Le 26 mai à Paris, Romain D. s’écroule en fin de mobilisation contre la loi travail. Une nouvelle vidéo montre qu’une grenade de désencerclement venait juste d’exploser.
Précision : Nous avions écrit par erreur que le jet de la grenade de désencerclement était le fait d'un policier travaillant en compagnie républicaine de sécurité (CRS). Il s'agit, en réalité, d'un policier du groupe d'intervention de la préfecture de police de Paris. Les CRS portent un casque à liseret jaune, alors que leurs homologues de la préfecture de Paris portent un casque à liseret bleu. De même, ce sont des gendarmes mobiles qui entrent dans le camion de pompier où est pris en charge Romain D. et non des CRS. Nos excuses.
Romain D., 28 ans, est dans le coma depuis le 26 mai, jour de la dernière mobilisation contre la loi El Khomri. Victime, a priori, d’un jet intempestif de grenade de désencerclement. Une enquête pénale pour «violence volontaire par dépositaire de l’autorité publique» a été ouverte par le parquet.
Ce jour-là, à Paris, après dissolution du cortège syndical, un groupe part vers la Porte de Vincennes. Rue du Général-Niessel, les policiers du groupe d'intervention de la préfecture interpellent un ado, puis se replient dans un jardinet attenant. D’où ce mini-attroupement de plusieurs journalistes et quelques badauds scandant «libérez notre camarade». Le garçon en question sourit quand une caméra le filme. «L’ambiance était bon enfant, témoigne un photographe présent sur place. Un reliquat de manif, des journalistes, des passants, dont une petite vielle.» Et Romain, donc, «pas vraiment manifestant mais observateur», souligne sa famille.
D’autres policiers arrivent rapidement en renfort, et l’un d’entre eux lance, sans plus de formalité, une grenade de désencerclement. Apparemment dans les formes techniques requises, c’est-à-dire dans les jambes, au ras du sol… Mais certainement pas au motif requis par une circulaire de la police, qui prévoit d’y recourir «lorsque les forces de l’ordre se trouvent prises à partie par des groupes violents ou armés».
Selon de premières images diffusées sur Internet, on voit d’abord la grenade jetée, puis, dans un deuxième temps, Romain allongé au sol. Mais sur de nouvelles vidéos, dont l’une doit être diffusée ce lundi dans le Petit Journal de Canal + (et que Libé a pu visionner), l’homme s’écroule dans la foulée de l’explosion de la grenade. Ce qui renforcerait le lien de causalité entre l’acte du policier et la blessure de Romain. Selon l’avocat de sa famille, Me Hugues Bouget, il pourrait avoir été touché par le bouchon déclencheur de la grenade.
Bitume. Deuxième acte, quelques instants plus tard. Selon les témoins interrogés par Libération, les policiers lancent derechef une bombe lacrymogène en direction des passants s’étant illico greffés autour du corps de Romain, allongé sur le bitume. Attroupement intempestif, ont manifestement considéré les forces de l'ordre. Une action contraire, encore une fois, aux règles qui régissent l’utilisation d’une grenade de désencerclement : «Après usage, il convient de s’assurer aussitôt de l’état de santé de la personne et de la garder sous surveillance ; au besoin, un examen médical doit être effectué dans les meilleurs délais.»
Troisième épisode : un camion de pompiers débarque enfin sur les lieux. Romain y est embarqué sur un fauteuil roulant, visage bandé mais manifestement éveillé, voire souriant pour rassurer ses proches. Deux gendarmes mobiles harnachés et casqués montent alors à bord. Un témoin affirme qu’un troisième gendarme portant une mallette de survie se serait glissé dans le camion.
Impatience. La suite nous est racontée par deux autres témoins oculaires, Paul et Marie (1). Peu de temps après avoir démarré, l’estafette des pompiers se gare quelques centaines de mètres plus loin, le temps qu’un autre véhicule, mieux médicalisé, ne prenne en charge Romain. «Le voyant entrer bien portant dans le camion des pompiers, on a trouvé bizarre que deux gendarmes s’y engouffrent. Du coup, on l’a suivi.» Ils disent ensuite avoir vu, via une vitre latérale, «deux gendarmes casqués se pencher sur lui», le pompier de service restant «en retrait» de la cabine. Nos témoins n’ont pu observer directement le corps de Romain, seulement les deux gendarmes. Mais ils affirment que «leurs gestes étaient violents, au point de faire bouger le fourgon». Premier secours, acte d’intimidation ? Dans un appel téléphonique passé à des proches depuis le camion de pompiers (Libération a eu accès à la bande audio), on entend juste Romain crier sa douleur.
Ces faits mériteraient une enquête impartiale. Mais la procédure n’en prend pas, pour l’instant, le chemin. Depuis l’ouverture d’une enquête administrative diligentée par l’IGPN (police des polices), doublée d’une enquête préliminaire ouverte par le parquet de Paris, le policier ayant lancé la grenade initiale n’a toujours pas été convoqué - il ne sera auditionné que cette semaine. Me Bouget, lui, ne cache pas son impatience de voir désigné un juge d’instruction : «Ce serait un geste fort de le faire rapidement, pour ainsi démontrer que l’enquête va se faire en toute transparence et en toute indépendance, comme les pouvoirs publics s’y sont engagés, au plus haut niveau, envers la famille.»
Le championnat d’Europe de football, qui se déroulera en France du 10 juin au 10 juillet, échappera-t-il aux scandales qui accompagnent régulièrement le coût pharaonique des nouveaux stades, comme en Grèce pour les JO de 2004, ou au Brésil pour la coupe du monde 2014 ? Pour la construction et la rénovation des stades de l’Euro 2016, les collectivités françaises ont une nouvelle fois mis la main au portefeuille. Bien souvent à travers des partenariats publics-privé engageant les finances publiques pour plusieurs décennies, pour le plus grand bénéfice des concessionnaires des stades, les grands groupes du BTP. Enquête sur des opérations coûteuses et risquées, en partenariat avec le mensuel Alternatives économiques.
Ils sont grands, ils sont beaux, ils sont neufs, et l’espace de quelques matchs, ils seront pleins et colorés. Ensuite ? La plupart des stades utilisés pendant l’Euro 2016 seront réinvestis par les clubs français. Et ils retrouveront probablement leur visage plus classique : des enceintes surdimensionnées, aux gradins clairsemés. Qui laissent une belle facture à de nombreuses villes françaises.
Après l’obtention de l’organisation de l’Euro 2016 en mai 2010, plusieurs nouveaux stades ont été lancés et d’autres rénovés. A l’époque, les partenariats public-privé (les fameux PPP, voir schéma) sont à la mode. Ce mode de gestion permet aux villes d’être propriétaires des stades au final tout en investissant peu à court terme, car une part importante de l’investissement initial est prise en charge par un acteur privé. En échange, la ville s’engage à lui verser un loyer annuel convenu à l’avance. Les villes auraient pu choisir de laisser les grands clubs financer eux-mêmes leur stade, comme cela se pratique au Royaume-Uni ou en Espagne, mais en France, « les maires préfèrent que les stades appartiennent à la ville, parce qu’ils tiennent à être chez eux dans leur stade », explique un ancien membre des plus hautes instances du football français. D’où les centaines de millions d’euros de dépenses publiques engagées pour des stades qui hébergent surtout des clubs et des compétitions privées. Les villes de Nice, Bordeaux, Lille ou encore Marseille ont signé des partenariats de ce type. Six ans après, le bilan alterne entre mauvais et catastrophique.
Syndrome de la « cathédrale vide »
Selon nos informations, la Cour des comptes a d’ailleurs lancé une enquête nationale pour estimer le coût de l’Euro, et notamment celui des stades. « A l’époque, les PPP étaient la panacée. On en a tous mésestimé les effets, y compris les analystes », confesse Olivier Monna, économiste du sport au Centre de droit et d’économie du sport de Limoges (CDES). Parmi ces effets, l’engagement de long terme pris par les municipalités ressemble à une bombe à retardement : au Mans par exemple, depuis la liquidation du club professionnel suite à de mauvais résultats, la ville paie 3,2 millions par an à Vinci pour un stade qui n’accueille plus de rencontres régulières, et dont elle ne sera effectivement propriétaire qu’en… 2044.
Outre la question du financement, celle de la taille de ces stades se pose également. Les nouveaux stades et les rénovations ont permis d’augmenter fortement la capacité des enceintes françaises, mais le public n’a pas suivi au même rythme : « jusque-là, on a créé plus de sièges vides qu’on a occupé de sièges supplémentaires », observe Jérôme Latta, journaliste et fin connaisseur du football. Ce syndrome de la « cathédrale vide » [1] qui guette (voir graphique) vient surtout de l’envie de copier le « modèle allemand ».
D’autres voies possibles
En 2006, l’Allemagne organise la Coupe du monde et profite de l’événement pour construire ou rénover la plupart de ses grands stades. Dix ans après, les enceintes allemandes sont pleines et rapportent à elles seules un quart des recettes des clubs d’outre-Rhin, contre 10 % seulement pour les clubs français, notamment grâce aux « sièges à prestations », ces places VIP très chères qui donnent droit à des services supplémentaires (repas, loges privées, etc.).
Problème : les décideurs politiques et sportifs ont établi un diagnostic erroné de l’exemple allemand. « Dans leur esprit, le stade est une sorte de pierre philosophale qui doit enclencher par magie un modèle économique rentable, explique le sociologue Ludovic Lestrelin. C’est oublier que la culture foot est beaucoup plus enracinée en Allemagne. On vient au stade pour le club, son histoire, et pas seulement lorsque les résultats sont bons. » Certes, pour se prémunir de l’aléa sportif, les nouveaux stades français ont été conçus pour être multifonctionnels et pouvoir accueillir des concerts ou des événements d’entreprise. Mais cela ne suffira sans doute pas, notamment parce que « les nouvelles enceintes sont loin des centres-ville, mal desservies, regrette James Rophe, président de l’Association nationale des supporters. Globalement, nous n’avons pas été associés à leur conception ». Ces enceintes ont tout de même vu le jour « parce qu’un grand stade neuf, ça fait rêver les élus, qui espèrent en tirer des bénéfices en termes d’image », ajoute Jérôme Latta.
Si des stades plus modernes étaient nécessaires pour améliorer la compétitivité des clubs français et pour pouvoir accueillir l’Euro, rien n’obligeait à dépasser autant les critères requis par l’UEFA. D’autres voies étaient en effet possibles. A Rennes, Nantes ou Saint-Étienne, les stades ont été rénovés à moindres frais. Les sièges des tribunes populaires du Stade Geoffroy-Guichard à Saint-Étienne sont par exemple désormais rétractables : ils peuvent avoir un dossier — condition exigée par l’UEFA pour l’Euro 2016 — ou ne plus en avoir pour les matchs de club, pendant lesquels les supporters préfèrent rester debout. Un investissement certes moins vendeur qu’une enceinte neuve, mais plus conforme aux moyens des collectivités locales.
Bordeaux : « Pas d’obligations de service public »
Stade Matmut Atlantique
42 000 places
Construction : 197 M€
Propriétaire : ville de Bordeaux
Gestionnaire : filiale de Fayat et de Vinci
Le nouveau stade bordelais « sera essentiellement dédié à la pratique du football professionnel. La ville ne souhaite pas imposer d’obligations particulières de service public. » Cette phrase, inscrite dans un rapport de 2010, ne figure pas dans le contrat final liant la ville aux exploitants du stade. « Mais dans les faits, on en reste là, dénonce Matthieu Rouveyre, conseiller municipal PS : Vous avez payé le stade, mais si vous voulez y faire courir les bambins des écoles, vous devez le louer ! » La mairie de Bordeaux a versé 17 millions d’euros pour la construction. Si l’on ajoute les autres collectivités publiques, l’investissement public initial s’élève à 75 millions, sur un montant total de 197 millions. Il faut ajouter à cette mise de départ les loyers versés pendant trente ans par la ville à la Société Bordeaux Atlantique (SBA) – filiale de Fayat et de Vinci – qui exploite le stade. En 2011, la ville parlait de 3,6 millions d’euros annuels.
« Les taux d’intérêts ont baissé, c’est aujourd’hui 1,5 million », explique Nicolas Florian, adjoint en charge des finances. La mairie va aussi rembourser chaque année à SBA une partie des impôts locaux : pour 2,6 millions d’euros, affirme l’opposition... 1,2 million « seulement », répond la majorité. Combien le stade coûtera-t-il au final à la ville ? « On le saura dans trente ans », grince un juriste qui s’est penché sur ce partenariat public-privé (PPP). Le Conseil d’État, saisi par Matthieu Rouveyre, vient de forcer la mairie à revoter la délibération autorisant la signature, jugeant l’estimation des coûts en 2011 « incomplète ». « Cela fera jurisprudence, se réjouit l’opposant, au sujet de ces contrats où tous les risques, et notamment sportif, pèsent sur la personne publique ! »« L’actionnaire des Girondins, M6, a signé une lettre d’intention », répond Alain Juppé : même si l’équipe descend en Ligue 2, il continuera à payer son loyer (3,85 millions). Cela reste une lettre « d’intention », rappelle Matthieu Rouveyre.
Lille : un partenariat public-privé attaqué en justice
Stade Pierre-Mauroy
50 000 places
Construction : 324 M€
Propriétaire : Métropole européenne de Lille
Gestionnaire : filiale d’Eiffage
Un stade tout neuf avec un toit ouvrant et une pelouse rétractable, cela coûte cher : 324 millions d’euros plus 161 millions d’aménagements autour à la charge des collectivités. Une facture qui pourrait encore s’alourdir : selon nos informations, le tribunal administratif a été saisi par Elisa, la filiale d’Eiffage créée pour ce PPP, après l’échec d’une procédure de conciliation avec la Métropole européenne de Lille (MEL). Le géant du BTP réclame en effet 167 millions d’euros pour des travaux non prévus : « cela va des normes parasismiques à la moquette des loges pour les invités », énumère une source qui souhaite rester anonyme. Ce n’est ni le premier surcoût ni la première procédure en justice dans la jeune histoire du Stade Pierre-Mauroy. Une autre instruction est toujours en cours, au pénal cette fois, au sujet de l’attribution du contrat à Eiffage.
Le juge d’instruction Gentil s’interroge sur le revirement des élus de la MEL : en janvier 2008, un premier rapport considérait que l’offre de Bouygues était la plus compétitive avec un loyer de 10,7 millions par an sur trente et un ans, devant celle d’Eiffage (14,2 millions par an). Un second rapport inversait ensuite le classement. La chambre régionale des comptes y a vu « une procédure opaque ». Eric Darques, ancien élu à l’origine de la plainte, qualifie le second rapport de « faux grotesque et antidaté ». Deux fonctionnaires ont été mis en examen et le siège de la MEL a été perquisitionné. « Cette différence de loyer annuel représente au total 108 millions pour les contribuables sur les trente et un ans de contrat », clame Eric Darques.
Martine Aubry répond qu’elle a depuis renégocié le deal, pour parvenir à un loyer net proche de celui proposé par Bouygues. Dans le budget primitif 2016, « 9,7 millions d’euros sont consacrés au partenariat public-privé du stade ». « Une simple astuce comptable, affirme Bruno Bogaert, fondateur de l’association Les 2sous du Grand Stade. Certaines sommes ont été réintégrées dans les crédits, certaines taxes réaffectées à la métropole, etc. ». Pour ne rien arranger, si le Losc, le club résident, descend en Ligue 2, il ne verserait plus qu’un million d’euros par an à la MEL, contre 4,7 actuellement. Contactée, la MEL n’a pas donné suite à nos sollicitations.
« C’est un stade qui ne coûtera pas un sou au contribuable ! » Jean-Michel Aulas, le président de l’Olympique Lyonnais (OL), n’a cessé de le répéter, son projet est « inédit » en France : un stade neuf, construit entièrement sur fonds privés. La belle histoire n’a qu’un défaut, elle n’est qu’à moitié vraie. Si 410 millions d’euros pour la construction de ce stade de près de 60 000 places sont bien sortis des proches de l’OL, de ses actionnaires et des emprunts bancaires, « sans l’intervention publique, le stade n’aurait pas pu voir le jour », explique un important investisseur qui a choisi de s’implanter sur le site du stade. D’abord, parce que l’OL a eu besoin d’une loi en 2009 pour que le stade, bien que privé, soit déclaré d’intérêt général, débloquant les recours juridiques déposés depuis des années par les associations d’opposants. Ensuite, parce qu’un stade a besoin d’infrastructures pour acheminer les spectateurs. Le Grand Lyon estime avoir ainsi investi 200 millions d’euros dans ce but.
Les opposants avancent plutôt le chiffre de 450 millions d’euros, accusant la métropole de masquer certains coûts. « Tout dépend du périmètre retenu », arbitre Michel Forissier, sénateur-maire de Meyzieu, voisine du stade. « Il est normal que le public finance l’accès à des équipements privés. Mais une part de ces investissements n’a été pensée que pour le stade et pas pour le développement global de l’est lyonnais », regrette-t-il. Si tous les acteurs reconnaissent que le montage lyonnais est préférable à un partenariat public-privé, les opposants rappellent que le conseil général du Rhône a permis le bouclage du projet en se portant garant à hauteur de 40 millions d’euros. « Si Jean-Michel Aulas n’arrive pas à tout rembourser, le conseil général prendra le reste à sa charge, fulmine Étienne Tête, opposant historique (EELV) au projet. C’est ça, le 100 % privé ? »
Stade Vélodrome
67 000 places
Rénovation : 268 M€
Propriétaire : ville de Marseille
Gestionnaire : filiale de Bouygues
En 2009, quand la mairie de Marseille décide d’agrandir et de couvrir le stade Vélodrome, elle parle d’un coût entre 120 et 160 millions d’euros. Ce sera finalement 268 millions, dont 43,5 pour la ville et 90 pour l’État et les autres collectivités. Le reste a été avancé par Arema, filiale de Bouygues. Pendant les trente-cinq ans du contrat, la mairie va lui verser un loyer de 12 millions d’euros selon Jean-Claude Gaudin, le maire de Marseille. Mais la mairie a provisionné 15,2 millions dans le budget 2016. Un chiffre plus conforme aux calculs de la chambre régionale des comptes, qui l’estime à 14,6 millions par an en moyenne. Ce partenariat public-privé a été voté, à la quasi-unanimité du conseil municipal, sur la promesse que l’OM, le club résident, verserait à la ville entre 7 et 8 millions d’euros par an. Mais rien n’avait été signé.
« C’est surréaliste de ne pas avoir trouvé d’accord avec l’OM avant de signer le PPP », s’étrangle Jean-Christophe Lapouble, maître de conférences à Sciences-Po Bordeaux et spécialiste des PPP. En position de force, le club a en effet pu ramener le loyer à 3 millions en 2015, 4 millions les deux années suivantes, plus une part variable : 20 % des recettes de billetterie au-delà de 20 millions d’euros. « Une arnaque », dénonce Stéphane Mari, président du groupe PS au conseil municipal. En 2015, malgré une bonne affluence (53 130 spectateurs), l’OM n’a en effet versé que 3,75 millions d’euros, a reconnu Roland Blum, l’adjoint aux finances. Cette année, les Marseillais ont déçu sur le terrain… et n’ont pas rempli le stade (42 015 spectateurs en moyenne). « Quand les joueurs perdent, c’est le contribuable qui paie », résume Hervé Menchon, conseiller d’arrondissement EELV. Contactée, la mairie n’a pas donné suite à nos sollicitations.
Nice : cher, et beaucoup de questions sans réponse
Allianz Riviera
36 000 places
Construction : 209 M€
Propriétaire : ville de Nice
Gestionnaire : filiale de Vinci
Nice a enfin son nouveau stade, l’Allianz-Riviera et ses 35 000 places, après deux projets avortés, dont l’un du fait de la justice en 2006. Est-ce pour autant la fin des problèmes ? Pas vraiment, comme l’illustrent les perquisitions menées en juin 2015 dans les bureaux de la mairie de Nice. Cette enquête fait suite à un rapport de la chambre régionale des comptes sur le partenariat public-privé (PPP) signé entre la ville et Vinci. Premier élément troublant : l’attitude de Bouygues. Alors que son offre initiale était nettement moins chère que celle de ses concurrents Vinci et Cari, Bouygues a fortement augmenté son prix dans l’offre finale. Un élément qui soulève, selon le président de la chambre régionale Louis Vallernaud, des « interrogations » auxquelles la ville de Nice « n’a pas apporté de réponses satisfaisantes ». « C’est grave, s’insurge Jean-Christophe Picard, président de l’association anticorruption Anticor. On va donc se constituer partie civile pour avoir accès aux éléments de l’enquête », qui se poursuit dans la plus grande discrétion.
La chambre note aussi que la ville a annulé les pénalités que lui devait Vinci pour avoir livré le stade en retard (3,3 millions d’euros). Elle estime également qu’un partenariat public-privé ne se justifiait pas, notamment parce que le stade accueille aussi Nice One, un centre commercial, dont l’un des propriétaires est actionnaire… de l’OGC Nice, le club de football résident. « Comme prévu, le grand perdant du nouveau stade, c’est le contribuable niçois », se désole Patrick Allemand, élu de l’opposition. Le maire, Christian Estrosi, s’était engagé à ce que le stade ne coûte pas plus de 8,3 millions d’euros par an à la ville. Cette année, celle-ci a pourtant prévu de dépenser 11,9 millions d’euros.
Textes : Vincent Grimault et Jean Saint-Marc
Ce dossier a été réalisé en collaboration avec la rédaction du mensuel Alternatives économiques dans le cadre d’un projet commun de développement du journalisme d’investigation économique et social, soutenu par la Fondation Charles Leopold Meyer
Vidéo et lacrymo : leurs vies de reporters en manif
LE MONDE ECONOMIE | • Mis à jour le | ParAlexandre Piquard et Violaine Morin
Depuis le début de la contestation contre la loi travail, des grappes de caméras et de smartphones fleurissent dans les cortèges. Dans le no man’s land qui sépare la ligne des CRS et les premiers manifestants, les preneurs d’images sont toujours plus nombreux et forment désormais une sphère aux profils divers. Certains sont de toutes les manifestations, casques sur la tête parfois surmonté d’une petite caméra GoPro, avec lunettes et masques à gaz. La plupart sont jeunes, certains sont photographes ou vidéastes pour des agences ou des sites indépendants, certains ont été militants, d’autres ont des liens avec les médias traditionnels.
En première ligne, ils se sont imposés au fil du mouvement. Et revendiquent l’immersion comme méthode de travail. Chez Taranis News, un site d’information centré sur les mouvements sociaux, on ne produit que des reportages longs, parfois jusqu’à 20 ou 30 minutes. Depuis le début de la mobilisation, Taranis News a dépassé les 4 millions de vues sur la plateforme Youtube. Pour Gaspard Glanz, le fondateur, âgé de 29 ans, le format long s’impose : « J’en ai tellement marre de ces sujets de télé ou tout est verrouillé politiquement : en une minute trente, il y a une seule analyse, s’agace-t-il. Nous, on montre ce qui s’est passé, en plans longs, sans commenter. Ce sont vos yeux et vos oreilles qui vous donnent l’info. »
Et de là, rien de plus simple pour Gaspard Glanz que de balayer d’un revers de main les accusations de « militantisme » qui lui collent à la peau, notamment en raison de ses engagements passés contre le contrat première embauche, en 2006, puis à l’université Rennes-2. Lui se place en « journaliste ». « Je fais mon maximum pour montrer les violences des deux côtés, précise son complice de terrain Alexis Kraland, fondateur de la chaîne Youtube Street Politics. Et finalement, à part les syndicats policiers, il y a peu de gens pour me traiter de propagandistes d’extrême gauche. »
Dans une manifestation contre la « haine anti-flic »organisée par le syndicat policier Alliance le 18 mai dernier, le secrétaire général de l’UNSA-police Philippe Capon a dénoncé les « pseudo-reporters, ennemis déclarés du camp de la paix publique qui relaieront outrancièrement le geste malheureux d’un collègue excédé ». En retour, les concernés assurent que la police les « vise » délibérément.
Les journalistes, « des cibles identifiées » ?
Les actions des forces de l’ordre touchent d’ailleurs tous types de preneurs d’images, qu’ils soient amateurs, indépendants ou affiliés à des grands médias. « On a aujourd’hui atteint un degré de violence inédit envers les journalistes », regrette Olivier Laban-Mattei, photographe qui a travaillé sur le mouvement pour Le Monde. « Notre matériel ne se distingue pas de celui des autres. Difficile de faire la différence entre un observateur qui travaille pour un média ou un blog et un manifestant qui est dans une démarche d’activisme », raconte-t-il. Tout en soulevant cette question : « Les policiers confondent-ils les journalistes avec les manifestants qui filment ou sommes-nous devenus des cibles identifiées ? »
Vendredi, les syndicats de journalistes SNJ, du SNJ-CGT et de la FIJ/FEJ ont clairement dénoncé des « violences » policières, dans un communiqué commun.
Car sur ce point, tous ne tarissent pas d’exemples : le 2 juin, à Rennes, plusieurs journalistes indépendants et affiliés, notamment à Ouest-Franceet Libération,ont été pris à partie par la police. Mais il y a aussi cette image du photographe « Nnoman » visé par un lanceur de balles de défense (LBD) au cours d’une Nuit Debout. Ou cet appareil photo que l’on tente d’arracher à Simon Guillemin, photographe, qui filme la scène avec une GoPro fixée sur son casque. Ces multiples coups de matraque sur des casques siglés « TV » ou « presse ».
Les images de violences font « bondir » l’audience
Certains ont connu un baptême du feu. « La première fois que j’ai pris un éclat de grenade de désencerclement dans la jambe, je ne savais même pas ce que c’était », avoue Pierre Gautheron, un photographe de 20 ans qui a signé pour le site Streetpress un reportage « au coeur du black bloc ». « Vous le sentez pendant quelques jours », abonde Rémy Buisine, 25 ans, qui n’était pas du tout habitué aux manifestations. S’il a commencé àfilmer le mouvement Nuit debout en direct avec son smartphone, c’est plutôt comme spécialiste des réseaux sociaux : le jour, il est « community manager » pour Voltage et Ado FM.
Celui dont les « live » avec l’application Periscope sont suivis par 10 000 à 80 000 internautes interviewe longuement des manifestants mais constate que les violences font toujours « bondir » l’audience. Dans les « têtes de cortèges », certains s’en prennent au mobilier urbain ou à ce qu’ils considèrent comme des symboles du capitalisme.Rémy Buisine se tient alors un peu à l’écart car il filme au téléphone, mais aussi par « sécurité », en raison des « intimidations » de manifestants.
Les relations entre les grands médias et les vidéastes embedded dans les défilés sont distantes mais existent : ces derniers se retrouvent parfois à jouer« l’office du tourisme de la manif » pour des journalistes de chaînes d’info en continu, chambre Gaspard Glanz, avec une pointe de morgue. Les télévisions et sites Web de presse reprennent régulièrement des images d’indépendants ou d’amateurs, comme celles de la voiture de police brûlée à Paris. L’AFP achète parfois des images repérées en ligne. Mais malgré ces succès ponctuels, suivre le mouvement rapporte très peu d’argent à ces reporters indépendants. « On a travaillé à perte jusqu’à mi-avril », explique M. Glanz, qui n’a pas de carte de presse et dont l’agence est notamment financée par les vues générées sur Youtube.
Malgré l’investissement physique consenti depuis trois mois, les preneurs d’images combattent l’usure. Trouver des façons de renouveler son travail est un autre défi. « C’est un mouvement assez hétéroclite et intergénérationnel, raconte Rafael Yaghobzadeh, collaborateur régulier du Monde. Il y a beaucoup de choses à photographier. » « Les manifestations ont évolué vers des formes nouvelles, avec des occupations de lieux et des manifestations spontanées de nuit », complète « Nnoman ».
Dans un témoignage très relayé sur Facebook, Pierre Gautheron explique : « C’est très formateur, un mouvement social pour un jeune photojournaliste. » Il y médite sur la difficulté de rester « neutre » ou de ne pas céder aux réflexes de la « meute » de journalistes. Avant de saluer la fraternité nouée sur les pavés au printemps : « On se répète au fil des semaines “Le jour où ça se termine, on se voit tous ensemble et on fait la fête.” »
Cet ingénieur informatique a quitté Google après avoir été leur « philosophe produit ». Là-bas, il a réfléchi à des téléphones plus éthiques, qui ne nous feraient plus perdre de temps, en vain. Aujourd’hui, il veut déclencher une prise de conscience.
Tristan Harris a été le « philosophe produit » de Google pendant trois ans. Ça vous laisse perplexe ? Nous aussi, au début.
On a découvert cet ingénieur informatique américain formé à Stanford via un post de Medium passionnant titré « Comment la technologie pirate l’esprit des gens ». Il y explique (en anglais) comment les entreprises de la Silicon Valley nous manipulent pour nous faire perdre le plus de temps possible dans leurs interfaces.
Concrètement, Facebook a intérêt à ce qu’on scrolle son fil d’actu toute la journée, et pour ça, il nous détourne de notre intention initiale. Pour vérifier l’heure et le lieu du concert de ce soir par exemple, nous sommes obligés de passer par le newsfeed. C’est ce qu’il appelle des « stratégies de persuasion », et les ingénieurs de la Sillicon Valley l’apprennent à l’école.
Tristan Harris a créé un label, Time Well Spent, pour faire en sorte que les technologies nous redonnent du pouvoir au lieu de nous transformer en zombies boulimiques de notifications et de flux d’infos. Nous en avons discuté avec lui via Skype.
Rue89 : En tant que jeunes urbains connectés, on a parfois cette sensation d’étouffer de technologie, au point de vouloir parfois jeter nos smartphones par la fenêtre.
Mais est-ce que c’est si grave, pour toi ?
Ça nous rend vraiment fou, en fait (rire). Pourrésumer, il faut penser ta vie comme une liste de choix. Là, maintenant, tu me parles sur Skype, et à cause des obligations sociales, ce serait grossier si tu commençais à regarder quelque chose d’autre.
Mais si d’un coup la conversation coupe, qu’est-ce qui détermine ce que tu fais ensuite ? Il y a une liste invisible de ce qui te semble le plus important ou le mieux à faire qui tourne dans ta tête.
Vivre, c’est choisir des choses dans cette liste invisible, ce menu. Et le problème est que notre téléphone met un nouveau choix au menu, qui sera toujours mieux en apparence, plus gratifiant, que la réalité. Ce n’est pas vrai, mais ça nous donne cette impression.
Sauf, sauf, si tu as une meilleure connexion aux autres : quand tu as une discussion vraiment passionnante pendant ton diner, tu ne vas pas te dire « c’est pas top, allons regarder s’il y a mieux sur Internet ».
Mais si tu t’ennuies, que tu fais la queue, ça aura l’air mieux, tu te dis que ce sera plus productif, que tu pourras apprendre quelque chose, que tu ne te sentiras plus seul, que tu pourras envoyer ce message en plus, etc.
Le téléphone sera cette chose qui rentre en compétition avec la réalité, et gagne. C’est une sorte de drogue. Un peu comme les écrans de télévision, mais disponibles tout le temps et plus puissants.
Le problème, c’est que ça nous change à l’intérieur, on devient de moins en moins patient avec la réalité, surtout quand c’est ennuyeux ou inconfortable. Et parce que la réalité ne correspond pas toujours à nos désirs, on en revient à nos écrans, c’est un cercle vicieux.
Ce qui est mauvais, c’est que nos écrans, en nous « remplissant », tout en nous donnant faussement l’impression de choisir, menacent notre liberté fondamentale de vivre notre vie comme on l’entend, de dépenser notre temps comme on le veut. Et remplacent les choix que l’on aurait fait par les choix que ces entreprises veulent que l’on fasse.
Ça ne risque pas de s’arranger, j’imagine…
C’est vrai. Parce qu’on est dans une économie de l’attention, avec une compétition entre les applications, ça va devenir de pire en pire.
Comme la réalité virtuelle ou immersive, qui va devenir plus persuasive que la réalité physique. Et qui voudrait rester dans le réel quand on lui propose de faire l’amour avec la personne de ses rêves ou d’aller cueillir des arcs-en-ciel ? Et je ne suis pas dans un truc futuriste là, Facebook a déjà sorti son Oculus Rift.
Mark Zuckerberg au Mobile World Congress de Barcelone, le 21 février 2016 - Facebook
Ce serait quoi un design « éthique », du coup ?
Ce serait des technologies qui nous rendraient notre liberté de choix. Si ton téléphone fonctionnait pour toi, il ne te dirait pas, comme aujourd’hui « voici tout ce que tu es en train de manquer ». Il ne te ferait pas entrer dans cette matrice créée de toutes pièces.
En fait, il y a un phénomène d’addiction à ces sollicitations. La première chose que font 80% des gens le matin, c’est d’allumer leur téléphone. C’est quelque chose qui va exister de toutes façons, donc la réponse n’est pas : jetons la technologie par la fenêtre.
La réponse à l’addiction n’est pas l’abstinence parce que ça serait transféré ailleurs. La réponse à l’addiction est de connecter les gens entre eux. Il y a beaucoup de recherches en ce moment là dessus : si tu mets des gens addicts dans une communauté très forte, alors ils ne se sentent plus seuls, et ils ne sont plus accros.
Pour que les technologies nous aident à combler ces besoins humains fondamentaux au lieu de prendre leur place, il faut qu’elles changent. Ce ne sera pas quantitatif comme avoir moins de notifications. Tous ces écrans seraient radicalement différents, ils créeraient, par design, du lien social.
« Wall-e » (film de 2008), que Tristan Harris prend en exemple - Andrew Stanton
Par exemple, au lieu de se coucher le soir ou de se lever le matin en ouvrant Facebook et en se comparant à tous nos autres amis, notre téléphone nous ferait de la place pour nous connecter aux gens auxquels on tient. Si on fait du yoga le matin, ça n’ouvre pas une application de yoga, mais ça te propose de le faire avec tes amis, ceux qui en font en même temps que toi.
Mais Facebook et d’autres créent du lien social. Ça me permet de garder contact avec des amis à l’autre bout de la terre par exemple.
Il faut se garder de penser en noir et blanc. Oui, d’une certaine façon la technologie est fantastique, elle fait plein de trucs incroyables. Mais il y a aussi un tas de ratés, si on veut, qui ont pour conséquence que les gens se sentent très mal.
Par exemple, LinkedIn, occasionnellement, nous aide à trouver un boulot. Tous les jours des gens y vont pour travailler et cette entreprise, au lieu de se demander comment les aider à ça, se demande « comment je fais pour qu’ils passent le plus de temps possible dans mon application » ?
C’est un peu tendu de dire ça, mais bon, c’est comme réveiller des gens qui sont dans une secte, qui croient en un système qui est vraiment puissant et fait vraiment des choses pour eux. Et c’est très inconfortable pour eux de voir la vérité en face, que ce système n’est pas totalement bon.
Comment es-tu devenu conscient de ces problèmes ?
Ça a commencé quand j’étais magicien — je n’étais pas un magicien très sérieux, je n’ai donné qu’un spectacle en terminale (rire). Mais il y a une façon de penser que la magie t’enseigne. Au lieu de penser à ce que l’esprit peut faire, il faut trouver ces petites asymétries de perception. Ce qui veut dire qu’il y a des choses qu’un magicien fait et que le public ne verra pas. Même si, quelque part, c’est juste devant leur nez. Ça t’enseigne les limites de l’attention et du choix.
Plus tard, à l’université, j’étais un ingénieur traditionnel en informatique à Stanford, j’ai travaillé chez Apple dans les logiciels en tant que stagiaire, à 19 ans, et j’étais très enthousiaste à l’idée que la technologie nous donnerait du pouvoir — il y avait Steve Jobs qui disait que les ordinateurs pouvaient être des bicyclettes pour notre esprit, nous donner le pouvoir de penser et d’agir différemment.
Ma dernière année à Stanford j’ai choisi le cours pour devenir membre du laboratoire de persuasion technologique de Stanford. Qui était assez connu en fait pour enseigner aux étudiants comment entrer dans la psychologie des gens, et rendre les produits plus persuasifs et efficaces.
« Persuasifs », ça semble bizarre comme mot dans ce contexte, mais ça veut dire : comment tu conçois un formulaire pour que les gens le finissent ? Si tu veux que quelqu’un ouvre un mail, comment tu le fabriques pour que ça soit le cas ?
On a appris toutes ces techniques, qui ressemblent à celles des magiciens. Dans ce cours, un des fondateurs d’Instagram était mon partenaire projet, et aussi beaucoup de gens qui avaient rejoint Facebook, qui sont ensuite devenus des designers et des psychologues importants dans l’entreprise. Donc j’ai vu sous mes yeux cette connexion entre les étudiants qui s’entrainaient à toutes ces stratégies et ces entreprises, qui utilisent ces principes tout le temps. Parce que c’est la clé du succès économique, faire en sorte que les gens passent le plus de temps possible sur leurs services.
La question est : quelle est la morale derrière ? Comment tu définis le bien ? Parce que ces gens, qui n’ont pas de mauvaises intentions en soi, ne sont pas des philosophes de 90 ans, mais de jeunes designers vivant à San Francisco.
Tu étais l’éthicien de Google pendant trois ans ou le « philosophe produit », ça veut dire quoi ?
En fait, j’ai été embauché chez Google après le rachat d’une application que j’avais lancé, Apture, qui était une sorte d’interface pour souligner et commenter des pages web.
Là-bas, j’ai rencontré des gens qui concevaient la sonnerie du téléphone, j’allais à des réunions où les gens se disaient « envoyons une notification à chaque mail ». J’étais dans des équipes qui allaient façonner l’attention de milliards de personnes.
Parce que j’avais été magicien, que j’avais appris la persuasion technologique à Stanford, je voyais à quel point Google et d’autres compagnies dans la tech allaient affecter la vie des gens et ça me préoccupait. Surtout qu’il n’y avait pas du tout de réflexion là-dessus, on ne se demandait pas si ça allait être bon pour les gens. Et c’est normal, parce que c’est difficile de prendre ses responsabilités pour tout l’impact que tu as. C’est un travail difficile déjà de faire marcher ces objets, donc si en plus tu dois penser à l’impact sur les utilisateurs, ça fait beaucoup.
Après un an là-bas donc, je pensais déjà à partir, et je sentais qu’il y avait ce débat qui manquait à Google. Donc avant de quitter l’entreprise, j’ai décidé de faire une présentation, un manifeste.
J’y ai expliqué comment une poignée de personnes, des hommes pour la plupart, vivant à San Francisco, décidaient de la façon dont des milliards de personnes dans le monde utilisaient leur attention.
Ce ratio n’a jamais existé auparavant : qu’un si petit nombre de personnes deviennent les architectes en chef de ces sortes de villes invisibles qui connectent des milliards de gens entre eux, pas par des routes mais par le design d’un téléphone.
C’était un gros succès et on m’a offert de rester, ce qui était très généreux, pour penser et travailler sur ce problème qui pourrait être résumé par : « Si un petit groupe de gens décide pour une masse de personnes, quelle éthique devraient-ils utiliser ? »
C’est très difficile mais on doit résoudre ce cas d’école parce que c’est ce qui est en train de se passer. Pendant trois ans, j’ai appris et lu beaucoup, j’ai inventé de nouveaux concepts, de nouvelles distinctions, un vocabulaire pour aider à penser ça.
Mais ça a mal tourné ?
En réalité, c’est difficile pour ces problèmes de devenir une priorité, quand l’entreprise doit atteindre ses objectifs du trimestre. Il y a des milliers de personnes dans ces entreprises qui sont accaparées par le produit qu’on doit sortir prochainement. Quand Apple fait une montre, Google doit faire une montre, et que la montre capte l’attention des gens ou les rende fous, n’était qu’une arrière-pensée, et encore.
Je ne suis pas parti parce que j’étais en colère, mais parce qu’une conversation très très importante n’avait pas lieu dehors sur comment ces technologies affectent les gens.
En partant de Google, en 2014, tu as décidé de créer ce label, « Time well spent », pour distinguer les technologies qui nous aident à mieux utiliser notre temps et redonne du pouvoir aux utilisateurs. Ça marche ?
Il y a pas mal de gens de l’industrie dans ce label, qui ont eu cette prise de conscience. On a fait des ateliers pour apprendre aux designers comment faire différemment. Mais en fait on s’est rendu compte qu’il était trop tôt pour ça. Il faut d’abord les convaincre que ça a du sens.
Pense au label bio, par exemple. Ça ne s’est pas fait d’un coup : « Coucou, il y a le bio, on en a fait un label, et voilà. » Ça a pris bien quinze ans pour sortir. Avant le bio, les gens se disaient « la nourriture c’est de la nourriture, je l’achète, je la mange, et voilà ».
Ce qu’a fait le bio, c’est créer un débat. Le système agro-industriel, comme la technologie, on le subit, ça nous influence, on est dedans, et le bio était cette prise de distance, qui a fait qu’on s’est demandé : D’où vient ma nourriture ? Est-ce que c’est vraiment ce qu’on veut ? Est-ce qu’on peut construire le système différemment pour que ça nous redonne du pouvoir ?
Et là, c’est encore plus difficile à labelliser, ce n’est pas juste enlever des produits chimiques. Avec cet obstacle : il n’y a pas assez de place laissée aux développeurs pour qu’ils imaginent des alternatives. Par exemple Apple ne va pas te laisser faire ton propre écran d’accueil, ou Android, c’est plus ouvert mais ça reste compliqué. Donc comment les consommateurs peuvent faire pression publiquement sur ces entreprises s’ils ne savent pas à quoi ça ressemblerait ?
Maintenant, la meilleure chose qu’on peut faire, c’est de déclencher une prise de conscience massive. ll faut prendre la parole tous ensemble si on veut que ça devienne une priorité.
Ce n’est pas le principal problème de l’humanité, c’est vrai, mais par exemple, la question de la vie privée, on en parle énormément. Parce que c’est un concept intuitif en fait : « Ne prends pas mes données. » Mais il y a cette autre chose : des millions d’heures sont juste volées à la vie des gens, manipulés tous les jours de leur vie, et il n’y a pas un seul débat public là-dessus !
Est-ce que ce débat est porté par d’autres personnalités aux Etats-Unis ou ailleurs, à ta connaissance ?
Je ne dis pas ça pour passer pour un prophète, mais non. Je vais être téméraire et dire : c’est une vérité inconfortable à regarder. Les gens de l’industrie n’auront pas cette conversation.
Parce que disons que tu travailles à LinkedIn ou Twitter : ta possibilité de nourrir tes enfants, de leur payer une école, de vivre dans une ville aussi chère que San Francisco (qui est très chère), dépend de la possibilité de maximaliser le potentiel économique de ces technologies. Donc tu ne veux pas creuser vraiment à l’intérieur de cette vérité.
Justement, concevoir des technologies qui nous feraient perdre moins de temps et nous rendraient notre liberté de choix, c’est tellement opposé aux intérêts économiques de l’industrie actuellement que ça me rend pessimiste.
J’entends ça. Je me sens aussi, pas pessimiste, mais frustré, que notre système soit si éloigné de ce qui serait bien pour les gens. Mais je veux vraiment qu’on capte l’attention de deux entreprises : Apple et Google. Non pas parce qu’elles sont bonnes ou mauvaises, mais parce que ce sont celles qui ne vivent pas du temps que tu passes sur Facebook ou sur n’importe quelle application, ce n’est pas leur métier.
Ce sont les « gatekeepers », les principaux acteurs du marché. Pour filer avec la métaphore du bio, qui décide s’il y a des étals bio ou pas ? Ce sont les gens qui fabriquent les passerelles, ce sont les supermarchés pour le bio et en technologie ce sont les téléphones.
Il y a un espoir si on met la pression sur ces entreprises, pour qu’elles fabriquent un nouveau portable. A la place de sortir un portable qui brille dans le noir par exemple, ça pourrait être un portable « Time well spent », qui t’aide à mieux utiliser ton temps.
Qu’est-ce qu’on peut faire en attendant que Google et Apple se réveillent, si on veut dépenser mieux notre temps ?
Pour ceux qui se sentent concernés par le problème, et veulent le faire, j’ai quelques conseils. Pour résumer :
Réduire le nombre de perturbations. Il y a un tas de recherches qui montrent que ton horloge interne, et de pensée, est perturbée par des interruptions trop fréquentes. Donc il faut changer tes réglages pour ne plus avoir de notifications, sauf les messages les plus urgents de véritables personnes. Ne pas mettre de notifications pour les mails par exemple, beaucoup de gens le font — très mauvais selon moi.
Réorganiser ton écran d’accueil. Il faut qu’il y ait le nombre minimal d’icônes dessus et que les applis qui y sont soient des outils basiques dans lesquels tu rentres et tu sors : le calendrier, les GPS, etc. Ce ne sont pas des applis qui vont t’embarquer là où tu ne veux pas aller, contrairement aux mails par exemple.
Ces autres applis, qui fontionnent, en gros, comme des écrans de télé, il faut les mettre dans des dossiers, sur le second écran. Et pas besoin d’organiser parfaitement ces dossiers. C’est pour éviter de faire cliquer inconsciemment sur l’icône lumineuse de l’application, parce que c’est ce qu’on fait le plus souvent.
Ça marche, tu te sens devenir moins fou qu’avant ?
Un peu. C’est important pour moi d’incarner ce que je prêche et je fais ce que je peux mais je reste très connecté, évidemment, je suis dans la sphère publique, donc j’ai beaucoup de sollicitations. Je veux faire plus.
Pour contacter Tristan, on a dû passer par une interface spécifique, qui priorise les sollicitations pour lui - Tristan Harris
Avec « LISA », Pôle emploi crée un fichier légal des chômeurs agressifs
Droit de suite / En novembre 2012, nous révélions l’existence au sein des services de Pôle emploi d’un fichage des chômeurs considérés comme agressifs, à travers la collecte des « fiches incidents clients ». Cette constitution de fait d’un fichier n’avait pas fait l’objet d’une quelconque déclaration, pourtant obligatoire, auprès de la CNIL (Commission Nationale de l’Informatique et des Libertés).
Trois ans et demi après, la direction de Pôle emploi vient de légaliser cette démarche en obtenant une autorisation de cette même CNIL.
La délibération autorise « Pôle emploi à mettre en œuvre un traitement automatisé de données à caractère personnel ayant pour finalité la gestion des incivilités et des agressions survenues à l’encontre de son personnel ».
Un fichier centralisé
Pôle emploi, police nationale : même combat
Pôle emploi a donc mis trois ans et demi à légaliser cette démarche sans que la CNIL s’en émeuve. Ce faisant, le service public de l’emploi se comporte comme la police.
C’est en effet l’histoire des fichiers policiers : ils sont d’abord créés sans déclaration, puis ensuite seulement « légalisés ». De 1995 à 2001, le STIC a, par exemple, fonctionné dans l’illégalité et JUDEX, créé en 1985, ne fut quant à lui légalisé qu’en 2006, comme le relevait le journaliste Jean-March Manach.
Ce fichage met en place une centralisation du repérage des chômeurs considérés comme indésirables.
Auparavant, un fichier était constitué de fait au niveau des directions régionales comme nous le montrions dans notre article, puisque les agents envoyés des fiches à la direction régionale qui jurait (même si ce n’était pas le cas) qu’elle anonymait les fiches.
Aujourd’hui, avec « LISA », Pôle emploi dispose donc à sa demande, d’un fichier centralisé légal.
De « Insulte/raillerie » à « Menace de mort »
« LISA » reprend le spectre très large des chômeurs qui peuvent se faire ficher.
Jusque là, à chaque problème, l’agent devait remplir une « fiche incident client » (déclinaison Rhône-Alpes du Logiciel de Gestion du Risque – LGR) et l’envoyer à la direction régionale.
La nature de l’incident était à cocher. Il pouvait aller de « Insulte/raillerie » à « Agression physique », en passant par « Menace de mort ».
Avec « LISA », la CNIL expose que les chômeurs peuvent être fichés pour « des incivilités et agressions » qui peuvent prendre la forme « d’agressions verbales, comportementales ou physiques, et intervenir sur leurs lieux de travail ou à l’occasion d’activités privées durant lesquelles un agent de Pôle emploi se retrouve en contact avec un usager mécontent ».
La finalité du fichier est toujours la « gestion des incivilités et des agressions », ce qui suppose l’enregistrement des faits et des suites données par la direction régionale.
Les mesures prises par Pôle emploi sont fonction de « la gravité du comportement litigieux », conformément à l’instruction Pôle Emploi n° 2015-57 du 18 novembre 2015 ».
Trois niveaux de réponses correspondant à trois types de courriers peuvent être adressés par le Directeur régional aux usagers mis en cause :
« Le premier niveau de réponse intervient en cas de propos discourtois, insultants ou diffamatoires, de menaces ou de comportement agressif et constitue un simple rappel à l’ordre sur les devoirs de chacun, et en particulier sur le nécessaire respect des conseillers de Pôle emploi, assorti d’une mise en garde sur les suites possibles en cas de réitération (dépôt de plainte et suspension de l’accès aux agences de Pôle emploi) ».
« Le deuxième degré de réponse intervient en cas de propos discourtois, insultants ou diffamatoires, de menaces ou de comportement agressif justifiant le dépôt d’une plainte, ainsi qu’une exclusion temporaire des agences de Pôle emploi pour une période allant de trois à cinq jours. A la différence du premier niveau de réponse, le dépôt d’une plainte est dans ce cas rendu nécessaire par la gravité du comportement ».
« Dans les hypothèses les plus graves, c’est-à-dire en cas d’agressions ou de dégradations, le Directeur régional adresse un courrier à l’usager en cause pour l’informer qu’une plainte a été déposée à son encontre et que l’accès aux agences de Pôle emploi lui est interdit pour une durée allant de dix à quinze jours ».
Des chômeurs « vont se retrouver fichés car les agents n’en peuvent plus »
La sanction est décidée sans prise de rendez-vous avec le chômeur. Le courrier reçu par le demandeur d’emploi doit seulement mentionner la possibilité d’exercer un recours contre la décision (recours gracieux ou recours pour excès de pouvoir devant le Tribunal administratif).
« Comme pour le précédent fichage, cette procédure n’intègre pas le principe du contradictoire. C’est un vrai problème. Nous avons déjà été contactés par des personnes qui ont été fichés et interdits d’agence. Or nous nous sommes rendus compte qu’il n’y avait rien dans le dossier. Dans les trois affaires que nous avons suivies, toutes les plaintes de Pôle emploi ont été classées sans suite ».
Et d’ajouter :
« Les gens sont tellement à cran, en colère, qu’ils vont se retrouver fichés car les agents n’en peuvent plus. C’est un problème de conditions de travail ».
Mais la sanction prise par Pôle emploi, comme le relève la CNIL, ne peut pas avoir pour conséquence de priver les chômeurs de leurs indemnisations ou de « la possibilité d’accéder aux autres services offerts par Pôle emploi » (téléphone ou par Internet).
Des données conservées trois ans
« LISA » regroupe des données des chômeurs et des agents de Pôle emploi :
• « l’identité des agents concernés : nom, prénom(s), poste, entité (agence de Pôle emploi concernée) »
• « l’identité de l’auteur d’un comportement litigieux : nom et prénom(s), adresse, identifiant Pôle Emploi, situation professionnelle »
• « les incivilités et aux agressions commises par les usagers de Pôle emploi : exposés objectifs des faits »
• « les suites données à un comportement litigieux : date, nature, descriptif et accompagnement proposé à l’agent victime ; mesures prises à l’encontre de l’auteur de l’incivilité ou de l’agression ».
Même si les faits contenus dans le fichier « LISA » peuvent se rapporter à une infraction pénale, la CNIL considère que cette collecte de données pouvant se rapporter à des infractions pénales est « légitime et conforme » aux dispositions de l’article 9 dela loi du 6 janvier 1978.
La CNIL estime notamment que ce n’est pas « excessif » de collecter et de conserver ces données.
Les données sont ainsi conservées pour « une durée maximale de trois ans ».
La CNIL va dans le sens de Pôle emploi qui souhaitait conserver ces données le plus longtemps possible pour « permettre un traitement différencié lors d’une éventuelle réitération des faits ».
Idem, la CNIL valide la liste des personnes qui peuvent accéder au fichier « LISA ». En l’occurrence, cette liste de « membres habilités » est constituée d’agents en charge de la sécurité et/ou des conditions de travail.
« Les demandeurs d’emploi vont être informés »
Nous avons contacté ce mercredi la direction régionale Auvergne Rhône-Alpes. Une porte-parole nous a assuré que l’information en interne auprès des agents « a été faite ».
Mais lorsque nous sommes allés à la rencontre quelques employés dans deux agences de Pôle emploi, aucun n’avait été mis au courant de la création de ce nouveau système informatique « LISA ».
Contactés sur le sujet, trois syndicalistes de Pôle emploi n’étaient pas plus au parfum. Or, comme le précise la délibération de la CNIL, les agents comme les chômeurs doivent être informés :
« Les personnes concernées par le traitement « LISA » sont informées par une mention sur le site internet de Pôle emploi et les courriers adressés aux usagers, un affichage dans les agences de Pôle emploi à destination des usagers, ainsi que par des documents et des notes de présentation expliquant le dispositif aux agents de Pôle emploi ».
La direction régionale affirme que l’affichage dans les agences et la mention sur le site Internet de Pôle emploi est « en cours » et que les « demandeurs d’emploi vont être informés ». A voir.
Entre mai 2009 et septembre 2014, l’Union européenne (UE) et le Canada ont négocié un accord de libre-échange, l’Accord économique et commercial global (AECG, en anglais « CETA »). Au même titre que le projet de « Partenariat » transatlantique actuellement en cours de négociation entre les États-Unis et l’UE (TAFTA/PTCI) [1] , et que l’Accord de partenariat transpacifique (PTP/TPP), le CETA/AECG est un accord commercial et d’investissement dont les négociations se sont déroulées dans une parfaite opacité.
Loin des regards des peuples européens et canadien, la Commission européenne, au nom des 28 États membres de l’UE, et le gouvernement canadien sont sur le point de sceller cet accord. Conformément aux vœux des lobbies des multinationales qui en sont à l’origine, il vise à démanteler toute forme de « barrière au commerce et à l’investissement » afin de « fluidifier » les échanges entre les deux rives de l’Atlantique.
A l'occasion de la manifestation de ce jeudi contre la Loi travail El Khomri, les forces de l'ordre sont intervenues violemment contre des manifestants. Plusieurs journalistes en ont également été victimes.
Depuis plusieurs mois à Rennes, les affrontements entre manifestants et forces de l'ordre se multiplient à l'occasion du mouvement contre la loi travail El Khomri. La répétition incessante de ces manifestations, provoque une montée en puissance des réactions de part et d'autres, avec des dérapages et des scènes de violence de plus en plus marquées. Ce jeudi encore la manifestation n'a pas échappé à la règle et a été le théâtre d'échauffourées.
Une charge dangereuse
Vers 15h30 alors que des manifestants contre la loi travail tentaient d'accéder à la rocade de Rennes, les policiers ont chargé la foule avec leurs véhicules. Ils ont ouvert les vitres pour vaporiser au passage de grandes quantités de gaz lacrymogène et asséner des coups de matraque sur les manifestants. Les véhicules ne se sont arrêtés qu'après avoir traversé la foule. Puis plusieurs dizaines de membres des forces de l'ordre ont pourchassé les manifestants pour achever la dispersion, à coups de matraque. La charge a fait au moins trois blessés qui ont dû être pris en charge par les pompiers, dont l'un a été emmené directement par les manifestants aux urgences.
violences policières
Le témoignage de notre journaliste
Notre reporter cameraman, Bruno Van Wassenhove, qui était sur place raconte : "Ils ont couru sur les voies en criant "la rocade est à nous". Les véhicules de police ont alors serrés les journalistes et les manifestants sur le bas côté de la route. Les forces de l'ordre se sont dirigés vers les jeunes, qui se sont égayés dans les fossés et les talus. Dans l'action, j'ai vu un confrère photographe se faire matraquer, puis quelques instants plus tard se retrouver à terre. La police a cherché à disperser les manifestants à coups de matraque. Lorsque nous journalistes, nous sommes insurgés auprès des forces de l'ordre de la violence de leur intervention, les policiers très énervés, ont brutalement écarté plusieurs d'entre nous. Une journaliste, qui filmait, s'est vu attrapée vigoureusement et éjectée, j'ai moi-même essuyé un coup de matraque."
Rennes : des journalistes agressés
Dès le 22 avril, dans un communiqué le club de la presse de Rennes avait alerté manifestants et forces de l'ordre, qu'il était primordial que les journalistes ne soient pas pris à partie, pour exercer pleinement et dans des conditions acceptables leur mission d'information. Une nouvelle fois, le club de la presse monte au créneau pour condamner les violences policières de ce jeudi.
A lors que le travail parlementaire autour du projet de loi travail poursuit son chemin sur fond de tensions sociales, les sénateurs ont voté un amendement qui revient aux 39 heures hebdomadaires.
La colère des sénateurs socialistes s'est faite entendre, ce jeudi 2 juin, après que le Sénat a adopté un amendement visant à supprimer les 35 heures de travail hebdomadaire, pour revenir aux 39 heures.
Comme le rapportent nos confrères de l'Obs, le groupe socialiste au Sénat a déclaré que désormais, le texte issu de la commission porte "atteinte aux droits des salariés".
Plusieurs points de tension
Alors que l'examen du texte a pris fin au cours de la nuit dernière en commission des Affaires sociales, ils dénoncent aussi "le travail des apprentis à 14 ans jusqu'à 10 heures par jour, le refus de lutter contre la précarité des travailleurs saisonniers, la précarisation de l'emploi par abaissement de la durée minimale de 24h par semaine du temps partiel, ou le compte pénibilité largement amputé", rapporte l'Obs.
Avec cet amendement, qui porte sur l'article deux de la loi, tant décrié, la durée du temps de travail est déterminée par accord d'entreprise ou de branche. "A défaut d'accord, cette durée serait fixée à 39 heures hebdomadaires ou 1790 heures en cas d'annualisation du temps de travail", précise l'amendement.
Si la législation fixe actuellement la durée maximale du temps de travail à 35 heures, il est déjà largement facile de les contourner, comme l'explique l'Express. C'est d'ailleurs un argument récurrent pour les partisans du retour aux 39 heures, qui indiquent également que la France est parmi les pays européens avec la plus faible durée de travail annuelle.
Au total, près de 400 amendements ont été déposés en commission des affaires sociales au Sénat. La loi sera examinée en séance, à partir du 11 juin prochain.
La moitié des zones humides ont disparu au cours du siècle denier. pourtant, elles offrent de nombreux services gratuits. Mobilisons-nous d'urgence !
Protéger les zones humides, c'est bon pour l'économie et l'attractivité des territoires.