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10 janvier 2016 7 10 /01 /janvier /2016 21:00

 

 

Source : https://annelowenthal.wordpress.com

 

 

« Cologne » et les faits

janvier 10, 2016

 

 

J’ai jusqu’ici refusé d’évoquer les événements de Cologne, parce que jusqu’ici, on n’a aucune information correcte en Belgique sur ce qui s’est passé, sur ce qu’on peut affirmer et sur les sources des « infos » (notez les guillemets) qui circulent. Mais comme les seuls à les brandir quand même, à part des médias qui se contentent de dépêches, ce sont des gens d’extrême-droite ou qui véhiculent, même sans le savoir, des idées d’extrême-droite, je me suis penchée sur ce dossier, en commençant par relever quelques énormités :

– Certains parlent de plus de 1000 agressions sexuelles commises le 31 décembre, des sites d’extrême-droite précisant même « dans les centres d’asile » : il y aurait eu, d’après la commission spéciale allemande, 379 plaintes concernant des agressions commises le 31 décembre à Cologne (ndla: 516 ce jour) Toutefois, des plaintes ont été également enregistrées dans d’autres villes, notamment à Hambourg et à Francfort. Ces plaintes concernent des vols et des violences physiques. A Cologne, ces agressions ont été commises à la faveur de festivités, du feu d’artifice et de l’afflux de touristes pour le réveillon près de la gare.

– Il s’agit principalement de vols à la tire et de vols par la ruse : des gens se sont fait piquer leur portefeuille, leur smarthpone, etc. On parle de cas d’agressions sexuelles parce que la ruse consiste à harceler les femmes pour les distraire et leur piquer leurs affaires. Ainsi à Cologne, 2 plaintes pour viol ont été enregistrées suite au 31 décembre et toutes les autres concernent des vols, dont 40% avec « harcelement ».

– Les voleurs sont recrutés un peu partout par la criminalité organisée. Celle-ci recrute bien entendu là où c’est le plus simple. Visiblement, les centres d’accueils surpeuplés par des personnes qui ont dû se débrouiller pour survivre sont une excellente cible. La police devrait donc protéger ces centres de cette criminalité qui y recrute ses exécutants. Toutefois, le ministre de l’intérieur, Heiko Maas, a précisé aujourd’hui qu’il « existait des données statistiques sur le taux de criminalité auprès des réfugiés. Elles démontrent que ce taux est égal à celui des allemands ». Cf. : http://www.spiegel.de/politik/deutschland/uebergriffe-in-koeln-justizminister-maas-vermutet-organisierte-aktion-a-1071285.html

– Le chiffre de « 1006 personnes impliquées » est cité à titres divers. En ce qui concerne les faits à Cologne, 30 personnes auraient été identifiées (on se demande donc comment on sait qu’ils étaient 1000*) et parmi ces 30, il y aurait 19 migrants.

 

320.000 faits par an

– Il y a eu effectivement « 1006 » délits enregistrés… en Saxe entre le 1er janvier 2015 et le 30 novembre 2015 qui concernent des réfugiés. Concernant les « Rohheitsdelikte » (brutalités), à savoir des vols (40%), des infractions à la liberté et des coups et blessures : il y a 320.000 faits de ce genre enregistrés par an en Saxe. Source de cette information : une question parlementaire du parti populiste d’extrême droite AfD à laquelle le ministre de l’intérieur de la Saxe, Markus Ulbig, a répondu il y a quelques jours. Dans ce cas précis, bon nombre des délits commis par des réfugiés (pas tous les délits précités, donc) sont commis à l’intérieur des centres d’accueil. Les victimes des migrants délinquants sont donc aussi des réfugiés.

En Saxe, le nombre de demandeurs d’asile a triplé en quelques mois et les infrastructures sont déplorables, ce qui rend leur gestion extrêmement problématique et le recrutement en leur sein extrêmement aisé.

A noter que depuis la vague de réfugiés, on a enregistré une augmentation des agressions contre les centres d’accueil (817 au 7 décembre 2015 contre 199 en 2014) commises pour la plupart par des gens d’extrême-droite (incendies, attaques à coups de pierres et de battes de baseball…) Cf.: http://www.spiegel.de/politik/deutschland/bundeskriminalamt-anschlaege-auf-asylunterkuenfte-haben-sich-2015-vervierfacht-a-1066932.html

Et que c’est de cette même extrême-droite qu’émanent la plupart des fausses informations au sujet des « agressions à Cologne », dont fondamentalement, on ne sait pas grand-chose à ce stade.

À noter aussi qu’en Belgique, où quelques bagarres ont certes mobilisé des forces de l’ordre dans des centres d’asile, on n’a noté aucun fait de ce genre depuis l’afflux des réfugiés. Faire le lien entre les informations émanant de Saxe (transformées et diffusées par l’extrême-droite) et les réfugiés se trouvant en Belgique relève donc de la pure malhonnêteté intellectuelle.

*« Nous ne le savons pas. Selon la police de Cologne, plus de 1000 hommes étaient rassemblés devant la place de la gare – mais tous n’ont pas harceler ou volé des femmes » (WESTDEUTSCHER RUNDFUNK)

http://www.dnn.de/Mitteldeutschland/News/Statistik-2015-Mehr-als-1000-Straftaten-in-saechsischen-Fluechtlingsunterkuenften

http://www1.wdr.de/themen/aktuell/vorfaelle-hauptbahnhof-koeln-fakten-100.html

 

 

Source : https://annelowenthal.wordpress.com

 

 

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9 janvier 2016 6 09 /01 /janvier /2016 18:03

 

Source : https://www.mediapart.fr

 

 

Comment l'état d'urgence va entrer dans la procédure pénale
7 janvier 2016 | Par Lénaïg Bredoux et Michel Deléan
 
 
 

Malgré quelques avancées, le projet de loi fourre-tout visant à lutter contre la criminalité organisée et à simplifier la procédure pénale contient des atteintes graves aux libertés, et contourne le juge au profit du préfet et du procureur. Mediapart publie le texte en intégralité.

Un texte fourre-tout, mêlant des mesures liberticides et quelques réformes de bons sens. Le « projet de loi renforçant la lutte contre la criminalité organisée et son financement, l’efficacité et les garanties de la procédure pénale », dont les grandes lignes ont été dévoilées par Le Monde, et que Mediapart publie ci-dessous dans son intégralité, pose problème. Au point que l’Union syndicale des magistrats (USM, majoritaire), d’ordinaire modérée, juge certaines dispositions du projet « scandaleuses et dignes d’un État policier », selon sa présidente, Virginie Duval.

 

La philosophie générale du texte, dans sa version transmise au conseil d’État, et susceptible d’évoluer, consiste à donner plus de pouvoirs aux policiers et aux préfets au détriment des procureurs, mais aussi à confier à ces mêmes procureurs des décisions qui relevaient jusque-là de juges statutairement indépendants. Le tout sous couvert d’une nécessaire et indistincte mobilisation contre le terrorisme et le crime organisé, et cela malgré un arsenal législatif déjà renforcé récemment à plusieurs reprises. Les exceptions et les dérogations au droit se multiplient dans ce projet, avec un risque d’arbitraire qui augmente symétriquement. Il s’agit, en fait, de se rapprocher d’une forme d'état d’urgence permanent.

Parmi les mesures censées « renforcer l’efficacité des investigations judiciaires », il est ainsi prévu de faciliter les perquisitions de nuit dans les locaux d’habitation en matière de terrorisme et de criminalité organisée (article 1er). Jusqu’ici, cela n’était possible que sur décision d’un juge d’instruction ou dans les enquêtes de flagrance (faites dans l’urgence), et à des conditions strictes.

De même, l’usage des valises « Imsi catcher » (dispositifs techniques qui aspirent à distance les contacts des téléphones portables) serait étendu aux affaires de criminalité et de délinquance organisée (article 2) : elles pourraient être utilisées dans les enquêtes préliminaires dirigées par le procureur de la République, avec l’autorisation (préalable ou postérieure) du juge des libertés – c'était une demande de plusieurs magistrats, dont le procureur de Paris François Molins –, et par les juges d'instruction. Quant à l'article 3, il autorise le procureur, sur autorisation du juge des libertés ou de la détention, à prendre des mesures jusque-là réservées à l'instruction (sonorisation, fixation d'images...).

« Le mouvement initié en 2004 avec les lois Perben, qui vise à marginaliser le juge d’instruction indépendant, se poursuit, alors même que le statut du parquet n’a pas été modifié », relève Laurence Blisson, secrétaire générale du Syndicat de la magistrature (SM, gauche). Elle s’inquiète également d’une « surveillance massive » des citoyens et des « pouvoirs exorbitants donnés aux préfets et au ministère de l’intérieur, avec des atteintes sévères aux libertés ».

 

Des policiers contrôlent les passants après l'attentat contre le commissariat du 18e arrondissement © Reuters Des policiers contrôlent les passants après l'attentat contre le commissariat du 18e arrondissement © Reuters

 

Ces entorses les plus graves aux grands principes du droit se trouvent dans le chapitre 5 du titre 1er, intitulé « dispositions renforçant l’enquête et les contrôles administratifs ». À l’opposé des promesses de campagne de François Hollande d’en finir avec les contrôles au faciès, les pouvoirs des forces de l’ordre seraient étendus en ce qui concerne les contrôles d’identité mais aussi les fouilles de bagages et de véhicules, sur simple autorisation du préfet aux abords d’installations sensibles (article 17).

Serait également créée une mesure de retenue, pour une durée de 4 heures, et sans aucun droit ou presque, d’une personne « lorsqu’il y a des raisons sérieuses de penser que son comportement est lié à des activités à caractère terroriste », cela pour vérifier son identité et sa situation, et à la seule appréciation des forces de l’ordre (article 18). Des mesures « inacceptables » aux yeux de Virginie Duval, car elles consistent à « écarter l’autorité judiciaire » de sujets graves touchant aux libertés individuelles.

Les règles d’usage des armes à feu des policiers, jusqu’ici limitées aux cas de légitime défense, seraient également assouplies : il deviendrait possible de faire de son arme un usage « rendu absolument nécessaire pour mettre hors d’état de nuire une personne venant de commettre un ou plusieurs homicides volontaires et dont il existe des raisons séreuses et actuelles de penser qu’elle est susceptible de réitérer ces crimes dans un temps très voisin des premiers actes » (article 20). Une formulation qui semble floue, voire dangereuse, à de nombreux juristes.

Le projet de loi renforcerait, en outre « le contrôle des personnes qui se sont déplacées à l’étranger afin de participer à des activités terroristes, et qui, de retour sur le territoire national, sont susceptibles de constituer une menace pour la sécurité publique ». Il s’agirait « de mettre en œuvre différentes mesures de police administrative » avec des obligations. le ministère de l’intérieur pourrait les assigner à résidence ou les obliger à pointer. Cela alors que les personnes ayant commis une infraction sont déjà prises en charge par la machine judiciaire. « Si elles n’en ont pas commis, pourquoi les astreindre à ce qui ressemble à un contrôle judiciaire décidé par une autorité administrative? », demande Virginie Duval.

Le Syndicat des avocats de France (SAF) est lui aussi très remonté contre ce projet de loi. « On est en train de brouiller le principe de la séparation des pouvoirs entre la justice et l’exécutif. Or la justice protège de l’arbitraire, notamment par l’exercice du contradictoire, qui donne des droits tant à la défense qu’aux victimes », juge Florian Borg, le président du SAF. Selon lui, avec ces nouvelles dispositions, « la France s’éloigne lentement d’un État de droit pour se rapprocher d’un État arbitraire ».

Paradoxalement, le projet de loi contient aussi de nombreuses mesures qui ne soulèvent que peu de critiques, et étaient parfois attendues depuis des lustres. Le gouvernement fera d’ailleurs certainement sa communication sur ces « avancées » et ces « clarifications », dont fait partie le « renforcement des garanties en matière d’interceptions de communication » (article 26). Ainsi en va-t-il également des dispositions renforçant la protection des témoins (articles 5 et 6), et de celles visant à lutter contre le blanchiment et le financement du terrorisme (articles 12 à 16). Il est à noter que le renforcement des garanties et la simplification de la procédure pénale, jugés utiles, sont relégués à la fin du projet de loi (articles 23 à 32). L’une de ses mesures consiste à introduire une phase contradictoire dans les enquêtes préliminaires conduites par le parquet (article 25), mais elle inquiète les défenseurs du juge d’instruction indépendant, qui pourrait du même coup être contourné.

 

 

Si le texte ressemble autant à un patchwork sans grande cohérence, c’est qu’il a profondément évolué au fil des mois. À l’origine, le ministère de la justice planchait depuis plus d’un an sur une réforme de la procédure pénale qui devait inclure des transpositions de directives européennes. La manifestation des policiers sous les fenêtres de Christiane Taubira, en octobre dernier, a débouché sur des ajouts destinés à contenter les forces de l’ordre, comme l’assouplissement des conditions d’usage des armes à feu.

Mais ce sont les attentats du 13 novembre qui ont tout chamboulé : malgré le vote de déjà trois lois (deux textes antiterroristes et la loi renseignement) depuis le début du quinquennat, François Hollande et son gouvernement ont très vite annoncé leur volonté de renforcer l’arsenal législatif de lutte antiterroriste. Sont également venues s’y ajouter des mesures préparées par le ministre des finances Michel Sapin pour lutter plus efficacement contre le blanchiment.

 

François Hollande lors des vœux aux forces de police jeudi © Reuters François Hollande lors des vœux aux forces de police jeudi © Reuters

 

Le président de la République s’en est expliqué ce jeudi lors de ses vœux aux forces de l’ordre, dans la cour de la préfecture de police de Paris : s’il a décrété l’état d’urgence dans la nuit du 13 au 14 novembre, et qu’il a été prolongé par le parlement jusqu’en mars, François Hollande ne veut pas le maintenir trop longtemps pour éviter le débat sur l’état d’urgence permanent. « L’état d’urgence n’a pas vocation à durer. Il obéit à des conditions déterminées », a-t-il expliqué devant les forces de police.

Le président avait d’abord suggéré une sortie par paliers – c’était une des dispositions de la réforme constitutionnelle transmise en décembre au conseil d’État. Mais l’instance administrative a fortement critiqué cette piste et le gouvernement a finalement reculé. D’où le choix de nouvelles dispositions législatives qui renforcent certains pouvoirs administratifs.

« Pour sortir de l’état d’urgence sans nous affaiblir, j’ai souhaité que de nouvelles mesures législatives soient adoptées », a affirmé jeudi François Hollande, alors que certains plaidaient pour une prolongation de l’état d’urgence jusqu’à l’Euro de football en juin prochain. À la place, l’article 22 du projet de loi prévoit que l’organisateur d’un match puisse limiter l’accès de certains spectateurs au stade, après avoir demandé à l’administration de vérifier ses fichiers. « La lutte contre ceux qui veulent attaquer nos libertés ne saurait justifier de les amoindrir », a souligné le chef de l’État.

L’exécutif veut à tout prix éviter une polémique sur le caractère liberticide de sa politique. Piqués au vif, après l’article du Monde, les ministres Christiane Taubira et Bernard Cazeneuve ont signé (fait rare) une tribune commune dans le quotidien pour défendre le texte. « Prétendre que le gouvernement procède à une mise à l’écart de la justice est une contrevérité. C’est une offense aux convictions qui n’ont cessé de dicter nos choix dans une période trouble, propice aux dérives, aux manipulations et à la démagogie », écrivent-ils.

Le premier ministre Manuel Valls s’est quant à lui fendu d’un communiqué mercredi pour défendre un texte qui « vient conforter l’État de droit », et souligner que « sept dispositions nouvelles sur les 34 articles que compte ce texte, ont été insérées sur proposition du ministre de l’intérieur ». Le gouvernement attend désormais l’avis du conseil d’État, saisi fin décembre, avant une présentation du projet de loi en conseil des ministres début février.

 

 

 

 

 

Source : https://www.mediapart.fr

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7 janvier 2016 4 07 /01 /janvier /2016 21:43

Info reçue par mail

 

 

Depuis la zad de Notre-Dame-des-Landes - Ce que nous voulons
pour le 9 janvier

        Nous sommes un groupe d'occupant-e-s de la ZAD qui participe
aux assemblées d'organisation du 9 janvier. Ce texte a l'ambition
d'énoncer, depuis notre position dans le mouvement, quelle dynamique
on souhaite pour ce moment. Il s'agit à la fois de diffuser le
consensus d'action élaboré dans les assemblées, et de partager des
réflexions pour contribuer à se tenir ensemble ce jour là.

        Le procès du 13 janvier est une attaque sans précédent contre
les habitants et paysans résistants de la ZAD. Une attaque du même
ordre que celle de l'automne 2012, même si elle ne prend pas cette
fois ci la forme d'une intervention policière, du moins pour
l'instant. AGO-VINCI veut à tout prix acculer les habitant-e-s au
départ, en les menaçant d'expulsion sans délai, de saisie de leur bien
et de leur cheptel et en réclamant qu'ils soient condamnés à des
amendes journalières exorbitantes.

        Le 9 janvier, nous voulons arracher l'abandon des procédures
d'expulsions et d'expropriations à l'encontre des habitant-e-s dits
historiques de la ZAD. Nous voulons reprendre l'initiative et
l'offensive, face aux attaques répétées de ces derniers mois contre le
mouvement : relance des procédures contre les habitant-e-s, nouveaux
appels d'offres pour les travaux, campagne médiatique contre la ZAD...
Le 9 Janvier est donc un jour décisif. Pourtant, nous ne l'envisageons
pas comme un coup d'éclat sans lendemain mais plutôt comme le début
d'une montée en puissance afin d'arracher l'abandon du projet dans les
deux années qui viennent.

        Pour la journée du 9 janvier, l'assemblée du mouvement a
imaginé une forme spécifique qui n'a pas vocation à devenir une ligne
figée. Le mouvement pourra en utiliser d'autres, que ce soit en cas
d'attaque sur la zone ou de futures mobilisations. Ce 9 janvier,
plusieurs convois de vélos et de tracteurs convergeront des 4 points
de la région pour faire un grand banquet au pied du pont de Cheviré,
ils seront rejoints par un manif piétonne au départ de Neustrie. Si
les autorités cherchent à nous en empêcher, nous trouverons ensemble
le moyen de nous déployer sur les axes de circulation de diverses
autres manières, en divers points. Cette forme, est un pari audacieux.
L'action conjointe, ce jour là, de différents convois, avec les
paysans solidaires et les comités locaux, préfigurera  le blocage
décentralisé de la région en cas d'expulsion de la ZAD ou de démarrage
des travaux. Ce 9 janvier est organisé dans la plus grande urgence,
mais nous en ferons néanmoins une démonstration de force.

        Dans ce contexte de menace renforcées, le blocage est - avec
l'occupation - l'une des pratiques à même de dépasser les désaccords
qui traversent régulièrement le mouvement autour des formes et
objectifs des manifestations de rue. Tiraillé par ces divergences
stratégiques, celui-ci a eu trop tendance à se replier sur ce qui se
construit à l'intérieur de la  ZAD. Ce qui s'y joue est passionnant et
crucial pour l'avenir mais insuffisant pour obtenir en soit l'abandon
du projet. Ces derniers mois, la volonté de mener de nouveau des
actions unitaires à l'extérieur de la zone, facilitée par
l'acharnement de Manuel Valls contre la ZAD et ses habitants, a permis
à la lutte de reprendre progressivement du poil de la bête et de
sortir de l'attente d'une intervention. Se sont succédés un
rassemblement à Angers contre les naturalistes collabos du GECCO, un
blocage de l'usine Nobelsport de Pont de Buis avec les comités de
soutien du Finistère, un convoi « CAP sur la COP » qui a bravé l'état
d'urgence jusqu'aux portes du palais de Versailles. Alors que l’État
cherche à resserrer l'étau, il est vital d'amplifier cette dynamique.

        Nous invitons donc, ce 9 janvier, toutes celles et ceux qui
veulent renforcer cette lutte à faire preuve d'une attention
particulière aux différentes composantes du mouvement : aux
habitant-e-s concerné-es par ces procédures qui portent avec nous
cette action mais dont la plupart ne souhaitent pas que ça tourne à
l'émeute ; aux paysan-nes qui mettent leur outil de travail en jeu sur
le periph ; mais encore à toutes celles et ceux qui seront à nos côtés
ce jour là.

        Avoir une attention particulière à se tenir ensemble, dans
notre diversité, c'est par exemple ne pas chercher à déclencher un
affrontement direct avec la police, ce qui serait absolument
anti-stratégique ce jour là. Mais c'est aussi savoir faire bloc en cas
de charge pour éviter les arrestations. C'est ne pas chasser les
journalistes dont la présence est perçue comme nécessaire par nombre
d'entre nous dans ce contexte. Mais c'est aussi ne pas harceler les
personnes qui se masquent parce qu'elles ne veulent pas être prises en
photos par la police. C'est être en capacité de dialoguer tout en
gardant en tête les objectifs communs de la journée : que ce soit face
à un automobiliste exaspéré, face à un citoyen qui entreprend de
démontrer en quoi peindre un slogan sur la route serait une « action
violente », ou face à quelqu'un qui se laisserait emporter par la
colère qu'attisent les provocations policières. Le succès de cette
action repose sur notre capacité à faire qu'au fil de la journée les
diverses initiatives soient comprises et portées ensemble.

        Ce qui fait notre force c'est de nous être mis d'accord en
assemblée du mouvement sur l'objectif du 9 janvier et sur l'ambiance
que nous y voulons. Ce jour-là, ce n'est qu'en faisant preuve d'une
intelligence collective transversale aux différentes sensibilités qui
font cette lutte, que nous parviendrons à constituer une puissance à
même de faire plier le gouvernement.

Des occupant-e-s de la ZAD
_______________________________________________
 I A C A M !
Infos Anti-autoritaires en Cévennes à l'Assaut des Montagnes !

 

 

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5 janvier 2016 2 05 /01 /janvier /2016 17:01

 

Source : https://www.mediapart.fr

 

 

Arabie saoudite: la crise économique en arrière-plan des tensions avec l’Iran
4 janvier 2016 | Par martine orange
 
 
 

Acculée par la chute du pétrole, la monarchie saoudienne vient de mettre un terme à la politique d’État-providence et de redistribution de la rente pétrolière à la population, en adoptant un régime de rigueur budgétaire. Cette politique lui avait permis pendant plus de quarante ans d’acheter la paix sociale et son maintien au pouvoir.

Des observateurs de l’Arabie saoudite ne peuvent s’empêcher de faire le lien. Pour eux, les exécutions massives de 47 personnes, dont celle du cheik al-Nimr, intervenues le 1er janvier, ne sont pas seulement un avertissement du pouvoir saoudien à destination de l’Iran mais aussi un message de terreur à usage interne, notamment vers les populations chiites des régions pétrolières dans l’est du pays, afin de dissuader toute agitation sociale et politique : les supplices ont eu lieu juste trois jours après que le gouvernement saoudien eut annoncé un programme d’austérité et de rigueur sans précédent.

Riyad a décidé, le 28 décembre, une diminution substantielle des subventions sur nombre de produits de première nécessité. Les prix de l’eau, du gaz, de l’électricité augmentent de 70 %, ceux des produits pétroliers entre 40 % et 80 %. Dans l’absolu, ces augmentations sont moins exorbitantes qu’il n’y paraît, compte tenu du niveau sans précédent de subvention : le litre d’essence 95, en hausse de 50 %, vaut désormais 0,29 dollar, soit toujours moins qu’une bouteille d’eau. Mais pour une large partie de la population saoudienne, touchée par le chômage, les efforts demandés sont considérables. Surtout, ils marquent une rupture profonde. Ce jour-là, la monarchie pétrolière a mis un terme à la politique d’État-providence et de redistribution de la rente pétrolière à la population, qui lui a permis pendant plus de quarante ans d’acheter la paix sociale et son maintien au pouvoir.

 

Le roi Salam et son conseil © Reuters Le roi Salam et son conseil © Reuters

 

La monarchie saoudienne a tenté de préserver jusqu’à l’extrême limite ce pacte. Mais elle a dû s’incliner face aux chiffres. Faute d’avoir engagé la moindre diversification économique – elle n’a même pas créé de fonds souverain pour l’après pétrole –, Riyad subit durement l’effondrement du brut. Ses rentrées ne cessent de s’amenuiser, au fur et à mesure que les cours chutent. En un an, ceux-ci ont baissé de plus de 35 %. Les prix sont désormais autour de 37 dollars le baril, soit le plus bas niveau depuis onze ans.

Pendant un an, l’Arabie saoudite, assise sur ses réserves à la fois pétrolières et financières, a fait comme si de rien n’était, comme si elle pouvait ignorer la réalité. Conséquence ? Riyad a terminé 2015 avec un déficit budgétaire record : 89,2 milliards de dollars, soit 15 % du PIB. Certains estiment qu’il s’agit presque d’un bon résultat : des analystes tablaient sur un déficit équivalent à 20 % du PIB.

Surtout, ses réserves fondent comme neige au soleil. Évaluées à 746 milliards de dollars à son sommet en août 2014, elles sont tombées à 647 milliards de dollars aujourd’hui. Alors que la guerre au Yémen lui coûte cher (Riyad est devenu le premier acheteur mondial d’armes en 2015 et dépense 1,5 milliard de dollars par mois pour la guerre au Yémen, selon les estimations), le rythme des dépenses s’accélère : chaque mois, le gouvernement puiserait 12 milliards de dollars dans ses réserves. Dans le même temps, la fuite des capitaux s’intensifie, les riches saoudiens s’empressant d’aller placer leurs avoirs dans des contrées jugées plus sûres.

Si l’Arabie saoudite ne prend pas les mesures appropriées, elle sera en faillite dans cinq ans, a prévenu le FMI en octobre. Le gouvernement saoudien a donc décidé de donner un premier signal de reprise en main budgétaire. Il se fixe comme objectif de ramener son déficit budgétaire à 13 % du PIB en 2016. Parmi les premières mesures adoptées, il y a donc la suppression de nombre de subventions sur les produits de première nécessité. Mais d’autres devraient suivre. Le gouvernement étudierait une hausse des tarifs des autres services publics, l’instauration d’une TVA, en liaison avec les autres monarchies pétrolières et même des privatisations.

Le message auprès de la population saoudienne est on ne peut plus clair : les temps de la rente pétrolière sont révolus. Mais un autre avertissement est en filigrane : ce sont les Saoudiens, de base serait-on tenté de dire, qui vont devoir supporter l’essentiel des ajustements liés à la crise économique mais aussi aux décisions prises par le gouvernement saoudien.

Car à l’origine de la crise économique que connaît l’Arabie saoudite aujourd’hui, il y a un pari politique pris en décembre 2014. Alors que le marché pétrolier, qui avait atteint son plus haut niveau en août 2014 avec un baril à 115 dollars, donnait déjà des signes de faiblesse, l’Arabie saoudite décida, lors de la réunion de l’OPEP, qu’elle ne jouerait plus le rôle de régulateur du marché pétrolier, comme elle l’assumait depuis des années, en tant que premier producteur mondial. Loin de diminuer sa production, afin de soutenir les cours, comme Riyad le faisait habituellement, celui-ci annonça qu’il l’augmenterait, « afin de conserver ses parts de marché »

.

Le nouvel homme fort

La mesure visait aussi bien la Russie, accusée de ne pas participer à la stabilisation du marché, l’Iran haï et redouté, alors que la levée de l’embargo international se profilait, que les producteurs américains d’huile et de gaz de schiste, devenus des concurrents redoutables sur le continent américain. « Les Américains sont aussi de grands producteurs pétroliers. Réduiront-ils leur production ? », demandait alors le ministre saoudien du pétrole, Ali al-Naïmi, lors de cette réunion de l’OPEP, afin de bien faire comprendre que Riyad n’entendait plus porter à lui seul le poids de la stabilité du marché pétrolier mondial.

L’Arabie saoudite avait déjà eu recours à un tel stratagème dans les années 1980. Afin de ramener les pays producteurs non membres de l’OPEP dans le rang et les obliger à adopter la discipline du cartel, Riyad avait laissé filer sa production. Les cours du pétrole avaient rapidement dégringolé. Et tous les pays producteurs avaient plié, renforçant encore le rôle de leader de l’Arabie saoudite sur le marché pétrolier.

Mais cette fois-ci, rien ne s’est passé comme prévu. Loin de faire faillite, les producteurs américains d’huile de schiste, beaucoup plus flexibles qu’escompté, se sont adaptés, ont réduit leur coût et augmenté leur production, afin de faire face à leurs engagements financiers. Les autres pays producteurs ont dévalué leur monnaie et augmenté leur production. Résultat : le marché mondial croule sous la surproduction pétrolière, estimée à 2 millions de barils par jour, alors que la demande stagne, notamment en raison du ralentissement chinois.

À plusieurs reprises, des membres de la monarchie saoudienne, jugeant la voie suivie trop dangereuse, ont demandé un infléchissement de la politique pétrolière menée par Riyad. Mais ils ont été vus comme des hommes du passé. L’homme fort de la monarchie est désormais le prince Mohammed bin Salman, le fils du roi Salman, qui cumule le poste de ministre de la défense, de président de la société pétrolière nationale Aramco, et préside également le conseil économique du royaume.

C’est lui qui a imposé, contre l’avis, semble-t-il, d’une partie des membres de la famille royale, le changement de stratégie pétrolière l’an dernier. C’est lui qui supervise la guerre au Yémen. C’est lui qui a imposé l’inflexion économique du royaume et les premières mesures de rigueur budgétaire. Premier pas, semble-t-il, vers une économie de l’après pétrole qu’il souhaite lancer. (Une étude a été commandée à McKinsey à cet effet, qui recommande des investissements de plus de 4 000 milliards de dollars dans plusieurs secteurs industriels comme la chimie, l’automobile, l’électronique, afin de doubler le PIB d’ici à 2030.)

Sous l’influence de Mohammed bin Salman, l’Arabie saoudite a maintenu sa ligne dure, lors de la dernière réunion de l’OPEP à Vienne en décembre. Pas question de réduire notre production, si les autres pays producteurs ne consentaient pas eux aussi des efforts, a expliqué une nouvelle fois le ministre saoudien du pétrole. Les propos visaient à nouveau les États-Unis, la Russie et naturellement l’Iran.

Assis toujours sur d’imposantes réserves, le gouvernement saoudien se dit prêt à tenir encore. Selon l’agence Bloomberg, il a construit son budget de l’année 2016 sur un prix de 29 dollars le baril. Il est d’autant plus enclin à refuser toute concession qu’il pense être sur le point de réussir son pari et d’amener tous ses rivaux à résipiscence.

Après la dernière réunion de l’OPEP, les cours du pétrole ont de nouveau baissé. Déjà, un certain nombre de producteurs commencent à être acculés. « À moins de 50 dollars le baril, les producteurs d’huile de schiste ne peuvent pas tenir longtemps. Il va y avoir beaucoup de faillites », a prévenu un des responsables du groupe américain parapétrolier Halliburton, cité par le Financial Times. La Russie est à nouveau ébranlée, alors que le rouble est retombé à son plus bas niveau face au dollar dans les dernières séances de l’année 2015.

Des analystes, pourtant, pensent que l’Arabie saoudite risque de ne pas sortir indemne de cette lutte pour réinstaller sa suprématie pétrolière. Le rythme des sorties de capitaux hors du royaume les inquiète particulièrement. « Si les réserves diminuent à la même cadence que maintenant, ils ne seront pas capables de conserver la parité fixe avec le dollar. Les conséquences seraient alors dramatiques », dit Khalid Alsweilem, ancien responsable de la gestion d’actifs à la banque centrale saoudienne, citée par The Telegraph.

Cette parité de change fixe entre le rial et le dollar existe depuis plus de trente ans et a été un des piliers de la stabilité de la monarchie mais aussi de la sphère financière internationale, par le biais des pétrodollars. Alors que tous les autres pays producteurs ont dévalué leur monnaie pour amortir le choc de la chute pétrolière, Riyad a maintenu sa monnaie. De nombreux analystes financiers pensent, cependant, que le statu quo est intenable, qu’un jour ou l’autre, la monarchie pétrolière sera obligée de dévaluer, afin de faire face aux tensions économiques et sociales mais aussi géopolitiques et militaires auxquelles le régime est confronté. Car après avoir dormi sur sa rente pétrolière pendant plus de quarante ans, la monarchie saoudienne doit désormais faire face à tout en même temps.

 

 

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Source : https://www.mediapart.fr

 

 

 

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5 janvier 2016 2 05 /01 /janvier /2016 16:21

 

Source : http://www.reporterre.net

 

 

Comment les lobbies ont imposé les perturbateurs endocriniens en Europe

5 janvier 2016 / Jean-Pierre Tuquoi (Reporterre)
 


 

 

La journaliste Stéphane Horel fait le récit dans son dernier livre, Intoxication, de la guérilla menée à Bruxelles pour éliminer les perturbateurs endocriniens de l’Union européenne. Santé publique contre intérêts financiers, les seconds l’ont emporté.

 

La santé doit-elle passer avant les affaires ? Tout le monde est d’accord pour répondre que oui, la santé est plus importante que les affaires. Sauf que, dans la vraie vie, l’ordre des priorités peut être bouleversé, et il n’est pas rare que les affaires prennent le pas sur la santé même lorsque la santé et le bien-être de centaines de millions de personnes sont en jeu.

Ce renversement des priorités est au cœur du dernier livre enquête de la journaliste Stéphane Horel sur les « perturbateurs endocriniens » et la guerre incroyable et ignorée que le souci d’en réglementer l’usage a déclenché à Bruxelles, au siège de l’Union européenne. Déclarée il y a près de dix ans, cette guerre n’est d’ailleurs pas terminée mais l’issue ne fait plus de doute : ceux qui se sont battus pour éliminer l’usage des perturbateurs endocriniens les plus néfastes ont été submergés par un adversaire plus fort, plus puissant, plus riche qu’eux.

 

Le célèbre bisphénol A

Perturbateurs endocriniens : les mots sont obscurs à souhait. Ils ne renvoient à rien de palpable et d’immédiatement identifiable. Parler de perturbateurs hormonaux n’est guère plus satisfaisant. C’est que derrière les mots se cache un monde obscur fait de milliers de substances chimiques aux noms barbares et qui agissent en quantités infinitésimales : atrazine, bisphénol A, PCB, PFOA... Elles sont omniprésentes : dans les lessives et les shampoings, les peintures et les plastiques, les produits de beauté et les conserves alimentaires, les meubles, les tapis… Notre vie quotidienne en est peuplée.

Le problème vient de ce que ces « cambrioleurs de l’intime », comme les qualifie joliment l’auteur, sont soupçonnés de perturber le système hormonal, autrement dit la mécanique de précision qui fait que les couples ont des enfants, que ceux-ci grandiront normalement, que le diabète n’est pas le lot commun de l’humanité, que tout le monde n’est pas condamné à être obèse…

 

 

Parmi tous les perturbateurs endocriniens anonymes, il en est un qui a acquis une célébrité incontestable : le bisphénol A. Cette notoriété, il la doit au fait d’entrer dans la composition d’un produit au fort contenu symbolique : le biberon de bébé (s’il est en plastique). Dès lors que le bisphénol A était mis en cause par diverses études et soupçonné d’effets néfastes sur le développement de l’enfant (mais pas uniquement), son sort était scellé. Après le Canada, la France et le Danemark l’ont interdit. L’Europe a suivi. Depuis le début de l’année 2015 il est exclu de tous les contenants alimentaires. Mais « le BPA est une goutte d’eau dans l’océan des perturbateurs endocriniens », nuance l’auteur.

 

 Arcanes européennes

Pas besoin d’être grand clerc pour comprendre que derrière les enjeux de santé publique s’en cachent d’autres qui sont économiques et financiers. Et que vouloir faire le tri entre les substances chimiques, interdire les plus dangereuses, placer sous surveillance les autres n’allait pas être une promenade de santé pour ceux qui, élus ou fonctionnaires de la Commission européenne, s’étaient fixé cet objectif.

C’est donc le récit de cette bataille – peut-être vaudrait-il mieux parler de guérilla – pour l’élimination des perturbateurs endocriniens qui constitue l’essentiel du livre. Elle y est racontée par le menu, mois après mois au risque de donner le tournis au lecteur peu familier des arcanes européennes. Les acteurs défilent : des fonctionnaires et des élus, certains héroïques, d’autres serviles, des commissaires gonflés de suffisance, des lobbyistes à la solde des industriels… Les affrontements obéissent à des codes que chacun maîtrise. Une virgule dans un communiqué, un adjectif plutôt qu’un autre, un email qui n’a pas été mis en copie d’un tel ou d’un tel, et chacun comprend que la victoire vient de changer de camp. Nous sommes à Bruxelles entre gens bien élevés…

Aujourd’hui, au terme d’années d’affrontements, le terrain est dégagé. La Commission européenne voulait privilégier la santé publique. Elle a abdiqué, renvoyant aux calendes grecques toute décision sur le fond...

 

*Suite de l'article sur reporterre

 

 

Source : http://www.reporterre.net

 

 

 

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5 janvier 2016 2 05 /01 /janvier /2016 15:33

 

Source : http://rue89.nouvelobs.com

 

 

Les aides au spectacle sucrées dans l’Allier : « Le plus grave, c’est... »
 
 
 

« Bon. En gros, ils sont en train de nous dire “au revoir et merci”, quoi. »

Silence opaque. Tête frisée. Voix de corne. Mine abattue. Il se reprend.

« … enfin, quand je dis “merci”… »

Pierre fait partie de la demi-douzaine de tronches hagardes, hébétées, qui encerclent la table en formica. On est en décembre. Il fait trop tiède. On s’est tassés à la va-vite sous les charpentes d’un ancien grenier à foin, transformé en bureau depuis plus de quinze ans et tapissé d’affiches. Ceux qui connaissent – ils sont légion – reconnaîtront. C’est La Chaussée. Le fief du Footsbarn. La mastodontique compagnie de théâtre itinérant qui a choisi de planter là, au milieu du bocage, ses convois arthritiques et ses chapiteaux rutilants.

J’y reviendrai.

Le gars qui parle, c’est Pierre. Pierre Meunier. Comédien. Metteur en scène. Inventeur fou de pièces où la plus bouleversante des poésies s’agrippe à des tonnes de métal, de ressorts, de glaise, de tout ce qui semble immobile et bon pour la réforme.

J’y reviendrai aussi. Mais c’est pas encore le sujet.

 

Une claque, d’une violence inédite

Le sujet, là, tout de suite, c’est la claque, d’une violence inédite, que vient d’asséner le nouvel exécutif du conseil départemental de l’Allier à tous les professionnels de l’art et de la culture qui maillent le territoire.

Suppression totale et absolue des aides aux artistes et aux compagnies.

De toutes les aides de tous types.

Bien sûr, sans préavis. Ni même un avertissement.

Un revers de la main sur des miettes de table.

En une seule session : le 15 décembre 2015, malgré les conventions signées et à deux semaines du début d’un exercice.

 

 
 
 

 

On aurait pu croire à première vue à un réflexe d’autodéfense. Les départements, c’est connu, ont de plus en plus de responsabilités et de moins en moins de dotations. Surtout après la mise en place de la très ruralicide loi Notre. Le conseil départemental, pris de court et de panique, aurait pu vouloir sabrer radicalement les dépenses qu’il considérait superflues. Ç’aurait été grave, mais compréhensible. Explicable.

Mais là, rien de tout ça. L’enveloppe budgétaire dédiée à la culture reste quasiment inchangée. Aucune économie à faire. Si tu l’analyses, l’opération idéologique qui s’est menée le 15 décembre se conjugue tout simplement comme suit :

  • plus aucune aide aux artistes, aux compagnies et aux professionnels de la culture ;
  • création, avec le montant économisé, de deux nouveaux dispositifs « aide à l’événementiel » (sic) et « aide aux festivals ». Des aides dont ne peuvent bénéficier que les seuls élus.

En gros : tu prends aux équipes qui vivent, travaillent et font travailler annuellement sur le territoire ; pour permettre, en échange, à une myriade d’élus d’organiser une fois par an une fête dans leur village. Des élus qui n’ont pour la plupart et par définition ni expérience, ni savoir-faire en la matière.

Bien sûr, on ne demanderait pas à un élu dont ce n’est pas le métier de faire de l’agriculture, de la médecine, du commerce, de l’enseignement… Mais on lui demande désormais de faire de la culture. En lieu et place des professionnels.

Ciao, les projets de territoire. Les emplois. L’impact économique durable. La diffusion artistique au long cours. Dont acte.

Le premier domino qui s’abat

Mais attends. Avant d’aller plus loin, il faut expliquer que la culture, dans l’Allier, c’est pas une page que tu tournes tranquillement en te léchant l’index.

Pour mesurer l’impact sismique d’une telle décision, il faut d’abord comprendre que c’est bien d’un secteur économique qu’il s’agit. Pas de d’une bande de mirlitons qui s’amusent avec de l’argent public. Et si tu es un tout petit peu renseigné sur la santé économique de ton pays, tu sais qu’il s’agit du cinquième plus gros contributeur au PIB national – avec une valeur ajoutée de près de 60 milliards d’euro soit sept fois plus que le secteur automobile – qu’il est le troisième employeur de France et que ses compagnies agissent comme autant de PME en irriguant le territoire de structures professionnelles, employant, vendant et investissant tout au long de l’année. La culture ne coûte rien. C’est connu. Elle rapporte. Et gros.

Mais c’est un secteur précaire. Difficile à stabiliser. Surtout en milieu rural. Parce que c’est une matière première mouvante : des femmes, des hommes, de la pensée... Alors pour obtenir des prêts, des avances de trésorerie, ou d’autres cofinancements, tes partenaires te demanderont toujours de présenter le soutien d’une collectivité. Sans ça : moins de crédibilité. Moins d’assise. Les banques ne prêtent pas. Alors on n’embauche pas. On n’investit pas. On ne s’installe pas.

Le soutien d’une collectivité, pour une équipe artistique, c’est l’amorce nécessaire d’une économie vertueuse.

Le retrait brutal d’une collectivité, en revanche, c’est souvent le premier domino qui s’abat sur la file.

L’Allier ? Tu vois ça, t’en reviens pas

Et là, on parle bien de l’Allier. Un département rural, agricole, magnifiquement méconnu, planté au beau milieu de la diagonale du vide. Frappé, avec nombre de ses confrères, d’exodes et de désemploi. Pas bigrement attractif, au premier abord, dans un pays où les villes dévorent tout, mais dont tu comprends qu’il déborde de bienfaits à partir du moment où t’y poses le premier pied.

Et parmi ces bienfaits : une histoire artistique hors norme. Des écrivains, des peintres, des photographes, des acteurs, des documentalistes, des réalisateurs, des artistes de tout poil. Tous bouillonnants. Tous triomphants. Des lieux de résidence, pleins à craquer… Tu trouves de tout ça, ici. A la pelle carrée, entre trois cèpes et deux rangées de poireaux.

Et tous ces gens là vivent ici. Toute l’année. Le plus souvent en plein cœur de la ruralité. Ils y travaillent, y embauchent et y investissent. Ils créent du lien. Ils entremettent. Ils créent, et montrent à voir. Je te le jure : dans mon petit bocage, pas une semaine sans un spectacle. Et c’est plein. C’est toujours plein. Pas plein de néo-je-sais-pas-quoi, pas plein d’une soi-disant élite, non. Des artisans. Des paysans. Des vieux. Des jeunes. Des étrangers. Des actifs. Des chômeurs... Tu vois ça, t’en reviens pas. Un vrai havre, accueillant et dynamique, fruit de plus de quarante ans d’action culturelle. Un truc qui t’attire et te retient. Une vraie chance. Une vraie bénédiction.

Et c’est comme ça que l’Allier est devenu cette terre de création hors du commun. Rien qu’autour de moi, dans le secteur d’Hérisson, c’est des dizaines de personnes vivant du spectacle qui se sont installées. Que des artistes de haut vol. Que des équipes aiguisées.

Allez, cinq exemples au hasard

Pierre Meunier et ses spectacles sauvages, où l’acier, la rouille, et les ressorts te susurrent que les mots et les idées ont souvent plus sens que tu ne leur laisses en donner. Des centaines de représentations par an, partout en France. Et une bonhomie troublante. Timide. Touchante. Pour son dernier spectacle, il a fait venir Babouillec, un écrivain sans limite, qui s’appuie sur son autisme pour envoyer valdinguer les quilles de tes certitudes. Un spectacle à chialer. Qui te spéléologise l’âme. Et tout ça s’est passé là. En plein cœur d’Hérisson. Au Cube, un lieu de travail et de création ouvert, professionnel, généreux, rempli à l’année d’artistes, d’élèves et de spectacles venus du monde entier.

Le Footsbarn, cette troupe historique. Chapiteaux, caravanes et tout le toutim. Une vie sur les routes du monde, à collecter des histoires pour les restituer au public avec la simplicité et le fracas d’un cirque. Des masques, des couleurs, de la musique et des dizaines de langues. Ils ont quitté l’Angleterre de Thatcher, vécus vingt ans nomades. Puis ont posé leur valise dans le bocage, il y a près de 25 ans. Dans un vieux et superbe corps de ferme à l’abandon qu’ils ont restauré patiemment. La Chaussée. Ce poumon. Lieu de résidence et d’enseignement. Qui a vu naître et tourner des dizaines de spectacles. Eclore des centaines de vocations.

Les Antliaclastes. Cette compagnie de marionnettes révolutionnaire et internationale. Qui puise dans Jarry, la culture populaire américaine, les grands mythes, et raconte dans des spectacles délirants, avec leurs marionnettes de métal, de fourrures, de tissus et d’os, que tu ne gagnes jamais rien à contenir tes rêveries. Que tu peux toujours aller plus loin. Que les histoires les plus anciennes te racontent parfois les mêmes choses que les série télé de notre enfance. Ils viennent d’acheter un grand bâtiment désaffecté à coté de la gare de Vallon-en-Sully. Pour le remplir de leur univers effroyable et ravigotant. Si bien que quand tu prends le train de Paris, la première chose que tu verras en arrivant dans le bocage, ce sera eux. Ce sera ça.

Le Petit Théâtre Dakôté. Deux acteurs-raconteurs venus de Pologne, et qui se sont fixés pour mission de t’apporter l’art jusque devant chez toi. La première fois que je les ai vus, ils faisaient la tournée des fermes, avec « Gargantua ». Ils jouaient dans des granges. Dans des cours. Sous des abris. Avec quatre planches et deux musiciens. Puis je les ai vu jouer dans des jardins. Des cours d’école. Des places de village. Des pièces aux rythmes savants, où l’inventivité détrône la machinerie, qu’ils viennent calmement te déposer au seuil de tes émotions.

Et Le P’tit Bastringue, la compagnie de Michel Durantin. Le théâtre contemporain à la portée de tous. Il faut le voir jouer Gogol dans les maisons du coin. Asséner l’humour implacable de Rémi de Vos dans les salles des fêtes. Secouer ce vieux prunier de Molière pour en faire tomber des images inédites et des pensées d’avenir. Se battre en diable, avec humour et dévouement, pour que vive le théâtre dans les campagnes. Lui, c’est à Cosne d’Allier qu’il milite. Cosne d’Allier : 2 000 habitants à peine... Et un théâtre : le sien, Le Bastringue. Toujours rempli. Toujours.

 

Capture d'écran de la home du site du théâtre

Capture d’écran de la home du site du théâtre - Footsbarn.com
 

Et je ne suis qu’au tout petit prémisse d’un inventaire qui prendrait des heures. Parce que je ne parle que d’une toute petite partie de mon tout petit bocage. Mon tout petit bocage qui exulte d’art et de rencontre grâce à cette présence artistique inouïe.

Mais l’Allier, c’est plus grand. Beaucoup plus grand. Et elles sont plus de 40 les compagnies qui y travaillent. Sans compter les lieux de résidence. Ni les théâtres. Ni les artistes indépendants...

Toute une architecture économique de la pensée et de la création. Des dizaines d’emplois. Des centaines de milliers d’euros réinvestis dans l’économie locale. Des jeunes qui arrivent, s’installent, vivent...

Les exécutifs départementaux précédents – de gauche comme de droite – ne s’y étaient pas trompés. Ils avaient vu la valeur. Compris la chance que cela représentait. Et avaient décidé d’accompagner l’installation des équipes artistiques professionnelles permanentes, et le passage ponctuel de compagnies en cours de création. D’équiper le territoire de lieux de qualité. De valoriser ce secteur.

Pas de grandes aides tonitruantes. Non. Juste assez pour amorcer la pompe.

Et là, en un claquement de doigt, dans un seul et incompréhensible mouvement de l’élu à la culture, plus rien. Plus rien.

« On est en 2015 »

Il paraissait convenu par les auteurs de cette décision que les équipes concernées devaient apprendre la nouvelle en 2016, par courrier, une fois le nez planté dans le fait accompli.

Heureusement, les élus d’opposition ont pris soin de faire fuiter l’information via leurs réseaux sociaux. En une journée, l’information avait fait trois fois le tour de l’Allier, poussant de petits groupes de professionnels à se retrouver pour épuiser leur sidération, mesurer les conséquences, et tenter de brouillonner une réponse à donner.

C’est comme ça qu’on s’est retrouvé à La Chaussée ce jour-là, à quelques-uns, à encercler la table en formica et les cafés fumants, à faire craquer les neurones en égrainant l’interminable chapelet des « le plus grave, c’est » :

« Le plus grave, c’est qu’avec la grande région, on se retrouve propulsés à la lisière la plus lointaine de la nouvelle capitale. Autant dire que si nos propres élus se détournent à ce point de nous, on n’aura jamais aucune attention à Lyon…

– Non : le plus grave, c’est surtout qu’ils sont en train de nous raconter qu’ils en ont rien à foutre des campagnes ! Regarde : leurs nouveaux dispositifs ne sont vraiment applicables qu’en ville. Moulins – Vichy – Montluçon. Tout va se concentrer là-bas. Et adieu les territoires ruraux.

– Non : le plus grave, c’est qu’en 2015, on ne nous prenne toujours pas pour des professionnels. Des gens capables. Dotés d’une expertise et d’un savoir-faire.

– Non : le plus grave, c’est qu’on est en 2015. Une année qui a commencé le 7 janvier et qui se termine le 13 novembre. Où jamais la création et l’expression n’ont été attaquées à ce point. Et que des élus – des élus qui ont tous clamé “Je suis Charlie” et qui ont tous demandé une minute de silence pour les victimes du Bataclan – décident de la conclure en nous demandant de bien vouloir fermer nos gueules... »

Où est-ce qu’ils ont merdé, tous ?

Le marasme. Les cuillères tournent. Tout le monde calcule. Mesure. Se creuse.

Et quid du festival d’Hérisson, qu’organise le Footsbarn, et qui fait venir chaque été plus de 5 000 personnes dans les rues d’un village de moins de 700 âmes ?

« Tu parles. La compagnie met 30 000 à 40 000 euros par édition... Et là, on apprend qu’ils nous sucrent 90 000 euros sans préavis à quinze jours du début d’un exercice. Avec ce trou gigantesque à combler, je crois qu’on va plutôt chercher à gagner de l’argent qu’à en dépenser... »

Moi, je les regarde. Toutes ces tronches à pas y croire. Ces femmes et ces hommes que je vois s’acharner depuis que je vis ici. Qui donnent, insufflent, impulsent et ne baissent pas les bras.

Et je ne parviens pas à assimiler l’information du jour.

Pourquoi cette claque monumentale, sur un secteur qui justement se portait bien ?

Où est-ce qu’ils ont merdé, tous, autour de cette table, pour mériter un tel désaveu ?

S’ils nous retirent celle-là, alors quelles armes comptent-ils nous laisser, ici, pour lutter contre la désertification des campagnes ?

Mon bocage sans les artistes

Passées les longues minutes de consternation, l’ébullition reprend. Ils s’organisent. Creusent. Cogitent. Passent des coups de fil. Envoient des mails. Au fur et à mesure que la nouvelle parcourt le pays, les preuves de soutien se mettent à affluer. Et le courage à abonder.

Par la fenêtre, je vois La Chaussée. Une ferme qui ressemble à toutes les fermes. Qui n’était plus qu’un tas de pierres quand le Footsbarn à commencé à s’y loger. Autour : des vaches. Et des éleveurs. Qui partagent le quotidien de la troupe. Tranquillement.

Je vois la vallée de l’Aumance, toute confite de calme et de train-train. Et j’essaie de me figurer ce que serait le bocage sans le spectacle. Sans les peintres. Sans la musique. Je tente de me représenter à quoi ressemblerait la vie quotidienne dans les rues, les boutiques, les bistros, sans cette petite foule bariolée des artistes.

Je me refais le film de ce coin de France, abandonné par l’industrie, balafré par l’agriculture de marché, aspiré par la concentration urbaine.

Je compte tous ceux qui – comme moi – n’auraient jamais mis les pieds ici sans la présence artistique. N’auraient jamais pu trouver de travail.

N’auraient même jamais entendu parler de l’Allier.

Puis je relis pour la vingtième fois le compte rendu de session du conseil départemental, et cette consternante condamnation à mi-mots du travail des artistes.

Et je n’arrive toujours pas à croire

 

 

Source : http://rue89.nouvelobs.com

 

 

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30 décembre 2015 3 30 /12 /décembre /2015 15:27

 

Source : https://www.mediapart.fr

 

Un canal au Nicaragua (1/3): la saignée environnementale
30 décembre 2015 | Par Thomas Cantaloube
 
 
 

Le gouvernement sandiniste a annoncé il y a deux ans l’ouverture d’ici à 2020 d’un nouveau chenal transocéanique. Un projet gigantesque qui passe par l’expropriation de dizaines de milliers de paysans et des dégâts environnementaux considérables.

De nos envoyés spéciaux au Nicaragua. - Escuelita a le sens de la théâtralité. Ou peut-être pas, c’est juste sa nature. Au milieu de sa plantation de bananiers, il cale son pouce dans sa grosse broche de ceinturon, ajuste son chapeau sur son crâne, vérifie la tenue de son pistolet dans son holster, puis il déballe ce qui l’agite depuis plusieurs mois. L’ancien guérillero laisse la colère monter en lui. Son nom de guerre, Escuelita, « petite école », lui a été donné par ses compagnons car sa maison avait servi de premier camp d’entraînement pour le Front sandiniste dans sa lutte contre le dictateur Anastasio Somoza, puis dans la guerre civile pour éliminer les contras. C’est ce statut d’ancien combattant sandiniste qui l’autorise aujourd’hui à se promener avec son arme dès qu’il sort de chez lui.

Même s’il laisse entendre qu’il peut y avoir du danger, il ne risque pas grand-chose dans sa petite ville de Rivas, sur les berges du lago Cocibolca, où il connaît tout le monde. Le Nicaragua est aujourd’hui un des pays les plus tranquilles d’Amérique centrale, une région où la violence demeure pourtant endémique. Si Escuelita n’est pas menacé, sa vie l’est. Ou plutôt sa subsistance, ses terres et son mode de vie.

 

Cela fait maintenant deux ans que le gouvernement du Nicaragua, dirigé d’une main de fer par l’ancien guérillero Daniel Ortega, a annoncé la construction d’un gigantesque projet : le creusement d’un canal destiné à relier les océans Pacifique et Atlantique et à concurrencer le canal de Panama plus au sud. Ce projet vieux de deux siècles, relancé à intervalles périodiques, a été remis sur la table une fois de plus, avec l’assurance que cette fois-ci, c’est la bonne !

 

Canal Nicaragua © Reuters Canal Nicaragua © Reuters

 

Évidemment, un tel ouvrage – 278 kilomètres (contre 77 km au Panama), la traversée du plus grand lac d’eau douce d’Amérique centrale, la percée au cœur de la forêt équatorienne –, ne se fait pas sans dommages ni mécontentements. Mais la manière dont le gouvernement nicaraguayen a entrepris et annoncé ce projet, dont les détails restent en partie opaques malgré son ambition démesurée, a suffi pour braquer une partie de la population du pays le plus pauvre des Amériques après Haïti, au point de menacer la survie du régime clientéliste et corrompu d’Ortega. Ce qui nous ramène à Escuelita, de son vrai nom Rafael Angel Bermudez Hernandez.

 

Sur le lac Nicaragua : vue d'Ometepe depuis le ferry qui rallie l'île à la terre. © Jean de Peña Sur le lac Nicaragua : vue d'Ometepe depuis le ferry qui rallie l'île à la terre. © Jean de Peña

 

Après la révolution de 1979, le jeune combattant de l’époque s’est vu attribuer un lopin de terre, qu’il a fait prospérer, revendu et étendu. Aujourd’hui, à l’âge d’une retraite qu’il ne semble pas décidé à prendre, Escuelita gère 23 hectares de plantation, essentiellement des bananiers, dans une zone considérée comme une des plus fertiles du pays, en bordure du lac Nicaragua (l’autre nom du lago Cocibolca), par lequel le futur canal doit passer. Personne n’est venu lui parler directement ni l’informer du sort de sa propriété, mais il a découvert que le tracé du canal passait à proximité de ses terres, qui serviront à la construction d’un aéroport ou d’une zone franche – la finalité précise n’est pas claire, mais cela fait partie du secret qui entoure le projet, nous y reviendrons.

« On nous a annoncé que l’achat des parcelles se ferait au prix du cadastre », s’emporte Escuelita. « Mais c’est du vol ! S’ils veulent nous exproprier, qu’ils paient au moins la valeur réelle des terres, au prix du marché, qui est dix à cent fois plus élevé ! » C’est un euphémisme de dire qu’il est énervé et dégoûté. Dans sa modeste maison du centre de Rivas, il n’y a que des clichés de famille : lui, sa femme, ses huit enfants et une vingtaine de petits-enfants. « J’ai enlevé toutes les photos de mes années de guérilla… Je me suis battu pour un pays libre et démocratique… comme le Costa Rica. Pas pour Ortega, qui est devenu pire que Somoza ! »

« Nous avons un gouvernement, mais il n’est pas le propriétaire du pays ! »

Histoire de montrer qu’il n’est pas un vieux révolutionnaire égoïste gonflé d’amertume, et qu’il n’est pas seul dans sa révolte, Escuelita nous embarque dans son vieux 4×4 pour un tour dans les plantations. On réveille Victor Manuel Urbina en pleine sieste, mais il ne lui faut que quelques secondes pour nous emmener voir ses bananiers : « Ce sont les meilleurs terres du Nicaragua et même d’Amérique centrale. Elles n’ont pas de prix. Outre le lac, j’ai des sources d’irrigation sur mon terrain. Si tu vas à quelques kilomètres d’ici, il n’y a pas d’eau pour irriguer. S’ils m’exproprient, je ne retrouverai jamais de telles terres. Et que feront mes employés ? Je fais travailler 25 personnes, c’est-à-dire que je fais vivre 25 familles. Qu’est-ce qu’elles feront s’il n’y a plus que du béton ? »

Il a beau être jeune et posé, Victor est résolu à défendre son gagne-pain. Comme des dizaines d’autres, il a participé à plusieurs manifestations contre le canal, dont une qui s’est soldée par un séjour de sept jours au poste de police et toutes les brutalités qui vont avec… Cela l’a secoué : « On protestait pacifiquement, on faisait valoir nos droits, on demandait davantage d’information et l’État nous est tombé dessus comme de vulgaires délinquants. Il y a eu deux morts ! C’est difficile à accepter... »

À quelques kilomètres de là, Rodrigo Guttierez, 60 ans, est accoudé à sa cabane en bois, vêtu d’un tee-shirt constellé de taches de cambouis. Il possède quelques hectares où « tout pousse ». Ancien révolutionnaire, il est lui aussi remonté comme un coucou contre le canal : « Nous avons un gouvernement, mais il n’est pas le propriétaire du pays ! On n’expulse pas les gens sans les consulter ni les informer ! » Comme beaucoup au Nicaragua aujourd’hui, il se déclare « sandiniste mais pas danieliste ». C’est-à-dire qu’il proclame sa fidélité aux idéaux d’Augusto Sandino, le héros national de la lutte pour la liberté dans les années 1920 et 1930, qui a donné son nom au mouvement qui a renversé la dictature en 1979 ; mais qu’il s’oppose aux dérives de Daniel Ortega, un des leaders de la révolution devenu le dirigeant du pays de 1979 à 1990 puis depuis 2007.

Pour Rodrigo Guttierez, les promesses du gouvernement en matière de développement du pays et de créations d’emplois grâce au Canal ne valent rien : « J’ai vécu au Panama, je sais de quoi je parle. Tout est informatisé pour le passage des navires, il n’y a presque pas de jobs. Et qui a profité de l’économie du canal depuis un siècle ? Les États-Unis bien davantage que le Panama ! »

 

Plantation de bananes sur les meilleures terres de Rivas, où devraient être construits un aéroport ou une zone franche. © Jean de Peña Plantation de bananes sur les meilleures terres de Rivas, où devraient être construits un aéroport ou une zone franche. © Jean de Peña

 

Les premiers chiffres dévoilés par le gouvernement lorsqu’il a annoncé le projet promettaient la création de 250 000 emplois. Dans une nation de six millions d’habitants, dont près de la moitié vit en dessous du seuil de pauvreté défini par l’ONU, où les principales ressources sont agricoles, cette perspective résonnait comme le jackpot. Mais ces projections semblaient particulièrement irréalistes, et elles ont été ramenées depuis à 50 000 emplois. Un chiffre qui apparaît encore surestimé, pour la plupart des experts qui se sont penchés sur la question.

Pour Jairo Carion, un opposant au canal, ces promesses sont du vent : « Qu’on me trouve le moindre Nicaraguayen qui sache utiliser une méga-dragueuse de fond ! Il n’y en a pas. Nous n’avons aucune compétence locale pour utiliser les machines à creuser, ni pour faire les études nécessaires. Ceux qui vont gagner de l’argent, ce sont les concessionnaires et les investisseurs, pas nous. » Même son de cloche chez Rodrigo Guttierez : « La création d’emplois, ce sont des mensonges. Il n’y a personne ici qui sache manœuvrer les engins de construction nécessaires. Au Costa Rica par exemple, ils ont construit un stade uniquement avec des ouvriers et du matériel chinois », assure-t-il. Les Chinois, justement, évoquons-les.

Il n’a pas fallu longtemps pour qu’Ortega soit affublé du surnom de « vendepatria »

On ne bâtit pas un canal transocéanique comme un gratte-ciel ou un aéroport. Et pourtant, c’est l’impression que donne le gouvernement nicaraguayen depuis le début de cette affaire. Ou, en tout cas, depuis la rencontre en 2012 entre Daniel Ortega et Wang Jing, un jeune et obscur entrepreneur chinois des télécoms, quasiment inconnu malgré un poids financier qui se chiffre en milliards de dollars. Quelques mois après s’être serré la main pour la première fois, les deux hommes ont passé un accord et créé le Hong Kong Nicaragua Canal Development Group (HKND), un consortium privé chargé de développer, construire et exploiter le passage transocéanique. Un an plus tard, en 2013, l’Assemblée nationale nicaraguayenne approuvait en quelques heures la « loi 840 », octroyant à HKND des privilèges exorbitants concernant la concession du canal : droits d’exploitation pour cent ans (avec rétrocession à l’État nicaraguayen de 1 % par an), droits d’expropriation de 10 km sur chaque rive, contrôle de deux ports en eaux profondes, d’un aéroport, d’une zone franche, d’un chemin de fer, de diverses routes, ainsi que de plusieurs complexes touristiques sur le tracé… Le tout pour une rémunération de 10 millions de dollars par an (!) pour le Nicaragua. Un pourboire.

 

L'épouse d'Escuelita tient un journal signalant que la police intimide les opposants au Canal © Jean de Peña L'épouse d'Escuelita tient un journal signalant que la police intimide les opposants au Canal © Jean de Peña

 

Il n’a pas fallu longtemps après la découverte de ces conditions pour qu’Ortega soit rapidement affublé du surnom de « vendepatria » (bradeur de la patrie), la même insulte que celle qui était brandie par Augusto Sandino contre la mainmise des États-Unis et des grands propriétaires et gouvernants à leur solde dans les années 1930. Il n’arrange rien que l’origine de la fortune de Wang Jing reste assez mystérieuse, de même que son ascension au sein de l’élite économique chinoise. Inconnu il y a cinq ans, il aurait construit sa richesse dans l’exploitation de mines en Asie du Sud-Est avant de racheter la société de télécommunications Xinwei en 2010. Mais il ne possède aucun projet d’envergure à son actif. Cela ne l’a pas empêché de garantir qu’il n’aurait aucun problème à trouver les 50 milliards de financement jugés nécessaires pour creuser le canal, et à en ouvrir les écluses en 2019 !

« Beaucoup de rumeurs font état de sa proximité avec l’armée populaire, d’autant que Xinwei a exécuté plusieurs contrats pour l’institution », estime un diplomate français qui a été en poste à Pékin. « L’armée chinoise a également acquis depuis plusieurs décennies une expérience en matière de grands projets, notamment des chemins de fer dans l’Himalaya. De toute manière, les enjeux stratégiques autour du canal sont tels qu’il est peu probable que le gouvernement chinois laisse un entrepreneur s’avancer seul. Au minimum, Pékin regarde par-dessus son épaule. » Les Chinois sont en effet de plus en plus intéressés par l’Amérique du Sud.

Outre les avantages considérables qui semblent avoir été accordés à HKND par le pourvoir nicaraguayen et qui ont choqué la population, la question environnementale demeure celle qui agite le plus les citoyens du sud du pays, ceux qui se trouvent sur la route probable du canal.

L’île d’Ometepe, une langue de terre entre deux volcans, semble posée au milieu du lac Nicaragua comme un avant-goût du bonheur. Des eaux tranquilles, des plages de sable, des mangroves, des cultures en terrasse sur le flanc des cratères, très peu de circulation : les habitants ont conscience de la beauté de leur lieu de résidence, même si la vie y est dure, entre agriculture et pêche de subsistance et un peu de tourisme pour routards. Aujourd’hui, ils contemplent rien moins que la disparition de peu qu’ils possèdent.

 

Jairo Carion est fermement planté sur une plage au bout d’Ometepe, désignant le large : « Vous voyez là-bas, si le canal se fait, il y aura de gigantesques navires qui passeront toute la journée. » Ce n’est pas la perspective d’un changement d’horizon qui l’inquiète, mais les bouleversements écologiques d’un tel projet. Le lac n’est pas assez profond aujourd’hui pour que les gigantesques porte-containers modernes puissent le traverser, et il va donc falloir draguer un chenal de 10 à 15 mètres de profondeur sur une centaine de kilomètres. Jairo craint donc que « le creusement puis le mouvement des bateaux ne contaminent le lac et ne modifient tout l’écosystème. Ici, tout le monde dépend du lac à des degrés divers : pour boire, pour se nourrir, pour irriguer, pour l’accueil des touristes… »

 

« Dieu a créé cette île pour que nous en prenions soin, pas pour que nous la détruisions »

 

Des camions-citernes viennent régulièrement s'approvisionner en eau potable dans le lac Nicaragua pour ravitailler les villages alentour. © Jean de Peña - Collectif À-vif(s) Des camions-citernes viennent régulièrement s'approvisionner en eau potable dans le lac Nicaragua pour ravitailler les villages alentour. © Jean de Peña - Collectif À-vif(s)

 

De plus, tous ceux qui se sont rendus à Ometepe et sur le lac ces dernières années l’ont remarqué : le niveau de l’eau baisse. En 2015, la sécheresse a sévi encore plus fortement que les années précédentes, taxant dangereusement les ressources lacustres. À côté de l’embarcadère des ferrys qui font la navette entre Ometepe et la rive, il y a désormais une buvette en bord de plage là où l’on aurait pu tremper ses pieds dans l’eau il y a deux ans… Selon plusieurs études (dont celle-ci), le Nicaragua fait partie des dix pays dans le monde qui ont le plus à craindre des changements climatiques. Le canal risque d’affecter encore plus une zone qui souffre déjà.

Dans la capitale, Managua, Victor Campos, le directeur du Centro Alexander Von Humboldt, une ONG de défense de l’environnement, a l’œil et la moustache tristes quand il évoque ce qui se dessine : « La construction du canal risque de provoquer une grande variété de dégâts, notamment pour le lago Cocibolca, qui est la plus grande réserve d’eau potable d’Amérique centrale. L’eau des océans va rentrer dans le lac et donc le saliniser. Le trafic et le dragage du chenal vont augmenter les particules en suspension, ce qui va diminuer l’oxygénation de l’eau et affecter les poissons et la qualité de l’eau. Il y a plus de 100 000 personnes qui s’en servent pour leur eau potable, et des milliers de familles pêchent dedans. Enfin, le tracé du canal va affecter la libre circulation des espèces dans le corridor biologique méso-américain entre le nord et le sud : le canal sera un barrage à la circulation, en particulier pour de grandes espèces qui sont déjà menacées d’extinction. »

 

Viquincha Rivera, une ouvrière qui sera expropriée de sa maison où elle vit avec ses cinq enfants si le canal est construit. © Jean de Peña Viquincha Rivera, une ouvrière qui sera expropriée de sa maison où elle vit avec ses cinq enfants si le canal est construit. © Jean de Peña

 

Alberto Lopez possède la faconde d’un rappeur. Né à Ometepe, il a été le maire-adjoint de sa principale commune, et donc assez proche du Front sandiniste, le parti omniprésent du président. Mais aujourd’hui, il s’épanche comme un résistant au pouvoir. Au fur et à mesure qu’il parle il goûte l’emballement de ses mots : « Dieu a créé cette île pour que nous en prenions soin, pas pour que nous la détruisions. Ce lac pourrait servir à l’alimentation en eau du Honduras, du Guatemala, du Costa Rica… il pourrait être une source pour réduire les difficultés en eau de la région d’ici 15 ans. Au lieu de cela, nous prenons le risque de faire disparaître le lac et toutes ses espèces ! Où allons-nous vivre ? Sur les flancs du volcan encore en activité ? Allons-nous envahir Managua comme des réfugiés et mourir de faim dans les rues ? »

Photos et vidéos : Jean de Peña - Collectif à-vif(s)

 

 

Source : https://www.mediapart.fr

 

 

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28 décembre 2015 1 28 /12 /décembre /2015 22:40

 

Source : http://tempsreel.nouvelobs.com

 

 

Banque : voilà comment refuser la facturation de votre compte courant

 

Louis Morice

L'Association française des usagers des banques incite les clients à écrire pour refuser les nouveaux tarifs proposés par la plupart des établissements.

 

Les grandes banques se préparent à facturer la tenue des comptes courants (GILE MICHEL/SIPA)Les grandes banques se préparent à facturer la tenue des comptes courants (GILE MICHEL/SIPA)
 
 

2,50 euros prélevés chaque mois pour la tenue de votre compte courant. 30 euros par an. La BNP ne se mouche pas du pied. Après les chèques payants, la facturation des retraits, les banques innovent, encore et toujours.

Dans le domaine, elles font même preuve d'une imagination débordante, voire sans limite. A partir du 1er janvier, la plupart d'entre elles va facturer des frais de tenue de compte. Et la tendance est à la généralisation du système de pompe : toutes les grandes banques s'y mettent.

Au point de laisser planer un soupçon d'entente entre les différents établissements.

On ne peut qu'être surpris par ce mouvement généralisé des banques", lance Serge Maître, secrétaire général de l'Association française des usagers des banques.

L'association compte bien saisir l'Autorité de la concurrence à ce sujet.

Le pouvoir de dire non

"Il faut refuser. Le client a le pouvoir de dire non", encourage l'Afub. Serge Maître met en avant l'article L312-1-1 du code monétaire et financier. Les banques ont dû informer des nouveaux tarifs deux mois avant leur application et les clients ont jusqu'au 31 décembre pour envoyer une lettre recommandée avec accusé de réception pour refuser la nouvelle tarification, comme le permet la loi. La banque devra alors appliquer le tarif antérieur, c'est-à-dire la gratuité pour la tenue de compte, si tel était le cas.

L'Afub a reçu de nombreux témoignages de personnes qui ont franchi le pas. Et certains établissements ont tenté de jouer l'intimidation en demandant aux clients récalcitrants de clôturer leur compte et de changer de banque.

C'est de la manipulation pure et simple. La banque ne peut contraindre ni à résilier un compte ni à accepter les nouveaux tarifs. La loi est très précise", tempête Serge Maître.

Si, entre deux réveillons, vous ne vous sentez pas d'écrire à votre banque, l'absence de réponse vaudra accord. Les nouveaux tarifs s'appliqueront automatiquement à partir du 1er janvier. Et, il faut bien le reconnaître, batailler contre sa banque n'est pas de tout repos.

La facturation devient la norme

D'autant que, face à ce mouvement général qui transforme la facturation de la tenue de compte en norme, le client se trouve coincé : il est tenu d'avoir un compte bancaire pour percevoir son salaire ou ses revenus. Il lui reste pourtant la possibilité de faire jouer la concurrence !

 

  • BNP : 30 euros par an
  • Société générale : 24 euros par an
  • HSBC : 24 euros par an
  • CIC : 24 euros par an (comme c'était déjà le cas)
  • La Banque postale : 6,20 euros par an
  • Banque populaire, Caisse d'Epargne, Crédit agricole, Crédit mutuel : tarification variable selon les régions.
  • LCL : rien pour le moment mais une tarification sera mise en place pendant l'année

 

Les écarts restent donc notables mais dans la jungle des frais bancaires. A la BNP, ce sera donc 2,50 euros par mois. 2,50 euros qui devraient lui rapporter quelque 150 millions d'euros par an. La Société générale va se contenter de 2 euros par mois. A la Banque postale, les frais de tenue de compte restent modestes mais vont tout de même passer de 4,20 à 6,20 euros par an.

Comment justifier une telle facturation à l'heure où les clients effectuent de plus en plus eux-mêmes leurs opérations sur internet ? Les établissements bancaires parviennent même à renverser l'argument pour justifier cette facturation : développer les services en ligne, construire des systèmes contre la fraude, proposer des applications plus simples d'utilisation, ça coûte...

Pas chez les banques en ligne

Mais alors, comment font les banques en ligne qui, pour la plupart, ne vont pas facturer la tenue des comptes courants ? Ces dernières font justement des économies de fonctionnement conséquentes grâce au web. Le secteur est en pleine expansion. Inconvénient, pour y ouvrir un compte, elles exigent bien souvent un revenu minimum.

En fait, cette "innovation" bancaire a pour but principal de compenser les pertes liées au plafonnement des agios en cas de découvert. Ce que les banques ne peuvent plus toucher d'un côté, elles le prennent de l'autre.

En revanche, elles se gardent bien de proposer une rémunération des comptes courants. Soi-disant impossible dans un contexte persistant de taux bas. Un argument que Serge Maître balaie rapidement :

Malgré les taux bas, les banques de détail ont augmenté leurs bénéfices de 7% au premier semestre 2015. Peut-on vraiment parler d'une situation difficile dans ce contexte ? Je ne le pense pas."

 

Louis Morice

 

 

Source : http://tempsreel.nouvelobs.com

 

 

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24 décembre 2015 4 24 /12 /décembre /2015 17:08

 

Source : http://www.bastamag.net

 

 

Patriot Act ?

Réforme constitutionnelle : la France de Hollande pire que les Etats-Unis de Bush ?

par

 

 

 

Le président de la République s’apprête à présenter son projet de réforme constitutionnelle à ses ministres ce mercredi 23 décembre. Entre l’inscription de l’état d’urgence dans la Constitution, l’extension des mesures extra-judiciaires, l’extension de la déchéance de nationalité, cette réaction aux attentats du 13-Novembre confirme la voie sécuritaire prise par l’exécutif français. Comme la loi sur le renseignement votée après les attaques de janvier, cette révision de la Constitution rappelle le chemin pris par les États-Unis après le 11 septembre 2001. Celui de la suspicion généralisée, de l’espionnage massif et du renforcement des pouvoirs de police au détriment de ceux de la justice.

« La loi a été votée très rapidement, avec très peu de débat. Et dans le contexte des attentats, émettre des objections était quasiment impossible. Celui qui le faisait était perçu comme trop gentil pour pouvoir défendre la sécurité nationale, » rappelle Neema Singh Giuliani, de l’Association états-unienne de défense des libertés civiles (American Civil Liberties Union, ACLU). Le 26 octobre 2001, 45 jours seulement après les attaques du 11-Septembre, le Congrès des États-Unis votait la loi dite du Patriot Act, « pour unir et renforcer l’Amérique en fournissant les outils appropriés pour déceler et contrer le terrorisme » [1]. « Dans cet environnement et dans cette précipitation, ce n’est pas certain que les membres du Congrès et le public aient pu comprendre ce que contenait vraiment le Patriot act », estime Neema Singh Giuliani. Depuis, le Patriot Act est devenu le symbole de la réponse ultra-sécuritaire américaine à la menace terroriste après le 11-Septembre. C’est cette loi qui a ouvert la porte à la surveillance généralisée des citoyens des États-Unis et du reste du monde, qui a autorisé la détention illimitée sur la base militaire de Guantanamo (Cuba) des citoyens non états-uniens suspectés de terrorisme, et qui a élargi la définition du terrorisme au point qu’elle peut être appliquée à n’importe quel activiste contestataire.

Ce 23 décembre 2015, 40 jours après les attentats du 13 novembre, qui ont fait 130 morts, François Hollande va soumettre son projet de révision constitutionnelle à ses ministres. La réforme se veut une réponse à la menace terroriste. Elle prévoit notamment d’inscrire l’état d’urgence dans la Constitution, d’étendre les pouvoirs spéciaux de l’exécutif et d’instaurer la déchéance de nationalité. Cette frénésie du pouvoir français à légiférer à tout prix en réaction aux attentats n’est pas le seul élément qui rappelle ce qui s’est passé aux États-Unis après les attentats du 11-Septembre. Déjà, suite aux attaques de janvier contre Charlie Hebdo et un supermarché casher, des voix s’étaient élevées dans la classe politique pour demander un Patriot Act à la française. La loi sur le renseignement adoptée au printemps en avait pris la direction.

Loi sur le renseignement : sur la voie de la surveillance généralisée

Votée en juin, la loi sur le renseignement était déjà dans les cartons depuis 2014. Les attentats des 7 et 9 janvier 2015 en ont accéléré l’adoption. Le texte étend les possibilités de surveillance dont disposent les services de renseignement. Celles-ci avaient pourtant déjà été élargies par une loi antiterroriste en novembre 2014 et par la loi de programmation militaire de 2013 (lire notre article« Logiciels mouchards, métadonnées, réseaux sociaux et profilage : comment l’État français nous surveille »). Avec toujours la même constante : donner aux services de renseignement plus de pouvoir pour surveiller, écouter et espionner sans l’autorisation d’un juge.

La loi sur le renseignement autorise ainsi les services à utiliser toute une batterie de techniques : captation massive des données de correspondances électroniques, pose de « boîtes noires » pour collecter en temps réel sur les réseaux les données de connexion, le tout étant traité par des algorithmes automatisés pour détecter un éventuel profil correspondant à une « menace terroriste ». Voilà qui suit tout à fait la logique adoptée par les services de renseignement des États-Unis après la destruction des tours jumelles du World Trade Center.

 

Aucun complot terroriste déjoué malgré un espionnage massif

« Au moment de l’adoption du Patriot Act, une de nos inquiétudes était que la réduction des contrôles sur les services de renseignement allait permettre au gouvernement de recueillir des informations sur de nombreux citoyens innocents, rappelle Neema Singh Giuliani. Pendant de nombreuses années, ces inquiétudes n’ont pas été prises au sérieux. Le gens disaient que ça n’avait jamais été l’objectif de cette loi. » Puis en 2013, un jeune agent du renseignement a révélé l’ampleur des dispositifs mis en place. « La perception a évidemment changé avec les révélations d’Edward Snowden. À partir de là, c’est devenu très clair que le Patriot Act était bel et bien utilisé pour la surveillance de masse. » La loi post-11-Septembre a permis aux autorités de récolter un maximum de données sur les citoyens, qu’il s’agisse de données téléphoniques, de celles sur les destinataires et émetteurs d’e-mails, ou de données financières. Ceci sans mandat judiciaire et sans avoir besoin d’une suspicion particulière de terrorisme à l’encontre des personnes visées.

« Nous n’avons pas identifié un seul cas, impliquant une menace pour les États-Unis, dans lequel le programme ait eu un impact concret dans le résultat d’une enquête antiterroriste. Nous n’avons connaissance d’aucun cas dans lequel le programme ait directement contribué à découvrir un complot terroriste inconnu auparavant », concluait en 2014 l’institution fédérale de contrôle du respect des libertés (Privacy and Civil Liberties Oversight Board) dans son rapport sur la section 215 du Patriot Act. C’est cet article qui a autorisé l’agence de renseignement NSA à récolter les données téléphoniques (numéros, dates et heures des appels et leur durée) de millions de citoyens états-uniens. Et peu importe qu’ils soient suspectés ou non de terrorisme. L’ensemble des données de tous les clients de certains opérateurs téléphoniques ont ainsi pu être collectées sans distinction.

 

Allo, algorithmes à l’écoute

Concernant les libertés individuelles et la vie privée, en revanche, la surveillance globale des données téléphoniques n’a pas été anodine. « Parce que ces données peuvent révéler des détails intimes sur la vie d’une personne, en particulier si elles sont agrégées avec d’autres informations. Soumises à des analyses informatiques complexes, le recueil par le gouvernement des données téléphoniques d’une personne a des effets significatifs et préjudiciables sur la vie privée », soulignait le rapport. Sans compter ceux sur la liberté d’expression et d’association : « Cela peut avoir un effet paralysant sur l’exercice de la liberté d’expression et d’association, parce que les individus et les groupes engagés dans des activités sensibles ou controversées ont moins de raisons de faire confiance en la confidentialité de leurs relations. » [2]

Décriée, cette section du Patriot Act sur la surveillance des données téléphoniques a été réformée en juin dernier. « Mais la réforme pose juste des restrictions, précise Neema Singh Giuliani. Elle limite simplement ce que peuvent être les sélecteurs pour collecter les données. Ainsi, cela ne pourra plus être une ville entière, un pays ou “gmail” [le service mail de Google, ndlr]. Mais il y aura encore des cas où le gouvernement pourra collecter les données d’individus qui n’ont aucun lien avec des terroristes. C’est une réforme partielle qui ne supprime en rien les inquiétudes que suscite le Patriot Act. »

 

Quand le terme de terroriste peut être employé contre des activistes

D’autres volets de cette loi liberticide n’ont pas été touchés depuis son vote. C’est le cas de l’article qui redéfinit la qualification de terrorisme de manière suffisamment large pour pouvoir englober des activistes, des écologistes par exemple. « La section 411 du Patriot Act étend la définition officielle du terrorisme à tel point que beaucoup de groupes engagés dans certains types de désobéissance civile pourraient tout à fait se trouver labellisés terroristes »,explique l’ACLU [3].

Des activistes radicaux classés terroristes ? Là encore, la France n’est pas forcément loin du rêve américain de surveillance. En 2008, les services de renseignement français ont mis en œuvre des moyens considérables pour accuser de terrorisme les militants de Tarnac, soupçonnés d’avoir posé des fers à béton sur des lignes TGV. Le qualificatif de terrorisme a ensuite été abandonné. Depuis le début de l’état d’urgence, le 14 novembre, les perquisitions administratives, qui se sont font en dehors de toute procédure judiciaire et sur simple ordre du préfet, visent parfois directement des activistes contestataires.

De simples citoyens musulmans, des restaurants halal ou des mosquées ont été ciblés, parfois, semble-t-il, pour leur seul lien avec la religion musulmane, leurs lieux de vie mis sens dessus dessous et les portes brisées. Des perquisitions ont aussi été diligentées dans des squats qui accueillaient des militants en marge de la Conférence sur le climat, et même chez des maraîchers bio engagés dans le soutien aux opposants à l’aéroport Notre-Dame-des-Landes. Sans oublier les vingt-quatre assignations à résidence de militants écologistes. Un peu plus de un mois d’état d’urgence a montré que la lutte contre le terrorisme pouvait, ici aussi, entraîner son lot de dérives discriminatoires envers une partie de la population, et répressives à l’encontre du mouvement social [4]

 

Pour un observatoire démocratique de la lutte contre le terrorisme

La loi de prolongation de l’état d’urgence, votée à la hâte le 20 novembre, ne mentionne d’ailleurs pas directement les suspects de terrorisme. Elle stipule simplement que des perquisitions administratives peuvent être ordonnées chez des personnes « dont le comportement constitue une menace pour la sécurité et l’ordre public », ce qui est potentiellement large. La loi autorise aussi la copie des données informatiques de ces personnes pendant la perquisition, encore une fois, sans mandat judiciaire.

« Les assignations à résidence se multiplient sur la base de motifs aussi vagues que la présence sur le lieu d’une manifestation ou le fait de “connaître” tel ou tel individu », ont dénoncé une centaine d’organisations de la société civile il y a quelques jours, dans un appel unitaire à sortir de l’état d’urgence. « Ces graves restrictions sont appliquées, sans distinction, et de manière massive, d’autant que les juridictions administratives ont montré qu’elles s’en accommodent, quitte à ce que les libertés en souffrent. »

Perquisitions administratives : un « taux de réussite » de 0,075 %

« En mettant en place une répression aveugle et incontrôlée, ces mesures dispersent inutilement des forces de police qui seraient bien mieux employées à la détection et [à] la prévention des projets criminels avérés », déplorait déjà, fin novembre, le Syndicat de la magistrature. Pour défendre le droit et les libertés face à l’état d’urgence, il appelle à la création d’un observatoire démocratique des mesures prises pour lutter contre le terrorisme, qui serait ouvert sur la société civile.

Pour l’instant, la société civile n’a à sa disposition que les chiffres du premier bilan de l’état d’urgence [5]. Depuis le 14 novembre, plus de 2 700 perquisitions administratives ont été réalisées. 488 ont abouti à une procédure judiciaire, 185 à des poursuites. Et qu’en est-il du démantèlement de réseau djihadiste potentiel ? Seulement deux enquêtes préliminaires ont été ouvertes par la section antiterroriste du parquet de Paris, et sans garde à vue, selon une information de Médiapart. Soit un taux d’efficacité de 0,075 %, malgré l’ampleur des moyens déployés... Et si tant est que les présomptions de complicité avec une entreprise terroriste se confirment

Est-il donc vraiment nécessaire pour la lutte antiterroriste d’inscrire cet état d’urgence dans la Constitution ? L’exemple des mesures d’exception adoptées aux États-Unis, juste après le 11-Septembre, et pérennisées depuis devrait pourtant donner à réfléchir. Les législations sécuritaires états-uniennes ont-elles vraiment aider à combattre la menace terroriste ? Quatorze ans après le Patriot Act, celle-ci est encore bien plus présente.

Rachel Knaebel

Photo : CC Anonymous9000

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23 décembre 2015 3 23 /12 /décembre /2015 15:29

 

Source : https://www.mediapart.fr

 

 

Une bénévole condamnée pour «délit de solidarité» avec les migrants
22 décembre 2015 | Par Michaël Hajdenberg
 
 
 

Le délit de solidarité, qui consiste à aider des migrants dans le besoin, n'est pas mort, contrairement à ce qu'avait annoncé Manuel Valls en 2012. Une bénévole vient d'être condamnée à Grasse pour avoir tenté d'aider deux Érythréens. Ailleurs en France, les poursuites se multiplient. 

Depuis 2012, on croyait le « délit de solidarité » enterré. Vendredi, il a pourtant resurgi du passé : Claire, une militante de 72 ans, a été condamnée pour avoir aidé en juillet des migrants érythréens à voyager. Le tribunal de grande instance de Grasse l’a condamnée à 1 500 euros d’amende, au grand dam d’associations d’aide aux étrangers d’autant plus inquiètes que d’autres cas de poursuites judiciaires ont émaillé l’année 2015. Ainsi, le 14 janvier prochain, ce sera au tour d’un Anglais de comparaître devant le tribunal de Boulogne-sur-Mer, pour avoir voulu venir au secours d’une enfant de 4 ans résidant dans la jungle de Calais. Est-ce le signe d’un retour en arrière ? Ou faut-il parler de circonstances bien particulières ?

 

Manuel Valls © Reuters Manuel Valls © Reuters
 

L’enjeu est hautement symbolique. En septembre 2012, Manuel Valls avait annoncé la suppression de ce délit qui permettait de poursuivre toute personne ayant « tenté ou facilité » le séjour d’étrangers en situation irrégulière en France : « Notre loi ne saurait punir ceux qui, en toute bonne foi, veulent tendre une main secourable », expliquait celui qui était alors ministre de l’intérieur.

 

Ce « délit de solidarité », une expression inventée par des défenseurs des étrangers, avait connu un pic de notoriété en 2009 avec la sortie du film Welcome qui contait l’histoire d’un maître nageur souhaitant aider un jeune Afghan à rejoindre l’Angleterre par la nage, et dont les projets se trouvaient contrariés par la police.

La loi du 31 décembre 2012 n’a cependant pas tout réglé, comme le montre la condamnation de Claire. Ancienne maître de conférences en chimie, cette retraitée de 72 ans est bénévole au sein de l’association « Habitat et citoyenneté », une association d’aide aux migrants en situation précaire. Le 13 juillet, elle se trouve avec d’autres militants en gare de Nice, pour traquer les contrôles au faciès effectués par la police. Elle y rencontre un mineur Érythréen de 15 ans, en provenance de Vintimille, sans argent, qui ne parle pas français, et qui lui dit seulement « Paris ». Puis, sur le parvis de la gare, elle fait la connaissance d’une autre Érythréenne, âgée de 22 ans, munie d’un billet de train pour la capitale.

Tous deux font face à des policiers qui veulent visiblement les empêcher de voyager. « Après en avoir parlé avec un ami, j’ai décidé de les emmener à Antibes, où je pensais qu’il y aurait moins de policiers », raconte-t-elle. Peine perdue : un agent de la SNCF les repère, alerte la police. Claire refuse de présenter ses papiers d’identité (« c’est peut-être le seul tort que j’ai eu, mais je ne le regrette pas »). Elle est menottée, son téléphone confisqué ; fouillée, elle est placée en garde à vue pendant 24 heures, et le lendemain, elle est conduite menottes aux poignets dans son immeuble où son appartement est perquisitionné. Puis elle est convoquée au tribunal pour avoir « facilité, par aide directe ou indirecte, l’entrée irrégulière, la circulation irrégulière, le séjour irrégulier de deux étrangers en France ».

L’article L622-1 est en effet toujours en vigueur : il prévoit qu’aider des sans-papiers est passible de 5 ans d’emprisonnement et d’une amende de 30 000 euros. L’article L622-4 a cependant été ajouté en 2012, et il prévoit des exemptions. Pour ne pas être condamné, il faut d’abord n’avoir touché aucune contrepartie, notamment financière. Aucun doute sur ce point : Claire, chez qui on n’a pas retrouvé d’argent en liquide, n’a jamais été un passeur. Juste une bénévole.

Pour être considéré comme innocent, il faut cependant remplir une seconde condition sur le type d’aide apporté. Le texte de loi « précise » qu’il faut avoir fourni « des conseils juridiques ou des prestations de restauration, d'hébergement ou de soins médicaux destinées à assurer des conditions de vie dignes et décentes à l'étranger, ou bien toute autre aide visant à préserver la dignité ou l'intégrité physique de celui-ci ».

Avoir conduit ces Érythréens à la gare relève-t-il d’une « aide visant à préserver leur dignité ou leur intégrité physique » ? Non, à en croire le tribunal de Grasse, qui reproche à Claire d’avoir soustrait ces migrants à un contrôle de police. Oui, selon son avocate, Me Sarah Benkemoun, qui fait appel du jugement car elle estime que ce n’est pas la question : sa cliente a empêché un mineur et une jeune femme de se retrouver en détresse, dans la rue, dans une ville qui leur était inconnue. Elle a voulu les aider à rejoindre leur famille à Dijon et Paris : « Ils étaient en danger. Elle a eu une démarche humanitaire. Elle n’a pas aidé des fugitifs, elle ne leur a pas fabriqué de faux documents, elle ne les a pas cachés. Ils auraient d’ailleurs pu rejoindre Antibes par leurs propres moyens. Mais dans le contexte actuel, entre les attentats de Paris et les élections, plaider la solidarité n’est visiblement pas aisé. »

Claire ne comprend pas plus la décision : « Depuis 2009, j’aide des étrangers. J’ai déjà hébergé chez moi des Géorgiens, Érythréens, Soudanais, Tchadiens, et cela ne pose visiblement pas de problème. Quand j’aide un sans-papiers à se soigner et que je le conduis à l’hôpital, on m’y félicite. Et là, on me condamne. Ces Érythréens se sont finalement retrouvés dans la rue, on a perdu leur trace, alors qu’ils cherchaient juste à rejoindre leur famille. Tout ça pour ça. »

« Je ne pouvais pas laisser passer cette enfant une nuit de plus dans cet endroit horrible »

Stéphane Maugendre, président du Gisti (Groupe d'information et de soutien des immigrés), estime que « toute l’ambiguïté du texte de loi » éclate au grand jour. Tous les six ans, note-t-il, le délit de solidarité réapparaît. 1997 : condamnation de Jacqueline Deltombe, coupable d’avoir prêté les clefs de son appartement à un sans-papiers. 2003 : fortes mobilisations contre le projet de Sarkozy de durcir les peines encourues. 2009 : des condamnations mènent à un affrontement dur entre les militants et le ministre Éric Besson. Et maintenant 2015, avec, faute de suppression, un danger qui renaît.

Camille Six, juriste à la PSM (Plateforme de service aux migrants), estime que la loi, sujette à interprétation, l’oblige à prévenir les bénévoles : « Attention ! Ralliez-vous aux réseaux d'hébergements existants plutôt que de vous lancer seuls dans l'aventure. Car cette activité de soutien n'est pas sans risque. »

Ces ambiguïtés donnent lieu à des interprétations différentes selon les juridictions, et parfois jusqu’au sein des tribunaux. À Perpignan, Denis a hébergé à son domicile une famille arménienne (avec deux enfants de 3 et 6 ans), sous le coup d’une obligation de quitter le territoire. Pendant ses 36 heures de garde à vue, il fut demandé à Denis : « Qui faisait la vaisselle ? » Sa réponse a fourni l’occasion d’un procès, au motif que les migrants versaient une contrepartie : ils « participaient aux tâches ménagères (cuisine, ménage, etc.) ».

Le 15 juillet, jour du procès, le procureur de la République de Perpignan est cependant venu en personne à l’audience pour demander la relaxe de Denis. Mais l’absence de condamnation ne signifie pas que ce type d’affaire ne laisse pas de trace. Les bénévoles, angoissés, savent qu’ils peuvent être poursuivis, longuement interrogés, ignorent au bout de combien de temps ils seront relâchés. Camille Six va jusqu’à parler d’un « harcèlement moral » des militants.

Rob Lawrie en a fait les frais. Cet ancien soldat britannique de 49 ans, père de quatre enfants, a tenté de faire passer clandestinement la frontière à Bahar, une enfant afghane de 4 ans. Il comparaîtra le 14 janvier devant le tribunal de Boulogne-sur-Mer où il encourt lui aussi une peine de cinq ans de prison pour cet acte qui, selon son avocate, Me Lucile Abassade, relève pourtant de « l’aide humanitaire ».

Rob, qui habite près de Leeds, connaît bien la jungle de Calais. Après avoir vu les images dans la presse du corps d’Aylan Kurdi, l’enfant syrien échoué sur une plage turque, il a décidé de faire régulièrement l’aller-retour pour aider les étrangers qui y résident : il a créé un groupe d’entraide pour récolter des vêtements et de la nourriture. Sur place, il aidait à construire des cabanes. Sur sa page Facebook, il a posté une vidéo de ce qu’il y a vu.

 

Calais "The Truth" © Rob Lawrie

 

Il y a fait la connaissance de Bahar et de son père. À la presse britannique, il a raconté : « Je ne pouvais pas laisser passer cette enfant une nuit de plus dans cet endroit horrible. Les conditions étaient horribles. Cela m’a rappelé des décharges de Bombay. Et quand vous avez vu ce que j’ai vu, toute pensée rationnelle sort de votre tête. »

Son avocate détaille : « Fin octobre, il y avait une grosse vague de froid, ils étaient au milieu du bois, dans la misère. Le père de Bahar a demandé à Rob de bien vouloir emmener son enfant chez sa tante, en Angleterre. Rob a ressenti une forme d’urgence et il a craqué. »

Rob a caché la petite fille dans un des compartiments de stockage de son van, au-dessus du siège du conducteur. Mais des chiens renifleurs ont détecté deux Érythréens cachés, à son insu, à l’arrière de sa camionnette. Bahar a été découverte et Rob Lawrie arrêté. Il a prévenu : « Je m’excuserai devant le juge. Je ne dis pas : "Hé, regardez-moi, je suis un héros", je dis : "J’ai pris la mauvaise voie, trouvons la bonne". »

À Calais, il n’est pas le seul à venir au secours des étrangers. « Si on poursuivait tous les gens qui aident les étrangers, les tribunaux seraient pleins », explique Me Marie-Hélène Calonne, avocate spécialiste du droit des étrangers à Boulogne-sur-Mer.

Cela n’empêche pas la police de mener la vie dure à certains militants, parfois en contournant le délit de solidarité. À Calais, un arrêté interdit aux militants de s’arrêter sur le chemin des dunes, le chemin qui conduit de la ville à la plateforme Jules-Ferry. Les policiers laissent les bénévoles entrer, et une fois qu’ils stationnent, ils leur collent des PV, racontent plusieurs associations présentes sur place.

À Norrent-Fontes, quatre abris pour les exilés avaient été construits en 2012, avec l’accord du maire de l’époque. Deux de ces abris de fortune ont été détruits au printemps dernier dans un incendie accidentel. Les membres de l’association Terre d’errance ont voulu le reconstruire. Le maire leur a opposé le droit de l’urbanisme, qui ne posait pourtant pas de problème auparavant. Suite à deux plaintes de la mairie, ils ont été poursuivis par le procureur de Béthune pour construction illégale sur un terrain municipal ; ils encourent 3 mois de prison et 75 000 euros d’amende. Pire : à défaut de pouvoir continuer à construire, les militants ont posé une toile protégeant les migrants de la pluie. Nouvelle plainte et convocation au commissariat. « Mettre à l’abri : voilà donc né un nouveau délit de solidarité ! », dénonce le Gisti.

Offrir une toile ou un toit n’est donc plus une sinécure. À Dijon, un militant de la Ligue des droits de l’homme a été poursuivi pour avoir hébergé des sans-papiers. Et le curé de Montreynaud (Saint-Étienne), pour avoir hébergé des sans-papiers dans un lieu de culte qui n’offrait pas toutes les conditions requises en matière d’hygiène et de santé publique.

Léopold Jacques, lui, après avoir été condamné en première instance, a fini par obtenir gain de cause devant la cour d’appel de Rouen. Celle-ci a estimé que ce bénévole à la Croix-Rouge et membre de France Terre d’Asile ne pouvait être condamné pour avoir aidé une Congolaise en 2011 : il avait fourni à cette femme malade des attestations d’hébergement pour qu’elle puisse bénéficier de soins médicaux en France. Léopold Jacques, 70 ans, croyait en avoir enfin fini avec la justice. Le parquet a toutefois décidé de se pourvoir en cassation.

 

 

 

 

 

Source : https://www.mediapart.fr

 

 

 

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