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14 avril 2016 4 14 /04 /avril /2016 23:47

 

Source : http://reporterre.net

 

 

« Il faut cesser de dire ce que nous ne voulons pas pour commencer à dire ce que nous voulons »

14 avril 2016 / Entretien avec Frédéric Lordon
 


 

Comment Nuit debout pourrait-il éviter les écueils rencontrés par Occupy Wall Street aux États-Unis et le 15-M en Espagne ? En élargissant la base de la contestation, explique l’économiste Frédéric Lordon, et en dépassant le stade de la revendication pour dessiner un nouveau cadre, résumé dans la formule : « Non à la loi et au monde El Khomri. »

Frédéric Lordon est économiste et philosophe. Il est une des figures intellectuelles du mouvement de la Nuit debout. L’entretien a été réalisé par Il Manifesto, le quotidien communiste italien, et reproduit sur Reporterre avec l’accord de Frédéric Lordon.


Quelle est l’origine du mouvement Nuit debout et quelles en sont les racines politiques ?

Frédéric Lordon — Au départ de ce mouvement, il y a le film de François Ruffin Merci patron ! Ce film raconte l’histoire d’un salarié licencié de LVMH pour qui Ruffin et son équipe réussissent à soutirer 40.000 euros à Bernard Arnault, l’un des plus grands patrons de France, et à le contraindre à réintégrer le salarié en CDI dans le groupe ! Ce film est tellement réjouissant et donne une telle énergie que nous sommes quelques-uns à nous être dit qu’il ne fallait pas la laisser perdre, qu’il fallait en faire quelque chose. Nous nous sommes dit, surtout, qu’il y avait peut-être là comme un détonateur. La situation générale nous semblait très ambivalente : sombre et désespérante à de nombreux égards, mais en même temps très prometteuse : saturée de colères et en attente de ce qui allait les faire précipiter. Le film pouvait être le catalyseur de ce précipité. Nous avons donc organisé une soirée fin février pour débattre de ce que nous pouvions faire à partir de ce film, et de ce que nous pouvions faire tout court. Il nous est apparu que le jeu institutionnel partidaire étant irrémédiablement sclérosé, il fallait un mouvement d’un autre type, un mouvement d’occupation où les gens se rejoignent sans intermédiaire, comme il y a eu OWS [Occupy Wall Street] aux États-Unis et 15-M [le mouvement des indignés] en Espagne. L’idée est partie d’une projection publique du film place de la République, à Paris, et puis d’y agréger toutes sortes de choses. Là-dessus, la loi El Khomri arrive, qui donne un formidable supplément de nécessité et d’élan à notre initiative. Le mot d’ordre est alors devenu : « Après la manifestation, on ne rentre pas chez nous. » Et nous sommes restés.

En Italie, la faible bataille contre le Jobs Act [la réforme du marché du travail réalisée par Matteo Renzi, le président du Conseil italien] a été complètement fragmentée : précaires en CDD (ou pire) et travailleurs « autonomes » ont manifesté, assez peu, mais surtout divisés. Pourriez-vous nous expliquer le cœur mais aussi la nécessité d’une « convergence des luttes » ?

Vous faites vous-même la réponse à votre propre question. Tant que les luttes restent locales, sectorielles et dispersées, elles sont certaines d’être défaites ou d’avoir à recommencer éternellement. Tout notre travail consiste en permanence à chercher le dénominateur commun à toutes les luttes pour leur donner la force du nombre. On peut alors très facilement rassembler ainsi les salariés — et de toutes conditions, même les cadres —, les chômeurs, les précaires, mais aussi les étudiants et les lycéens, qui sont les futurs précaires. Mais on peut aussi toucher, par exemple, les agriculteurs qui, s’ils ne sont pas des salariés, n’en ont pas moins à souffrir de la logique générale du capital. Ou bien, pour les mêmes raisons, ceux qui, comme les zadistes de Notre-Dame-des-Landes, s’opposent à des projets d’aménagements locaux absurdes, dictés uniquement par des logiques économiques aveugles. Nous avions surtout à cœur de faire se rejoindre et se parler des fractions de la gauche qui se tiennent ordinairement séparées et se regardent avec une certaine méfiance. En gros, d’une part les militants de centre-ville, jeunes, à niveau relativement élevé de capital scolaire et culturel, assez souvent intellectuels précaires et, d’autre part, les classes ouvrières syndiquées dont les traditions de lutte sont extrêmement différentes. Or cette jonction est décisive pour la puissance d’un mouvement social. Et plus décisive encore la jonction avec la jeunesse ségréguée des banlieues, qui a ses colères et ses luttes propres, mais que les deux autres blocs ignorent complètement. Je dis que cette jonction est la plus décisive car le jour où elle sera faite, alors oui, vraiment, le gouvernement tremblera : c’est qu’à ce moment-là, le mouvement sera irrésistible.

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Frédéric Lordon lors d’un débat public avec David Graeber, à Paris, mardi 12 avril.

Vous dites « nous ne revendiquons rien » car l’objet des toutes récentes revendications n’était que des miettes. Par un renversement, la revendication devient affirmation… mais de quoi exactement ?

Toute notre entreprise vise à changer la logique des luttes. Évidemment, il faut continuer de revendiquer partout où il y a lieu de le faire ! Mais il faut avoir conscience que revendiquer est une posture défensive, qui accepte implicitement les présupposés du cadre dans lequel on l’enferme, sans possibilité de mettre en question le cadre lui-même. Or il devient urgent de mettre en question le cadre ! C’est-à-dire de passer non plus à la revendication mais à l’affirmation du cadre que nous voulons redessiner. Pour le coup, il n’y a personne auprès de qui nous pourrions « revendiquer » un autre cadre. C’est à nous de nous emparer de cette question et de le faire ! Voici alors comment nous articulons revendication et affirmation : nous disons « non à la loi et au monde El Khomri ». Nous revendiquons contre la loi mais nous affirmons que nous voulons un autre monde que celui qui réengendre sans cesse des lois comme celle-là. Tant que nous resterons dans le seul registre revendicatif, nous n’en finirons pas de devoir parer les coups les uns après les autres dans ce registre exclusivement défensif où le néolibéralisme nous a enfermés depuis trois décennies. Il faut passer à l’offensive, et passer à l’offensive, c’est cesser de dire ce que nous ne voulons pas pour commencer à dire ce que nous voulons.

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Sur la place de la République, le 13 avril

Podemos, en Espagne, répète qu’il ne faut plus parler de gauche et de droite, mais plutôt de bas et de haut, de 1 % contre le 99 %. Etes-vous d’accord ?

Je suis en désaccord complet avec cette ligne de Podemos. En France, les dénégations du clivage droite-gauche ont de très mauvais échos. On entend ça soit dans la bouche de ce que j’appelle la droite générale, à savoir la droite classique et cette nouvelle droite qu’est le parti socialiste — la droite générale, si vous voulez, c’est le parti indifférencié de la gestion de la mondialisation néolibérale —, soit à l’extrême-droite. En France, quelqu’un qui dit qu’il n’est « ni de droite ni de gauche » est immanquablement de droite, ou finira à droite. De même, je ne pense pas que les inégalités monétaires — à partir desquelles Podemos reconvertit le clivage droite/gauche en clivage 1 %-99 % — soit un thème politiquement très tranchant. Le thème des inégalités est d’ailleurs en train de devenir une espèce de consensus mou — on y retrouve jusqu’à l’OCDE et le journal libéral The Economist

La vraie question n’est pas celle des inégalités de revenus ou de fortune, c’est la question de l’inégalité politique fondamentale qu’instaure le capitalisme même : les salariés vivent sous des rapports de subordination et d’obéissance. Le rapport salarial, avant d’être au principe d’inégalités monétaires, est un rapport de domination, et ceci est le principe d’une inégalité fondamentale qui est une inégalité politique. C’est bien de cela, les gens l’ont parfaitement compris, qu’il est question avec la loi El Khomri : cette loi approfondit comme jamais l’arbitraire souverain des patrons, qui peuvent désormais faire exactement ce qu’ils veulent de la force de travail.

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Sur un mur, rue de Buzenval, à Paris, en avril 2016

C’est ça, la vraie question : la question de l’empire du capital sur les individus et sur la société tout entière. Et c’est cela la gauche : le projet de lutter contre la souveraineté du capital. Évacuer l’idée de gauche au moment où la lutte doit se radicaliser et nommer ses vrais objets — le salariat comme rapport de chantage, le capital comme puissance tyrannique — c’est à mon sens passer complètement à côté de ce qui est en train de naître après des décennies de matraquage néolibéral, et au moment où les gens sortent du KO pour commencer à relever la tête. Et c’est par là, j’en ai peur, commettre une erreur stratégique considérable.

Même si on pense à une « mobilisation permanente », pour renverser le rapport entre capital et salariat, il faut un pouvoir sur les ressources et une énorme participation à un projet de gouvernement. La mobilisation Nuit debout doit-elle aspirer à être constituante ?

C’est ce que je crois fondamentalement...

 

*Suite de l'article sur reporterre

 

 

Source : http://reporterre.net

 

 

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14 avril 2016 4 14 /04 /avril /2016 23:11

 

Source : http://www.ldh-france.org

 

 

 

 

Le parlement européen a adopté aujourd’hui[1], jeudi 14 avril, la directive sur le secret des affaires. Cette directive, censée protéger les entreprises contre l’espionnage industriel, a été élaborée en toute opacité par la commission européenne, à la demande et avec l’aide considérable de quelques multinationales françaises et américaines[2]. Elle introduit une nouvelle définition, le secret des affaires, aux contours tellement larges que toute information interne à l’entreprise peut potentiellement en faire partie. Surtout, la directive permet aux entreprises de poursuivre tous ceux, journalistes, syndicalistes, lanceurs d’alertes ou salariés utilisant leurs informations acquises sur leur lieu de travail, qui révèleraient un secret d’affaire. Les exceptions supposées protéger les libertés sont très insuffisantes : leur adaptation en droit national variera en fonction des Etats, et il reviendra au juge de faire la part des choses entre la protection de ces libertés d’une part, et la défense des intérêts économiques d’autre part. La charge de la preuve est inversée : Les entreprises devront seulement prouver qu’elles n’ont pas autorisé l’obtention, l’usage ou la publication du secret d’affaire concerné tandis que les citoyens devront démontrer au juge qu’ils ont agi de façon compatible avec une des exceptions prévues. La simple perspective des poursuites sera une intimidation permanente pour tous les enquêteurs ou lanceurs d’alerte potentiels, sans parler de l’effet au quotidien sur la mobilité des salariés et de la possibilité d’accéder à des informations d’intérêt général sur la toxicité des produits sur le marché.

Plus de 270 000 citoyens avaient pourtant appelé les eurodéputés à rejeter cette directive en deux semaines dans une pétition[3], ainsi qu’une coalition européenne de 54 ONG et organisations syndicales.

Au lendemain de l’affaire Panama Papers, et à la veille du procès d’Antoine Deltour et d’Edouard Perrin au Luxembourg, c’est un texte protégeant les lanceurs d’alertes et imposant la transparence aux multinationales que le parlement européen aurait dû adopter. Au contraire, avec cette directive, le parlement européen a l’inconscience de créer un nouveau droit à l’opacité pour les multinationales et fragilise encore les contre-pouvoirs.

Manifestement, les eurodéputés n’ont pas compris les enjeux et les dangers du texte qui leur était soumis. Ce vote, intervenu au pas de charge le lendemain d’un débat expédié en moins d’une heure dans un hémicycle quasi vide, interroge le fonctionnement démocratique de l’Europe et la capacité de ses institutions à défendre l’intérêt général. C’est un triste jour pour ce qu’on pouvait encore espérer de la démocratie européenne. Il y a urgence à ce que les citoyens européens reprennent le pouvoir qui leur est confisqué. Gageons que si ces institutions européennes-là ne les défendent pas, ils leur reprendront bientôt cette prérogative. Ce vote fait reculer les libertés mais notre combat ne s’arrête pas. Nous continuerons à mener campagne à tous les niveaux contre cette directive. Dans le cadre de sa transposition par les Etats membres, comme dans celui de la jurisprudence européenne. Ce que les institutions européennes ont fait, elles peuvent le défaire, et comme dit l’adage populaire, « il n’y a que les imbéciles qui ne changent pas d’avis ».

 

Liste des membres de la coalition européenne

Anticor, Association Européenne pour la Défense des droits de l’Homme, ATTAC Spain, ATTAC France, Asociación Libre de Abogadas y Abogados, Centre national de coopération au développement CNCD-11.11.11, Correctiv.org, Germany, BUKO Pharma-Kampagne, CCFD-Terre Solidaire, CFDT Journalistes, CGT Ingénieurs, Cadres et Techniciens (UGICT-CGT), Collectif Europe et Médicament, Collectif de journalistes “Informer n’est pas un délit”, Comité de soutien à Antoine Deltour, Commons Network, Corporate Europe Observatory, Courage Foundation, Deutsche Gewerkschaftsbund (DGB, Confédération des Syndicats allemands), Ecologistas en Acción, EcoNexus, European Network of Scientists for Social and Environmental Responsibility (ENSSER), European Public Health Alliance, Fédération Syndicale Unitaire (FSU), Fondation Sciences Citoyennes, Force Ouvrière-Cadres, Genewatch, GMWatch, Health Action International, Health and Trade Network, Inf’OGM, Institut Veblen, International Society of Drug Bulletins, La Quadrature du Net, Les économistes atterrés, Ligue des Droits de l’Homme, Observatoire Citoyen pour la Transparence Financière Internationale (OCTFI), OGM Dangers, Peuples Solidaires, Nordic Cochrane Centre, Pesticides Action Network Europe (PAN-Europe), Plateforme Paradis Fiscaux et Judiciaires, Public Concern At Work, Solidaires, SumOfUs, Syndicat des Avocats de France (SAF), Syndicat National des Chercheurs Scientifiques (SNCS – FSU), Syndicat National des Journalistes (SNJ), Syndicat National des Journalistes CGT (SNJ-CGT), Syndicat des journalistes CFDT, Syndicat de la Magistrature, Tax Justice Network, Transparency International France, WeMove.eu, Whistleblower-Netzwerk e.V., Germany, Xnet

 

 

[1]Les votes étaient les suivants: gauche (GUE) contre, Verts contre, Socialistes pour (moins peut-être certains courageux), les libéraux (ALDE) seraient divisés, les conservateurs (PPE) pour, les Conservateurs et Réformistes (ECR, essentiellement les conservateurs britanniques) pour à quelques exceptions, le groupe « libertés et démocratie directe » (EFDD – mouvement 5 étoiles italien et indépendantistes britanniques), contre, et le groupe « Europe des Nations et des Libertés » (EFN – Front National français et alliés), pour.

[2] http://corporateeurope.org/power-lobbies/2015/04/towards-legalised-corporate-secrecy-eu

[3] http://info.pollinis.org/notoxicbizsecrets-fr/

https://act.wemove.eu/campaigns/les-lanceurs-d-alerte-en-danger

 

 

Source : http://www.ldh-france.org

 

 

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14 avril 2016 4 14 /04 /avril /2016 21:49

 

Source : http://www.humanite.fr

 

Nuit Debout. Réécrire la Constitution, par tous et pour tous
Aurélien Soucheyre
Jeudi, 14 Avril, 2016
L'Humanité

 

 
Au neuvième soir, sur la place parisienne, plusieurs centaines de personnes pensent, échangent et débattent.
Photo : Romain Beurrier/REA

Plongée au cœur de l’un des ateliers organisés place de la République, à Paris, et qui invite à réécrire collectivement la loi fondamentale, pour garantir pouvoir au peuple et faculté de réfléchir librement.

En cercle, comme autour du feu, un groupe s’assoit à même le sol, place de République, pour démarrer l’un des innombrables débats qui font vivre Nuit debout. Sur une petite sono, cette pancarte : « Atelier constituant dans un lieu public ». Et c’est parti pour deux heures de conversation autour de cette question : comment réécrire la Constitution de notre République ? D’emblée, les échanges partent sur la crise de la représentativité politique. Comment contrôler les élus, comment empêcher qu’ils trahissent leur parole pour gouverner sans nous ? « La démocratie est fictive. Les élus volent à la fois le pouvoir et la légitimité du pouvoir au peuple », lance un participant. « Moi je veux virer les députés », enchaîne un autre. Une dame prend la parole : « La représentativité n’est pas mauvaise en soi. L’enjeu n’est pas de virer les députés, mais de mieux les encadrer en créant les conditions de leur fidélité à l’intérêt général. Je pense au mandat unique et au droit de révocation. »

Le micro change de main : « Le pouvoir corrompt. On doit l’intégrer pour s’en prémunir. Dans ce cadre, le mandat unique est un minimum. Il faut aussi instaurer une forme de tirage au sort, qui offre une égalité d’accès au pouvoir entre les classes sociales. » De plus en plus de personnes se massent autour de la sono et le cercle s’agrandit. « Le tirage au sort ne changera rien si le système est perverti. Ce qu’il faut, c’est créer un système vertueux, ouvert et démocratique », reprend une femme.

Des assesseurs, chargés de noter tout ce qui se propose d’un débat à l’autre, écrivent scrupuleusement les échanges. Beaucoup d’autres ateliers constituants sont prévus avant de faire émerger, collectivement et partout en France, la Constitution d’une République sociale. Ce soir-là, des questions se posent sans tabou. « Faut-il changer de devise ? Faut-il garder Liberté, Égalité, Fraternité ? » « La démocratie a-t-elle jamais vraiment été essayée ? Doit-elle fonctionner de haut en bas, de bas en haut, horizontalement ? » Très vite, le constat que le droit de vote et le suffrage universel seuls ne suffisent pas à garantir une démocratie s’impose. « Le débat est façonné par les médias. Il faut des médias libres, indépendants des puissances financières », lance un jeune homme. « Si on travaille onze heures par jour, c’est impossible d’être pleinement citoyen. Il faut avoir le droit de réfléchir librement, individuellement comme collectivement, en garantissant le temps et les moyens matériels de la réflexion dans la Constitution », ajoute une nouvelle venue. Pourquoi la loi fondamentale ne garantirait-elle pas dans le marbre l’instauration d’une véritable démocratie économique et sociale ?

Sous ses cheveux blancs, un homme vient rééquilibrer la moyenne d’âge du groupe. « Il faut regarder ce que font les Suisses. Il y a à la fois des représentations et un droit d’initiative à tous les échelons, avec possibilités de référendum. Il y a un débat, et un vote, sur tout ce qui est de l’ordre de l’intérêt général. C’est ce qui manque cruellement à notre pays. Nous ne votons que très rarement pour des propositions », mesure-t-il. Le risque de transformation du référendum en plébiscite, ou en vote de sanction contre le pouvoir en place, est alors balayé par un tout jeune citoyen : « Les choses peuvent bouger. Il ne faut rien s’interdire. Il ne faut pas rester bloqué dans les schémas et les contraintes actuelles alors même qu’on les remet en cause. »

Le rôle du président de la République, celui du Parlement, ne sont ce soir-là que très vite évoqués. « C’est à nous de faire et de voter les lois », insiste un côté du cercle. « On peut avoir des élus, mais le pouvoir réel doit être exercé par le peuple et pour le peuple. C’est déjà écrit dans la Constitution actuelle. Mais il reste à l’instituer et à le pratiquer dans les faits », répond un autre côté. « Ce qui compte, c’est de créer un système qui incite les gens à s’impliquer, qui fait vivre, qui entretient la démocratie comme on le fait ici. Il faut complètement revoir l’organisation de la vie de la cité, et décloisonner, retirer tout ce qui sépare, tout ce qui coupe les hommes des décisions et des responsabilités. »

Périmètres de vote et Union européenne en questions

Avant de se dire au revoir, en concluant qu’il est clair que la Constitution idéale ne s’écrira pas en un soir, sont évoquées les questions des périmètres de vote : du local au national. « Il est évident qu’il faut beaucoup plus de circuits courts démocratiques. Mais les sujets de santé, d’éducation, de transports, par exemple, relèvent du national, et ne peuvent être assurés qu’à travers la constitutionnalisation des services publics, seuls à mêmes d’assurer l’égalité entre les hommes et les territoires. » Et puis il y a bien sûr l’Union européenne. À l’affirmation qu’il faut en sortir, une étudiante en droit répond que « l’Europe c’est nous. Dire que c’est nul parce qu’elle a été pervertie est une erreur. L’Europe solidaire est possible. Il nous appartient de la créer et de mener une lutte sur l’ensemble du continent ». « Il faut refonder l’Union européenne. La rejeter, c’est comme rejeter l’idée de France depuis le Poitou en disant qu’entre Poitevins souverains on s’entendra beaucoup mieux et qu’on réglera nos problèmes. C’est faux. L’échelon européen est un échelon primordial. Beaucoup de luttes doivent se mener à ce niveau. Pourquoi s’enthousiasmer de ce qui se passe à Madrid, Barcelone et Bruxelles sinon ? Pourquoi ne pas écrire une Constitution européenne au service des peuples ? » s’anime Ludo, en marge des débats. « Il y a objectif et stratégie. Sortir de l’Union européenne peut éventuellement faire partie de la stratégie. Mais il faut, quoi qu’il arrive, travailler au projet européen et au projet mondial. La lutte du néolibéralisme et du néocapitalisme est une lutte internationale. Le combat pour les vaincre ne peut-être qu’international », développe Léo.

« C’est vrai qu’on réinvente un peu l’eau chaude tous les soirs à Nuit debout, estime un peu plus tard Sébastien. Mais on le fait nous-mêmes, on pense par nous-mêmes, on fait de l’éducation populaire collective. Quelles que soient nos connaissances, notre expérience militante, on se met sur un pied d’égalité et on avance en se réappropriant la politique et nos vies. C’est formidable. Et puis ça fait tellement de bien de s’écouter sans préjugés, sans piège, avec confiance et bienveillance. Même quand quelqu’un dit n’importe quoi on le laisse finir. On ne le juge pas et on cherche à comprendre. On s’exprime sans malhonnêteté intellectuelle, sans vouloir détruire l’autre, à l’opposé de ce qui se passe sur les plateaux télévisés. »

Après la séance, Mathilde mesure que nombre des propositions ont été et sont encore portées par des partis politiques. « Heureusement qu’il y avait le PCF, le Front de gauche, le Parti de gauche et ceux qui les font vivre pour écrire le programme l’Humain d’abord, pour porter une VIe République en 2012. Mais on ne peut pas se contenter de ça, on ne peut pas attendre que tout le monde aille gonfler leurs rangs comme par magie. À mes yeux les partis sont aujourd’hui coupés du peuple. Les bonnes idées sont à garder et à diffuser en inventant de nouvelles formes de faire de la politique. »

C’est pourquoi Mathilde reviendra aux ateliers de réflexion et d’écriture autour d’une nouvelle Constitution, sur la place de la République, sur les autres places de France et même en dehors, comme essaient de l’impulser de nombreuses personnes à Nuit debout.

 

À Paris, liberté contre velléités de couvre-feu. Le chef de file de l’extrême droite en Île-de-France, le FN Wallerand de Saint-Just, a appelé hier à « dissoudre » Nuit debout, l’accusant d’abriter rien moins que le « centre opérationnel du saccage de Paris » (sic)... À l’opposé, les élus PCF-Front de gauche interpellent la maire PS de la capitale, Anne Hidalgo, qui devrait, selon eux « s’enorgueillir que (la) population occupe les places et souhaite participer à la délibération collective ». « Ce n’est pas en évacuant la place avec renforts de CRS (...) que l’on arrêtera la détermination » de ceux qui veulent « construire un autre monde », écrivent ces élus, qui rejettent également tout «amalgame entre ces débatteurs nocturnes et les casseurs ».
 
Lire aussi :
 

 

Carte des mobilisation Nuit Debout

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Source : http://www.humanite.fr

 

 

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14 avril 2016 4 14 /04 /avril /2016 13:25

 

Source : http://www.revolutionpermanente.fr

 

 

 

ITT, points de sutures, crânes fracassés

Médecin et insurgée contre le matraquage des flics

Publié le 12 avril 2016

 

 

Cela fait plus d’un mois que la mobilisation contre la loi travail a commencé. Un mois qu’étudiants, lycéens et salariés descendent dans la rue pour défendre leur avenir et leurs conditions de travail, déjà bien dégradées, menacés par une loi dont la traduction ne peut être qu’une aggravation de la précarité et l’isolement des salariés face à leur patron. Face à cette colère, le gouvernement, qui nous avait habitué à ses mesures liberticides, entre État d’urgence, parcage et expulsion des migrants, criminalisation syndicale et déchéance de nationalité, réprime très durement, et le sang des manifestants tache le pavé sous les coups de matraques de flics assassins, la jeunesse en première ligne, maintenant habituée à se faire encerclée, chargée, gazée au moindre mouvement.

Camilla Ernst

 

Je suis médecin. D’abord choquée par les images de violences policières extrêmement dures, je suis aujourd’hui révoltée autant que préoccupée par les conséquences médicales, quand l’arsenal répressif utilisé par la police, en termes d’armes ou de techniques d’immobilisation, est loin d’être sans conséquence pour la santé. Après la vidéo du lycéen de Bergson à Paris, violemment frappé par un policier quand deux autres le ceinturaient, les témoignages de victimes de violences policières se sont répandus comme une traînée de poudre sur les réseaux sociaux. Plaies au crâne et points de suture à Lille, deux jours d’ITT (incapacité temporaire de travailler) à Lyon pour cause de coup de matraque, une blessure grave à l’oeil à Paris Ces scènes se répètent à Rennes, Besançon, Nantes, Grenoble et partout en France à chaque nouvelle manifestation.

 

Ce n’est que la partie visible de l’iceberg et le pire est à craindre, vu la croissance exponentielle du niveau de violence de la part des CRS depuis quelques semaines. Outre ces blessures externes, les différentes armes et techniques utilisés par les flics provoquent des lésions internes parfois très graves, pouvant aller jusqu’au décès. Dans un contexte de flou total autour de cette question, en l’absence de rapport officiel, l’ACAT et Bastamag ont mené leurs propres enquêtes pour faire état des statistiques en termes de blessés et de morts sous les coups de la police.

 

Prenons les gaz lacrymogènes. Nous avons tous pu constater leurs effets immédiats : irritation des yeux et larmoiement, irritation des voies respiratoires, toux, nausée et vomissements, douleur thoracique. À plus long terme, ils peuvent provoquer une nécrose des tissus des voies respiratoires, créant dans les poumons de l’emphysème (des « trous »), de l’œdème puis une bronchopneumopathie irréversible. Ils ont également un effet cancérigène, et comportent un risque de malformations fœtales en cas d’exposition chez une femme enceinte.

 

Viennent ensuite les armes intermédiaires, dites « à létalité réduite » : lanceurs de balles (Flash-Balls), canons à eau, matraques et bâtons de défense, pistolets à impulsion électrique (Tasers) et autres grenades. Les risques sont multiples et tous plus graves les uns que les autres. Traumatismes crâniens, lésions oculaires irréversibles pouvant aller jusqu’à la perte d’un œil ou de la vue, fractures de membres, lésions d’organes internes (contusions pulmonaires ou abdominales) ou des organes génitaux, brûlures, perte auditive voire surdité totale. Depuis 2005, on déplore 39 blessés graves par Flash-Ball, dont 21 éborgnés ou ayant perdu l’usage d’un œil, et un mort. On attribue 4 décès au Taser, un, bien connu en la personne de Rémi Fraisse, aux grenades offensives et des cas de mutilations graves par grenades de désencerclement.

 

Enfin, pour parachever ce tableau morbide, les techniques d’immobilisation, entre glauquitude et sadisme. Du pliage (personne maintenue assise avec la tête entre les genoux) au plaquage ventral auquel s’ajoute généralement d’autres moyens de contention (pression exercée sur le dos, poignet menottés, genoux maintenus en arrière) en passant par la clé d’étranglement, les risques d’asphyxie posturale ou positionnelle sont lourds, jusqu’au décès. Là non plus pas de chiffres officiels, mais au moins deux cas de décès par pliage et quatre par plaquage ventral sont enregistrés.

 

Sans oublier, bien sûr, les conséquences psychologiques désastreuses de ces violences physiques, aussi bien que des violences verbales ou symboliques des injures et humiliations permanentes de la part des policiers, du menottage, du tutoiement abusif.

 

Je travaille dans un hôpital d’un quartier populaire de la Seine-Saint-Denis (93). Tous les jours, je peux constater les terribles conséquences de la précarité et des conditions de travail inacceptables sur la santé. Infections dues à l’insalubrité des logements, troubles musculo-squelettiques, lombalgies chroniques, arthrose prématurée et j’en passe liées à un poste de travail inadapté ou des gestes trop souvent répétés, cancers par expositions professionnelles… Ce sont les mêmes personnes qui, malades d’un système qui ne leur offre que des conditions de vie et de travail déplorables, devraient aujourd’hui être victimes des violences policières quand elles cherchent à défendre leurs peu de droits acquis ?

 

Il y a eu l’après-Charlie. On devait applaudir les flics, garants de notre sécurité, sous prétexte d’« union nationale ». Après le 13 novembre, on a félicité le personnel soignant des hôpitaux parisiens pour les soins apportés aux victimes des attentats, le même personnel obligé de bosser en sous-effectif permanent, accumulant les heures sup’ jamais payées et se voyant encore voler des jours de RTT par le plan de réorganisation du temps de travail passé en force par Martin Hirsch à l’Assistance publique – hôpitaux de Pairs (AP-HP). Aujourd’hui, ce sont les victimes des coups des CRS que l’on doit accueillir aux urgences et soigner, et il faudrait en plus signer les certificats de non-contre-indication à la garde-à-vue ? Trop c’est trop ! Qui protège qui, quand la police nationale est plus que jamais milice du capital, défendant à grands coups de matraque, Taser et autres, les réformes pro-patronales contre la jeunesse et les travailleurs ? Ni chair à patrons, ni chair à matraque !

 

 

Source : http://www.revolutionpermanente.fr/Medecin-et-insurgee

 

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14 avril 2016 4 14 /04 /avril /2016 13:25

 

Source : http://www.bastamag.net

 

 

Journalisme

Plainte en diffamation : Bolloré perd son procès contre Bastamag

par

 

 

 

Poursuivis en diffamation par le groupe Bolloré pour un article pointant le rôle de grandes entreprises françaises dans le phénomène d’accaparement des terres, le directeur de publication et les journalistes de Bastamag ont été relaxés ce 14 avril par le Tribunal de grande instance de Paris. Notre équipe poursuit son travail d’information sur les conséquences sociales et écologiques des activités des grands groupes français et internationaux.

Poursuivis en diffamation par le groupe Bolloré pour un article pointant le rôle de grandes entreprises françaises dans le phénomène d’accaparement des terres, le site d’information Bastamag, son directeur de publication et ses journalistes ont été relaxés ce 14 avril par la 17ème chambre du Tribunal de grande instance de Paris.

Le groupe Bolloré estimait diffamatoire pas moins de huit paragraphes – ainsi que le titre et le surtitre – d’un article de synthèse publié en octobre 2012 et consacré à la question de l’accaparement des terres, ces appropriations de terres à grande échelle par des fonds d’investissements ou des multinationales, principalement en Afrique et en Asie. L’article mentionnait, entre autres, les activités du groupe Bolloré, via une holding luxembourgeoise, la Socfin, dans lequel le groupe possède de fortes participations. La Socfin possède de multiples filiales qui gèrent des plantations d’hévéas et d’huile de palme en Afrique et en Asie. Ses pratiques font l’objet de nombreuses critiques de la part des populations locales et d’organisations internationales.

 

Lire l’article incriminé : Bolloré, Crédit agricole, Louis Dreyfus : ces groupes français, champions de l’accaparement de terres

 

Le Tribunal a d’abord reconnu que le sujet abordé « consacré à un problème aussi essentiel que l’exploitation des terres agricoles en Afrique et en Asie et son impact sur les populations et l’environnement présente incontestablement un caractère d’intérêt général ».

Les juges ont ensuite étudié « le sérieux de l’enquête » et « la prudence dans l’expression » au regard « de l’existence d’une base factuelle suffisante pour étayer les propos poursuivis » – les informations sur lesquelles s’appuie l’article – et de « l’impératif du débat démocratique ». Lors de l’audience du 11 février, l’avocat du groupe Bolloré avait notamment contesté l’influence décisive que le groupe Bolloré exerce sur la holding luxembourgeoise Socfin.

Si les sociétés citées dans l’article – en l’occurrence la Socfin, basée au Luxembourg, et ses filiales en cascade gérant les plantations – sont « juridiquement distinctes de la société Bolloré, et ne sont pas au sens du droit des sociétés, ses filiales, (…) il n’en demeure pas moins qu’elle [la société Bolloré] est le plus gros actionnaire de la Socfin », observe le tribunal. « La société Bolloré est perçue au même titre voire davantage que la Socfin comme l’interlocuteur naturel à la fois des personnes s’estimant lésées et des institutions internationales ».

L’« expansion à la fois rapide, diversifiée et significative » des activités du groupe de Vincent Bolloré en Afrique, est aussi « de nature à accentuer l’assimilation » des actions menées par ses filiales directes et des sociétés au sein desquelles le groupe possède de grosses participations sans y être majoritaire, la Socfin en l’occurrence. Le tribunal ne saurait donc faire grief aux journalistes de Bastamag « d’avoir employé dans leur sens générique et non strictement juridique des termes filiales, groupe Bolloré ou empire Bolloré ».

Enfin, concernant la participation de ces sociétés au phénomène de l’accaparement des terres au Sierra Leone ou à l’exploitation de terres accaparées au Liberia, le tribunal estime que l’article s’appuie sur une « base factuelle suffisante ». Les lecteurs ont également été informés des protestations de la Socfin, qui avait contesté les rapports d’organisations internationales sur lesquels s’appuie l’article de Bastamag. La société Bolloré est donc déboutée de sa plainte. Également poursuivis, le site Rue 89 et son directeur de publication, Pierre Haski, pour avoir cité l’article dans sa revue de presse signalant « le meilleur du web », la journaliste Dominique Martin Ferrari, qui a cité l’article dans son site « scoop it » (Options Futurs), et trois autres personnes ayant partagé l’article sur leurs blogs (Thierry Lamireau, Laurent Ménard et Guillaume Decugis), ont été relaxés. D’autre part, les poursuites engagées contre le blogueur Thierry Lamireau « présentent un caractère abusif ». La société Bolloré se voit condamnée à lui verser 2000 euros. Le plaignant dispose d’un délai de dix jours pour faire appel de ce jugement.

L’équipe de Bastamag va poursuivre son travail d’information sur l’accaparement des terres et l’impact sur les populations locales, et sur les conséquences sociales et écologiques des activités des grands groupes français et internationaux.

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14 avril 2016 4 14 /04 /avril /2016 13:17

 

Source : https://www.mediapart.fr

 

 

Présidentielle 2012: Sarkozy a dépensé le double du plafond autorisé
13 avril 2016 | Par Mathilde Mathieu
 
 

C'est la première expertise solide fournie aux juges depuis le début de l'enquête. D'après une synthèse consultée par Mediapart, les dépenses occultes de la campagne 2012 de Nicolas Sarkozy ont dépassé les 24,5 millions d’euros. Outre les prestations cachées de Bygmalion, au moins 8,2 millions d'euros d'autres factures ont été « oubliés ». Au total, 46 millions ont été dépensés.

Cette fois, la justice a fait l’addition. Daté du 17 mars 2016, un rapport remis aux juges d’instruction estime que les dépenses occultes de la campagne 2012 de Nicolas Sarkozy, mis en examen pour financement illégal en février dernier, ont atteint 24,5 millions d’euros minimum. Outre les prestations de Bygmalion sciemment dissimulées (16,3 millions), cette synthèse chiffre pour la première fois une kyrielle d’autres factures retrouvées plus récemment par les enquêteurs et réglées en 2012 par l’UMP dans le dos des autorités (transport, impression, tee-shirts, etc.), que le candidat aurait dû déclarer à hauteur d’au moins 8,2 millions d’euros.

S’il ne prétend pas à l’exhaustivité (exercice quasi impossible), ce rapport rédigé par une assistante spécialisée du pôle financier du tribunal de grande instance de Paris, que Mediapart a pu consulter, constitue la première expertise solide fournie aux magistrats depuis l’ouverture de l’information judiciaire en juin 2014. Ce document démontre que la campagne de Nicolas Sarkozy a coûté au moins 45,8 millions d’euros en tout (21,3 millions de dépenses officiellement inscrites au compte plus 24,5 millions de dépenses « oubliées »), soit le double du plafond autorisé (fixé à 22,5).

 

La réunion publique de Villepinte a coûté 6,2 millions d'euros en 2012, d'après l'enquête judiciaire © Reuters La réunion publique de Villepinte a coûté 6,2 millions d'euros en 2012, d'après l'enquête judiciaire © Reuters

 

Formulé autrement : il y avait davantage de frais occultes que de frais déclarés ! Cette démonstration judiciaire souligne les défaillances de la commission administrative chargée du contrôle de la campagne (la Cnccfp), qui a certes rejeté le compte de Nicolas Sarkozy à l’époque mais complètement raté l’ampleur et le caractère industriel de la triche (elle avait estimé le dépassement à 400 000 euros seulement).

S’agissant de Bygmalion, la fameuse société chargée des meetings, la synthèse arrête à 16,3 millions d’euros le montant des dépenses du candidat (décors, son, etc.) prises en charge en cachette par l’UMP – via un système de fausses factures et de conventions fictives. Cette escroquerie était connue depuis le printemps 2014 et des révélations de Libération, elle est ici précisée.

Surtout, le rapport fournit des chiffres fiables sur le second volet de l’affaire « Sarkozy 2012 », c’est-à-dire cette masse de prestations sans rapport avec Bygmalion sur lesquelles les enquêteurs sont tombés à l'automne dernier dans les archives de l’UMP et qu'ils ont repêchées, pour des sommes parfois anecdotiques (2 875 euros chez l’imprimeur Colin Frères pour un tract), souvent significatives (105 667 euros pour des tee-shirts « Les jeunes avec Sarko » ou 329 352 euros de trains SNCF pour le meeting du Trocadéro). D’où sortent-elles exactement ?

En fouillant dans le « Grand-livre » comptable de l’UMP, les policiers ont découvert une drôle de ligne baptisée « présidentielle », bricolée dans son coin par le « petit » comptable du parti, Eric G., qui a compilé là en 2012 tout ce qui lui semblait relever de la campagne de Nicolas Sarkozy. Pour rappel, le parti avait tout à fait le droit de payer en direct certains prestataires (pour des facilités de trésorerie), à condition que chaque dépense soit ensuite signalée dans le compte du candidat lui-même.

Or à l’UMP, cette ligne comporte 15,4 millions d’euros de dépenses plus ou moins en lien avec la présidentielle n’ayant jamais été inscrites côté Sarkozy. Tel quel, ce montant ne signifie pas encore grand-chose. Approximatif, Eric G. a en effet glissé un paquet de factures réglées par l’UMP à juste titre et que le candidat n’avait pas à déclarer, comme ses frais de maquillage, de restauration, ou encore de réunion les soirs de scrutin (dénués de caractère électoral). Il fallait donc trier, l’assistante spécialisée du pôle financier s’en est chargée. À l’arrivée, elle estime qu’au moins 8,2 millions d’euros (sur 15,4) auraient dû figurer dans le compte de campagne de Nicolas Sarkozy. Et encore, elle n’a pu en analyser qu’une partie…

Parmi ces factures ressuscitées, citons à titre d’exemple 2,9 millions d’euros d’« ardoise » du candidat auprès de l’agence de voyage Carlson (jets, hôtels, etc.), 12 953 de badges et bandeaux de la société Artista, ou encore des locations de cars pour 766 186 euros, chaque fois réglés par l’UMP. Reste cette question fondamentale : qui a décidé que le compte de Nicolas Sarkozy ne piperait mot de ces 8,2 millions d’euros ?

Au siège du parti, le circuit des factures était pourtant basique : Eric G., salarié modèle et simple témoin dans le dossier judiciaire, faisait des photocopies et les déposait, une par une, dans la bannette de l’expert-comptable de Nicolas Sarkozy, Marc Leblanc, chargé du compte de campagne officiel. Ce dernier est aujourd’hui mis en examen. Il faut dire qu’en 2012, sa bannette, véritable trou noir, semble avoir avalé une incommensurable série de pièces… Devant les juges, Eric G. ne cesse de répéter qu’il les lui a transmises, Marc Leblanc qu’il ne les a jamais reçues. Lors d’une confrontation le 19 janvier dernier, les deux hommes ont par exemple été interrogés sur trois factures de location de salles (Marseille, Strasbourg et Porte de Versailles) :

« Je suis catégorique, a confié Eric G. Elles figuraient [dans la bannette]. »

« Je suis catégorique, si elles étaient dans le classeur nous les [aurions] comptabilisées », a démenti Marc Leblanc. Et ainsi de suite.

Le juge Serge Tournaire a fini par s’agacer : « N’est-ce pas plutôt qu’à force d’additionner ces factures, le plafond légal aurait été dépassé et que vous avez fait le choix de ne pas inscrire certaines factures ?, a-t-il lancé à Marc Leblanc.

– Non. D’ailleurs je ne savais pas du tout où nous en étions quant au plafond légal, a balayé ce dernier. Je n’avais aucun moyen de le savoir. » Un comble.

 

Le plus étonnant, c’est qu’Eric G. ne s’est pas contenté de déposer des photocopies, il transmettait aussi un tableau de suivi des dépenses qu'il jugeait électorales à Marc Leblanc et son équipe, sur une clef USB et sous format Excel. Un brin hautain, Marc Leblanc a déclaré sur procès-verbal qu’il ne l’avait jamais examiné, encore moins utilisé, insistant sur les compétences supposées limitées du « petit » comptable.

Pourtant, un rapport d’expertise récemment remis aux juges vient souligner la proximité entre le fichier Excel d’Eric G d’un côté, et les fichiers de l’équipe comptable de Nicolas Sarkozy de l’autre, tels que remis à la Cnccfp à la fin de la campagne – « Il est techniquement possible et probable que les [seconds] peuvent avoir été créés à partir du [premier] », conclut le document. Si c’était le cas, des lignes de dépenses auraient été effacées avant remise à la Cnccfp…

« Je n’ai jamais décidé de soustraire quoi que ce soit, on ne m’a jamais demandé non plus de soustraire quoi que ce soit », a insisté Marc Leblanc devant les juges, livide, démentant sans relâche avoir reçu la moindre consigne en ce sens du camp Sarkozy. Quant au directeur de campagne Guillaume Lambert, présent à la confrontation de janvier, il s'est contenté d'assener : « Les seules informations dont je disposais étaient celles qui m'étaient communiquées (...) par l'intermédiaire des experts-comptables. » CQFD.

 

 

 

 

 

Source : https://www.mediapart.fr

 

 

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14 avril 2016 4 14 /04 /avril /2016 13:01

 

Source : http://www.liberation.fr

 

 

Lanceurs d'alertes
Le Parlement européen adopte la directive controversée sur le «secret des affaires»
Par (mis à jour à )

 

 

http://md1.libe.com/photo/868192-les-elus-du-parlement-europeen-prennent-part-a-un-vote-a-strasbourg-le-8-mars-2016.jpg?modified_at=1460639707&width=960

Les élus du Parlement européen prennent part à un vote, à Strasbourg le 8 mars 2016 Photo FREDERICK FLORIN. AFP



 

Dans le contexte des «Panama Papers», la directive sur la protection du «secret des affaires» a été adoptée par une large majorité de députés jeudi, au grand dam de journalistes, de lanceurs d’alerte, d’ONG et de syndicalistes.

 

 

La directive européenne sur la protection du «secret des affaires» a été adoptée à une large majorité jeudi par le Parlement européen, au grand dam de journalistes, de lanceurs d’alerte, d’ONG et de syndicalistes, échaudés par le scandale des «Panama Papers». Sur les 652 eurodéputés présents à Strasbourg, 503 se sont prononcés en faveur de cette directive, 131 contre et 18 se sont abstenus.

Lancée fin 2013 par le commissaire européen au Marché intérieur, le Français Michel Barnier, cette directive vise à instaurer un socle juridique européen pour lutter notamment contre l’espionnage industriel et protéger l’innovation. Mais elle a provoqué une levée de boucliers de nombreuses organisations syndicales et ONG européennes, inquiètes pour le respect des libertés fondamentales.

Lire à ce sujetLes lanceurs d’alertes oubliés par Bruxelles

«Lutter contre l’espionnage économique et industriel, le pillage dont sont victimes nos entreprises européennes, protéger notre innovation et notre recherche, défendre notre compétitivité européenne, tels sont les principaux objectifs», avait défendu mercredi devant ses pairs l’eurodéputée française PPE (droite et centre-droit) Constance Le Grip, rapporteuse du projet.

Selon Mme Le Grip, ce texte «équilibré (...) protège à la fois le savoir-faire professionnels, le patrimoine immatériel des entreprises, mais aussi les libertés fondamentales et l’exercice du métier de journaliste et des activités des lanceurs d’alertes». Avec cette directive, «il s’agit de promouvoir la confiance des milliers d’entreprise, la plupart des PME, qui innovent tous les jours», avait aussi plaidé mercredi le commissaire européen à l’Elargissement, l’Autrichien Johannes Hahn.

Mais les eurodéputés Verts étaient farouchement opposés à ce texte et ont réclamé en vain au moins le report du vote. «C’est un signal complètement erroné de la part de cette assemblée d’adopter dix jours après les révélations des “Panama Papers” un texte qui de facto va rendre plus difficile la tâche des lanceurs d’alerte et des journaux», s’est emporté Philippe Lamberts, coprésident du groupe Verts-ALE juste avant le vote. Principal reproche des détracteurs: la directive européenne «fait porter la charge de la preuve sur les lanceurs d’alerte et pas sur les entreprises», selon M. Lamberts. Plusieurs pétitions ont circulé au niveau européen ces derniers jours contre cette directive.

 

Lire à ce sujetSecret des affaires : la fuite en avant

Son adoption survient quinze jours avant l’ouverture du procès, le 26 avril à Luxembourg, du lanceur d’alerte Antoine Deltour, à l’origine des révélations «LuxLeaks». Deltour et deux autres hommes, dont le journaliste français Edouard Perrin, sont inculpés pour avoir divulgué des centaines de documents confidentiels sur le traitement fiscal des multinationales installées au Luxembourg. Ces documents concernaient des rescrits fiscaux accordés par l’administration et négociés par la firme PwC pour le compte de ses clients.

 

 

Source : http://www.liberation.fr

 

 

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14 avril 2016 4 14 /04 /avril /2016 12:47

 

Source : https://www.facebook.com/nicoleferroniofficiel/videos

 


Aujourd'hui, jeudi 14 avril, le parlement européen vote le projet de loi "Secret d'Affaires"...
Si quelqu'un a le 06 des eurodéputés, je veux bien.

 

 

 

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14 avril 2016 4 14 /04 /avril /2016 12:31

 

Source : http://framablog.org/2015/12/09/democratie-liquide/

 

 

Ils liquident la démocratie, si nous la rendions liquide ?
 
 

Avec un pourcentage très important d’abstentions, les dernières élections ont fait apparaître une fois encore l’insatisfaction éprouvée par tous ceux qui estiment que le mode de scrutin ne leur convient pas : pas de prise en compte des votes blancs dans les suffrages exprimés, candidats choisis et présentés par les partis et souvent parfaitement inconnus des électeurs, offre électorale réduite au choix du « moins pire » par l’élimination arithmétique des « petites listes » au deuxième tour, etc. Plus largement, et sans entrer dans les débats sur la tumultueuse situation actuelle, de gros doutes sur la représentativité des politiques une fois élus se sont durablement installés, au point que certains en viennent à souhaiter tourner la page de la démocratie représentative (notre framasoftien Gee est lui-même étonné d’avoir touché juste) et expliquent avec de solides arguments quils n’ont pas voté et ne le feront pas.

 

Bien sûr des propositions existent, plus ou moins crédibles (à chacun d’en juger) : certains veulent passer à la VIe République, d’autres veulent un processus transparent et démocratique pour déterminer les candidats aux prochaines élections présidentielles, d’autres encore militent pour la prise en compte du vote blanc

L’article que Framalang a traduit pour vous détaille l’intérêt de la démocratie liquide, processus peu connu mais utilisé par plusieurs Partis Pirates avec l’outil LiquidFeedback (notez qu’il nécessite toutefois un tutoriel assez dense). Dans la même catégorie, il existe Loomio qui propose d’optimiser les prises de décision collectives et qui pourrait être proposé au cours de l’année prochaine dans le cadre de notre campagne Degooglisons.

Il se peut que vous trouviez la démocratie liquide une possibilité intéressante et à mettre en pratique, ou au contraire irréaliste, voire dangereuse (proposer le vote électronique même chiffré peut susciter des inquiétudes), nous souhaitons seulement en publiant cette traduction vous inviter à nous faire part librement de vos réactions.

 

La démocratie liquide : une véritable démocratie pour le 21e siècle

par Dominik Schiener

Article original publié sur Medium : Liquid Democracy : True Democracy for the 21st Century

Traduction Framalang : valvin, KoS, r0u, roptat, Myrsa, audionuma, Éric, McGregor, goofy, sebastien, Vincent, simon, Obny, mseyne

La démocratie liquide, aussi appelée démocratie par délégation, est un puissant modèle de scrutin pour la prise de décision collective au sein de grandes communautés. La démocratie liquide combine les avantages de la démocratie directe et ceux de la démocratie représentative. Elle crée un type de scrutin réellement démocratique, qui confère aux électeurs le pouvoir de voter directement sur un sujet ou de déléguer leur droit de vote à un tiers de confiance.

Au travers de la délégation, les personnes qui disposent d’un savoir dans un domaine spécifique sont capables d’influencer davantage le résultat des décisions, ce qui de fait mène à une meilleure gouvernance de l’État. Grâce à cela, la démocratie liquide se transforme naturellement en une méritocratie, dans laquelle les décisions sont principalement prises par ceux qui ont le type de connaissances et d’expériences requis pour prendre des décisions éclairées sur les sujets concernés.

Globalement, la démocratie liquide dispose d’un gros potentiel pour constituer le socle de la prise de décision, non seulement dans des communautés virtuelles, mais aussi dans des communautés locales et des gouvernements tout entiers. L’objectif de cet article de blog est de donner au lecteur un aperçu de ce qu’est la démocratie liquide et des avantages qu’elle offre à ses participants. D’autres articles sur le même sujet suivront.

 

Qu’est qui ne va pas dans la démocratie aujourd’hui ?

Même s’il existe de nombreuses formes de démocratie, les deux seules actuellement en place sont la démocratie directe et la démocratie représentative (et un hybride des deux). Décrivons-les :

  • La démocratie directe : les électeurs sont directement impliqués dans le processus de prise de décision de l’État. Ils expriment continuellement leurs opinions en votant sur des sujets. Les démocraties directes offrent le contrôle total à leurs citoyens et une égalité dans la responsabilité. Malheureusement, les démocraties directes ne fonctionnent pas à une grande échelle en raison principalement la loi du moindre effort et du renoncement au droit de vote, à cause du nombre sans cesse croissant de sujets réclamant l’attention des électeurs à mesure que la communauté s’agrandit. Il devient tout simplement impossible pour chaque électeur de se tenir informé sur tous les sujets, que ce soit par manque de temps, d’envie ou d’expertise. Cela conduit à une faible participation électorale et à une insatisfaction des électeurs au sein de la communauté. Les démocraties directes dans leur forme pure ne sont tout simplement pas applicables dans les communautés de grande taille.
  • La démocratie représentative : la forme de démocratie la plus répandue implique le fait de confier son droit de vote à des représentants qui agissent au nom des citoyens pour prendre des décisions. Les représentants sont généralement (du moins, on l’espère) des experts dans le domaine dont ils sont disposés à s’occuper et ils représentent les intérêts de la communauté au sein d’un organe représentatif (par exemple, le parlement). Les démocraties représentatives fonctionnent à grande échelle mais elles échouent à servir les intérêts de leurs citoyens. Les problèmes des démocraties représentatives sont nombreux mais pour résumer, en voici trois des principaux :
    • Tout d’abord, les citoyens ne peuvent choisir leurs représentants que parmi un nombre restreint de candidats qui bien souvent ne partagent pas leurs idéologies ni leurs intérêts. La plupart du temps, les électeurs sont forcés de renoncer à leur préférence personnelle et doivent voter pour le candidat ayant le plus de chances d’être élu. Cela exclut en particulier les minorités du débat politique, qui perdent ainsi la possibilité de voir leurs opinions et leurs points de vue représentés au sein du gouvernement. De plus, il s’agit d’une des raisons principales expliquant pourquoi les jeunes aujourd’hui se désintéressent tant de la politique. [2] Si vous êtes jeune et que personne ne partage vos opinions, la seule solution est de protester et de ne pas voter du tout. Le fait que seuls 20 % des jeunes Américains aient voté aux élections de 2014 en est un signe fort.
    • Ensuite, les représentants n’ont pas (ou peu) à rendre de comptes pour leurs actions pendant leur mandat. Les promesses faites pendant la période électorale n’ont pas à être appliquées et ne sont majoritairement rien de plus qu’un appât pour attirer des électeurs. Cela mène à des « cycles politiques électoraux », où les représentants élus essaient de convaincre les électeurs qu’ils sont compétents avant les prochaines élections, soit en faisant de nouvelles propositions qui sont appréciées par la population (mais qui ne seront probablement pas mises en place), soit en distribuant des Wahlgeschenke (cadeaux pré-électoraux) coûteux.
    • Enfin, les démocraties représentatives peuvent mener à la corruption en raison de la concentration des pouvoirs. Considérer que les États-Unis sont vus comme une oligarchie suffit à démontrer que les démocraties représentatives constituent un terreau fertile à la corruption et aux conflits d’intérêts. En l’absence de sens des responsabilités et de comptes à rendre aux électeurs, agir pour l’intérêt du mieux-disant est plus facile que d’agir pour le bien de la population.

En dehors de ces failles évidentes dans les démocraties directes et représentatives, une autre, moins évidente celle-là, se situe dans les procédés de vote actuellement en place, qui sont complètement dépassés et ne sont plus en phase avec les technologies disponibles. Au lieu de mettre en place, sécuriser et faciliter le vote en ligne, les électeurs doivent se déplacer dans des bureaux de vote éloignés de leur domicile juste pour remplir un bulletin en papier [1]. Cela leur demande un effort supplémentaire et peut les inciter à renoncer à aller voter.

Ironiquement, c’est exactement ce que la démocratie essaie d’empêcher. L’opinion de chacun compte et devrait être incluse dans le processus de prise de décision collectif. Toutefois, les obstacles au processus de vote qui sont toujours présents aujourd’hui empêchent cela de se produire.

 

Qu’est-ce que la démocratie liquide ?

La démocratie liquide est une nouvelle forme de prise de décision collective qui offre aux électeurs un contrôle décisionnel complet. Ils peuvent soit voter directement sur des sujets, soit déléguer leur droit de vote à des délégués (c’est-à-dire des représentants) qui votent à leur place. La délégation peut être spécifique à un domaine, ce qui signifie que les électeurs peuvent déléguer leurs votes à différents experts de différents domaines.

Voilà qui change de la démocratie directe, où les participants doivent voter en personne sur tous les sujets, et de la démocratie représentative où les participants votent pour des représentants une seule fois par cycle électoral, pour ne plus avoir à se soucier de devoir voter de nouveau.

Le diagramme ci-dessous montre une comparaison entre les trois systèmes de vote.

 

Liquid_democratie_diagramme1

Dans le modèle de la démocratie directe, tous les électeurs votent directement sur les questions. Dans le modèle de la démocratie représentative, ils élisent d’abord des représentants qui votent ensuite en leur nom. Le point intéressant mis en évidence par le diagramme est bien évidemment le modèle de la démocratie liquide. Là, les électeurs peuvent voter directement sur certaines questions (comme les deux électeurs indépendants sur les bords droit et gauche), ou peuvent déléguer leur vote à des représentants qui ont plus de connaissances spécialisées sur la question, ou simplement plus de temps pour se tenir informés.

La délégation est un signe de confiance. Un électeur fait confiance à un délégué pour le représenter dans certaines décisions. Si cette confiance est rompue (par des divergences idéologiques croissantes, ou par la corruption du délégué), il peut simplement révoquer la délégation et soit voter directement, soit déléguer sa voix à quelqu’un d’autre. Comme nous le verrons plus tard, cette notion de confiance provisoire est importante pour créer un sens de la responsabilité chez les délégués et les inciter à rendre des comptes.

Une propriété importante de la démocratie liquide est la transitivité. La délégation peut ne pas avoir lieu en un seul saut, elle est parfaitement transitive. Cela signifie que les délégués peuvent déléguer à d’autres délégués pour qu’ils votent à leur place et à celle des électeurs précédents (qui avaient délégué leur vote) dans la chaîne. Cette transitivité assure que des experts peuvent déléguer la confiance qu’ils ont accumulée à d’autres délégués sur certaines questions pour lesquelles ils n’ont pas suffisamment de connaissances et de recul.

Il manque dans le diagramme précédent la délégation spécifique à un domaine. Un électeur peut ne pas déléguer sa voix à un seul délégué, mais peut la déléguer à plusieurs autres délégués qui recevront ce droit en fonction du domaine de la question. Avec un tel système, il y a de fortes chances pour que des experts parviennent à influencer positivement le résultat du scrutin et conduisent à un résultat globalement meilleur.

La catégorisation des sujets est laissée à la décision de la communauté toute entière, mais une catégorisation très simple à l’intérieur d’un gouvernement pourrait être la politique fiscale, la politique monétaire, la politique environnementale…

Pour vous donner un autre exemple, prenons un parti politique qui utiliserait la démocratie liquide pour prendre ses décisions en interne. Les catégories qui auraient du sens pour une telle organisation seraient : Finances, Marketing & diffusion, Programme politique et Décisions administratives. Les décisions à prendre seraient réparties entre ces quatre catégories. Les membres du parti politique pourraient soit voter directement pour ces décisions, soit déléguer leur droit de vote à des personnes possédant un savoir plus spécialisé nécessaire pour se forger une opinion éclairée.

 

Liquid_democratie_diagramme2

Permettez-moi d’expliquer le diagramme en détail, il peut sembler un peu confus à première vue. Concentrons-nous sur celui qui concerne le Gouvernement, le diagramme concernant les partis politiques est très similaire. En tout, il y a 6 électeurs, dont 3 qui ont pris la responsabilité d’être délégués. Comme mentionné précédemment, il existe trois types de sujets (et donc 3 types de domaine d’expertise) : Politiques fiscales, Politiques monétaires et Politiques environnementales.

Comme vous pouvez le constater, les 6 électeurs ont pratiquement tous délégué leur vote d’une façon ou d’une autre, à l’exception de la déléguée en haut, qui a voté de façon indépendante sur tous les sujets (elle doit être une véritable experte). L’électeur B a délégué chaque vote, soit il est trop occupé ou pas intéressé, soit il ne possède pas les compétences requises sur les sujets concernés.

Globalement, la démocratie liquide est à peine plus complexe que les démocraties directe ou représentative. Mais les avantages qu’elle offre l’emportent largement sur cette difficulté initiale d’apprentissage. Voyons en détail quels sont ces avantages.

 

Pourquoi choisir la démocratie liquide ?

Maintenant que nous cernons mieux les problèmes soulevés par la démocratie de nos jours, et que nous avons un bon aperçu de la façon dont fonctionne la démocratie liquide, nous pouvons nous pencher davantage sur les raisons de préférer ce choix. Avant tout, nous devons fournir des arguments solides expliquant pourquoi la démocratie liquide est une bien meilleure solution que le statu quo. J’espère que nous y parviendrons en dressant une liste des caractéristiques et avantages principaux de la démocratie liquide par rapport aux démocraties directe et représentative.

 

La démocratie liquide est véritablement démocratique. Les électeurs ont le choix soit de voter en personne, soit de déléguer leur vote à quelqu’un d’autre. Cela tranche nettement avec les démocraties en place de nos jours, dans lesquelles les citoyens ne peuvent que voter systématiquement en leur nom propre (démocratie directe) ou pour un représentant à intervalles de quelques années (démocratie représentative). Dans ces deux modèles, les électeurs se retrouvent soit dépassés par le type de travail requis pour participer, soit déçus et pas suffisamment impliqués dans les prises de décision du gouvernement. La démocratie liquide leur fournit la liberté de décider de leur niveau d’engagement, tout en leur permettant de le moduler à tout moment. Cela signifie que la prise de décision d’un pays est confiée directement à la population tout entière.

 

La démocratie liquide présente peu d’obstacles à la participation. L’exigence minimale à satisfaire pour devenir délégué est d’obtenir la confiance d’une autre personne. Pratiquement toutes les personnes qui souhaitent endosser cette responsabilité peuvent avoir le statut de délégué. Aucun parti politique n’est nécessaire pour rallier des sympathisants à votre cause. À la place de campagnes électorales scandaleuses dans lesquelles les électeurs sont délibérément trompés, la compétence et les connaissances d’une personne sur un sujet suffisent à rallier des délégués. En limitant autant que possible les obstacles à la participation, le processus global de prise de décision, qui implique un échange d’idées, des commentaires et des débats, sera plus animé et il en jaillira davantage d’idées et de points de vue. Grâce à cela, le résultat du scrutin aura de plus fortes chances de satisfaire une grande partie de la population et d’entraîner une meilleure gouvernance globale du pays.

 

La démocratie liquide, c’est la coopération, pas la compétition. De nos jours, dans les démocraties représentatives, la compétition durant la course aux élections est dominée par des dépenses de campagne élevées et inutiles, des tentatives pour démasquer des adversaires politiques et des mensonges délibérés pour tromper les électeurs. Souvent, de nombreux candidats perdent plus de temps à organiser des campagnes électorales pour remporter les élections qu’à se concentrer réellement sur leur supposé programme politique et sur les systèmes à mettre en place pour diriger un pays. Si s’assurer le vote des électeurs est plus important que la propre gouvernance du pays, c’est le signe que le système est miné de l’intérieur. Tout remporter et être élu, ou tout perdre. Voilà la devise de la démocratie de nos jours. Dans la démocratie liquide, cette compétition pour être élu représentant est écartée. À la place, les délégués rivalisent uniquement pour gagner la confiance des électeurs, ce qui ne peut être obtenu qu’en fournissant des efforts continuels et en apportant la preuve de ses compétences. Il est impossible de tromper les électeurs (tout du moins pas à long terme) et le mérite, la volonté et la capacité à améliorer la situation du pays font toute la différence.

 

La démocratie liquide crée de la responsabilité. La délégation est un indice de confiance. Si cette confiance est trahie, un électeur peut immédiatement désigner un autre délégué ou voter pour lui-même. Cette confiance provisoire entraîne un sens des responsabilités et du devoir de rendre des comptes chez les délégués, car ils peuvent perdre leur droit de vote à tout moment. Grâce à cela, ils sont plus enclins à agir de façon honnête et à voter dans l’intérêt des citoyens plutôt que dans le leur.

 

La démocratie liquide, c’est la représentation directe des minorités. Grâce à la quasi-absence d’obstacles à la participation, il est plus facile pour les minorités d’être représentées au sein du gouvernement. Cela signifie qu’aucune loi supplémentaire nécessitant un minimum de représentants issus de certaines minorités ethniques n’est exigée. En effet, la démocratie liquide constitue une représentation directe des différentes couches de la société et permet aux minorités et aux groupes ethniques, quelle que soit leur taille, de participer au processus de prise de décision et à la gouvernance du pays.

 

La démocratie liquide mène à de meilleures décisions. En évoluant en un réseau d’échanges qui prennent des décisions éclairées dans des domaines spécifiques, la démocratie liquide mène à de meilleures décisions globales. La démocratie liquide finit par évoluer en une méritocratie où les électeurs les plus talentueux, expérimentés et les mieux informés prennent les décisions dans leur domaine d’expertise.

 

La démocratie liquide est évolutive. De nos jours, les gens disposent de trop peu de temps pour se tenir au courant en permanence de la manière dont l’État est gouverné. Les décisions qu’il est nécessaire de prendre sont en nombre croissant, tandis que le temps est si précieux que beaucoup ne veulent simplement plus le passer à prendre des décisions de gouvernance. De plus, nous sommes dans une société de la spécialisation, et peu de gens sont réellement vraiment bien informés dans différents domaines. Du coup, au travers de la délégation, la prise de décision est placée entre les mains d’experts bien informés, dont le temps et les connaissances peuvent être dédiés à la meilleure gouvernance globale de l’État.

 

L’état actuel de la démocratie liquide

La raison principale pour laquelle la démocratie liquide n’a pas été mise en pratique durant la dernière décennie est principalement liée aux obstacles à sa mise en place. Les démocraties liquides, comme les démocraties directes, nécessitent une infrastructure technique de fond qui permet aux participants de constamment pouvoir voter directement ou par délégation. C’est uniquement par le biais d’Internet et avec les avancées de la cryptographie que cela a été rendu possible durant les dernières décennies.

Au-delà des obstacles technologiques, un obstacle de plus grande ampleur aujourd’hui relève de l’éducation. Le sondage Avez-vous entendu parler de la démocratie liquide ? le montre bien : seule une petite frange de la population a au mieux entendu parler de la démocratie liquide. Par voie de conséquence, afin de réussir à implanter la démocratie liquide dans des communautés de grande envergure, des efforts bien plus importants sont nécessaires pour éduquer les citoyens sur les avantages et les possibilités que peut offrir la démocratie liquide. La seule réelle réponse à cela est la création de cas concrets intéressants qui montreraient à la population externe ou interne à la communauté ce que la démocratie liquide signifie et apporte concrètement.

Un gros effort est déjà mené par les partis pirates en Europe, qui utilisent des logiciels du genre Liquidfeedback pour certaines décisions et même au cours de certaines élections. En outre, Google a récemment publié des résultats d’expérimentations internes de démocratie liquide. Nous verrons beaucoup d’autres développements dans ce domaine, et je pense que la démocratie liquide va bien progresser, avec de nouvelles initiatives qui se mettent en place. Je travaillerai personnellement sur une implémentation de la démocratie liquide sur Ethereum, et collaborerai aussi à quelques autres solutions de vote pour créer de nouveaux cas représentatifs.

 

Conclusion

La démocratie liquide est le modèle démocratique qui correspond le mieux à notre société actuelle. La technologie est prête, le seul levier qui manque est l’effort dans l’implémentation concrète, tandis que la recherche dans ce domaine relève plus du détail. Plus important encore est le besoin de déterminer quels modèles sont applicables pour la gouvernance (exécutive ou administrative) concrète d’un pays.

Je suis confiant dans le fait que dans les années qui viennent, beaucoup de questions que je me pose, comme tant d’autres, trouveront leur réponse. Qui sait, peut-être verrons-nous une petite ville, ou même juste un village, adopter la démocratie liquide dans une ou deux décennies. C’est tout à fait possible.

Sources

[1] http://homepage.cs.uiowa.edu/~jones/voting/pictures/

[2] http://www.civicyouth.org/2014-youth-turnout-and-youth-registration-rates-lowest-ever-recorded-changes-essential-in-2016/

 

demoliquideGeektionerd

 

 

Source : http://framablog.org/2015/12/09/democratie-liquide/

 

 

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13 avril 2016 3 13 /04 /avril /2016 21:30

 

La Société générale possède 103 agences de « banque privée » en France. Ces agences dédiées à la « gestion de patrimoine d’une clientèle d’entrepreneurs et de particuliers fortunés » sont un des points de départ de l’évasion fiscale organisée par la banque. Prise la main dans le sac avec ses 979 société offshore des « Panama Papers » de nombreux citoyens et militants sont venus manifestés devant la banque du bd Courbet de Nimes

Nous y avons trouvé porte close... bravant la pluie et la grêle durant 1 heure. Cela n'a pourtant pas réfreiné notre détermination...

 

 

 

 

 

 

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