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22 décembre 2015 2 22 /12 /décembre /2015 19:22

 

Source : http://www.franceinfo.fr

 

 

Etat d'urgence : le Conseil constitutionnel juge les assignations à résidence conformes à la Constitution

 

Par

Mis à jour le , publié le

 

 

 

Le Conseil constitutionnel avait été saisi par les avocats d'un militant écologiste assigné à résidence.

 

Le fronton du Conseil constitutionnel, dans le 1er arrondissement de Paris, le 4 mai 2015.

Le fronton du Conseil constitutionnel, dans le 1er arrondissement de Paris, le 4 mai 2015. (MANUEL COHEN / AFP)

 

Le Conseil constitutionnel a jugé, mardi 22 décembre, que les assignations à résidence décidées dans le cadre de l'état d'urgence mis en place après les attentats du 13 novembre étaient conformes à la Constitution.

La plus haute juridiction française était saisie d'une question prioritaire de constitutionnalité posée, via le Conseil d'Etat, par un des militants écologistes assignés à résidence pendant la COP21. Les avocats de l'activiste lui demandaient de "mettre un coup d'arrêt" à cette pratique et d'encadrer un texte qui porte atteinte à la "liberté constitutionnelle d'aller et de venir".

Vers une saisine de la CEDH ?

Les avocats avaient annoncé à l'AFP que, en cas d'échec, ils saisiraient la Cour européenne des droits de l'homme (CEDH). 

Les Sages ont totalement validé l'article 6 de la loi, qui stipule notamment que "le ministre de l'Intérieur peut prononcer l'assignation à résidence de toute personne (...) à l'égard de laquelle il existe des raisons sérieuses de penser que son comportement constitue une menace pour la sécurité et l'ordre public".

 

 

 

Source : http://www.francetvinfo.fr

 

 

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Source : https://www.mediapart.fr

 

 

Le Conseil constitutionnel valide les assignations à résidence
22 décembre 2015 | Par Michel Deléan
 
 
 

Sans surprise, le Conseil constitutionnel a estimé, ce mardi 22 décembre en fin de journée, que les assignations à résidence de militants du climat décidées dans le cadre de l’état d’urgence étaient conformes à la Constitution.

Sans surprise, le Conseil constitutionnel a estimé, ce mardi 22 décembre en fin de journée, que les assignations à résidence décidées dans le cadre de l’état d’urgence étaient conformes à la Constitution (on peut lire la décision intégralement ici). Lors de la séance publique du 17 décembre, qui était consacrée à l’examen d’une question prioritaire de constitutionnalité (QPC, on peut visionner cette séance intégralement ici), plusieurs avocats représentant des militants du climat assignés à résidence pendant la COP21, ainsi que la Ligue des droits de l'homme (LDH), s’étaient succédé pour plaider le contraire.

Saisi par des militants du climat (après avoir passé le filtre du Conseil d’État), le Conseil constitutionnel devait dire si l’une des dispositions de l’état d’urgence, qui concerne l’assignation à résidence, était conforme ou non à la Constitution. Assignés à résidence pendant la durée de la COP21, ces militants du climat soutiennent qu’ils ont été privés de liberté de façon arbitraire, sur des bases incertaines (des notes blanches non datées ni signées), sans débat contradictoire ni examen du dossier par un juge.

Selon leurs avocats, l’article 6 de la loi du 3 avril 1955 relative à l'état d'urgence, dans sa rédaction résultant de la loi du 20 novembre 2015, devait être abrogé. C’est cet article qui stipule que « le ministre de l'Intérieur peut prononcer l'assignation à résidence, dans le lieu qu'il fixe, de toute personne (...) à l'égard de laquelle il existe des raisons sérieuses de penser que son comportement constitue une menace pour la sécurité et l'ordre publics » dans la circonscription territoriale concernée. Toujours selon leurs avocats, ces militants du climat ont été en outre privés de leur droit à manifester, en vertu de textes qui pourraient également servir à casser une grève, un mouvement social ou un mouvement politique. En substance, ils attaquaient certaines dérives liberticides que permet l'état d'urgence, en enfermant chez eux des citoyens ne représentant pas un réel danger, que ce soit pour des raisons de commodité policière ou d'opportunisme politique. Ces arguments n’ont pas ému le Conseil constitutionnel.

 

Après avoir « relevé les conditions auxquelles est subordonné le prononcé d'une assignation à résidence et précisé qu'une telle mesure relève de la seule police administrative et ne peut donc avoir d'autre but que de préserver l'ordre public et de prévenir les infractions », le Conseil constitutionnel juge que « tant par leur objet que par leur portée, ces dispositions ne comportent pas de privation de la liberté individuelle au sens de l'article 66 de la Constitution ». L'astreinte à domicile dont peut faire l'objet une personne assignée à résidence, dans une plage horaire maximale fixée à douze heures par jour, « ne saurait être allongée sans que l'assignation à résidence soit alors regardée comme une mesure privative de liberté, dès lors soumise aux exigences de l'article 66 de la Constitution », note le Conseil constitutionnel.

Surtout, « en ce qui concerne la liberté d'aller et de venir, après avoir relevé que la Constitution n'exclut pas la possibilité pour le législateur de prévoir un régime d'état d'urgence, le Conseil constitutionnel a jugé que les dispositions contestées n'y portent pas une atteinte disproportionnée au bénéfice de trois séries de considérations », juge-t-il.

« En premier lieu, l'assignation à résidence ne peut être prononcée que lorsque l'état d'urgence a été déclaré. Celui-ci ne peut être déclaré, en vertu de l'article 1er de la loi du 3 avril 1955, qu'“en cas de péril imminent résultant d'atteintes graves à l'ordre public” ou “ en cas d'événements présentant, par leur nature et leur gravité, le caractère de calamité publique”. Par ailleurs, ne peut être soumise à une telle assignation que la personne résidant dans la zone couverte par l'état d'urgence et à l'égard de laquelle “il existe des raisons sérieuses de penser que son comportement constitue une menace pour la sécurité et l'ordre publics” », expose le Conseil.

« En deuxième lieu, tant la mesure d'assignation à résidence que sa durée, ses conditions d'application et les obligations complémentaires dont elle peut être assortie doivent être justifiées et proportionnées aux raisons ayant motivé la mesure dans les circonstances particulières ayant conduit à la déclaration de l'état d'urgence. Le juge administratif est chargé de s'assurer que cette mesure est adaptée, nécessaire et proportionnée à la finalité qu'elle poursuit. »

« En troisième lieu, en vertu de l'article 14 de la loi du 3 avril 1955, la mesure d'assignation à résidence prise en application de cette loi cesse au plus tard en même temps que prend fin l'état d'urgence. L'état d'urgence, déclaré par décret en conseil des ministres, doit, au-delà d'un délai de douze jours, être prorogé par une loi qui en fixe la durée. Sur ce point, le Conseil constitutionnel a précisé, d'une part, que cette durée ne saurait être excessive au regard du péril imminent ou de la calamité publique ayant conduit à la déclaration de l'état d'urgence. D'autre part, si le législateur prolonge l'état d'urgence par une nouvelle loi, les mesures d'assignation à résidence prises antérieurement ne peuvent être prolongées sans être renouvelées », conclut le Conseil constitutionnel.

La Ligue des droits de l'homme, représentée par l'avocat Patrice Spinosi, entend maintenant contester la constitutionnalité des perquisitions administratives et des interdictions de se rassembler et de manifester, ces autres conséquences de l'état d'urgence qui sont dommageables aux libertés.

 

 

 

Source : https://www.mediapart.fr

 

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22 décembre 2015 2 22 /12 /décembre /2015 18:19

Source : http://www.reporterre.net

 

Dans la chaine de production du foie gras, le broyage des canetons femelles suscite l’indignation

22 décembre 2015
 

 
 

L’association L214 a publié lundi 21 décembre deux enquêtes sur la production de foie gras. Dans une video tournée dans une usine située en Pays de la Loire, elle montre que des milliers de canetons sont broyés vivants, les femelles n’ayant pas d’utilité pour la production comme adulte de cet aliment.

- Voir la vidéo :

 

L214 a lancé une pétition demandant l’interdiction de cette pratique

- Source : Communiqué de presse de L214


Lire aussi : La ville de Sao Paulo, au Brésil, interdit la production et la vente de foie gras

 

 

Source : http://www.reporterre.net

 

 

                                                              ***************

 

 

Source : http://www.l214.com

 

 

 

 

Foie gras : dans l’enfer d’un couvoir

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Le 21/12/2015

Broyage et mutilations des canetons

L’association L214 révèle aujourd’hui deux nouvelles enquêtes menées dans la production de foie gras. La première plonge dans l’univers industriel d’un couvoir des Pays de la Loire. La deuxième montre l’insémination artificielle de canes dans un élevage du Sud Ouest.
Deux étapes cruciales et inhérentes à la production de foie gras.

Ces nouvelles images exposent une fois de plus la violence des pratiques d’élevage et de mise à mort dans la production de foie gras : des milliers de canetons broyés, certains encore vivants en sortie de broyeuse, les becs systématiquement mutilés, les canes inséminées de force, des animaux exploités jusqu’à épuisement et des mises à mort brutales en élevage.

enquête foie gras couvoir canetons broyés

→ Voir les vidéos

→ Voir et télécharger des photos

Le gavage et les mortalités accrues qui découlent de la production de foie gras sont aujourd’hui bien connues. Cette nouvelle enquête édifiante menée par L214 lève le voile sur des pratiques choquantes que la filière foie gras cherche à cacher aux consommateurs.

« On connaissait la violence du gavage, on découvre aujourd’hui d’autres horreurs qui entourent la production de foie gras. 62% des Français sont déjà conscients de la souffrance des canards et des oies causée par le gavage et 51% d’entre eux sont même favorables à son interdiction. Cette prise de conscience progresse d’année en année et devrait encore s’accélérer au vu de ces nouvelles images. » déclare Brigitte Gothière, porte-parole de L214.

→ Sondage YouGov pour L214 - déc. 2015

→ Principaux chiffres sur la production de foie gras

Contact presse :
Brigitte Gothière : 06 20 03 32 66
Sébastien Arsac : 06 17 42 96 84

La mort violente des canetons

Le premier volet de l’enquête dévoile l’activité quotidienne d’un couvoir de canetons pour les filières foie gras et chair en Pays de la Loire.
Cet été, le sort des poussins broyés avait fait réagir 45 parlementaires et des millions de personnes : ici, même scandale, seuls les canards mâles sont utilisés dans la production de foie gras et ce sont des milliers de canetons femelles qui finissent broyés chaque jour, comme le confirme l’échange entre deux employés :
« - Sur la feuille, je marque combien j'en détruis.
- Ca fait un paquet, hein ! Là, il y en a 6000, 7000.
- Ils prennent pas les femelles. Ca c'est les canards pour les foies gras. Le foie des femelles, en fin de compte, il est trop petit, quoi. C'est pas avantageux pour eux. 
»
Certains canetons sortent disloqués mais encore vivants de la broyeuse les vouant à une mort lente et douloureuse.
Quant aux canetons mâles, leur bec est systématiquement mutilé par brûlure dans une machine industrielle qui s’embrase toutes les 5 secondes. L’image est cauchemardesque.

Dislocation du cou et insémination de force

Second volet de l’enquête dans le Sud Ouest dans l’univers des canards reproducteurs, parents des canetons qui naissent dans les couvoirs. Les canes sont immobilisées et inséminées de force. On voit une cane être brutalement mise à mort par dislocation du cou, le procédé échoue. Des canes épuisées se déplacent à grand-peine. Quant aux canards mâles dont on prélève la semence, ils sont enfermés dans des cages minuscules.

Les mises à mort hors abattoir : promesses non tenues.

En novembre 2014, suite à la diffusion par L214 des images de mise à mort des poussins dans un couvoir du Finistère, le ministère de l’agriculture annonçait une nouvelle stratégie visant à « faire évoluer les pratiques de "mise à mort des animaux en dehors des abattoirs" et "la question de la mise à mort des poussins dans les couvoirs, ainsi que ses alternatives” ».
Les images révélées aujourd’hui montrent que la situation n’a pas évolué. Les procédures de mise à mort aussi bien en couvoir qu’en élevage sont cruelles et réalisées en infraction avec la réglementation :
- le broyage des jeunes oiseaux est toujours d’actualité et, dans ce couvoir, des canetons sont encore vivants en sortie de broyeur : leur mise à mort n’est pas immédiate.
- la technique de mise à mort des canes en élevage par dislocation manuelle du cou montre un procédé cruel mal maitrisé par l’opérateur, engendrant une agonie certaine pour l’animal.

Extraits du règlement (CE) No 1099/2009 du conseil du 24 septembre 2009 sur la protection des animaux au moment de leur mise à mort.
Annexe I. Chapitre II.

2. Broyage
Cette méthode assure le broyage instantané et la mort immédiate des animaux. Le dispositif mécanique contient des lames à rotation rapide ou des bosses en mousse. La capacité de l’appareil est suffisante pour que tous les animaux soient mis à mort immédiatement, même s’ils sont traités en grand nombre.

3. Dislocation du cou et percussion de la boîte crânienne
Ces méthodes ne sont pas utilisées de manière courante, mais uniquement dans les cas où l’on ne dispose pas d’autres méthodes d’étourdissement.
Ces méthodes ne sont pas utilisées en abattoirs, sauf à titre de méthodes d’étourdissement de remplacement.
Nul ne met à mort par dislocation manuelle du cou ou percussion de la boîte crânienne plus de soixante-dix animaux par jour.
La dislocation manuelle du cou n’est pas appliquée à des animaux de plus de 3 kg de poids vif.

Contact presse :
Brigitte Gothière : 06 20 03 32 66
Sébastien Arsac : 06 17 42 96 84

 

 

Source : http://www.l214.com

 

 

 
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20 décembre 2015 7 20 /12 /décembre /2015 22:51

 

Source : http://lexpansion.lexpress.fr

 

 

L'ex-patron de Volkswagen touche toujours son salaire... et ses bonus
 
Par LEXPRESS.fr , publié le
 
 
 

Pour Martin Winterkorn, c'est Noël: parachute doré, et salaire payé après avoir démissionné.

Pour Martin Winterkorn, c'est Noël: parachute doré, et salaire payé après avoir démissionné.

REUTERS/Stefanie Loos

 

 

Martin Winterkorn, qui a démissionné à la suite du scandale des moteurs diesel, est en réalité toujours salarié du groupe, qui souhaite "éviter une bataille juridique".

 

L'ex-patron de Volkswagen Martin Winterkorn, qui a quitté son poste dès l'éclatement du scandale des moteurs truqués en septembre, est toujours sous contrat avec le groupe et perçoit encore son salaire de plusieurs millions, ont révélé vendredi deux médias allemands. "Il n'a pas été mis fin à son contrat qui court jusqu'à fin 2016" et Martin Winterkorn "continue d'être payé selon les termes du contrat", selon le journal économique Handelsblatt et l'émission d'investigation Frontal 21 de la chaîne télévisée publique ZDF, qui ont mené une enquête conjointe sur le sujet. Ils citent des sources proches du conseil de surveillance de Volkswagen. 

"Pas de raison de ne plus payer" les bonus

Le contrat de Martin Winterkorn, qui a été aux manettes de Volkswagen de 2007 à 2015 après avoir occupé d'autres postes haut placés au sein du groupe, prévoit un salaire de 1,62 million d'euros, auxquels s'ajoutent de copieux bonus. Le grand patron avait ainsi gagné en 2014 plus de 15 millions d'euros, en faisant le patron le mieux payé des trente entreprises cotées sur l'indice Dax de la Bourse de Francfort. 

 
 

Il n'y a "pas de raison de ne plus payer" les bonus, selon les sources citées par Handelsblatt et Frontal 21. Cela signifie que Winterkorn devrait percevoir au titre de 2015 plus de 10 millions d'euros. 

"Martin Winterkorn se considère innocent"

Selon les deux médias, c'est surtout pour éviter "une bataille juridique" et "un rendez-vous médiatisé et peu glorieux devant un tribunal des prud'hommes" que Volkswagen ne résilie pas le contrat de l'ex-patron. 

 

Martin Winterkorn, 68 ans, a rendu son tablier quelques jours après l'éclatement du scandale des moteurs truqués. Volkswagen, mastodonte automobile aux 12 marques et 200 milliards d'euros de chiffre d'affaires annuel, venait d'avouer avoir manipulé les moteurs diesel de 11 millions de voitures dans le monde avec un logiciel capable de fausser les résultats des tests antipollution. Il a assumé la responsabilité de la tricherie, mais affirmé n'en avoir rien su, et le conseil de surveillance s'est rangé derrière cette version. "M. Winterkorn n'était pas prêt à renoncer de lui-même" à sa rémunération, selon le Handelsblatt et Frontal 21, et "se considère innocent". 

Les salariés, eux, doivent renoncer à leur prime en 2016

Depuis l'éclatement de l'affaire, la culture d'entreprise très centralisée et autoritaire qui portait sa marque a pourtant été montrée du doigt comme un facteur ayant favorisé la tricherie. Volkswagen travaille toujours à élucider les origines du scandale, et la justice allemande enquête. Pour le moment, une poignée de personnes ont été mises à pied. Les salariés allemands de Volkswagen devront, eux, renoncer à leurs primes en 2016, a d'ores et déjà prévenu le chef du comité d'entreprise. 

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20 décembre 2015 7 20 /12 /décembre /2015 20:55

 

Source : http://www.humanite.fr

 

Les abattoirs d’Alès redémarrent, les questions de fond demeurent
Daniel Roucous
Vendredi, 11 Décembre, 2015

 

AFP/Pascal Guyot
 
Fermés pour non respect des règles d’abattage, les abattoirs d’Alès redémarrent sous contrôle mais pas sans doute.
 

Fêtes de Noël et de fin d’année obligent, le maire d’Alès (Gard) a décidé, mercredi 9 décembre, le redémarrage des abattoirs municipaux.

Rappelons qu’ils avaient été fermés, à la demande du maire, suite à la diffusion d’une vidéo de l’association de défense animal L214  montrant que les animaux y étaient abattus au mépris des règlements.

Certes il s’agit d’un abattoir de proximité, important pour la filière viande, mais ce n’est pas une raison pour enfreindre la loi. Cette loi nous l’avions précisé dans notre enquête sur les conditions d’abattage et de travail dans les abattoirs téléchargeable ici http://www.humanite.fr/abattoirs-ca-craint-pour-les-animaux-pour-les-effectifs-aussi-590239

Cette réouverture des abattoirs d’Alès fait suite à un test de fonctionnement sous le contrôle d’un vétérinaire référent national des abattoirs.

Cela va de soi mais n’assure pas pour l’avenir que les effectifs vétérinaires seront suffisants afin d'assurer que les animaux sont abattus dans les règles à tous les niveaux. Au-delà pour assurer la sécurité sanitaire.

En fait pour des raisons uniquement économiques, aucune réponse a été apportée aux questions de fonds soulevées par notre enquête. D’ailleurs l’association L214 a demandé au maire d’Alès de pouvoir filmer et rendre publique les nouvelles pratiques de l’abattoir comme vous pouvez le lire dans le communiqué suivant http://www.l214.com/communiques/2015/12/10-re-ouverture-abattoir-ales/

L’audit économique et financier mandaté par l’Etat et l’enquête préliminaire sur les « faits d’acte de cruauté et mauvais traitements sur animaux » effectuée à la demande du parquet d’Alès sont attendus.

Ils devraient alimenter un débat de fond, demandé par des associations de défense animale mais aussi des parlementaires,  sur les conditions d’abattage mais aussi de travail dans les abattoirs et les effectifs vétérinaires.

 

Une liste des abattoirs 100% étourdissement

L'OABA vient de dresser la liste des abattoirs qui pratiquent l'étourdissement avant l'abattage et comment les consommateurs peuvent en avoir connaissance sur les emballages http://oaba.fr/pdf/Liste_abattoirs_2015.pdf

Ceux qui ne figurent pas sur cette liste abattent les animaux ans étourdissement selon des proportions variables de quelques pourcentages à 100%.

"Le but de cette liste, nous explique Frédéric Freund, directeur de l'OABA, est d'inciter les abattoirs qui ont une activité mixte (abattage avec et sans étoudisseemnt) à différencier leurs productions en optant pour un étiquetage volontaire du type "abattage conventionnel garanti" afin de ne pas se fermer des consommateurs et de les informer."

Le feront-ils ? "Oui répond-il, si les consommateurs arrêtent d'acheter de la viande provenant de ces établissements".

 

Concernant la commission d'enquête sur les conditions d'abattage des animaux de boucherie dans les abattoirs déposée le 17 novembre 2015 par des sénateurs à la présidence du Sénat, il semblerait qu'elle ne soit pas la bienvenue ni prioritaire !

 

 

Source : http://www.humanite.fr

 

 

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17 décembre 2015 4 17 /12 /décembre /2015 16:52

 

Source : http://www.reporterre.net

 

 

« Aujourd’hui, en France, un contrôle généralisé de la population est possible »

17 décembre 2015 / Entretien avec Joël Domenjoud, écologiste assigné à résidence
 


 

Le Conseil constitutionnel se penche aujourd’hui sur les assignations à résidence décidées dans le cadre de l’état d’urgence. Joël Domenjoud, fait partie des 26 militants écologistes qui ont subi cette mesure. Il explique ce que lui inspire le virage sécuritaire du gouvernement et ce que cela implique pour les mouvements contestataires.

 

Reporterre – Peux-tu rappeler les faits ?
Joël Domenjoud – Le jeudi 26 novembre, des amis m’appellent pour me dire qu’il y a une perquisition chez eux, à Ivry, qui semblait liée à la COP 21. Je me suis dit qu’il valait mieux que je sorte de chez moi. J’ai alors vu que j’étais suivi. S’ils voulaient m’interpeller, mieux valait que je sois dans un lieu public. Je me suis posé dans un café et j’ai passé des coups de téléphone. J’ai appris l’assignation d’une autre personne, donc j’ai compris ce qu’il se passait. J’ai été appelé par ma voisine, qui m’a dit que l’immeuble était plein de policiers, puis, j’ai reçu ce coup de fil : « Venez immédiatement au commissariat, on a un papier à vous remettre. » Je me suis donc présenté pour retirer mon assignation.

 

Quels étaient les motifs ?
Le motif était mon implication dans l’organisation d’événements autour de la COP 21. La possibilité que les manifestations et l’organisation d’actions dans le cadre de la COP 21 aboutissent à des troubles à l’ordre public.

 

Te voila l’un des 26 militants dits écologistes assignés...
Oui, 26. Moi, je me suis présenté comme écologiste parce qu’on essayait à tout prix de me définir, alors j’ai préféré le faire moi-même. Je me suis défini par rapport à ce qu’on me reprochait dans la fiche de renseignement, par exemple mon implication à Bure, et je ne m’en suis pas caché. En l’occurrence, je suis un militant écologiste, mais qui lutte aussi sur le terrain social.

 

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Lors du Camp action climat anticapitaliste à Bure, dans la Meuse, en août 2015.

Qu’est ce que ces mesures disent de l’état du pays ?
Le virage sécuritaire qui était déjà pris est encore plus prononcé. Ça confirme une tendance de plusieurs années : dès qu’il se passe quelque chose en France, on répond par de nouvelles lois sécuritaires. Là, c’est même pire : on met en place un régime d’exception, qui rappelle la période de la guerre d’Algérie. L’état d’urgence de 2005 était un état d’exception localisé autour d’une situation donnée, mais, en réalité, dans les banlieues et les quartiers populaires, l’état d’exception est perpétuel, avec une impunité policière permanente. Aujourd’hui, on a en place un cadre qui permet un contrôle social généralisé de l’ensemble de la population, qui rappelle aussi les années de plomb.

 

Que t’évoque cet acharnement sur des opposants politiques ?
Ça fait plusieurs années qu’on constate une criminalisation des militants, c’est la continuité de la logique, avec une cran bien supérieur. On est dans la prédictibilité de ce que les gens pourraient faire, alors qu’avant, c’était plus une amplification de ce qu’ils avaient fait. C’est beaucoup plus dangereux encore.

 

En tant que militant, qu’est-ce que cette assignation a changé pour toi ?
Ça met en état d’alerte sur le niveau de répression et de contrôle social. Notre niveau d’engagement comme militant au quotidien est-il à la mesure de la répression ? Il ne s’agit pas d’un réflexe de peur, car, en vérité, cela amplifie ma révolte et réaffirme ma détermination, mais il faut avoir conscience que les dangers sont réels : on peut facilement se retrouver privé de liberté, à partir d’une fantasmagorie construite autour d’un profil d’appartenance à une mouvance.

 

S’agit-il d’une volonté d’en punir un pour en toucher cent ?
Il y a clairement une logique ; le message est : « Attention, on va coincer des personnes, mais toutes celles qui sont autour d’elles peuvent subir la même chose. » Ça fait que les gens dans l’entourage peuvent être tentés de rétrograder leur niveau d’engagement, renoncer à un certain nombre de choses, être impressionnés par le contexte et, pour finir, s’autocensurer. De ce point de vue, c’est plus une attaque psychologique qu’une réelle mesure coercitive. Avoir ciblé vingt-six personnes dans toute la France, dans des milieux très différents, est une façon de dire à plein réseaux : attention, maintenant l’état d’urgence nous permet de vous assigner pendant des semaines sur la base de simples présomptions ou à cause d’idées politiques.

 

Qu’est-ce que l’assignation a changé dans ta vie personnelle ?
Je dois pointer trois fois par jour au commissariat. Si je n’y vais pas, je suppose qu’ils viennent me chercher, et le risque, c’est six mois de prison. À partir de la déclaration de l’état d’urgence, c’est quelque chose qu’on avait vaguement envisagé. Il y a pas mal de militants fichés "S", et la fiche S n’est pas fondée sur des actes commis mais sur les engagements des personnes. Ça peut aussi bien concerner des personnels d’ONG, des syndicalistes….

 

Le Conseil d’État a modifié la date de l’audience...
Oui, elle devait se tenir mercredi 9, et finalement, elle a eu lieu vendredi 11. Ainsi, il n’y avait aucun moyen pour le tribunal de suspendre l’assignation, qui prenait fin le lendemain. Donc, le pouvoir ne prenait pas de risque : on subissait cette assignation jusqu’à la dernière seconde, quelle que soit la décision rendue par le Conseil d’État. À partir de là, ma prochaine bataille, c’est la possibilité de demander des indemnités pour ce que ça m’a coûté, et aller à la Cour européenne des droits de l’homme, ce que je trouve intéressant car il y aura un jugement rendu depuis l’extérieur de la France. La famille française des énarques qui ont partagé les bancs des mêmes écoles, qui vont diner au Siècle, qui trouvent que la franc-maçonnerie fait un bon réseau social, cette famille est monde à part, qui se protège et ne va pas se sanctionner, car toute l’institution républicaine est en jeu. Par contre, si le jugement vient de l’extérieur de cette grande famille, il y a une chance qu’il puisse être indépendant.

 

Comment analyses-tu la réaction du gouvernement aux mouvements de contestation sociale et écologique ?
Comme tout gouvernement, l’actuel redoute de perdre le pouvoir. Il sent qu’il est en train de le perdre face au FN, donc il a des réflexes autoritaires. Il se dit peut-être que, par des démonstrations de force et d’autorité, il va regagner une légitimité. C’est un réflexe très martial et qui, rappelons-le, vient d’un gouvernement socialiste. Mais cela s’est déjà vu dans l’histoire : ce n’est pas inintéressant de faire le parallèle avec l’époque où la gauche a préparé le terrain à Vichy. C’est cette grande famille qui réagit, celle qui inclut la droite et la gauche : c’est le jeu des jacobins contre les montagnards, le même jeu de ping pong depuis trois siècles au cours desquels le pouvoir reste à peu près dans les mêmes sphères. Le FN n’en fait pas partie. Le danger qu’il représente, c’est que le pouvoir quitte la grande famille. Et cela provoque une inquiétude profonde, car risquent d’être dépossédés non seulement des politiciens, mais aussi des notables, chefs d’entreprises, toute une économie, une administration.

 

Je ressens l’état d’urgence comme une façon pour le pouvoir de tenter de figer le cadre et de faire le ménage tout autour. Envisager de prolonger l’état d’urgence est un aveu clair et net, car cet état permet de faire plein de choses. C’est comme passer des lois au 49.3 quand tout indique qu’autrement elles ne passeraient pas...

 

*Suite de l'article sur reporterre

 

 

Source : http://www.reporterre.net

 

 

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17 décembre 2015 4 17 /12 /décembre /2015 14:43

 

Source : https://www.mediapart.fr

 

 

Le gouvernement vole au secours du secret fiscal des entreprises
16 décembre 2015 | Par Dan Israel
 
 
 

Pour son dernier budget portant sur une année pleine, le gouvernement avait prévu d'imposer une baisse des dépenses publiques. Mais rien ne s'est passé comme prévu et il a du faire plier sa majorité sur plusieurs mesures.

Un court instant, ils y ont cru. Et puis le gouvernement, qui a failli se faire déborder, a repris la main. Non, les entreprises françaises ne seront pas obligées de rendre publics tous les détails sur leurs filiales, à commencer par leur localisation, leurs bénéfices et les impôts qu’elles payent où qu’elles soient dans le monde. Non, les ONG militant en faveur de cette transparence, meilleur outil contre l’optimisation fiscale abusive des multinationales, n’auront pas remporté la partie. Et non, les députés écologistes et ceux de la gauche du PS, qui se battent parfois depuis plusieurs années en faveur de cette transparence, n’ont pas fait plier le gouvernement sur ce « reporting public pays par pays ».

 

Le duel, qui a eu lieu dans la nuit de mardi à mercredi, au-delà d’une heure du matin, est un saisissant résumé du marathon budgétaire. Le débat parlementaire autour du collectif budgétaire s’achèvera ce jeudi, après les lectures définitives à l’Assemblée et au Sénat, du projet de loi de finances (PLF) 2016 et du projet de loi de finances rectificatif (PLFR) 2015, qui vient boucler l’année écoulée. Et tout au long de ces semaines, le gouvernement s’est employé à parer au plus pressé, colmatant ici une brèche qu’il n’avait pas aperçue, étouffant là un début d’incendie qu’il avait laissé s’attiser. Et perdant parfois la partie, aussi. À l’heure du bilan, l’exécutif peut se targuer d’avoir tenu bon sur l’essentiel de ses priorités, mais pas d’avoir su fixer un cap clair et précis pour ce qui constituait le budget de la dernière année gouvernementale pleine avant l’élection présidentielle de 2017.

 

L’avant-dernier amendement qu’aura examiné l’Assemblée en deuxième lecture du PLFR aura ainsi été l’objet d’un bras de fer forcené, et d’une manœuvre de procédure qui a finalement permis au gouvernement de l’emporter. La partie s’est jouée juste après qu’il avait obtenu le rejet de l’amendement en faveur de la presse en ligne sur la question de la TVA.

 

Les Verts et une partie des députés socialistes, dont Dominique Potier, Pascal Cherki et Yann Galut, présentaient à nouveau la mesure qu’ils étaient parvenus à faire voter en première lecture, imposant aux grandes entreprises la transparence totale sur leurs filiales. Le Sénat ayant rejeté leur amendement, il fallait donc le revoter. Ils étaient appuyés par un texte cosigné par l’économiste star Thomas Piketty, publié sur le Club de Mediapart. Le gouvernement, la commission des finances, la droite et une partie des socialistes y étaient opposés, préférant s’en tenir à la mesure tout juste introduite dans le PLF par le ministère des finances, et réservant les détails sur ces filiales aux seules autorités fiscales. Tous estiment que pour aller plus loin, il faut attendre une décision européenne en ce sens.

 

 

Dix jours auparavant, la mesure avait été adoptée par une poignée de voix. Cette fois, ce sont 28 députés qui l’ont approuvée, face à 24 parlementaires qui y étaient opposés. Grande joie de Pascal Cherki qui venait d’appeler à un « vote courageux » et de Dominique Potier qui vantait « une loi de fierté », non « pas la fin du monde », mais « le début d’un nouveau monde ». Mais comme il en a le droit, le secrétaire d’État au budget Christian Eckert a aussitôt demandé une seconde délibération, où les députés doivent voter sur un nouvel amendement présenté par le gouvernement. Quarante minutes de suspension de séance plus tard, nouveau vote, et rejet final de l’amendement, à 25 voix contre 21. LCP résume très bien les débats en vidéo.

 

Dans l’intervalle, Eckert a négocié avec les socialistes favorables au reporting public, et même trouvé un compromis : moins d’entreprises concernées ou une date d’entrée en application plus tardive. Ne restait au ministre qu’à obtenir le feu vert de l’Élysée… qui a refusé tout net. En parallèle, Bruno Le Roux, président du groupe socialiste à l’Assemblée, avait rappelé dans l’hémicycle deux députés, Jean-Louis Dumont et François Pupponi, et réussi à faire changer d’avis Sébastien Denaja, qui avait initialement soutenu l’amendement, avant de le rejeter (« Il était inutile de renverser la table hier. La mesure n’est pas enterrée mais simplement reportée », a-t-il fait valoir au site Novethic). Jolie manœuvre.

 

« Sur la forme, ces méthodes sont insupportables et inacceptables, déclare aujourd’hui Yann Galut. Sur le fond, la France a manqué une occasion historique d’être vraiment en pointe, alors que sur le plan européen, elle est leader dans ce combat depuis des années. » Dominique Potier, lui, se dit « amer » : « Le chemin le plus court vers une directive européenne, c’est une loi française, j’en suis persuadé. » « Nous sommes dans une période où il est crucial de montrer qu’il n’y a pas d’impuissance publique, notamment face aux intérêts privés. Il ne faut pas entretenir la désespérance », ajoute-t-il.

 

Dans ce domaine, le gouvernement « a montré un bien triste visage », ont réagi les ONG françaises qui luttent sur ce terrain. Il s’est aussi retrouvé sur les mêmes positions que le Medef, très soucieux de défendre la « compétitivité » des entreprises, qui aurait censément eu à souffrir de cette transparence. Et ce n’est bien sûr pas le seul point où Bercy ou l’Élysée se sont trouvés en phase avec le patronat. Car le budget présenté le 30 septembre avant d’être débattu au Parlement ne suivait qu’une seule ligne : la lutte contre les déficits et la restauration de la compétitivité des entreprises.

« Ce projet de loi est celui des objectifs atteints et des engagements tenus », a répété tout au long de ces deux mois et demi le ministre des finances Michel Sapin, se félicitant de la « maîtrise de la dépense publique », notamment par la mise en œuvre des 50 milliards d’euros d’économies sur 2015-2017 décidées l’an dernier. Et tant pis si c’est au prix d’un recul significatif de la part des richesses du pays consacrée à l’éducation, l’emploi ou l’écologie, comme le pointe avec justesse Alter Eco plus.

 

L’autre fierté de l’exécutif concerne les baisses d’impôt, notamment sur les entreprises. Bercy vante les « 33 milliards d’euros d’air frais » dont elles bénéficieront en 2016 et les ménages ne sont pas oubliés, avec une baisse d’impôt sur le revenu de 2,1 milliards en 2016, après 3 milliards en 2015. 12 millions de ménages sont concernés, soit les deux tiers des contribuables, « le cœur des classes moyennes », a plusieurs fois insisté le ministre.

 

L'emploi, invité de dernière minute

Ce sont les dramatiques circonstances des attentats du 13 janvier qui ont obligé le pouvoir à revoir ce dogme. D’abord en faisant passer le « pacte de sécurité » devant le pacte de compétitivité. Comme nous l’avons raconté, les parlementaires n’ont pas cillé pour voter plus de 700 millions d’euros de dépenses supplémentaires en faveur de la police et de la gendarmerie, de la justice et de l’armée. Tout à coup, et c’est heureux, il s’est trouvé une bourse à délester de quelques centaines de millions. Certes, comme le relèvent Les Échos, la France venait d’apprendre qu’elle bénéficierait d’une ristourne de plus d’un milliard sur ses versements prévus au budget européen. De tels investissements, nécessaires, auraient pourtant été impensables quelques jours plus tôt.

 

C’est ensuite le choc du premier tour des élections régionales qui a forcé Manuel Valls à déclarer qu’il allait se battre pour l’emploi, alors que le dossier du chômage avait été escamoté, de façon tout à fait consciente, dans le débat budgétaire jusqu’alors (lire notre analyse). Peu après 20 heures, dès dimanche 13 décembre, Manuel Valls estimait pourtant que les résultats électoraux étaient une « injonction » à « agir, sans relâche, plus vite » contre le chômage. Tout comme le premier secrétaire du PS Jean-Christophe Cambadélis, qui a lancé : « Nous ne pouvons plus continuer comme cela. Il faut agir contre la précarité et pour l’activité comme nous nous sommes attaqués à la compétitivité et à la refondation de l’école. C’est l’inflexion qui doit intervenir durant les 18 mois à venir.»

 

Le lendemain sur France 2, le premier ministre déclarait encore : « Il y a une urgence pour lutter contre le terrorisme, il y a aussi une urgence pour lutter contre le chômage. » Mais rien ou presque dans la loi de finances 2016 ne concrétise cette promesse, et la ministre du travail, Myriam El Khomri, n’a pour l’heure à se mettre sous la dent que les éléments de langage sur la dynamique que sont censées enclencher les baisses de charges du pacte de responsabilité (depuis un an, l’employeur d’un salarié au Smic ne paie plus de cotisation sociale et les allègements de charge sont ensuite progressifs jusqu’à 1,6 Smic).

 

L'amendement Ayrault-Muet combattu par le gouvernement

Manuel Valls et Michel Sapin avaient pourtant sous la main une mesure toute symbolique, et fort politique, qu’ils auraient pu exploiter comme une preuve de leur attention envers les classes populaires : l’amendement Ayrault-Muet. Mais cette mesure, qui vise à transformer une partie de la prime d’activité (cette nouvelle prestation sociale qui fusionnera à partir du 1er janvier 2016 la prime pour l’emploi et le RSA activité) en une ristourne de la CSG, pour rendre progressif cet impôt sur le revenu bis, a justement été votée contre l’avis du gouvernement, après un mois d’intense bataille d’influence. En première lecture, comme Mediapart l’a relaté, puis en seconde lecture, vendredi 11 décembre, sous les applaudissements d’une partie de la gauche.

 

Jean-Marc Ayrault a d’ailleurs largement joué de cette partition en direction des Français les plus pauvres, vantant « une mesure de justice fiscale » et « un message très fort adressé à ceux qui espèrent que nous allons continuer les mesures dans deux directions : la baisse des impôts mais à la fois davantage de justice fiscale ». L’exécutif, de son côté, était trop inquiet de la question du financement de cette mesure, et de se voir accusé de devoir augmenter un autre impôt pour compenser la nouvelle dépense.

 

Dans un genre plus mineur, mais symbolique, ce n’est qu’en deuxième lecture que Christian Eckert s’est résolu à ne pas se prononcer sur le passage de 20 % à 5,5 % de la TVA sur les produits d’hygiène féminine, dite « taxe tampon ». Dans un premier temps, paralysé par les 55 millions d’euros nécessaires pour financer la mesure, le gouvernement s’était prononcé contre, et il a fallu toute la puissance de feu des associations féministes pour que le Sénat rétablisse cet amendement et fasse reprendre le débat.

Ces broncas non anticipées

Il est d’autres broncas dont le gouvernement n’avait pas prévu l’ampleur. Le meilleur exemple est l’obligation pour les veufs et veuves ayant eu un enfant de payer à partir de 2015 la taxe d’habitation et la taxe foncière. C’est la conséquence de la suppression de la demi-part des veuves, votée en 2008 sous Sarkozy, et le gouvernement avait repéré le problème. Mais il n’avait pas anticipé le bruit qu’allaient faire les mécontents, à partir de début novembre, sur le thème du « matraquage fiscal ». Cette accusation dont veut à tout prix se défaire le gouvernement…

 

Résultat, Christian Eckert est obligé d’indiquer au Journal du dimanche que « les personnes concernées qui auraient déjà payé ces impôts en 2015 seront remboursées sans démarche particulière », et le gouvernement de sortir de son chapeau le 12 novembre, en plein débat à l’Assemblée, une exonération définitive pour tous ceux qui en avait bénéficié en 2014, ainsi qu’une entrée progressive dans l’impôt en trois ans pour les autres, qui changeraient de situation après 2015. « Un dispositif juridiquement solide et pérenne », se félicite Michel Sapin, sans convaincre totalement. « Le gouvernement s’est pris les pieds dans le tapis », ironise à bon droit le député LR Éric Woerth dans l’hémicycle.

 

Ce commentaire aurait pu s’appliquer sur l’autre dossier chaud de la première moitié du mois de novembre, celui de la réforme de la DGF. La dotation globale de fonctionnement est la principale enveloppe allouée par l’État aux collectivités, et elle est notoirement distribuée de façon inéquitable et archaïque entre les diverses communes. Un « scandale ambulant », pointait un ministre à l’époque, ravi de voir menée une « réforme de gauche ». Car le gouvernement avait décidé de revoir les règles d’attribution de la DGF, afin de rétablir l’équité dans son versement. Son ambitieux projet aura finalement été stoppé net par la levée de boucliers de nombreux élus, dont ceux de l’Association des petites villes de France, menée par le socialiste Olivier Dussopt. Ulcérés par le manque de préparation de la réforme et par des consultations qu’ils ont jugé trop peu nombreuses, ces élus ont finalement obtenu le report d’un an de la mesure, et une commission d’étude sur le sujet, où Dussopt aura une large place.

 

L'aide au développement rabotée discrètement

Dans un dernier cas, sur les sujets liés à l’aide au développement, le gouvernement a joué plus finement. Comme sur la question de la transparence fiscale, il a plaidé que la France ne devait pas être en avance sur l’Union européenne, il a subi plusieurs revers dans l’hémicycle… et a finalement récupéré la main.

 

Les camouflets, il a d’abord semblé les essuyer sur la question de l’élargissement de la taxe sur les transactions financières. En vigueur en France uniquement sur les ventes d’actions à long terme, cette taxe a été élargie par les députés, en première puis en deuxième lecture, aux transactions « intradays », où l’achat et la vente se passent dans la même journée. Michel Sapin était contre, expliquant inlassablement qu’il préférait attendre une décision européenne sur l’installation de la TTF dans une dizaine de pays, alors même que Mediapart expliquait récemment que l’aboutissement prochain de cette négociation est loin d’être acquis.

 

« Je ne crois pas à une taxe sur les transactions financières large dans un seul pays », a rappelé le ministre le 11 décembre à l’Assemblée, à l’unisson avec le président de la commission des finances, le député LR Gilles Carrez. Mais Sapin a laissé faire les députés, en demandant que la mesure ne démarre pas avant 2017. Mais il a surtout prévenu que si les négociations européennes échouaient, il demanderait un nouveau report de la mise en application de cette TTF élargie. Une manière plutôt fine de s’assurer que c’est sa position qui prévaudra, quoi qu’il arrive.

 

Autre manœuvre, moins élégante, le gouvernement a imposé fin octobre, au détour d’un amendement qu’aucun député n’avait vu venir, une baisse des crédits accordés à l’aide au développement. Quelques jours plus tôt, l’Assemblée les avaient pourtant considérablement augmentés, contre son avis.

 

Aucun des députés vigilants sur cette question n’avait été averti que l’amendement-coup de ciseau allait être présenté, et personne ne s’y est donc efficacement opposé. Et le 11 décembre, ces députés n’ont pas réussi à changer la donne, malgré le dépôt de plusieurs amendements pour augmenter les crédits, soit de l’aide au développement, soit de l’agence qui en est chargée. Le budget alloué à la mission « aide au développement » sera donc « en baisse de 7,7 %, soit 210 millions d’euros, par rapport à 2015, et de 112 millions d’euros par rapport au budget initial présenté en septembre par le gouvernement », a calculé l’ONG ONE.

 

Aux parlementaires qui s’émouvaient de son intransigeance, Michel Sapin a répondu le 11 décembre que ces chiffres étaient « parfaitement conformes à l’engagement du président de la République », qui a promis fin septembre devant l’ONU 4 milliards de plus pour le développement d’ici 2020. « Il y a des limites à tout », a lancé le ministre. « Ça me révolte », a alors soufflé Olivier Faure, vice-président du groupe socialiste, sonné.

 

 

 

Source : https://www.mediapart.fr

 

 

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16 décembre 2015 3 16 /12 /décembre /2015 15:17

 

Source : https://www.mediapart.fr

 

 

Crise des réfugiés: la Grèce est à nouveau sous forte pression de l'Europe
15 décembre 2015 | Par Amélie Poinssot
 
 
 

Une crise chasse l'autre ? Après des mois de tensions autour du maintien de la Grèce dans la zone euro, Athènes est à nouveau pointée du doigt à Bruxelles. Incapable de gérer ses frontières et d'enregistrer correctement les migrants, la péninsule hellénique ne satisferait pas aux conditions de l'espace Schengen. Sur le terrain, les acteurs décrivent une situation intenable.

Besoin urgent de ressources humaines, de matériel et d'hébergement. C'est le constat fait à Athènes par Katerina Kitidi du HCR (Haut-Commissariat des Nations unies pour les réfugiés). Les îles grecques proches des côtes turques sont effet débordées depuis cet été par un afflux sans précédent. Plus qu'une nouvelle agence européenne de surveillance des frontières dont la formation est annoncée ce mardi 15 décembre à Bruxelles (lire les explications de Carine Fouteau), c'est d'abord de moyens matériels et humains dont la Grèce a besoin. Certes, avec le début de l'hiver, le nombre d'arrivées quotidiennes a baissé. Mais les chiffres sont encore colossaux.

La semaine dernière, ils étaient en moyenne 2 179 chaque jour à fouler le sol grec après une traversée en mer depuis les côtes turques – en octobre et début novembre, on dénombrait jusqu'à 6 000 voire 8 000 arrivées par jour. Il n'empêche, pour les autorités grecques, les ONG et les nombreux bénévoles mobilisés sur le terrain, le manque de moyens se fait toujours cruellement sentir, et le programme dit de « relocalisations » décidé par les Européens à la sortie de l’été – qui prévoyait une répartition des réfugiés entre les 28 États membres pour « soulager » l'Italie et la Grèce avec la mise en place de « hotspots » afin de faire le tri – n'est pas du tout opérationnel.

Sur le papier, il s'agissait, dans les deux années à venir, d'aller chercher quelque 160 000 Syriens, Irakiens et Érythréens actuellement en Grèce et en Italie et de les répartir entre différents pays européens, selon les quotas acceptés par chacune des 28 capitales. Mais pour l'heure, depuis Rome, seulement 130 personnes ont été relocalisées. Et depuis Athènes, seulement 30 Syriens ont été emmenés au Luxembourg… sur les 40 000 censés être délocalisés de Grèce, un chiffre qui apparaissait déjà, pour plusieurs connaisseurs du terrain, « ridicule ».

 

Un enfant réfugié devant une carte de l'Europe, dans un campement près d'un centre d'enregistrement sur l'île de Lesbos, le 18 novembre 2015 © Reuters
Un enfant réfugié devant une carte de l'Europe, dans un campement près d'un centre d'enregistrement sur l'île de Lesbos, le 18 novembre 2015 © Reuters

 

Avant de se porter volontaires pour ce programme de relocalisations, de toute façon, les réfugiés doivent passer par plusieurs étapes. Et elles sont loin d'être évidentes pour ces personnes qui ont parfois frôlé la mort dans la traversée de la mer Égée et affrontent désormais le froid de l'hiver et les intempéries. Ils sont nombreux à dormir dehors avant de pouvoir accomplir la première démarche, celle de l'enregistrement auprès des autorités, même si la file d'attente a tendance à se réduire avec la baisse du flux d'arrivées de ces dernières semaines. Aux côtés des autorités grecques, c'est Frontex qui officie, l'Agence européenne pour la gestion des frontières extérieures : cette dernière compte actuellement 170 officiers déployés sur cinq îles grecques, dont 65 pour la seule île de Lesbos. Des officiers qui aident à l'identification des personnes, aux entretiens pour tenter de déjouer les migrants qui mentiraient sur leurs origines, à la prise des empreintes digitales… Beaucoup de migrants voyagent en effet sans passeport, le perdent ou se le font voler pendant leur voyage semé d'embûches. Toutes les données sont aussitôt mises en commun sur les fichiers européens.

Problème : le déficit de ressources matérielles est criant. Pour l'heure, la Grèce ne dispose que de 48 « Eurodac », ces machines numérisant les empreintes digitales directement reliées au réseau européen. Insuffisant, selon le ministre grec délégué à la politique migratoire, Yannis Mouzalas, qui déclarait devant le Parlement grec le 3 décembre dernier en avoir demandé une centaine à Bruxelles. Sans compter que les coupures internet, fréquentes sur les îles, freinent le processus. Dans certaines îles, la prise des empreintes digitales se fait encore à l'encre : des données impossibles à traiter en l'état au niveau européen.

Ces procédures se sont toutefois améliorées au cours de l'automne. Car jusqu'à octobre, totalement submergées, les autorités grecques laissaient filer les Syriens ou les migrants se faisant passer comme tels sans les enregistrer, comme en témoigne une personne qui était impliquée sur le terrain à ce moment-là, sur l'île de Lesbos. L'île, qui a vu passer cette année 60 % du flux migratoire de la mer Égée, compte deux centres de réception faits de préfabriqués, Kara Tepe et Moria. « Les Syriens, conduits vers le centre de Kara Tepe, se voyaient délivrer un document leur demandant de s'enregistrer à Athènes, avec un rendez-vous en février 2016 pour y laisser leurs empreintes digitales ! C'était absurde, aucun réfugié n'allait attendre cette date, beaucoup ont déjà quitté la Grèce. Ces personnes ne sont donc enregistrées nulle part, elles n'existent pas dans le système Schengen », témoigne cette source qui était en contact direct avec la police grecque sur place. « En revanche, tous les autres migrants passaient par la procédure d'enregistrement avec Eurodac, dans le centre de réception de Moria. Mais il n'y avait encore qu'une seule machine Eurodac. »

« Le service d'enregistrement est maintenant efficient, assure de son côté Ewa Mancure, la porte-parole de Frontex, depuis le siège de l'organisation, à Varsovie. Mais nous avons encore besoin de personnel. Au total, nous avons lancé 775 appels à candidature pour des missions de plusieurs mois. Il nous reste encore environ la moitié à recruter. »

 

Dès que l'enregistrement est fait – parfois il faut attendre plusieurs jours –, deuxième étape : la demande d'asile. Le service d'asile est bien opérationnel à Lesbos, nous disent différents interlocuteurs impliqués sur le terrain. Mais la plupart des migrants, en réalité, ne profitent pas de la structure : en novembre, sur l'île de Lesbos, seulement 17 personnes ont fait la démarche de demander l'asile, pour un nombre d'arrivées supérieur à 103 000. À l'échelle nationale, c'est 10 718 dossiers déposés depuis le début de l'année… pour environ 800 000 entrées sur le territoire par la mer Égée, d'après les dernières données de l'Organisation internationale pour les migrations (IOM) et celles du Haut-Commissariat des Nations unies pour les réfugiés (UNHCR). Autrement dit, une infime proportion.

La plupart des migrants, aussitôt leur identité enregistrée, prennent en fait un ferry pour Athènes, d'où ils essaient de poursuivre leur route, vers les Balkans. Objectif : rejoindre le nord de l'Europe. Une route de plus en plus périlleuse, comme en témoignent les récents affrontements le long de la frontière avec la Macédoine où plusieurs milliers de migrants sont restés bloqués, côté grec, les autorités de Skopje ne laissant plus passer que les Syriens, Afghans et Irakiens. Début décembre, un homme marocain est mort, électrocuté, en tentant de passer cette frontière. La semaine dernière, les autorités grecques ont employé les grands moyens : elles ont délogé les quelque deux mille migrants du camp de fortune installé à la frontière et les ont conduits jusqu'à Athènes, dans un ancien stade des infrastructures olympiques où ils séjournent depuis. Le ministère a promis de leur trouver une solution durable d'ici à la fin de cette semaine.

Une nouvelle humiliation « efficace »

Or pour bénéficier du programme de « relocalisations » de l’UE, il y a une troisième étape : se porter candidat. Mais la plupart des migrants qui arrivent sur les îles ignorent qu'un tel programme existe. « De notre côté, nous essayons au maximum d'expliquer aux réfugiés arrivant sur les îles leurs droits et leurs obligations, et de les inciter à se porter candidat à ce programme », explique Katerina Kitidi. Mais pour l’instant, seulement 74 personnes se sont portées candidates à ce programme via les services du HCR. Du côté des pays d'accueil, selon la commission, à peine 3 616 places avaient été identifiées début décembre, dans 14 États membres, pour les semaines à venir.

À Lesbos, pourtant site du premier « hotspot » officiellement ouvert en Grèce, les structures d'hébergement pour combler l'attente entre le dépôt de la demande de relocalisation et le départ effectif n'existent pas. D'autres hotspots étaient en outre prévus sur les îles de Chios, Samos, Kos et Leros d’ici à la fin de l’année. Aucun n'a ouvert et il ne reste plus qu'une quinzaine de jours…

Athènes, en réalité, n'était pas extrêmement favorable à cette mesure. L'exécutif grec est davantage partisan de hotspots sur le sol turc, afin d'effectuer une répartition des réfugiés en amont, et de leur éviter la traversée mortelle de la mer Égée. Depuis le début de l'année, 3 671 personnes ayant emprunté une route maritime pour rejoindre l'Europe sont décédées ou portées disparues, d'après les statistiques de l'IOM. Autrement dit, une personne sur cinquante qui tente la traversée… Athènes a par ailleurs demandé, ce mardi 15 décembre, que soit étudiée à Bruxelles la possibilité d'enregistrer les demandes d'asile des migrants où ils le souhaitent à l'intérieur de l'UE. Autrement dit, elle milite pour l'abolition de Dublin II, règlement qui voulait que les migrants déposent leur dossier dans le premier pays européen dans lequel ils pénètrent – ce qui faisait de la Grèce le premier pays d'enregistrement des demandes d'asile. Ce n'était de facto plus en application depuis 2011, mais Bruxelles souhaite que ce soit de nouveau la règle dès les premiers mois de 2016. Entre Bruxelles qui souhaite maintenir la gestion du phénomène migratoire à l'intérieur des frontières grecques et Athènes qui semble avoir démissionné depuis longtemps, la divergence est grande.

 

A Lesbos, le 8 décembre 2015

 

Mais si la Grèce ne s'est jamais montrée exemplaire en matière d'accueil des immigrés, les politiques d’austérité voulues par Bruxelles n'ont fait qu'empirer les choses et ne sont pas sans conséquence sur la gestion du flux migratoire exceptionnel de cette année 2015. Dimitris Christopoulos, vice-président de la Ligue hellénique des droits de l'homme, estime ainsi que les obligations de son pays sont tout simplement impossibles à tenir. D'après les conclusions du sommet européen du 26 octobre, la Grèce est censée créer 50 000 places d'hébergement d'ici à la fin de l'année. « C'est impossible, à la fois en raison d'une incapacité administrative de l’État grec et d'une absence de volonté politique. Mais cette absence de volonté, elle est due au fait que nos dirigeants sont sincèrement convaincus qu'on ne peut rien faire : notre État est en faillite, on a intégré l'idée que cette faillite a gagné l'ensemble de la société. Les élites politiques sont désormais convaincues que nous sommes condamnés à échouer. C'est le résultat de plus de cinq ans de crise et de politiques d'austérité », avance Christopoulos, qui a conseillé le gouvernement Tsipras sur les questions migratoires jusqu'en juillet.

À Bruxelles, on feint d'oublier aujourd'hui les contraintes budgétaires extrêmement serrées que l'on a exigées d'Athènes depuis 2010. Et l'on dégaine, même, de nouvelles armes. La pression est ainsi remontée d'un cran début décembre pour forcer la Grèce à être plus efficace dans les enregistrements des migrants. De manière insidieuse, le bâton a pris la forme de spéculations sur une « suspension » de la Grèce de Schengen. Spéculations qui faisaient même la une du Financial Times le 2 décembre. Après deux jours d'une mayonnaise médiatique savamment orchestrée en parallèle d'une réunion à Bruxelles des ministres européens de l'intérieur, la menace était retombée.

Cette perspective d’une nouvelle humiliation pour Athènes, de fait, a fonctionné. Comme le résumait le 4 décembre un diplomate français, cette agitation « a permis de débloquer les choses » : « Je ne dirai pas que c’était une mise en scène concertée, mais disons que cela s’est révélé efficace. » En amont de la réunion européenne, Athènes avait ainsi donné des gages pour consolider sa coopération avec Bruxelles, quitte à perdre un peu de sa souveraineté dans la gestion des frontières : elle avait activé le Mécanisme européen de protection civile (pour obtenir de l’assistance technique, déjà débloqué par le passé dans des situations très variées afin de lutter contre la prolifération de l’Ebola ou éteindre des incendies en Grèce), et elle avait formulé auprès de Frontex une demande de déploiement des équipes d’intervention rapide aux frontières (RABIT, dans le jargon anglais), constituées de gardes-frontières venus d’autres États membres.

La pression, toutefois, ne s'est pas arrêtée là. Jeudi 10 décembre, c'est au tour de la Commission européenne de brandir le bâton. Dans une lettre adressée simultanément à la Grèce, l'Italie et la Croatie, elle reproche à ces trois pays de ne pas être assez efficaces dans le relevé des empreintes digitales des demandeurs d'asile et des migrants et dans leur transmission au système central Eurodac – en théorie dans les 72 heures. Si le lendemain, au cours d'une séance parlementaire, le premier ministre grec Alexis Tsipras a aussitôt démenti, assurant que « tous » les migrants arrivant sur les îles hellènes étaient bien enregistrés depuis septembre, l'annonce de la Commission n'est pas anodine : il s'agit d'une mise en demeure, autrement dit c'est la première phase d'une procédure d'infraction pouvant aller jusqu'à des saisines de la Cour européenne de justice. D'après la Commission, environ la moitié des quelque 800 000 migrants débarqués sur les côtes grecques depuis le début de l'année n'auraient pas été enregistrés par Athènes.

Sous pression, sans aucune marge de manœuvre, le gouvernement grec a acquiescé en fin de semaine dernière face au projet de la Commission d'une nouvelle agence de surveillance des frontières maritimes de l'Union. Il est pourtant très réservé sur cette réforme, notamment en raison des questions qu'elle pose en termes de souveraineté nationale. En raison de conflits passés plus ou moins résolus, les relations de voisinage entre la Grèce, la Macédoine et la Turquie ne sont pas au beau fixe, et l'abandon de la gestion de ses frontières à une autre autorité n'a rien d'évident pour le pouvoir hellénique. D'autres pays d'Europe centrale, comme la Pologne et la Hongrie, ont également exprimé leurs réserves à Bruxelles ce lundi.

La presse grecque s'est d'ailleurs fait l'écho de vives critiques ces derniers jours. « Cette fois-ci, il ne s'agit pas de la gouvernance économique des "Vingt-Huit", écrit ce lundi 14 décembre le quotidien Efsyn (notre partenaire #OpenEurope), mais de l'imposition d'un corps européen de surveillance des côtes et des frontières, lequel sera activé dans le cas où un pays membre fait apparaître de sérieuses faiblesses dans la surveillance des frontières extérieures de l'UE. Quel pays membre est montré du doigt par Berlin et Bruxelles ? La Grèce, bien sûr. Le sujet de la souveraineté nationale n'existe plus pour Angela Merkel et Jean-Claude Juncker, dont le but est de ne pas laisser passer un moustique vers le nord et de maintenir les réfugiés à l'intérieur de la Grèce. » La création de cette nouvelle agence, poursuit le journal, « ne laisse pratiquement aucune possibilité de réaction ou de désaccord aux pays qui ne souhaitent pas céder une partie de leur souveraineté nationale ». Les forces de cette nouvelle police peuvent en effet être déployées en dépit de l'avis du pays concerné. Dans un communiqué publié ce mardi 15 décembre, Amnesty International Grèce fait valoir que cette annonce pose d'ores et déjà problème sur la question des droits humains : elle intervient « au milieu d'une série de violations des droits de l'homme enregistrées par Amnesty International aux frontières extérieures européennes, par des autorités nationales qui rendent très peu compte de leurs agissements, voire pas du tout. Aucun système de gestion des frontières, qu'il soit national ou européen, ne peut poser des frontières à la protection internationale ».

À noter que ce dossier est soutenu, à Bruxelles, par la chancelière allemande et le président de la Commission, lesquels étaient en première ligne, déjà, sur le dossier de la viabilité financière de la Grèce à l'intérieur de la zone euro. Les premiers concernés par le dossier semblent relégués au second plan. Ainsi du commissaire européen à l'immigration, Dimitris Avramoupolos… un Grec.

 

 

 

 

Source : https://www.mediapart.fr

 

 

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16 décembre 2015 3 16 /12 /décembre /2015 15:02

 

Source : https://www.mediapart.fr

 

 

En Amérique du Nord, une «neutralisation stratégique» de la contestation
16 décembre 2015 | Par Louise Fessard

 

 

Professeure de sociologie, Lesley J. Wood observe l’évolution de la  gestion policière des manifestations au Canada et aux États-Unis. Dans Mater la meute, elle décrit l’avènement d’un maintien de l’ordre de plus en plus fondé sur le renseignement et les arrestations préventives.

Professeure de sociologie à l’université York de Toronto, Lesley J. Wood observe en tant que chercheuse et militante au sein des mouvements altermondialistes l’évolution de la gestion policière des manifestations au Canada et aux États-Unis, notamment lors des grands sommets internationaux. Dans Mater la meute, la militarisation de la gestion policière des manifestations, paru à l’automne 2015 en français (éd. Lux), elle décrit l’avènement en Amérique du Nord d’un maintien de l’ordre de plus en plus fondé sur le renseignement et les arrestations préventives.

 

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Ce tournant stratégique a lieu, selon elle, à la fin des années 1990 après des affrontements entre altermondialistes et police lors du sommet de l’OMC à Seattle en 1999 (600 interpellations), vécus comme « une sorte de Pearl Harbor des forces de l’ordre ». Constatant l’échec du modèle traditionnel de négociation avec les organisateurs de manifestation, les polices nord-américaines auraient alors opté pour la « neutralisation stratégique », qui repose sur des activités de renseignement et dont le but est « de prévenir la tenue des manifestations en maîtrisant ou en dissuadant les participants ».

 

S’ils ne parviennent pas à empêcher la mobilisation, les policiers privilégieront les arrestations massives (700 manifestants du mouvement « Occupy Wall Street » arrêtés le 1er octobre 2011 par la police new-yorkaise), l’utilisation d’armes sublétales et les unités antiémeutes disposant de matériels militaires, type Swat (Special Weapons And Tactics) aux États-Unis. À noter que l’administration Obama a annoncé en mai 2015 vouloir interdire certains transferts de l’armée, les images de policiers surarmés avec des véhicules blindés ayant choqué lors des émeutes de Ferguson. Le schéma est simple : criminaliser les manifestants qui ne coopèrent pas. 

 

En France, à la suite des attentats, la grande marche pour le climat prévue le 29 novembre 2015 a été interdite dans le cadre de l’état d’urgence. Et 316 personnes se sont retrouvées en garde à vue ce jour-là pour avoir bravé cette interdiction. Détournant l’état d’urgence, les autorités ont assigné à domicile 26 militants du climat pour empêcher leur éventuelle participation à des « actions revendicatives violentes » autour de la COP21. Moyennant quoi la conférence pour le climat s'est déroulée sans heurts au Bourget, dans un périmètre ultrasécurisé et policé.

 

« Aujourd’hui, le manifestant est de plus en plus la cible de notre intérêt, donc plutôt travailler sur l’environnement pour éviter que la manifestation ne dégénère en attroupement », expliquait le 19 novembre 2015 le commissaire Christian Ghirlanda, de la direction centrale des CRS, lors d’une conférence sur le contrôle des foules au salon Milipol à Villepinte. Si l’ouvrage de Lesley J. Wood concerne uniquement l’Amérique du Nord, où les polices et le maintien de l'ordre sont très différents du système centralisé français, il apporte un éclairage intéressant sur ce que nous vivons aujourd’hui en France. Petit entretien par téléphone.

 

Quels changements avez-vous observés dans la gestion des manifestations en Amérique du Nord et depuis quand ?

Lesley J. Wood : J’ai remarqué ces changements à la fois en tant que militante et sociologue étudiant les relations entre manifestants et les autorités. Ils sont particulièrement spectaculaires lors des sommets internationaux comme le G20 à Toronto en 2010, mais ils font partie d’une tendance plus large. On va vers une intégration de la police chargée du renseignement, de celle chargée du contrôle des manifestations et des industries de la sécurité. Les frontières entre ces secteurs sont devenues moins marquées, comme vous avez pu le constater récemment à Paris autour de la COP21. Par certains aspects, cela ressemble à ce que nous avons vu à New York lors du mouvement Occupy Wall Street : tous les événements, qu’il s’agisse de terrorisme ou de manifestations, sont considérés comme des menaces à l’ordre. En France, les autorités ciblent ainsi les activistes écologistes au nom de la menace terroriste ! La frontière entre terrorisme intérieur et activités militantes est brouillée.

 

Qu’est-ce que la « neutralisation stratégique » ?

C’est une logique qui consiste à éliminer en amont toute menace et ce dans un sens très large : à partir du moment où vous ne coopérez pas avec la police, vous êtes considéré comme une menace, quelles que soient vos intentions réelles. Si vous ne coopérez pas, vous devenez une cible et pouvez faire l’objet d’arrestations préventives. Cela passe également par le contrôle de la voie publique. Les autorités vont utiliser des périmètres de sécurité avec des barricades : vous pouvez manifester ici, mais si vous sortez de cet enclos vous devenez une menace, même si vous n’avez aucune mauvaise intention. Et dans ce cas, ils estiment légitime de recourir aux armes sublétales (grenades incapacitantes, vaporisateurs de gaz poivre, balles de caoutchouc, pistolets Taser) qui se sont énormément développées depuis quinze ans en Amérique du Nord. La police met également l’accent sur les médias, en cherchant à créer un récit présentant les manifestants comme un danger. C’est ce qu’il s’est passé à Paris, où les autorités ont insisté sur les objets du mémorial utilisés comme projectiles par des manifestants.

 

D’où vient cette évolution ?

Face aux réformes néolibérales et à l’austérité qui leur sont imposées, les agences de police doivent se battre pour justifier leur travail et leur légitimité en neutralisant les groupes qui menacent le statu quo. L’industrie de la sécurité et de la défense joue également un rôle important, en diffusant ces stratégies comme de bonnes pratiques via les réseaux professionnels policiers, comme l'Association internationale des chefs de la police (AICP) [qui a reçu en 2005 un don de 300 000 euros de Taser International pour sa fondation philanthropique – ndlr]. Avant même Seattle, le changement remonte à la fin de la guerre froide et à la nécessité pour l’industrie de la défense d’étendre son marché à la police et au contrôle des communautés noires ou pauvres, ainsi qu'à la guerre contre la drogue.

 

Vous parlez de militarisation des stratégies policières, c’est un mot fourre-tout, que recouvre-t-il ?

La militarisation, ce ne sont pas seulement les armes, les unités antiémeutes et les véhicules blindés, mais une logique de pacification avec des arrestations préventives. Attention, aujourd’hui, pour la majorité des manifestations au Canada et aux États-Unis, les agents de police essaient d’abord de négocier avec les organisateurs et cela se passe sans confrontation. Mais dans la minorité de cas où les manifestants refusent ou sont perçus comme menaçants, alors la police change de logiciel et choisit la « neutralisation stratégique ».

 

 

Source : https://www.mediapart.fr

 

 

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14 décembre 2015 1 14 /12 /décembre /2015 17:51

 

Source : http://www.medias-libres.org/2015-greenwashing/#articles

 
 

 

Pour sauver le climat, ils plantent des arbres virtuels !

 

Le réchauffement climatique, voilà l’ennemi ! Si vous ouvrez de temps en temps les journaux ou écoutez d’une oreille même discrète les informations, vous avez forcément entendu parler de la COP 21, vingt-et-unième conférence mondiale autour du changement climatique, qui se tiendra à Paris en décembre prochain. À cette occasion, un gros battage médiatique est organisé pour promouvoir l’idéologie de la « fuite en avant technologique », qui voudrait nous sauver des désastres écologiques par un développement accru des nouvelles technologies.

À Grenoble, un lieu plus que tout autre incarne la volonté de faire accepter cette idéologie : le CCSTI (centre de culture scientifique technique et industrielle). Alors que se prépare une exposition autour du réchauffement climatique et de la réalité virtuelle, une ancienne stagiaire nous éclaire sur le fonctionnement du CCSTI.

 

« Comment peut-on mettre un masque à des gens pour leur faire ouvrir les yeux sur quelque chose ? » Le masque dont parle Juliette (pseudonyme), c’est un masque de réalité virtuelle. Un gros bazar qu’on se met devant les yeux, qui tient avec une structure autour de la tête et qui permet de naviguer dans un univers virtuel immersif. Une batterie de capteurs donnent à celui qui porte ce masque l’impression d’être le personnage d’un film.

C’est ce genre de masque qui devrait être utilisé pour la prochaine exposition du CCSTI (centre de culture scientifique technique et industrielle) autour du réchauffement climatique. Le CCSTI ? Un machin abreuvé d’argent public situé dans une casemate du bout de la rue Saint-Laurent (on l’appelle d’ailleurs également comme ça : la Casemate). Fondé en 1979, ce machin est le premier CCSTI de France (depuis il y en a une quarantaine), qui a pour noble mission de « diffuser et promouvoir la culture scientifique auprès de tous les publics », et a attiré – selon leurs chiffres – 42 000 personnes pour l’année 2014.

 


 

Jusqu’à l’année dernière, Juliette ne connaissait pas le CCSTI. Étudiante, elle a postulé pour y faire un stage de plusieurs mois  : « J’étais curieuse de voir ce qu’était la culture scientifique et en quoi consiste le dialogue art-science-société. Je suis arrivée mi-mars, ma principale mission a été de penser et de réaliser une exposition autour du changement climatique, prévue pour cet automne ».

Le CCSTI monte plusieurs expositions par an, sur des sujets plus ou moins scientifiques comme le dopage, les jeux vidéos ou les « capteurs dans la ville ». En cette année de COP 21, la Casemate a donc décidé de faire comme tout le monde et de parler du réchauffement climatique. Juliette continue : « Au début j’étais enthousiaste : le sujet me touchait, j’étais assez libre et très heureuse d’avoir le temps de faire des recherches sur ce sujet. J’ai donc pu lire et découvrir pas mal de penseurs comme André Gorz ou Philippe Descola.» Mais Juliette a peu à peu déchanté : si elle abordait cette « mission » pleine de curiosité, des interdits et brusques revirements l’inquiètent : « Je voulais qu’on pose les idées de base de l’exposition selon des résultats et des courants de pensée scientifique, pour ensuite envisager quelles formes et outils technologiques conviendraient le mieux pour les exposer. Mais la Casemate tend au contraire à partir de la forme pour voir quels contenus pourraient y entrer. En fait, dans toutes les expositions de la Casemate il faut qu’il y ait des nouvelles technologies et du numérique. Et bien souvent cela se fait au détriment de la finesse de l’analyse en privilégiant le spectaculaire. Cet impératif de recherche de l’innovation devient vite un parasite, car on ne peut plus penser.»

Le CCSTI, financé à hauteur de 1,7 millions d’euros par l’argent public (la Métropole, la ville de Grenoble, la région, l’Etat, l’Europe), possède également une flopée de « partenaires », œuvrant au développement des nouvelles technologies (le Commissariat à l’énergie atomique, Génération Robots, Xerox, Institut des neurosciences, Orange, Minatec...). Que ce centre public fasse la propagande de tout ce que ces « partenaires » privés vendent n’est donc pas un scoop - loin de là -, mais l’expérience de Juliette documente le néant de la pensée qui règne dans ce type de lieux. « La Casemate se revendique être un lieu neutre et ouvert pour discuter les processus d’innovation, la place et l’usage des technologies et du numérique aux niveaux individuel et collectif. Tout en disant promouvoir des débats citoyens, aussi critiques et éthiques, sur des sujets de société. Mais il y a des confusions. La neutralité n’existe pas. Une chose est de tester ces dispositifs technologiques pour servir la présentation de phénomènes scientifiques et faire ce qu’on appelle la médiation culturelle et scientifique. Une autre est de mettre en scène la technologie de manière irrésistible, pour elle-même, de s’en servir d’appât pour le public et de lui demander son avis pour l’aspect contributif quasi-obligatoire mais souvent fictif. Ça peut tomber dans l’acceptabilité, et la propagande. En réalité ce à quoi on fait surtout contribuer le public c’est à cette course en avant de l’innovation dont on ne sait plus quoi faire. Le credo c’est qu’il nous est permis d’inventer de nouveaux usages, de détourner ces produits et ces technologies. En réalité c’est nous qui sommes détournés d’autres questions. Par exemple sur la responsabilité des nouvelles technologies dans la dégradation de l’environnement et le changement climatique, la virtualisation du vivant, la collecte et la mise en données du monde, le rôle et le pouvoir des experts et différents scientifiques dans les négociations locales et internationales ».

 

Faire participer sans faire penser

Au CCSTI encore plus qu’ailleurs, les nouvelles technologies ne sont pas un questionnement mais un réflexe. « Ils adorent mettre des écrans partout comme dans un rêve technologique. Et pas que des écrans, de plus en plus d’autres formes d’objets techno-magiques connectés, de l’internet dans les objets avec des puces et capteurs. On connecte tout mais quel est le fond ? Les nouveaux outils numériques rendent une exposition ‘‘sexy’’. Mais ta pensée est forcément conditionnée par ces médiums.(...) Par exemple la consigne d’explorer au maximum les possibilités de la réalité virtuelle tout en parlant du changement climatique était un dilemme. Aller dans la réalité virtuelle c’est comme partir de ce monde, ou se prendre pour Dieu. On avertit sur l’isolement profond et le mal-être causé par cette technologie. Au début j’essayais de travailler le collectif et la notion de choix à travers le film immersif mais c’était quasi-impossible. Ca me rappelle ce qu’a déploré Alain Damasio dans une interview à Poptronics sur le jeu Remember Me. Il n’a rien pu y insuffler de politique en raison des mécanismes-mêmes de la technologie du jeu et des impératifs commerciaux. Avec ces technologies on est au mieux ‘‘seul ensemble’’. L’homme se retrouve avec son masque sur la tête et plonge dans un non-lieu virtuel pour du pseudo-sensationnel.»

Construire une exposition autour d’un thème aussi plombant que le réchauffement climatique n’est forcément pas simple. Juliette en était consciente et a tenté de proposer des idées un peu « originales » : « C’est sûr que plein de questions se posent : comment ne pas être uniquement alarmiste ? Comment ne pas marteler ce qui se répète déjà ailleurs ? Comment apprendre des choses au public et donner envie d’agir ? À un moment je voulais introduire une pièce de théâtre. Mais on m’a dit qu’elle ne pourrait être jouée qu’une seule fois, alors que si on met un totem avec des voix enregistrées, ça peut être répété à l’infini. Donc on préfère mettre des dizaines de milliers d’euros pour acheter des machines que payer des gens. Je dois être has been… mais je tiens au vivant ! Pareil pour la programmation dans l’exposition. En cherchant du ludique qui soit sensibilisateur et participatif, j’ai proposé de préparer une sorte de jeu de rôle : un ‘‘procès’’ de la géo-ingénierie [NDR : l’ensemble des techniques visant à modifier le climat et l’environnement dans le long terme], présentant des faits et des arguments ‘‘pour’’ et ‘‘contre’’ mais ici on m’a dit que ce n’était pas possible, que la Casemate ne pouvait pas faire ça. Eux personnellement étaient intéressés mais se retranchaient derrière une image de l’institution. Moi je crois qu’une organisation c’est avant tout des gens qui ont des valeurs et des convictions. Si ce n’est pas la Casemate qui soulève ce genre de questionnements alors qui le fera ?»

L’exemple-type de la grande blague – très chère – que représentent les activités du CCSTI, c’est le Living-lab : ce nouvel espace à la mode dans le monde de la culture scientifique propose au public de tester en « grandeur technique » des nouvelles technologies et de donner son avis dessus. Ils appellent ça « l’innovation ouverte » et selon ses promoteurs, comme les gens participent, le Living lab est « au service de la créativité citoyenne et du développement local ». Mais Juliette doute : « On a organisé une journée living lab pour trouver ce qu’il serait pertinent de mettre dans le film, selon les avis d’un groupe de personnes qui avaient répondu à notre appel à participation. Certes ils ont pu rencontrer deux scientifiques mais cet événement ponctuel ne correspond à aucun engagement dans le long terme. La Casemate ne donne pas suite et ne prend aucune responsabilité vis-à-vis de la parole des gens. Si, on met leur nom au générique - quelle gloire ! La Casemate ne leur donne prise sur rien. On fait tester des technologies aux gens, on prend les idées, on recueille leur avis et on essaye de les restituer. Suite à la journée Living lab, les idées ont été balayées à la réunion suivante et on est finalement parti sur autre chose à mettre dans le masque ». Participer plutôt que de penser : peu importe s’il n’y a aucun enjeu « démocratique », c’est tellement plus à la mode de proposer au public de faire joujou avec un gadget plutôt que de lui demander si la camelote électronique le rend heureux.

Ce simulacre de participation avec le public se produit-il également en interne ? Plutôt que de seulement participer en tant que stagiaire passive, Juliette a cherché à s’impliquer  : « D’après mes recherches, je m’étais dit qu’il serait pertinent de proposer une exposition sur le cœur de métier de la Casemate : les nouvelles technologies, le numérique et les processus d’innovation. J’avais donc écrit : ‘‘Les nouvelles technologies vont-elles nous sauver ?’’ Je voulais interroger le modèle d’une course accélérée à l’innovation et à la croissance, qui porte des promesses technologiques aux catastrophes à venir. Des réponses à notre place, qui tendent à faire de nous des assistés et nous éloignent du « faire », bien que ces innovateurs se revendiquent d’être des « makers ». Je voulais creuser dans l’exposition : de quelles énergies se nourrissent ces technologies, quels rapports de production et quels modes de domination elles induisent. Mais aussi quelles relations entre humains, non-humains, et environnement elles proposent. Si les technologies ont permis des missions et des mesures scientifiques de plus en plus précises, peuvent-elles vraiment devenir ‘‘vertes’’ et nous protéger de désordres naturels ? Quelle est la réalité physique, industrielle, de la dématérialisation ? Comment faire transition ? Je voulais d’abord provoquer des débats en réunion. Mais la proposition a été écartée et on n’en a jamais discuté ».

Discuter de tout sans que ça ne change rien

Cette absence de discussion ne relève pas de la censure, ni d’un climat de terreur. Juliette est d’ailleurs un peu gênée à l’idée de participer à un article du Postillon : elle n’aimerait pas passer pour une « traître » vis-à-vis de personnes qui ne l’ont pas maltraitée. À la Casemate, les salariés sont sympas et l’ambiance presque détendue. Il y a bien quelques tensions avec le directeur Laurent Chicoineau (voir encart), mais pas de pressions. On peut parler de tout, mais sans que ça ne change rien : « Ce que je découvrais sur le changement climatique, et comment il tend à rendre les inégalités toujours plus criantes, je trouvais ça assez terrible. J’avais besoin d’en parler avec mes collègues. Alors on a eu de vraies discussions là-dessus, ils sont touchés par la gravité de ce sujet, mais rien n’advient. C’est cynique. En restant sur le terrain des sciences naturelles (bio-physique, géologie, glaciologie, climatologie,…) il y a beaucoup à dire, mais c’est très partiel. En tant que centre de culture scientifique, c’est étrange de ne pas donner autant de place aux sciences humaines, sciences sociales, sciences politiques… Venant plutôt de ce milieu, je trouve fondamental de replacer le débat du changement climatique dans le contexte de négociations internationales. Qu’est-ce que cette COP21 ? Pas seulement une date de lancement d’expo, mais sûrement une énième conférence aux mesures dérisoires, qui se borne à prendre le problème du changement climatique comme un phénomène à part, réglable indépendamment et de préférence selon les lois du marché et de la concurrence, comme pour le marché du CO2. Alors que le changement climatique est inséparable de la façon qu’ont nos sociétés prédatrices de se développer, de la géopolitique de l’énergie et des modes de production, de l’urbanisation et des mouvements de populations...»

Voila pourquoi Juliette a décidé de témoigner publiquement : non pour planter un couteau dans le dos de ses anciens collègues, mais pour que les questionnements qui l’ont bouleversée pendant son stage puissent avoir un écho public. Parce qu’elle ne comprenait pas pourquoi personne ne faisait rien contre ce genre de paradoxes : « Dans la Casemate les technologies sont omniprésentes, ça consomme à fond mais personne ne fait le lien avec le réchauffement climatique. » C’est un réflexe contemporain en vogue : penser que la pollution se limite aux industries « anciennes » (chimie, charbon, diesel) et que les nouvelles technologies sont en revanche « clean ». Certains ont l’impression de sauver la planète en n’achetant plus de journaux-qui-tuent-les-arbres pour s’informer uniquement sur Internet, et omettent de réfléchir aux minéraux rares nécessaires à leurs gadgets et au gouffre énergétique creusé par le fonctionnement d’internet. Le CCSTI veut sauver la planète grâce à la réalité virtuelle, et fuir ainsi les dégâts bien réels causés par les technologies que ce centre technologique promeut tout au long de l’année. Dieu soit loué : les normes scientifiques sont gardiennes de notre salut, la science notre nouvelle religion, les modélisations du futur nos évangiles. Juliette analyse : « La Casemate œuvre au déploiement de ce monde ultra-technologique, qui nous fait miroiter la douceur d’une dépendance infinie de l’humanité aux dispositifs technologiques - dont les coûts prohibitifs ne feront qu’accroître les inégalités individuelles et collectives, dont la production repose sur l’exploitation internationale de travailleurs, dont le modèle d’obsolescence programmée et de boîte noire incompréhensible et irréparable par l’individu lambda pousse jusqu’au paradoxe ce fonctionnement autodestructeur pour notre société. »

C’est ainsi que le CCSTI va « faire mettre un masque aux gens » pour « leur faire ouvrir les yeux » sur le réchauffement climatique, afin qu’ils voient de leur propres yeux les conséquences de ce réchauffement (désert qui avance, banquise qui fond, bref du Yann Arthus Bertrand en 3D). Une ineptie qui devrait en effet coûter quelques 50 000 euros à produire et bénéficier de l’aura du réalisateur Luc Jacquet. Pour Juliette « ils veulent tirer leur légitimité à propos du réchauffement climatique de son nom et non de ce qu’ils ont fait ou pensé ». Paresse, quand tu nous tiens.

Ce Luc Jacquet - connu pour avoir réalisé La Marche de l’Empereur, vient de sortir un nouveau film La glace et le ciel, qui a été projeté en clôture du festival de Cannes, s’il vous plaît messieurs-dames. Centré autour de la vie du glaciologue grenoblois Claude Lorius, ce film - que la rédaction n’a pas eu la chance de voir, le festival de Cannes ne nous envoyant toujours pas d’invitation presse - documente sans doute très bien le réchauffement qui vient. Quant aux solutions proposées, on ne peut que douter de leur pertinence en voyant le nom des partenaires de la Wild Touch, la fondation de Luc Jacquet ayant produit le film : fondation Bettencourt Schueller, fondation Albert II de Monaco, groupe Danone/Evian, Fidal (premier cabinet d’avocats d’affaires), Disneynature, etc. : que des amis des petits oiseaux et des grands profits. Un des membres du « comité scientifique » autour du film n’est par ailleurs pas un inconnu de nos contrées dauphinoises : Jean Therme. Le directeur de la recherche technologique au Commissariat à l’énergie atomique est un grand promoteur de la fuite en avant technologique et aussi un grand ami de la nature : d’ailleurs il fait tous les jours les 66 kilomètres entre Grenoble et Saint-Jean-d’Arvey en taxi (voir Le Postillon n°11).

L’idéologie de Jean Therme est la même que celle du CCSTI, la même que celle de François Hollande ou de la quasi-totalité des responsables : le salut viendra par les nouvelles technologies. Une idéologie qui, face aux dégâts causés par la société industrielle, espère créer un monde nouveau qui échappe au réel : un monde virtuel dominé par le règne des technologies.

La dernière étape de l’exposition du CCSTI, telle qu’elle était prévue jusqu’en juillet, illustre à merveille cette idéologie : il sera apparemment proposé au public de déambuler dans une forêt d’arbres incrustés d’écrans numériques, chacun symbolisant une « initiative locale » luttant contre le réchauffement climatique et à coup sûr permettant de « sauver le climat ». Curieusement, sur les initiatives citées pour l’instant sur leur appel à contribution, il en manque une – pourtant pleine de bon sens : débrancher toutes les machines créées par tous les partenaires du CCSTI.

La symbolique du planter d’arbre est beaucoup utilisée par certains écologistes : pas plus tard que le 21 septembre, le maire Piolle a planté, en compagnie du président de la Ligue pour la protection des oiseaux Allain Bougrain-Dubourg, un « arbre pour le climat » à la Bastille afin de « symboliser l’action de Grenoble pour la nature ». Une symbolique somme toute ridicule mais inoffensive.

Les troncs d’arbres technologiques créant la « forêt virtuelle des initiatives locales » sont symptomatiques d’un changement d’époque : désormais beaucoup ont abandonné l’idée de sauver les conditions matérielles d’une vie saine sur la planète et commencent petit à petit à se faire à l’idée de la création d’une vie totalement artificielle. Mais un autre monde artificiel n’est pas possible : face au désert intellectuel qui avance, des témoignages comme celui de Juliette sont des oasis salvateurs.

Cet article a été publié initialement par le journal grenoblois Le Postillon

 

 
 
 
Source : http://www.medias-libres.org/2015-greenwashing/#articles
 
 
 
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14 décembre 2015 1 14 /12 /décembre /2015 17:43

 

Source : http://www.bastamag.net

 

 

ça bouge ! Médias libres

Arbres virtuels, labels bidons, musée de l’uranium : plongez dans le monde du greenwashing

par

 

 

A l’heure où l’on sabre la dimension citoyenne de la COP21, les médias libres ont décidé de faire entendre leurs voix pour ne pas laisser les dominants parader en vert impunément... La Coordination permanente des médias libres, qui réunit plus de 40 médias à travers la France, dont Basta !, réalise un dossier collectif d’une vingtaine d’articles sur des champions du greenwashing. Elle propose une plongée dans le monde de ces fausses solutions climatiques, où les ressources restent illimitées et la croissance, infinie.

En 2015, l’écologie ne sentirait-elle pas le sapin ? Et on ne parle pas ici de la santé de l’écologie politique.

Nous savons maintenant, au lendemain des attentats, que l’état d’urgence met malheureusement en péril la dimension citoyenne de la COP21. Cette dernière pourrait être réduite à la portion congrue, c’est-à-dire aux négociations entre les chefs d’Etat. Au-delà du fait qu’au pays des droits de l’homme, on préfère le bleu marine au vert, et que ça ne date pas d’hier, espérons que des voix discordantes se feront entendre pendant cette « verte quinzaine ».

Le vert, on ne le tolère que sur les billets ou quand il permet de faire joli dans un projet ou un discours.

Alors, ce n’est peut-être pas un hasard si en mai dernier, au cœur de la verte Corrèze [1], une poignée de médias « libres », « indépendants », « pas pareils », ont décidé, entre deux réunions le cul dans l’herbe, de saluer à leur façon la tenue de la COP21, en mettant en avant ce qu’ils considéraient comme les plus belles opérations de « green-washing », ou, en bon français, d’éco-blanchiment.

Des centrales géantes à bois aux élus frontistes qui se tournent vers l’écologie, du gaz de schiste au timbre vert de la Poste, en passant par un musée à la gloire de l’uranium ou le programme international de recherche sur la fusion nucléaire (Iter) : les médias partenaires de cette opération pointent du doigt les décalages entre discours et pratiques, faux labels et vraies manipulations.

Nous vous proposons une plongée dans le monde de ces fausses solutions climatiques, où les ressources restent illimitées et la croissance, infinie. Un monde où l’on préfère maquiller en vert les vieilles recettes qui menacent directement la planète, la cohésion sociale de nos sociétés et, sur le long terme, la vie humaine, plutôt que de s’attaquer aux racines du réchauffement climatique.

Si le tri fut bien évidemment hautement sélectif, la liste est malheureusement loin d’être exhaustive.

Bonne lecture !

La Coordination permanente des Médias libres

- >Le dossier de la Coordination des médias libres

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