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15 février 2016 1 15 /02 /février /2016 19:09

 

Source : http://reporterre.net

 

 

L'agro-industrie veut confisquer le mot « bio »

15 février 2016 / Éliane Anglaret, Jean-Marie Defrance, Alain Delangle et Thierry Thévenin
 


 

 

Après avoir étouffé au maximum les pionniers de l’agriculture biologique, les industriels et les autorités leur dénient maintenant l’emploi du qualificatif « bio ». Derrière les mots, c’est une bataille de fond qui se joue.

D’un côté, certains mouvements historiques de l’agriculture biologique, résolument opposés à l’agriculture chimique industrielle, sont enquêtés sur l’usage qu’ils font dans leur communication des préfixes « bio », et « éco ». De l’autre, les plus gros pourvoyeurs de pesticides toxiques – Bayer, BASF, Dow, Syngenta, et autres [1] s’apprêtent en toute impunité à s’offrir une virginité en devenant les leaders du « biocontrôle ».

Au cours de l’année 2015, certaines structures historiques de la Bio, le syndicat des Simples, Demeter, Nature & Progrès (N&P), et BioCohérence, ont subi des enquêtes de la part des services régionaux de la DGCCRF (Direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des Fraudes). Les contrôles ont porté sur l’usage des termes de l’agriculture biologique au sein de ces différentes organisations. Objectif : « protéger » le consommateur contre d’éventuelles ambiguïtés ou confusions, voire tromperies, que pourrait générer la communication de ces structures.

Il a été demandé aux Simples (homologués en 1988) et à N&P (homologuée en 1986), d’éviter toute confusion entre leurs marques et le label bio européen (né en 1991) dans leurs outils de communication commerciale. Comme ces mouvements n’obligent pas leurs adhérents à être labellisés dans le cadre du Règlement bio européen (n° 834/2007, mis en application en 2009), ils ont particulièrement été mis en garde sur l’utilisation des termes réservés à la certification biologique, les préfixes et suffixes « bio », « éco » et « biologique », « écologique ».

Ces demandes sont d’autant plus paradoxales que l’on doit à ces mouvements historiques de la bio l’émergence de cette agriculture spécifique !

La bio : un mouvement citoyen agro-écologique avant d’être un label

Bien avant d’être réduite à un label, fût-il de qualité, l’agriculture biologique est un concept pratique et philosophique hérité d’une vision de l’agriculture respectueuse de la nature et des êtres vivants. Elle est née au cours du XX° siècle de la pensée de ses pionniers : Albert Howard, Hans et Maria Müller, Ehrenfried Pfeiffer, Rudolf Steiner et Masanobu Fukuoka…

Sur les traces de ces précurseurs, les organisations Demeter (marque créée dès 1930 par le mouvement biodynamiste allemand), Nature & Progrès (créée en 1964, Nature & Progrès est à l’origine, en 1972, de l’écriture des cahiers des charges qui serviront de base aux cahiers des charges bio français, puis européens), Simples, puis BioCohérence (fondée en 2010) ont fondé leur existence sur un objectif commun : une agriculture écologique à échelle humaine, ancrée dans les territoires pour une alimentation saine à la disposition des citoyens. Créées respectivement en 1930, 1964, 1978 s’agissant de ses organisations les plus anciennes, les valeurs qu’elles portent sont présentes depuis toujours dans leurs cahiers des charges :
- le respect du vivant (sol-végétal et animal) par des techniques respectant les écosystèmes, la biodiversité sauvage et cultivée, garantissant le bien-être des générations futures :
- le refus de l’industrialisation et de la financiarisation de l’agriculture en prohibant l’utilisation des produits chimiques de synthèse, des nanoparticules, des organismes génétiquement modifiés qui mettent en danger les équilibres de la biosphère et compromettent l’existence du vivant ;
- le développement d’une agriculture familiale, à taille humaine assurant une vie économique et sociale des territoires, l’autonomie et une vie digne des paysans.

Ces valeurs sont en train de disparaître du règlement européen de la Bio. Graduellement vidé des exigences écologiques, des finalités globales et citoyennes qui ont présidé à sa création en 1991, le label AB pourrait bientôt se résumer à un simple contenu technique.

 

 

La finalité des contrôles de la DGCCRF serait-elle d’éjecter les "moutons noirs" ? Il est souvent avancé que l’agriculture biologique est impossible à pratiquer, que les produits alimentaires qu’elle fournit sont trop chers, etc. C’est ignorer le prix considérable des « externalités » liées aux dégâts écologiques et sanitaires de l’agriculture chimique et de l’alimentation industrielle. L’étude réalisée en 2013 par l’Inra, intitulée Analyse des performances de l’agriculture biologique et qui se questionne sur : « Comment rendre l’agriculture biologique plus productive et plus compétitive ? » en dit long sur la pente qu’on entend faire suivre à la bio [2] .

Dans ce contexte, le ministre de l’Agriculture, Stéphane Le Foll, souhaite faire de la France un leader de l’agroécologie et du « biocontrôle ». Une vision pour le moins intéressante au regard des adhérents de l’association française des entreprises du biocontrôle (IBMA France) parmi lesquels BASF, Bayer, Dow, Syngenta…

Les mouvements Simples, Demeter, BioCohérence et Nature & Progrès ont une vision très différente de l’agroécologie. Est-ce pour cela que les pouvoirs publics auraient voulu, cette année, « dépoussiérer » la mouvance historique de l’agrobiologie de certains de ses éléments minoritaires, critiques, en allant les « visiter » et les positionnant au rang de hors-la-loi ?...

 

*Suite de l'article sur reporterre

 

 

Source : http://reporterre.net

 

 

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14 février 2016 7 14 /02 /février /2016 19:18

 

Source : http://reporterre.net

 

 

Les cinq méthodes de l’industrie pharmaceutique pour nous bourrer de médicaments inutiles

10 février 2016 / Sarah Lefèvre (Reporterre)
 

 

 

 

L’industrie pharmaceutique va bien, très bien même. Grâce aux Français, leurs plus fidèles clients au monde, mais d’abord grâce à un intense et efficace travail de l’ombre auprès des autorités politiques et sanitaires et des médecins. Si la santé des laboratoires est renforcée par ces pratiques, ce n’est pas le cas de celle des patients.

Au concours des consommateurs du comprimé, les Français figurent toujours sur la première marche du podium. En moyenne : quatre comprimés avalés par jour pour l’ensemble de la population et une facture de 34 milliards d’euros en 2014. Soit 2,7 % de plus que l’année précédente, dont 20 milliards pris en charge par la Caisse nationale d’assurance maladie. Parallèlement, l’industrie pharmaceutique s’affirme comme la plus rentable au monde et elle ne cesse de progresser : 639 milliards d’euros de chiffres d’affaires global pour le secteur en 2013, en croissance de 4,5 % par rapport à 2012. Il y a 10 ans, un rapport de la Chambre des Communes anglaises sur l’industrie pharmaceutique concluait : « Elle est maintenant hors de tout contrôle. Ses tentacules s’infiltrent à tous les niveaux » (texte en bas de cet article). Le constat est-il toujours d’actualité ? Comment s’y prend-elle, dans quelles strates se fond-elle pour maintenir notre dépendance et commercialiser toujours plus de nouvelles molécules ?

 

 

Tout commence par le cabinet du médecin traitant : le principe concurrentiel de la médecine libérale et payée à l’acte implique la notion de satisfaction. Claude Malhuret, sénateur UMP, a proposé plusieurs amendements en faveur de l’indépendance du corps médical face au lobby pharmaceutique lors du vote de la loi santé. « Les médecins sont prêts à tout pour garder leurs patients. Alors ils répondent à leurs demandes. Les somnifères, les benzodiazépines [anxiolytiques]… C’est un scandale, ça tue les vieux ! C’est normal, quand on est vieux, de ne dormir que cinq heures par nuit. Tous ceux qui en prennent à long terme – pas plus de six semaines normalement – sont finalement dépendants et subissent un déficit cognitif d’autant plus fort qu’ils sont âgés. » Dans ce système régi par la rentabilité et la réponse aux besoins immédiats du patient, pas le temps de s’intéresser en profondeur aux origines des troubles du sommeil ou d’une dépression, comme l’explique Jean-Sébastien Borde, président du Formindep, collectif de médecins qui œuvre pour une formation indépendante. « Nous sommes parmi les champions du monde de la consommation des anxiolytiques. Or l’accompagnement de ces pathologies prend du temps si l’on veut comprendre ce qu’il se passe, tandis que la prise d’un médicament va soulager automatiquement. C’est la conjonction d’un manque de praticiens et d’un nombre de consultations très élevé pour chacun qui conduit à ces prescriptions très importantes. »

 

 1. Manipuler le baromètre thérapeutique

Cette surconsommation de médicaments est encouragée par les labos. Première technique : modifier le seuil à partir duquel le médecin doit prescrire. Prenons l’exemple de l’hypertension, à l’origine de troubles cardiovasculaires, qui représente la moitié du marché médicamenteux de la cardiologie, selon Philippe Even, ex-président de l’institut Necker [1] et fervent militant anticorruption. « L’industrie, puis les agences de santé et les médecins ont redéfini l’hypertension à 14, contre 16 auparavant. Alors que la tension moyenne de la population se situe aux alentours de 13. Ça a l’air de rien comme ça, je n’arrive pas à réveiller les gens à ce sujet, mais qu’est-ce que cela signifie ? » Le professeur émet un bref silence avant de hausser le ton. « Cela veut dire quadrupler le marché des antihypertenseurs, parce qu’il y a quatre fois plus de gens qui ont une tension entre 14 et 16 ! »

2. À nouvelles maladies, nouveaux marchés

Autre tendance, la transformation de facteurs de risque en maladies. Exemple phare : le cholestérol, « notre ennemi à tous ». Parmi les traitements « blockbusters », le Crestor, du laboratoire Astrazeneca. Il est la troisième référence pharmaceutique la plus commercialisée au monde. Cette pilule anticholestérol fait partie de la famille des statines, prescrites à outrance et souvent à vie. « Cinq millions de gens sont traités avec des statines en France, explique Claude Malhuret. Contre un million seulement qui en auraient besoin. » Seules les personnes qui ont déjà eu un accident cardiovasculaire devraient en consommer, selon lui. Quid des quatre millions de personnes qui en prennent inutilement ? Les effets secondaires recensés sont lourds : insuffisance rénale, troubles musculaires, cognitifs, hépatiques, impuissance, myopathie, cataractes. Le sénateur enchérit : « Le jour où toutes ces personnes âgées qui consomment des statines et autres somnifères vont mourir d’un accident médicamenteux, personne ne va s’en occuper ou bien même s’en soucier. Elles seront mortes de vieillesse, comme tout le monde ! » 20.000 accidents dus à de mauvaises prescriptions sont recensés chaque année en France. Un chiffre sous-estimé selon Michèle Rivasi, députée européenne EELV, « du fait des carences de notre système de pharmacovigilance ».

3. Chers visiteurs médicaux

 

 

Une vigilance qui doit s’opposer à l’omniprésence du marketing. Les médecins sont quotidiennement sollicités par les visiteurs médicaux qui assurent la promotion des nouvelles molécules. « Les lobbies sont omniprésents dans les couloirs des hôpitaux, affirme Jean-Sébastien Borde, du Formindep. Or, le médicament prescrit par le spécialiste aura tendance ensuite à être prescrit par le généraliste à la sortie de l’hôpital. » Et cette promotion fonctionne à merveille, selon une étude de 2013 publiée dans Prescrire, la seule revue médicale indépendante en France. Les médecins qui reçoivent le plus de consultants ont les ordonnances les plus généreuses. Ces mêmes praticiens reçoivent plus de patients, pour des temps de consultation plus courts et lisent davantage de presse gratuite financée par les firmes elles-mêmes. Les visiteurs tentent d’instaurer « une relation amicale » avec les médecins et offrent petits-déjeuners ou déjeuners, proposent d’organiser le pot de départ des internes… 244.572.645 € : voici le montant total des cadeaux des firmes pharmaceutiques aux médecins entre janvier 2012 et juin 2014, recensés par le collectif Regards citoyens.

4. Séduire les leaders d’opinion

Les Key Opinion Leaders, alias KOL, ou leaders d’opinion, clés de voûte de la promotion des médicaments, interviennent en première ligne, avant et après l’autorisation de mise sur le marché (AMM) des médicaments. Ils sont rémunérés pour réaliser les essais cliniques, les valider puis prêcher la bonne parole durant les congrès de spécialistes, dont les déplacements, frais de bouche et hôtels sont pris en charge par les labos, pour eux comme pour leurs confrères présents sur place. En tant que chef du service de gériatrie à l’hôpital Pompidou, à Paris, Olivier Saint-Jean a le profil parfait. « Je suis un KOL négatif », affirme-t-il pourtant. Le professeur refuse de prescrire les seuls traitements « inutiles voire dangereux » qui existent aujourd’hui contre la maladie d’Alzheimer. « C’est complexe pour nous de dire : “Je n’ai rien à vous prescrire.” Mais à partir du moment où je me suis rendu compte que le traitement était dangereux pour les patients, j’ai basculé et j’ai dit à mes étudiants à l’université que cela ne marche pas. » En 2006, l’Inserm lui demande d’étudier de plus près les analyses de ces médicaments. Résultat : il démontre leur inutilité, et révèle qu’ils peuvent s’avérer toxiques pour des patients justement atteints de troubles de la mémoire. « Je me suis fait insulter par mes confrères, raconte-t-il. Certains, en lien avec les labos, disaient qu’il était criminel de dire que ces médicaments étaient inefficaces. » KOL négatif, donc non rentable, brebis égarée d’un star système qu’il décrit par ailleurs pour y avoir participé quand la recherche était encore teintée d’espoir.

 

 

« Il y a trente ans, ces personnes âgées restaient dans les hospices et les fonds de salle des hôpitaux psychiatriques. Puis, les labos ont proposé des médicaments en parallèle de professionnels qui se bougeaient pour avoir une vraie reconnaissance de ces malades. J’ai eu des liens d’intérêts avec les labos à ce moment-là. On avait vraiment envie de faire mieux. Cela m’arrivait d’aller faire des formations à des médecins traitants et puis, c’est vrai que je repartais avec un chèque. Parfois réinjecté dans le service, parfois dans ma poche. » À l’heure où le montant des crédits alloués à la recherche ne cesse de baisser, de plus en plus de chefs de service, les « patrons », comme on les appelle, acceptent la manne des études diligentées par les labos.

Mais alors quelle différence y a t-il entre lien et conflit d’intérêts ? Claude Malhuret s’est battu au Sénat en 2015 lors du vote de la loi santé de Marisol Touraine pour imposer des amendements en faveur de plus de transparence entre les firmes et le corps médical. « Un laboratoire vous demande par exemple d’effectuer des recherches pour approfondir la compétence sur une pathologie. Vous réalisez cette étude, vous amenez donc des résultats et êtes rémunéré pour les services que vous avez rendus au laboratoire mais vous n’êtes pas en situation de conflit. Au contraire, il y a conflit d’intérêts lorsque, en échange d’une rémunération, vous apposez votre signature en bas d’une étude que vous n’avez pas pris le temps de suivre, de réaliser vous-même. » Ceux-ci sont une minorité insiste Philippe Even dans son dernier ouvrage Corruptions et crédulité en médecine : il identifie par exemple « les six cardiologues parisiens les plus liés à l’industrie ». Ce sont eux qui agissent ensuite auprès des autorités publiques, puis qui deviennent membres et présidents des agences de santé et livrent leurs recommandations au ministère pour les autorisations de mise sur le marché (AMM).

 

5. Contrôler les études et les consciences

Une fois l’AMM obtenue, une grosse machine en trois étapes se met en branle. La première est celle de la diffusion orale : « Il faut que des universitaires aillent de congrès en séminaires répandre la vérité sur la dernière merveille du monde qui vient d’arriver », raconte Philippe Even. Aux États-Unis, des médecins que l’on appelle les « Tour Doctors » passent des contrats d’orateurs avec les firmes.

C’est à ce moment-là que la presse s’en empare, c’est la deuxième phase. Les firmes s’arrangent alors pour faire signer les articles par les spécialistes des pays au plus fort potentiel de marché : États-Unis, Europe, Japon, Chine, Brésil. « Le plus souvent, ils lisent l’article écrit par des sous-traitants de l’industrie et le signent », poursuit l’auteur de Corruption et crédulité en médecine. Nos consultants ou leaders d’opinion ont ensuite la charge de répercuter la promotion dans leurs pays respectifs, dans les journaux locaux, sur les plateaux télé. « Et alors de nombreux journaux, même réputés, tombent dans le panneau : “Un expert mondialement reconnu”, lit-on dans Le Monde ou dans Le Figaro, par exemple… Reconnu à l’intérieur du périph, oui ! » rit Philippe Even, avant de poursuivre. « Or, ces journaux, comme les journaux spécialisés ne vivent plus que grâce à la pub et donc à l’industrie. » D’ailleurs, quel secteur se porte encore mieux que l’industrie pharmaceutique ? Justement celui de ces journaux médicaux. « Alors que les firmes pharmaceutiques réalisent en moyenne 20 % de bénéfices par an, les organes de publication en réalisent 30 % ! » affirme le président de l’institut Necker.

 

 

Dernière phase : le médicament doit être recommandé par les prescripteurs et les sociétés dites savantes, comme les fédérations de santé, qui sont des centaines en France. La fédération de cardiologie par exemple, celle de l’hypertension, la société d’athérosclérose, etc., financées par les laboratoires : « Elles émettent des recommandations officieuses. Pour les rendre officielles, la Haute Autorité de santé reprend les articles d’experts qui les ont rédigés pour les firmes. À travers ces trois étapes, les congrès, les journaux, les sociétés et agences de santé, on peut dire que les sociétés tiennent directement la plume des prescripteurs. » 

Sur les 2.000 médicaments commercialisés (10.000 au total avec les copies), seuls « 200 sont utiles », selon Philippe Even. Michel Thomas, professeur en médecine interne [2] à Bobigny, va plus loin. Il a publié une étude en 2013 recensant 100 médicaments vraiment indispensables. « On considérait qu’il y avait beaucoup trop de consommation de médicaments en France et qu’il fallait se pencher sur l’essentiel. » Après validation auprès d’une centaine de médecins internistes français, la liste se réduit aujourd’hui à 85 références, hors traitements de maladies rares et anticancéreux, pour une prise en charge de « 95 % des pathologies de départ ». Michel Thomas attend avec impatience de voir si, comme prévu dans la loi de santé, une liste des médicaments « préférentiels » inspirés de la sienne verra le jour. « Le Leem, le syndicat des firmes pharmaceutiques en France, a fait une offensive lors de la discussion de cette loi pour tenter de l’interdire, mais cette proposition a retenu l’aval de l’Assemblée et du Sénat », se félicite-t-il. Reste à savoir quand et comment sera promulguée cette loi de santé, car, comme il le dit, « les décrets d’application peuvent tout changer ».


« L’INDUSTRIE PHARMACEUTIQUE EST MAINTENANT HORS DE TOUT CONTRÔLE »...

 

*Suite de l'article sur reporterre

 

 

Source : http://reporterre.net

 

 

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14 février 2016 7 14 /02 /février /2016 18:02

 

Source : https://blogs.mediapart.fr/poppie/blog/130216/une-indifference-qui-tue

 

 

Une indifférence qui tue
 
 
 
Régulièrement, nous recevons des informations sur les drames qui se jouent aux portes de l'Europe. Notre petit train train continue, avec des régressions, qui très justement nous préoccupent. Ce que vivent des milliers de personnes est au-delà du supportable. Nos dirigeants l'acceptent et l'organisent, à notre grande honte.

J'aimerais relayer ici un billet du GISTI (Groupe d'Information et de Soutien des Immigrés)

 

 

 

Migreurop

Alep écrasée sous les bombes, l’UE demande à la Turquie de lui garder ses frontières

 

Alors que les habitant.e.s de la région d’Alep sont contraints à l’exode sous un tapis de bombes, les chancelleries européennes ont pour principale préoccupation de les cantonner au plus loin de leurs frontières. Elles s’en remettent pour cela à la Turquie, pourtant partie prenante du champ de bataille géopolitique qu’est devenue la Syrie. Pendant que des dizaines de milliers de réfugié.e.s s’agglutinent aux frontières turques, Recep Erdogan négocie avec une Europe aux abois une reconnaissance comme « pays sûr » (ce qui permettrait à la Grèce et aux autres Etats membres s’y renvoyer des exilé.e.s ayant transité par la Turquie), des milliards d’aides financières et l’assentiment tacite à la répression sanglante qu’il mène contre son opposition politique, notamment kurde [1] .

Il y a quelques mois encore, devant le calvaire vécu par les réfugié.e.s syriens tentant de faire valoir leurs droits, l’Union européenne et les États-membres pratiquaient la politique des « larmes de crocodiles ». Mais à l’émotion mondiale suscitée par les photos d’Aylan Kurdi au mois de septembre dernier ont immédiatement succédé les négociations visant à empêcher les Syrien.ne.s d’approcher des frontières européennes. Depuis, des centaines d’enfants et d’adultes sont morts dans l’indifférence en mer Égée, dans un bras de mer livré aux passeurs dont les profits sont indexés sur les atteintes à la convention de Genève et à la libre-circulation des demandeurs d’asile. La seule boussole politique de l’UE est maintenant celle du cynisme absolu.

Afin de mesurer l’étendue des atteintes aux droits pratiqués au nom du contrôle frontières extérieures de l’Union européenne, il est nécessaire de rappeler les dispositions adoptées depuis quelques mois afin que la « route des Balkans » soit fermée le plus en amont possible aux réfugié.e.s syriens :

  • L’UE a fait pression sur la Turquie afin qu’elle boucle ses frontières terrestres avec la Syrie et introduise une exigence de visas pour les Syrien.ne.s arrivant par voie aérienne.
  • Les principaux gouvernements européens ont demandé à ce que les près de trois millions de réfugié.e.s syriens présents en Turquie se voient limiter leur liberté de circulation à l’intérieur du pays. L’UE a prôné et partiellement financé l’ouverture de camps de réfugié.e.s situés au sud de la Turquie, tout en acceptant que cette dernière favorise le cantonnement des réfugié.e.s en territoire syrien.
  • Les possibilités de passages terrestres de la Turquie vers la Bulgarie et la Grèce, depuis longtemps rendues extrêmement difficiles, se sont encore amenuisées sous l’effet de la multiplication des contrôles. Les Syrien.ne.s en route vers l’Europe sont donc renvoyé.e.s vers le cimetière de la mer Égée.
  • Les Syrien.ne.s ayant réussi à sortir de la nasse turque et à arriver en Grèce sont considérés comme la plaie de l’Europe. Afin de « sauver l’espace Schengen », il est envisagé de mettre la Grèce en quarantaine, à moins qu’elle ne se résolve à installer les camps d’enregistrement et d’accueil supposés permettre d’éviter que les exilés ne remontent plus au nord [2].
  • Le mécanisme de « relocalisation » de 160 000 personnes ayant manifestement besoin d’une protection internationale, adopté par l’UE en septembre 2015 au profit de l’Italie et de la Grèce pour « assurer un partage équitable des responsabilités entre les États membres » face à de grands nombres d’arrivées de migrants dans ces deux pays, ne s’est, cinq mois plus tard, traduit que par le transfert de moins de 500 demandeurs d’asile  [3] .
  • Aujourd’hui même l’OTAN vient renforcer la « guerre aux migrant.e.s » en mer Egée avec une mission de patrouille menée par trois navires militaires, supportés par des avions et dirigés par l’Allemagne [4] .

Rappelons que les dernières évolutions de cette politique de mise à distance des réfugié.e.s syriens se placent dans un contexte général où des millions d’entre eux arrivés en Turquie, en Jordanie ou au Liban n’obtiennent qu’au compte-gouttes les « visas asile » qui leur permettraient de rejoindre un pays comme la France, sont matériellement empêchés de voyager en avion (par des exigences de visas y compris « de transit ») et sont confrontés au sous-dimensionnement dramatique des programmes de réinstallation proposés sous l’égide du Haut-commissariat aux réfugiés (HCR).

Dans ces conditions, les appels lancés ces jours derniers par les Nations Unies [5] et la Commission européenne à la Turquie sont proprement « surréalistes »  : cette dernière est maintenant sommée d’ouvrir ses frontières pour laisser entrer les exilé.e.s syriens. Cette mesure est bien sûr indispensable mais elle s’inscrit dans une logique de sous-traitance qui, de longue date, vise à faire peser sur des États tiers des responsabilités auxquelles l’UE est pourtant tenue par ses obligations internationales. Ces appels ne seront ainsi crédibles et protecteurs des droits des réfugié.e.s syriens que si les États membres se résolvent à leur ouvrir leurs propres frontières et à mettre en œuvre toutes les mesures qui leur permettraient de voyager sans mettre leur vie en péril.

12 février 2016



 

[1« EU-Turkey joint action plan : implementation report », 10 février 2016.

[2« La Commission adopte un rapport d’évaluation Schengen concernant la Grèce et propose des recommandations pour qu’il soit remédié aux manquements constatés dans la gestion des frontières extérieures », 2 février 2016.

[3Au 4 février, 279 d’Italie et 218 de Grèce : « Member States’ Support to Emergency Relocation Mechanism. »

[4« Migrant crisis : Nato deploys Aegean people-smuggling patrols », 11 février 2016.

[5« U.N. refugee agency urges Turkey to open borders to Syrians », 9 février 2016.


 

Vous pouvez retrouver ce communiqué sur le site
www.migreurop.org

 

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Source : https://blogs.mediapart.fr/poppie/blog/130216/une-indifference-qui-tue

 

 

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11 février 2016 4 11 /02 /février /2016 18:24

 

Source : http://rue89.nouvelobs.com

 

 

 

La pieuvre
Facebook vous suit, même si vous n’y êtes pas inscrit

 

 

 

Avec les boutons « Like » ou « Partager » qui pullulent sur la Toile, le réseau social a semé de petites graines lui permettant de pister tous les internautes, y compris ceux qui n’ont pas de compte Facebook. On vous explique comment un petit fichier rapporteur s’installe pour deux ans sans prévenir dans votre disque dur.

 
 

Avis aux originaux qui ne font pas partie du 1,5 milliard d’utilisateurs actifs de Facebook : si vous pensiez échapper au plus grand réseau social mondial, ses tentacules vous rattrapent. Même si vous n’y êtes pas inscrits.

Eh oui, la pieuvre de Zuckerberg enserre une très, très grosse partie du Web – pas pour rien qu’un paquet de personnes pensent, à tort, que Facebook = Internet. Et c’est la gardienne française de la vie privée sur Internet, la Commission nationale de l’informatique et des libertés (Cnil) qui nous rappelle cette réalité.

Dans une décision acide mise en ligne ce lundi 8 février au soir, elle met en demeure le réseau social de cesser notamment cette pratique (parmi bien d’autres : croisement de données, récolte d’infos sur la religion, l’orientation sexuelle, et on en passe), qui consiste à suivre à la trace les internautes qui ont pourtant fait le choix de demeurer en dehors de Facebook. Le tout, sans évidemment leur demander leur avis.

 

Espionnage aux jumelles

Espionnage aux jumelles - Kangrex/Flickr/CC
 

Le côté obscur du Like

Ce n’est pas la première fois que le site est épinglé pour sa curiosité sans bornes. A vrai dire, l’inquiétude existe depuis que Facebook a eu la brillante idée de semer des petites graines sur les sites du monde entier (médias y compris).

Ces graines, ce sont de simples images cliquables. Des « J’aime », des « Like », des « Partager », qui s’affichent sur un fond bleu bien reconnaissable, et qu’on retrouve à la fin des articles de presse, à côté des fringues qu’on veut acheter, et même, même, sous les dés de jambon Fleury Michon vendus sur le site de Monoprix.

Des boutons qui sont en fait les nœuds de la constellation Facebook : dès que vous êtes sur une page web qui en contient un, alors le réseau social le sait.

 

Capture d'écran du partage d'un produit Fleury Michon sur Facebook, via un bouton sur le site Monoprix

Capture d’écran du partage d’un produit Fleury Michon sur Facebook, via un bouton sur le site Monoprix - Capture / Monoprix

En 2010, le site Ecrans de Libération (depuis disparu) en avait fait un combat. Refusant de mettre sur son site ces boutons Facebook pourtant si pratiques.

« En permettant la diffusion de ces petits boutons “J’aime”, non seulement on ne se déconnecte plus de Facebook, mais on ne le quitte plus vraiment. Vous êtes sur Ecrans.fr, mais vous êtes aussi sur Facebook. Et ça, on n’est pas trop d’accord. Surtout qu’on ne sait jamais ce que le réseau social va finir par faire de toutes ces données récoltées le jour où il lui reprendra l’envie de changer ses conditions d’utilisation. »

 

Le capteur « datr »

Cinq ans plus tard, alors que ces boutons Facebook ont pullulé à travers le Web, l’équivalent de la Cnil en Belgique en a remis une couche. Et sérieusement : comme sa voisine aujourd’hui, elle a mis en demeure Facebook pour cette pratique qui vise aussi bien les utilisateurs du site... que ceux qui n’y sont même pas inscrits.

La commission de la protection de la vie privée s’appuie alors sur un rapport détaillé [PDF], publié en juin 2015. Les auteurs y tracent les traceurs. Ils suivent en particulier le comportement d’un petit fichier texte, un « cookie », installé par Facebook sur le disque dur de l’internaute.

Intitulé « datr », il est sauvegardé dès qu’un internaute passe sur une page du réseau social. Pas besoin d’être inscrit : il suffit d’atterrir sur la page d’une marque, un événement partagé par e-mail, ou même, parfois, sur un site qui n’a rien à voir avec Facebook, mais qui contient l’un de ses boutons (comme MySpace, ou MTV, détaille le rapport).

A partir de là, l’internaute est enchaîné au réseau social pour deux ans. Dès qu’il passera sur un site qui comporte un bouton « j’aime », « je partage » ou autres, l’information contenue dans le fichier « datr » sera systématiquement balancée aux serveurs de Facebook. C’est ainsi que fonctionnent les cookies. Mais la plupart des internautes, eux, n’en savent rien.

Amende de 250 000 euros par jour

C’est pour cette raison qu’en novembre 2015, la justice belge a condamné Facebook à verser 250 000 euros par jour [PDF], jusqu’à ce que le site rentre dans les clous. Contactés, ni le site, ni la commission belge ne nous ont pour le moment répondu sur le montant de l’amende effectivement versée à ce jour.

En revanche, le réseau social indique avoir ajouté depuis peu une bannière sur son site, afin d’avertir les personnes non inscrites de ces pratiques de suivi.

Il répète également l’argumentaire déployé au moment de l’affaire belge : à savoir que ce suivi ne se fait pas à des fins publicitaires et ne permet pas d’identifier les personnes derrière l’écran, mais uniquement leur navigateur (Chrome, Safari, Firefox, Internet Explorer...). Facebook insiste aussi sur la fonction sécuritaire d’une telle fonction, renvoyant notamment aux explications de son responsable de la sécurité Alex Stamos :

« Par exemple, si le cookie datr montre qu’un navigateur a visité des centaines de sites dans les cinq dernières minutes, alors cela semble indiquer que nous avons affaire à un service contrôlé par ordinateur (un bot). A l’inverse, un usage constant de plusieurs jours indique que le navigateur doit pouvoir accéder normalement à Facebook. »

« Nous ne pouvons plus nous protéger contre les acteurs malveillants »

A l’époque, ces arguments n’avaient pas convaincu la justice belge. Le réseau social, toujours via la voix de Stamos, expliquait alors devoir prendre davantage de précautions avec les utilisateurs du pays :

« Jusque là, tout le monde pouvait voir les pages Facebook des petites entreprises, des équipes de sport, des célébrités et des attractions touristiques sans avoir à se connecter – généralement en les trouvant dans des moteurs de recherche. Maintenant que nous ne pouvons plus utiliser le cookie datr pour nous protéger contre les acteurs malveillants, nous devrons restreindre l’accès aux pages et autres contenus pour les personnes en Belgique sans comptes Facebook. »

Véritable protection ou mesure de rétorsion ? Comme dans le cas de l’erreur 53 d’Apple, se pose la question du prix de la sécurité pour protéger nos données. Ces sociétés ne pouvaient-elles pas mieux informer leurs utilisateurs sur leurs pratiques ? N’avaient-elles pas d’autres options pour protéger leur vie privée sans les rendre aussi captifs ?

 

 

 

 

Source : http://rue89.nouvelobs.com

 

 

 

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9 février 2016 2 09 /02 /février /2016 17:55

 

Source : http://www.marianne.net

 

 

Polémique
RSA contre "bénévolat" : Sarkozy en rêvait, le Haut-Rhin l'a fait !

Le conseil départemental du Haut-Rhin a décidé d'obliger les bénéficiaires du RSA à effectuer 7 heures hebdomadaires de travail. Une idée portée depuis des années par une partie de la droite en guerre contre "l'assistanat", Laurent Wauquiez et Nicolas Sarkozy en tête.
 
Le département du Haut-Rhin compte environ 20.000 foyers bénéficiaires du RSA - Capture d'écran www.atd-quartmonde.fr
 

En voilà une idée qu'elle est bonne, a dû s'exclamer l'état-major de Les Républicains ! Le conseil départemental du Haut-Rhin, dirigé par la droite, a voté ce vendredi 5 février une mesure inédite en France : dans ce département alsacien, le versement du revenu de solidarité active (RSA) sera désormais conditionné à l’exécution de sept heures de "bénévolat" hebdomadaires. Le principe n'a pas tardé à faire réagir sur les réseaux sociaux, où nombreux ont été ceux à tiquer sur l'utilisation du terme "bénévolat" :  

 

Toute la presse répète stupidement le terme de bénévolat pour le versement du RSA dans le Haut Rhin. Tas de cons.

 

Pour toucher le RSA dans le Haut-Rhin, il faudra faire des heures de bénévolat .Donc ce n'est plus le RSA mais un petit boulot ?

 
 

En fait de bénévolat, le terme de "travail gratuit obligatoire" semble en effet mieux coller à la réalité du dispositif. Car le concept est clair : pas de bras, pas de RSA ! Pour "mériter" la solidarité nationale, les bénéficiaires haut-rhinois du revenu minimum (à savoir 524,16 euros pour une personne seule sans enfant) devront donc donner ces sept heures par semaine à une collectivité, un établissement public, une maison de retraite ou une association. Sans l'attestation trimestrielle de ces heures, ils se verront couper les vivres.

"Il s’agit d'initier un cercle vertueux et de faire passer les allocataires du statut d’usager à celui de bénévole actif et reconnu", défend Eric Straumann, président LR du conseil départemental du Haut-Rhin, et député. Lequel assure qu'"il ne s'agit surtout pas de stigmatiser les bénéficiaires". Au contraire, le député estime le "dispositif injustement perçu comme une forme d’assistanat par nos concitoyens". Ce serait donc pour changer leur regard qu'il reprend la proposition exprimée à droite par ceux qui n'hésitent pas à dénoncer le "cancer de l'assistanat".

Si le Haut-Rhin a pu voter ce durcissement des règles, c'est que le versement du RSA relève des départements, via la CAF. Et Eric Straumann prévient : "Si le préfet attaque cette décision devant le tribunal administratif, on verra bien. Mais je déposerai une QPC" (question prioritaire de constitutionnalité).

 

[Edit 8 février] En marge d'un déplacement à La-Plaine-Saint-Denis ce lundi, Marisol Touraine a assuré que cette décision n'était "pas possible" : "Le droit est défini nationalement et il n'est pas possible de conditionner le versement du RSA à l'exercice du bénévolat ou de telle activité." Elle a par ailleurs ironisé : "Si le département du Haut-Rhin pense être capable de trouver sept heures de bénévolat par semaine pour les 20.000 personnes bénéficiaires, peut-être peut-il leur trouver une activité rémunérée."

 

 

 

Source : http://www.marianne.net

 

 

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9 février 2016 2 09 /02 /février /2016 16:30

 

Source : https://www.mediapart.fr

 

 

Pour la République, un «ex» n'a pas de prix
8 février 2016 | Par Mathilde Mathieu
 
 
 

Mediapart publie le détail des moyens alloués aux anciens présidents pour 6,2 millions d’euros par an. D’après nos informations, un rapport confidentiel recommande à François Hollande de revoir ce régime de faveur pour les prochains sortants. Nous révélons aussi que les anciens premiers ministres ont coûté, de leur côté, plus de 3 millions d’euros à l’État entre 2011 et 2014.

Avant de sortir la calculette et d’évaluer la masse d’argent public bazardé, quelques détails suffisent à démontrer le gâchis. Est-il normal que Matignon ait dépensé 89 000 euros en 2014 pour renouveler les berlines de François Fillon, Édouard Balladur et Michel Rocard ? Que la République rémunère sans relâche une collaboratrice d’Édith Cresson (35 000 euros par an) ? Que le contribuable paye le chauffeur de Dominique de Villepin alors que celui-ci voyage aux quatre coins du monde pour son business (40 000 euros en 2014) ? Que l’État fournisse vingt-six lignes de téléphone portable à Nicolas Sarkozy et son cabinet, bien qu’il préside un parti d’opposition ? Que Valéry Giscard d’Estaing, un tiers de siècle après avoir quitté l’Élysée à pied, n’assume toujours pas son carburant (5 000 euros annuels) ? Additionnés, ces chiffres inédits donnent le tournis. 

 

Les trois anciens présidents coûtent environ 6,2 millions d'euros chaque année à l'Etat © Reuters Les trois anciens présidents coûtent environ 6,2 millions d'euros chaque année à l'Etat © Reuters

 

Grâce aux travaux du député René Dosière (PS), les citoyens savaient déjà que Valéry Giscard d’Estaing coûtait environ 2,5 millions d’euros par an à l’État français, Nicolas Sarkozy 2,2 millions, Jacques Chirac 1,5 million. Il est ainsi loisible d'affirmer que la mise sous perfusion des anciens présidents a mobilisé des dizaines et des dizaines de millions d’euros d’argent public depuis les années 1980. Accablant.

Aujourd'hui, Mediapart dévoile la nature exacte de leurs frais sur les années 2011 à 2014, bénéficiaire par bénéficiaire. Car non seulement les trois « ex » touchent environ 6 000 euros par mois d’allocation (à laquelle s’ajoutent 12 000 euros du Conseil constitutionnel pour VGE), mais ils sont littéralement « entretenus » par la République, qui paye timbres, conseillers ou blanchisserie.

En actionnant le droit d’accès aux documents administratifs (garanti à tous les citoyens par une loi de 1978), Mediapart a obtenu les données du secrétariat général du gouvernement, ce service de Matignon qui gère les moyens dévolus par la République à tous ses « ex » – à l’exception des salaires de certains fonctionnaires mis à disposition par les ministères de l’intérieur ou de la défense. Alors que nous avions demandé ces pièces dès janvier 2015, il aura fallu attendre qu’une commission indépendante (la Cada) nous donne raison pour que les services de Matignon s’exécutent, un an plus tard. Dans d’autres démocraties, ces chiffres feraient l’objet d’un rapport annuel.

Au nom de la transparence, nous publions ainsi le détail des crédits engagés par l’État, ligne par ligne, afin que les citoyens puissent s’y plonger, depuis la location des bureaux (276 683 euros pour VGE contre 226 290 pour Sarkozy en 2014) jusqu’à l’achat de journaux (10 571 euros pour VGE contre zéro pour Sarkozy), en passant par les rémunérations de certains personnels, et même la liste des tableaux fournis par le Mobilier national (Sarkozy a emprunté une seule œuvre contre dix-neuf pour Chirac, dont une estampe de Poliakoff et une gravure de Max Ernst).

 

 

Nous révélons également le montant des dépenses liées aux anciens premiers ministres, moins lourdes, mais qui ont tout de même dépassé 2,9 millions d’euros entre 2011 et 2014 (hors leurs frais de sécurité difficilement discutables), et 860 000 euros rien qu’en 2014.

Tous les ex-locataires de Matignon ont en effet droit à une voiture (avec essence), un chauffeur et un assistant, que la plupart utilisent bien qu’ils aient repris un mandat électif ou une activité privée (voire les deux, à l’image de Jean-Pierre Raffarin et François Fillon). Seul Laurent Fabius, jusqu’à son retour au gouvernement en 2012, semblait se passer de chauffeur comme de collaborateur – tout en usant de « sa » voiture, acquise pour 39 000 euros en 2006. Économe ? N’oublions pas qu’il a aussi bénéficié plusieurs années durant des moyens matériels mis à sa disposition par l’Assemblée nationale, en tant qu’ancien patron du Palais-Bourbon…

 

 

 

On découvre ici que Matignon a encore déboursé 102 000 euros en 2014 pour rémunérer le personnel affecté à Alain Juppé (maire de Bordeaux désormais candidat à la primaire des Républicains), 97 000 pour Dominique de Villepin (dont la société réalisait cette année-là 1,8 millions d’euros de chiffre d’affaires), 89 000 euros pour Jean-Pierre Raffarin (sénateur avec toutes les indemnités afférentes), 82 000 euros pour Lionel Jospin (retraité jusqu’à sa nomination au Conseil constitutionnel en 2015), 79 000 euros pour Michel Rocard (ambassadeur « chargé de la négociation internationale pour les pôles Arctique et Antarctique »), 75 000 euros pour Jean-Marc Ayrault (député), 66 000 euros pour François Fillon (député aujourd’hui candidat à la primaire), 45 000 euros pour Édouard Balladur (retraité) et 33 000 euros pour Édith Cresson (retraitée). Il est permis de douter que ce bataillon d’assistants serve exclusivement à traiter des courriers d’admirateurs.

 

Anciens premiers ministres :
leurs dépenses en chauffeurs et assistants, de 2011 à 2014 (en euros)
 
Jean-Marc AyraultEdith CressonFrançois FillonDominique de VillepinAlain JuppéLionel JospinJean-Pierre RaffarinEdouard BalladurMichel Rocard050,000100,000150,000200,000250,000300,000
2014. Conducteur
2014. Assistants
2013. Conducteur
2013. Assistants
2012. Conducteur
2012. Assistants
2011. Conducteur
2011. Assistants
 
 

À ce stade, seul un débat sur les moyens des anciens présidents s’est engagé. Dès la fin 2014, à propos de Nicolas Sarkozy, plusieurs députés PS ont dénoncé une « utilisation à des fins personnelles » et un conflit d'intérêts en ces termes : « Au nom de quoi le contribuable français doit-il être le complice du retour caricatural du chef [Sarkozy] ? » De son côté, François Hollande a commandé un rapport sur le sujet à deux des plus hautes figures de l’État, Didier Migaud et Jean-Marc Sauvé, respectivement premier président de la Cour des comptes et vice-président du conseil d’État, qui ont rendu leurs conclusions il y a déjà des mois, gardées sous clef depuis dans un tiroir de l’Élysée.

 

Le 13 janvier dernier, lors de ses vœux aux corps constitués, François Hollande a évoqué l’existence de ce rapport pour la première fois, d’une petite phrase, promettant soudain de le rendre public « dans les prochains jours ». Trois semaines ont passé depuis. Sollicité, le « château » n’a pas répondu à nos questions, mais des annonces pourraient être dans les tuyaux.

Nous avons pu reconstituer le sens des propositions formulées dans ce rapport, qui porterait sur les prochains sortants de l'Élysée. Que suggère-t-il ? À la fois de rehausser l’allocation de 6 000 euros, d’imposer une réfaction en cas de reprise d’activités, et une dégressivité dans le temps des moyens matériels.

Pour travailler, Didier Migaud et Jean-Marc Sauvé sont d’abord partis du principe que les futurs « ex » ne siégeraient pas au Conseil constitutionnel. Le projet de loi de 2013, qui prévoyait de modifier en ce sens la Constitution, est certes coincé à l’Assemblée nationale (faute de majorité pour le voter), mais François Hollande s’est personnellement engagé à ne jamais endosser le rôle de « Sage ». Côté « rémunération », une fois l’indemnité du Conseil constitutionnel oubliée, resteraient donc 6 000 euros mensuels.

Après avoir examiné la situation dans les autres grandes démocraties, Didier Migaud et Jean-Marc Sauvé ont estimé que ce montant, fixé par une loi du 3 avril 1955 et correspondant au traitement d’un simple conseiller d’État hors primes, pouvait être insuffisant. Ils proposent donc de le réviser. Rappelons tout de même que François Hollande, le jour où il liquidera l’ensemble de ses droits de retraite (d’ancien haut fonctionnaire, d’ancien élu local, d’ancien parlementaire, etc.), cumulera déjà 10 000 euros net de pensions diverses. Les auteurs du rapport recommandent surtout une diminution en cas de reprise d’activités (façon Tony Blair ou Gerhard Schröder).

S’agissant des moyens matériels pris en charge par la République, ils préconisent, d’après nos informations, d’appliquer un principe de dégressivité au bout d’un certain nombre d’années. Au passage, il s’agirait surtout de donner une véritable base juridique à ce régime, car il ne tient pour l’instant qu’à un fil, plus précisément un courrier adressé en 1985 à VGE par Laurent Fabius (alors à Matignon), sur simple demande de François Mitterrand. Tant d’argent public à cause d’un courrier.

 

Boîte noire : Mediapart a reçu l’ensemble des documents sur les moyens alloués aux anciens présidents et premiers ministres le 6 février, adressés par le secrétariat général du gouvernement.

Nous avions demandé communication de toutes ces pièces en janvier 2015, sur la base de la loi de 1978 qui garantit à tout citoyen l’accès aux documents reçus et produits par les administrations – à quelques exceptions près liées au secret défense par exemple, au secret en matière industrielle et commerciale, ou à la vie privée.

Sans réponse de Matignon dans un premier temps, nous avons saisi la Cada (la Commission d’accès aux documents administratifs) pour faire respecter la loi. Elle a rendu un avis favorable à Mediapart le 22 octobre 2015 (à condition que certaines informations soient anonymisées), décision finalement communiquée à la rédaction le 31 décembre 2015. Nous nous sommes donc retournés vers Matignon, qui a ensuite transmis rapidement ces documents. Un long cheminement, tout de même, pour faire respecter le droit de savoir.

 

 

 

Source : https://www.mediapart.fr

 

 

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7 février 2016 7 07 /02 /février /2016 19:52

 

Source : http://rue89.nouvelobs.com

 

 

Des briques
Erreur 53 : quand Apple bousille volontairement vos téléphones

 

 

Au nom de la sécurité de ses clients, la marque américaine déclenche une erreur qui paralyse les derniers iPhone, si une réparation extérieure est détectée. Vrai service ou atteinte aux consommateurs ?

 
 

C’est la capsule de cyanure des iPhone. Ce qui les rend complètement inutilisables, à l’insu de leurs propriétaires. Le tout sur simple décision d’Apple, des mois parfois après leur acquisition.

 

Ok ok donc askip mon iphone a une erreur 53 ça veut dire que rien qu'en faisait la maj mon bouton home c'est bloque tt seul ouai ouai ouai

 

Ce poison, intitulé « erreur 53 », fait frémir des consommateurs du monde entier depuis des semaines – une simple recherche sur Twitter ou les forums spécialisés permet de s’en assurer. Jusque là néanmoins, seules les victimes de ce sabotage intentionnel et les amateurs de bidouilles high-tech étaient au courant.

En révélant l’histoire ce 5 février, le journal britannique The Guardian a inquiété des millions de possesseurs du dernier téléphone d’Apple, l’iPhone 6 – qui s’est vendu comme des petits pains : 10 millions d’exemplaires rien que les trois premiers jours de sa sortie.

Quand le téléphone se transforme en brique

Dans la majorité des cas, la mésaventure débute après une mise à jour. L’installation, sur le dernier-né de la gamme d’iPhone, de la version récente du système d’exploitation de la marque : iOS 9. S’en suit la réception du message fatal : « error 53 ».

Impossible alors d’utiliser le téléphone. Sur les forums d’experts, l’appareil est dit « bricked » : aussi utile qu’une brique pour appeler, envoyer des messages ou aller sur Internet. Bref, un poids mort.

 

Erreur 53

Erreur 53 - Capture iCracked
 

A en croire le Guardian, qui a collecté de nombreux témoignages, la paralysie intervient avant tout sur des téléphones dont le bouton principal (en bas au centre de l’appareil) a été réparé dans une boutique non agréée par Apple. Y compris des mois après avoir été tripatouillé, le téléphone s’arrête net une fois iOS 9 installé. Témoignage d’Antonio Olmos, un photographe s’avouant « Apple addict », sur le site du journal britannique :

« J’étais dans les Balkans pour suivre la crise des réfugiés en septembre, quand j’ai fait tomber mon portable. J’en avais vraiment besoin pour le boulot donc je l’ai fait réparer par une boutique locale, vu qu’il n’y a pas d’Apple Store en Macédoine. Ils ont réparé l’écran et le bouton principal, et ça marchait très bien. »

Jusqu’à la mise à jour logicielle. Et l’erreur 53.

 

« Raisons de sécurité »

Peu loquace sur ce problème (comme souvent), Apple a été obligé de sortir du bois après les révélations du Guardian. La firme ne nie pas être à l’origine de cette panne volontaire, et affirme même l’activer pour des raisons de sécurité.

 

Pommes empoisonnées

Pommes empoisonnées - torange.us/CC
 

La faute au système d’identification des empreintes (fonction « touch ID ») qui est associé, depuis l’iPhone 5S, au bouton principal des iPhone. Plus besoin de code secret pour déverrouiller les appareils récents : il suffit d’apposer son pouce, et laisser le bouton vous identifier.

Critiquée pour sa capacité à ficher les empreintes de millions de personnes, la fonctionnalité a également été très vite piratée. Du coup, Apple joue la carte de la sécurité dans sa réponse officielle au Guardian :

« Nous protégeons les empreintes digitales par une enclave sécurisée, qui est couplée avec un unique capteur touch ID. Quand un fournisseur Apple autorisé, ou un magasin de la marque est chargé d’effectuer des modifications sur ce capteur touche ID, le couplage est une nouvelle fois validé.

Sans cette combinaison unique, un capteur malveillant pourrait être placé et avoir ainsi accès à l’enclave sécurisée. Quand iOS détecte l’échec du couplage, touchID, y compris pour Apple Pay, est désactivé afin que l’appareil demeure sûr. »

 

Atteinte aux droits des consommateurs ?

A en croire les victimes pourtant (ici un rédacteur de The DailyDot, là un blogueur de d’iCracked), les conséquences sont autrement plus simples. Et radicales : l’appareil demeure bloqué et la seule solution préconisée est... d’en racheter un ! Or difficile de trouver un iPhone neuf en dessous de 600 euros. Quant à l’occasion, comment savoir si des revendeurs autres qu’Apple ont retouché l’appareil dans sa vie antérieure ?

La facture est donc très salée pour un produit déjà onéreux. Apple, très critiquée pour sa propension à enfermer sa clientèle dans un univers cher et limité (passage obligatoire sur iTunes, chargeurs spécifiques, voire obligation de télécharger le dernier U2 ! ), se voit une nouvelle fois taclé. Le Guardian s’interroge carrément : ne s’agit-il pas ici d’une pratique anti-concurrentielle ?

Le journal brandit l’exemple des équipementiers automobiles qui n’ont pas le droit, au Royaume-Uni, de forcer leurs clients à faire réparer leurs véhicules chez eux. En France, si l’Autorité de la concurrence s’est penchée sur le sujet en 2012, en appelant à une ouverture du marché de la réparation, la situation est loin d’être aussi claire.

Néanmoins, des règles existent, ici et en Europe, pour empêcher les marques de garder un contrôle absolu sur leurs produits après achat. Le principe de vente liée, notamment, interdit de forcer un client à acheter un produit avec un autre produit ou service, pour peu que la pratique soit considérée comme déloyale. Le cas de l’erreur 53, qui force à aller quérir les services de réparation d’Apple, peut-il entrer dans cette catégorie ?

On attend avec impatience l’éclairage de la DGCCRF, ainsi que des conseillers juridiques spécialisés dans le droit de la concurrence, contactés pour l’occasion - pour le moment, sans succès.

 

 

 

Source : http://rue89.nouvelobs.com

 

 

 

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5 février 2016 5 05 /02 /février /2016 18:40

 

Source : http://www.bastamag.net

 

 

Scandale sanitaire

Pourquoi le ministère de l’Agriculture continue-t-il d’entraver les alternatives aux pesticides ?

par , Sophie Chapelle

 

 

L’enquête de Cash Investigation diffusée le 2 février rappelle un scandale sanitaire toujours à l’œuvre : les pesticides cancérigènes, mutagènes ou reprotoxiques qui sont déversés par milliers de tonnes chaque année, dans tous les départements. Qu’en est-il des alternatives à ces molécules chimiques de synthèse ? La loi d’avenir agricole de juillet 2014 devait favoriser la commercialisation des préparations naturelles comme le vinaigre blanc, le sucre ou l’argile. Or, le décret permettant leur mise sur le marché traîne au milieu des piles de dossiers du ministère... À ce jour, pulvériser sur ses cultures une tisane de plantes reste passible de poursuites. Quant à l’agriculture bio, sans pesticides, elle n’est pas suffisamment soutenue.

La France reste le premier consommateur de pesticides en Europe et le troisième au niveau mondial. Selon les informations recueillies par les équipes de Cash Investigation et de francetv info, près de 100 000 tonnes de pesticides très toxiques sont épandus en France dans les champs, les vignes ou les vergers. Sur la base de données confidentielles provenant du ministère de l’Écologie, Cash Investigation a identifié 71 substances jugées « dangereuses » ou « potentiellement dangereuses » par différents organismes [1]. C’est en Gironde, dans la Marne et en Loire-Atlantique qu’est épandue la plus grande quantité de pesticides (en noir sur la carte) [2] :

 

JPEG - 83.9 ko
© Cash Investigation - France 2 - Premières Lignes

 

Qu’entend t-on exactement par « substances dangereuses » ? La carte ci-dessus recense les pesticides qualifiés de « CMR » (cancérogène, mutagène, reprotoxique) ou contenant des perturbateurs endocriniens (un poison qui attaque les hormones). Ces molécules peuvent entrainer un cancer, des mutations génétiques, des possibilités de stérilité, voire plusieurs de ces effets à la fois. Contrairement aux autres toxiques, ce n’est pas la dose qui fait le poison, mais plutôt le moment. Ainsi, l’exposition des fœtus aux perturbateurs endocriniens présente le plus grand risque, car l’organisme est en pleine formation. Les effets d’une exposition in utero peuvent se voir à la naissance, avec par exemple des malformations génitales, mais aussi des années plus tard avec l’apparition de cancers, de diabètes, de problèmes d’obésité ou d’infertilité.

Des pesticides dans les cours d’école

Ces effets néfastes sont désormais très documentés, mais la bataille pour établir le lien entre les pesticides et leurs conséquences sanitaires est loin d’être gagnée. Les agriculteurs malades qui osent désormais briser l’omerta, et tentent de faire reconnaître leurs cancers comme maladies professionnelles sont confrontés à de véritables parcours du combattant. Idem pour les ouvriers agricoles malades et leurs familles contaminées. Les professionnels de l’agriculture ne sont pas les seules victimes des pesticides qu’ils épandent. On estime que 40 à 60% des produits pulvérisés n’atteignent pas le sol, et restent en suspension dans l’air... Ainsi, dans les communes viticoles, particulièrement consommatrices de produits phytosanitaires, l’atmosphère est souvent chargée en chimie, et pas seulement dans les champs [3].

Il arrive ainsi que des vignes soient plantées au pied des écoles, ce qui inquiète certains parents d’élèves et élus. Dans la commune viticole de Preignac, en Gironde, quatre enfants ont été atteints d’un cancer entre 1990 et 2012, soit cinq fois plus que la moyenne nationale qui se devrait se situer – vu le nombre d’enfants sur la commune – à un seul cancer infantile. Le maire a tiré la sonnette d’alarme, et réclamé une enquête, en plus d’intervenir auprès des viticulteurs pour qu’ils cessent de traiter pendant les heures de récréation (!). Réponse de l’Institut national de veille sanitaire qui s’est penché sur ces cas : la contribution des pesticides « ne peut être exclue »... (lire notre article).

Comment évaluer des « substances dangereuses » ?

Derrière la prudence des institutions publiques, se cachent parfois des conflits d’intérêts, notamment au niveau européen, et plus particulièrement au sein de l’Autorité européenne de sécurité des aliments (Efsa). Près de 60 % des experts de l’Efsa sont en situation de conflits d’intérêts selon l’ONG Corporate Europe Observatory et la journaliste Stéphane Horel (lire notre article). Or, les avis de l’Efsa sont censés éclairer la Commission européenne, qui décide, ou non, d’autoriser des substances. L’Efsa a fait beaucoup parler d’elle en novembre dernier, en émettant de sérieux doutes sur la toxicité cancérigène du glyphosate, ingrédient principal du désherbant roundup. Six mois plus tôt, le Centre international de recherche sur le cancer (Circ) ajoutait pourtant le roundup dans sa liste des substances « cancérogènes probables ». Pourquoi une telle divergence ? L’agence européenne n’a tout simplement pas pris en compte les études concernant les effets cumulés du glyphosate avec d’autres substances, ce qui est le cas dans le Round Up et lui donne son caractère toxique.

En France, le ministère de l’Agriculture a décidé de confier en 2014 l’évaluation et l’autorisation des pesticides à un seul et même organisme, l’Agence nationale chargée de la sécurité sanitaire de l’alimentation, de l’environnement et du travail (Anses). Avant, l’Anses se contentait d’évaluer des produits que le ministère de l’Agriculture décidait ou non d’autoriser. Cette responsabilité revient maintenant aux experts, pas toujours à l’abri des conflits d’intérêts.

L’agriculture bio insuffisamment soutenue

Pour fuir le tout chimique, de plus en plus de consommateurs se tournent vers les produits issus de l’agriculture biologique. Le marché augmente en France de 10% par an. De nombreux agriculteurs souhaitent se convertir à ces modes de production. Mais la surface agricole utile cultivée sans phytos reste très faible en France (moins de 5%). « Les aides aux changements de pratiques, et en particulier à la conversion à l’agriculture biologique, sont aujourd’hui insuffisantes pour accompagner tous ceux qui veulent franchir le pas », estiment la Fédération nationale de l’agriculture biologique (Fnab) et Greenpeace, dans un communiqué faisant suite au documentaire de Cash Investigation. « Les sommes allouées sur la période 2015-2020 pour la conversion par l’État et les régions seront dès cette année insuffisantes. Ainsi certaines enveloppes vont être consommées en deux ans alors qu’elles étaient prévues pour cinq ans. Par ailleurs, les aides dites de « maintien », qui rémunèrent le service environnemental rendu par les agriculteurs bio pour la dépollution des sols, de l’air et de l’eau, sont dans certains cas menacées de suppression ! »

Autre terrain de lutte : l’obtention du droit d’utiliser des préparations naturelles dites « peu préoccupantes », type purin d’ortie ou vinaigre blanc. « On peut boire une tisane de plantes, mais la pulvériser sur ses cultures est passible de poursuites », nous confiaient des militants lors d’un épandage d’une décoction de prêle sur des vergers (lire notre reportage). Impossible pour les professionnels d’utiliser officiellement le vinaigre blanc alors qu’il peut servir de répulsif contre les insectes, ou le sucre qui permettrait pourtant de réduire de moitié la dose de cuivre selon des arboriculteurs... « Les paysans n’ont pas le droit d’utiliser ce type de produits, même chez eux », expliquait Jean-François Lyphout qui préside une association défendant l’utilisation de ces préparations naturelles dites « peu préoccupantes » (Aspro-PNPP). « Selon la réglementation en vigueur, si l’agriculteur passe ces produits sur sa production, celle-ci peut être saisie et les produits peuvent être retirés de la vente » (Voir nos précédents articles).

Un décret sous pression des lobbies chimiques ?

Il a fallu une intense pression citoyenne pour obtenir des députés et sénateurs la possibilité de développer ces alternatives aux pesticides de synthèse. En juillet 2014, un pas législatif a été franchi avec l’adoption de la loi d’avenir agricole qui reconnaît un régime simplifié pour l’utilisation et la commercialisation des PNPP, comme le purin d’ortie, de prêle mais aussi l’argile ou le vinaigre blanc (lire notre article). Suite à cette loi, les préparations naturelles ne devaient plus être soumises aux mêmes règles que les substances chimiques de synthèse pour être mises sur le marché. L’homologation se révélait jusque-là non seulement coûteuse – 40 000 euros en moyenne pour le dépôt d’un dossier – mais aussi très chronophage – plusieurs années pour obtenir l’homologation. Cette simplification est demeurée virtuelle...

Car un an et demi plus tard, le ministère de l’Agriculture n’a toujours pas publié le décret qui doit dresser la liste des produits naturels entrant dans la catégorie « biostimulants ». La direction générale de l’alimentation en charge du dossier n’a, pour l’heure, pas donné suite aux sollicitations de Basta ! pour expliquer ce délai. Selon une source, ce projet serait actuellement expertisé par le service des affaires juridiques du ministère... « Ils ne cessent de repousser la publication du décret mais on ne va pas les lâcher », confie le sénateur écologiste Joël Labbé qui a obtenu l’interdiction de l’usage des pesticides par les collectivités locales. « On soupçonne le lobbying des firmes de vouloir éviter que ces produits naturels ne viennent concurrencer leurs produits chimiques sur le marché. » « Tant que le décret n’est pas publié, la pulvérisation sur les cultures d’une tisane de plantes reste passible de poursuites », complète Jean-François Lyphout de l’Aspro-Pnpp.

Continuer à se battre

Ce manque de volonté politique s’est récemment traduit par le refus des sénateurs d’interdire l’utilisation des néonicotinoïdes, famille d’insecticides agissant sur le système nerveux central des insectes, lors de l’examen de la loi sur la biodiversité le 22 janvier. Sur le terrain, la mobilisation ne faiblit pas, à l’image de ces riverains corréziens reconnus « victimes des pesticides » par le tribunal correctionnel de Brive après quatre ans de procédures (voir ici). Ou la détermination de Paul François, céréalier en Charente, contre le géant Monsanto (voir là). Les plaintes au pénal se multiplient : une salariée agricole du Limousin dénonce le non respect des règles de sécurité liées à l’usage des pesticides, et la famille d’un viticulteur porte plainte contre X pour « homicide involontaire, omission de porter secours, abstention délictueuse et délit de tromperie ».

Face aux blocages administratifs, des villes comme Paris prennent également les devants. Pour réduire l’exposition aux pesticides des jardiniers, deux adjoints d’Anne Hidalgo ont demandé à la Commission européenne d’autoriser l’usage du vinaigre blanc pour désinfecter les outils horticoles. Un règlement européen a fini par être publié, permettant l’usage du vinaigre blanc depuis juillet 2015 comme fongicide et bactéricide... Sans que la Ville de Paris ne précise combien la demande d’homologation avait coûté. Le recours pour les professionnels à des préparations naturelles dites peu préoccupantes continue donc de relever du parcours du combattant. Seule consolation en attendant la publication du décret : vous pouvez continuer à assaisonner en toute légalité votre salade avec de l’huile et du vinaigre...

@Sophie_Chapelle et @Nolwenn Weiler

 

Pour aller plus loin :
- Pesticides : le changement, c’est pour quand ?
- Pourquoi tous les gouvernements échouent à réduire la présence des pesticides
- « Face à l’industrie chimique, tout le monde est tétanisé » : notre entretien avec le journaliste Fabrice Nicolino sur son livre Un empoisonnement universel
- « À Bruxelles, la vie des personnes est moins prioritaire que la bonne santé de l’industrie chimique » : notre entretien avec la journaliste Stéphane Horel sur son livre Intoxications

Photo de Une : CC Pascal Ruyskart

Notes

[1L’Environmental Protection Agency aux États-Unis notamment, la base de données gérée par la Commission européenne ou le Centre international de recherche sur le cancer dépendant de l’Organisation mondiale de la Santé.

[2Entre 2008 et 2013. Si vous souhaitez connaître le détail des cinq pesticides dangereux les plus vendus près de chez vous, leur mode d’utilisation et les risques qu’ils comportent, cliquez sur la carte.

[3La vigne ne représente que 3,7% de la surface agricole utile mais consomme près de 20% (en masse) des pesticides pulvérisés chaque année en France.

 

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Source : http://www.bastamag.net

 

 

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5 février 2016 5 05 /02 /février /2016 18:27

 

Source : https://www.mediapart.fr

 

 

«Les Cartels du lait»: Le Foll, ministre sous influence
5 février 2016 | Par La rédaction de Mediapart

 

 

En juillet dernier, le ministre de l’agriculture a cédé au lobby agroalimentaire en faisant pression sur sa collègue de la santé Marisol Touraine contre le projet d’étiquetage nutritionnel préconisé par ses services. Un livre Les Cartels du lait dévoile les courriers et les notes internes des lobbyistes de l’industrie.

Qui a donc tenu la main du ministre de l’agriculture Stéphane Le Foll ? Un membre de son cabinet ? Un directeur de l’administration centrale chargé de l’agroalimentaire ? Ou encore quelqu’un d’autre ? Le 8 juillet 2015, Stéphane Le Foll décide de s’opposer par écrit au projet d’étiquetage nutritionnel que sa collègue et ministre de la santé Marisol Touraine défend depuis plus d’un an. Une étiquette faite d’une gamme de cinq couleurs, qui pourrait classer en rouge les produits à plus faible valeur nutritionnelle. Stéphane Le Foll, qui n’a aucune responsabilité ni compétence en matière de santé publique, rejoint ainsi la stratégie d’une puissante organisation professionnelle qui s’oppose pied à pied aux projets de prévention nutritionnelle de la ministre de la santé : l’Ania (Association nationale des industries alimentaires).

 

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Dans leur livre Les Cartels du lait (éditions Don Quichotte), paru en librairie le 4 février, les journalistes Elsa Casalegno (France Agricole), Karl Laske (Mediapart) et Nicolas Cori (Les Jours) dévoilent les courriers et les notes internes des lobbyistes de l’industrie qui ont forcé la main du ministre.

 

Basée boulevard Malesherbes à Paris, l’Ania réunit les patrons des plus importants groupes laitiers de l’Hexagone : Antoine Fiévet, PDG du groupe Bel, Olivier Delamea, directeur général de Danone produits frais, Michel Nalet, directeur des relations extérieures du groupe Lactalis, Jean-Paul Torris, directeur général délégué de Savencia (ex-Bongrain), Richard Girardot, PDG de Nestlé France, et Frédéric Rostand, directeur général du géant coopératif Sodiaal. De 2004 à 2013, l’Ania a eu à sa tête l’ancien DGRH de Danone, Jean-René Buisson, connu comme le « porte-flingue » de la famille Riboud. Chargé de la fermeture des usines du groupe – Kanterbräu, Kronenbourg, Lu… – ce dirigeant musclé se souvenait d’avoir appris « à mener une compagnie de CRS au talkie-walkie », tandis que des salariés écrasaient symboliquement des buissons avec des camions devant les usines. En 2013, Buisson a été remplacé par un patron de PME, fabricant d’ingrédients pour la meunerie et la boulangerie, Jean-Philippe Girard. Mais la ligne de l’Ania est restée la même : inflexible.

Dans une synthèse du mois de septembre, l’Ania se fixe plusieurs objectifs : « Pas d’interdiction de la publicité enfants. Pas d’interdiction des promotions. Pas d’élargissement de l’interdiction des distributeurs automatiques (hôpitaux, administrations…). »

 

Les objectifs de l'Ania en matière de réglementation résumés par ses lobbyistes. © DR Les objectifs de l'Ania en matière de réglementation résumés par ses lobbyistes. © DR

 

L’Ania se mobilise aussi pour influencer le Programme national de prévention nutrition santé (PNNS), en vue de « faire passer » leurs « positions aux administrations concernées » et « aux membres du comité de pilotage du PNNS » pour « obtenir des nouveaux repères et messages sanitaires non stigmatisants ».

 

Les objectifs de l'Ania en matière de publicité, résumés par son équipe de lobbyistes. © DR Les objectifs de l'Ania en matière de publicité, résumés par son équipe de lobbyistes. © DR

 

Le sujet qui fâche l’industrie reste le projet d’étiquetage nutritionnel qui va découler de la loi sur la modernisation du système de santé défendue par Marisol Touraine. L’article 5 du projet de loi vise à créer une « déclaration nutritionnelle obligatoire », « accompagnée d’une présentation », « au moyen de graphiques ou symboles sur la face avant des emballages » pour faciliter « l’information du consommateur et l’aider à choisir en toute connaissance de cause » – conformément au règlement européen UE 1169/2011 (règlement Inco) concernant l’information du consommateur sur les denrées alimentaires. Or, jusqu’à aujourd’hui la ministre de la santé retient la préconisation du professeur Serge Hercberg, épidémiologiste de la nutrition, et coordinateur, depuis 2001, des programmes de prévention nutritionnelle, qui propose d’installer un code à cinq couleurs, dit 5-C, en classant, par des pastilles allant du vert au rouge, les produits alimentaires selon leur qualité nutritionnelle – définie par une formule et un calcul établissant un score. Mais elle s’inscrit aussi dans un processus réglementaire européen qui rend obligatoire, d’ici au 13 décembre 2016, l’étiquetage nutritionnel uniformisé sur les denrées alimentaires – sans toutefois imposer de simplification ou d’orientation nutritionnelle.

 

L'étiquetage 5 Couleurs. © DR L'étiquetage 5 Couleurs. © DR

 

Cette proposition du système 5-C en France a été présentée, fin 2013, par le professeur Hercberg, dans son rapport à la ministre de la santé sur les mesures de prévention nutritionnelle à mettre en œuvre dans le cadre du futur programme national de prévention santé (PNNS). Ce classement à cinq couleurs repose sur le calcul d’un score de qualité, élaboré par la Food Standards Agency – l’autorité de sécurité alimentaire du Royaume-Uni – qui prend en compte pour 100 grammes de produit les éléments favorables (protéines, fibres, pourcentage de fruits, légumes, légumineuses et fruits oléagineux) et défavorables (calories, sucres simples, acides gras saturés, sodium) pour définir un indicateur unique de la qualité nutritionnelle de l’aliment.

« C’est une mécanique anglaise, basé sur un algorithme très compliqué, qui présente l’intérêt de pondérer tous ces nutriments en plus et en moins, explique Olivier Andrault, chargé de mission alimentation à l’UFC Que Choisir. C’est un back-office, un moteur qui a fait ses preuves sur lequel Serge Hercberg a mis une carrosserie neuve qui le rend plus simple : les cinq couleurs. On a une seule information colorée, qui peut prendre cinq couleurs différentes. Cela marche très bien. On l’a testé en février. On voit tout de suite en un coup d’œil la qualité nutritionnelle de ces produits ; et c’est probablement ce qui contrarie l’industrie agroalimentaire. »

« Opposition totale au système de score nutritionnel et de pastilles de couleurs stigmatisantes »

L’Ania se mobilise très tôt contre cette proposition, n’hésitant pas à s’allier avec son adversaire habituel, la puissante Fédération des entreprises du commerce et de la distribution (FCD). Le 25 novembre 2014, l’association des industriels organise une réunion avec la FCD pour examiner les possibilités d’actions communes. L’objet de la réunion est « très confidentiel », selon un procès-verbal établi par l’Ania. Les lobbyistes des deux camps ne veulent « pas de sortie médiatique ». Leur idée est de se saisir d’un contre-projet, celui de Carrefour, fondé sur des fréquences idéales de consommation – et contesté par les professionnels de santé.

 

Procès verbal de la réunion de concertation des industriels et de la distribution en 2014. © DR Procès verbal de la réunion de concertation des industriels et de la distribution en 2014. © DR

 

Le véhicule projet de logo élaboré par Carrefour, baptisé « À quelle fréquence », devient le véhicule de la contre-offensive. C’est un système d’étiquetage nutritionnel à quatre couleurs au lieu de cinq. « L’algorithme n’a pas été dévoilé, déplore l’expert de Que Choisir. Et Carrefour a expliqué qu’il procédait à des ajustements selon ce qu’ils appelaient “le bon sens nutritionnel”. Des fréquences de consommation – entre une, deux ou trois fois par jour – sont associées à chaque couleur. On a vu une pizza au fromage qui d’après l’étiquette pouvait être consommée 1 fois par jour… Le dessert Stracciatella "deux fois par jour", et la boîte de petits pois "trois fois par jour". Par ailleurs, les couleurs ne sont pas logiques : il y a du bleu et du mauve qui ne correspondent à rien. Et le rouge a été supprimé. » Le projet de Carrefour provoque une levée de boucliers. En octobre 2014, les sociétés savantes soulignent que « les messages d’accompagnement de type prescriptif (une fois par jour, deux fois par jour, trois fois par jour) sont indéfendables sur le plan scientifique ». « Les seuils, la forme et les messages ont été fixés sans aucune validation scientifique par des experts indépendants », relèvent-elles.

 

Le logo Le logo "A quelle fréquence" préconisé par Carrefour et soutenu par l'Ania © DR

 

Le 19 février 2015, le conseil d’administration de l’Ania fixe le cap : « Opposition totale au système de score nutritionnel et de pastilles de couleurs stigmatisantes proposé par le professeur Hercberg. » Le débat sur le projet de loi, prévu courant mars, donne lieu à d’intenses préparatifs au siège de l’Ania, qui a rédigé des amendements « pour contribuer au débat ». Dans un mail à leurs soutiens, les industriels réaffirment leur objectif : « Combattre les systèmes type score nutritionnel-pastilles de couleurs-traffic lights [appellation anglo-saxonne du système]. » Et dans ce but, « mettre tout en œuvre pour maintenir la cohésion de la filière entre nous et avec la FCD-distributeurs ».

Dans un dossier communiqué aux parlementaires amis (lire ci-dessous), l’Ania diffuse sept projets d’amendement sur papier à en-tête de l’Assemblée nationale, mais sans date, ni numéro, ni auteur. Elle obtient que le groupe UMP en présente deux en commission, le 25 mars 2015. Les amendements 197 et 198, et leur mise en perspective – présentés entre autres par les anciens ministres Bruno Le Maire, Hervé Gaymard, Dominique Bussereau, Xavier Bertrand, Éric Woerth, Valérie Pécresse… – sont la recopie à peine modifiée des modèles établis par l’Ania. L’amendement 197 vise à inscrire dans la loi « l’avis du Conseil national de l’alimentation » au moment du choix du fameux étiquetage. L’Ania et la FCD siègent dans cette instance consultative étroitement gérée par le ministère de l’agriculture aux côtés d’autres organisations socioprofessionnelles, mais elles y sont toujours très écoutées. L’amendement 198 vise à inscrire dans la loi « la promotion du modèle alimentaire français ». Ces amendements sont soutenus et rejetés à l’Assemblée le 31 mars. L’un d’eux sera repris et quand même adopté au Sénat le 14 septembre.

 

 

Après vote de la loi en première lecture, le lobbying repart à l’offensive. Il est piloté par le groupe « politiques nutritionnelles » de l’Ania, présidé par Bruno Thévenin, directeur général de PepsiCo France, chargé de la veille « tant sur les risques de taxes, de restriction de publicité ou encore de logos nutritionnels ». Les taxes… C’est le sujet qui inquiète vraiment. En effet, outre l’étiquetage nutritionnel, retenu dans son principe par la ministre de la santé et les rapporteurs du projet de loi, Serge Hercberg a proposé d’utiliser les calculs obtenus par l’algorithme pour « mettre en place un système de taxation conditionnelle et proportionnelle pour les aliments dont la qualité nutritionnelle est la moins favorable », couplée à « une réduction de la TVA pour ceux dont la qualité nutritionnelle est la plus favorable ». L’objectif est de faciliter l’accès aux meilleurs aliments, et d’inciter les industriels à améliorer leurs produits. La mesure n’a pas été retenue par les pouvoirs publics, à peine sortis de la crise de l’écotaxe. Mais elle est dans tous les esprits.

Le groupe « politiques nutritionnelles » de l’Ania s’est donc concentré sur les deux « risques » qui figurent à ses yeux dans le projet de loi santé tel que présenté par le gouvernement : « L’article 4 – lutte contre l’alcoolisation excessive des jeunes ; L’article 5 – proposition d’un étiquetage nutritionnel complémentaire. »

Le 6 mai, « une réunion bilatérale » a lieu entre l’Ania et la Direction générale de la santé (DGS). Les industriels réaffirment leur opposition aux cinq couleurs. Mais ils soutiennent la création d’un groupe de travail au ministère de la santé, et proposent aussitôt les noms de six experts qui leur sont proches pour y prendre part. « Il est parfaitement clair que le système proposé par le professeur Hercberg fait l’unanimité contre lui : à notre connaissance, aucun industriel ou distributeur n’y est favorable », écrit peu après la directrice générale de l’Ania, Catherine Chapalain, au DGS.

Sur les différents fronts qu’elle a ouverts, les efforts de l’Ania portent leurs fruits. Le Conseil national de l’alimentation (CNA), qui a déjà été mis dans la boucle du lobbying des industriels, décide de prendre position à travers un courrier de son président à Marisol Touraine le 20 mai 2015, et une « note de questionnement » qui demande, en juin, aux pouvoirs publics de « prendre le temps d’étudier les différentes options possibles ». En particulier l’option alternative soutenue par l’Ania et la FCD.

« Le système 5-C m'apparaît comme une piste qu'il convient d'écarter aujourd'hui » (S. Le Foll)

Le 8 juillet 2015, le ministre de l’agriculture entre à son tour dans la danse et annonce à Marisol Touraine qu’il souhaite « l’alerter » quant aux discussions en cours sur l’étiquetage nutritionnel. De l’avis de Stéphane Le Foll, « deux conditions » paraissent « indispensables à remplir » si le gouvernement « veut pouvoir aboutir » sur ce sujet de santé publique : « L’étiquetage ne doit pas stigmatiser les produits, écrit le ministre de l’agriculture. Le régime alimentaire français s’appuie sur la diversité des produits. Il n’y a pas de produits “interdits” (ou alors ils sont interdits à la commercialisation par anticipation) mais des produits à consommer en plus ou moins grande quantité et plus ou moins régulièrement. »

 

Stéphane Le Foll, ministre de l'Agriculture © Reuters Stéphane Le Foll, ministre de l'Agriculture © Reuters

 

 

C’est le rouge, bien sûr, qui « stigmatiserait » les produits aux yeux des industriels et du ministre. Stéphane Le Foll explique donc à sa collègue que l’étiquetage « efficace » sera plutôt celui qui donnera l’information sur le « bon usage » et la « fréquence de consommation conseillée ». Il prend donc position pour l'option Carrefour. Il propose de « faire de la pédagogie » « mais sans culpabilisation ».

La seconde condition avancée par le ministre, c’est l’accord de l’industrie : « Dans la mesure où l’usage de l’étiquetage est volontaire, il doit être soutenu par les fabricants de produits alimentaires et par les distributeurs », précise le ministre. Il faut « construire avec les distributeurs et les industriels » une solution « consensuelle et pertinente ». Il poursuit en faisant peser sur certains mots toute son autorité de porte-parole du gouvernement : « Le système dit “5-C” ou “Hercberg” du nom de son principal promoteur, qui semble avoir la faveur de vos services, ne me semble pas de nature à remplir ces conditions et m’apparaît par conséquent comme une piste qu’il convient d’écarter aujourd’hui, même si elle a pu être utile au débat. »

 

 

Le débat est clos pour le ministre de l'agriculture. C’est le sens de sa lettre en forme d’oukase à Marisol Touraine. Tout pourtant semblait présager le contraire. En mars, un rapport d’appui scientifique de l’Agence nationale de sécurité sanitaire de l’alimentation, de l’environnement et du travail (Anses) a conclu à une « bonne faisabilité » du système 5-C. Fin juin, le Haut Conseil de la santé publique (HCSP) a jugé que celui-ci était « le seul » à répondre « aux critères de pertinence et de faisabilité d’un système d’information nutritionnelle synthétique ».

Au mois d’août, une étude réalisée sur un échantillon de 14 230 adultes afin de tester l’effet de quatre signalétiques nutritionnelles apposées sur la face avant des emballages est rendue publique. « Le logo à cinq couleurs (5-C) s’avère être le mieux compris chez l’ensemble des individus », résume cette étude. « Les différentes signalétiques d’information nutritionnelle augmentent de façon significative la capacité des individus, y compris ceux à risque, à classer trois aliments en fonction de leur qualité nutritionnelle, par rapport à une situation sans logo. » Mais le système 5-C a « les meilleures performances y compris chez les individus ayant une alimentation plutôt “défavorable” sur le plan nutritionnel et la santé », et il « augmente, de façon très importante (plus de vingt fois par rapport à la situation sans logo), la capacité des individus n’ayant pas de connaissances en nutrition à classer correctement les produits ».

En septembre, Stéphane Le Foll dévoile son intervention dans ce dossier dans un entretien à LSA-conso.fr. « Au lieu de privilégier un étiquetage avec des couleurs, qui pour certaines renvoient une image négative, nous proposons de privilégier des informations sur la fréquence de consommation, déclare-t-il. Ce système, qui rencontre l’adhésion de l’Ania, permettrait de dire ce qui peut être consommé de façon occasionnelle ou plus régulière. Je l’ai déjà dit à l’Ania : il est temps de se mettre au travail et finaliser ce projet. » 

Non seulement le ministre de l’agriculture ne cache pas son accord avec l’Ania, mais il lui suggère publiquement de se hâter, et de finaliser sa contre-proposition. En choisissant d’avancer main dans la main avec ce lobby industriel, dans ce dossier de santé publique, Stéphane Le Foll tourne le dos à de nombreux acteurs qui ont manifesté, dès 2014, leur soutien au projet d’étiquetage 5-C.

En mai 2014, déjà, la Société française de santé publique (SFSP), associée à cinq sociétés savantes, des associations de consommateurs et de malades, avait lancé un appel « Pour un étiquetage nutritionnel simple, intuitif, et compréhensible par tous sur la face avant des emballages des aliments », signé par 85 spécialistes de la nutrition, de la santé publique, de pédiatrie, de cardiologie et d’autres spécialités, et plusieurs dizaines de sociétés savantes et d’associations professionnelles. Ce texte souligne que, si l’échelle nutritionnelle a l’intérêt d’« aider le consommateur à orienter ses choix », elle peut permettre aussi d’inciter les industriels à « améliorer la composition de leurs produits pour changer de classe » et ainsi obtenir un « positionnement plus favorable » sur l’échelle cinq couleurs. L’enjeu sociétal est quand même de faire reculer la « malbouffe », que l’on sait responsable de nombreuses pathologies. Le ministère de l’agriculture a d’autres priorités.

Fort du soutien public de Stéphane Le Foll, le président de l’Ania Jean-Philippe Girard envoie à son tour un mot à la ministre de la santé, le 25 septembre 2015. Il salue « la dynamique constructive » engagée « avec l’appui » de Stéphane Le Foll, « chez l’ensemble des opérateurs économiques concernés ». « La mesure étant volontaire, il ne saurait être question d’imposer un système sans qu’aucun industriel ni aucun distributeur n’y soient favorables, prévient l’Ania. […] C’est malheureusement le cas de la solution à laquelle vous semblez la plus sensible : en l’occurrence le système de pastilles de cinq couleurs de Serge Hercberg qui serait à la fois stigmatisant pour nos savoir-faire, culpabilisant pour les consommateurs et sans garantie aucune de son efficacité. »

Le porte-parole des industriels demande une expérimentation préalable en conditions réelles d’achat, et met en copie… le ministre de l’agriculture. L’Ania bat le rappel de ses adhérents. Son objectif est d’obtenir que le système FCD-Carrefour soit expertisé par l’Agence nationale de sécurité sanitaire de l’alimentation, de l’environnement et du travail (Anses), comme l’a déjà été celui des cinq couleurs. Le 28 octobre, un feu vert à cet examen est finalement donné par le directeur général de la santé, lors d’une nouvelle réunion de concertation. Selon le représentant des consommateurs, « Carrefour a commencé à donner quelques informations sur son algorithme mais pas tout ». Cependant, les industriels font un premier bilan très positif de leur lobbying.

« Les actions menées tout au long des débats parlementaires et des réunions de concertation ont permis :

Que le système 5-C ne soit plus considéré comme le seul système et soit donc écarté du texte de loi et challengé avec une rédaction neutre et ouverte du projet de décret.

Que le principe de l’expérimentation soit désormais retenu avant tout déploiement d’un système.

Qu’enfin nous ayons maintenu jusqu’à présent l’unité avec nos partenaires de la filière et en premier lieu avec la distribution.

Le débat touche à sa fin avec le vote probable du projet de loi avant la fin de l’année, et il va donc falloir prendre position sur l’expérimentation des différents systèmes. »

L’Ania a décidé de noyer le système cinq couleurs sous une vague de propositions alternatives. Outre le système porté par la FCD avec plusieurs industriels, baptisé Sens, trois systèmes devraient être mis sur la table : le système GADs, les traffic lights anglais, et le Health Star Rising australien. Stéphane Le Foll certifie qu’il n’est pas « sous la pression du lobby de l’Ania », mais qu’il a « un différend », « qui s’assume », avec Marisol Touraine au sujet de la politique nutritionnelle. Replacée dans son contexte, sa lettre du 8 juillet à Marisol Touraine s’apparente pourtant à une pression politique. Le ministre de l’agriculture juge que le système dit « 5-C » ou « Hercberg », est « une piste qu’il convient d’écarter », au moment précis où la concertation s’engage, et avant même l’expertise de systèmes alternatifs. Les industriels lui ont tenu la main. Et ils savent très bien faire ça.

 

Boîte noire : Parmi les auteurs de ce livre Karl Laske est journaliste à Mediapart. Elsa Casalegno est journaliste à La France agricole, tandis que Nicolas Cori est journaliste aux Jours.

 

 

 

Source : https://www.mediapart.fr

 

 

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2 février 2016 2 02 /02 /février /2016 19:07

 

Source : http://www.bastamag.net

 

 

Etat d’urgence

Pour les Européens, il devient risqué de manifester en France

par

 

 

 

Après trois jours en centre de rétention sous le coup d’une mesure d’expulsion pour avoir participé à une manifestation en soutien au migrants à Calais, trois étudiantes italiennes ont finalement été relâchées. Sur fond d’état d’urgence, l’exécutif fragilise le pouvoir des juges afin de mettre la pression sur des manifestants étrangers, y compris Européens. « Ce cas illustre bien la manière dont l’autorité administrative fait fi des décisions judiciaires voire contourne la justice pour appliquer sa propre répression », explique l’universitaire Vanessa Codaccioni.

 

« Jamais on ne se serait attendu à ce qui nous est arrivé, avoue Valentina. La France est devenue complètement malade. » Samedi 23 janvier, Valentina se trouve avec ses deux compatriotes à Calais pour la manifestation de solidarité avec les migrants. Près de 2000 personnes, membres d’associations, d’organisations politiques, citoyens solidaires, riverains et migrants se sont rassemblés à la « Jungle », territoire du bout du monde jouxtant le port. C’est ici que survivent, dans une grande précarité, près de 7000 personnes tentant depuis des mois de passer en Angleterre (lire aussi notre reportage : Calais, au sein d’un bidonville en état d’urgence, devenu la honte de la France).

 

Le cortège bigarré s’élance de cet endroit désolé où femmes, hommes et enfants sont arrosés, la nuit, de gaz lacrymogènes par les CRS depuis début janvier. « Nous dénonçons les politiques française et européenne qui créent ces situations à Calais comme aux portes de l’Europe, souligne l’appel au rassemblement. Nous demandons immédiatement des conditions d’accueil dignes pour tous et toutes. Qu’ils/elles soient nommé-e-s réfugié-e-s, migrant-e-s ou sans-papiers, nous exigeons des droits égaux pour tou-t-e-s, des titres de séjour, l’accès aux soins et au logement. »

 

En fin de manifestation, une centaine de migrants se mettent à courir vers le port. « Nous les avons suivis en solidarité, raconte Martina. Et puis il y a eu une grande confusion. Face à nous, un horizon de tirs de lacrymo. Derrière, des fourgons de police qui se rapprochent. Des gens passaient sous un grillage, on a fait pareil pour se sortir de là. » Alors qu’elles entrent dans des toilettes toujours situées dans la zone portuaire, la police aux frontières les interpelle, avec quatre personnes françaises. Les voilà parties pour 24 heures de garde-à-vue à l’hôtel de police de Coquelles, une ville qui jouxte Calais.

 

« La police nous faisait croire que des migrants étaient morts et que c’était de notre faute »

Les sept interpellés sont accusés de « dégradation volontaire en réunion » et d’avoir « pénétré illégalement dans le port ». « Nous ne savions pas où nous allions ! », s’exclament les filles. L’ambiance au commissariat est tendue. « La police nous faisait croire que des migrants étaient morts et que c’était de notre faute. »  Les agents aimeraient les classer « no border » (pas de frontière), un terme péjoratif dans la bouche des forces de l’ordre, qui désigne chez eux des activistes radicaux menaçant la sécurité du territoire. « Nous étions là en soutien aux migrants », préfère asséner Ornella. À l’issue des interrogatoires, aucune poursuite pénale n’est retenue contre les sept imprudents : les Français sont libérés et les Italiennes se préparent à sortir dans la foulée. Deux autres manifestants et six migrants accusés d’être montés illégalement sur un ferry à la fin de la manifestation seront, eux, jugés, le 22 février.

Pour les trois Italiennes, l’histoire aurait dû s’arrêter là. Sauf que Bernard Cazeneuve a « donné des instructions pour que les no-border qui ont participé à ces opérations fassent l’objet d’une expulsion » , comme il le déclare à la presse dès le dimanche. « Dix minutes avant la fin de la garde-à-vue, nous apprenons que la préfecture ordonne notre obligation de quitter le territoire français (OQTF) et que nous sommes transférés dans un centre de rétention administrative (CRA) », relate Martina.

 

« Menace réelle, actuelle et grave »

Au CRA de Lesquin, à quelques kilomètres de Lille, les jeunes femmes reçoivent, incrédules, leur notification d’obligation de quitter le territoire et les faits qui leur sont reprochés par l’exécutif, alors même que le procureur a d’ores et déjà estimé que rien ne permettait de les poursuivre.

 

 

La France peut donc motiver des avis d’expulsion avec des allégations infondées, non vérifiées, n’ayant donné lieu à aucune poursuite pénale. « Comment mes clientes peuvent-elles représenter une "menace réelle, actuelle et grave" alors qu’elles n’ont jamais été inquiétées par la justice ou la police en France comme en Italie ? », demande leur avocate Murielle Ruef.

Ce motif de la « menace pour la société française » avait déjà été mobilisé durant la COP21, pour mettre en rétention et menacer d’expulsion deux militants écologistes belges après qu’ils aient participé à la manifestation interdite de place de la République, le 29 novembre dernier à Paris. « J’avais pu faire annuler par le tribunal l’OQTF en démontrant qu’ils ne représentaient pas une menace grave, témoigne leur avocat Bruno Vinay. Comme pour mes clients, la situation des italiennes semble bien liée à une décision politique. »

 

Un acte qui n’aurait jamais dû exister

Dans ce qui ressemble à une croisade zélée contre d’improbables perturbatrices étrangères, la préfecture recourt à un second arbitraire : pour les placer en rétention, elle invoque le fait que les Italiennes n’auraient pas fourni d’éléments justifiant qu’elles résident en France depuis plus de trois mois. « Elles ont indiqué qu’elles étaient étudiantes dès la garde-à-vue », rétorque Murielle Ruef, qui a déposé un recours devant le tribunal administratif. « Nous avons transmis les preuves de résidence en France depuis plus de deux ans : des preuves d’adresse fixe, d’inscription à l’université, d’emploi pour l’une d’entre elles. »

Après les communiqués des universités, les lettres de soutien des professeurs, les pressions au Consul italien et les articles dans les médias, la France a finalement décidé d’écourter une situation difficilement tenable : le soir du troisième jour de rétention, le 27 janvier, la préfecture du Pas de Calais libère les Italiennes et « retire » l’OQTF. « Elles ont les bons justificatifs », confirme Steve Barbet, de la préfecture du Pas-de-Calais. Il ajoute même qu’« elles n’ont commis aucun délit ». Que deviennent alors les graves accusations inscrites sur la notification d’OQTF ? Elles disparaissent, tout simplement. « Le retrait, ce n’est pas l’abrogation, précise leur avocate. Cela veut dire que l’acte n’aurait jamais dû exister, que la Préfecture acquiesce à son illégalité. »

 

Un moyen de pression sur les manifestants étrangers

Sur fond d’état d’urgence, dans un contexte actuel où l’exécutif fragilise le pouvoir des juges, se garder la possibilité de mettre quelques jours en rétention des manifestants étrangers pour les relâcher ensuite sans passage devant le tribunal relève d’une méthode qui met une nouvelle fois à mal l’idée d’un « État de droit ». « Ce cas illustre bien la manière dont l’autorité administrative fait fi des décisions judiciaires voire contourne la justice pour appliquer sa propre répression, analyse Vanessa Codaccioni, maîtresse de conférences en science politique à l’université de Paris 8 [1] « C’est un classique des "moments d’exception", rappelle-t-elle. Pendant la guerre d’Algérie, de très nombreux individus ont été relâchés par la justice mais immédiatement transférés dans des camps d’internement par la volonté des seuls préfets. »

En attendant, l’expérience de l’enfermement n’a fait qu’accroître l’indignation des Italiennes face à l’existence des prisons pour migrants. « Même enfermées, on ressentait fortement nos privilèges d’européennes », racontent-elles sur la route qui les ramène à Paris. « Les femmes que nous avons rencontrées ne connaissaient pas leurs droits, elles étaient très isolées. Les migrantes ne savaient même pas qu’elles avaient droit au portable. Elles vivent des situations d’insécurité : c’est un homme qui effectue la ronde de 5 heures du matin et vient compter les détenues jusque dans leurs chambres ! »

Autour des trois Italiennes, il y avait une Camerounaise, fille de diplomate, qui vivait en Grande Bretagne depuis dix ans et ne pouvait pas y retourner et une Dominicaine qui sortait de prison mais ne pouvait rejoindre son mari et ses enfants catalans en Espagne car l’administration avait perdu son permis de séjour espagnol. « Ces situations sont hallucinantes. Faut-il rappeler que ces femmes n’ont commis aucun crime et qu’elles souhaitent juste se rendre là où vivent leurs familles ? »

Naïké Desquesnes 

Photo : CC Rasande Tyskar

 

 

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