et inconfortable.

Daniel Mermet : Noam, je voudrais revenir sur un mot que vous employez très souvent, celui de « truisme ». Il y a un autre mot voisin qu’on trouve un peu de la même façon chez Orwell : « common sense ». Dites-nous un peu : que faut-il savoir pour agir  ? D’après vous, cela tombe sous le sens  ! Vous dites toujours : « Un enfant de douze ans comprend ça. » On est en train de s’ennuyer à apprendre beaucoup de choses  ? On n’a qu’à agir sans savoir  ? On n’a pas besoin de savoir pour agir  ?

Noam Chomsky : C’est une idée qui est bien connue en France et dans la culture française. Elle au cœur de la démarche cartésienne. Descartes voulait s’adresser au « bon sens » des gens ordinaires. Et finalement il s’est avéré que ce que Descartes, Galilée et Newton pensaient être le bon sens était faux. Newton a démontré que le monde ne fonctionne pas comme le croit le sens commun, ce qui a conduit à une véritable révolution dans l’histoire intellectuelle. Locke, par exemple, a reconnu à la suite de Newton que nous ne pouvons pas comprendre comment s’effectuent le mouvement et l’action simple. Nous pouvons seulement développer les meilleures théories possibles, car le monde tel qu’il fonctionne vraiment n’est pas intelligible pour nous, au sens qu’on donnait à ce terme à l’époque de la première révolution scientifique.

Puis on arrive à David Hume, pour qui l’une des plus importantes contributions de Newton a été de démontrer qu’il y a des mystères dans le monde qui sont hors de notre portée, des mystères très simples, comme de savoir comment les objets s’attirent les uns les autres. On peut donc démontrer – et il a été démontré par l’Histoire de la science moderne – que le sens commun peut se tromper et nous induire en erreur.

Néanmoins la démarche raisonnable est de continuer à nous appuyer sur notre sens commun, jusqu’à ce que nous atteignions la limite au-delà de laquelle nous sommes certains qu’il se trompe. Dans l’étude des affaires humaines, je pense que nous sommes encore très loin d’avoir atteint cette limite. Tout ce que nous savons est proche du truisme. Chez les professionnels, certains prétendent qu’il y aurait de profonds secrets qu’ils sont les seuls à comprendre, et des théories d’une grande portée qui dépassent les gens ordinaires.

On connaît bien cet argument : ce sont les revendications de la prêtrise traditionnelle. Si un prêtre ou un politologue avance cette proposition, il ne vous fournira aucune preuve. Ils doivent donc établir cette conclusion. Un chercheur en physique quantique peut établir une conclusion, mais je pense que les chercheurs en histoire ou en sciences sociales sont très loin de pouvoir le faire. Et, en ce sens, la plupart de nos connaissances sur le monde sont essentiellement des connaissances de surface. Généralement, soit nous ne comprenons absolument pas ce qui arrive, soit ce que nous comprenons est accessible au sens commun, et en ce sens nous sommes proches du truisme. Et si quelqu’un prétend le contraire, c’est à lui de le prouver.

Jacques Bouveresse : Que peut le bon sens comparé à ce que peut peut-être la connaissance scientifique  ? C’est là une énorme question. Noam Chomsky a rappelé que le progrès des sciences a amené dans certains cas à se rendre compte que le bon sens, ou sens commun, pouvait se tromper et même se tromper de façon spectaculaire. Par exemple, à partir d’un certain moment, on a commencé à être tourmenté et même obsédé par la question de savoir où sont exactement les couleurs : est-ce que les couleurs sont dans la réalité ou est-ce qu’elles sont seulement dans l’œil, dans l’esprit  ? est-ce qu’elles ont une réalité objective  ? les choses sont-elles réellement colorées  ? ou bien est-ce uniquement le système visuel d’êtres connaissants, constitués comme nous le sommes, qui donne une existence aux couleurs  ? – auquel cas, évidemment, elles n’ont certainement pas le genre de réalité que le sens commun, tel qu’on le comprend généralement, leur attribue.

Est-ce que la même chose n’est pas susceptible de se passer en matière morale et politique  ? Est-ce qu’après tout, dans le domaine moral et politique, le sens commun un peu éduqué, ou suffisamment éduqué, peut suffire pour nous procurer les lumières dont nous avons besoin pour l’action  ? Ou bien est-ce qu’à partir d’un certain moment une forme de connaissance plus « scientifique » ne devient pas indispensable pour diriger l’action  ? C’est là un problème extrêmement difficile à résoudre, et je dois avouer que je n’en ai pas la solution. J’ai eu des discussions avec Pierre Bourdieu, assez fréquemment, sur ce thème parce qu’il était évidemment convaincu, lui, que la connaissance procurée par les sciences sociales est finalement la seule qui soit susceptible, au bout du compte, d’éclairer réellement les gens sur ce qui se passe, de leur permettre de comprendre réellement et complètement les mécanismes qui engendrent l’inégalité, l’injustice, l’oppression, etc.

On est donc confronté là à un problème majeur. Je me souviens d’avoir pris la défense de Noam Chomsky, au moins une fois, devant Bourdieu, parce que Chomsky avait écrit qu’après tout comprendre ce qui se passe et comment opèrent ces mécanismes d’assujettissement et d’oppression qui engendrent l’inégalité et l’injustice, ce n’est pas très difficile  ; il suffit d’un peu de bon sens, de psychologie – et de cynisme, ajoutait-il. Et j’étais plutôt personnellement enclin à penser comme Chomsky  ; mais ce n’était pas du tout l’avis de Bourdieu. Il ne faisait pas du tout confiance au « bon sens » sociologique, même s’il me disait parfois – et j’étais censé comprendre ça comme un grand compliment – que j’étais un assez bon sociologue instinctif. Pour lui, si on voulait comprendre réellement, il fallait être beaucoup plus que cela. Selon le genre de réponse qu’on donne à ce type de question, on se fait évidemment une idée bien différente du rôle et de l’importance des intellectuels.

Noam Chomsky vient également d’évoquer une autre question extrêmement importante, qui, je crois, est susceptible de susciter beaucoup de controverses : il a toujours défendu l’idée que des êtres qui ont des structures cérébrales du genre de celles que nous avons ne sont pas forcément en mesure de résoudre tous les problèmes dont ils pensent qu’ils devraient pouvoir les résoudre – en particulier certains des problèmes les plus importants, comme celui de la liberté. On se heurte là à une question majeure, que certains avaient déjà posée : Robert Musil, par exemple, a parlé de la disproportion totale entre, d’une part, ce que nous réussissons à savoir, et qui se réduit finalement à peu de chose, et, d’autre part, ce que nous aimerions savoir, et qu’il serait le plus important de savoir.

Musil dit que, très souvent, les choses que nous savons ne donnent pas l’impression d’être des choses très importantes, si on les compare aux choses que nous aimerions être en mesure de connaître, mais que nous ne parvenons pas et ne parviendrons peut-être jamais à connaître. Cela soulève un problème redoutable, mais personnellement cela ne me choque pas  ; il me semble assez naturel qu’on pose ce genre de question, et également qu’on accepte de regarder en face le genre d’éventualités qu’évoque Chomsky : que, peut-être, des êtres constitués comme nous le sommes sont incapables une fois pour toutes de résoudre un problème comme celui de la liberté.

Si je me souviens bien, Noam Chomsky utilise à ce propos la comparaison avec des rats incapables de sortir d’un labyrinthe parce que le problème que cela leur pose dépasse leurs capacités cognitives. Il se trouve que Leibniz a parlé de deux labyrinthes majeurs : le labyrinthe du continu [10], qui domine largement la philosophie théorique  ; et le labyrinthe de la liberté, qui domine la philosophie pratique. Peut-être sommes-nous effectivement, en ce qui concerne la liberté, dans un labyrinthe  ; peut-être, un peu comme les rats, mutatis mutandis, n’avons-nous pas les structures cognitives et les moyens cognitifs qui nous permettraient d’en sortir.

Mais c’est une chose très difficile à accepter et qui paraît presque toujours très choquante. Elle évoque la fameuse affaire de l’ignorabimus et l’attitude de scientifiques comme Emil Du Bois-Reymond, pour qui il y a des problèmes – comme celui des relations entre la matière et l’esprit, celui de la nature exacte de la pensée, etc. – que la science ne peut pas espérer résoudre  ; ils sont intrinsèquement en dehors de la portée de la science. Du Bois-Reymond a été attaqué vigoureusement, sur ce point, par Hilbert, dont la conviction était, au contraire, que nous pouvons savoir et que nous saurons [11].

Une position comme celle de Du Bois-Reymond est très difficile à admettre, pas seulement en mathématiques, parce qu’on vit avec l’idée que toutes les questions qu’on est en mesure de poser doivent être aussi des questions qu’on sera un jour ou l’autre en mesure de résoudre  ; ce qui ne va pas du tout de soi. Et j’ajouterai (mais c’est une énorme question et il faudrait presque un entretien complet pour que nous l’abordions réellement) : si la science ne peut pas venir à bout de ces questions, est-ce que la philosophie le peut  ? Que peut espérer nous apporter la philosophie sur un problème comme celui de la liberté, etc.  ? Ce sont des questions fondamentales, à la fois un peu désespérantes et passionnantes.

Noam Chomsky : Dans l’ensemble, je suis d’accord avec ce point de vue. Nous ne pouvons pas faire mieux (et surtout dans les domaines de la vie humaine qui nous concernent) que de partir d’une compréhension partielle que nous essayons ensuite d’améliorer. Ça s’est toujours passé ainsi. C’est pour ça que la sphère morale a été étendue au cours des siècles. Encore récemment, l’esclavage était justifié, et ce avec des arguments rationnels. Or, on n’a jamais répondu aux arguments des esclavagistes. L’un de leurs arguments de base était : « Mes travailleurs m’appartiennent, je dois donc m’occuper d’eux, tout comme je m’occupe de ma voiture si elle m’appartient. Mais vous, les industriels, vous louez vos travailleurs, vous ne vous en occupez donc pas, tout comme vous ne vous occupez pas d’une voiture si vous la louez. » On n’a jamais répondu à cet argument, ce qui soulève un nouveau problème : est-il légitime de louer des gens  ? C’est une question encore actuelle qu’on devrait poser, et je pense que si notre sphère morale s’étend, on découvrira qu’il est malhonnête de louer les gens.

Progrès moral

Daniel Mermet : Comment fait-on pour accroître la sphère morale  ?

Noam Chomsky : On étend la sphère morale grâce au genre de luttes et d’engagements qui conduisent à réfléchir plus profondément sur ses croyances personnelles, sur ses croyances véritables, qui sont peut-être cachées. Je pense qu’on apprend bien plus en réfléchissant sur des exemples explicites, concrets, que sur des considérations abstraites. Laissez-moi vous donner un exemple particulièrement touchant et significatif. Au moment de la naissance du mouvement féministe, dans les années 1960 – je parle là des États-Unis –, il y avait parmi les jeunes un mouvement populaire de résistance à la guerre du Vietnam. Certains prenaient d’énormes risques en refusant courageusement la conscription. Et les risques étaient réels. Pour un gamin de dix-huit ans, ce n’est pas une mince affaire de décider « Je vais aller en prison », ou « Je vais m’exiler jusqu’à la fin de ma vie, je ne reverrai jamais mes parents et mes amis, mais je vais le faire parce que je me suis personnellement engagé à m’opposer à cette guerre brutale et meurtrière ».

Il se trouve que les mouvements de résistance reproduisaient les structures de la société extérieure, les hommes étaient donc ceux qui s’occupaient des tâches courageuses et importantes, et les femmes distribuaient les tracts, préparaient les réunions, etc. Et parmi les femmes impliquées dans ces mouvements de résistance, certaines ont progressivement pris conscience qu’elles étaient soumises à une autre forme d’oppression : « Nous sommes supposées lutter contre l’oppression mais, au sein de nos propres structures, nous construisons un système d’oppression. » Chez les jeunes résistants, ça a causé un bouleversement psychologique particulièrement significatif. Pour mener à bien leurs actions courageuses, ils voulaient sentir qu’ils s’appuyaient sur des bases morales stables, mais là ils ont dû reconnaître qu’eux-mêmes agissaient comme des oppresseurs alors qu’ils pensaient combattre l’oppression. C’était suffisamment dur à admettre, si bien que certains ont fini par se suicider.

Mais finalement la reproduction tacite de l’oppression a été dépassée, et on a reconnu que cette forme d’oppression devait effectivement être perçue comme telle pour qu’on puisse ensuite la vaincre. Et ça a conduit à une extension de la sphère morale. Ce genre de choses arrive tout le temps  ; c’est comme ça que la sphère morale s’étend. Je pense que ça signifie que nous en apprenons plus sur notre propre nature morale, que nous apprenons des choses qui demeuraient cachées du fait des circonstances, des conditions historiques, etc.  ; et, en même temps, que nous prenons conscience de ces choses, que nous les percevons, que nous pouvons mieux comprendre la nature de nos intuitions morales et nous comporter de manière plus civilisée.

Au sens large, je pense que c’est ce qui se produit au cours de l’histoire. La régression existe, bien sûr, mais je pense qu’il y a une tendance générale vers la reconnaissance du besoin de protéger et de sauvegarder la liberté et la justice, et de les étendre à des domaines jusqu’alors ignorés.

Daniel Mermet : Jacques Bouveresse, êtes-vous aussi confiant  ?

Jacques Bouveresse : Peut-être pas tout à fait autant. De façon générale, je suis moins optimiste que Noam Chomsky, et je l’envie pour cela d’ailleurs. Dans la préface que je viens d’écrire pour son livre Raison et liberté [12], j’ai terminé en citant Georg Henrik von Wright, qui, dans une critique du « mythe du progrès », parle de ce qu’il appelle l’« optimisme de l’impuissance ». C’est, en gros, l’optimisme des gens qui pensent qu’il suffit de laisser les choses aller dans la direction générale dans laquelle elles vont, en prenant juste quelques mesures limitées. C’est, par exemple, le cas en matière de défense de l’environnement : je suis en général assez déçu, pour ne pas dire plus, par le caractère extraordinairement modeste des quelques mesurettes qu’on consent à prendre dans ce domaine, et encore avec d’énormes difficultés  ; je pense qu’il faudrait réussir à faire nettement plus.

Je suis tout à fait choqué par cet optimisme de l’impuissance qui me semble avoir gagné une bonne partie du monde intellectuel lui-même, lequel, pour l’essentiel, s’accommode très bien du système néolibéral et du règne du marché, et se dit qu’avec quelques changements, plus symboliques que réels, et beaucoup de chance on va éviter le plus grave. J’ai donc énormément d’admiration pour l’optimisme de Chomsky, qui est au contraire, comme j’ai essayé de le dire, un optimisme de la volonté et de l’action.

Daniel Mermet : Il est proche de celui de Bourdieu.

Jacques Bouveresse : Tout à fait.

Daniel Mermet : J’entends Bourdieu, là : « Aie confiance  ! Il suffit qu’on s’y mette  ! »

Jacques Bouveresse : J’ai eu aussi des discussions là-dessus avec Bourdieu, et j’étais moins optimiste que lui. Beaucoup de gens contesteraient que l’humanité ait connu quelque chose qui mérite d’être appelé un progrès moral. On peut être à peu près d’accord sur le fait qu’il a existé quelque chose qui mérite d’être appelé le progrès scientifique et technique  ; mais, dans tous les autres domaines, c’est beaucoup moins clair : il ne semble pas pouvoir être question d’un progrès réel dans les arts ou la littérature  ; et on pourrait débattre longuement sur la question du progrès moral. Pour ce qui me concerne, il me semble difficile de contester qu’il y ait eu, comme vient de le dire Chomsky, une évolution qui correspond à ce qu’on peut appeler une extension de la sphère morale. Toutefois, il est difficile de déterminer dans quelle mesure il s’agit d’un progrès qui est réellement moral.

Freud dit, dans la correspondance qu’il a eue avec Einstein sur ce sujet, que, si nous acceptons de moins en moins l’idée de la guerre (ce qui malheureusement n’empêche pas encore les guerres, et même des guerres particulièrement atroces, d’avoir lieu malgré tout), c’est pour des raisons qui sont plus organiques et « esthétiques » que réellement morales : « Ce n’est pas seulement une répugnance intellectuelle et affective, mais bien, chez nous, pacifistes, une intolérance constitutionnelle, une idiosyncrasie en quelque sorte grossie à l’extrême. Et il semble bien que les dégradations esthétiques que comporte la guerre ne comptent pas pour beaucoup moins, dans notre indignation, que les atrocités qu’elle suscite. [13]  »

Cela étant, quelle que puisse être l’origine exacte de notre répugnance, il est incontestable qu’il y a un nombre de plus en plus grand de choses inacceptables qui ont semblé pendant longtemps parfaitement naturelles et qui ne sont plus acceptées. Les raisons pour lesquelles l’idée de la peine de mort, par exemple, est de moins en moins supportée et la peine de mort abolie dans un nombre de plus en plus grand de pays ne tiennent peut-être pas particulièrement à une évolution de la sensibilité proprement morale. Mais le changement d’attitude qui s’est produit sur ce point n’en correspond pas moins à ce que l’on peut considérer objectivement comme une extension de la sphère morale.

Le fait que nous condamnions la guerre ou la peine capitale parce que notre constitution psychique, et peut-être également organique, a évolué d’une manière telle que nous ne pouvons réellement pas faire autrement n’empêche pas forcément de parler d’un progrès moral. Le concept de progrès moral pose, comme beaucoup d’autres, des problèmes philosophiques très difficiles  ; mais je ne crois pas qu’on soit tenu d’attendre qu’un concept cesse de poser des problèmes philosophiques de quelque nature que ce soit pour pouvoir continuer à l’utiliser. Soit dit en passant, cela vaut également pour le concept de « vérité » : on n’en a pas, à ma connaissance, de définition philosophique réellement satisfaisante, mais cela ne signifie nullement que le concept n’est pas utilisable, et cela n’implique même pas qu’il nous pose des problèmes réellement préoccupants dans l’usage ordinaire.

Mais la question vraiment importante, à mes yeux, est la suivante : si on accepte de parler de progrès moral au sens indiqué, dans quelle mesure provient-il des événements et de l’Histoire, des expériences par lesquelles passe l’humanité, et dans quelle mesure a-t-il sa source dans quelque chose que l’on pourrait appeler la réflexion morale, la science morale et la philosophie morale  ? C’est-à-dire, s’il y a un progrès moral, dans quelle mesure ce progrès dépend-il de ce qui nous arrive et dans quelle mesure d’une connaissance de plus en plus approfondie et étendue de notre nature morale, et en particulier – vous avez, Noam Chomsky, beaucoup insisté sur ce point – de ses composantes innées  ? Les deux choses jouent manifestement un rôle. Quelle place accordez-vous exactement au progrès que nous sommes susceptibles de réaliser grâce à une meilleure connaissance de notre nature morale  ? Faut-il dire que nous prenons conscience de façon plus approfondie et plus exacte de quelque chose qui était déjà là au départ, à savoir notre nature morale réelle, à la faveur des événements, en particulier des événements historiques  ?

Noam Chomsky : J’aimerais juste ajouter, avec ma naïveté et mon désir de simplicité, que ces questions sont bien réelles et cruciales, et qu’elles se posent tout le temps. Ainsi, par exemple, en Europe et aux États-Unis, on se préoccupe de plus en plus de la menace que représentent les étrangers, que nous appelons immigrés clandestins, et qui viennent pour voler notre culture, notre société, nos vies. Qui sont ces personnes affreuses qui nous font ça, à nous  ? Ce sont des gens que nous avons écrasés.

Ma fille, par exemple, travaille avec des clandestins mayas venant des régions montagneuses du Guatemala, et qui ont été victimes d’un véritable génocide dans les années 1980. J’imagine qu’en France vous avez le droit de nier ce génocide, puisque c’est nous qui l’avons commis, et que le principe concernant la négation des génocides est le suivant : vous pouvez nier ceux que nous avons commis mais pas ceux qui ont été commis par d’autres. Ces Mayas sont bien les victimes d’un génocide.

Et quand, pour essayer de survivre, ils viennent dans le pays qui a soutenu et perpétré le génocide, on les qualifie de « clandestins », de non-personnes. De fait, si on regarde la loi américaine, ils sont littéralement qualifiés de « non-personnes » : cela découle d’un amendement à la Constitution, le quatorzième, qui avait pour but l’élimination de l’esclavage  ; il stipule que « personne ne pourra être privé de ses droits sans procédure légale régulière ».

Par conséquent les tribunaux ont dû redéfinir la notion de personne, de sorte qu’elle ne désigne plus une créature de chair et de sang mais un citoyen américain. C’est maintenant entré dans la loi américaine : ces gens ne sont pas des êtres humains. Dans le même temps, les tribunaux ont décidé que les entreprises, qui sont des entités légales fictives, créées par le pouvoir étatique, sont des personnes. En fait, ce sont des personnes bénéficiant de plus de droits que les créatures de chair et de sang.

Voilà les conditions réelles de la culture intellectuelle américaine  ; elles sont si scandaleusement immorales que, si on les révèle au grand jour, les gens en sont profondément indignés. C’est pourquoi la société a besoin d’une classe de gens qu’on appelle « intellectuels », pour qu’ils veillent à nous débarrasser de tout ça.

On retrouve exactement le même phénomène en France, de manière dramatique. Après tout, des gens partent d’Afrique et des colonies pour aller en France, mais pas de France pour aller aux colonies – ou alors seulement pour les vacances. Les raisons paraissent assez évidentes si on jette un coup d’œil à l’Histoire. Il y a quelques mois, un tremblement de terre dévastateur a ravagé Haïti et tué plusieurs centaines de milliers de personnes. On trouve les origines de cette catastrophe dans l’Histoire française. Haïti était la colonie la plus riche au monde, la source d’une bonne partie de la richesse française. Sans entrer dans les détails, la France a réussi, avec l’aide des États-Unis, à faire de la société haïtienne une société où la moindre tempête se transforme en catastrophe. Si une tempête traverse les Caraïbes et frappe Cuba, deux personnes tout au plus mourront. La même tempête traverse Haïti et des milliers de personnes meurent. La France et les États-Unis ont une grande part de responsabilité là-dedans. Il y a quelques années, le président haïtien s’est poliment rapproché de Paris et a demandé des compensations à l’énorme dette qu’Haïti a dû payer autrefois pour avoir commis le crime de s’être libéré de la France. Une commission gouvernementale dirigée par Régis Debray a conclu que cette demande n’était pas recevable. Je pense que ça se situe exactement au même niveau moral que de dire des victimes d’un génocide qu’elles ne sont pas des personnes.

On peut facilement trouver d’autres exemples, qui sont très concrets, très réels. Ce sont là des questions de justice élémentaire, de morale élémentaire, qui comptent au nombre de celles que nous devrions nous poser. On voit bien qu’il n’est pas difficile de trouver des défis moraux qui devraient réveiller nos consciences et nous conduire à réfléchir plus sérieusement à la nature de nos intuitions morales, au genre de créatures que nous sommes, à la nature de nos croyances. Convoquons-les, ne les dissimulons pas  ; et faisons face aux défis avec honnêteté. Je pense que c’est la voie vers un plus haut degré de civilisation.

Savoir et pouvoir

Daniel Mermet : Quand Noam Chomsky est aux États-Unis, il fait la critique de la politique extérieure des États-Unis, mais quand il est en France, il fait la critique de la politique extérieure de la France. Il suffit de le déplacer et il fait la critique de la politique extérieure de chaque pays dans le monde [rires].

Jacques Bouveresse : En ce qui concerne la France et Haïti, ce n’est pas moi qui lui donnerai tort. Simplement, en l’écoutant et en réfléchissant aux exemples qu’il cite, je suis tenté de dire qu’il n’y a pas seulement un phénomène d’extension progressive de la sphère morale, mais il y a aussi des phénomènes de rétrécissement caractéristiques, et le problème est évidemment d’arriver à susciter les réactions morales qui sont indispensables pour provoquer le genre de condamnations morales que les discours et les façons de faire auxquels je pense devraient normalement susciter et ne suscitent pas nécessairement.

N’y a-t-il pas, par exemple, un phénomène de rétrécissement de la sphère morale et des réactions morales élémentaires qui est produit par le fonctionnement de l’économie et le règne universel de la loi du marché  ? Comment peut-on accepter le rôle d’affameurs que jouent une bonne partie des grandes firmes agroalimentaires  ? Comment accepter le comportement des grands laboratoires pharmaceutiques qui rend impossible pour une bonne partie des malades du sida dans le monde de se soigner correctement  ? Comme le dit l’Évangile, il est peu probable qu’on puisse servir réellement Dieu et l’argent, et même simplement l’argent et la morale, mais tout le monde fait semblant de croire plus ou moins qu’on le peut, ce qui signifie qu’il y a au moins une forme d’immoralité qui ne diminue sûrement pas, à savoir l’hypocrisie morale.

Vendredi, dans la discussion qui a suivi son exposé au Collège de France, Noam Chomsky a parlé de la politique en disant que c’était « l’ombre jetée sur la société par la haute finance [the shadow cast on society by high finance] ». Dieu sait si nous sommes confrontés à ce problème, qui est dramatique. La plupart des gens se rendent compte que ce n’est pas tolérable. Mais que font les gouvernements que nous avons élus  ? Parce que, malheureusement, dans les démocraties où nous vivons, c’est nous qui choisissons les dirigeants politiques, au moins jusqu’à un certain point

Quand le désastre a commencé, notre président de la République a constaté solennellement : « Il faut se rendre compte que l’idée de la toute-puissance du marché était une erreur. » Beaucoup de gens savaient évidemment cela depuis longtemps et l’avaient dit clairement, mais lui et les membres de son gouvernement les considéraient comme des arriérés – c’étaient probablement pour eux des gauchistes infantiles ou des marxistes attardés et sectaires. On a parlé à ce moment-là d’une moralisation de la sphère financière et du capitalisme en général. J’aimerais demander à Chomsky ce qu’il pense de cette façon qu’on a aujourd’hui de mettre (ou de faire semblant de mettre) de l’éthique partout, y compris dans les domaines qui sont à première vue les plus étrangers à l’éthique. Il y a aujourd’hui des placements financiers éthiques, des produits alimentaires et industriels éthiques, etc. Mais quand on parle de moraliser une chose comme la haute finance, il faut comprendre surtout que les contrevenants et les délinquants qui y sévissent auront droit simplement à des sermons moraux, peut-être un peu plus vigoureux que d’ordinaire, et que le prix de leurs forfaits sera payé, comme d’habitude, par les plus défavorisés et les plus pauvres. Le fait d’être grugé et exploité n’était déjà pas très agréable  ; mais qu’en plus de cela on se croie autorisé à nous parler de morale, je trouve que cela rend la chose encore plus intolérable.

Noam Chomsky : J’aimerais que l’éthique soit effectivement considérée comme une valeur importante dans la finance et dans d’autres transactions économiques, mais ce n’est pas le cas. Et cela par principe. Dans un système de marché, les acteurs sont censés ignorer les conséquences éthiques. Si, par exemple, vous et moi entamons une transaction sur un marché, mettons que je vous vende quelque chose, nous ne sommes pas censés prendre en compte l’impact sur les autres. Prendre en compte les effets de nos actions sur les autres, c’est de l’éthique élémentaire. Mais dans un système de marché, on vous demande d’être un monstre immoral. C’est la définition même d’un système de marché. Et elle a de graves conséquences.

Prenons le cas le plus extrême : dans les systèmes de marché contemporains, ceux qui prennent les décisions – disons British Petroleum, pour prendre un exemple récent, ou n’importe quelle grosse compagnie – doivent ignorer les effets de leurs actions, sauf pour maximiser les profits. Ils sont censés ignorer ce que les économistes appellent des « externalités » : les choses qui n’entrent pas dans la recherche du profit. Il se trouve que, dans le monde actuel, une des externalités qu’ils doivent ignorer est la survie de notre espèce. Et ce n’est pas une considération abstraite, c’est un problème auquel notre génération, ou la suivante, devra faire face. Et tant que nous acceptons les compromis institutionnels qui nous demandent d’être des monstres immoraux, il est presque sûr que nous détruirons notre espèce. Je ne suis donc pas en train de parler de problèmes mineurs.

Tout ça nous mène à un chapitre intéressant de l’histoire intellectuelle. Le bon sens le plus élémentaire veut que nous prenions en compte les effets de nos actions sur les autres. L’une des tâches des classes intellectuelles est donc d’essayer de changer ça, afin que nous cessions de percevoir et de comprendre ce que le bon sens le plus élémentaire nous dit. En fait, il y a un courant important de la pensée moderne qui essaie de convaincre les gens qu’il est immoral de se préoccuper des autres. On est censé prendre en compte son seul gain personnel  ; et faire attention à ce qui compte pour les autres est immoral. Il n’est pas surprenant que cette tendance cherche à se donner une caution prétendument scientifique.

Une partie de ce qu’on appelle la psychologie évolutionniste essaie de montrer que les processus de l’évolution ont pour conséquence qu’on ne se soucie que de soi, à la rigueur de ses enfants (parce qu’ils ont les mêmes gènes), voire de ses neveux (parce que certains gènes sont les mêmes), mais pas des autres, et que c’est là une conséquence de l’évolution. Il vaut la peine de faire observer que la psychologie évolutionniste est née, en réalité, en faisant la critique du darwinisme social. Son premier ouvrage majeur était L’Entraide : un facteur de l’évolution de Kropotkine. On ne saurait prétendre que la version contemporaine de la psychologie évolutionniste ait des bases scientifiques plus solides que la tentative de Kropotkine pour montrer que l’entraide est un facteur de l’évolution, ce qui signifierait que l’empathie et la solidarité sont des émotions humaines fondamentales – ce qui était effectivement la position défendue par les fondateurs du libéralisme classique, tels qu’Adam Smith ou David Hume. Mais étant donné que ces idées ne conviennent pas pour renforcer les centres de pouvoir et de privilèges contemporains, elles sont marginalisées.

Ce sont des problèmes sur lesquels on devrait attirer l’attention des gens, et, lorsque ce sera le cas, ces problèmes seront considérés comme ce que vous appelez des truismes. Ça signifie que les idées de base sont tellement évidentes qu’une fois révélées au grand jour, les gens les comprendront  ; de la même manière qu’une fois l’oppression des femmes révélée au grand jour, les gens ont pu en prendre conscience, et la vaincre. C’est pourquoi je pense que nous devons en permanence essayer de faire la lumière sur l’obscurité entretenue par les classes intellectuelles quand elles s’occupent de protéger les privilèges et de soutenir le pouvoir. Et lorsqu’on le fait on s’aperçoit effectivement que des idées très simples et limpides peuvent nous rapprocher sensiblement d’une société plus juste, digne et libre. Et en ce moment, ce travail est tellement nécessaire que le sort de notre espèce en dépend, littéralement.

Daniel Mermet : J’aurais bien aimé que nous parlions des relations entre le pouvoir et le savoir, mais nous n’en aurons pas vraiment le temps. Nous avons fait un film sur Noam Chomsky [14], et les spectateurs nous demandent toujours : « Pourquoi avez-vous choisi de travailler sur lui  ? »  ; et nous répondons : « Parce que Chomsky met son savoir non pas au service du pouvoir, comme la plupart des intellectuels, mais au service du contre-pouvoir. » Il y a un pouvoir du savoir, mais très souvent ce savoir est mis au service du pouvoir, et très rarement finalement au service du contre-pouvoir. En France, il y a eu Sartre, on peut citer Bourdieu, on peut remonter à Nizan, etc., mais ce sont des exceptions. Pourquoi est-ce si rare  ?

Jacques Bouveresse : Probablement parce qu’il est beaucoup plus naturel, sinon de se mettre explicitement au service du pouvoir, du moins d’aller dans le sens qui convient à celui-ci. Je suis effectivement frappé par le peu de résistance que suscitent, dans le contexte actuel, les projets et les entreprises du pouvoir. J’ai l’impression tous les jours qu’on devrait être dans un état de révolte constant.

Nous avons eu, dans les années 1960-1970, une intelligentsia de gauche qui était extrêmement contestataire  ; à cette époque-là, pour être un intellectuel digne de ce nom, il fallait être de gauche. Puis tout d’un coup les choses ont changé complètement. Il y a eu un phénomène de ralliement très perceptible, et même assez spectaculaire, de l’intelligentsia, autrefois contestataire, au pouvoir. À moins que ce ne soit sa tendance naturelle, je ne sais pas. Kraus disait que l’état naturel de la presse, c’est la prostitution. C’est excessif  ; mais je dois avouer qu’il m’arrive de me demander si l’état naturel du monde intellectuel n’est pas quelque chose que je ne décrirais certes pas exactement dans ces termes mais probablement pas dans des termes beaucoup plus aimables.

Par conséquent, l’existence de quelqu’un comme Chomsky est une chose qu’on remarque forcément comme une sorte d’anomalie dans la situation actuelle, surtout en France. Orwell a dit qu’il était réconfortant qu’il existe quelqu’un comme Bertrand Russell. Je peux dire, pour ma part, que je trouve réconfortant aujourd’hui, à la place infiniment plus modeste que j’occupe, qu’il existe quelqu’un comme Chomsky.

Noam Chomsky : Je suis bien sûr heureux d’être associé à ces valeurs et ces idées, mais en même temps un peu embarrassé. Car je suis convaincu que, lorsque les nuages auront disparu et que le soleil brillera, ces choses deviendront évidentes pour tout le monde. Il y a une belle expression qu’on utilise parfois, « l’ignorance volontaire ». Une fois qu’on s’est décidé à faire l’effort de sortir de cette ignorance volontaire, je pense que beaucoup de choses deviennent plus claires. Mais il est difficile de franchir le pas. Pendant plus de deux mille ans, dans les domaines de la science les plus simples, les scientifiques ont été disposés à accepter l’explication selon laquelle, si la pomme tombe (quand elle se détache d’un arbre) et si la fumée s’élève, c’est parce qu’elles rejoignent toutes deux leur lieu naturel. Au bout de deux mille ans – ce qui n’est pas rien –, Galilée et d’autres ont décidé de relever le défi de savoir pourquoi ces choses arrivent  ; c’est alors que la science moderne a pris son essor.

Je pense que le même genre d’« ignorance volontaire » nous empêche de nous confronter à des faits assez évidents concernant les rapports sociaux et humains, et que, si nous arrivons à sortir de ces ténèbres et regardons les choses honnêtement et simplement, nous atteindrons rapidement des conclusions convenables sur le genre de choses dont nous avons parlé. Pour se demander « Pourquoi cela se passe-t-il ainsi ? », Galilée n’a pas eu besoin d’une éducation spéciale ou d’un génie particulier. Il lui a juste fallu être intellectuellement honnête. Et c’est une qualité dont tout le monde dispose. Ça signifie qu’on veut se libérer des doctrines conventionnelles imposées de l’extérieur et qu’on se demande : « Pourquoi devrais-je les accepter ? » Et je pense que, dès qu’on se demande « Pourquoi devrais-je accepter ces doctrines  ? » – qu’il s’agisse des immigrés clandestins, de la destruction de l’environnement, du droit des femmes ou de n’importe quoi d’autre –, les réponses viennent assez rapidement. La leçon est donc la suivante : il faut vouloir accepter le défi de l’intégrité morale et intellectuelle. Et si c’est un truisme, ça ne me dérange pas.

 

Entretien réalisé par Daniel Mermet au Collège de France le 31 mai 2010  ; la traduction était assurée par Giv Anquetil et l’enregistrement par les équipes de Là-bas si j’y suis et des Mutins de Pangée. Jacques Bouveresse et Noam Chomsky ont établi la version écrite de leurs réponses sur la base d’une retranscription par Clément Petitjean, qui a ensuite traduit celles de Noam Chomsky.

Paru dans le numéro 44 de la revue Agone, « Rationalité, vérité et démocratie », p. 122-148.

 

 

Voir aussi

À lire

- L’intervention de Noam Chomsky à la Mutualité, le 29 mai 2010

À écouter

- Noam Chomsky à Paris, un extrait de la conférence de Noam Chomsky organisée par le Monde diplomatique à la Mutualité, le samedi 29 mai 2010, suivie d’une rencontre avec Noam Chomsky et Annick Coupé, Agathe Martin, Xavier Mathieu, Dominique Malvaud et Philippe Julien, organisée par Là-bas si j’y suis et les Mutins de Pangée dimanche 30 mai 2010

Notes

[1Hommage à la Catalogne (1938), Ivrea/Champ libre, 1982 ; et Noam Chomsky fait ici référence à Dans la dèche à Paris et à Londres (1933), Ivrea/Champ libre, 1982 et à Une histoire birmane (1934), Ivrea/Champ libre, 1984. [ndlr]

[2Bertrand Russell, The Practice and Theory of Bolshevism, Allen & Unwin, 1920.

[3La première édition française d’Hommage à la Catalogne, traduite par Yvonne Davet, a été publiée dix-sept ans plus tard par les éditions Gallimard sous le titre La Catalogne libre (1955). [ndlr]

[4Jean-Paul Thomas, Le Monde, 20 mai 2010, recension d’Imre Toth, Liberté et vérité. Pensée mathématique et spéculation philosophique, L’Éclat, 2009.

[5Le fondationalisme est la conception selon laquelle l’édifice de la connaissance repose sur le fondement d’une (ou de) vérité(s) de base auto-évidente(s), qui se justifie(nt) elle(s)-même(s) et échappe(nt) à tout doute possible. Dans la philosophie de Descartes, le cogito – « Je pense donc je suis » – est une vérité de base de ce type. [ndlr]

[6« We know much more about what we know than about the way we know it » (Hao Wang, From Mathematics to Philosophy, Routledge & Keegan Paul, 1974).

[7Sur ce débat, lire Jacques Bouveresse, « Bertrand Russell, la science, la démocratie et la “poursuite de la vérité” », supra, p. 74. [ndlr]

[8Lire supra, note 4, p. 81. [ndlr]

[9Bernard Williams, Truth and Truthfulness. An Essay in Genealogy, Princeton University Press, 2002 (Vérité et véracité. Essai de généalogie, Gallimard, 2006).

[10Le « labyrinthe du continu » est l’ensemble des problèmes qui résultent de la divisibilité à l’infini de toute grandeur finie  ; ils sont illustrés par les paradoxes de Zénon (Achille et la tortue, etc.). [ndlr]

[11Dans Sur les limites de la connaissance de la nature (1872), le physiologiste allemand Emil Du Bois-Reymond avait lancé la maxime « ignoramus et ignorabimus [nous ne savons pas et nous ne saurons pas] ». En 1930, le mathématicien Hilbert répliqua : « Pour nous, il n’y a pas d’ignorabimus. […] Nous devons savoir, nous saurons. » [ndlr]

[12Noam Chomsky, Raison et liberté. Sur la nature humaine, l’éducation et le rôle des intellectuels, Agone, 2010.

[13Albert Einstein et Sigmund Freud, Pourquoi la guerre. Correspondance juillet-septembre 1932.

[14Olivier Azam et Daniel Mermet, Chomsky et Cie (2008), et Chomsky et le pouvoir (2009), Les Mutins de Pangée.

 

 

Source : https://la-bas.org/la-bas-magazine/textes-a-l-appui/noam-chomsky-la-verite-dialogue-avec-jacques-bouveresse

 

 

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23 mars 2016 3 23 /03 /mars /2016 14:19

 

Source : http://www.franceculture.fr

 

 

 

La Grande table (2ème partie)

 

Mythologies économiques et mystifications politiques
 
 
 
 
 
Le débat public sur l’économie est-il un débat fermé, fondé sur des mythes ? Comment expliquer la persistance de ces « fausses certitudes » ?
 
Détail de la couverture de « The Economist »  hors-série déc 2012 dessin de Kal

Détail de la couverture de « The Economist » hors-série déc 2012 dessin de Kal Crédits : Gwydion M. Williams

 

 

« On est dans un mélange d’amateurisme et d’idéologie. » E. Laurent

Pour cette seconde partie d'émission, nous recevons l'économiste à l'OFCE, professeur à l'Université de Stanford et à Sciences Po, Eloi Laurent. Dans son dernier ouvrage Nos mythologies économiques publié aux éditions Les liens qui libèrent, il propose de déconstruire quinze idées reçues sur l’économie, qu’il regroupe sous trois grands paradigmes : « le néolibéralisme finissant », « la social-xénophobie émergente » et « l’écolo-scepticisme persistant ». Pour l’interroger à ses côtés, le professeur de science politique à l’université Paris I Panthéon-Sorbonne Frédéric Sawicki.

« L’idéologie de la compétitivité, c’est ce qui a tué l’Europe » E. Laurent

 

Son diffusé : Patti Smith « People Have the Power »

 

Retrouvez ici la première partie de la Grande table en compagnie de la chef d'orchestre Emmanuelle Haïm qui dirige l'opéra "Mithridate" de Mozart. 

Intervenants

  • Eloi Laurent : économiste sénior et conseiller scientifique à l’OFCE, maître de conférence à Sciences-Po
  • Frédéric Sawicki : professeur de science politique à l'Université Paris I Panthéon-Sorbonne

 

Bibliographie

Couverture de Nos mythologies économiques

Nos mythologies économiques Les Liens qui libèrent, 2016 Eloi Laurent

 

 

 

 

 

 

Source : http://www.franceculture.fr

 

 

 

                                                                             *********************

 

 

 

Source : https://la-bas.org

 

 

NOS MYTHOLOGIES ÉCONOMIQUES : rencontre avec Éloi LAURENT [RADIO 38’08]

L’IMPOSTURE DES ÉCONOMISTES

 

 

 

Le

François LENGLET
Juste 100 pages pour démolir ces « MYTHOLOGIES ÉCONOMIQUES » qui dominent depuis une trentaine d’années. Dans le monde politique comme dans les médias, « l’économiste expert » délivre sa sentence indiscutable basée sur une pseudo science, mais qui fait autorité au détriment de l’action politique. Pour Éloi LAURENT, l’économie est une mythologie qui désenchante le monde : elle pollue le débat public de ses fausses certitudes et empoisonne l’esprit démocratique. Nos mythologies économiques sont des mystifications politiques.

 
L’imposture des économistes (extrait)

Éloi LAURENT, économiste, chercheur à l’Observatoire Français des Conjonctures Économiques (OFCE), vient de publier Nos Mythologies économiques, aux éditions Les Liens Qui Libèrent.

Un entretien de Daniel MERMET.


Le clip de Fear the Boom and Bust : a Hayek vs. Keynes Rap Anthem (Craignez l’essor et la chute : une battle rap Yayek vs. Keynes), de John Papola et Russ Roberts, diffusé par econstories.tv :

 

 

 


Les différentes séquences de l’émission :

01. Schizophrènes hétérodoxes contre orthodoxes paranoïaques [07’07]

                                                                                               02. Néolibéralisme, social-xénophobie & écolo-scepticisme [05’53]

03. Impuissance de l’État ? [09’18]

04. Les mythes évacuent le réel [09’44]

05. Le bel avenir de l’État Providence [05’44]


 

 

 

 

 

 

 

Merci à Éloi LAURENT.

Programmation musicale :
- Thierry Stremler : Économie
- John Papola et Russ Roberts : Fear the Boom and Bust : a Hayek vs. Keynes Rap Anthem

entretien : Daniel MERMET
réalisation : Florian LOPEZ et Jérôme CHELIUS
montage : Grégory SALOMONOVITCH
préparation : Jonathan DUONG
 
 
 
 
 
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22 mars 2016 2 22 /03 /mars /2016 17:29

 

Source : http://www.bastamag.net

 

 

Droits sociaux

Les réformes du droit du travail généralisent la précarité partout en Europe

par

 

 

 

 

C’est l’un des principaux arguments des partisans de la réforme du droit du travail en France : les autres Européens l’ont faite, alors nous aussi. L’Italie, l’Espagne la Grèce, le Royaume Uni et plusieurs pays d’Europe de l’est ont facilité les licenciements, la baisse des salaires ou le recours au travail précaire de longue durée. Une bonne partie de ces pays ont mis en œuvre des politiques, contraints et forcés par la Commission européenne et le FMI, en échange de prêts accordés pour éponger leur dette publique, ou d’une adhésion à l’Union européenne. Des réformes réalisées pour le plus grand profit des employeurs et des actionnaires, qui n’ont pas vraiment enrayé la hausse du chômage et de la précarité.

 

À la veille des mobilisations du 9 mars contre la loi travail, François Hollande était en Italie. À ses côtés, le Premier ministre italien, Matteo Renzi, a soutenu la réforme du marché du travail engagée en France en vantant celle qu’il a lui-même réalisée il y a quelques mois, le Jobs act. Cette loi italienne a facilité les licenciements individuels, exonéré de cotisations patronales les nouvelles embauches, et mis en place un CDI à niveau de protection variable. Un nouveau contrat vanté par Matteo Renzi qui s’apparente en fait plutôt à un « nouveau régime de licenciement applicable aux CDI », explique un récent rapport du Conseil d’orientation pour l’emploi [1].

 

C’est l’un des arguments favoris des partisans du projet de loi présenté par la ministre du Travail Myriam El Khomri : les autres pays européens ont réformé leur droit du travail dans le même sens, c’est maintenant au tour de la France de les rejoindre. Une partie des membres de l’UE ont opéré des modifications substantielles dans leur droit du travail ces dernières années. Toutes suivent quelques tendances de fonds : faciliter les licenciements, les rendre moins coûteux pour les employeurs, et affaiblir la négociation collective au profit d’accords d’entreprises, ou du bon vouloir de l’employeur.

 

En Grèce, une période d’essai de... deux ans !

L’Italie, l’Espagne, le Portugal, la Roumanie, la Hongrie… et évidemment la Grèce sur injonction de la Commission européenne, ont largement réformé leur droit du travail. En Espagne, les possibilités de licenciement ont été élargies, leur coût potentiel pour l’employeur réduit, un nouveau contrat a été créé pour les jeunes dans les PME, avec une période d’essai d’un an pendant laquelle aucune justification n’est nécessaire pour les mettre à la porte. En Grèce, le salaire minimum a été abaissé, un nouveau « contrat jeune » créé, avec lequel les moins de 25 ans perçoivent un salaire inférieur tout en devant effectuer une période d’essai de deux ans, et sans que cela n’ouvre le droit à des indemnités chômage à la fin du contrat. Ces réformes grecques, comme les autres modifications du droit du travail mises en place dans le pays, ont été largement imposées par la troïka (Commission européenne, Banque centrale européenne, Fonds monétaire international) en échange des prêts accordés à Athènes pour éponger sa dette publique.

« Les programmes de réformes du droit du travail sont différents selon les pays. Il y ceux qui ont été imposés d’une façon assez claire et publique dans le cadre de la troïka, en Irlande, en Grèce, au Portugal, à Chypre. Mais il y a aussi eu des réformes faites avec moins de publicité, dans les pays de l’Est à la suite de leur entrée dans l’UE. Dans ces cas-là, le Fonds monétaire international a aussi exercé une pression forte pour libéraliser leur marché du travail, souligne Isabelle Schömann, chargée de recherches à l’Institut syndical européen. Par exemple, le programme économique qui a accompagné l’entrée dans l’UE de la Croatie, en 2013, prévoyait que le pays « simplifie ses procédures de licenciements collectifs, élargisse l’éventail d’activités autorisées aux agences d’emploi intérimaires et abolisse la limite mensuelle d’heures supplémentaires [2]. »

« À partir de 2011, le semestre européen s’est mis en place. Ce n’est pas un dispositif aussi contraignant et brutal que la troïka, mais ce système force aussi la main aux pays pour réformer leur droit du travail », poursuit la chercheure. Le semestre européen, dispositif émanant de la Commission européenne, est chargé de surveiller les politiques économiques et budgétaires dans l’UE. En février dernier encore, l’organe critiquait un marché du travail français jugé trop « rigide » où la protection contre les licenciements serait trop élevée [3].

 

Au Royaume-Uni, il faut payer pour aller aux Prud’hommes

« Il y a les pays déjà classés “à législation flexible“ concernant le licenciement, l’embauche ou les contrats précaires. Et il y a d’autres pays où la législation est perçue par la Commission européenne comme trop contraignante. Pour ceux-ci, l’idée est de flexibiliser les lois qui protègent le travailleur qui a un emploi et aussi les règles qui régissent les conditions de travail, sur les aspects de santé et de sécurité par exemple », précise Isabelle Schömann. Concrètement, les réformes des dernières années réalisées à travers l’UE se concentrent sur quelques axes principaux. À chaque fois, la flexibilité tant vantée se fait au profit des employeurs : licenciements plus faciles et moins coûteux, possibilités accrues de déroger aux conventions collectives. Deux piliers qui se retrouvent aussi dans le projet de loi en discussion en France.

Les règles de licenciements ont ainsi été assouplies depuis 2009 en République tchèque, au Portugal, en Espagne, en Slovaquie, au Royaume-Uni, en Estonie, en Grèce, et aussi en Roumanie. Au Portugal, la procédure de licenciement individuel a été simplifiée, les possibilités de licenciement pour inaptitude ont été élargies, et les indemnités de licenciement réduites [4]. Le Jobs act italien rend aussi les licenciements potentiellement beaucoup moins coûteux pour l’employeur. Avec les nouveaux contrats dits « à protection croissante », licencier de manière abusive peut s’avérer onéreux seulement si le salarié a de l’ancienneté. Au Royaume-Uni, les procédures auprès des tribunaux du travail ont même été rendues payantes : les frais pour le salarié s’élèvent à 300 euros environ pour le simple dépôt d’un recours, jusqu’à 1200 euros si l’affaire est inscrite à une audience [5]. Ce qui dissuade évidemment d’autant plus de contester son licenciement.

 

Contrats 0 heures ou neuf ans de CDD ?

Le Royaume Uni a aussi créé un contrat d’un genre bien particulier : les salariés renoncent à leurs droits en échange d’une participation à l’intéressement. Avec ce contrat d’« employé actionnaire », les salariés reçoivent des actions de l’entreprise s’ils renoncent au droit de contester un licenciement abusif et à toute indemnité de licenciement. Outre-Manche, les contrats dits “à 0 heure” sont par ailleurs de plus en plus utilisés depuis 2012. Ce type de contrat n’offre aucune garantie d’horaires, ni de salaire. Le salarié signe pour travailler, mais sans engagement de la part de l’employeur sur le nombre d’heures qu’il va faire dans le mois, ni, en conséquence, sur combien il va gagner. Le travailleur se doit pourtant d’être disponible si on le lui demande. « Les contrats à 0 heure existaient avant la crise, mais ils se sont généralisés depuis », souligne Isabelle Schömann. Plus de 740 000 personnes travaillaient avec ce type de contrat en 2015, trois fois plus qu’en 2012. « En Pologne, il y a même la possibilité de faire travailler des personnes non pas avec un contrat de travail, mais avec un contrat qui relève du code civil, sans aucune protection sociale. »

Ailleurs, les modalités des CDD ont été rendues encore plus flexibles. Les CDD peuvent maintenant durer jusqu’à trois ans en République tchèque, avec une possibilité de renouvellement jusqu’à une durée totale de neuf ans de CDD chez le même employeur ! En Roumanie, les dernières réformes ont poussé la durée maximale de CDD dans la même entreprise jusqu’à cinq ans. La durée maximum des CDD a aussi été étendue, à trois ans, en Grèce et au Portugal, et en Espagne.

 

Précarité partout, baisse du chômage nulle part ?

Le projet de loi El Khomri prévoit de faire passer les accords d’entreprises avant les conventions collectives sur toute une série de sujets, comme le temps de travail. Là encore, c’est une des tendances suivie dans toute l’Europe, en partie sous pression de Bruxelles. Cela s’appelle la « décentralisation » de la négociation... En Espagne, une loi a placé en 2012 l’accord d’entreprise au dessus de l’accord de branche en ce qui concerne les salaires, les heures supplémentaires et la distribution des horaires de travail.

Au-delà, plusieurs pays ont introduit dans leur droit nationaux des possibilités élargies pour les entreprises de déroger tout bonnement aux conventions collectives. Rien qu’entre 2009 et 2012, l’Irlande, l’Espagne, le Portugal, l’Italie l’ont fait. « Cette idée de retirer aux partenaires sociaux la possibilité de fixer les salaires est une constante de la Commission européenne », observe Isabelle Schömann. Résultat : dans les pays qui sont passés par les programmes d’austérité de la troïka, de moins en moins de salariés sont couverts par des conventions collectives. En Espagne par exemple, le nombre de conventions de branche a été divisé par deux entre 2008 et 2013. Le nombre de salariés couverts par ces accords de branche est tombé de 12 à 7 millions seulement [6]. Le nombre de conventions collectives a aussi baissé en Belgique, Bulgarie, Chypre, en Allemagne et en Slovaquie. « Le nord de l’Europe résiste encore à ce type de réforme. Car en Scandinavie, le droit du travail est essentiellement constitué par les conventions collectives. Si vous enlevez ça, il n’y a plus rien, il n’y a pas de loi derrière. »

Mais pourquoi résister, puisque ces réformes sont, selon les recommandations de la Commission européenne, faites pour réduire le chômage et faciliter le développement de l’emploi ? Les réformes engagées dans le Sud de l’Europe depuis la crise de la dette ont-elles permis de réduire significativement le chômage ? En Grèce, le taux de chômage était de 26 % en 2014 contre 18 % en 2011 et 12 % en 2010. Le taux de chômage des moins de 15 ans plafonne toujours à 48 %. En Espagne, le taux de chômage était de 22 % en 2015, toujours au-dessus de son niveau de 2010 (20 %). Et 45 % des jeunes espagnols sont toujours sans travail [7]. Manifestement, les contrats jeunes ultra-précaires mis en place n’ont pas eu l’effet annoncé.

 

Rachel Knaebel

Photo : © Eros Sana

 

 

 

 

 

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22 mars 2016 2 22 /03 /mars /2016 17:05

 

Source : http://www.humanite.fr

 

 

Salariés détachés, salariés sacrifiés
Caroline Constant
Mardi, 22 Mars, 2016
L'Humanité

Chantier de construction de l’EPR, à Flamanville (Manche), où beaucoup d’ouvrier sous payés, voire non rémunérés, se retrouvent à faire « des horaires de forçats ».
Photo : Mychèle Daniau
 
 

Cash Investigation : salariés à prix cassés. sur France 2, ce soir à 20 h 55 Cash Investigation se penche sur la situation scandaleuse des salariés européens détachés, surexploités et sous-payés au mépris de toutes les lois françaises et européennes.

On ne le dira jamais assez : l’arrivée de Cash Investigation dans le paysage médiatique n’en finit pas d‘être une bonne nouvelle. Aujourd’hui, Élise Lucet et ses acolytes dénoncent le phénomène des salariés dits détachés. Soit une réalité sociale qu’on connaît sans la connaître, hélas, dénoncée régulièrement par l’Humanité et l’Humanité Dimanche.

Un « salarié détaché », c’est un salarié européen qui va venir travailler sur un chantier français. Il est censé y être nourri et logé, et toucher un salaire. Ses cotisations sociales sont censées être payées à son pays d’origine. La directive, explique Cash Investigation, existe depuis 1996. Depuis, le nombre de ces salariés a explosé : ils seraient aujourd’hui 230 000 ; 230 000 salariés à vivre dans des conditions indignes, sous-payés, voire pas rémunérés du tout, y compris sur des chantiers d’État. Preuves à l’appui, témoignages face à la caméra, Élise Lucet et ses journalistes démontent, pied à pied, ce système d’esclavage moderne où les ouvriers, beaucoup employés par le BTP, font « des horaires de forçats », et dont les cotisations sociales ne sont pas payées. Autrement dit : ils espéraient trouver de quoi nourrir leurs familles, et quand ils finissent par rentrer chez eux, souvent après plusieurs d’années d’exploitation, leur situation sociale est explosive. Et ces hommes, puisqu’il s’agit beaucoup d’hommes, sont bien amers. D’autant que, pendant ce laps de temps, « l’obligation » d’être logés se résume bien souvent à des mobil-homes absolument pourris. Mais à qui profite cette exploitation ? Qui en tire les ficelles ? Entre les économies réalisées sur les salaires grâce à des montages ahurissants, celles réalisées sur le logement, et le non-paiement de ces cotisations sociales, certains s’en mettent plein les poches. Cash Investigation estime à 11,3 millions le manque à gagner pour l’État français. Élise Lucet épingle ainsi Atlanco, une « multinationale du détachement frauduleux ». Une société fantôme, qui part recruter à l’étranger, qui inonde l’intérim du BTP, mais aussi le secteur agroalimentaire et la métallurgie. Son créateur est un ancien joueur de hockey qui a ainsi amassé une fortune considérable en réduisant ses semblables quasiment en esclavage. La justice, ici et ailleurs, tente de coincer ce fameux Michael O’Shea sans jamais y parvenir. La boîte change de nom, exile ses sous dans des paradis fiscaux. Ne paie évidemment aucun des impôts auxquels elle est soumise. Mais pourquoi avoir recours à ces sociétés, alors ? Là aussi, Élise Lucet et ses enquêteurs montrent un je-m’en-foustime de la part des autorités complètement désarmant. Pour ne pas dire scandaleux et révoltant. Du chef d’un chantier qui construit un méthanier, au chantier de l’EPR de Flamanville, la première réponse est un étonnement feint. La seconde consiste à se protéger par un « je ne savais pas » ou « tout est normal ». Après deux exemples flagrants sur ces chantiers, l’enquête se mène du côté du transport routier. Transport routier complètement démantelé, en France, par l’entrée sur le marché de concurrents moins chers, beaucoup moins chers, et corvéables à merci. Encore une fois. Avec des conséquences en cascade : sur le droit du travail, les rémunérations, l’emploi en France dans le secteur… et le trafic routier.

En bref, on ressort essoré de colère après ces presque deux heures de diffusion. En rage. Mais avec le sentiment que si ce genre de situations était davantage connu, les citoyens pourraient aussi agir sur ce levier. Et faire en sorte que plus jamais on n’admette que sur un chantier, ou ailleurs, se côtoient des situations sociales aussi inadmissibles, que des gars puissent être laissés sans protection. Et que les méchants soient poursuivis, coûte que coûte, puisque désormais… on sait.

 

 

 

Source : http://www.humanite.fr

 

 

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22 mars 2016 2 22 /03 /mars /2016 12:53

 

Source : http://www.humanite.fr

 

 

Loi El Khomri. "La mobilisation du 17 mars a été une réussite"
 
 
Fortes de la réussite de cette journée, les organisations syndicales CGT, FO, FSU, Union syndicale Solidaires, UNEF, UNL, FIDL appellent les jeunes et les salarié-es à poursuivre et amplifier la mobilisation dès le 24 mars prochain, jour de la présentation du projet de loi au conseil des ministres.
 

 

Communiqué CGT, FO, FSU, Union syndicale Solidaires, UNEF, UNL, FIDL

La journée de mobilisation du 17 mars à l’initiative des organisations de jeunesse a été une réussite.

Les jeunes, très concernés par ce projet de loi, se sont fortement mobilisés avec le soutien des organisations de salarié-es.

La preuve est faite que les annonces du Premier ministre pour aménager la loi travail n’ont visiblement pas convaincu et ce malgré l’offensive gouvernementale largement relayée.

Les jeunes doivent pouvoir manifester et se réunir librement. Le gouvernement doit respecter leurs droits et non multiplier les obstacles.

Le débat sur la loi est loin d’être terminé. La réécriture du texte ne touche pas au cœur du projet qui contient toujours de multiples régressions.

Ce nouveau projet de texte ne répond donc pas aux aspirations fortes, exprimées par les jeunes, les salarié-es et les chômeurs pour l’accès à l’emploi et sa sécurisation. La création d’emplois de qualité ne peut pas être synonyme de la casse du code du travail mais nécessite en revanche un changement de politique économique et sociale.

Le gouvernement doit retirer son projet, entendre les propositions alternatives portées par les organisations de jeunesse et de salarié-es et en discuter avec elles.

Fortes de la réussite de cette journée, les organisations syndicales CGT, FO, FSU, Union syndicale Solidaires, UNEF, UNL, FIDL appellent les jeunes et les salarié-es à poursuivre et amplifier la mobilisation dès le 24 mars prochain, jour de la présentation du projet de loi au conseil des ministres.

Ce sera une nouvelle étape avant la puissante journée de grève et de manifestations du 31 mars pour obtenir le retrait de ce projet de loi et conquérir de nouvelles garanties et protections collectives.

VENDREDI, 18 MARS, 2016  HUMANITE.FR

 

Images intégrées 1

 

 
Contre la casse du code du travail : On lâche rien !!
Tous les rassemblements gardois 
- 24 mars à 12h00 à Nîmes Préfecture 
- 24 mars à 12h00 à Ales devant la sous préfecture
- 24 mars à 18h00 Bagnols 18h00 devant le Lycée

- ET LE 31 mars : TOUS EN GRÈVE 

MANIF DEPARTEMENTALE 15h00 à NÎMES

 

 

 

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22 mars 2016 2 22 /03 /mars /2016 12:45

 

Source : http://onbloquetout.org/

 

 

L’appel des syndicalistes contre la loi « travail »

Télécharger l’appel en format PDF

 

 

 

Le projet de loi El Khomri est une insulte au monde du travail. Rarement l’attaque aura été aussi grave. Avec l’inversion de la hiérarchie des normes qui permet aux accords locaux au rabais, obtenus sous la pression, de se substituer aux accords de branche ; en lançant l’offensive contre l’outil syndical avec la promotion des référendums-bidons en entreprise ; en organisant et généralisant la précarité, la flexibilité et en facilitant les licenciements, c’est une dégradation majeure du temps et des conditions de travail de millions de salarié.e.s que prépare activement le gouvernement.

 

À nous de nous préparer tout aussi activement à l’en empêcher ! Tout ce que mérite un tel projet c’est une riposte déterminée et massive des travailleuses, des travailleurs et de la jeunesse. Et pour cela, c’est le blocage de l’économie qui est à l’ordre du jour.

Le 9 mars, nous étions des centaines de milliers à battre le pavé. Pour nombre de salarié.e.s qui composaient la majorité des cortèges, la grève s’imposait. Et depuis le 17 mars, journée nationale de mobilisation appelée par les organisations de jeunesse, des dates de grève dans différents secteurs professionnels sont annoncées ; le 24 mars, nouvelle  journée de mobilisation, le projet de loi sera présenté en Conseil des ministres, avec sans doute quelques effets d’annonces destinés à faire croire que la copie a été revue : nous le disons tout net, le projet de loi n’est ni amendable, ni négociable et seul son retrait, total, s’impose.

 

Enfin le 31 mars, la grève interprofessionnelle est à l’ordre du jour. Cette grève doit être activement préparée et nous pouvons profiter pour ça du calendrier d’action qui se dessine jusque-là pour renforcer la mobilisation. La seule manière de gagner et de faire plier le gouvernement, c’est de bloquer l’économie. Les travailleurs et les travailleuses doivent en effet prendre leurs affaires en mains dans cette lutte et ne doivent pas s’en remettre à des politiciens ou politiciennes qui n’ont que les élections de 2017 en vue. Et pour bloquer l’économie, ce qu’il faut c’est d’abord réussir la grève du 31 mars et préparer sa généralisation et sa reconduction partout où c’est possible dans les jours et semaines qui suivront !

 

Alors nous obtiendrons le retrait du projet de loi El Khomri. Alors nous pourrons préparer la contre-offensive, NOTRE contre-offensive en popularisant des revendications qui permettent de rassembler, sur lesquelles les équipes syndicales pourraient s’engager ensemble, à la base et dans l’unité. La réduction du temps de travail à 32 heures par semaine, sans réduction de salaires, ni flexibilité, sans arnaque à la clef comme l’ont été dans de nombreux secteurs les « 35 heures-Aubry », voilà par exemple ce qu’il est urgent de mettre en avant pour contrer les dégradations des conditions de travail et imposer des créations d’emplois.

 

Tout cela, nous nous engageons à le mettre en débat auprès de nos collègues, dans nos structures syndicales, dans les intersyndicales auxquelles nous participons. Nous sommes certain.e.s que ces préoccupations, nombreuses et nombreux sont les syndicalistes qui les partagent. Quelles que soient les appartenances syndicales, nous les appelons à rejoindre cet appel, à en proposer la signature à leur structure syndicale et à mutualiser les informations sur la mobilisation sur le blog lié à cet appel. C’est toutes et tous ensemble qu’on va lutter, c’est toutes et tous ensemble qu’on va gagner !

 

Signez l’appel ! Syndicalistes, rejoignez-nous ! Signez l’appel : « On bloque tout »

 

Les 100 premier-e-s signataires : Christian Agon (CGT IBM), Eric Amy (CNT Boulanger Hénin Beaumont) Sylvain Apostolo (syndicaliste de la Confédération Paysanne), Enaut Aramendi (LAB), François-Xavier Arouls (Solidaires Groupe RATP), Christine Avenel (CGT Territoriaux Saint-Brieuc), Dominique Bacha (SUD/Sifp Territoriaux du Gard), William Battault (Cheminot CGT Malesherbes), Jérémy Berthuin-Uhl (Solidaires Gard), Claire Bidon (Solidaires étudiant-e-s Paris 8), Dominique Blanch (SNUipp-FSU Aude), Dominique Blivet (SUD Rural Territoires), Nathalie Bonnet (Fédération SUD Rail), Antoine Boulangé (CGT enseignement privé Créteil), Cindy Briguet (CNT Santé-Social CT Lorraine), Martial Chappet (Solidaires Paris), Antoine Chauvel (SNUipp-FSU 72), Nara Cladera (UL Solidaires Comminges), Marie-Anne Clément (CGT éduc’action 41), Philippe Colon (CNT garages Renault groupe GGBA), Quentin Dauphiné (FSU), Cybèle David (SUD éducation 93), Stéphane Degl’innocenti (SUD hôpitaux de Saint-Denis), Laurent Degousée (SUD Commerce), Fabien Delmotte (CNT-Solidarité ouvrière), Etienne Deschamps (CNT-Solidarité ouvrière), Jean-Marc Destruhaut (CGT AXA), Emilie Devriendt (Snesup-FSU), Gaëlle Differ (Fédération SUD PTT), Dominique Dubreuil (CGT retraitée Inspection du travail), Bertrand Dumont (Solidaires Groupe RATP), Jean-Luc Dupriez (UL CGT Carquefou), Peggy Durlin (SUD Crédit Agricole Mutuel), Simon Duteil (UL SUD/Solidaires Saint-Denis), Mohamed El Mahrouss (SUD Hôtellerie-Restauration), Karim Eljihad (Syndicat Local Construction CGT 37), Marius Faure-Brac (Solidaires étudiant-e-s Grenoble), Arnaud Fonteny (SNEP-FSU Loiret), Henri Fourtine (SNASUB-FSU), Rémy Frey (US CGT Commerces et services Gibert Joseph), Philippe Gaser (Union syndicale de la psychiatrie Languedoc-Roussillon), Edouard Gloanec (SUD Santé-Sociaux Gard Lozère), Laurent Godard (Solidaires Draguignan), Guillaume Goutte (Syndicat des correcteurs CGT), Eddy Guilain (UL CGT Douai), Gaétan Helon (Syndicat Etudiant.e.s et Lycéen.ne.s-CGT valenciennois), Hortensia Inès (CNT-SO éducation), Stanislas Jaunet (Cheminot CGT Nantes), Ronan Jeanne (CGT Chômeurs Lorient), Raymond Jousmet (Snes-FSU), Mohamed Khenniche (Solidaires Industrie), Sylvère Labis (syndicat des retraités interpro CGT du Florentinois), Christel Lacaille (SUD Solidaires MATMUT Ile-de-France), Kaou Lampriere (Solidaires Ille-et-Vilaine), Catherine Laurenti (FSU), Isabelle Le Roux-Meunier (CGT Banque de France), Emmanuelle Lefevre (SNUipp-FSU Loire Atlantique), Chantal Legeais (CNT-Solidarité ouvrière du Nettoyage Rhône-Alpes), Jean-Yves Lesage (Syndicat Général du Livre CGT), Philippe Levet (SNUipp-FSU), Claude Lévy (CGT Hôtels de Prestige et économiques), Nathalie Loinsard (CGT Santé Ile-et-Vilaine), Alexis Louvet (CGT RATP Bus), Grégory Marchand (CGT éduc’action 92), François Marchive (Solidaires Isère), Cathy Menard (SUD Culture-Solidaires Loiret), Bruno Menguy (CNT-Solidarité ouvrière Hôtellerie-Restauration Paris), François Millet (SNU Pôle Emploi FSU), Marie-Line Mongin (SUD Santé Sociaux Rhône), Franck Monvoisin (CNT-Solidarité ouvrière de la Société Oent nettoyage), Grégoire Nadin (SNTRS CGT), David Nimeskern (CNT usine Renault SOVAB Batilly), Hélène Ohresser (Solidaires Bouches-du-Rhône), Louise Paternoster (SUD éducation 93), Ramón Pino (Syndicat parisien des diffuseurs de presse CGT), Julien Plaisant (Solidaires Val-de-Marne), Thierry Porré (Syndicat des correcteurs CGT), Jeronimo Prieto (LAB), Yves Quignon (UL CGT Douai), Hugo Reis (Fédération SUD PTT), Eddy Reyes (CGT Cheminots 30), Valérie Richard (CFDT Décathlon Lorraine), Julien Rodrigues (CGT Services Publics), Théo Roumier (Solidaires Loiret), Olivier Sagette (CGT Paris – Banques), Mathieu Santel (SUD Aérien), Eric Santinelli (Fédération SUD Rail), Marie-Paule Savajol (CGT éduc’action Orléans-Tours), Jérôme Schmidt (Fédération SUD énergie), Frédéric Siméon (CNT Wolters Kluwer France), Eric Sionneau (Solidaires Indre-et-Loire), Pierre Stambul (FSU), Damien Steiner (CGT Cultura), Stéphane Thiel (CNT garages Renault groupe GGBA), Vincent Touchaleaume (STEG UTG Cayenne, Guyane), Julien Troccaz (Solidaires Savoie), Sylvie Vénuat (SNICS-FSU Loiret), Olivier Vinay (FSU), Elise Vinauger (section SUD éducation Université d’Orléans), Christian Zueras (CGT Haute-Pyrénnées)…

 

 

Source : http://onbloquetout.org/

 

 

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22 mars 2016 2 22 /03 /mars /2016 11:57

 

Transmis par l'un d'entre nous et relayé ci-dessous

 

 

https://blogs.mediapart.fr/alfred-leclercq/blog/180316/le-foll-ma-tuer
 

 


Où l'on apprend que Sofiprotéol l'entreprise de Mr Beulin (patron de la Fnsea) est quasi entièrement financée par des aides publiques, avec très très gros bénéfs en plus (investissements de l'ordre de 500 millions d'€, subventions de l'ordre de 3 MILLIARDS ! presque entièrement captées par Sofiprotéol).

Et M. Beulin (et ses semblables) de nous baratiner sur la libre entreprise, le patron qui crée courageusement des emplois, innove, modernise, va de l'avant vers le progrès...est injustement entravé par la rigidité du Code du Travail, les pesanteurs sociales, trop d'impôts et des lois tatillonnes...

Pauv' chou !

C'est l'impôt qui lui permet de rouler en Rolls (ou voler en Falcon), les lois qui permettent sa fortune sont votées à cause des pesanteurs sociales qui font que ce sont toujours les mêmes qui sont élus, car financés par des Beulins pour ce faire et rédigeant donc des lois en faveur des Beulin. Comme il est dit dans le billet: bel exemple d'économie circulaire! Probablement la seule que ces connards seront capables de mettre en place.

Et dans le cas des Beulin de l'agro alimentaire, c'est pour nous faire ingurgiter çà : https://www.youtube.com/watch?v=SFdCilK0FrU

 

 

Menteurs, voleurs et de plus...assassins. Même peint en vert (bio-carburant, ferme solaire, alicaments etc..) le capitalisme pue.

Que se vayan todos! (et c'est plutôt gentil...)

Grenouille Cuite

 

 

                                                                   *********************

 

 

Source : https://blogs.mediapart.fr/alfred-leclercq/blog/180316/le-foll-ma-tuer

 

 

Le Foll m'a tuer

 

 

 

Monsieur Le Foll est ministre, son ministère s’appelle ministère « de l’agriculture » là où il devrait s’appeler ministère « d’une agriculture destructrice imposée par la FNSEA ». Aujourd’hui, il ne craint même plus de s’afficher en tant que supplétif de la FNSEA pour que le massacre des pollinisateurs continue.

 

                                       Le Foll m’a tuer

 

                         

  mais il ne remplacera pas les pollinisateurs par des beulinisateurs

 

 

Monsieur Le Foll est ministre, son ministère s’appelle ministère « de l’agriculture » là où il devrait s’appeler ministère « d’une agriculture destructrice imposée par la FNSEA ». Monsieur Le Foll communique sur la renaissance d’un projet agroécologique pendant qu’il participe à la destruction de l’élevage à l’herbe et au développement d’un élevage intensif concentrationnaire qui peut être qualifié « d’erreur de la nature » ou plutôt « d’horreur de la nature ».

Aujourd’hui, il ne craint même plus de s’afficher en tant que supplétif de la FNSEA pour que le massacre des pollinisateurs continue.

En légalisant l’épandage de produits assassins, Le Foll méprise le Droit de chacun de vivre dans un environnement sain.

 

30 janv. 2012: La Cour des comptes vient de publier un rapport thématique sur la filière agrocarburant en France qui occupe dorénavant 6% de la surface agricole utile (SAU) 

En 2011, l’exonération fiscale partielle dont bénéficient les agrocarburants a totalisé 480 millions d’euros, s’ajoutant à un montant estimé à plus de 2,6 milliards d’euros pour la période 2005- 2010, dont 1,8 milliards d’euros rien que pour le biodiesel. La Cour des comptes pointe la situation quasi monopolistique de Sofiproteol sur le biodiesel, qui lui a permis de capter l’essentiel du montant correspondant à cette niche fiscale, et évoque à cet égard un « effet d’aubaine » et une « rente de situation ». En effet, ce soutien financier massif a plus que généreusement couvert les investissements réalisés, que la Cour des comptes évalue à environ 500 millions d’euros au cours de cette période ! 

Qui dirige Sofiprotéol: M. Beulin qui est Président de la FNSEA et comme c’est un gentil, il entretient de bons rapports avec tous les ministres de l’agriculture. Un bel exemple « d’économie circulaire ». Une expression fait entrer M.Beulin en catalepsie: agriculture bio. Dans la vie il y a ceux qui pensent et ceux qui croient.M.Beulin croit que son modèle est le seul possible. C’est une croyance qui comme toutes les croyances n’a pas besoin de justifications. Il serait bien en peine de justifier ses affirmations et donc il se comporte en grand inquisiteur en particulier envers les agriculteurs qui deviennent des hérétiques s’ils n’appliquent pas les recettes de la FNSEA.

M.Beulin oeuvre intensément pour une extension de l’utilisation des agrocarburants, pour les produire il faudrait augmenter la SAU. Au détriment de quoi? Pas des céréales arrosées par notre eau et notre argent de la PAC. Non, haro sur les prairies.

La loi parle de pollueurs payeurs, mais la réalité est aux pollueurs payés (en autre les pratiquants de cette agriculture désuète) et aux pollués payeurs (la masse des citoyens).

Le modèle actuel pollue l’eau, l’air, il détruit les sols, il menace la santé de l’homme (au premier plan celle des travailleurs) et plus généralement de la biodiversité, il détruit l’agriculture vivrière de certains pays. Faut il continuer jusqu’à la catastrophe ultime?

Le problème a commencé le jour où on a cessé de considérer les productions agricoles comme des productions de la nature, et que sans elle, avec l’aide des agriculteurs, il ne serait pas possible de nourrir l’humanité. 

Le problème a continué quand on est passé d’un système où les espèces animales et végétales étaient adaptées aux milieux, à un système où on a voulu adapter les milieux aux espèces. Les milieux étant très divers, le nombre d’espèces était important. Par exemple dans les rizières en étages, chaque versant et presque chaque niveau avaient une espèce bien adaptée. Et chaque paysan avait la connaissance et la propriété de ces espèces. Ce savoir vernaculaire est une horreur pour le capitalisme qui déteste tout ce qui est gratuit.

Le problème a continué quand on est passé d’une production adaptée aux besoins des humains, à une volonté d’imposer aux consommateurs les produits issus de cette agriculture. Comme ces fruits d’un bel aspect extérieur mais bourrés de pesticides, insipides, ayant perdus l’essentiel de leur potentiel nutritif.

Il a donc été décidé de sélectionner quelques variétés et d’en améliorer les qualités, mais  quelles qualités? La productivité est elle le critère le plus adéquat? Les règles de la biodiversité sont sans appels: le développement d’un caractère se fait au détriment d’un autre et les effets négatifs ne sont pas toujours immédiats et prévisibles. Mais surtout pousser un caractère « dans ses retranchements » entraine une fragilisation globale surtout si le milieu n’est pas adapté. A partir de là la débauche de béquilles: engrais, pesticides pour les plantes, antibiotiques et anxiolytiques pour les animaux. Et surtout, peut être la priorité pour certains s’accaparer la propriété d’espèces appartenant à tous. Ont ils inventé le blé, le maïs…la vache, le porc….Ils nous volent ce qui nous appartient.

Cette agriculture dite conventionnelle dominée en amont par les semenciers, les chimistes, en aval par l’industrie de transformation et les distributeurs écrase les paysans, les réduit au rôle d’exécutants. Cette agriculture folle disparaitra. Mais pas d’erreur, elle ne disparaitra pas simplement en supprimant les intrants, les espèces n’y survivraient pas, c’est toute la philosophie de l’agriculture qui doit être repensée, cela prendra du temps, ce n’est une révolution mais une métamorphose qu’il faudra mettre en place. Soyons certains que la bête ne se laissera pas faire, les millions vont pleuvoir pour circonvenir des dirigeants et leur servir des « vérités » plus belles les unes que les autres. Les marchands de doutes ont encore de beaux jours devant eux. Qui a oublié ces belles phrases:

 « l’environnement ça suffit » ou « les vrais écologistes sont les agriculteurs »

qu’il est bon de se faire applaudir par la FNSEA ou le MEDEF. Faut il parler de MEDEFNSEA?

 

 

 

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Source : https://blogs.mediapart.fr/alfred-leclercq/blog/180316/le-foll-ma-tuer

 

 

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21 mars 2016 1 21 /03 /mars /2016 21:15

 

Source : http://www.rtbf.be

 

 

 

Des dizaines de milliers de personnes à Bruxelles pour des alternatives à l'austérité

 

 

Mis à jour le dimanche 20 mars 2016 à 16h19

 

Des milliers de manifestants à Bruxelles pour des alternatives à l'austérité - © NICOLAS MAETERLINCK - BELGA

 
La deuxième Grande Parade organisée dimanche par les mouvements citoyens Tout Autre Chose et Hart Boven Hard a été guidée par un "sentiment d'unité". L'organisation néerlandophone a comptabilisé 25 000 personnes, la police 14 000, et le chiffre de 35 000 participants était également évoqué au cours de l'après-midi par de nombreuses organisations participantes.

Derrière le slogan du rassemblement, "Nous sommes le courant", se trouvaient également des slogans tels que "Arrêtez l'injustice, pas les gens", "La pauvreté n'est pas un choix" ou encore "Sauvons notre planète". Des ballons en forme de cœur survolaient la parade.

Le long du parcours, qui se situait autour du canal de Bruxelles, différents groupes musicaux invitaient le public à danser et chanter.

Des dizaines d'organisations étaient présentes, parmi lesquelles le CNCD-11.11.11. "Après la question des économies l'an dernier, il est venu le temps de chercher des alternatives. Visiblement, le sujet mobilise, et c'est très bien. L'alternative doit porter plus d'attention à la solidarité internationale", selon Bodgan Vanden Berghe, du 11.11.11.

Le syndicat socialiste était également de la partie. Pour la CGSP Cheminots, participer à la parade était une évidence. "Hart Boven Hard/Tout Autre Chose s'affirme en faveur des transports en commun, donc nous soutenons leur manifestation", avance Brecht Vandermeiren, porte-parole de l'ACOD spoor.

Les organisateurs de la Parade espèrent que le signal est bien parvenu aux leaders politiques. "Cela montre qu'une croissance inférieure à 3% du PIB n'empêche pas les gens de dormir. Ce dont ils ont vraiment envie aujourd'hui c'est d'un environnement sain et l'opportunité d'avoir une vie décente. Le progrès signifiera bientôt autre chose que croissance économique", estime Wouter Hillaert de Hart Boven Hard.

Groen, tout comme Ecolo, a également arpenté le canal bruxellois. "C'est bien d'entendre les gens réclamer bruyamment des alternatives en termes de démocratie, d'économie et de climat", a déclaré Bart Dhondt, le président de Groen Brussels.

En un an et demi d'existence, Tout Autre Chose et Hart Boven Hard ont construit un vaste réseau. Ils veulent désormais travailler sur le développement d'alternatives et renforcer leur 25 bureaux locaux avant de penser à une troisième Grande Parade

Tout Autre Chose avait rassemblé pas moins de 17 000 personnes l'an dernier lors de La Grande Parade. 

Entre 14 000, selon la police, et 35 000 personnes, selon les organisateurs, paradent dans les rue de Bruxelles ce dimanche. Le mouvement citoyen Tout Autre Chose organisait, pour la seconde fois, une grande marche dans les rues de Bruxelles.

Plusieurs milliers de personnes se sont rassemblés à la gare de Bruxelles-Nord où le départ du cortège a été donné à 14 heures. 

 

 

Source : http://www.rtbf.be

 

 

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