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16 juin 2016 4 16 /06 /juin /2016 13:50

 

Source : https://www.mediapart.fr

 

 

Loi travail: ce blessé grave qu'ont oublié Valls et Cazeneuve
 
 
 

Les responsables politiques, Manuel Valls et Bernard Cazeneuve en tête, ont choisi de dire leur indignation devant les dégradations mineures subies par les façades de l’hôpital pour enfants Necker, lors de la dernière manifestation parisienne contre la loi sur le travail. Mais le silence est total sur un manifestant gravement blessé, sans doute par le tir d’une grenade lacrymogène.

 

Les bris de vitrines de l’hôpital pour enfants Necker à Paris, et plus généralement les dégradations massives d’un petit millier de manifestants sur les centaines de milliers qui ont défilé mardi à Paris, ont masqué l’essentiel : l’ampleur de la manifestation. Elles ont aussi rendu invisibles les violences policières alors que, selon nos informations, un manifestant a été sérieusement blessé après avoir été touché par un tir de grenade lacrymogène, selon plusieurs témoignages recueillis par Mediapart.

 

Dans son communiqué diffusé mardi soir, la préfecture de police de Paris indique que « 24 policiers ont été blessés ainsi que 17 manifestants tous en urgence relative. Un des manifestants est en cours d’opération mais son état n’inspire pas d’inquiétude majeure ». Mais selon nos propres sources, au moins 150 manifestants ont été blessés mardi, dont une quinzaine qui ont nécessité une évacuation d’urgence du cortège.

Lors d’une conférence de presse mercredi en fin de journée, le préfet Michel Cadot a cependant indiqué que 11 manifestants avaient été blessés, dont 8 admis dans des hôpitaux, soit déjà 6 de moins que la veille au soir. Sans doute conscient de ces problèmes de décompte qui se répètent à chaque manifestation, le préfet a souligné que d’autres chiffres pouvaient circuler, ses services ne prenant en compte que les informations qui remontent des pompiers ou du Samu.

Revenant sur le manifestant blessé grièvement vers 15 heures au croisement des boulevards Raspail et du Montparnasse, le préfet a indiqué qu’il n’y avait pas de « conséquences lourdes » pour cette personne. Selon nos informations, l’homme souffre d’une fracture d’une vertèbre et a nécessité une greffe de peau et une greffe de chair. Mercredi en fin d’après-midi, on ignorait s’il était toujours sous sédation.

En revanche, selon de nombreux témoignages que nous avons pu recueillir, les circonstances exactes qui ont provoqué cette blessure se sont précisées. Ainsi ce témoignage de S. – qui a souhaité rester anonyme – et qui se trouvait à proximité de l’homme au moment des faits. « Je n’ai pas vu ce qu’il a pris exactement dans le dos mais dès qu’il est tombé, j’ai vu des gens crier “À l’aide” et “Medics” [pour appeler les équipes de street medics ] », explique S. dans un message qu’il nous a envoyé. 

 

L'impact de la grenade qui a brûlé et creusé une large plaie en haut du dos du manifestant grièvement blessé mardi à Paris. © KZH L'impact de la grenade qui a brûlé et creusé une large plaie en haut du dos du manifestant grièvement blessé mardi à Paris. © KZH

 

Thibaud Le Floch, journaliste qui couvrait la manifestation pour LCP, la chaîne parlementaire, témoigne : « J’étais peut-être à trois mètres de lui, un homme massif habillé tout en noir. J’ai vu un objet tomber du ciel et se coincer dans son dos, entre sa tête et son sac à dos. Immédiatement, il a explosé et un gros nuage de fumée s’est dégagé. L’homme s’est tout de suite effondré, face contre terre, sans faire un geste des bras pour se retenir. » « L’objet qui a explosé est une bonbonne grise, qui est arrivée par au-dessus », explique encore le journaliste. Le journaliste a filmé les instants qui ont immédiatement suivi l’explosion, et a bien voulu confier ces images à Mediapart (voir ci-dessous).

© Thibaud Le Floch / LCP

Jointe par téléphone, C. – qui elle aussi n’a pas voulu que son nom apparaisse – est plus précise. « Il y avait des affrontements qui venaient tout juste d’avoir lieu. On voulait rejoindre le groupe de manifestants qui se trouvaient à l’avant pour ne pas voir la manifestation séparée en deux, donc on était en train de courir. Je me suis retournée quand j’ai entendu un bruit. Le mec qui était juste derrière moi s’est effondré avec un bruit épouvantable, un “pschiiiiit”. Il avait un truc fiché dans le dos, entre la colonne et l'omoplate, qui faisait énormément de fumée. Quelqu’un lui a enlevé et il y avait un trou béant dans son dos, son t-shirt avait brûlé. »

Sur la nature de l’objet incendiaire qui a provoqué la blessure, le préfet Cadot a déclaré lors de sa conférence de presse qu’il ne pouvait pas « qualifier » le projectile qui a « touché la colonne vertébrale sans atteindre la moelle épinière ». Mais selon quasiment tous les témoins que nous avons interrogés, il ne fait pas de doute qu’il s’agit bien d’une grenade lacrymogène, envoyée donc par les forces de l’ordre qui se trouvaient non loin de là. Un des street medics qui a pris en charge le blessé en est certain, une ogive grise ayant été trouvée sur place. Notre témoin C. aussi, de même qu’un photographe qui se trouvait sur les lieux et qui a témoigné dès mardi soir sur le site de L’Obs

Le préfet Cadot a indiqué qu’une enquête de l’IGPN avait été ouverte mais qu’« apparemment il n'y avait pas la moindre présence des forces de l'ordre à proximité ». Ce n’est pas ce que montrent les images filmées par les journalistes sur place ni les témoignages recueillis. Dans la vidéo du journaliste indépendant Nnoman ci-dessous (son fil Twitter ici, son facebook là), on voit clairement que les policiers arrivent immédiatement sur place. On voit par ailleurs dans cette vidéo que les personnes qui entourent l’homme à terre sont chassées à coups de matraque. Un autre manifestant est d’ailleurs blessé au crâne et s’effondre.

© Nnoman

Cette vidéo a visiblement échappé à la préfecture de police de Paris. Lors de sa conférence de presse, Michel Cadot a ainsi estimé que « les forces de l'ordre ont fait un travail remarquable ». Lors de la manifestation d’hier, 1 500 grenades lacrymogènes ont été utilisées, ainsi que 175 grenades de désencerclement. Un tir de LBD (successeur du Flash-Ball) est annoncé. Il y a eu 58 interpellations et 41 personnes placées en garde à vue, toujours selon le préfet, dont cinq Allemands et un Italien. 

 

À Necker, des vitres brisées

Il est probable que la plupart d’entre eux ont pris part au plus violent des affrontements de cette manifestation. Il a eu lieu à partir de 15 h 30, au niveau de l’hôpital Necker, à la frontière entre les VIIe et XVe arrondissements, au niveau de l’intersection du boulevard du Montparnasse et de la rue de Sèvres (voir ici le plan de l’hôpital). À cet endroit, la police a stoppé l’avancée du cortège pendant une bonne heure, et a subi au moins pendant vingt minutes des jets de projectile de toutes sortes, et a répliqué massivement à coups de gaz lacrymogènes, avant de disperser les plus violents à coup de canons à eau (cette vidéo donne une bonne idée de l’ambiance générale à ce moment).

Philippe Bonnet, secrétaire général-adjoint du syndicat CGT de l’AP-HP à l’hôpital Necker, était présent à la manifestation avec ses collègues, dont certains étaient devant leur hôpital au moment des affrontements. Il condamne les violences, et raconte : « L’épisode a été très violent, et pas si bref que cela. En remontant le parcours, les casseurs, qui étaient plusieurs centaines, avaient déjà brisé de très nombreuses vitrines, et bombardé la façade de la maison de Solenn, une maison médicalisée pour adolescents, qui dépend de l’hôpital Cochin. Devant Necker, les policiers étaient d’un côté, et les casseurs de l’autre. Ces derniers ont arraché, parfois avec des burins, de grandes parties de bitume juste à côté de la station de métro, et ils avaient aussi quelques pavés en main. Ils ont bombardé pendant de longues minutes les CRS devant la façade de la rue de Sèvres. Ces projectiles ont endommagé la façade en hauteur, du côté de la rue de Sèvres, mais aussi au moins un bus qui était stationné là, et dont les vitres ont été brisées. »

 

Bus et façade de l'hôpital caillassés, le 14 juin, juste après les principaux affrontements. © Rachida El Azzouzi Bus et façade de l'hôpital caillassés, le 14 juin, juste après les principaux affrontements. © Rachida El Azzouzi

 

Durant ces échauffourées, les baies vitrées de l’hôpital, côté boulevard du Montparnasse, ont aussi été endommagées, à hauteur d’homme. Pierre Trouvé, journaliste du Monde.fr, a filmé la fin de cette séquence de dégradation, et l’a diffusée en direct sur Periscope. Le Monde a publié l’extrait en question sur son site. On y voit un homme en noir, cagoulé et seul, porter méthodiquement des coups de masse sur les vitres à sa portée, sur la longueur de la façade. Un autre homme, en blanc, donne deux coups de pied à l’une des vitres. Un dernier homme tente de les arrêter, en criant : « Hé, c’est un hôpital de gosses ! »

Voilà pour les violences qui ont touché l’hôpital. Ce mercredi, de larges bandes adhésives orange et une planche en bois protégeaient les façades vitrées, où l’on pouvait voir par ailleurs trois impacts de projectiles en hauteur. En tout, quinze vitres ont été endommagées, à des degrés divers. Personne n’est entré dans l’hôpital, et très peu de manifestants l’ont visé explicitement. Ce qui n’a pas empêché le gouvernement de marteler son indignation sur ces événements. Peu importe leur impact réel.

 

La façade de l'hôpital Necker, boulevard du Montparnasse, le 15 juin. © D.I. La façade de l'hôpital Necker, boulevard du Montparnasse, le 15 juin. © D.I.

 

Invité sur France Inter mercredi matin, le premier ministre Manuel Valls n’a pas hésité à décrire un hôpital « dévasté ». La ministre de la santé Marisol Touraine a quant à elle condamné dans un communiqué les « dégradations révoltantes de la part de casseurs ». Tous deux se sont rendus sur les lieux dans la matinée. Martin Hirsch, le directeur général de l'AP-HP, a pour sa part dénoncé les « casseurs », qui « ont délibérément visé l’hôpital, en lançant des pavés, sur la façade du bâtiment Laennec, alors même que la signalétique montrait sans ambigüité qu’il s’agit d’un établissement de soins »

« Juste derrière les vitres visées, il y a des blocs opératoires. Pendant ces attaques, il y avait des enfants qui étaient opérés et des équipes soignantes au travail, sous les bruits et les menaces des projectiles. Les soins ont été perturbés », s’est-il indigné. Il est exact que, selon les témoignages recueillis, nombre de personnels et de patients de l’hôpital ont été choqués par le passage de la manifestation et les affrontements. Mais difficile de dire s’ils l’ont été en particulier par les quelques projectiles envoyés sur les façades. Par ailleurs, des blocs opératoires sont bien situés du côté de la rue de Sèvres, où Mediapart a relevé deux impacts. Mais les vitres endommagées ne donnent pas sur ces salles d’opérations, séparées d’elles par un espace vide et inaccessible, et par une façade de type tôle ondulée.

Devant les réactions outrées de l’exécutif, Philippe Bonnet de la CGT Necker s’inquiète : « On essaie de discréditer totalement la CGT. Or, ce n’est pas parce que le syndicat organise la manifestation qu’il peut gérer des casseurs comme ceux-là. La France organise bien l’euro, et il y a des débordements de hooligans à Marseille et ailleurs, mais les organisateurs expliquent que ce n’est pas leur faute. Ce n’est pas plus celle de notre syndicat. » Il en convient néanmoins, « s’attaquer à un hôpital pédiatrique, c’est le summum. Pour retourner l’opinion publique il n’y a pas mieux. » 

Hollande évoque l'interdiction des manifestations

Une bonne partie de la classe politique n’a en effet pas raté l’occasion, reliant immédiatement les débordements, la grosse casse et les slogans anti-police au double meurtre de policiers revendiqué par l’État islamique intervenu lundi 13 juin. « Je n'accepterai plus que dans des manifestations comme celle qui s’est déroulée aujourd’hui, il y ait des sauvageons qui puissent tenir ce type de propos, avec 27 policiers blessés, les vitres de l’hôpital Necker brisées, alors que l'enfant du couple tué s'y trouve, a prévenu Bernard Cazeneuve, ministre de l’intérieur, sur France 2 mardi soir. Tout cela est inacceptable. »

Interrogé sur ces débordements sur France Inter, Manuel Valls a par ailleurs clairement ciblé la CGT, dénonçant une « attitude ambiguë du service d'ordre du syndicat vis-à-vis des casseurs qui ont sévi tout au long du cortège ». Le premier ministre est même allé plus loin. « Ces manifestations ne peuvent plus durer ainsi, j'en appelle à la responsabilité d'un syndicat, la CGT, qui, hier, à l'évidence, a été débordé. Beaucoup plus d'ultras et de casseurs, que d'habitude, 700 à 800, plus difficiles à encadrer (…) Je demande à la CGT de ne plus organiser ce type de manifestation sur Paris. Et au cas par cas nous prendrons, nous, nos responsabilités. » 

© France Inter

Michel Cadot, préfet de Paris, a détaillé en conférence de presse dans l’après-midi la pensée du premier ministre, évaluant le rassemblement en amont du cortège syndical à 3 000 manifestants, « pas forcément violents », dont « une quarantaine de drapeaux CGT »« Il n'y a pas de profil type des personnes interpellées, poursuit le préfet. Ils font partie pour certains d'entre eux de mouvements radicaux. De tous âges. » Il note néanmoins qu’« une petite partie des manifestants de la CGT a participé à des violences », notamment des militants « du Havre », après appel à la dispersion par les organisateurs de la manifestation.

Philippe Martinez, contacté par Mediapart, a immédiatement réagi à ces critiques : « Quand on est en difficulté sur un texte, on cherche à faire diversion. Mais c’est gravissime. Nous condamnons ce qui s’est passé à Necker, c’est évidemment scandaleux mais la CGT n’a rien à voir avec ça. Or elle est constamment pointée du doigt. Il y a un mois, on nous a accusés d’avoir sorti les gros bras pour faire le ménage chez les casseurs, donc faudrait savoir ce qu’on attend de nous. » 

François Hollande, un peu plus tard dans la journée de mercredi, a lui aussi alimenté la polémique, par l’entremise de Stéphane Le Foll, au sortir du conseil des ministres. « À un moment où la France accueille l’Euro, où elle fait face au terrorisme, il ne pourra plus y avoir d’autorisation de manifester si les conditions de la préservation des biens et des personnes et des biens publics ne sont pas garanties. » Pour Jean-Claude Mailly, c’est le coup de trop : « Ça suffit », a tonné le leader de Force ouvrière, mercredi midi sur France Info : « Les casseurs, ça pénalise aussi les manifestants. Je considère que sur l’antenne de France Inter ce matin, le premier ministre a été un pyromane », a ajouté Jan-Claude Mailly. 

« Les violences devant, c’est au ministère et à la préfecture de les gérer, complète Philippe Martinez. Nous, on a pris la décision d’arrêter la manifestation avant les Invalides parce qu’il y avait des problèmes, on a pris nos responsabilités. » Pour la CGT, la menace de l’interdiction est « scandaleuse » : « La préfecture et le ministère savaient que des groupuscules venus d’un peu partout en France allaient monter, pourquoi ils n’ont rien fait ? Et ça fait trois mois qu’ils savent qu’il y a des problèmes dans les manifestations, et ils n’agissent pas en conséquence. À titre de comparaison, on a arrêté les hooligans après les heurts à Marseille en moins de 48 heures. » 

Michel Cadot, à la tête de la préfecture de police de Paris, n’a pas souhaité dire s’il serait « favorable à une interdiction ou non », mais il aimerait que ceux qui envisagent de manifester trouvent une autre manière de s'exprimer. En tête du cortège, les syndicalistes « n'ont pas souhaité prendre leurs distances, au contraire ils se rapprochaient » au moment des interpellations, selon le préfet.

La préfecture de police de Paris peut, selon le droit, interdire une manifestation, sur le principe qu’il y a trop d’éléments perturbateurs et pas assez de forces de l’ordre pour les gérer. Une telle décision est néanmoins rarissime, surtout pour des mouvements sociaux, le conseil d’État contestant régulièrement la légalité du procédé. La prolongation de l’état d’urgence a cependant permis d’élargir considérablement le cadre d’une telle interdiction. Ainsi, lors de la COP21 en novembre 2015, les rassemblements de militants en marge ont été interdits, en raison du double impératif de la menace terroriste et de la sécurisation du forum de Paris et de son aréopage de chefs d’État. Ce printemps, l’Euro 2016 a remplacé la COP. 

« Dans cette légitime question de la balance sur les moyens, où est la démocratie ?, s’insurge Florian Borg, du syndicat des avocats de France, qui maintient que le cortège syndical du 14 juin était « bon enfant »« protégé par le SO »« Bien sûr que la présence de ces personnes en amont du cortège complique la tâche et il n’est pas question d’excuser ces actes, poursuit l’avocat, mais ça ne peut exonérer les pouvoirs publics dans leur manière de gérer l’ordre public. La responsabilité est multiple, mais dire que les casseurs, c’est la faute des organisateurs est un raccourci trop facile pour interdire la contestation sociale. »

Les deux prochaines journées de mobilisation sont prévues pour les 23 et 28 juin, à l’issue de l’examen du texte au Sénat. La CGT rencontre par ailleurs Myriam El Khomri vendredi prochain. La ministre a laissé entendre ces derniers jours, à demi-mots, que des aménagements étaient encore possibles sur sa loi. Un processus de négociation sabré par le premier ministre, toujours sur France Inter, mercredi matin : « Chacun doit savoir que le gouvernement ne changera pas un texte qui est déjà le résultat d'un compromis avec les syndicats réformistes, il y a plusieurs mois », a répété Manuel Valls. « Vous voyez dans quelles conditions se prépare notre rencontre de vendredi ?, souligne Philippe Martinez. On aurait voulu que ça se passe mal qu’on ne s’y serait pas pris autrement. »

 

 

 

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16 juin 2016 4 16 /06 /juin /2016 13:39

 

 

Source : http://leplus.nouvelobs.com

 

 

Connaître ses droits est une infraction : un écrit d'avocat à lire à vos risques et périls
 

LE PLUS. Le fait, pour un manifestant, d'avoir en sa possession un tract syndical donnant des conseils en cas d'interpellation fait-il automatiquement de lui un suspect ? C'est ce qu'a estimé le procureur général de Paris. Cela en dit long sur la politique pénale de notre gouvernement, pour l'avocate Laure Heinich.

Édité par Rozenn Le Carboulec 

 

 

 

 

Interpellation lors d'une manifestation contre la loi travail à Nantes, le 9/06/16 (S.SALOM-GOMIS/SIPA)

 

Devant donner sa position sur la demande de mise en liberté d’un individu soupçonné d’avoir participé à des violences lors d’une manifestation, le procureur général de Paris choisit de s’y opposer. Parmi les raisons invoquées, un tract trouvé en perquisition. Il s’agit d’un document d’un syndicat d’avocats donnant des conseils en cas d’interpellation. Sur ce tract, sont énoncés les droits des personnes placées en garde à vue (le droit au silence, le droit de se faire assister d’un avocat, de prévenir sa famille, de bénéficier d’un examen médical), il y est aussi prescrit de ne pas insulter les forces de l’ordre ni d’avoir un comportement violent envers eux.

 

Pour le procureur général, détenir un tel document prouve la volonté de participer à une action violente et justifie ainsi la répression la plus ferme. Il semble donc que connaître ses droits en cas de placement en garde à vue caractériserait une intention de nuire.

 

Au pays de "Charlie", lire est un danger

 

Suspecter un citoyen qui s’informe, cela en dit long sur la politique pénale de notre gouvernement… Au pays de "Charlie", si la liberté d’écrire est sauve, lire est un danger. On recommanderait trop de ne pas s’intéresser au droit des prisonniers, la sanction semblant dictée par l’intitulé du papier.

 

Par un tel positionnement, le procureur général entend ni plus ni moins sanctionner l’accès au droit par les citoyens. Et puisque nul n’est censé ignorer la loi, impossible d’échapper à la répression : c’est une infraction de la méconnaître et une infraction de l’apprendre…

 

Celui qui se défend, suspect de trop connaître son dossier

 

Dans les tribunaux, la suspicion pèse depuis longtemps sur celui qui se défend, suspect de trop connaître son dossier, suspect de ne pas plier devant le système, de ne pas se confondre en excuses bien formatées.

 

Aujourd’hui, ces suspicions pèsent sur celui qui s’informe avant de participer ou non à une manifestation avec pour objectif évident de l’en dissuader. C’est ce constat que dresse mon confrère Emmanuel Daoud qui voit, dans ces réquisitions écrites du procureur, une volonté de l’État de criminaliser le mouvement social. La répression guette dès lors qu’on manifeste pour ses droits, qu’on les exerce ou qu’on tente simplement de les connaître.

 

Tous prennent le risque de l'illégalité

 

On comprend mieux pourquoi les avocats font l’objet d’autant d’intimidations (écoutes téléphoniques, perquisitions, garde à vue, etc.) puisqu’ils sont les vecteurs de l’objet du délit : la connaissance de la loi qu’ils transmettent.

 

Toutes les issues étant bloquées, les contestataires, les intéressés, les curieux, les lecteurs, ceux qui veulent participer à l’espace public, prennent donc le risque de l’illégalité. Le message adressé aux citoyens est clair : mieux vaut ne pas bouger.

 

Il faut peut-être se poser autrement la question de qui paralyse la France ? La politique pénale affichée démontre une crainte démesurée face aux mouvements citoyens. Quelle vérité craignent-ils à ce point qu’il faille nous museler ? Au moment où il nous est demandé de résister, nous sommes en droit de nous interroger : qui a peur ?  

 

 

 Le tract syndical donnant des conseils en cas d'interpellation

 

 

 

Source : http://leplus.nouvelobs.com

 

 

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14 juin 2016 2 14 /06 /juin /2016 20:53

 

Source : http://www.lesinrocks.com

 

Une campagne de Médecins du Monde censurée pour ne pas déplaire aux laboratoires pharmaceutiques
13/06/2016 | 09h35
Trois des dix affiches de la campagne de Médecins du Monde

L’ONG Médecins du Monde aurait dû lancer une campagne choc, ce lundi 13 juin choc contre le prix de certains médicaments. Mais il n’en sera rien, elle a été “bloquée” par l’Autorité professionnelle de régulation de la publicité (ARPP) qui juge qu’elle pourrait nuire aux laboratoires pharmaceutiques.

Et si dans un futur très proche, les laboratoires pharmaceutiques n’avaient plus besoin de faire pression ou d’exercer un lobbying assidu pour éviter que l’on ne plonge le nez dans leurs bilans financiers ? Eh bien ce futur est peut-être encore plus proche qu’on le croit. L’ONG Médecins du Monde (MDM) aurait dû, en théorie, lancer une grande campagne d’affichage, ce lundi 13 juin, pour dénoncer le prix prohibitifs de certains médicaments contre des maladies comme l’hépatite C, le mélanome ou la leucémie. Une campagne “choc” comme l’ont signalé plusieurs médias lundi matin.

Mais il n’en sera rien. Tout simplement car aucun diffuseur n’a voulu prendre le risque de l’afficher – et par extension de se fâcher éventuellement avec un grand laboratoire. Tel est l’extrait du “conseil” transmis par l’ l’Autorité professionnelle de régulation de la publicité (ARPP) à la société Médiatransports, que nous nous sommes procuré.

 

 

Le zèle de l’ARPP

MDM et Médiatransports ont pourtant travaillé ensemble à plusieurs reprises. Ils ont même remporté un prix ensemble, il y a moins d’un an. Comme de coutume, pour cette campagne, l’ONG a envoyé les visuels de sa nouvelle campagne à la régie commerciale du “leader de l’affichage transport”. Ces derniers vont étonnamment demander conseil à l’ARPP qui n’a qu’un avis consultatif, en aucun cas contraignant, comme dans le domaine audiovisuel.

L’ARPP pointe trois raisons : la “référence a des maladies graves” qui “pourrait être perçue comme choquante par le public”, des “allégations chiffrés” qui ne sont pas sourcées sur les affiches et , surtout, l’ARPP écrit en première justification :

“Nous attirons tout particulièrement votre attention sur le risque de réactions négatives que pourrait susciter l’axe de communication choisi, de la part des représentants de l’industrie pharmaceutique. En effet les entreprises ainsi mises en causes pourraient estimer qu’une telle campagne porte atteinte à leur image et leur cause un grave préjudice et décider d’agir en ce sens.”

Suite à l’avis défavorable de l’ARPP, Médiatransports renvoie un avis négatif à Médecins du Monde. Mais cela ne s’arrête pas là. L’ONG va alors solliciter d’autres afficheurs, parmi lesquels JC Decaux ou le réseau d’affichage Insert. Aucun ne donnera suite et pour cause: le “conseil” de l’ARPP a été “circularisé”, c’est-à-dire envoyé à toutes les sociétés. Une pratique habituelle, mais qui aurait pu être bloquée par Médiatransports.

 

“Le prix de la vie”

Pour sa campagne intitulée “Le prix de la vie”, MDM voulait, au travers de dix affiches, alerter sur les prix prohibitifs de certains médicaments et mettre l’accent sur la méthode des laboratoires pour en fixer les prix.

Cliquez ici pour accéder aux dix visuels de la campagne “Le prix de la vie” de Médecins du Monde

Selon MDM, les prix des médicaments sont fixés en fonction de la capacité maximale des Etats à payer pour avoir accès au traitement. En gros, plus un Etat est riche, plus le prix du médicament sera élevé. Pour justifier ces tarifs parfois hallucinants (le Glivec, utilisé pour soigner la leucémie est vendu 40 000 euros par an et par patient), les laboratoires avancent trois explications : la recherche coûte cher, le bénéfice thérapeutique est grand, et les coûts de production sont importants.

Or, pour MDM, aucun de ces arguments ne tient la route.

”Les coûts de recherche et développement sont surestimés et les montants réels restent confidentiels et une grande partie est de toute façon financée par l’argent public à travers des bourses ou des crédits d’impôt de recherche.”

Concernant le deuxième argument, MDM explique que 74 % des médicaments mis sur le marché lors des 20 dernières années n’apportaient que peu de bénéfices thérapeutiques et ironise en expliquant qu'”un airbag vaudrait dans ce cas le prix d’une vie“. Enfin pour le troisième argument, MDM s’appuie sur une équipe de chercheurs de Liverpool qui a estimé que le coût de production du sofosbuvir (traitement contre l’hépatite C) s’élevait à 75 euros pour 3 mois avec un prix de revente de 41 000 euros annuel, soit 400 fois plus cher.

Cette situation fait que les médecins sont parfois obligés de confier aux malades qu’il existe des médicaments pour les soigner mais que les traitements coûtent trop cher. L’Etat est donc obligé de “sélectionner” à partir de quel stade il peut prendre en compte un traitement, souvent lorsque la maladie est presque trop avancée. A cet égard, le 25 mai dernier, à l’occasion de la journée mondiale de lutte contre les hépatites, le ministère de la Santé à annoncé l’accès prochain à un traitement pour tous.

 

Une pétition adressée à Marisol Touraine

Une pétition va être adressée au même moment par l’ONG, à la ministre de la Santé Marisol Touraine, disponible ici.

 

 

Source : http://www.lesinrocks.com

 

 

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Source : https://www.youtube.com/watch?v=0M-5d_kcWXI

 

 

 

 

Ajoutée le 13 juin 2016

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Censurée ! Vous ne verrez pas la dernière campagne de Médecins du Monde dans le métro. Dénonçant les abus de l'industrie pharmaceutique, elle a été refusée en bloc pour ne pas froisser cet énorme client. Et nous, on fait quoi ?

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13 juin 2016 1 13 /06 /juin /2016 21:19

 

Source : http://www.bastamag.net

 

Loi travail

Temps de travail, salaires, licenciements, dumping social, santé : tout ce que la loi va changer pour les salariés

par

 

 

Le projet de loi travail a été largement amendé, entend-on, et ne changerait presque rien au quotidien des salariés. Vrai ou faux ? Si certaines dispositions ont été retirées, la loi remet toujours en cause les 35 heures, risque de généraliser les baisses de salaires, facilite les licenciements, complique les recours des salariés qui les jugeraient abusifs, tout en instaurant de fait un dumping social malsain entre entreprises d’un même secteur. Alors que le texte passe devant le Sénat, où la majorité de droite le durcit, Basta ! fait le point.

Après trois mois de contestation, de manifestations, de grèves et de blocages, le texte de la loi travail est arrivé au Sénat le 1er juin. Il y sera discuté jusqu’au 24, avant de revenir à l’Assemblée nationale. Que prévoit le texte dans son état actuel [1] ? A-t-il vraiment été « largement réécrit » comme l’assure la CFDT, qui soutient son adoption, et comme l’avance le gouvernement ? Que changerait cette loi dans la vie des travailleurs si elle entrait en vigueur en l’état ?

C’est le point central de cette nouvelle loi travail. Aujourd’hui, en matière de droit du travail, les dispositions du Code du travail servent de socle commun. Ensuite, les accords conclus au sein d’une entreprise puis au sein d’une branche – qui regroupe les entreprises d’un même secteur d’activité – ne peuvent pas être moins favorables aux salariés. C’est ce qu’on appelle la hiérarchie des normes. Et c’est ce verrou là que la loi travail fait sauter dans son article 2. Or, là-dessus, rien, ou presque, n’a bougé depuis l’avant-projet de loi.

 

Des heures sup’ moins payées : soumis à un accord d’entreprise

« Ce n’est pas l’accord d’entreprise en lui-même qui pose problème. C’est l’accord d’entreprise qui de fait remplace la loi de manière régressive », explique Fabrice Angei, du Bureau confédéral de la CGT. Et c’est bien dans ce sens-là que va le texte. « L’exemple le plus simple, ce sont les heures supplémentaires », souligne Jean-Claude Mailly, secrétaire général de Force ouvrière. « Aujourd’hui, seul un accord de branche peut prévoir une rémunération des heures sup’ à moins de 25 % de majoration. Une seule branche a négocié cela, celle des centres de loisir. Mais avec cette loi, demain, la branche sauterait. On pourrait négocier une rémunération moindre des heures sup’ au niveau de chaque entreprise. » À la place des 25 % de majoration obligatoire pour les huit premières heures supplémentaires, puis de 50 % au-delà, la direction d’une entreprise pourra désormais fixer, suite à un accord, un taux à seulement 10 %.

 

Forfait-jours : soumis à un accord d’entreprise

Avec des heures supplémentaires qui pourront être majorées de seulement 10 % sur simple accord d’entreprise, dépasser les 35 heures coûterait moins cher à l’employeur. Deux autres mesures du texte remettent en cause la loi Aubry. Le projet initial étendait le dispositif des « forfaits-jours », qui calcule le temps de travail non pas en heures mais en jours travaillés. Ce système avait été mis en place avec les 35 heures pour permettre aux cadres en particulier de les contourner [2]. C’est déjà une exception française en Europe. Avec la loi travail, le forfait-jours pourrait concerner davantage de salariés. Sur ce point, le texte a été modifié : la décision d’étendre le calcul du temps de travail en forfait-jours ne pourra être prise de manière unilatérale par l’employeur mais devra faire l’objet d’un accord des représentants syndicaux.

Travailler 12 h par jour, 46 h par semaine : toujours possible

La loi travail donne aussi la possibilité aux accords d’entreprises d’augmenter la durée maximum de travail par semaine à 46 heures, au lieu des 44 heures actuellement. Il sera aussi possible de passer de 10 heures de travail quotidien – la règle aujourd’hui – à 12 heures maximum. « Le principe de faire primer les accords d’entreprises sur les conventions collectives et le Code du travail est pour l’instant limité aux questions de temps de travail et d’heures supplémentaires. Mais l’idée de cette loi, c’est que ça s’applique ensuite partout, sur tous les domaines », précise Jean-Claude Mailly.

Moduler les 35 heures : soumis à un accord de branche

Depuis la mise en place des 35 heures, les entreprises peuvent, par accord, moduler le temps de travail d’une semaine sur l’autre, pour éviter de payer des heures supplémentaires. Actuellement, sans accord de branche ou d’entreprise, la modulation se fait au maximum sur quatre semaines. Avec accord, sur un an. La loi travail prévoit qu’avec un accord collectif, la modulation pourra aller jusqu’à… trois ans. La nouvelle version renvoie la négociation sur cette question au niveau de la branche.

 

 

Cette question révèle un des enjeux centraux de cette loi : s’attaquer au temps de travail légal des salariés. « Dans les faits, les 35 heures sont déjà mises à mal de toutes parts. Mais cette loi, aussi bien avec l’extension des forfaits-jours que sur la question des congés et des horaires décalés, va encore déréguler le temps de travail, souligne Eric Beynel, porte-parole de Solidaires. Ces mesures vont dégrader les conditions de travail des salariés, et aussi empêcher les chômeurs de travailler en augmentant le temps de travail au lieu de le réduire. Ce qu’il faudrait pourtant faire pour lutter contre le chômage. »

 

Concurrence malsaine entre PME : toujours possible

« La loi et les accords de branche, c’est la garantie de protection collective et de l’égalité des salariés. Les remettre en cause, c’est encore renforcer la concurrence entre les entreprises, en particulier dans des branches particulièrement concurrentielles comme le commerce, le BTP, les transports… et tout spécialement chez les sous-traitants, qui sont souvent de très petites entreprises », analyse Eric Beynel. Risque d’effets pervers : le dumping social entre entreprises françaises d’un même secteur.

« Déjà, beaucoup de PME nous disent que leurs donneurs d’ordre leur demandent de baisser leur prix quand elles ont reçu des Crédits d’impôt pour la compétitivité et l’emploi (CICE). Aujourd’hui, dans la chimie ou la métallurgie, l’accord de branche précise que les heures sup’ doivent être payées à 25 % de majoration. Mais si on peut faire baisser la rémunération des heures sup’ à 10 % par simple accord d’entreprise, les donneurs d’ordre vont faire pression sur les sous-traitants pour l’exiger et faire ainsi baisser leurs coûts. Ce sera pareil pour le temps de travail », craint Jean-Claude Mailly.

Licenciement pour cause réelle et sérieuse : toujours facilitée

De nouveaux types d’accords d’entreprise, dits de « préservation et de développement de l’emploi » (article 11), permettraient de modifier les rémunérations et le temps de travail. Aujourd’hui, ce type d’accord n’est possible qu’en cas de difficultés économiques de l’entreprise. Ce ne sera plus le cas si la loi travail est adoptée en l’état. Le texte fait sauter cette protection. Si le salarié refuse, il serait licencié, « pour cause réelle et sérieuse ». Cela rendra beaucoup plus compliqué une éventuelle contestation aux prud’hommes si le salarié estime son licenciement abusif ou injustifié.

Licenciement économique : toujours facilité

En plus d’autoriser le licenciement « pour cause réelle et sérieuse » des salariés qui refuseraient de se soumettre aux nouvelles conditions de travail imposées par accord d’entreprise, le projet de loi facilite les licenciements dits économiques. Aujourd’hui, un plan de licenciement économique n’est valable qu’en cas de fermeture d’entreprise, de réorganisation, de mutations technologiques ou de difficultés économiques. Avec la nouvelle loi (article 30), une simple baisse des commandes ou du chiffre d’affaires pendant quelques mois suffira à justifier des licenciements économiques. « Avec ce texte, on déconnecte le licenciement économique d’une réelle difficulté économique qui mettrait en jeu la viabilité de l’entreprise. Ce sont les salariés qui ont le moins de protection, ceux des plus petites entreprises, qui vont être le plus soumis à la précarisation. », analyse Fabrice Angei, de la CGT. Pour les très petites entreprises, un seul trimestre de baisse des commandes suffira à justifier les licenciements.

Indemnités plafonnées : supprimées

Les licenciements seront aussi facilités en cas de transferts d’entreprise (article 41). Plus besoin de faire pression sur les salariés comme à Free quand le groupe de téléphonie a racheté Alice. Dans le cas d’un licenciement économique déclaré nul aux Prud’hommes, les indemnités versées au salariés baisseraient : 6 mois de salaires minimums pour les salariés avec au moins deux ans d’ancienneté, au lieu de 12 mois aujourd’hui. Un licenciement abusif coûtera donc deux fois moins cher à l’employeur ! Dans la deuxième version du texte, les montants plancher de dommages et intérêts en cas de licenciement non justifié ont été supprimés [3].

Accord d’entreprise validé contre les syndicats majoritaires : toujours possible

Aujourd’hui, un accord d’entreprise n’est valable que s’il est signé par un ou plusieurs syndicats représentant au moins 30 % des votes exprimés aux élections. Cet accord peut cependant être refusé par les autres organisations syndicales si celles-ci pèsent au moins 50 % des votes aux élections professionnelles. Exemple ? La direction de la Fnac avait proposé un accord sur l’extension du travail le dimanche et en soirée. La CFTC, la CFDT et la CGC (cadres), syndicats minoritaires, l’avaient signé. La CGT, SUD et FO, majoritaires, ont pu le faire invalider en janvier. Un mois plus tard, le projet de loi travail était prêt. Ce contre-pouvoir des syndicats majoritaires ne sera plus possible.

Le projet de loi modifie ces conditions (article 10 dans la nouvelle version). Si les syndicats majoritaires s’opposent à un accord d’entreprise, les syndicats minoritaires et l’employeur pourront organiser une « consultation » – ce terme a remplacé celui de « référendum d’entreprise » – directe des salariés pour faire valider un accord minoritaire. Vive la démocratie directe pourrait-on croire... La seule chose qui a changé sur ce point dans la deuxième version du projet : ces consultations ne pourront valider pour l’instant que des accords concernant les questions d’organisation du temps de travail. Mais l’idée est bien d’élargir par la suite.

Un progrès pour la démocratie sociale ? Faux

Le projet de loi parle du « renforcement » de la légitimité des accords collectifs…Mais s’agit-il vraiment d’un progrès de la démocratie sociale ? Le syndicat des avocats de France n’est pas de cet avis. « Le projet de loi est politiquement incohérent puisque, alors qu’il prétend renforcer le dialogue social, les salariés sont instrumentalisés pour affaiblir les syndicats dont ils ont pourtant eux-mêmes déterminé la représentativité aux dernières élections. Les salariés sont donc utilisés pour désavouer les syndicats majoritaires qu’ils ont élus », résume le syndicat des avocats [4]. « Le gouvernement met en avant la question de la démocratie sociale. Mais les référendums de ce type, en général, se font sur des régressions sociales, comme chez Smart, où une consultation de ce genre a été organisée sous la menace de perte d’emploi », déplore Éric Beynel.

Dans l’usine Smart de Moselle, la direction a organisé à l’automne une consultation des salariés pour augmenter le temps de travail. Les cadres l’approuvent en majorité mais pas les ouvriers. Au total, le oui l’emporte. Mais la CGT et la CFDT, majoritaires à elles deux, refusent l’accord. Menaçant de fermer le site, la direction fait cependant signer des avenants à leur contrat de travail à la quasi-totalité des 800 salariés du site. Ces avenants prévoient une augmentation du temps de travail et une baisse de salaire. Avec la loi travail, le référendum voté par les cadres auraient eu valeur d’accord d’entreprise tel quel, sans possibilité pour les syndicats majoritaires de s’y opposer. « Plus les négociations se font au plus près des entreprises, plus elles sont soumises au chantage des employeurs. Voilà la réalité qui remonte du terrain aujourd’hui », rapporte Fabrice Angei. « Le référendum tel qu’il est prévu dans le projet de loi est là pour faire valider des accords minoritaires. Cela signifie bien que le gouvernement souhaite faire passer des régressions. »

Médecine du travail : la santé des salariés sacrifiée sur l’autel de la sélection ?

L’article 44 du projet de loi s’appelle « moderniser la médecine du travail ». Selon Alain Carré, médecin du travail et vice-président de l’association Santé et médecin au travail, il s’agit en fait bien plutôt « d’affaiblir la médecine du travail et de la transformer en médecine de sélection de la main d’œuvre ». La loi prévoit de supprimer l’obligation de visite d’embauche par un médecin. Un infirmer pourrait la faire. « Or, c’est essentiel pour un médecin de faire des consultations. En faisant faire les visites par un tiers, on empêche le médecin d’exercer son activité clinique », souligne Alain Carré.

Surtout, la réforme envisagée dans cette loi transformerait le rôle même de la médecine du travail. « L’examen médical d’aptitude permet de s’assurer de la compatibilité de l’état de santé du travailleur avec le poste auquel il est affecté, afin de prévenir tout risque grave d’atteinte à sa santé ou sa sécurité ou à celles de ses collègues ou des tiers évoluant dans l’environnement immédiat de travail », édicte le point 65 de l’article 44 du texte. « Normalement, la mission du médecin du travail, c’est d’aménager les postes afin que tout salarié puisse travailler. Avec cette réforme, vous devez au contraire décider si le salarié est apte ou inapte, explique Alain Carré. C’est intenable. Par exemple, aujourd’hui, pour un salarié qui subit une maltraitance au travail de la part de son employeur, vous allez, en tant que médecin du travail, intervenir pour que quelque chose change dans les tâches qu’on lui confie, dans la manière dont on lui parle. C’est le poste qu’on modifie. Mais avec cette loi, dire “le salarié est en danger”, c’est le déclarer inapte, et l’employeur peut le licencier pour motif personnel. ». D’une médecine destinée à protéger la santé des salariés, la loi travail veut faire une médecine de sélection de la main d’œuvre, dénonce Alain Carré.

« Cette loi va faciliter les licenciements de salariés qui ont des problèmes de santé. C’est ce que demande le Medef depuis longtemps, analyse Jean-Michel Sterdyniak, secrétaire générale du Syndicat national des professionnels de la santé au travail (SNPST). Et si les médecins du travail empêchent les salariés de travailler, ceux-ci vont tout simplement taire leurs problèmes de santé. La nouvelle loi prévoit par exemple que pour certains postes à risque, la visite d’embauche se fasse en fait avant l’embauche. Cette visite sera donc susceptible d’écarter quelqu’un d’un poste. En conséquence, le salarié va évidemment cacher ses antécédents, taire le fait qu’il prend des médicaments, etc. » Les médecins du travail se retrouveraient dans la position de décider si quelqu’un sera embauché ou pas, sera licencié, ou pas. « On va avoir des atteintes à la santé des travailleurs et on construit en plus l’invisibilité de ces atteintes », déplore Alain Carré.

Le médecin du travail attire l’attention sur une autre mesure dangereuse à ses yeux prévue dans la loi travail, qui a même été ajoutée dans la deuxième version : « Il y a un passage de l’article 44 tout à fait stratégique, qui dit que pour contester l’avis du médecin du travail, le salarié devra aller aux Prud’hommes. Aujourd’hui, si le médecin prend une décision qui ne convient pas au salarié, celui-ci saisit l’inspection du travail, qui saisit le médecin inspecteur. Faire passer la contestation de l’avis du médecin du travail du côté du conflit privé, cela signifie que l’État se démet de cette garantie de la santé au travail. » « Cette mesure est un non-sens », s’indigne aussi Jean-Michel Sterdyniak. Qui ne baisse pas les bras devant cette nouvelle attaque contre la médecine du travail, déjà mise à mal par les lois Macron et Rebsamen. « Nous allons trouver des façons de résister à ce système s’il est mis en place. »

Les mobilisations des syndicats et du mouvement social ont déjà abouti à quelques modifications significatives du projet de la loi entre sa première et sa deuxième version, même sil elles sont peu nombreuses. Le premier texte prévoyait que les apprentis de moins de 18 ans pourraient travailler jusqu’à 10 heures par jour. Cette mesure a été retirée. De même que l’augmentation prévue de la durée maximum de travail de nuit. Par ailleurs, le congé minimum en cas de décès d’un proche restera garanti par la loi.

Au Sénat, suppression des 35 heures et travail de nuit des mineurs

Mais même là-dessus, rien n’est sûr. Les premiers amendements votés la semaine par le Sénat, en majorité de droite, reviennent sur plusieurs points de la loi à la première version du texte. Les sénateurs ont par exemple réintroduit le barème des indemnités prud’homales en cas de licenciement injustifié. Ils sont même allés plus loin que le premier projet dans la déréglementation du temps de travail.

La commission des affaires sociales du Sénat a ainsi voté un amendement pour faciliter le travail de nuit des apprentis mineurs. Elle a aussi supprimé la durée minimum de 24 heures par semaine pour les temps partiel. Surtout, les sénateurs ont tout bonnement fait sauter les 35 heures. « À défaut d’accord, la durée de référence est fixée à 39 heures par semaine », ont voté les sénateurs. Cet amendement scelle-t-il la fin définitive des 35 heures ? Non. Le Sénat va examiner ce texte en séance plénière à partir du 13 juin. Mais ensuite, le projet reviendra à l’Assemblée nationale, en juillet. Et là, tout peut encore changer.

« Après le passage au Sénat, le jeu du gouvernement, ce sera de montrer que si ce n’est pas lui, ce sera pire. C’est un jeu de dupe », analyse Eric Beynel, porte-parole de Solidaires. « Nous, nous concentrons nos forces sur la manifestation du 14 juin et sur la votation citoyenne. », organisée par l’intersyndicale opposée à la loi travail.

Rachel Knaebel

Photo : Eros Sana

Notes

[1Voir le texte déposé au Sénat ici.

[2En 2014, plus de 13 % des salariés des entreprises de dix salariés ou plus du secteur privé non agricole travaillent en forfait-jours, selon la Dares. Voir “Les salariés au forfait annuel en jour, DARES Analyses, juillet 2015, n°048”, ici.

[3Mais un barème indicatif pour les affaires traitées en conciliation avait déjà été instauré par décret en 2013. Le gouvernement a annoncé qu’il allait modifier ce barème par décret et l’appliquer aussi à la phase de jugement.

[4Dans une analyse du 25 avril.

 

 

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Source : http://www.bastamag.net

 

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13 juin 2016 1 13 /06 /juin /2016 14:48

 

Source : https://www.mediapart.fr

 

 

 

Comment l'Europe a pesé sur la loi sur le travail
12 juin 2016 | Par martine orange
 
 
 

En juillet 2015, le Conseil européen adopte ses recommandations pour la France, mise sous surveillance pour déficits excessifs. Il y préconise de favoriser les accords d’entreprise par rapport aux accords de branche. Pour de nombreux observateurs, ces recommandations sont le préambule à la loi El Khomri. La France s’est-elle fait imposer la réforme du travail par l’Europe ? Récit de la genèse de ce texte, conçu en «partenariat» avec Berlin.

C’est une justification qui revient avec insistance pour expliquer l’incompréhensible comportement du gouvernement, prêt à négocier dans des conflits sociaux annexes comme à la SNCF, mais affichant une intransigeance absolue s'agissant de la loi sur le travail, en dépit de la fronde sociale dans tout le pays. « Si le gouvernement ne négocie pas, c’est qu’il ne le peut pas. Il est tenu par ses engagements pris à Bruxelles », confie un familier des milieux gouvernementaux. Une explication donnée à plusieurs reprises par différents interlocuteurs, dont un député européen rencontré ces dernières semaines.

 

Manifestation le 9 mars à Paris © Rachida El Azzouzi Manifestation le 9 mars à Paris © Rachida El Azzouzi
 

L’Europe coupable ! La dénonciation est devenue un classique des politiques français. Mais dans ce cas précis, qu’en est-il ? L’Europe a-t-elle pesé sur la rédaction de la loi sur le travail ? À aucun moment, le gouvernement n’a fait la moindre allusion à une quelconque demande de l’Europe, lors de la présentation de la loi et sa courte discussion parlementaire. Les défenseurs du projet de loi, à l’image du patronat, ne parlent jamais non plus de la dimension européenne de la réforme. À les écouter, il y a la France et son pré carré face au vaste monde, mais jamais l’Europe.

 

Pour les détracteurs de l’Union européenne, l’affaire est entendue. C’est bien l’Europe qui a dicté la réforme française du travail, qui œuvre à casser le “modèle social français”, qui veut imposer le même schéma libéral dans tous les pays de l’Union (voir des analyses ici ou ici). Depuis quelques semaines, l’avertissement de Yanis Varoufakis, à l’été 2015, revient en mémoire et tourne en boucle sur les réseaux sociaux. Commentant la tragédie grecque, la faillite des plans de sauvetage successifs, la menace d’une sortie de la Grèce de la zone euro, l’ancien ministre grec des finances a mis en garde à de nombreuses reprises – y compris lors d’un entretien sur Mediapart – les Européens, parlant d’un plan caché du ministre allemand des finances, Wolfgang Schäuble. « La Grèce n’est qu’un test. La vraie cible du docteur Schäuble, c’est l’Italie et la France, l’État-providence français, son droit du travail, ses entreprises nationales », affirmait-il.

La concomitance des réformes du marché du travail en Europe, en tout cas, a été relevée par de nombreux observateurs. Sous la forte incitation de la Commission européenne, le premier ministre italien Matteo Renzi a adopté son “Jobs Act” en mars 2015, prévoyant la création d’un contrat unique avec des protections progressives et un assouplissement des conditions de licenciement. Les résultats sont contestés (lire Italie: l’envers du «Jobs Act» de Matteo Renzi).

Début février, le gouvernement belge a annoncé à son tour un projet de loi sur le travail, visant à assouplir le temps de travail, porté de 39 heures à 45 heures et calculé sur une base annualisée. Le texte n’a pas encore été dévoilé. Mais comme en France, ce projet de réforme provoque de nombreuses protestations (voir En Belgique aussi la réforme du travail durcit le climat social).

L’attitude du gouvernement français face à la fronde sociale est observée de près par les responsables européens. Tous encouragent le gouvernement français à ne pas céder face aux syndicats et s’invitent au débat. « Renoncer à la loi sur le travail serait une lourde erreur », a soutenu le 26 mai Pierre Moscovici, désormais commissaire européen chargé des affaires économiques. Pour l’ancien ministre français des finances, « tous les pays qui ont fait une réforme sur le marché du travail (…) sont ceux qui ont réussi à faire baisser le chômageCeux qui se sont refusés aux réformes du marché du travail sont ceux qui ont la moins bonne performance. Et quand on regarde la France, on constate qu'elle est 21e sur 28, ça n'est pas quelque chose dont on peut se glorifier ». La loi El Khomri, selon lui, est un minimum pour réformer le marché du travail.

Le président de la Commission européenne a la même analyse. « Ce n'est pas un attentat contre le droit du travail français. C’est le minimum de ce qu’il faut faire », a surenchéri Jean-Claude Juncker, le 31 mai à Paris. « Le projet de loi tel qu'il est conçu, à condition que l’article 2 [celui qui prévoit l’inversion de la hiérarchie des normes, donnant la primauté des accords d’entreprise sur la loi – ndlr] arrive à survivre, est une réforme qui va dans le bon sens. »

L’insistance du président de la Commission européenne sur le respect de l’article 2 n’est pas seulement sa “participation” au débat français. Elle est aussi un rappel des recommandations faites par le Conseil européen à la France. Ces recommandations sont le fruit des négociations entre le Conseil et les États membres et les engagements pris par ces derniers.

Le 14 juillet 2015, un jour après la négociation à l’arraché du troisième plan de sauvetage pour la Grèce, le Conseil européen publie ses recommandations sur le programme de réforme de la France en 2015 dans son cadre de surveillance budgétaire pour déficits excessifs. Tout y est passé en revue : les dépassements budgétaires, les dépenses publiques, la réforme des collectivités territoriales, la libéralisation des professions réglementées et bien sûr le marché du travail, insuffisamment réformé selon lui. « Les réformes menées récemment n'ont donné aux employeurs que peu de possibilités pour déroger aux accords de branche par des accords d'entreprise. Cela limite la capacité des entreprises à moduler leurs effectifs en fonction de leurs besoins », souligne le Conseil, jugeant que tous les accords passés ne permettent pas de « déroger aux 35 heures » dans de bonnes conditions financières.

 

Dans sa conclusion, la dernière recommandation du Conseil européen paraît être le préambule de la loi française sur le travail : « Réformer le droit du travail afin d'inciter davantage les employeurs à embaucher en contrats à durée indéterminée ; faciliter, aux niveaux des entreprises et des branches, les dérogations aux dispositions juridiques générales, notamment en ce qui concerne l'organisation du temps de travail ; réformer la loi portant création des accords de maintien de l'emploi d'ici à la fin de 2015 en vue d'accroître leur utilisation par les entreprises ; entreprendre, en concertation avec les partenaires sociaux et conformément aux pratiques nationales, une réforme du système d'assurance chômage afin d'en rétablir la soutenabilité budgétaire et d'encourager davantage le retour au travail. » En clair, le Conseil européen inscrit l’inversion de la hiérarchie des normes dans ses recommandations.

 

À la lecture de ce texte, une foule de questions se posent. Quel rôle a eu le Conseil européen dans la loi sur le travail ? A-t-il été partie prenante dans la réécriture du code du travail français ? A-t-il posé des exigences ? S’est-il contenté d’enregistrer les engagements pris par la France de lancer des « réformes structurelles pour libéraliser le marché du travail » ? Contre quoi la France a-t-elle accepté ces engagements ? Et surtout, pourquoi le gouvernement français ne s’est-il pas expliqué publiquement sur ces recommandations, et sur les suites qu’il comptait leur donner ? 

Ni le ministre des finances, Michel Sapin, ni son cabinet n’ont donné suite à nos questions (voir boîte noire). Le cabinet du ministre de l’économie, Emmanuel Macron, assure de son côté que la Commission européenne n’a pas eu de rôle dans la rédaction de la loi sur le travail. « La commission serait flattée que ses recommandations apparaissent comme contraignantes. Ce n’est pas le cas. Mais il existe un diagnostic partagé. La France a besoin de faire des réformes structurelles. La loi Travail est nécessaire. La France a souvent annoncé sa volonté de faire des réformes, sans réellement les mener. Mais cette fois, le gouvernement est décidé à les faire. C’est un gage de crédibilité », explique un des conseillers du ministre.  

 

« En partenariat » avec Berlin

 

Réunion entre les ministres de l'économie et des finances français et allemands à Berlin le 20 octobre 2014 © france-allemagne.fr Réunion entre les ministres de l'économie et des finances français et allemands à Berlin le 20 octobre 2014 © france-allemagne.fr
 

Pour comprendre les conditions qui ont conduit au projet de loi sur le travail, il faut revenir à l’automne 2014, en octobre plus précisément, selon certains connaisseurs du dossier. La France est alors sous pression. L’activité économique est toujours au plus bas, le chômage, malgré le crédit d’impôt pour la compétitivité et l’emploi (CICE), ne cesse de grimper, et le déficit budgétaire est toujours  à 4 % du PIB. Début octobre, le gouvernement français a soumis son projet de budget pour 2015 à la Commission européenne. Il prévoit de faire une nouvelle entorse aux règles de Maastricht : contrairement aux engagements pris auparavant, son déficit budgétaire ne sera pas ramené à 3 % en 2015 mais seulement en 2017. D’ici là, il prévoit que le déficit sera de 3,8 % en 2015 – dans les faits, il s’est établi à 3,5 %.

 

Au nom du respect des règles et des traités, des commissaires européens et des États membres demandent que le budget français soit retoqué et que la France ne bénéficie plus d’un traitement de faveur et soit sanctionnée. Le président de l’Eurogroupe, Jeroen Dijsselbloem, est particulièrement remonté : il exige des sanctions contre la France, au nom du respect des traités, pour en finir avec l’exception française. Pour donner un peu plus de sel à la situation, c’est Pierre Moscovici, commissaire européen chargé des affaires économiques, qui doit analyser l’état des finances publiques laissé par Pierre Moscovici, ancien ministre des finances.

Le 19 octobre, le magazine allemand Der Spiegel, toujours très bien informé, annonce un voyage de Michel Sapin et Emmanuel Macron pour rencontrer leurs homologues allemands à Berlin, afin de travailler ensemble sur un projet de budget français susceptible d’obtenir l’accord de Bruxelles. Le gouvernement allemand, explique le magazine, veut éviter un nouveau conflit dans la zone euro. « Un rejet du budget français par la Commission abîmerait considérablement la relation franco-allemande », dit un responsable gouvernemental allemand cité par l’hebdomadaire. En contrepartie de son soutien, Berlin se propose d’aider la France à écrire son budget, mais aussi un plan détaillé des réformes structurelles qu’elle s’engage à mettre en œuvre pour ramener son déficit en dessous des 3 %. 

Au lendemain de cette information, Emmanuel Macron dément l’existence d’un document écrit portant sur un accord franco-allemand sur le budget français. « C’est faux, mais il y a la volonté de mettre en place ce deal qui est que nous, nous fassions des réformes », déclare alors le ministre de l’économie. Vingt mois plus tard, le cabinet d’Emmanuel Macron réfute toujours la moindre intervention de Berlin dans l’écriture d’un plan de réformes structurelles pour la France. « Cette réunion quadripartite [Wolfgang Schäuble, Sigmar Gabriel pour l’Allemagne, Michel Sapin et Emmanuel Macron pour la France – ndlr] portait strictement sur les efforts budgétaires que devait faire la France. Quatre milliards d’euros d’économie supplémentaire y ont été décidés. Il y a d’ailleurs eu une autre réunion quadrilatérale le 2 décembre à Berlin pour discuter du plan Juncker. Les discussions sur les réformes structurelles avec la Commission n’ont commencé qu’au printemps », assure le conseiller du ministre de l’économie.

 

Manifestation le 17 mars © la parisienne libérée Manifestation le 17 mars © la parisienne libérée
 

Le soupçon d’une possible intervention de Berlin dans l’écriture d’un plan français de réformes est-il donc infondé ? Depuis l’aggravation de la crise européenne, le ministre allemand des finances ne cache plus sa volonté d’aller vers une intégration poussée de la zone euro. Dans une tribune, cosignée avec l’ancien responsable des affaires étrangères de la CDU, Karl Lamers, et publiée le 1er septembre 2014 par le Financial Times, Wolfgang Schäuble y exposait son projet. La zone euro doit poursuivre dans la voie de l’intégration économique complète pour pouvoir fonctionner et éviter de nouvelles crises, selon lui.

 

L’idéal, défend le ministre allemand des finances, serait d’avoir un commissaire européen chargé des budgets, qui aurait le pouvoir de rejeter tous les budgets des États membres divergeant des règles. En attendant, au nom d’« une politique de croissance et d’emploi », il propose de « consolider les finances publiques, de poursuivre la régulation financière, de réformer les marchés du travail, et d’approfondir le marché intérieur en concluant le traité transatlantique et de diminuer les taxes qui nuisent à la compétition ».

Difficile d’imaginer qu’un mois plus tard, le ministre allemand des finances ait renoncé à ce projet. Encore plus difficile de croire qu’il n’ait pas saisi l’occasion d’écrire le plan de réformes qu’il souhaite voir adopté – imposé ? – par la France. À l’issue de cette rencontre berlinoise, la France, en tout cas, échappe à la sanction pour déficits excessifs agitée par Bruxelles et gagne deux ans pour revenir dans les règles communes. Mais à quel prix ?

Pendant tout l’automne et l’hiver 2015, le ministre des finances Michel Sapin et le directeur du Trésor Bruno Bézard vont à Bruxelles pour négocier le traitement de la France. Mais d’autres négociations ont lieu en coulisses, selon nos informations. « Plus que la Commission européenne, c’est Wolfgang Schäuble qui dirige l’attaque contre le droit du travail en Italie et en France, en s’appuyant sur Pier Carlo Padoan [ministre italien des finances – ndlr] et Emmanuel Macron. Ceux-ci n’espèrent pas seulement gagner quelques marges de manœuvre sur le déficit budgétaire mais aussi quelque chose de plus tangible sous la forme d’un transfert budgétaire, comme une assurance chômage commune. Je crains qu’ils ne soient déçus », raconte un témoin, très familier des milieux européens. Le cabinet d’Emmanuel Macron assure qu’il a très peu discuté avec Wolfgang Schäuble, qui n’est pas son homologue, comme avec Pier Carlo Padoan.

Pendant toute cette période, Emmanuel Macron se montre actif sur les dossiers européens. Il multiplie les déclarations en faveur d’une meilleure intégration de la zone euro. En juin 2015, il publie avec son homologue allemand Sigmar Gabriel une tribune plaidant pour une poursuite de l’intégration européenne. Ils y préconisent la poursuite « des réformes structurelles (marché du travail, attractivité…), des réformes institutionnelles (notamment dans le domaine de la gouvernance économique) », mais également un  rapprochement « des systèmes fiscaux et sociaux (via, par exemple, des salaires minimums mieux coordonnés ou une harmonisation de l’impôt sur les sociétés) ». Un projet qui ne diffère guère de celui de Wolfgang Schäuble, malgré toutes les nuances que souhaite y introduire son cabinet. Le ministre de l’économie parle-t-il alors en son nom ou est-il mandaté par l’Élysée ou Matignon ? C’est une autre des ambiguïtés liées au statut particulier qu’Emmanuel Macron s’est octroyé dans ce gouvernement.  

C’est dans ce contexte que les recommandations du Conseil européen à la France sont publiées en juillet 2015. « Il y a sans doute eu une incitation européenne, et peut-être même une forte pression allemande. Mais je ne crois pas que le gouvernement français se soit fait vraiment tordre le bras. La haute administration française et nombre de responsables politiques n’ont pas besoin d’être contraints sur le sujet : ils sont convaincus du bien-fondé de la doctrine libérale européenne. C’est la France, à mon avis, qui a parlé de l’inversion de la hiérarchie des normes, de la primauté de l’accord d’entreprise sur l’accord de branche et la loi. Bien sûr, cela ne pouvait que sonner agréablement aux oreilles des commissaires européens », dit un proche du dossier.

« Tout s'est décidé à Matignon »

François Rebsamen avait-il anticipé ce qui se préparait dans la future loi sur le travail, au vu des recommandations européennes ? Avait-il vu qu’il aurait à porter politiquement une déconstruction du code du travail ? Si, sur le coup, des observateurs n’ont guère pris garde à sa démission du ministère du travail, ils se posent la question quelques mois plus tard. La précipitation avec laquelle il a renoncé à son portefeuille de ministre le 30 juillet 2015 pour reprendre la mairie de Dijon, à la suite du décès de son successeur, les laisse songeurs.

 

Manuel Valls, Myriam El Khomri et Emmanuel Macron le 14 mars © Reuters Manuel Valls, Myriam El Khomri et Emmanuel Macron le 14 mars © Reuters

 

Pour prendre sa suite, François Hollande et Manuel Valls nomment le 2 septembre 2015 Myriam El Khomri, secrétaire d’État à la politique de la ville depuis 2014 après avoir été à la mairie de Paris. Au moment de sa nomination, François Hollande, semble-t-il, ne ménage pas ses arguments pour la convaincre d’accepter : la loi sur le travail en préparation va être le grand moment politique du gouvernement. Ce sera une grande loi sociale, de gauche, marquée par le compte personnel d’activité, lui aurait-il assuré. Si elle réussit à ce ministère emblématique et difficile, elle aura une grande carrière politique devant elle. Enfin, elle est jeune (38 ans). Face aux ministres de 60 ans qui composent la majorité du gouvernement, elle va pouvoir imposer un style nouveau. Mais à aucun moment, le président de la République et le premier ministre ne lui parlent des engagements pris auprès de la Commission européenne.

La préparation de la réforme du travail a commencé, sans attendre la ministre. Des centres d’études – Montaigne, proche du patronat et de la droite, Terra Nova, proche du PS – ont déjà rédigé leur rapport. De son côté, Matignon a commandé à l’ancien directeur général du travail, Jean-Denis Combrexelle, un rapport sur « la négociation collective, l’emploi et le travail ». Hasard ? Ces rapports venus d’horizons différents préconisent quasiment les mêmes choses : de limiter la loi au strict minimum (48 heures de travail maximum par semaine et le salaire minimum). Tout le reste doit être du ressort de la négociation collective et de l’adaptation, et notamment « le temps de travail, les salaires, l'emploi et les conditions de travail ».

Tandis que Matignon demande à la commission Badinter, créée pour l’occasion, d’étudier les pistes de réforme pour le code du travail, Myriam El Khomri discute avec les syndicats pour dégager les pistes de réforme du code du travail. À l’arrêté des négociations, début novembre, la ministre du travail parle de « revivifier le dialogue social », en privilégiant les accords de branche et d’entreprise, par rapport à la loi. Elle insiste beaucoup sur le compte personnel d’activité et les référendums dans les entreprises, grandes réformes pour favoriser la mobilité et le dialogue social. FO et la CGT, cependant, sont réticents. Ils mettent déjà en garde contre « l’inversion de la hiérarchie des normes ».

« Myriam El Khomri avait une ambition forte, elle avait l’intention de faire une loi de gauche. La loi du travail devait envoyer un signal politique à l’électorat de gauche, afin de rééquilibrer le quinquennat dans l’autre sens. Elle croyait beaucoup au compte personnel d’activité. Mais, en réalité, elle n’avait pas la main sur le projet de loi. Tout s’est décidé à Matignon », raconte Pierre Jacquemain, ancien conseiller de la ministre du travail. Il a démissionné en février pour marquer son désaccord sur ce projet de loi qu’il considère comme un assassinat de la gauche. Un autre conseiller, cité par Le Canard enchaîné, a confirmé cette version : « La réforme est arrivée toute écrite sur le bureau du ministre. Elle n’avait aucune marge de manœuvre. »

Dans la plus grande discrétion, le directeur de cabinet de Myrian El Khomri, Pierre-André Imbert, a commencé dès les vacances de Noël à écrire le texte du projet de loi, en liaison à Matignon. Ce directeur de cabinet a été imposé à la ministre du travail par Manuel Valls, à son arrivée : il était déjà directeur de cabinet de François Rebsamen. Mais auparavant, il a surtout travaillé pendant près de dix ans dans les sociétés de conseil Altedia puis Alixio, contrôlées par Raymond Soubie, l’ancien conseiller social de Nicolas Sarkozy. Les gouvernements changent, les mêmes idées restent ! Depuis trente ans, une poignée de personnes, très proches des milieux patronaux, influencent la politique sociale de la France. Mais pour eux, on ne parle ni de rente, ni d’avantages acquis, ni d’immobilisme.

À ce moment-là, la ministre ignore tout du contenu du texte en préparation, discuté entre son directeur de cabinet et Matignon. « On lui disait de ne pas s’embarrasser avec les détails techniques. Sa seule mission était de dire que c’était une loi de gauche », rapporte Pierre Jacquemain. À Davos, Emmanuel Macron multiplie les déclarations provocatrices, estimant qu’il faut en finir avec les 35 heures et le code du travail. De son côté, Robert Badinter vient de rendre son rapport, dans lequel il préconise une remise à plat du code du travail pour le réduire au minimum et met au défi Manuel Valls d’aller jusqu’au bout de ses recommandations. Furieux, le premier ministre décide de placer le texte plus étroitement encore sous contrôle.

 

Place de la Nation, le 9 mars © Rachida El Azzouzi Place de la Nation, le 9 mars © Rachida El Azzouzi
 

Fin janvier, une réunion se tient à l’Élysée en présence de François Hollande, Manuel Valls, Michel Sapin, Emmanuel Macron et Myriam El Khomri pour arbitrer entre les différents projets de loi en préparation. À l’issue de la réunion, l’arbitrage est rendu : il n’y aura pas de loi Macron 2. Michel Sapin présentera son texte sur « la transparence, la lutte contre la corruption et la modernisation de la vie économique », Myriam El Khomri, le texte sur la réforme du travail.

 

Début février, une deuxième réunion a lieu, de nouveau à l’Élysée avec les mêmes personnes, pour arbitrer le contenu de la loi. Emmanuel Macron accepte de s’effacer, à condition que le projet de loi comprenne deux dispositions qu’il avait prévu d’inclure dans la loi Macron 2 : la réécriture du licenciement économique et le plafonnement des indemnités prud’homales. Myriam El Khomri, selon plusieurs témoignages, proteste, expliquant en substance qu’elle ne peut pas porter une réforme de gauche tout en acceptant des mesures de droite. François Hollande et Manuel Valls lui donnent raison.

À l’issue de la réunion, Myriam El Khomri a le sentiment d’avoir gagné face à Macron. Dans la bataille, elle a à peine noté que le texte comporterait un changement sur l’inversion des normes, marquant la prééminence des accords d’entreprise sur les accords de branche ou la loi. A-t-elle saisi la portée de la mesure ? En tout cas, pour elle, ce n’est pas un sujet. « Je pense qu’ils avaient en tête les directives européennes. Mais on n’en parlait jamais. Le sujet européen, c’étaient les travailleurs détachés. C’est tout. Je crois qu’ils essayaient de gagner du temps », dit Pierre Jacquemain.

Une semaine après, le ton a radicalement changé. Après plusieurs réunions, Emmanuel Macron a obtenu de François Hollande et Manuel Valls la réintégration de ses mesures sur le licenciement économique et les prudhommes dans le projet de loi. Myriam El Khomri a perdu la bataille. La ministre du travail commence à comprendre que le projet de loi sur le travail ne va pas du tout être la grande réforme sociale qu’elle souhaitait. Elle espère que Matignon lui fournira au moins les éléments de langage pour défendre le texte. Pierre Jacquemain, lui, a déjà compris : il a présenté sa démission. Trois autres membres du cabinet de Myriam El Khomri l’imiteront dans les semaines suivantes.

Mercredi 17 février, Le Parisien révèle le contenu du projet de loi sur le travail. Le cabinet de la ministre du travail découvre alors la totalité du texte et l’ampleur des dégâts. Matignon est furieux, soupçonne les membres du ministère du travail d’avoir voulu torpiller le projet. Une enquête sera menée par la suite pour découvrir l’origine de la fuite : entre l’Élysée, Matignon et le ministère du travail, cinq personnes seulement étaient en possession d’exemplaires du projet de loi, et quelques autres à Bercy. Au ministère du travail, rue de Grenelle, le directeur de cabinet et la directrice adjointe de cabinet étaient les seuls à détenir un exemplaire. La ministre ne l’avait pas !

Dès la révélation du texte, le monde social s’enflamme. La pétition « Loi Travail non merci » est lancée sur les réseaux sociaux et recueille en quelques jours plus d’un million de signatures. Myriam El Khomri s’aligne résolument sur Matignon : elle défend le projet dans un entretien aux Échos et y annonce un possible emploi du 49-3 si cela est nécessaire. Une précision imposée par Matignon, contre la volonté de l’Élysée. 

Le 49-3 a été utilisé par le gouvernement à la date symbolique du 10 mai, pour couper court à toutes les explications et propositions d’amendement et pour asphyxier les frondeurs. Matignon n’exclut pas d’y avoir recours à nouveau, lorsque le texte reviendra en deuxième lecture à l’Assemblée nationale, si cela est nécessaire, afin d’en terminer avec ce texte avant les vacances d’été. À aucun moment, le gouvernement ne se sera expliqué sur les véritables raisons de passer en force une loi rejetée par une majorité de la population.

 

 

Source : https://www.mediapart.fr

 

 

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12 juin 2016 7 12 /06 /juin /2016 12:24

 

Info reçue par mail

 

 

QUAND LE CRÉDIT FONCIER

DÉTROUSSE LES CONTRIBUABLES DE NÎMES MÉTROPOLE

DE 57,4 MILLIONS D’EUROS

 

Nîmes Métropole a contracté en 2008, auprès du Crédit Foncier de France (Filiale du Groupe

BPCE), un emprunt toxique de 12,5 millions d’euros dont le taux d’intérêt, indexé sur la parité

euro/franc suisse, dépasse aujourd’hui 25 % ! Afin de mettre un terme à cette situation,

 le 29 mars dernier, la Métropole a décidé de rembourser cet emprunt par anticipation et de

signer un protocole avec la banque. Mais en plus des 10 millions d’euros du capital restant dû

de l’emprunt, le Crédit Foncier exige le paiement d’une indemnité colossale de 57,4 millions

d’euros ! En clair, les contribuables vont devoir rembourser près de 7 fois le montant de

l’emprunt ! Un véritable racket !

 

57,4 millions d’euros représentent 4 années de frais de personnel de la collectivité, plus de la

totalité des taxes foncières et d’habitation perçues annuellement, ou encore le coût prévisionnel

du Musée de la Romanité qui doit voir le jour début 2018 à Nîmes !

Or le Crédit Foncier de France n’aurait jamais dû faire souscrire à  Nîmes Métropole un emprunt

dont le taux sans plafond est indexé sur la parité des monnaies, car la loi interdit aux collectivités

d’engager leurs finances dans des opérations de nature spéculative. Ainsi, au lieu d’accepter de

payer des intérêts usuraires et une indemnité léonine à la banque, la Métropole aurait dû refuser

de payer et porter l’affaire devant les tribunaux. Circonstance aggravante, le conseil

communautaire a pris sa décision sans que les élus aient été destinataires de l’information qu’ils

auraient dû recevoir.

 

Face au refus du président de Nîmes Métropole et de sa majorité d’opter pour cette position, le

collectif d’audit citoyen de Nîmes (CAC 30) s’est rapproché de deux élus, François Séguy et

Sylvette Fayet, ainsi que d’un contribuable de la ville, pour engager une action contre les

délibérations litigieuses, qui plus est adoptées en violation du droit à l’information des élus.

Quatre recours, dont deux en référé suspension, ont été engagés devant le tribunal administratif

de Nîmes. Le CAC 30 a également lancé une pétition pour dénoncer cette opération. Même si la

collectivité va bénéficier d’une aide de l’État (c'est-à-dire des contribuables) de 36,6 millions

d’euros, il restera à la charge de la Métropole un reliquat de 20,8 millions d’euros sur les 57,4

millions de pénalité.

 

Aujourd’hui, le CAC 30 et le CAC national à l’initiative de l’action ainsi que les auteurs des

recours appellent la population à soutenir et à renforcer leur combat citoyen pour faire respecter

les intérêts de la Métropole nîmoise, les intérêts de ses habitants, l’intérêt public et le droit.

 

Pour faire toute la lumière sur ce dossier, pièces en mains et preuves à l’appui, et répondre à

leurs questions, le CAC 30 invite les habitants de la Métropole à venir

assister à une Réunion publique le 24 juin 2016 à 19 h 30 Maison des Adolescents du Gard

(MDA 30) 34 ter rue Florian à Nîmes

 

Contact pour le CAC 30 : mél : cac30@auditcitoyen.org

 06 81 50 86 67 ou 06 16 65 19 81

 

Contact pour le CAC national : Patrick Saurin, patricksaurin@wanadoo.fr 06

62 88 05 17

 

 

https://webmail.laposte.net/service/home/~/?auth=co&loc=fr&id=39740&part=2.2

 

 

 

            

 

 

 

 

 

                                      

 

Afficher l'image d'origine

 

COMMUNIQUÉ DE PRESSE

du Collectif d’audit citoyen de la dette publique de Nîmes

 

Nîmes, le 10 juin 2016

 

 

Fait inhabituel à Nîmes, dans une démarche impulsée par le Collectif d’audit citoyen de

la dette publique de Nîmes (CAC 30), deux élus et un contribuable local ont déposé

jeudi 26 mai devant le tribunal administratif quatre recours, dont deux en référé,

pour faire annuler deux délibérations de la Métropole nîmoise.

 

Quelles sont les raisons de cette procédure?

 

Le 29 mars dernier, le président du conseil de la Métropole, Yvan Lachaud, a fait voter deux

délibérations dont l’objet était le remboursement anticipé d’un emprunt toxique dont le taux

d’intérêt indexé sur la parité euro/franc suisse dépasse aujourd’hui 25 %.Mais pour réaliser

cette opération, la Métropole a dû accepter de payer à la banque, en plus des 10 millions

d’euros du capital restant dû de l’emprunt, une indemnité de remboursement anticipé de

57,4 millions d’euros. En clair, les contribuables vont devoir rembourser près de 7 fois le

montant de l’emprunt!

 

57,4 millions d’euros représentent 4 années de frais de personnel de la collectivité, plus de la

totalité des taxes foncières et d’habitation perçues annuellement, ouencore le coût prévisionnel

du Musée de la Romanité qui doit voir le jour à Nîmes début 2018 !

 

Même si la collectivité va bénéficier d’une aide de l’État (c’est-à-dire des contribuables) de

36,6 millionsd’euros, il restera à la charge de la Métropole un reliquat de 20,8 millions d’euros

sur les 57,4 millions. Pourtant, malgré le caractère hors norme de l’opération et l’énormité des

sommes en jeu, le conseil communautaire a pris sa décision sans disposer des éléments

indispensables pour se prononcer, qu’il s’agisse de la convention entre la Métropole et l’État,

du protocole passé avec le Crédit Foncier de France (filiale du Groupe BPCE) ou du mode de

calcul de l’indemnité. Toutes les demandes d’éclaircissement sont restées lettre morte.

Cet état de fait est d’autant plus scandaleux que la collectivité n’aurait jamais dû accepter les

conditions d’un tel protocole, au contraire,il était de son devoir d’attaquer la banque en justice,

en suivant l’exemple de nombreuses collectivités. En effet, la réglementation est formelle en cette

matière puisque selon une circulaire du 25 juin 2010, reprenant une circulaire de septembre

1992, «les collectivités territoriales ne peuvent légalement agir que pour des motifs d’intérêt

général présentant un caractère local. L’engagement des finances des collectivités locales

dans des opérations de nature spéculative ne relève ni des compétences qui leur sont

reconnues par la loi, ni de l’intérêt général précité»

 

Ainsi, le Crédit Foncier de France n’aurait jamais dû faire souscrire à Nîmes Métropole le contrat

spéculatif indexé sur l’euro et le franc suisse. Quant à la collectivité, au lieu d’accepter de payer

des intérêts usuraires et une indemnité léonine, elle aurait dû refuser de payer et exiger devant

les tribunaux l’annulation de la clause de taux d’intérêt du contrat pour y substituer le taux légal

(ce taux est de 1,01 % pour le 1esemestre 2016). Ce sont ces raisons qui ont amené le CAC 30

et le CAC national à se rapprocher de deux élus, François Séguy et Sylvette Fayet, ainsi que

d’un contribuable de la ville, pour engager un recours contre les délibérations litigieuses, qui

plus est adoptées en violation du droit à l’information des élus.

 

Aujourd’hui, le CAC 30 et le CAC national(audit-citoyen.org), à l’initiative de l’action, ainsi que les

auteurs des recours, appellent la population à soutenir et à renforcer leur combat citoyen pour

fairerespecter les intérêts de la Métropole nîmoise, les intérêts de ses habitants, l’intérêt public

et le droit. Ils invitent les habitants de la Métropole à signer la pétition sur papier ou en ligne

avec le lien

:

http://www.mesopinions.com/petition/justice/refuse-credit-foncier-france-detrousse-contribuables/20335

 

Le CAC 30 invite les habitants de la Métropole à venir nombreuses et nombreux assister à la

réunion publique organisée

 

le 24 juin 2016 à 19 h 30 à la Maison des Adolescents du Gard (MDA 30), 34 ter rue Florian à Nîmes

.

Lors de cette réunion, le dossier sera présenté dans le détail. Les citoyennes et les citoyens

pourront poser leurs questions, échanger avec les initiateurs de ces recours et voir avec eux

comment s’associer à cette action.

 

Contact pour le CAC 30: mél: cac30@audit-citoyen.org - 06 81 50 86 67 ou 06 16 65 19 81

Contact pour le CAC national: Patrick Saurin, patricksaurin@wanadoo.fr - 06 62 88 05 17

 

 

 

 

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11 juin 2016 6 11 /06 /juin /2016 15:32

 

Source : https://www.mediapart.fr

 

 

L’incarcération, nouvelle politique pénale anti-manifestants
10 juin 2016 | Par Karl Laske
 
 

À Rennes, le vice-président du tribunal Nicolas Léger fait tomber les peines de prison ferme sur les militants. Il vient d'en envoyer quatre en prison : des jeunes, sans casier, venus poser des autocollants sur les tables de la terrasse de la sandwicherie Bagelstein de Rennes.

La police n’est donc pas la seule à n’avoir reçu aucune consigne de retenue. Les juges non plus. À Rennes, le vice-président du tribunal Nicolas Léger, et président de la juridiction interrégionale spécialisée (JIRS), réputé pour être « le plus répressif » de « tout le grand Ouest », a condamné à des peines de prison ferme, fin mai, quatre étudiants sans casier venus poser des autocollants sur les tables de la terrasse de la sandwicherie Bagelstein de Rennes, en réaction à ses publicités sexistes et homophobes. L’initiative s’était terminée en bagarre entre le patron et l’un des militants, mais – en principe – pas de quoi faire partir les quatre jeunes à la maison d’arrêt. La stratégie de tension des autorités face aux opposants de la loi sur le travail se propage, comme une onde de choc, jusqu’aux palais de justice, où s’improvise apparemment une nouvelle politique pénale.

À Rennes, vingt jeunes militants mis en examen pour « association de malfaiteurs » à la suite d’une action dans le métro ont évité de peu la détention provisoire réclamée par le procureur de la République Nicolas Jacquet. Dix-huit d’entre eux ont l’interdiction de manifester. À Lille, un jeune militant de la CGT, Antoine C., interpellé lors d’une manifestation le 17 mai, est resté trois semaines en détention provisoire pour s’être seulement débattu lors de son interpellation. Jeudi, malgré les témoignages et les vidéos – lire ici –, il a été condamné à dix mois de prison avec sursis et deux ans d'interdiction de manifester ! Le parquet avait requis deux mois de prison ferme contre lui.

 

Bernard Cazeneuve lors de sa visite à Rennes le 15 mai, dernière lui le procureur Nicolas Jacquet (à droite) © DR Bernard Cazeneuve lors de sa visite à Rennes le 15 mai, dernière lui le procureur Nicolas Jacquet (à droite) © DR

 

Le sort des quatre jeunes incarcérés à Rennes dans l’affaire du Bagelstein continue d’inquiéter. « Le caractère absolument disproportionné de la peine laisse sans voix, ont fait savoir jeudi des enseignants-chercheurs et personnels administratifs de l’UFR de philosophie de l’université de Rennes 1 dans un texte de soutien à Quentin, l’un des quatre étudiants. Quentin L. n’a ni porté de coup ni dégradé quoi que ce soit. Son casier judiciaire était vierge. Présenté comme un “activiste” par la presse, on ne lui connaît pourtant aucune affiliation à quelque groupe politique que ce soit. » Les professeurs témoignent « d’un étudiant sérieux, investi, doux, très apprécié de ses camarades, à mille lieues de la caricature d’agitateur violent que pourrait suggérer la qualification pénale des faits (“violence en réunion dans le cadre d’une manifestation”) ».

Le père de Martin est lui aussi « tombé de sa chaise comme les autres parents  » : « Je connais le garçon… Il n’y a pas plus pacifiste, même s’il a des convictions. » « Je suis inquiet, poursuit-il. Je suis indigné, J’ai l’impression d’être dans un pays totalitaire. Mettre en prison des jeunes parce qu’ils sont allés discuter avec un commerçant excité des publicités de son restaurant… Ils ont mis en prison des jeunes qu’ils ne connaissent pas. Je suis assez fier du sujet que défendaient Martin et ces jeunes contre ces propos discriminants, et insultants. Je les félicite. Malheureusement, la justice n’a pas la même approche. »

Le 26 mai, les jeunes entrent sur la terrasse de la sandwicherie dans l’intention de coller des autocollants sur les tables, et de lire à haute voix les slogans de l’entreprise. Un collectif féministe de Rennes 2 avait déjà dénoncé ces publicités de la chaîne Bagelstein : « Il existe trois catégories de femmes : les putes, les salopes, et les emmerdeuses », « J’en ai marre de ces gays-là », « L’amour, c’est sportif surtout quand y en a un qui n’est pas d’accord »… Les jeunes sont interrompus par la fille du patron, puis par le patron lui-même. « Mon père a saisi le bras du plus virulent d’entre eux pour le faire sortir de la terrasse », a rapporté la jeune femme aux policiers. Une bagarre commence, un coup de poing part. « Mon père le maintenait par le col pour éviter de recevoir d’autres coups, poursuit-elle. Ils ont fait tomber toutes les tables en se débattant, et ils ont fini au sol. » Les policiers de la BAC arrivent. Pour faire bonne mesure, ils font s’aligner les étudiants contre le mur, armes pointées sur eux. Le gérant du restaurant, Patrick Q., questionné à son tour, explique que « tout s’est passé très vite ». « Nous sommes intervenus à temps, déclare-t-il, et ils n’ont pas eu le temps de coller leurs autocollants. » Il se dit incapable « d’établir le rôle précis » des autres jeunes. « Je ne pense pas avoir reçu de coups de leur part, reconnaît-il. Ils ont essayé d’intervenir pour libérer leur camarade. »

L’échange de coups a valu au gérant de la sandwicherie une ITT de deux jours… Le tribunal présidé par Nicolas Léger a condamné Quentin et Raphaël à un mois de prison ferme, Martin à deux mois, et Amaël à trois de prison ferme. Aucun d’entre eux n’avait de casier judiciaire. Tous ont fait appel, mais compte tenu de l’agenda de la cour d’appel, il faudra quelques mois avant qu’ils ne soient audiencés. Tous ont fait des demandes de remise de liberté, mais il faudra attendre jusqu’au 9 août pour qu’elles soient examinées. Quentin et Raphaël auront purgé leur peine, le 27 juin, Martin le 27 juillet. Les familles viennent seulement d’obtenir un premier parloir pour la semaine prochaine.

 

Le vice-président du tribunal et patron de la JIRS, Nicolas Léger © DR Le vice-président du tribunal et patron de la JIRS, Nicolas Léger © DR

 

« Ça s’appelle faire des exemples », commente une avocate. Lors de la visite de Bernard Cazeneuve, le 15 mai, la maire de Rennes Nathalie Appéré avait enjoint à l’État de « prendre ses responsabilités » face aux dégradations commises dans le centre-ville, l’avant-veille, jour de l’expulsion des opposants à la loi sur le travail de la salle de la cité. « Il y aura d’autres convocations devant les tribunaux. Je le dis, ici à Rennes la fermeté sera totale », avait déclaré le ministre de l’intérieur. « La police et la justice mettent de l’huile sur le feu, estime le père de Martin. Ils veulent rassurer le centre-ville, mais l’effet obtenu est inverse : il y a une pétition qui a recueilli des milliers de signatures en faveur des jeunes, les manifestations se poursuivent… On ne fait qu’alimenter la tension de ces jeunes adultes. À chaque fois, on leur met la tête sous l’eau avec des décisions iniques. Ils n’ont plus du tout confiance. »

Pour le père de l’étudiant, cette politique de maintien de l’ordre « risque de faire basculer une partie de ces jeunes contre l’ordre républicain ». « Je me pose des questions sur la sortie de prison de mon fils, et sur le regard qu’il aura sur la société, conclut-il. Ça ne m’étonne pas que des jeunes se radicalisent dans ce contexte-là. »

 

 

 

Source : https://www.mediapart.fr

 

 

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11 juin 2016 6 11 /06 /juin /2016 14:58

 

Source : https://www.mediapart.fr

 

 

 

18 mois de prison requis contre les lanceurs d'alerte «LuxLeaks»
10 mai 2016 | Par Dan Israel
 
 

Lors de la septième journée d'audience, le procureur luxembourgeois a demandé au tribunal de condamner Antoine Deltour et Raphaël Halet, tout en se disant « pas opposé » à des peines avec sursis. Contre le journaliste Edouard Perrin, il a demandé une simple amende. Cela ne l'a pas empêché de critiquer durement ceux qui sont à l'origine de la révélation du scandale.

 

En apparence, le procès LuxLeaks n’aura pas fait bouger les lignes. Mardi 10 mai, au septième et avant-dernier jour des audiences où comparaissent les anciens employés de PriceWaterhouseCoopers (PwC) Antoine Deltour et Raphaël Halet aux côtés du journaliste Edouard Perrin, le procureur David Lentz a prononcé un réquisitoire implacable envers les « soi-disant lanceurs d'alerte » et le journaliste qui serait « allé trop loin ». Auparavant, ce mardi et le mercredi précédent, les avocats des prévenus s’étaient démenés pour démontrer que les actions de leurs clients, qui ont copié, transmis et diffusé des centaines d’accords fiscaux secrets entre le Luxembourg et des multinationales, n’ont répondu qu’à un souci d’intérêt général. Les avocats ont par conséquent tous demandé la relaxe de leurs clients.

La situation semble donc être restée figée à ce qu’elle était avant l’ouverture du procès. Et pourtant, le procureur paraît être moins sûr de son fait que ses mots ne l'ont laissé entendre. Aussitôt après avoir demandé 18 mois de prison pour Antoine Deltour et Raphaël Halet, il a précisé qu’il ne serait « pas opposé » à ce que ces peines soient intégralement assorties d'un sursis. On est donc loin des 10 ans de prison et du million d’euros qu’ils encouraient au maximum, pour « vol domestique », « divulgation de secrets d’affaires » et « violation du secret professionnel ». Et après avoir durement critiqué Edouard Perrin, jugeant que « la liberté d'expression journalistique ne prévaut pas sur la violation du secret professionnel » (comme l’ont rapporté les journalistes sur place, lire notre boîte noire), le procureur n’a demandé qu’une amende à son encontre, laissant le montant à l’appréciation du tribunal. Il a même conclu en félicitant Edouard Perrin « pour son travail et son opiniâtreté », et a reconnu que le scandale LuxLeaks avait contribué à mettre au jour des « pratiques fiscales douteuses ».

 

Antoine Deltour et son avocat William Bourdon, au tribunal de Luxembourg le 26 avril. © Reuters - Vincent Kessler Antoine Deltour et son avocat William Bourdon, au tribunal de Luxembourg le 26 avril. © Reuters - Vincent Kessler

 

Pour autant, le procureur n’a pas rechigné à endosser son « rôle », celui de « protéger la société contre les abus ». « Si une infraction a été commise, il ne peut y avoir que condamnation », a-t-il déclaré, en s’appuyant sur le fait que les trois mis en cause reconnaissent la matérialité des faits qui leur sont reprochés. Le représentant du parquet luxembourgeois est allé plus loin. « La justice, ça se rend. Ça ne se vole pas », a-t-il fait valoir, extrêmement soucieux de casser l’image de justicier au service de l’intérêt général à laquelle Deltour et Halet ont été associés tout au long des audiences. Pour lui, aucun doute, le premier avait même « une volonté de nuire » à son employeur, en violant le secret des affaires.

David Lentz a expliqué que l’impunité ne pouvait être accordée aux deux hommes, car même si une loi locale existe depuis février 2011, elle ne protège que ceux qui dénoncent des agissements contraires à la loi, alors que les accords fiscaux dévoilés par le scandale LuxLeaks étaient légaux. « Pas question d'ouvrir les portes aux délateurs de tout poil », a-t-il prévenu. Quant au chef d’accusation de vol, il l’a maintenu, bien que les avocats des accusés aient plaidé que les biens immatériels n’étaient pas concernés par la loi luxembourgeoise qui définit ce délit. De fait, dans la jurisprudence du pays, une seule décision de la Cour de cassation englobe les « meubles immatériels », et elle a été contredite depuis.

Revenant sur le rôle d’Edouard Perrin, le procureur a ensuite maintenu que le journaliste avait téléguidé Raphaël Halet. Pour ce faire, il est resté arc-bouté sur les déclarations de l’ex-employé de PwC devant les policiers et la juge d’instruction, mais n’a apparemment pas tenu compte de sa déposition au procès, où il avait fermement démenti cette version. Rappelons aussi que Perrin a bénéficié d’un non-lieu pour les accusations de complicité de vol, rendu le 25 novembre dernier par la chambre du conseil du tribunal, qui décide des poursuites ou non après la conclusion de l’enquête d’un juge d’instruction. Qu’importe, le magistrat l’a jugé coupable de complicité de viol du secret professionnel et du secret des affaires. « Il y a des limites à la liberté d'expression », a-t-il assuré, faute de quoi on sombrerait « dans l'anarchie ».


« Le secret des affaires, ce n’est pas le secret de magouilles » 

Le réquisitoire du procureur a dû satisfaire PwC. Lors de l’audience précédente, mercredi 4 mai, son avocat avait demandé à la justice de ne pas céder à la « stratégie de défense très efficace à l'égard de la presse », consistant à présenter Deltour et Halet comme des lanceurs d’alerte. Pour PwC, « au regard des faits », ni Deltour ni Halet n'avaient l'« animus du lanceur d'alerte », et ce statut dont ils se revendiquent serait une « invention ex post facto, concoctée pour les  besoins de la défense ». Concernant Antoine Deltour, l’avocat de PwC avait particulièrement insisté sur son non-respect du secret professionnel, pourtant détaillé dans son contrat de travail. « M. Deltour n'est pas un lanceur d'alerte chimiquement pur. Il n'est pas un lanceur d'alerte du tout », avait-il lancé, assurant que, en copiant des documents de formation en plus des « rulings », son « but premier » avait été de « piller le “know how” [le savoir-faire – ndlr] de PwC ».

Le cabinet d’audit avait demandé une indemnisation d'un euro à l’égard de ses anciens employés, car il ne serait pas possible de mesurer l’impact réel de leurs actions. Pourtant, en décembre 2014, l’entreprise avait fait signer un accord de confidentialité à Halet en lui faisant reconnaître qu’elle avait perdu au moins 10 millions d’euros du fait de la fuite des seize documents dont il était l’auteur… En ne demandant qu’un euro de dommages et intérêts, « PwC ne souhaite en aucun cas montrer qu’elle n’aurait pas subi de préjudice », assurait son avocat, martelant qu’il « s’agit d’une affaire grave ».

Ce mardi, la réplique de William Bourdon, l’avocat français d’Antoine Deltour et figure emblématique de la défense des lanceurs d’alerte, a été cinglante. « Les lanceurs d'alerte ne savent pas encore qu'ils le sont lorsqu'ils agissent », a-t-il asséné, invitant le tribunal à être « au rendez-vous de l'Histoire », s’attirant les applaudissements d’une partie de la salle, où étaient réunis les soutiens des trois accusés. Le mercredi précédent, c’est Bernard Colin, l’avocat de Raphaël Halet, qui avait enthousiasmé le public, en demandant d’« appeler un chat un chat » et en dénonçant l'« évasion fiscale », et non l'« optimisation fiscale », organisée par PwC pour les multinationales. Très en verve, il avait déclaré se trouver « face à des tordus de la finance », et clamé : « Pour moi, le secret des affaires, ce n’est pas le secret de magouilles. »

Les uns après les autres, tous les avocats présents ont plaidé pour une relaxe générale, en s’appuyant notamment sur la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l’homme et sur l’article 10 de la Convention européenne des droits de l’homme, qui définit la liberté d’expression et la liberté de la presse. Selon les règles européennes, qui s’imposent aux droits nationaux de chaque État membre,  défendre l'intérêt général peut permettre de violer la confidentialité, dans certains cas. May Nalepa, qui défend Raphaël Halet, a notamment détaillé point par point les conditions qu’il faut remplir pour se prévaloir de cette jurisprudence, et a plaidé qu’elles étaient toutes remplies. « M. Halet a défendu les intérêts de la nation européenne », a-t-elle lancé. « Que valent les petits secrets de PwC face au droit à l'info de 500 millions d'Européens ? » a surenchéri Olivier Chappuis, avocat d’Edouard Perrin. Le procureur ne les a pas suivis sur ce point. Il leur reste un dernier droit de réplique, mercredi 11 mai, pour convaincre le tribunal que ce sont eux qui ont raison.

Le jugement devrait être connu pendant la seconde quinzaine de juin.

 

 

 

Source : https://www.mediapart.fr

 

 

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11 juin 2016 6 11 /06 /juin /2016 14:47

 

Source : https://www.mediapart.fr

 

 

Comment le néolibéralisme a défait la démocratie
11 juin 2016 | Par christian salmon
 
 

Les violences policières lors des manifestations contre la loi sur le travail s'inscrivent dans un cycle plus large de régression démocratique qui affecte toutes les libertés fondamentales. Cette régression est la conséquence directe de la victoire du néolibéralisme. Un néolibéralisme qui ne se contente pas de limiter les contre-pouvoirs mais désactive et rend caduc le projet politique même de la démocratie. Il est l'explication de l’échec démocratique du quinquennat de François Hollande.

 « Il faudrait une histoire des rapports entre répression et lexique, twittait récemment le philosophe Mathieu Potte-Bonneville. 1986, pelotons voltigeurs motocyclistes. 2016, grenade de désencerclement. » 1986 : c’est l’année des manifestations contre la loi Devaquet, c’est aussi la mort de Malik Oussekine sous les coups de CRS opérant sur des motos tout-terrain. 2016 : c’est la mobilisation contre la loi sur le travail, marquée par des violences policières sans précédent qui ont fait de nombreux blessés, dont deux grièvement.

À cette occasion, le lexique de la répression policière s’est enrichi de nombreux termes, comme Flash-Ball ou LBD, les armes utilisées contre les manifestants, mais aussi des mots nouveaux comme gazage, nasse et même d’anglicismes comme kettling, cette technique anglo-saxonne qui vise à encercler, immobiliser, couper les cortèges en deux ou trois, créer des « souricières » pour réguler le flux et noyer de gaz lacrymogènes les manifestants. L’usage des smartphones sur les lieux de manifestation a permis de documenter de nombreuses violences des forces de l’ordre que Mediapart a récemment rassemblées dans un ensemble accablant.

 

L'éducateur et syndicaliste Guillaume Floris quand les CRS l'évacuent, le 26 mai, à Paris. © Jérôme Chobeaux L'éducateur et syndicaliste Guillaume Floris quand les CRS l'évacuent, le 26 mai, à Paris. © Jérôme Chobeaux
 

L’inspection générale de la police a elle-même lancé en 2013 un site « anti-bavures » dans le but de donner une bonne image des forces de l’ordre. Mais le mot même de « bavures », qui réduit la violence policière à des dérapages isolés, exclut de fait toute analyse systémique de ces violences alors que l’évolution du lexique répressif constitue un bon indicateur des changements à l’œuvre dans la stratégie de maintien de l’ordre.

 

Cette stratégie articule la nature des armes utilisées, le mode opératoire des forces de l’ordre, leur mise en place et leur déploiement, mais aussi la logique qui préside à l’encadrement de la foule par les forces de l’ordre, logique qui substitue au simple maintien de l’ordre le contrôle et l’occupation de l’espace public, et à la protection des manifestants, la confrontation avec eux. Les provocations incessantes de la police contre les occupants de la place de la République à Paris en sont le signe manifeste.

 

  • Une « acculturation » démocratique

Cette histoire du lexique répressif devrait embrasser non seulement les techniques de répression policière et de maintien de l’ordre pendant les manifestations mais également les formes nouvelles de répression politique. Car ce phénomène de répression s’inscrit dans un cycle de régression démocratique qui affecte toutes les libertés fondamentales depuis plus d’un an : état d’urgence ou d’exception, perquisitions de jour et de nuit, assignations à résidence, projet de déchéance de nationalité, gardes à vue, notes blanches, interdictions administratives de manifester, filatures, écoutes téléphoniques, surveillance numérique, couvre-feu, interdictions de réunion, de circulation, fichage en dehors de tout cadre légal, fiches S, contrôles au faciès, reconduites aux frontières...

Le lexique se fait inventaire à la Prévert. Il désigne des interdits mais aussi des licences que s’accorde le pouvoir exécutif, usant d’un droit d’exception banalisé, des interdits d’actes mais aussi des interdits de langage, comme l’apologie du terrorisme, ou des injonctions comme celle de chanter La Marseillaise dans les écoles ou de brandir le drapeau aux fenêtres. Il s’étend par nappes de mots, redessine les frontières du licite et de l’illicite, du légitime et de l’infâme. Tous ces interdits se croisent, formant, comme le disait Foucault dans L’Ordre du discours, « une grille complexe », qui ne cesse de se resserrer sur les zones en crise : l’identité, la nation et la nationalité, la religion et son double, la laïcité…

Le débat sur la déchéance de nationalité en a été l’exemple le plus éloquent. Les applaudissements qui ont salué, lors du Congrès réuni à Versailles, cette proposition transpartisane du président de la République sont le symptôme d’une véritable « acculturation » démocratique chez ceux qui sont les garants des institutions démocratiques. Mais ce n’est pas le seul. L’arsenal législatif de lois scélérates adopté à la suite des attentats terroristes de janvier et de novembre 2015 a rendu possible une régression démocratique qui concerne toutes les libertés fondamentales.

Ainsi à la faveur de la mise en place de l’état d’urgence, héritage colonial s’il en est, les lois liberticides se retournent aujourd’hui contre des citoyens français et en dehors de tout contrôle judiciaire. Et encore cette régression démocratique déborde-t-elle les mesures de l’état d’urgence, elle participe d’un climat liberticide général. Le nouveau lexique de la répression nourrit une novlangue désormais partagée par nos élites médiatico-politiques par-delà les affiliations idéologiques ; du Front national au Parti socialiste en passant par Les Républicains. Une novlangue avec son lexique, sa sémantique et sa syntaxe.

 

  • Un moment crucial

C’est un moment crucial et à ce titre peut-être plus important que ne le fut Mai-68 : l’accouchement au forceps du néolibéralisme en France. Le néolibéralisme considéré non pas comme une simple politique économique (la politique de l’offre) mais comme une logique rationnelle générale qui vise à « reformuler » toutes les formes d’expériences et d’existences en termes purement économiques. Ce travail de réécriture, la loi El Khomry l’effectue en partie, elle en est le symbole et le test.

Mais la preuve et la signature de cette entreprise de reformulation, c’est la régression démocratique qui affecte toutes les libertés fondamentales dans ce pays. La liste des atteintes aux droits fondamentaux s’allonge, à l’abri de l’autocensure de plus en plus flagrante de médias passés aux mains de quelques milliardaires. Le licenciement politique d’Aude Lancelin, la directrice adjointe de L’Obs, en offre une image presque caricaturale.

La logique managériale néolibérale qui est celle des actionnaires de cet hebdomadaire s’impose à toute autre logique et au principe même du débat d’idées qui est l’oxygène du journalisme et de la démocratie. Les sociétés de rédacteurs du groupe Le Monde, qui appartient au même trio d’actionnaires, ne s’y sont pas trompées : elles ont dénoncé d’une seule voix cette ingérence des actionnaires dans la politique éditoriale. Les raisons managériales invoquées pour justifier ce licenciement ne sont pas le masque qu’on a voulu y voir, celui d’une éviction à l’évidence politique comme l’a démontré Mediapart ; elles sont le vrai visage de l’absolutisme néolibéral qui ignore et exclut toute autre rationalité politique ou même démocratique. Nous y reviendrons à la fin de cet article…

 

Les habits neufs de l’hégémonie culturelle

À l’évidence, ce licenciement participe de cette « bataille des idées » qui fait rage, selon les éditorialistes qui recyclent le vieux concept d’« hégémonie culturelle » d’Antonio Gramsci, selon lequel la victoire des idées précède toujours les victoires politiques. L’état-major de cette guerre culturelle, Gramsci le qualifiait d’« intellectuel organique ». Mais qu’en est-il aujourd’hui de l’intellectuel organique ? Où est-il donc passé après 2008 et la crise financière ? Faut-il le chercher (le repêcher) à gauche où il a sombré corps et âme avec le Mur de Berlin ? Ou bien se cache-t-il à droite, dans quelque think tank ou agence de lobbying ? On ne peut, dans le cadre limité de cet article, que formuler quelques hypothèses :

 

1. Première  hypothèse : l’intellectuel organique n’est pas là où on le croit. D'Alain Finkielkraut à Éric Zemmour, les figures médiatiques d’une pensée de droite centrée sur les questions de l’identité nationale, de l’immigration et de la laïcité occupent les plateaux de télévision et les pages débats des journaux mais sont totalement inopérantes s’il s’agit de penser les questions de la souveraineté, du pouvoir et des formes nouvelles de gouvernance. Ces auteurs, qu’on les qualifie de philosophes, de publicistes ou d’éditorialistes, ne sont nullement une spécialité made in France. Ils participent d’un phénomène que je propose de qualifier de « trumpisation des esprits ». La « trumpisation des esprits » n’a rien à voir avec l’hégémonie culturelle et ce pour plusieurs raisons, que l’on peut décliner conformément aux hypothèses suivantes.

 

Donald Trump et son air martial en meeting dans le New Hampshire. © Thomas Cantaloube Donald Trump et son air martial en meeting dans le New Hampshire. © Thomas Cantaloube
 

2. Deuxième hypothèse : la « trumpisation des esprits » n’est pas un courant d’idées, c’est l’expression d’un ressentiment. Elle exprime un ras-le-bol indistinct qui vise aussi bien l’étranger que l’élite, le religieux comme l’athée, l’exclu et le milliardaire. Son succès dans l’opinion n’en fait pas une pensée hégémonique car elle ne vise pas à créer une nouvelle subjectivité mais se contente de faire écho à des ressentiments. En ce sens, les intellectuels « trumpistes » ne sont pas « organiques » mais « allergiques » : ils se contentent de nourrir la nostalgie du récit perdu, la grandeur de la Nation, blanche, chrétienne, uniculturelle et monolingue, sa culture, son empire et ses satellites ou colonies.

 

C'est une pensée réactive plutôt que réactionnaire, qui sert tout au plus d’exutoire au malaise « identitaire » qui, en effet, travaille les sociétés dans toute l’Europe et aux États-Unis. Pensée allergique mais sûrement pas régulatrice, pour rester dans la métaphore organique qu’utilisait Gramsci pour penser l’hégémonie culturelle.

 

3. Troisième hypothèse : l’hégémonie culturelle d’un courant de pensée ne se mesure pas seulement à son influence ou à son audience médiatique mais à sa centralité dans le fonctionnement et la légitimation du système social. L'« intellectuel organique » tel que l’avait défini Gramsci peut donc se reconnaître à sa capacité à transformer un corpus d’idées et de valeurs. Il est celui qui œuvre en faveur de la construction d’une hégémonie en produisant du discours, des concepts et des instruments de gouvernance, nous dirions aujourd’hui des récits, un nouvel « ordre » narratif capable d’inspirer et de « conduire les conduites » (Foucault).  

Dans l’immédiat après-guerre, « l’intellectuel organique » en Occident était représenté par le courant keynésien qui élabora, scénarisa et répandit le grand récit fordiste du welfare state. Nous en connaissons l’intrigue et les personnages. Mais en coulisses, un autre « intellectuel organique » était en gestation : l’intellectuel organique néolibéral. La Société du Mont-Pèlerin (en anglais Mont Pèlerin Society, MPS) en fut la couveuse et l’atelier d’écriture. Fondée en 1947 par Friedrich Hayek, Karl Popper, Ludwig von Mises ou Milton Friedman, la Société du Mont-Pèlerin élabora le récit d’un nouvel ordre social, « néolibéral », qui allait s’imposer peu à peu dans les cercles du pouvoir, les médias puis le grand public, avant de triompher à la fin des années 1970 en jetant le discrédit sur le welfare state et en proposant une nouvelle intrigue et un nouvel héros : non plus le consommateur enchanté, mais « l’entrepreneur de soi ».

Cette vision nouvelle de l’homo œconomicus allait inspirer une nouvelle manière de considérer l’État, la gouvernance, les rapports sociaux et internationaux. Ce récit néolibéral allait trouver ses grands narrateurs en la personne de Ronald Reagan et Margaret Thatcher. « L’économie est le moyen, déclara cette dernière en 1988. L’objectif est de changer les âmes. » Pour l’essentiel, l’objectif est atteint. Les ingénieurs de l’âme néolibéraux ont achevé leur travail. Un nouveau sujet néolibéral s’est imposé, dont les qualités et les valeurs sont la flexibilité, l’agilité, l’adaptabilité, la capacité à changer de stratégie en fonction des circonstances, un nouveau moi volatil, axé sur le court terme et libéré du poids de l’expérience passée.

 

4. Quatrième hypothèse : comprendre l’hégémonie suppose donc de partir non des idées et de leur influence, mais d’une description de ce système, de ses rouages essentiels. Une récente enquête de La Revue du crieur (à lire ici sur Mediapart) dresse le portrait d’un de ces praticiens et producteurs d’idées qui fabriquent les concepts et techniques du néocapitalisme mondialisé.

L’auteur de cette enquête, le sociologue Razmig Keucheyan, a rencontré l’un d’eux : Emmanuel Gaillard. En 2014, le magazine Vanity Fair l’a classé à la seizième place des « Français les plus influents du monde », juste derrière Xavier Huillard, le PDG de Vinci (et avant l’actrice Eva Green !). Le portrait de cet « intellectuel discret au service du capitalisme » bouleverse bien des idées reçues sur l’hégémonie. Gaillard est un expert en arbitrage international. Son grand œuvre est un austère traité de théorie du droit intitulé Aspects philosophiques du droit de l’arbitrage international. Rien d’un Sartre ou d’un Foucault !

En quoi peut-il être qualifié d’« intellectuel organique » ? L’arbitrage international répond à un problème crucial du néocapitalisme : comment gérer les inévitables frictions ou conflits qui résultent de la mondialisation du capital ? Comment, plus généralement, produire un espace mondial lisse, où le capital puisse circuler sans entraves ? Gaillard est un « courtier » du capitalisme. Se faisant l’intermédiaire entre plusieurs cultures juridiques, lui et ses semblables œuvrent à la mondialisation du capital par le droit.

 

La démocratie comme un murmure

5. Cinquième et dernière hypothèse : l’hégémonie de l’intellectuel organique ne repose pas sur l’orthodoxie idéologique, la consistance propre à une pensée ou une idéologie mais au contraire sur l’hétérodoxie, la récupération, le braconnage conceptuel. Elle puise sa force dans une sorte de « hacking idéologique », pour reprendre une expression de Jérôme Batout dans un article récent. Il prend pour exemple le primat de l’économie sur le fonctionnement social, matrice fondamentale de la gauche marxiste mais qui a pour effet de légitimer à droite une certaine méfiance à l’égard de la politique. « Si l’infrastructure économique commande la superstructure politique, alors il en découle que la politique est une illusion. La politique n’a pas de réalité propre. »

Un autre exemple : dans ses cours au Collège de France, en 1979, Michel Foucault insistait sur le fait que le néolibéralisme n’appréhendait pas les individus comme des consommateurs, mais comme des producteurs et qu’il visait à « substituer à un homo œconomicus partenaire de l’échange, un homo œconomicus entrepreneur de lui-même ». Les idées de Foucault ont inspiré bien des théoriciens du néolibéralisme. Emmanuel Gaillard, lui, s’inspire des concepts de l’œuvre de Pierre Bourdieu ! « L’arbitrage, déclare-t-il, est devenu un véritable champ social au sens de Bourdieu ; il se caractérise par une lutte entre acteurs possédant des “capitaux” économiques, culturels et sociaux différents. »

Cet exemple de braconnage idéologique est l’un des traits d’une pensée hégémonique. Capter et mettre à profit les idées de l’autre camp permet de parvenir à un degré de compréhension et de conscience de soi supérieur, en intégrant et en « dépassant » la critique. Cela permet aussi de désamorcer ce que ces idées ont de subversif en les intégrant au bloc d’idées hégémonique.

 

  • Comment le néolibéralisme a défait la démocratie

Reste la question centrale : en quoi la régression démocratique participe-t-elle du triomphe du néolibéralisme ? C’est là que l’horizon temporel choisi par Mathieu Potte-Bonneville pour son histoire lexicale de la répression prend tout son sens : 1986-2016. Il recouvre grosso modo le cycle des trois décennies de la révolution néolibérale. L’épisode grec de l’été 2015 a mis en évidence la férocité de la lutte que mènent les néolibéraux lorsqu’il s’agit de disqualifier, d’affaiblir et finalement d’abattre tout ce qui s’oppose à la gouvernance néolibérale. Comment articuler le processus de régression démocratique et le cycle historique au cours duquel le néolibéralisme s’est imposé ? La démocratie serait-elle soluble dans le néolibéralisme ?

Le néolibéralisme n’a rien d’une politique du « laisser faire », comme le libéralisme avec lequel on le confond. C’est une politique volontariste, qui se propose de construire les conditions sociales et individuelles d’une forme de gouvernance nouvelle qui reconfigure tous les aspects de l’existence en termes économiques et financiers.

Dans un livre événement encore inédit en France, Wendy Brown décrit comment le néolibéralisme ne se contente pas de limiter les contre-pouvoirs dans l’exercice de la démocratie. Il désactive et rend caduc le projet politique même de la démocratie libérale comme forme sociale et historique autonome.

Wendy Brown faisait déjà ce constat en 2007 dans un précédent essai (Les Habits neufs de la politique mondiale, éditions Les Prairies ordinaires, 2007). « Dans les pays où domine la rationalité politique néolibérale », écrivait-elle, la tendance veut que la « classe dirigeante ne soit plus constituée d’hommes de loi mais d’hommes d’affaires, que les juges soient critiqués et les légalismes soient dénoncés comme des verrous, et que le gouvernement fasse un usage stratégique de la loi comme – pourquoi pas ? – de la transgression de la loi. »

 

Wendy Brown. Wendy Brown.
 

Son nouveau livre, Undoing the Demos, va plus loin. Selon Wendy Brown, le néolibéralisme a pour effet structurel de débrancher toutes les formes de la délibération démocratique en les faisant basculer dans un registre purement économique. « La démocratie se réduit à un murmure dans les nations euro-atlantiques, affirme Wendy Brown. Alan Greenspan peut déclarer que les élections ont perdu de leur importance parce que, grâce à la mondialisation, le monde est régi par les forces du marché. Ainsi le sens de la démocratie se réduit-il à ce qu’il reste de la liberté personnelle. » Brown décrit en détail comment le néolibéralisme reformule, conformément à sa propre rationalité, tous les ingrédients de la démocratie : la jurisprudence, la gouvernance, la culture politique, les pratiques de citoyenneté, les formes du leadership, le vocabulaire et l’imaginaire démocratiques…

 

Son argument diffère des critiques habituelles du néolibéralisme, selon lesquelles l’argent et le marché corrompent ou dégradent la démocratie, ou qui décrivent comment les institutions démocratiques sont dominées par la finance. L’analyse de Wendy Brown, et c’est ce qui fait sa force et son originalité, se concentre sur la manière dont la raison néolibérale est en train de subvertir le caractère propre de la raison politique en la reformulant en termes économiques. Les institutions démocratiques ne peuvent survivre à cette transmutation. La modernisation néolibérale ne pourrait donc s’imposer qu’au prix d’une régression démocratique. Nul besoin de dictateurs comme Pinochet au Chili pour cela ! Le néolibéralisme y suffit quand il n’a pas recours à sa forme néoconservatrice pour précipiter le mouvement.

Le livre fournit une série d’études de cas qui illustrent cette déconstruction du Dèmos. Citons-en deux. L’exemple de l’Irak : Wendy Brown montre comment l'Autorité provisoire de la coalition, dirigée par Paul Bremer, a cherché à transformer l'Irak en un paradis néolibéral. Par un simple décret, Bremer a brisé l’autosuffisance céréalière des Irakiens en imposant des restrictions à la réutilisation des semences, ouvrant ainsi la voie aux importations de Monsanto et à ses semences génétiquement modifiées.

 

Penser l’échec de François Hollande

L'arrêt Citizens United, rendu le 21 janvier 2010 par la Cour suprême des États-Unis. C'est un autre exemple de cette pénétration de la logique néolibérale dans le fonctionnement démocratique. Afin de supprimer les limitations fixées par la loi en matière de financement des campagnes électorales américaines, cette décision assimile les dons des entreprises à l’exercice du droit d’expression défini dans le premier amendement de la Constitution. Brown fait valoir qu’une telle extension du droit d’expression au financement des campagnes par les entreprises a pour effet de mettre sur un même plan le lobbying des entreprises et l’expression de la souveraineté populaire. De fait, la libre expression se trouve assimilée à une forme d’activité économique et les flux discursifs sont identifiés à des flux financiers. Les uns et les autres peuvent être alors considérés comme également légitimes, jouissant des mêmes droits. Ce qui constitue une refonte complète du concept même de Dèmos.

  • « Ce TINA que donc je suis »…

« Undoing the Demos est un livre pour l'âge de la résistance, affirme Costas Douzinas, directeur du Birkbeck institute for the Humanities, pour les occupants des places, pour la génération d'Occupy Wall Street. La philosophe offre une critique dévastatrice de la façon dont le néolibéralisme a évidé la démocratie. Mais la victoire de l'homo œconomicus sur l’homo politicus n’est pas irréversible. Après avoir lu Brown, seule la mauvaise foi peut justifier la tolérance à l’égard du néolibéralisme. »

Ainsi le prétendu déblocage des sociétés opéré par les néolibéraux partout dans le monde s’effectue-t-il sous les modalités concrètes d’un verrouillage brutal des droits fondamentaux. Le livre de Brown permet de comprendre, au-delà des conjonctures et des tactiques locales, comment le néolibéralisme reconditionne les lois et les formes de la démocratie. Il fournit une base solide à la réinvention de formes démocratiques nouvelles. Il permet aussi de penser l’échec démocratique du quinquennat de François Hollande autrement qu’en termes moralistes ou mélancoliques et de comprendre comment un président « normal » est devenu un président d’« exception », responsable d’un rétrécissement historique des droits et des libertés.

 

François Hollande, 9 juin 2016. © Reuters François Hollande, 9 juin 2016. © Reuters

 

L’oligarchie néolibérale qui gouverne le pays serait bien ingrate de ne pas lui en savoir gré, car ce président, plus qu’aucun autre, a réussi l’impossible : discipliner la société, soumettre tout le champ social au calcul économique, faire accepter l’idée que la souveraineté populaire doit être soumise non plus seulement à une autorité politique incarnée, mais à une logique absolutiste désincarnée à laquelle le souverain est lui-même soumis. Ce n’est donc pas seulement de « trahison » qu’il faudrait accuser François Hollande (la trahison de ses promesses, de ses alliances, de son électorat…) mais aussi d’allégeance et de loyauté à l’égard de Bruxelles, du Medef, de l’Otan et surtout de soumission à la raison néolibérale, ce TINA (There is no alternative) qui les inspire et les gouverne.

C’est la leçon du quinquennat sans doute la plus révoltante. Nous sommes dominés non pas par des tyrans, mais par des fondés de pouvoir, une classe « dirigée » et non pas dirigeante, soumise à une autre rationalité que celle qui inspire la démocratie depuis les Lumières. TINA est son cogito et François Hollande, son interprète. En jouant sur les verbes « être » et « suivre », à la manière de Jacques Derrida, son slogan de campagne pourrait être : « Ce TINA que donc je suis »…

 

 

 

Source : https://www.mediapart.fr

 

 

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11 juin 2016 6 11 /06 /juin /2016 14:45

 

Source : http://leplus.nouvelobs.com

 

 

Mon collègue de LIDL s'est suicidé: il faisait le travail de 3 personnes. Trop de pression
 
 

LE PLUS. Vendredi 29 mai, Yannick, 33 ans, employé du groupe de distribution LIDL, s’est suicidé dans les locaux d’un entrepôt à Rousset (Bouches-du-Rhône). Pour ses collègues, son geste serait lié à une surcharge de travail et une pression grandissante de sa hiérarchie. Marc C. travaillait avec Yannick. Pour lui, il est primordial que l’entreprise reconnaisse sa part de responsabilité.

 

Édité et parrainé par Louise Auvitu

 

 

Yannick, 33 ans, s'est suicidé dans les entrepôts de LIDL à Rousset. (P. STOLLARZ/AFP)

 

Le soir du vendredi 29 mai, la femme de Yannick a contacté l’entrepôt car elle était sans nouvelle de son mari. Ce dernier devait aller récupérer son enfant à la sortie de l’école. Il ne s’y était pas rendu. À l’entrepôt, on lui a répondu que Yannick avait quitté son travail et qu’il ne se trouvait plus sur le site.

 

Au bout de quelques heures, sa femme, inquiète, a décidé de venir directement sur place. Vers une heure du matin, la pièce des compresseurs, qui était bloquée de l’intérieur, a été ouverte. Le corps de Yannick a été retrouvé. Il s’était pendu à l’aide d’une chaîne.

 

En solidarité, l’ensemble des travailleurs du site sont en arrêt de travail depuis lundi.

 

Je m’en veux de ne pas avoir pu déceler son mal-être

 

Ce drame a occasionné une immense souffrance. Yannick était notre collègue, tout le monde le connaissait, tout le monde l’appréciait. Pendant 10 ans, j’ai travaillé à ses côtés. C’était quelqu’un de très gentil, toujours disponible et à l’écoute des autres.

 

Il était déjà venu vers moi pour me dire qu’il n’allait pas bien. Il se sentait surchargé de travail et souffrait d’un manque de respect de la part de la direction. Il m’avait dit qu’il voulait quitter l’entreprise, mais ne savait pas vraiment comment s’y prendre. Je lui avais conseillé de tenter une rupture conventionnelle avec la direction. Je ne sais pas s’il avait fait la démarche.

 

Comme d’autres collègues, je m’en veux de ne pas avoir pu déceler son mal-être, de ne pas avoir réussi à désamorcer ses intentions. Il y avait bien quelques signes, mais comme la plupart d’entre nous.

 

Yannick emmagasinait le travail de 3 personnes

 

Le groupe LIDL a été restructuré il y a quelques années et notre site en a été directement impacté. L’entrepôt de Rousset est une vieille structure qui nécessiterait d’être repensée et rénovée. Nous sommes clairement en fin de vie.

 

En changeant de direction, LIDL est passé du "discount" à la supérette classique, mais le problème c’est qu’au lieu d’injecter de l’argent pour améliorer nos conditions de travail, ils ne nous ont pas pris en considération.

 

Yannick, comme nous autres, était surchargé de travail. Il était toujours en train de courir dans tous les sens. À lui seul, il emmagasinait le travail de deux ou trois employés. Et pour cause, notre entrepôt tourne en sous-effectif constant. La direction préfère cumuler les emplois précaires, les profils polyvalents, ce qui ne favorise pas un fonctionnement stable.

 

Par exemple, au pôle palettes, il est toujours très difficile de faire évacuer cartons et plastique dans le temps imparti. C’est impossible à gérer et cela entache considérablement notre productivité.

 

Au travail, personne ne se sent serein et en sécurité. On craint toujours un accident.
 

"Votre travail serait mieux fait par des enfants"

 

Le souci, c’est que nous n’avons personne à qui parler. Dès qu’il s’agit d’aborder les problèmes de fonctionnement de l’entreprise, la direction fait tomber un rideau de fer. Pire encore, elle nous manque de respect.

 

En façade, on nous dit que tout se passe bien, qu’il n’y a aucun problème et que nous faisons du bon boulot.

 

Mais en entretien individuel, il est fréquent qu’on lance à des jeunes de 25/35 ans que le travail qu’ils font serait mieux réalisé par des enfants de trois ans. Si vous avez le malheur de poser un arrêt maladie, on vous explique qu’il n’y a pas de problème… car de toute façon, on aura trouvé quelqu’un pour vous remplacer quand vous reviendrez.

 

Voici le genre de pression quotidienne que nous subissons.

 

Nous ne sommes pas de la matière première

 

Les plages horaires sont très variées car l’entrepôt est ouvert quasiment 24 heures sur 24, trois équipes tournent matin, midi et soir. On commence à 5 heures du matin, pour parfois finir à 19 heures… sans compter ceux qui travaillent la nuit.

 

Ce qui nous dérange, ce n’est  nos conditions de travail, mais aussi le manque de considération à notre égard. Ce qui est arrivé à Yannick ne doit jamais se reproduire. Et pour cela, il faut que Lidl se remette en question, qu’il réfléchisse sérieusement à la part de responsabilité qu’ils ont dans ce terrible drame.

 

J’espère qu’un jour on nous écoutera, que l’entreprise appliquera cette transparence nécessaire au bon fonctionnement d’une société. Plus question d’être traité comme de la simple matière première.

 

 

Propos recueillis par Louise Auvitu

 

 

 

Source : http://leplus.nouvelobs.com

 

 

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