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28 juin 2013 5 28 /06 /juin /2013 16:35

 

Rue89

 

Reculade 28/06/2013 à 17h00
Sophie Caillat | Journaliste Rue89

 

 

L’obligation d’indiquer le pays d’origine de la viande, fraîche ou transformée, était une belle idée, mais les députés viennent de l’enterrer.

Hanté par les mauvais souvenirs des lasagnes surgelées fourrées au cheval roumain, mon estomac ne peut qu’être noué devant les plats au bœuf du supermarché. Sauf exceptions, je vais devoir me contenter encore un moment de la mention « viande bovine » tout court sur le hachis parmentier du rayon surgelé.

VBF
Carrefour s’est engagé en février à remplacer la viande bovine et porcine de ses plats cuisinés surgelés par de la « viande exclusivement d’origine France », c’est-à-dire provenant de bétail né, élevé et abattu en France. Intermarché et Findus ont dit au ministre de l’Agriculture qu’ils feraient de même.

La promesse avait pourtant été faite au consommateur, après le scandale des lasagnes à la viande de cheval, qu’au moins il pourrait connaître le pays d’origine de l’animal.

En plein Salon de l’agriculture, on s’était rendu compte, en interrogeant les représentants de la filière bovine, qu’il était bien difficile de savoir ce que mangeaient les animaux que nous mangeons.

Mangent-ils des OGM, comme 90% des bovins ? « Non puisque la culture OGM est interdite en France », a répété Dominique Langlois, le patron d’Interbev, l’interprofession du bétail et de la viande, dans un moment d’anthologie. Le même d’ajouter :

« On va sortir par le haut de cette crise, on va prendre les devants et dire qu’on n’a rien à cacher. »

Les députés reculent, la balle dans le camp de l’Europe

En visite sur ce même salon, François Hollande avait annoncé :

« Je veux que, à terme, il y ait un étiquetage obligatoire sur les viandes qui sont insérées, introduites dans les produits cuisinés [afin que] le consommateur puisse être informé de la provenance des produits qu’il consomme et notamment des viandes. »

Le président de la République n’ignorait pas que la décision devrait être européenne et avait dit qu’il soutiendrait toutes les « démarches volontaires d’étiquetage », en attendant.

Las, dans la nuit de mercredi à jeudi 27 juin, après un long débat sur le projet de loi sur la consommation du ministre Benoît Hamon, les députés ont rejeté les amendements concernant la mention obligatoire de l’origine nationale de la viande, qu’elle soit consommée fraîche ou dans le cadre de produits alimentaires transformés.

Le ministre délégué à l’Economie sociale et solidaire et à la Consommation a argué du fait que cela devait obligatoirement être décidée au niveau européen. Il a tenté de justifier sa reculade :

« La France est en pointe sur ce dossier, et a décroché des soutiens auprès de plusieurs pays, malgré la position frileuse de la présidence irlandaise de l’UE et de la Commission européenne.

Si le signal qui est donné est de voter une disposition contraire aux textes européens, cela mettra le gouvernement français en difficulté. »

1,98 euros le hachis parmentier Carrefour

Depuis l’affaire des lasagnes, à Rue89 comme ailleurs sans doute, tout le monde s’est mis à se soucier un peu plus qu’avant de la composition de son assiette, surtout lorsqu’il s’agit de viande.

 


Un hachis parmentier Carrefour à 1,98 euros (S.C.)

 

« Qu’est-ce qu’il y a dans un plat préparé à 2 euros ? », m’avait lancé Blandine Grosjean, comme un défi. Au Carrefour du coin, j’ai trouvé un plat encore moins cher que ça : 1,98 euros le hachis parmentier surgelé prêt en cinq minutes au micro-ondes. Le rêve de tout carnivore fauché et pressé !

Las, avec Colette Roos (qui tient le blog Les dessous de l’assiette), on a retourné l’étiquette dans tous les sens sans parvenir à savoir combien de vraie viande et de vraie pomme de terre il y avait dans ce plat, ni le coût de revient du plat. A 6,60 euros le kilo, c’était juste inquiétant.

 


Composition du hachis parmentier Carrefour (cliquer pour agrandir) (S.C.)

On a surtout remarqué une chose étrange :

  • en français, il est dit que le plat contient 31% de « viande bovine cuisinée “ dont 13% de ‘viande bovine cuite hachée , nom pudique pour dire minerai de viande’ ;
  • la version espagnole de la composition dit 32% de ‘viande bovine cuisinée’ dont 16% de ‘viande bovine cuite hachée’.

Intriguée par cette différence, qui ne peut être liée à la culture, puisque le même plat est disponible dans les deux pays à l’identique, j’ai téléphoné au service consommateur Carrefour, qui a noté m’a demande et m’a promis de revenir vers moi.

Carrefour m’écrit... et me ment

Un mois et demi plus tard, je reçois un courrier de Carrefour, m’indiquant :

‘Une mise à jour de l’emballage espagnol a été faite, le terme cocinado’ ne figure plus sur la liste des ingrédients. A titre commercial, nous vous adressons un bon d’achat d’une valeur unitaire de 3,50 euros à valoir lors de vos prochains achats dans votre magasin habituel.”

Ravie que m’a demande n’ait pas été perdue, je retourne au magasin et regarde plus précisément le changement d’étiquette. Là, quelle ne fut pas ma surprise ? L’étiquette indique toujours “carne de vacuno cocinada 32% ‘ (viande bovine cuisinée) puis entre parenthèses carne picada de vacuno cocida 16% (viande bovine cuite hachée) – donc les proportions sont différentes selon la version française ou espagnole. Rien n’a changé, malgré ce qui est dit dans le courrier.

Pire, quand je sors mon bon d’achat cadeau à 3.50 euros, la carte cadeau n’affiche à la caisse qu’un crédit de 3 euros...

Un goût acide au fond de la bouche

 


Le hachis parmentier (S.C.)

 

Après cette double déception, et parce que je n’aime pas jeter ce qui est comestible, je décide de goûter ce plat au prix défiant toute concurrence. Verdict :

  • le lait entier mélanger aux flocons de pomme de terre donne le goût de l’enfance ;
  • muscade, curcuma, ail, oignon, et sel relèvent un peut le goût ;
  • j’essaie de ne pas penser à ce qu’il y a dans la viande, mais parfois je sentais le hachis croquer sous la dent.

Une fois ce plat avalé, je garde un goût d’acide citrique au fond de la bouche, repense à ce témoignage, que je préfère oublier, d’un ancien salarié d’une usine de transformation de viande et me dis que je préfère retourner chez l’artisan boucher.

 

 

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27 juin 2013 4 27 /06 /juin /2013 21:30

 

 

 

Lien dailymotion

 

* Claude Bourguignon est docteur es-sciences, directeur du Laboratoire d’Analyse Microbiologique des sols (analyse sur le terrain et au laboratoire, sur le plan chimique et biologique des sols agricoles afin d’aider les agriculteurs dans leur gestion sol en France, en Europe, en Amérique et en Afrique), ingénieur agronome (INA PG), membre de la Société d’Ecologie, membre de la Société Américaine de Microbiologie, enseignant à la première Chaire Française de Pédologie et de Microbiologie du sol (Beaujeu), auteur du livre : "Le sol, la terre et les champs" (Ed. La Manufacture/Sang de la Terre. 1989.), expert du sol auprès de la CEE. Le passage constant du terrain au laboratoire, de la politique au fondamental, lui permet d’avoir une approche globale du sol

 

 

 

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25 juin 2013 2 25 /06 /juin /2013 18:10

 

http://www.youtube.com/watch?feature=player_embedded&v=h-czHPK1_58

 

intégralité audition du banquier Qui Pourrait Faire Sauter La République

 

 

 

 

les-crises.fr

  23 juin 2013

Le 12 juin 2013, Pierre Condamin-Gerbier, ancien banquier de la banque suisse de Cahuzac, Reyl & Cnie, et ancien responsable de l’UMP en Suisse, a été auditionné par le Sénat.

Ses déclarations sont stupéfiantes…

“Il y a parfois des petits miracles au Sénat. Devant des bancs presque vides et dans l’indifférence de la presse, la Commission d’enquête sur le rôle des banques dans l’évasion fiscale a auditionné, mercredi 12 juin, le banquier de Genève Pierre Condamin-Gerbier, qui en une petite heure, en aura dit plus que le retentissant Cash Investigation d’Elise Lucet diffusé la veille.”

 

 

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25 juin 2013 2 25 /06 /juin /2013 16:26

 

les-crises.fr

 

23 juin 2013

Le 12 juin 2013, Pierre Condamin-Gerbier, ancien banquier de la banque suisse de Cahuzac, Reyl & Cnie, et ancien responsable de l’UMP en Suisse, a été auditionné par le Sénat.

Ses …

“Il y a parfois des petits miracles au Sénat. Devant des bancs presque vides et dans l’indifférence de la presse, la Commission d’enquête sur le rôle des banques dans l’évasion fiscale a auditionné, mercredi 12 juin, le banquier de Genève Pierre Condamin-Gerbier, qui en une petite heure, en aura dit plus que le retentissant Cash Investigation d’Elise Lucet diffusé la veille.”

 

 

Pierre Condamin-Gerbier : le cauchemar des banquiers suisses

émoin principal dans l’affaire Cahuzac, ce Français et ex-employé de Reyl & Cie multiplie les révélations sur le système bancaire suisse. Une médiatisation qui crée le malaise à Genève.

Il assurait, la semaine dernière, avoir dans les mains une liste de quinze personnalités politiques françaises disposant de comptes en Suisse. Pierre Condamin-Gerbier, ancien collaborateur de Reyl & Cie, à Genève, est devenu le poil à gratter de la place financière suisse. Vendredi 14 juin, il était auditionné officiellement par l’Assemblée nationale dans le cadre du projet de loi contre la fraude fiscale.

«Des Cahuzac, il y en a d’autres», lance-t-il, en dénonçant «l’hypocrisie de la classe politique française». D’abord anonyme, son témoignage est devenu public après les aveux de l’ancien ministre des Finances. «Je n’ai pour l’instant fourni aucun document à la justice, assure ce Français de 42 ans dans un café lausannois. J’ai juste renseigné sur des pratiques généralisées.» Il évoque les méthodes des commerciaux pour séduire les clients, les valises pleines de billets qui passent la frontière, les techniques complexes pour transférer de l’argent en Suisse en toute discrétion. Il n’aurait toutefois pas fait personnellement ce genre de transactions. Spécialisé dans le «family office» - la conciergerie de luxe -, l’homme affirme avoir passé, entre 2006 et 2010, des années «passionnantes» comme associé-gérant chez Reyl & Cie, qui fait désormais l’objet d’une enquête menée par le juge d’instruction Renaud Van Ruymbeke pour blanchiment de fraude fiscale. «La réussite de l’entreprise était fantastique, se souvient-il, et mes rapports avec les Reyl très corrects, avant que nous nous séparions de manière certes peu élégante.» Il répète n’avoir rien su du compte caché de Jérôme Cahuzac. Sans entrer dans les détails, un ex-collègue confirme qu’il n’avait pas accès aux informations les plus sensibles. De son côté, la banque genevoise a déclaré dans un communiqué daté du 14 juin qu’elle «n’entretient aucune relation de compte avec des résidents français exerçant des charges politiques».

«Quand l’affaire Cahuzac a explosé, je me suis dit que je devais parler»

La politique, Pierre Condamin-Gerbier la connaît bien: ce natif de Saint-Étienne a été responsable de la délégation UMP en Suisse entre 2006 et 2009. «J’avais été approché par Thierry Mariani car nous n’avions que 23 adhérents, à l’époque. Avant de m’engager, j’avais bien sûr demandé l’autorisation de la famille Reyl, poursuit-il. Et j’ai toujours séparé les deux activités.» Claudine Schmid, députée UMP des Français de Suisse, dit ne pas bien le connaître. Agacée, elle lâche: «S’il a des noms, qu’il les donne! Ou qu’il se taise, plutôt que de jeter le discrédit sur notre communauté.»

Arrivé de Londres en 2004, Pierre Condamin-Gerbier a d’abord passé quelques mois chez UBS avant de rejoindre Reyl. Puis il crée son propre «family office» en 2010 et travaille quelques mois comme consultant pour la banque Bénédict Hentsch & Cie. Pourquoi a-t-il décidé de devenir un lanceur d’alerte? «Cela faisait plusieurs années que j’étais choqué par ce que je voyais, explique-t-il. Alors quand l’affaire Cahuzac a explosé, je me suis dit que je devais parler.»

Peu de soutiens en Suisse

En Suisse, ses révélations irritent un secteur bancaire habitué à la plus grande discrétion. Proche de Reyl & Cie, le quotidien économique L’Agefi ironisait fin avril: «Il parle, mais ne sait rien.» Isolé, Pierre Condamin-Gerbier n’a que peu de soutiens en Suisse. Ses liens avec l’UMP sont aussi rompus depuis quatre ans, après, notamment, un désaccord au sujet des comptes de la section. Ce libéral a aussi été très «déçu par Nicolas Sarkozy».

Aujourd’hui, son activité professionnelle est concentrée sur quelques clients. Toujours domicilié en Suisse, non loin du Léman, ce père de famille se dit «traqué» et craint pour sa vie. Par sécurité, il a remis ses documents à un tiers. Des cernes sous les yeux mais le sourire aux lèvres, il dit attendre la fin de la tornade, avant d’envisager une reconversion.

Source : Le Figaro

« L’ensemble des établissements qui se sont développés depuis 10, 20, 30, 40 ans et plus, sur la place de Genève se sont aussi développés grâce à l’accueil de clientèles non déclarées. C’est un secret de polichinelle. Jérôme Cahuzac est un cas qui fait beaucoup parler parce qu’il est très symbolique. Il était le ministre du budget, en charge de la lutte contre la fraude fiscale. De plus, il était en renégociation d’un certain nombre de conventions avec des pays comme la Suisse. C’est aussi le mensonge qui a fait que l’on a beaucoup parlé de ce cas. Mais il est évident, là aussi, c’est un secret de polichinelle que la clientèle française des hommes et des femmes politiques de tout bord est un segment de clientèle important de bon nombre d’établissements de la place suisse depuis très longtemps.

Pierre Condamin-Gerbier © Benoît Collombat/Radio France – 2013

− Jérôme Cahuzac n’est pas le seul homme politique à avoir déposé de l’argent non déclaré au fisc en Suisse ?

C’est certain.

− Qu’est-ce qui vous permet de l’affirmer ?

18 ans d’expérience ! Il y a des Cahuzac à droite, il y a d’autres Cahuzac à gauche. Il y a des Cahuzac sur l’ensemble de l’échiquier politique.
Il y a des Cahuzac qui sont liés non pas simplement à un « simple » enrichissement personnel, mais il y a aussi des Cahuzac qui ont été utilisés par des systèmes, par des partis, par des réseaux. À gauche comme à droite.

− Pour du financement politique ?

Incluant du financement politique.

− Ça vous paraît particulièrement choquant ?

Bien sûr que ça me parait choquant. On peut avoir un jugement moral sur les gens qui ne déclarent pas leur actifs et les cachent à l’étranger, mais dans la plupart des cas, ces gens là ont « l’honnêteté intellectuelle » de rester discret, en tous cas, de ne surtout pas donner des leçons et de rentrer dans le : « Faites ce que je dis, pas ce que je fais. » Là où c’est scandaleux dans le cas de politiques, c’est que ce sont censés être des représentants de la nation, de la République, qui, encore une fois, demandent beaucoup d’efforts, donnent beaucoup de leçons, et quand évidemment ils font tout autre chose, à titre personnel ou au titre de leur parti, ça devient totalement insupportable. Tout établissements confondus il y a certainement plusieurs dizaines d’hommes et de femmes politiques de gauche et de droite français détenant, au ayant détenu, des actifs, ou ayant porté des actifs non déclarés pour d’autres, en Suisse et ailleurs, partout où on a pu trouver les mêmes avantages qu’en Suisse.

− Sur des places off-shore ?

Sur des places off-shore, oui.

− Pourquoi dites-vous que si les investigations progressent dans cette affaire, on peut découvrir « un vrai secret d’Etat », « un vrai scandale républicain » ?

Si effectivement les questions sont bien posées, et que l’on a des gens du côté français comme du côté suisse qui décident de travailler main dans la main sur ces questions, on s’apercevra qu’il n’y a pas qu’un Jérôme Cahuzac. Ce n’est pas juste le mensonge d’un homme. C’est le mensonge d’un système.

− Un système politique ?

Le groupe Reyl et Compagnie, devenu une banque en 2010 © Benoit Collombat
D’un système politique, oui. Maintenant pour qu’on soit aussi très clair, il ne faut pas, non plus, tomber dans l’autre extrême qui est celui du : « Tous pourris. » Il y a énormément d’hommes et de femmes politiques qui n’ont pas du tout recours à ces pratiques. Le but ce n’est pas de jeter l’opprobre général, mais d’être conscient que, néanmoins, à un très haut niveau, et surtout au sommet de la pyramide, ces pratiques ont existé et continuent d’une certaine façon d’exister. Il n’y a pas qu’une motivation fiscale, il y a d’autres motivations du secret qui sont tout à fait détestables.

Finalement, ce ne sont pas les affaires de Monsieur Cahuzac qui sont explosives, ce sont les réseaux communs à beaucoup de ces affaires que l’affaire Cahuzac est en train de soulever. Ce sont les pratiques, les techniques, l’hypocrisie. Ce sont des acteurs qui jouent « les vierges effarouchées » sur les ondes et les écrans de télévision en France, qu’on retrouve « les mains dans le pot de confiture. » C’est en cela que cette affaire Cahuzac est un scandale d’Etat. Non pas parce qu’il s’agit spécifiquement de Monsieur Cahuzac ou que derrière il y a tel ou tel établissement, mais parce qu’on a maintenant sur la table, à la lumière, une pratique dont on s’aperçoit que, contrairement à ce que tout le monde nous a dit, à gauche comme à droite, n’est pas la pratique d’un homme mais la pratique d’un système.

− Est-ce que certaines personnes vous on conseillé de vous taire ?

Beaucoup de gens m’ont conseillé de me taire, en me disant que ce n’est pas à moi de parler, que ça peut m’amener des problèmes et que ça peut interférer dans ma carrière. Mais à un moment donné, il faut choisir. J’ai aussi envie quand je me regarde dans la glace le matin, ou quand je regarde ma petite fille, d’être en paix avec ma conscience de citoyen.

− Vous avez été menacé ?

Bien sûr.

− C’est-à-dire ?

Vous avez des gens qui interrompent des conversations dans le cadre de projets personnels ou qui vous font passer des messages (jamais eux même directement, courageux mais pas téméraire !), par l’intermédiaire de journalistes, de connaissances communes…

−Quel genre de message ?

On vous fait savoir que vous pourriez avoir une ribambelle de poursuites judiciaires. On pourrait vous fermer beaucoup de portes. Il pourrait arriver des choses à vous-même ou à votre famille…

−C’est allé jusque là ?

C’est allé jusque là, absolument. Je dénonce surtout l’hypocrisie de la classe politique française. Encore une fois, je pense que c’est mon devoir de citoyen français de témoigner. Beaucoup de gens ont témoigné à la périphérie de toutes ces questions. Il était peut-être temps qu’un observateur de l’intérieur puisse témoigner, et dénonce une pratique en espérant que ce témoignage servira à ce que cette pratique cesse.

Si la justice va au bout, cette affaire peut aller très loin. Elle peut aller jusqu’à la révélation intégrale d’un système. On s’apercevra qu’il y a aujourd’hui un problème systémique, une pratique systémique de fraude impliquant des gens importants. Des politiques… et d’autres, parce qu’il n’y a pas que les hommes politiques qui sont donneurs de leçons. Il y a des hommes d’affaires, des sportifs. Ils vous expliquent à quel point c’est mal de faire certaines choses alors qu’eux-mêmes l’on fait pendant plusieurs années, et pour certains continuent de le faire.

Pierre Condamin-Gerbier connaît bien les rouages politiques puisqu’il a été responsable de la délégation UMP en Suisse en 2007-2008. Il a notamment été le témoin d’une visite en Suisse, en mars 2007, du trésorier de l’UMP Eric Woerth et de Patrick Devedjian, venus lever des fonds pour la campagne présidentielle de Nicolas Sarkozy.

Pierre Condamin-Gerbier revient sur cet épisode et sur ce qu’il considère comme le « double discours » de sa propre famille politique, à partir du moment où Eric Woerth, alors ministre du budget, a annoncé qu’il partait en guerre contre la fraude fiscale…

« Ce qui m’a profondément choqué a été l’ostracisme complet d’Eric Woerth, Patrick Devedjian et d’autres à l’UMP, vis-à-vis de personnes dont ils serraient les mains, avaient de grands sourires et étaient très amicaux, tout en les traitant ensuite de « mauvais patriotes », ou de mauvais Français. Ils ont eu des discours et des doigts pointés extrêmement agressifs envers eux, alors que ces gens là étaient des amis quelques semaines auparavant…

Mon espoir était que, enfin, avec l’arrivée au pouvoir d’un nouveau gouvernement et d’un nouveau président, Nicolas Sarkozy, on allait pouvoir faire table rase du passé. Et dire : ‘voilà, il y a eu des pratiques dans le passé. On ne peut pas revenir dessus, et l’effacer, mais on peut maintenant créer un système afin que tout cela s’arrête et que les choses soient faites de façon beaucoup plus transparente’. »

— Ces pratiques n’ont pas disparu ? 

Ces pratiques n’ont absolument pas disparu. Simplement, comme les législations se sont renforcées, les marges de manœuvre se sont resserrées. Ces pratiques ont simplement dû devenir beaucoup plus techniques, plus complexes, plus opaques. La forme a changée, mais le fond est toujours là. C’est le double discours de ma propre famille, de la plupart des familles politiques en France que je trouve considérablement scandaleux. Vous avez, d’un côté, des liens très forts qui existent entre des politiques et des gens qui pratiquent la fraude fiscale, y compris à l’UMP (comme partout), qui ne correspondaient pas au discours de lutte affichée de lutte contre ces pratiques. Sur le fond, comme sur la forme, les choses ne coïncidaient pas.

Source : France Inter

Slate a réalisé un best of :

Premier constat: le fisc ne peut rien face aux dernières innovations financières en matière de fraude. Comme dans le cyclisme, seul les dopés amateurs se font prendre.

 

Les valises de billet, c’était la préhistoire de l’évasion fiscale…

 

La mode aujourd’hui, c’est d’aller à Hong-Kong. Bien plus que Singapour, où Cahuzac avait rapatrié son compte.

 

Les banques recrutent tranquillement leurs clients à l’évasion fiscale à quelques centaines de mètres du Sénat.

 

Et maintenant, un tuto d’évasion fiscale… Première méthode: l’assurance-vie luxembourgeoise.

 

Deuxième méthode: les prêts Lombard, très pratique pour rapatrier de l’argent douteux en France.

 

Sinon, reste le monde de l’art. Avec une petite dédicace aux tableaux de Laurent Fabius. Fabius qui était le ministre du Budget en 1982 lorsque le gouvernement Mauroy fit le choix d’exclure les oeuvres d’art de l’impôt sur les grandes fortunes.

 

L’évasion de capitaux, ça peut aussi être un grand jeu selon Condamin-Gerbier, qui accuse directement la Société Générale.


Et on passe au volet politique, avec cette petite allusion…


Condamin-Gerbier laisse entendre que la fraude pourrait aussi concerner le financement des partis politiques.


Autre méthode pour que le fisc ferme les yeux: financer les campagnes politiques?


Et si l’État connaissait en fait très bien les circuits de la fraude fiscale?

Vincent Glad pour Slate

 


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24 juin 2013 1 24 /06 /juin /2013 16:48

 

 

Médiapart - Blog

Préserver l’autre exception culturelle :

le droit des entreprises en difficulté au service de l’activité et de l’emploi

 

Dans sa dernière édition en date de juin 2013, le Conseil d’analyse économique (CAE), sous la plume de MM. Plantin, Thesmar et Tirole, consacre une note sur « les enjeux économiques du droit des faillites » (à télécharger en bas de ce document). Il est toujours vivifiant que des spécialistes d’une matière s’immiscent dans une autre. Ils peuvent apporter une vision différente et renouvelée. Cette immixtion permet également de mettre en exergue la pensée sous-jacente du spécialiste qui empiète le domaine du voisin. Pour le dire simplement, l’analyse économique qui prévaut en la matière dénote une méconnaissance de la pratique et du droit des entreprises en difficulté.

Ce sera la première observation. En décidant de s’intéresser au « droit des faillites » et non au « droit des entreprises en difficulté », le CAE commet soit un anachronisme, soit révèle ses véritables intentions. Anachronisme car depuis le Code de commerce de 1810, le droit a connu une lente évolution qui a consisté à distinguer l’homme de l’entreprise, limiter les intrusions des créanciers qui se comportaient trop souvent comme des charognards et permettre le redressement de l’entreprise par le maintien de l’activité et de l’emploi. En 1985, la loi Badinter a achevé cette évolution. Depuis lors, on constate une remise en cause de ces principes pour revenir par touches successives à une procédure collective au service des créanciers[1]. Et c’est bien l’objectif avancé par la note du CAE : sous prétexte d’un « rééquilibrage des procédures » c’est un grand retour en arrière qui est proposé en faveur exclusivement des créanciers. En effet, la note préconise que les créanciers «  puissent contrôler la durée des procédures, qu’ils aient la faculté de rejeter rapidement les plans de réorganisation du débiteur et de formuler des contre-propositions qui forcent éventuellement la dilution des actionnaires (par exemple par la conversion de dettes en actions) ».

Appelons un chat un chat. Derrière le vocabulaire aimable de « créanciers » se cache en réalité l’identité des banquiers qui deviennent, encore un peu plus, maitres de la vie et de la mort des entreprises et seraient susceptibles, pour les dossiers importants, de jouer au mécano industriel dans le seul intérêt de défendre leurs droits.

Là, les auteurs introduisent une information qui, loin de justifier leur présupposé, vient le priver de toute efficacité. En effet, ils constatent que « les crédits portés par les entreprises ayant été défaillantes en 2012 ne représentent que 0,5 % de l’encours total de crédit aux entreprises (1,4 % pour les PME). Ce montant est stable, à peine supérieur à son niveau antérieur à la crise de 2007. La faible fréquence des événements de crédit, pour les entreprises françaises, ne doit cependant pas conduire à sous-estimer l’importance des règles de gestion de la défaillance dans l’équilibre du contrat de dette ». Certes, mais cet « équilibre » (le mot fait sourire tant le rapport de force joue en faveur des prêteurs) n’est il pas couvert par les intérêts versés par l’emprunteur qui rémunèrent le risque pris par la banque ? Autrement dit, en plus d’une position de force économique, on souhaite établir un déséquilibre juridique pour limiter non seulement la volonté des débiteurs mais également le pouvoir d’appréciation des juges.

 

            Car c’est là une rupture significative avec la tradition française. En effet, le rapport du CAE propose que  « le juge ne puisse approuver un plan sans un soutien suffisant des classes de créanciers pivots – celles dont les créances sont partiellement, mais pas intégralement couvertes par l’actif disponible selon le plan ». Dit plus simplement, le pouvoir du juge se trouve encadré par la volonté des créanciers réunis en comité. La rupture vient aussi dans le choix des juges consulaires. Le rapport prend parti sur la réforme annoncée de la juridiction commerciale : « l’introduction de juges professionnels en première instance n’est pas le remède adapté aux dysfonctionnements relevés dans les Tribunaux de commerce compte tenu de leur distance vis-à-vis du monde de l’entreprise. Nous privilégions une réforme du statut des juges élus, de leurs obligations en matière de formation juridique, ainsi que du traitement des conflits d’intérêts ». Suis-je un esprit mal intentionné si je comprends en filigrane que les juridictions des faillites devraient être réservées … à d’anciens juristes de banques ?

 

            Parmi les autres ruptures avancées, le rapport du CAE propose « d’adapter le droit des faillites du XXIème siècle et redéfinir les « super-privilèges ». Derrière les formules euphémistiques se cache une nouvelle remise en cause des dernières protections des salariés dans un mouvement évidemment moderne, fluide et où le rêve de certains est en passe de se réaliser : produire de la richesse sans mains d’œuvre, les fameuses usines sans ouvrier !

 

            Enfin, la conclusion du rapport pourrait être presque prêtée à sourire. Le grand retour de la toute puissance des créanciers dans les procédures collectives de paiement, au détriment du redressement des entreprises et de la sauvegarde des emplois, se trouve justifier par le « contexte post-crise de réduction de la taille des bilans des institutions financières ». Il appartient donc aux entreprises en difficulté de supporter les errements et les gaspillages de la finance. Ce n’est pas sérieux !

 

            Ce document doit se comprendre comme une nouvelle offensive idéologique tendant à remettre en cause des pans entiers de notre droit au nom d’une modernité qui est le masque souriant d’une réaction et au nom d’un isolement supposé de notre droit qu’il reste à démontrer, tant l’influence de la loi Badinter de 1985 a été grande dans de nombreux pays.

 

Il faut ici réaffirmer la conception rhénane du capitalisme qui s’oppose au capitalisme anglo-saxon : le droit de la propriété n’est pas l’alpha et l’oméga de la pensée juridique. De même, l’intérêt social d’une société englobe non seulement l’intérêt de propriétaires (associés, actionnaires et/ou créanciers) mais aussi celui de ses parties prenantes, à savoir notamment ses salariés et ses cocontractants habituels. Dans la recherche du juste équilibre des intérêts en présence, le juge doit veiller à n’en privilégier aucun exclusivement et à trouver toute mesure afin de préserver (notamment en période de difficultés) l’emploi, l’activité et la pérennité de l’entreprise.

 

Christophe Lèguevaques est avocat au Barreau de Paris.

 


 

6 PROPOSITIONS POUR UNE REFORME DU DROIT DES FAILLITES

 

Proposition 1. Faire de la maximisation de la valeur totale de l’entreprise l’objectif privilégié des procédures collectives.

 

Proposition 2. Dans le cadre des procédures de redressement judiciaire et de sauvegarde, classer les créanciers en fonction de leur rang et mettre la décision finale entre les mains de la classe pivot.

 

 

 

Proposition 3. Réduire le pouvoir de négociation des actionnaires dans les procédures en amont de la liquidation judiciaire.

 

Proposition 4. Créer la possibilié d’opter, au moment où le crédit est accordé, pour un régime dérogatoire d’administration séquestre.

 

Proposition 5. Préférer une réforme de la justice consulaire à un rôle accru des magistrats professionnels dans le droit des faillites

 

Proposition 6. Adapter le droit des faillites aux défis du XXIe siècle : redéfinir les « super-privilèges », infléchir le droit des groupes, poursuivre la suppression des stigmates des faillites et favoriser une convergence européenne pour limiter l’arbitrage réglementaire.

 Notes du CAE, n° 7, Juin 2013

 

 


[1] Christophe Lèguevaques,Le sort des créanciers après la loi de sauvegarde des entreprises : entre renforcement des droits et allègements des devoirs ? Petites affiches, N° Spécial, « Regards croisés de praticiens sur la loi de sauvegarde », 17 février 2006 - No 35, p. 63 et s.

Fichier attachéTaille Conseil_dAnalyse_Economique__Les_enjeux_economiques_du_droit_des_faillites_Note_du_CAE_ndeg7_juin_2013.pdf 80.21 Ko Note_CAE-note007_droit_des_faillites.pdf

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23 juin 2013 7 23 /06 /juin /2013 17:47

 

Médiapart

 

 

 

Edward Snowden, l'informaticien à l'origine du scandale Prism aux États-Unis, cette vaste affaire d'écoutes illégales du web mondial par la National Security Agency (NSA) américaine, a quitté Hong Kong où il s'était réfugié depuis le 20 mai, pour une destination inconnue dimanche. Selon des informations de presse, il aurait pris un vol à destination de Moscou, mais ce ne pourrait être qu'une étape.

Les autorités russes ne sont pas au courant d'une prochaine arrivée à Moscou de l'ex-consultant des services secrets américains, a déclaré à l'AFP le porte-parole du président Vladimir Poutine, Dmitri Peskov. De son côté, le site internet Wikileaks a affirmé sur Twitter avoir « fourni une aide pour l'asile politique de M. Snowden dans un pays démocratique », sans fournir plus de détails sur sa destination.

 

 

Le départ d'Edward Snowden survient quelques jours après que les États-Unis ont formellement demandé aux autorités de Hong Kong de l'arrêter en vue d'obtenir son extradition. Mais les autorités hongkongaises « n'ont pas obtenu d'informations pertinentes » justifiant son arrestation, a indiqué le porte-parole du gouvernement dans un communiqué. L’ancien consultant de 29 ans vient d’être inculpé pour espionnage, vol et utilisation de biens gouvernementaux par la justice américaine, dans l’État de Virginie où se situe le quartier général de la société Booz Allen. 

Mais le scandale soulevé a quitté en fin de semaine dernière les États-Unis pour gagner l'Europe, et en particulier l'Angleterre. Vendredi, en se basant sur de nouveaux documents secrets fuités par l’Américain Edward Snowden, le quotidien The Guardian a révélé (à lire ici) comment les services de renseignement anglais ont intercepté et stocké des informations échangées à travers le monde, en ayant accès aux câbles sous-marins reliant les États-Unis à l’Europe, via lequel transite le trafic internet mais aussi téléphonique.

Le Guardian raconte comment cette opération de surveillance du Government Communications Headquarters (GCHQ), l’équivalent anglais de la NSA, l’agence de surveillance américaine, s’est développé depuis 2008. D’abord centrée sur la surveillance des échanges, elle devient en 2011 l’opération « Tempura » et permet aux services anglais de stocker des données pour les traiter ultérieurement. Ils peuvent conserver pendant trois jours des informations tels que le contenu d’emails et de discussions en ligne, l’historique des recherches d’un internaute ou encore des conversations téléphoniques  ; tandis que les métadonnées (le lieu, la date et la durée d’une communication) peuvent l’être pendant trente jours.

Edward Snowden continue donc de dévoiler, comme il le prévoyait, ce qu’il a désigné comme étant « l'immense machine de surveillance que les États-Unis sont en train de construire ». Car ces dernières révélations nous apprennent que les données collectées par les services anglais sont ensuite échangées avec la NSA américaine. Selon le quotidien, 850 000 employés de la NSA et de sociétés à laquelle l’agence américaine sous-traite – telle que Booz Allen Hamilton, pour laquelle travaillait Edward Snowden – ont eu accès à la base de données ainsi générée par la GCHQ.

Des deux côtés de l’Atlantique, la ligne de défense des autorités face à ces fuites est la même : les autorités anglaises expliquent avoir agi dans un « cadre légal », en respectant des garde-fous comme des « mécanismes d'audit pour savoir si l'interception est justifiée ou non », comme l’explique une source gouvernementale au Guardian. Sans nous permettre d’y voir plus clair sur les cibles de ces opérations de grande ampleur, la manière dont les informations sont traitées, par qui, et avec quels objectifs hormis la lutte antiterrorisme. Que ce soit sur Tempura ou sur le programme américain de surveillance de l’Internet, Prism, les questions restent nombreuses.

 

Edward Snowden 
Edward Snowden© Image d'une vidéo du Guardian

Car Edward Snowden est en train de faire une brèche considérable dans un domaine par définition secret, la surveillance et l’espionnage, arguant que les millions de citoyens se retrouvant ainsi surveillés ont le droit de savoir. Une démarche qui n’est pas du goût de tous…

Aux États-Unis, ces révélations n’ont pas encore donné naissance au fameux débat sur l’équilibre entre la lutte anti-terroriste et la protection de la vie privée, tel que le préconisait Barack Obama il y a dix jours et elles n'ont pas non plus donné lieu à plus de transparence de la part de son administration. Elle continue de défendre bec et ongle ses efforts pour « sécuriser le pays », comme l’indiquait vendredi le ministre de la justice, Eric Holder, lors d’une conférence de presse. Il a seulement annoncé que le gouvernement souhaitait offrir aux Américains une vision « holistique » de son système de surveillance, notamment en déclassifiant plus d’informations, comme par exemple des arrêts de la cour secrète dite « Fisa Court ». Ce qui permettrait en effet d’y voir plus clair sur la justification légale de Prism, pour la surveillance internet, et du programme visant les clients de l’opérateur de téléphonie mobile Verizon. Eric Holder n’a cependant offert ni date ni cadre d’action plus précis…

Quant à la discussion sur l’efficacité de ces programmes, puisque les autorités américaines avancent qu’ils ont permis de déjouer une cinquantaine de menaces aux États-Unis et à l’étranger : « Ce débat n’ira nulle part », tranche Kevin Haggerty, criminologue et sociologue, expert en surveillance à l’université d’Alberta, au Canada, coauteur de The new politics of surveillance and visibility, publié en 2006. « Les autorités répondent que ça fonctionne. La question suivante est, “donnez-nous des preuves”. Et ces preuves ne viennent pas, c’est confidentiel, le débat est clos », explique-t-il.

La surveillance vient du web… Et la résistance aussi.

Finalement, ces derniers jours, les efforts de transparence autant que les détails sur le fonctionnement de Prism sont en fait venus des entreprises du web ayant collaboré avec les autorités américaines, dont les noms sont apparus dans les documents secrets publiés par le Washington Post et le Guardian, le 6 juin.

Souhaitant rassurer leurs clients et prouver tant bien que mal que la NSA ne pioche pas comme elle l’entend dans leurs serveurs, Microsoft, Facebook, Yahoo! et Apple ont révélé tour à tour le nombre de requêtes que leur ont adressées les autorités américaines. Yahoo! s’est ainsi exprimé via sa page Tumblr (à lire ici), expliquant avoir reçu quelque 13  000 requêtes au cours des six derniers mois, contre 6 000 pour Facebook. On y lit, « les requêtes les plus communes étant liées à des affaires de fraudes, des homicides, des kidnappings, et d’autres enquêtes criminelles ». Et pas de mention de l’antiterrorisme…

« Ces entreprises sont soucieuses de leur image, elles peuvent perdre des clients, elles prennent donc un risque à être trop associées à la surveillance étatique », note Kevin Haggerty. Il souligne que leur collaboration est pourtant l’une des dimensions majeures de « la dynamique de la surveillance depuis les attaques du 11 septembre », un système qui repose sur « la ligne de plus en plus floue entre le privé et le public ». Et, plus globalement, le signe d’un « changement dans l’équilibre du pouvoir entre les citoyens, et les organisations, qu’elles soient publiques ou privées, États ou entreprises. Le public est devenu plus transparent et plus facile à surveiller, via les réseaux sociaux entre autres, tandis que les organisations sont à la fois de plus en plus opaques et plus à même de nous manipuler ».

« La réaction du public face à cela est intéressante, offrant un mélange de choc et d’apathie », remarque-t-il. Les Américains sont en effet divisés, certains ne voyant pas trop où est le problème si cette surveillance permet d'éviter un second « 11 septembre », d’autres se disant de plus en plus déçus vis-à-vis de l’administration Obama sans pour autant trouver un quelconque réconfort auprès du parti républicain, pour qui la sécurité nationale justifie tout autant des mesures d’exception. Le tout donnant l’impression de renforcer la résignation et le cynisme vis-à-vis de la chose politique… Alors, à défaut d'un débat politique suffisant, ceux que ces affaires de surveillance dérangent le plus se tournent en fait vers le web.

En effet, si les révélations en cascade des dix derniers jours ont un impact, eh bien, il s’agit actuellement de la montée en puissance de petits services web, jusqu'ici confidentiels, promettant anonymat et respect de la vie privée. « Nous observons un intérêt grandissant pour les questions de protection des données digitales depuis ces révélations. Des citoyens lambda nous interrogent sur les produits existants sur la toile pour éviter d’être surveillés, mais aussi des journalistes qui s’inquiètent de la protection de leurs sources », témoigne Seth David Schoen, spécialiste des technologies de l’internet à la Electronic Frontier Foundation, organisation de référence militant pour le respect des droits et des libertés individuelles sur le web.

En témoigne l’explosion de « duck duck go search » (ici le site, là le plugin pour Firefox, celui pour Chrome, celui pour Safari et celui pour Internet Explorer), un moteur de recherche sur internet promettant de ne pas garder l’historique des recherches de ses utilisateurs. Ce service fondé en 2008 aux États-Unis a vu son trafic augmenter de 50 % en huit jours, pour atteindre jeudi plus de 3 millions de recherches quotidiennes (à comparer aux 13,3 milliards par sur Google, seulement aux États-Unis…).

 

 

« Il existe des outils pour ne pas être surveillés en ligne depuis les années 90, mais encore faut-il distinguer le type de surveillance et le type de données digitales que l’on cherche à protéger. Le réseau Tor permet par exemple de surfer sur internet de manière anonyme. Pour l’envoi d’email, le logiciel PGP permet lui de chiffrer ses courriels et donc de ne les rendre lisibles que par le ou les destinataires. Cela paraît compliqué, mais ça ne l’est pas plus qu’une carte de crédit. C’est seulement que nous n’avons pas assez d’informations sur ces softwares », poursuit Seth Schoen, notant qu’il serait possible d’encourager les entreprises à utiliser ce genre de logiciels.

« Ce sont des poches de résistance », résume Kevin Haggerty, « même s’il reste difficile de savoir si aucune entreprise du web appartient à ce grand réseau de surveillance… ». Alors, au cas où, Seth Schoen avertit simplement, « il ne faut pas trop faire confiance à l’électronique ».

 

 


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19 juin 2013 3 19 /06 /juin /2013 15:54

 

 

CATDM

 

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19 juin par Éric Toussaint

 

 


 

Si une banque essuie des pertes importantes (par exemple par le non-remboursement de crédits suite à la faillite d’une grande entreprise, ou plus souvent, par des pertes sur les produits financiers échangés sur les marchés dérivés, ABS-RMBS, CDO… - notamment liées à la crise de l’immobilier ou à de mauvais paris sur l’évolution des taux de change, des taux d’intérêt… quelquefois pertes sur des titres souverains…), elle doit absorber ses pertes en ayant recours à son capital (ses fonds propres) |1|.

Si ce capital est insuffisant, alors elle se retrouve en faillite… ! En principe, selon les règles de prudence en vigueur, une banque ne peut pas prêter plus de 12,5 fois son capital. Cette règle est basée sur le postulat qu’avec 8% de capital par rapport à ses actifs totaux |2|, une banque ne peut pas faire faillite car il est fort probable que ses pertes soient inférieures à 8 % et donc qu’elle pourra y faire face. Nous allons montrer qu’en réalité, les banques peuvent développer des activités (c’est-à-dire prendre des risques) qui dépassent de très loin ce ratio. Au lieu de 1 / 12,5 (8%), le ratio Fonds propres/Actifs ne dépasse pas souvent 1/20 (5%). De plus, plusieurs très grandes banques ont un ratio de 1/25 (4%), voir 1/33 (3,33%) jusqu’à 1/50 (2%). Nous allons montrer comment, en toute légalité, c’est possible.

Le Comité de Bâle (voir encadré) envisage de baisser la limite à 1/33, ce qui est scandaleusement exagéré. Autoriser une banque à « prêter » 33 fois son capital laisse subsister une situation dans laquelle une (petite) perte de 3,33% sur les actifs entraîne la faillite. Une telle décision rend la poursuite des crises bancaires quasiment garantie.

 

Le Comité de Bâle et la Banque des règlements internationaux

Les accords de Bâle sont élaborés par le Comité de Bâle sur la supervision bancaire. Ce Comité dont la composition a évolué depuis les années 1980 rassemble aujourd’hui les banquiers centraux des pays du G20 sous l’égide de la Banque des règlements internationaux (BRI, voir plus bas) à Bâle. Il est responsable de quatre missions principales : le renforcement de la sécurité et de la fiabilité du système financier, l’établissement de standards minimaux en matière de contrôle prudentiel bancaire, la diffusion et la promotion de meilleures pratiques bancaires et de surveillance, et la promotion de la coopération internationale en matière de contrôle prudentiel. La BRI est quant à elle une organisation internationale créée en 1930, chargée de promouvoir la coopération monétaire et financière internationale. Elle joue également le rôle de banque des banques centrales. Son mandat s’articule autour de plusieurs axes : forum de discussion et d’analyse des politiques monétaires des banques centrales, centre de recherche économique et monétaire, première contrepartie des banques centrales dans leurs transactions internationales et agent financier. Elle associe 56 banques centrales dont celles du G10. Plusieurs comités et organisations voués à la stabilité monétaire et financière ou au système financier international ont été institués en son sein, comme le Comité de Bâle et le Committee on the Global Financial System (CGFS). |3|

Mais avant cela, nous allons expliquer pourquoi les banques sont à la recherche d’un effet de levier élevé, l’implication que cela a sur le gonflement des actifs des banques, l’augmentation du recours des banques à l’emprunt et les risques qui en découlent.

 

L’effet de levier

A partir de la dérèglementation néolibérale des années 1980, on a assisté à une baisse radicale du ratio entre les fonds propres (capital+réserves) que les banques doivent réunir et le volume de leurs dettes (les fonds propres + les dettes = le passif). Pour 1000 euros de capital, le nombre d’euros que les banques pouvaient emprunter a considérablement augmenté : c’est ce que l’on appelle l’effet de levier. Les banques ont progressivement augmenté cet effet de levier avec l’autorisation des autorités de contrôle. Le but est d’augmenter la rentabilité que les actionnaires retirent de leur investissement dans la banque en augmentant les montants empruntés. Pourquoi l’effet de levier le plus élevé possible constitue-t-il un objectif poursuivi par les grandes banques ? En quoi cela augmente-il la rentabilité de la banque du point de vue des actionnaires ?

 

A la poursuite du « ROE » maximum

La notion de ROE (« Return on Equity », ou rendement sur fonds propres) constitue une clé de compréhension. Schématiquement, les fonds propres d’une banque sont constitués du capital apporté par les actionnaires |4|. Il y a 25 ans, en principe, ils représentaient environ 8 % du bilan de la banque. Prenons une banque qui avait des actifs qui atteignaient 100 milliards d’euros (qui se répartissent en crédits aux ménages et aux entreprises, en titres de la dette souveraine, en obligations d’entreprises et autres titres financiers), son capital équivalait à 8 milliards d’euros.

Dans ces conditions, pour atteindre un rendement sur fonds propres (ROE) de 15%, il faut un bénéfice net de 1,2 milliard d’euros (soit 15% de 8 milliards). Obtenir un tel bénéfice net à partir d’actifs qui s’élèvent à 100 milliards d’euros paraît aisé : cela représente 1,2% de la somme.

 

Le gonflement exponentiel du bilan des banques afin d’augmenter le ROE

A partir du milieu des années 1990, se développent très rapidement de nouveaux produits financiers : des dérivés de différents types, des produits structurés… Les grandes banques veulent leurs parts de marché de ce secteur en plein développement. Elles sont convaincues que si elles ne s’y lancent pas, elles seront dépassées et peut-être absorbées par des concurrents. Le rendement de ces produits est relativement faible, ils rapportent en général moins de 1%. Du coup, une banque dont les actionnaires veulent que le ROE passe de 20 à 30% est poussée à augmenter de manière exponentielle ses actifs et simultanément à recourir de plus en plus à des emprunts pour faire jouer au maximum l’effet de levier. Dans l’exemple mentionné précédemment, le bilan de la banque est alors multiplié par 3 en une dizaine d’années pour atteindre 300 milliards tandis que le capital n’est pas augmenté. Il représente toujours 8 milliards, soit 2,66% du bilan. Le financement de cette croissance du bilan est passé par le recours à l’endettement.

 

Entre 2002 et 2011, les banques ont multiplié leurs actifs par 2,5

Selon le FMI |5|, les actifs bancaires mondiaux sont passés de 40.000 à 97.000 milliards de dollars entre 2002 et 2007. Entre 2007 et 2011, ils ont encore augmenté pour atteindre 105.000 milliards de dollars |6|.

Si on considère l’ensemble du secteur bancaire européen, les actifs sont passés de 25.000 milliards d’euros en 2001 à 43.000 milliards en 2008, soit 3,5 fois le PIB de l’UE |7| !

Vu la sévérité de la crise, on aurait pu s’attendre à une rapide restructuration du secteur bancaire avec un dégonflement des bilans des banques et la fermeture des firmes les plus faibles. Cela ne s’est pas produit, le volume des actifs n’a pas diminué depuis l’éclatement de la crise en 2008 |8|. En effet, alors que le volume de leurs actifs atteignait 43.000 milliards euros en 2008, il a atteint 45.000 milliards euros en 2011. Tandis que le PIB européen diminuait légèrement, les actifs des banques européennes poursuivaient leur augmentation pour atteindre 370% du PIB européen en 2011 ! |9|

Entre 2007 et 2011, les actifs de la Deutsche Bank ont augmenté de 12,4% (la plus grande banque à l’échelle mondiale), ceux de la britannique HSBC de 22,2% (deuxième banque mondiale), ceux de la principale banque française BNP Paribas de 16%, ceux du Crédit Agricole de 22%, ceux de Barclays de 12%, ceux de la principale banque espagnole Santander de 37,1%, ceux de la principale banque suédoise Nordéa de 84,1%, ceux de la deuxième banque allemande Commerzbank de 7,3%, ceux de la banque italienne Intesa de 11,6%, ceux de la deuxième banque espagnole BBVA de 19,1%. Sur les 18 principales banques européennes, seules trois ont connu une baisse des actifs : Royal Bank of Scotland (-28%), la principale banque hollandaise ING (-3,3%) et la principale banque italienne Unicredit (-9,3%) |10|.

 

Conséquences de l’augmentation de l’effet de levier

Première conséquence : une prise de risque de plus en plus élevée |11| et des débâcles bancaires à répétition. Deuxième conséquence : le sauvetage des banques par les pouvoirs publics qui mettent le peuple à contribution. Dans nombre de pays (Irlande, Islande, Espagne, Belgique, Royaume-Uni, Allemagne, Pays-Bas, Etats-Unis, Chypre, Grèce…), la dette publique a augmenté fortement depuis 2008 en raison des sauvetages bancaires.

Pourtant, comme mentionné plus haut, six années après le démarrage de la plus grande crise bancaire depuis les années 1930, les gouvernements et les autorités de contrôle se proposent de ramener l’effet de levier à 1/33. La banque qui a 1 euro en fonds propres peut donc emprunter 32 euros et mener des activités pour 33 euros. Cela promet inévitablement la poursuite des crises bancaires.

Le recours à l’effet de levier a été favorisé en plusieurs étapes.

 

Bâle 1 : un encouragement à la dérèglementation voulue par les banques

Première étape : à partir de 1988, les accords de Bâle 1 prévoient que les banques doivent avoir à leur disposition sous forme de fonds propres l’équivalent de 8% de leur bilan. Cela veut dire que si elles disposent de 1 euro en fonds propres (apporté en principe par les actionnaires), elles peuvent prêter 12,5. Cela signifie également que pour prêter 12,5 alors qu’elles n’ont que 1 de fonds propres, elles peuvent emprunter 11,5. Par rapport aux normes en vigueur depuis les années 1930, il s’agissait déjà d’un important encouragement à recourir à l’endettement pour augmenter le volume des activités de la banque. Or ces 8% apparaissent comme un montant élevé depuis les accords de Bâle 2 que nous verrons plus loin.

Attention, il faut nuancer de manière importante la description qui vient d’être faite. En effet, ce n’est pas 12,5 qu’elles peuvent prêter… En réalité, elles peuvent « prêter » 25 (c’est le cas de BNP Paribas), voire 50 (c’est le cas de Deutsche Bank ou de Barclays) tout en respectant Bâle 1 (et Bâle 2 actuellement en vigueur). Pourquoi est-ce possible ? Parce qu’elles peuvent jouer sur le dénominateur |12| du ratio fonds propres / actifs, car ce ratio n’est pas appliqué au total des actifs. En effet, Bâle 1 (tout comme Bâle 2 et Bâle 3 que nous analyserons plus loin) permet à la banque de « réduire » la valeur des actifs en considérant qu’une grande partie d’entre eux ne sont pas risqués. La valeur des actifs est calculée en fonction du risque qu’ils représentent. Les titres de dette souveraine émise par des Etats membres de l’OCDE sont considérés comme ne présentant aucun risque. Les prêts aux banques cotées entre AAA et AA- ne présentent que 20% de risque. Bâle 1 établissait 5 catégories de risque en fonction du débiteur ou de la contrepartie : 1) Etats et pouvoirs publics, 2) grandes entreprises non financières, 3) banques, 4) particuliers et petites entreprises (retail) et 5) autres.

 

Comment un ratio de 4% peut être transformé en un ratio de 10%

Si la banque Banxia a 4 de fonds propres et 100 d’actifs, cela représente un ratio de 4% alors qu’elle doit atteindre 8% dans le cadre de Bâle 1 (et de Bâle 2 qui est d’application en 2013-2014). Comme fait-elle pour l’atteindre sans rien changer ? Elle va pondérer ses actifs en fonction du risque. Prenons le cas théorique suivant : sur les 100, elle détient des titres souverains de pays qui disposent d’une note comprise entre AAA et AA- pour un montant de 30. Elle peut alors soustraire ces 30 du total de ses actifs. Pourquoi ? Parce que la législation en vigueur considère que des créances sur des pays notés entre AAA et AA- ne nécessitent aucun capital pour amortir des pertes éventuelles. Il lui reste 70 d’actifs en face desquels elle doit mettre un montant suffisant de capital. Son ratio capital / actifs (4/70) s’établit maintenant à 5,7% : c’est encore insuffisant.

Continuons le raisonnement. Sur les 70 restants, 30 sont constitués de créances |13| sur des banques ou à des entreprises notées entre AAA et AA-. Dans ce cas, puisque les règles de Bale 1 (et de Bâle 2) considèrent que ces prêts ne présentent que 20% de risque, la banque Banxia peut considérer que les 30 de créances ne comptent que 6 (20% de 30). Ce n’est donc plus pour des actifs équivalents à 70 que Banxia doit rassembler des fonds propres, mais des actifs de 70 moins 24, c’est-à-dire 46. Le ratio fonds propres / actifs s’améliore donc nettement, il atteint 8,7% (4 de fonds propres pour 46 d’actifs pondérés par le risque).

Admettons maintenant que sur les 40 d’autres actifs, 2 soient des prêts à des entreprises ou à des banques auxquelles les agences attribuent une mauvaise note, c’est à dire inférieure à B-. Dans ce cas, le risque s’établit à 150%. Ces 2 de créances comptent alors pour 3 (150% de 2). Il faudra calculer les fonds propres requis pour faire face au risque par rapport à 3 et non par rapport à 2.

Supposons que sur les 38 d’actifs restants, 10 représentent des prêts à des PME. Dans ce cas, 10 comptent pour 10 car les créances des banques sur les PME ne peuvent pas être allégées, elles sont considérées par les autorités de Bâle comme présentant un risque élevé. Le « risque » s’établit à 100%.

Les 28 d’actifs restants sont constitués de prêts aux particuliers. Le risque pour les prêts aux particuliers s’établit à 75%, donc ces 28 d’actifs pèsent 21 (75% de 28) .

Dans ce cas théorique, les actifs calculés en fonction du risque représentent finalement 40 (0+6+3+10+21) sur un actif total de 100. Le ratio fonds propres / actifs vaut 4/40, c’est-à-dire 10%.

 

 

Bingo ! La banque dont les fonds propres ne représentaient que 4% des actifs peut déclarer que son ratio atteint en réalité 10% . Elle sera félicitée par les autorités de contrôle.

Vous croyez que ce n’est que théorique ? Que ce qui vient d’être décrit ne correspond pas à ce que font les banques et les autorités de contrôle ? Détrompez-vous. Vous trouverez dans la partie suivante un exemple bien réel et des exemples comme celui-là, il y en a beaucoup. En attendant voici ci-dessous un tableau qui résume les taux applicables pour la pondération du risque tant dans le cadre de Bâle 1 que de Bâle 2.

Tableau récapitulatif de la pondération des risques |14|


 

Comme indiqué plus haut, le Comité de Bâle fait la part belle aux agences de notation. Or c’est établi, ces agences se sont trompées de manière répétée. Elles ont attribué des notes AAA jusqu’à AA- à des entreprises comme Enron, Lehman Brothers, AIG, RBS, Northern Rock… jusqu’à la veille de leur faillite. De même, les agences de notation ont attribué des notes AAA aux produits structurés toxiques comme les CDO jusqu’en 2007-2008 avant leur effondrement. Par ailleurs, les autorités de Bâle ont adopté des mesures discriminatoires à l’égard des prêts aux PME (qui bien sûr ne sont pas cotées par les agences de notation et donc présentent 100% de risque selon les normes établies) et aux ménages (75% de risque selon Bâle), ce qui a poussé les banques à réduire les crédits directs à ces acteurs de l’économie réelle. Une grande partie des prêts aux ménages ont été titrisés, c’est-à-dire sortis des bilans des banques et vendus à d’autres institutions financières. Si depuis 2008, les banques restreignent le crédit aux PME et aux ménages, c’est que les prêts qu’elles leur accordent pèsent beaucoup trop lourd en terme d’actifs pondérés. Les banques privées ont obtenu des autorités de Bâle qu’elles favorisent le développement des produits financiers titrisés plutôt que les prêts directs aux acteurs de l’économie productive.

 

Partie 1
Partie 2
Partie 3
Partie 4
Partie 5
Partie 6
Partie 7
Partie 8


Notes

|1| L’auteur remercie Aline Fares pour les conseils qu’elle a prodigués et pour l’aide qu’elle a apportée à la recherche. Il remercie également Damien Millet pour la relecture et Pierre Gottiniaux pour l’infographie. L’auteur prend l’entière responsabilité des opinions exprimées dans ce texte.

|2| En général, le terme « actif » fait référence à un bien qui possède une valeur réalisable, ou qui peut générer des revenus. Dans le cas contraire, on parle de « passif », c’est-à-dire la partie du bilan composé des ressources dont dispose une entreprise (les capitaux propres apportés par les associés, les provisions pour risques et charges et les dettes). Voir : http://www.banque-info.com/lexique-...

|3| Source : Banque de France.

|4| Ce sont les capitaux dont dispose une entreprise, autres que ceux qu’elle a empruntés. Les fonds propres sont repris au passif d’un bilan de société. Source : http://www.lesclesdelabanque.fr/Web.... Les fonds propres comprennent également les réserves, c’est-à-dire les bénéfices qui n’ont pas été redistribués et qui sont donc mis en réserve.

|5| IMF, Global Financial Stability Report, Restoring Confidence and Progressing on Reforms, octobre 2012, http://www.imf.org/External/Pubs/FT... , p. 82.

|6| Plus de la moitié des actifs bancaires mondiaux sont entre les mains des banques de l’UE. Bien sûr, si on y ajoute les banques suisses, la part des banques européennes augmente encore.

|7| Ces chiffres proviennent du Rapport Liikanen (voir plus loin). Voir également : Damien Millet, Daniel Munevar, Eric Toussaint, « Les chiffres de la dette 2012 », tableau 30, p. 23, qui donnent des données concordantes à partir d’une autre source.

|8| La situation peut varier d’un État à l’autre : dans certains pays, on constate une diminution des actifs des banques qui est contrebalancée par une augmentation dans d’autres.

|9| En Irlande, en 2011, les actifs des banques représentaient 8 fois le produit intérieur brut du pays. A Chypre, début 2013, les actifs représentaient 9 fois le PIB. Au Royaume-Uni, les actifs des banques s’élèvent à 11 fois le PIB. Au Grand Duché de Luxembourg, les actifs bancaires représentent 29 fois le PIB.

|10| Rapport Liikanen,. (chairperson), High-level Expert Group on reforming the structure of the EU banking sector, octobre 2012, tableau 3.4.1., p. 39.
Le Rapport Liikanen doit son nom à Erkki Liikanen, gouverneur de la banque centrale de Finlande, qui a présidé en 2011-2012 un groupe de travail de onze experts créé par le Commissaire européen Michel Barnier afin de poser un diagnostic sur la situation des banques européennes et de proposer des réformes du secteur bancaire européen. Un des intérêts du rapport Liikanen, c’est qu’il confirme par une voie officielle les manipulations auxquelles se livrent les banques, les risques ahurissants pris pour faire un maximum de profit. Voir le texte complet du rapport : http://ec.europa.eu/internal_market...

|11| Petit rappel sur l’effet de levier dans la débâcle de Northern Rock au Royaume-Uni. Northern Rock était à l’origine une banque coopérative qui a changé de statut en 1997 et adopté une stratégie agressive dans le domaine immobilier. Entre 1997 et sa chute en 2007, elle a connu une croissance de 23% par an pour devenir la 5e banque hypothécaire britannique, dont 90% des prêts étaient concentrés dans le secteur immobilier. Pour financer son développement, elle a marginalisé les dépôts de clients comme moyen de financement et s’est mise à dépendre d’emprunts à court terme. Elle a joué à fond sur l’effet de levier qui a dépassé le ratio de 90 pour 1. La banque a été nationalisée en février 2008 aux frais du Trésor public et des contribuables.

|12| On verra plus loin qu’elles peuvent jouer sur le numérateur, à savoir les fonds propres.

|13| Il peut s’agit de prêts ou de titres financiers. Il peut s’agir aussi de produits structurés CDO cotés AAA à AA- avant la crise qui a éclaté en 2007-2008.

|14| Ce tableau est élaboré à partir des documents adoptés par le Comité de Bâle : voir version Bâle 2 de 2004 : http://www.bis.org/publ/bcbs107fre.... ; voir version Bâle 2 révisée en 2006 : http://www.bis.org/publ/bcbs128fre.pdf Concernant la pondération de risques, lire à partir de la page 20.

Éric Toussaint, docteur en sciences politiques, est président du CADTM Belgique (Comité pour l’annulation de la dette du tiers-monde, www.cadtm.org) et membre du conseil scientifique d’ATTAC France. Il a écrit, avec Damien Millet, AAA. Audit Annulation Autre politique, Seuil, Paris, 2012.

 

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19 juin 2013 3 19 /06 /juin /2013 12:24

 

Rue89

 

Fjords 19/06/2013 à 13h09
Sophie Caillat | Journaliste Rue89

 

 


Du saumon grillé (Steven Depolo/Flickr/CC)

 

Femmes enceintes et jeunes, ne mangez pas de saumon plus de deux fois par semaine. Telle est la nouvelle recommandation du gouvernement norvégien, forcé de reconnaître – tardivement – que ce poisson gras est aussi bourré de produits toxiques.

Le gouvernement aimerait surtout que la nouvelle ne traverse pas la frontière. Pensez : la Norvège a été en 2012 à l’origine de 60% de la production mondiale de saumon atlantique, le pays a produit près d’1,2 million de tonne de ce poisson. Et les 29 milliards de dollars annuels générés par les exportations de ce secteur-clé de l’économie pourraient s’en trouver affectés.

France

Les Français consomment environ 2,3 kilos de saumon norvégien par personne et par an. La France a importé en 2012, environ 161 175 tonnes de saumon norvégien, soit environ 15% de la production du pays nordique. C’est le premier marché d’export, devant la Russie.

En 2011, Rue89 vous avait alerté sur ce sujet, et trouvé étonnant que le ministère de la Santé recommande de manger du poisson gras deux à trois fois par semaine au nom de ses nombreuses vertus supposées pour la santé (ils sont bons pour le cœur, la circulation et la lutte contre certaines maladies inflammatoires, voire contre certains cancers).

Est-il bien raisonnable de manger autant de poissons nourris aux farines animales, aux antibiotiques et même aux pesticides ? La pharmacologue Claudette Béthune, qui a travaillé pour l’organisme norvégien de sécurité alimentaire (le Nifes), avait clairement tranché :

« La présence de polluants tels que les dioxines et le PCB dans le saumon génère un risque de cancer, qui, pour les personnes jeunes, dépasse les bénéfices attendus du saumon sur la santé. »

Des polluants organiques persistants dans le saumon

Ce n’est qu’à la suite d’une grosse pression médiatique que les autorités sanitaires ont fini par reconnaître qu’elles avaient trop poussé à la consommation. L’alerte lancée par le journal VG est sans appel :

« Les médecins appellent à ne pas manger de saumon d’élevage. »

La journal fait parler une équipe indépendante du laboratoire de biochimie clinique de Bergen, qui estime que ce poisson est tout simplement dangereux pour les jeunes enfants, adolescents et femmes enceintes en raison des polluants organiques persistants qu’il contient.

En vertu du principe de précaution, ces groupes de populations ne devraient pas en consommer.

Le Dr Anne-Lise Bjorke Monsen, membre de ce labo, précise :

« Les polluants retrouvés dans le saumon d’élevage ont une mauvaise influence sur le développement du cerveau, et sont associé à l’autisme, à l’hyperactivité et à la baisse de QI.

On sait aussi qu’ils peuvent avoir un effet négatif sur les défenses immunitaires, le système hormonal et le métabolisme. Ils se transmettent aussi par allaitement. Si l’on a besoin d’oméga-3 provenant du poisson, le maquereau et le hareng sont très bien. »

De surcroît, le toxicologue Jérôme Ruzzin avait établi un lien, chez les souris entre une nourriture exclusive au saumon d’élevage pendant huit semaines, et le développement de l’obésité et du diabète de type 2.

Des avis pas écoutés

La recommandation
« Il est recommandé que les jeunes femmes et les femmes enceintes consomment deux à trois repas à base de poisson par semaine, dont la moitié de poissons gras. Nous précisons que la consommation de poissons gras, tels le saumon, la truite, le maquereau, le hareng, devrait rester inférieure à deux repas par semaine », recommande le gouvernement norvégien.

Face à ces révélations en série, les autorités ont été obligées de revoir leur discours en urgence. Quatre jours après les articles de VG, largement relayées par le reste de la presse, le ministre de la Santé a ordonné que soient revus les conseils de santé concernant le saumon d’élevage.

Il était temps. La Russie avait stoppé toute importation de saumon norvégien en 2006 et des chercheurs américains avaient déjà prévenu qu’il ne fallait pas manger de saumon norvégien d’élevage plus de trois fois par an.

En Norvège, déplore le journal Dagbladet, le Comité scientifique pour la sécurité alimentaire avait recommandé en 2006 de ne pas dépasser plus de deux repas par semaine contenant du poisson gras. Mais l’agence norvégienne de la Santé n’avait jamais suivi ces recommandations.

Les Norvégiens auraient pu éviter d’être abreuvés pendant toutes ces années d’un message erroné : « Il faut manger au moins deux repas par semaine contenant du poisson gras », leur dictait-on.

Et la France ?

Si ces nouvelles pouvaient ne pas traverser les frontières, cela ferait les affaires des autorités. L’organisme de promotion des produits de la mer de Norvège n’a toujours pas communiqué sur le changement de recommandation.

Dans un article intitulé « Vend du saumon norvégien comme si rien ne s’était passé », Dagbladet révèle que le Centre des produits de la mer de Norvège, et la ministre de la Pêche ne comptaient pas informer les consommateurs à l’étranger. « Ce sont les recommandations de chaque pays qui comptent », précise Christian Chramer, directeur de la communication.

Le site français des Produits de la mer de Norvège vient d’intégrer la nouvelle recommandation de consommation. Mais, jointe par Rue89, la directrice du Centre des produits de la mer de Norvège en France minimise totalement le changement de recommandation :

« La recommandation précédente est in fine la même qu’aujourd’hui, la version actualisée est seulement plus précise sur les jeunes femmes et les femmes enceintes.

La Direction norvégienne de la santé précise dans la même publication que le challenge le plus important reste le fait que la population, y compris les jeunes femmes et les femmes enceintes, ne consomme pas assez de poisson. Il est aussi clairement expliqué que pour les femmes enceintes, la vitamine D, la vitamine B12, les oméga-3, l’iode et le sélénium contenus dans les poissons gras sont particulièrement bénéfiques. »

L’industrie du saumon et les pouvoirs publics ont décidément du mal à se remettre en question et feront tout pour protéger leur business.

Avec Diane Berbain

 


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17 juin 2013 1 17 /06 /juin /2013 17:26

 

 

Le Monde - Blog

Comme souvent, une seule photo peut être plus parlante que de longs rapports. Dans une communication efficace, la chaîne de supermarchés américaine Whole Foods, spécialisée dans le bio et l’équitable, a imaginé à quoi ressembleraient nos étals si les abeilles venaient à s’éteindre. L'un de ses magasins, situé à Providence (Rhode Island), a temporairement enlevé tous les produits venant de plantes pollinisées par des abeilles et autres insectes pollinisateurs. Résultat : 237 des 453 produits proposés à l'accoutumée, soit 52 % des récoltes, ont disparu. Parmi eux : les pommes, oignons, carottes, citrons, brocolis, avocats ou encore concombres.

 

En réalité, un tiers de notre nourriture fruits, – légumes et boissons (café, cacao) – dépend des abeilles, rappelle l'enseigne de distribution.

"Les pollinisateurs naturels sont un maillon essentiel de notre chaîne alimentaire. Plus de 85 % des espèces végétales de la terre, dont beaucoup composent les aliments les plus nutritionnels de notre alimentation, exigent des pollinisateurs pour exister. Pourtant, nous continuons à assister à un déclin alarmant de ces populations, regrette Eric Mader, directeur adjoint de la Xerces Society, une ONG qui protège les abeilles. Notre organisation travaille avec des agriculteurs pour les aider à recréer un habitat sauvage et adopter des pratiques moins intensives en pesticides. Ces stratégies simples peuvent faire pencher la balance en faveur de retour des abeilles."

Près d'un tiers des colonies d'abeilles aux Etats-Unis ont été décimées au cours de l'hiver 2012-2013, selon une étude réalisée par le ministère de l'agriculture américain et des associations professionnelles, publiée le 7 mai, qui souligne aussi les conséquences "désastreuses" pour une économie du miel qui pèse 30 millions de dollars outre-Atlantique.

Si les autorités américaines évoquent des raisons multiples, comme "les parasites, les maladies, les facteurs génétiques, une mauvaise nutrition et l'exposition aux pesticides", cette dernière est majoritairement citée par les scientifiques pour expliquer la surmortalité des pollinisateurs domestiques et sauvages (bourdons, papillons, abeilles sauvages, etc.).

L'Union européenne a ainsi annoncé, le 29 avril, la suspension pour deux ans, à compter du 1er décembre, de l'utilisation de trois insecticides impliqués dans ce déclin. Ces molécules, l'imidaclopride, le thiaméthoxame et la clothianidine appartiennent à la famille des néonicotinoïdes, insecticides parmi les plus utilisés au monde en agriculture et que l'on retrouve dans des dizaines de produits tels le Cruiser, le Gaucho, le Poncho ou le Cheyenne.

L'application de cette interdiction ne sera pas évidente tant ces substances persistent dans l'environnement, comme je l'avais expliqué dans un précédent papier. Mais elle est essentielle si l'on veut éviter de connaître la même réalité qu'en Chine, abordée par l'excellent documentaire Des abeilles et des hommes, où des milliers de paysans pollinisent les fleurs à la main, à partir de pollen qui leur est envoyé d'autres régions où les butineuses vivent encore.

Audrey Garric

Suivez-moi sur Twitter : @audreygarric et Facebook : Eco(lo)

Photo : PRNewsFoto/Whole Foods Market

 

 

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14 juin 2013 5 14 /06 /juin /2013 17:23

 

 

slate.fr

Publié le 10/06/2013
Mis à jour le 10/06/2013 à 9h19

 

Depuis 2012, Interpol est sponsorisé par le premier fabricant de cigarettes au monde, Philip Morris. Un conflit d’intérêts qui enfreint la Convention-cadre antitabac de l’OMS, alors que l’industrie continue d’alimenter la contrebande mondiale de cigarettes.

 

 

REUTERS 

 

Début avril, un courrier confidentiel arrive au siège mondial d’Interpol, à Lyon. L’expéditeur: un bureau attaché à l’Organisation mondiale de la santé (OMS). L’objet: comment Interpol, l’organisation internationale de police, gère ses conflits d’intérêts avec l’industrie du tabac. «Nous avons alerté Interpol. Pour qu’une collaboration avec l’OMS soit possible, il fallait qu’ils renoncent à leur lien avec l’industrie du tabac. Ils n’étaient pas très informés sur le sujet, et très étonnés par notre critique», révèle le Dr Armando Peruga, haut fonctionnaire à l’OMS.

Le premier affront est intervenu le 12 novembre 2012, à Séoul, en Corée du Sud. Selon nos informations, parues dans Lyon Capitale et Die Zeit, plus de 140 Etats, signataires de la Convention-cadre antitabac de l’OMS, découvrent avec stupeur un accord financier entre Interpol et Philip Morris, numéro un mondial du tabac. Un don de 15 millions d’euros sur 3 ans pour lutter contre le trafic illégal de cigarettes. La demande d’Interpol pour accéder au statut d’observateur à la Convention de l’OMS est alors reportée en 2014.

«J’ai appris pour le financement le matin même des discussions», confie Thor Erik Lindgren, membre de la délégation norvégienne. «Il y avait une opinion unique. C’était très clair. Pour tous les Etats, ce partenariat n’était pas compatible avec la Convention», se souvient Franz Pietsch, chef de la délégation autrichienne. «Surtout qu’il a été prouvé que l’industrie du tabac participe au trafic illégal de cigarettes», ajoute le responsable d’une délégation de l’Union européenne.

Dans son article 5.3, la Convention antitabac de l’OMS exige en effet que «les politiques ne soient pas influencées par les intérêts commerciaux et autres de l’industrie du tabac». Thomas Zeltner, à l’origine de la Convention-cadre et consultant à l’OMS, alerte:

«Si j’étais responsable d’Interpol, j’aurais beaucoup de questions sur cette collaboration. C’est quelque chose de très délicat, un partenariat avec l’industrie du tabac. Je ne sais pas pourquoi Interpol va dans cette direction, car il y a des doutes de conflits d’intérêts et d’indépendance

Codentify, le coup de pub d’Interpol pour Philip Morris

Mais la collaboration avec Philip Morris va plus loin qu’une «simple» atteinte à la Convention de l’OMS.

Dans sa lutte contre le trafic illicite de cigarettes, Interpol a décidé d’utiliser un système de détection des contrefaçons: Codentify. Un code électronique d’authentification à douze chiffres, breveté par le «Big Four» de l’industrie du tabac: Philip Morris International (PMI), British American Tobacco (BAT), Japan Tobacco International (JTI), et Imperial Tobacco Group (ITG).

«Le but de la traçabilité est de contrôler l’exportation des produits de l’industrie du tabac», explique Luk Joossens, expert belge du trafic illégal de cigarettes.

«Les autorités doivent mettre en place le système de traçabilité et vérifier la production. Mais avec Codentify, c’est l’industrie qui va pouvoir contrôler elle-même la traçabilité auprès des autorités.»

Il ajoute:

«Dans la traçabilité, il y a forcément des contacts avec l’industrie. Mais ce n’est pas à l’industrie de proposer le système. Au Brésil, par exemple, il y a un système de traçabilité qui est indépendant de l’industrie, avec lequel les autorités peuvent contrôler la taxation et les produits exportés

Dans les conférences internationales, Ronald Noble, le secrétaire général américain d’Interpol, fait la promotion de Codentify. Les concurrents, des indépendants du tabac comme l’entreprise Sicpa en Suisse, n’ont pas été approchés.

Du côté de l’industrie, Interpol, et ses 190 Etats signataires, apparaît comme une redoutable opportunité pour vendre Codentify. Car le système est encore dans sa phase de lancement. Le 8 mai 2013, a été inaugurée l’association qui administre Codentify, la DCTA. L’adresse de l’association est une boîte aux lettres à Zurich (Suisse), qui renvoie directement au siège de Philip Morris International, basé à Lausanne. Le numéro un du tabac légitime ainsi son image et sa marque sur le plan international, en s’associant avec les polices du monde entier.

Depuis des années, l’industrie du tabac cherche à collaborer avec Interpol. Ce partenariat a été facilité par une Australienne, dont le nom revient dans toutes les conférences internationales: Jeannie Cameron. Basée à Londres, la directrice de l’entreprise de conseil JCIC International a été pendant 10 ans cadre chez British American Tobacco.

Jointe au téléphone, elle confirme qu’elle a «mis autour d’une table le président de Philip Morris International, Louis C. Camilleri, et le secrétaire général d’Interpol, Ronald Noble». A Lyon, au siège d’Interpol, le Secrétariat général nie le rôle de cette lobbyiste de l’industrie du tabac:

«Si Jeannie Cameron est une experte mondialement reconnue du commerce illicite des produits du tabac, elle n’est pas une intermédiaire entre Interpol et l’industrie.»

Pourtant, Interpol reste bel et bien un client de JCIC International. Jeannie Cameron est également intervenue dans plusieurs conférences internationales, en 2011 et 2012, où était présent Ronald Noble. Très récemment, du 3 au 5 juin 2013, lors d’un forum international sur les contrefaçons à Vienne (Autriche), la lobbyiste vantait le système de contrôle des contrefaçons d’Interpol.

Pour Thomas Zeltner, surnommé le «Tobacco Taliban» par les lobbyistes du tabac, l’influence de l’industrie sur la chaîne de contrôle, sur le travail de police d’Interpol, reste très dangereuse:

«L’un des buts de l’industrie du tabac est l’information gathering, pouvoir “rassembler des informations”. Tu prends vingt cafés, et à la fin, c’est comme un puzzle. On l’a vu avec les Tobacco Documents. Chaque mini-entretien provoque une note qui part directement à la centrale

L’UE, premier partenaire de l’industrie du tabac

En 2011, à Lyon, Ronald Noble, le secrétaire général d’Interpol, reçoit des journalistes de CNN, l’un des rares médias qui a pu franchir les grilles du cube en verre et béton de 10 étages. 

«Nous voulons au moins 1 milliard de dollars car le monde n’est pas sécurisé comme il devrait l’être

Depuis son élection en 2000, l’Américain tente de donner un second souffle à l’organisation mondiale de police. Car le budget d’Interpol reste très limité. Il n’était que de 70 millions d’euros en 2012, inférieur aux 84 millions de l’organisation régionale, Europol.

Ronald Noble multiplie alors les partenariats public-privé: la Fifa (10 millions d’euros en 2011), le comité de la Coupe du monde 2022 au Qatar (10 millions de dollars en 2012) ou l’industrie pharmaceutique (4,5 millions d’euros en 2013). En 2011, les financements externes représentaient 13% du budget d’Interpol, le reste étant assuré par les contributions des Etats (3,2 millions d’euros pour la France en 2013, l’un des plus gros donateurs). En 2012, la part externe grimpait à 20,7% du budget, une augmentation de près de 85% en seulement un an.

Au sein d’Interpol, les polices nationales commencent sérieusement à se poser des questions. Selon nos informations, la Suisse a demandé plus de transparence fin 2011. Plus récemment, après le don de Philip Morris, c’est l’Allemagne, à l’Assemblée générale d’Interpol de Rome en novembre 2012, qui a critiqué la gestion des dons. Jürgen Stock, vice-président de l’Office fédérale de police criminelle en Allemagne, a estimé que «la neutralité et la réputation d’Interpol ne doivent jamais être remises en question par des intérêts économiques».

Des dons du privé qui, dans le règlement d’Interpol, ne requièrent ni le vote des Etats en assemblée générale, ni l’approbation de la Commission de contrôle. Les 15 millions d’euros de Philip Morris n’ont été approuvés que par le Comité exécutif d’Interpol.

A Lyon, le Secrétariat général se défend d’être le premier à collaborer avec l’industrie du tabac:

«La capacité de l’Union européenne à combattre en toute indépendance le trafic de produits illicites a-t-elle été mise en doute par qui que ce soit après la signature de quatre accords avec l’industrie du tabac, totalisant près de 2 milliards de dollars?»

Dès 2004, les dons du «Big Four» à l’UE pour lutter contre la contrebande crédibilisent l’industrie après une décennie de scandales, de lobbyisme et de rapports scientifiques biaisés, révélés par les «Tobacco Documents».

Si ce partenariat a pu faire ses preuves (70 millions de cigarettes de contrebande saisies en Espagne en 2010), il a ouvert la porte aux lobbyistes à Bruxelles. Ainsi, en 2004, le don de Philip Morris d’1 milliard d’euros, n’était en réalité qu’un compromis visant à retirer la plainte de l’UE pour contrebande contre le cigarettier américain.

«L'Europe avait préparé un dossier pour déposer plainte, et c'est sous cette pression que Philip Morris a voulu rembourser ce qu'il avait volé en taxes à l’Europe, sans procès désagréable pour la compagnie. L'argent est d'ailleurs revenu en partie directement aux Etats spoliés», explique Bertrand Dautzenberg, président de l’Office français de prévention contre le tabagisme.

En Ukraine, les cigarettes «perdues» de l’industrie du tabac

Si l’industrie du tabac s’inscrit logiquement dans une lutte contre le trafic illégal d’un côté, elle continue à organiser la contrebande de cigarettes détaxées de l’autre.

Dans une enquête titrée «Tobacco Underground», le consortium international de journalistes d’investigations (ICIJ, que le grand public a découvert avec les Offshore Leaks), a mis en lumière la responsabilité de l’industrie dans le trafic illicite, notamment en Ukraine.

Entre 2003 et 2008, la production de cigarettes a augmenté de 30% en Ukraine, alors que la consommation se stabilisait. Près de 30 milliards de cigarettes étaient «perdues» en 2008 par une industrie contrôlée à 99% par le «Big Four». Selon un expert du ministère de la Santé ukrainien cité par l’ICIJ, «les compagnies de tabac tirent des bénéfices en vendant aux trafiquants». Il ajoute:

«Ils leur vendent les cigarettes au même prix qu’aux revendeurs légaux

Des cigarettes détaxées qui alimentent le marché noir dans l’Union européenne. En 2004, au moment même où Philip Morris octroyait un don d’1 milliard d’euros à l’UE, 470.000 paquets de Marlboro et L&M, deux des plus grandes marques du fabriquant, étaient saisies à la frontière polonaise. Dans un rapport sur le tabac en Ukraine (2009), l’OMS écrit:

«Seuls les grossistes ont pu acheter un nombre si important de cigarettes, et les producteurs de tabac pouvaient facilement trouver qui parmi ces revendeurs partenaires étaient en train de vendre des cigarettes aux trafiquants.»

Pas vu, pas pris, en clair.  En Syrie, c’est le numéro 3 mondial, Japan Tobacco International, qui est actuellement sous investigation de l’Office européen de lutte antifraude (Olaf), soupçonnée d’alimenter la contrebande dans le pays de Bachar-el-Assad.

Lanceur d’alertes, Luk Joossens, expert belge sur le trafic illicite, dénonce depuis des semaines le partenariat de l’industrie du tabac avec Interpol. Il soupire:

«C’est incompréhensible qu’Interpol reçoive de l’argent de Philip Morris. Incompréhensible qu’ils travaillent avec les quatre multinationales qui réalisent un système de traçabilité des cigarettes, Codentify, et que l’une de ces compagnies soit Japan Tobacco International. Un organisme de police ne peut pas travailler avec une entreprise soupçonnée d’organiser de la contrebande. C’est inacceptable.»

Mathieu Martiniere et Robert Schmidt

 


Mathieu Martinière est un journaliste indépendant basé à Lyon. Vous pouvez le suivre sur Twitter @Mat_Marty. Robert Schmidt est également un journaliste indépendant allemand, basé à Lyon. Collabore avec Die Zeit, Spiegel Online (Allemagne) ou NZZ (Suisse).

 


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