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27 janvier 2012 5 27 /01 /janvier /2012 13:43


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La dernière de Roselyne... Bachelot, (Faire suivre sans modération)...  


il faut que je vous raconte la dernière de Roselyne, et je compte sur vous pour faire passer !


Aujourd'hui, j'avais formation obligatoire sur les prélèvements (sanguins et autres). Le directeur du principal labo avec lequel notre hôpital travaille nous apprend (tenez-vous bien !) que nous, les infirmières, n'avons plus le droit de faire les prises de sang.


D'après la dernière ordonnance de notre chère ministre de la santé (donc, pas de passage devant députés et sénateurs !), les laboratoires, pour subsister, devront passer une certification assez contraignante et compliquée, et pour ce faire, doivent, entre-autres, se porter garants du préleveur (c'est à dire, nous, en l'occurrence !).


Conséquence immédiate : les infirmières ne seront autorisées à prélever que si elles ont été formées et agréées par le labo dans lequel le prélèvement est analysé ! Exit, donc, les infirmières intérimaires ou remplaçantes...


Seconde conséquence, et non des moindres : les prélèvements à domicile seront désormais interdits ! Les patients devront donc se rendre au laboratoire par leurs propres moyens, quel que soit leur état ou bien se faire hospitaliser !


Troisième conséquence : les laboratoires étant tenus de s'équiper de machines hyper-performantes, avec le moins de personnel possible, (ah oui, parce que j'ai oublié de vous préciser que l'État a décidé de diminuer fortement le remboursement des examens sanguins aux laboratoires !) pour pouvoir continuer à fonctionner, ils vont devoir se regrouper (but final avoué : 1 à 2 labos seulement par département !!!).


Bref, les hôpitaux de taille moyenne qui possèdent leur propre labo vont le fermer (c'est déjà fait à Paoli-Calmette, par exemple, Cavaillon et Orange vont suivre) et il faudra donc se déplacer vers un grand plateau technique pour faire les examens qui ne sont pas hyper courants   

  
Comme ces grands plateaux techniques seront les seuls à accueillir une grande partie des examens à réaliser, nous n'aurons les résultats qu'au bout de plusieurs jours (et mieux vaut ne pas en avoir besoin un vendredi après-midi !)


Enfin, cerise sur le gâteau : en toute discrétion, 
  il a été décidé que desormais le directeur d'un labo n'a plus besoin d'être biologiste !


La Générale de Santé, ainsi que d'autres grands groupes financiers sont donc en train de racheter tous les labos de France et de Navarre et il devient donc impossible à un médecin biologiste de posséder son propre labo...

Voilà, je ne peux vous conseiller qu'une seule chose : surtout, ne tombez pas malade ! Et si toutefois cela vous arrivait malgré tout, déménagez aussitôt vers une grande ville, seul moyen d'ici très peu de temps de pouvoir être soigné dans des conditions acceptables !

P.S. : Je viens d'entendre aux infos que le gouvernement envisage sérieusement de réduire les cotations des examens radiologiques :
ça ne vous rappelle pas quelque chose ???

Emma a fait suivre l'info à une copine biologiste, voici sa réponse :

Etant biologiste directrice d'un petit labo (3 personnes) de proximité, je confirme cette info. L'ordonnance est passée en janvier 2010 et nous avons jusqu'en 2013 pour nous mettre aux nouvelles normes. Ce qui est totalement impossible pour les petits et moyens labos vu le coût car bien évidemment tout cela n'est pas gratuit.
Donc pour ma part, étant trop petite, je suis condamnée à disparaitre !!!
A 54 ans c'est un peu dur à avaler!!!

Quant aux regroupements de labos c'est un pis aller, pour faire face aux structures financières qui attendent ( comme pour les cliniques) de racheter et rentabiliser au maximum aux dépens de la relation avec les patients. Des labos traitant plus de 1000 dossiers jours ne peuvent être à l'écoute de la personne. Et effectivement à terme il n'y aura plus que 1 ou 2 labos par département y compris pour les labos des petits hôpitaux.

Ceci est le système américain, allemand et autres pays européens.
Voilà donc l'avenir de la santé vendue aux grands groupes financiers.
La ministre Mme Bachelot a validé l'ordonnance Ballereau du 15.01.2010.


Les conséquences sont catastrophiques...


Au plus tôt en 2013 et au plus tard en 2016, les laboratoires d'analyses médicales de proximité, VOTRE laboratoire et tous les autres auront probablement DISPARU au profit "d'usines à analyses" (une par département pour les départements qui le "méritent" ; pour les départements les plus ruraux il faudra faire un peu plus de route...).


Pourquoi ? Et bien en vertu d'une ordonnance parue en 2010 (Voir JO du 15.01.2010, page 819) qui livre le "marché" de l'analyse médicale aux FINANCIERS du CAC 40...


Parmi ces groupes financiers qui ont déjà largement entamé les rachats massifs de labo, figurent des assurances de santé privées, peut-être la votre, qui auront ainsi accès à vos données médicales et pourront "personnaliser" vos factures...
Il y a une solution pour s'opposer à ce scandale :

FAIRE CIRCULER massivement et SIGNER cette pétition :


http://www.touchepasamonlabo.com/php/index.php


 

65 000 signatures à ce jour; c'est peu dans l'absolu mais au vu de la discrétion de cette ordonnance, c'est beaucoup !
C'est parce que très peu de gens sont au courant que cette réforme peut passer.
Il faut donc la RÉVÉLER au grand jour :


DIFFUSEZ CE MESSAGE, DIFFUSEZ LE LIEN DE LA PETITION           

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26 janvier 2012 4 26 /01 /janvier /2012 15:31
| Par Mathieu Magnaudeix
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Quand elle est revenue de son congé maternité, Stéphanie Couzic (photo) a vécu un enfer. Son employeur, la succursale à Meaux (Seine-et-Marne) d'un célèbre opticien, lui a fait subir « toutes les humiliations possibles ». Remarques quotidiennes, horaires de travail avec des pauses à rallonge le midi, et enfin une « proposition » visant à baisser son salaire de 400 euros. « Si j'avais accepté, je me serais retrouvée à 1.100 euros net après dix ans d'ancienneté !», dit cette mère de trois enfants, âgée de 35 ans. Deux de ses collègues, elles aussi jeunes mamans, subissent les mêmes pressions. Elles démissionnent. Stéphanie, elle, tient bon.

Son employeur lui propose finalement une rupture conventionnelle. Elle accepte de guerre lasse et part début 2011 avec l'indemnité légale : 1/5e de mois de salaire par année d'ancienneté. Elle a dû attaquer son employeur aux prud'hommes pour récupérer 1.600 euros de congés payés. « La rupture conventionnelle, c'est un moindre mal, car ça m'a permis de passer à autre chose. Mais dans mon cas, ça a été une arnaque : je n'avais pas le choix. » Depuis un an, Stéphanie est au chômage.

 

Stéphanie Couzic, chez elle en Seine-et-Marne. Décembre 2011.  
Stéphanie Couzic, chez elle en Seine-et-Marne. Décembre 2011. © Mediapart

L'histoire de Stéphanie n'est pas une exception. Instaurée en 2008 par la volonté des partenaires sociaux (patronat et syndicats représentatifs, hormis la CGT), la rupture conventionnelle connaît depuis un succès fou. Environ 800.000 de ces “ruptures à l'amiable” ont été homologuées par les directions départementales du travail. Auparavant, les conflits personnels se réglaient bien souvent par des démissions, par des licenciements économiques (dont le motif devait pouvoir être prouvé par l'employeur devant les tribunaux) ou bien par de faux licenciements pour faute.

« L'idée était avant tout de sécuriser les salariés », plaide Laurent Berger, secrétaire national de la CFDT, chargé de l'emploi. « C'est l'alternative à la démission et aux licenciements pour motif personnel, souvent traumatisants, ajoute Philippe Louis, président de la CFTC, également signataire en 2008 de l'accord interprofessionnel qui l'a instaurée. Elle peut apporter an salarié une porte de sortie quand il veut quitter son emploi, lorsqu'il est mal. »

Par rapport à la démission, cette rupture offre des avantages : elle ouvre droit au chômage et s'accompagne d'une indemnité légale équivalente à celle d'un licenciement. Elle permet surtout de tourner la page. « Il y a beaucoup de haine contre ce dispositif, mais il correspondait à une nécessité, plaide le directeur général du travail, Jean-Denis Combrexelle. En la matière, il ne faut évidemment pas être bisounours. Mais il ne faut pas être manichéen non plus. Les DRH vous disent qu'il y a aussi nombre de cas où c'est le salarié qui impose la rupture conventionnelle à son employeur. Par ailleurs, le but d'un DRH n'est pas de contourner le droit du travail. »

Pourtant, en marge de ces « bons usages », le dispositif semble ouvrir la voie à une multitude d'abus et de dérives, sans compter toutes ses situations où les salariés n'avaient pas vraiment le choix, comme le révèlent une série de témoignages recueillis ces dernières semaines par Mediapart (voir plus bas). « Il y a évidemment des cas ou telle ou telle entreprise a abusé », admet du reste Jean-Denis Combrexelle, qui affirme toutefois ne pas être en mesure d'évaluer l'ampleur des abus.

A ce jour, il n'existe aucune étude rendue publique permettant de savoir dans quelle mesure la rupture conventionnelle a été détournée de son but, et dans quelle mesure elle a aidé les entreprises à réduire leurs effectifs pendant la crise. La CFDT a diligenté une enquête, dont les résultats restent confidentiels. La Dares, le service statistique du ministère du travail, est en train de lancer sa propre enquête, basée sur un très large échantillon. Mais les résultats ne seront pas connus avant la mi-2012.

Dès octobre 2010, au plus fort de la crise, une note du Conseil d'analyse stratégique, un organisme dépendant du premier ministre, signalait pourtant la progression « spectaculaire » des ruptures conventionnelles, alors que dans le même temps les démissions et les licenciements pour motifs personnels reculaient. Il pointait déjà des « risques de dérive » et la nécessité d'améliorer « l'effectivité du contrôle ».

Selon Pierre Ferracci, président du groupe Alpha spécialisé dans le reclassement et le conseil aux comités d'entreprise, la situation s'est encore détériorée depuis. « La rupture conventionnelle est en train de se substituer aux plans de sauvegarde de l'emploi [PSE, les plans sociaux] qui offrent des garanties supplémentaires en termes de reclassement et de revitalisation des territoires, s'alarme-t-il. Et elle risque de se substituer bientôt aux licenciements économiques, où l'accompagnement des salariés est aussi plus important. Le gros problème, c'est qu'il est impossible, faute d'informations, de dire combien de ruptures conventionnelles ont un motif économique, car on ne se donne pas les moyens de contrôler les abus. On est dans le flou le plus complet. »

Directeur général d'Alixio, le cabinet de conseil aux entreprises créé par l'ancien conseiller social de l'Elysée, Raymond Soubie, Xavier Lacoste a vu ces derniers mois les ruptures conventionnelles se multiplier dans la finance et la banque d'affaires. « Tous les outils à disposition des entreprises sont utilisés en ce moment pour réduire la voilure », explique-t-il. La rupture conventionnelle vient dès lors s'ajouter à la palette disponible, des licenciements économiques aux plans sociaux en passant par les plans de départ volontaires, ces charrettes de plusieurs centaines, voire milliers de salariés décidées par nombre d'entreprises qui anticipent une année 2012 exécrable.

Avec une économie proche de la récession, le boom des ruptures conventionnelles va-t-il encore se confirmer au cours des prochains mois ? Nul ne le sait. « De janvier à novembre 2011, nous avons homologué sur la région 13.600 ruptures conventionnelles, relève Marie-Claude Quilès, responsable du service études, statistiques, évaluation de la Direction régionale des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l'emploi (Direccte) d'Aquitaine. C'est 17,5 % de plus qu'en 2010. On pensait être arrivé à un palier, mais la progression a continué en 2011. »

Le rythme de la montée en charge du dispositif depuis 2008, dans un contexte de crise, est impressionnant. Au total, 740.000 ruptures conventionnelles avaient été homologuées en novembre 2011. Chaque mois, la direction du travail avalise 25.000 ruptures. La part des ruptures conventionnelles dans les sorties de l'emploi est passée de 7 % en 2009 à 13 % en 2011, selon le ministère du travail.

D'après l'assurance-chômage, les ruptures conventionnelles représentaient en juin 2011 une fin de CDI sur 4 ! Les petites entreprises, où le dialogue social est souvent inexistant, en raffolent: les trois quarts des ruptures à l'amiable sont signées dans des établissements de moins de 50 salariés… alors qu'ils n'emploient que la moitié des salariés du privé.

Couteau suisse
Chaque année, toujours plus de ruptures conventionnelles© Dares

Dès le lancement du dispositif, les plus de 55 ans en ont été très “clients”. Selon le ministère du travail, les seniors ne se voient pas proposer davantage de ruptures conventionnelles que de licenciements pour motif personnel. Il n'en reste pas moins que la rupture conventionnelle est devenue un moyen parmi d'autres de faire partir les quinquas, alors que le gouvernement affiche sa volonté de promouvoir leur emploi – notamment via des accords seniors dans les grosses entreprises.  

« La rupture conventionnelle sert aussi à renouer avec les préretraites », confirme Evelyne Serverin, directrice de recherche au CNRS, qui travaille sur le sujet depuis trois ans et participe à l'enquête commandée par la CFDT.

Jean, représentant Unsa du personnel dans une caisse régionale d'une grande banque, voit depuis 2009 les ruptures conventionnelles s'accumuler. « On est désormais à un rythme de croisière de trois ou quatre par mois, raconte-t-il. Régulièrement, des collègues qui atteignent les 57-58 ans me demandent des renseignements. Beaucoup sont partis dans ce cadre-là : la direction les y encourage. C’est une façon de réduire de façon discrète les effectifs, de se débarrasser des plus anciens. Eux y trouvent un avantage puisqu'ils vont ensuite toucher le chômage jusqu'à leur retraite, et ne sont pas mécontents de partir, vu le niveau de stress auxquels ils sont confrontés. » Un deal entre employeurs et salariés qui se fait en l'occurrence aux dépens financiers de l'assurance-chômage.

Christian, 58 ans, employé dans une multinationale de services informatiques, s'est lui aussi vu proposer une rupture à l'amiable l'an dernier : « Pour eux j'étais trop vieux, trop payé, pas assez malléable. » « Cela m'a été présenté comme un choix. Le package octroyé par l'entreprise complétait les sommes versées pendant trois ans par les caisses de chômage. Devant mon étonnement à considérer les indemnités de chômage comme un revenu complétant celui accordé par l'entreprise, il m'a été répondu que tout le monde faisait de même et que c'était normal, écrit-il à Mediapart. J'ai décidé de partir, un peu comme on quitte un navire avec lequel on va couler, même si je n'avais aucune envie de m'arrêter de travailler. »

En théorie, la rupture à l'amiable était “bordée” par une série de garde-fous : la possibilité pour le salarié de se faire accompagner lors de l'entretien préalable ; un droit de rétractation pendant 15 jours après la signature; l'homologation par la direction du travail.

Mais les partenaires sociaux se sont aussi mis d'accord pour ne pas faire apparaître dans les formulaires transmis à l'administration le motif de la fin du contrat de travail. « Il y a une volonté de n'imputer juridiquement la rupture à aucune des deux parties, analyse Evelyne Serverin. En conséquence, les formulaires de demandes d'homologation sont insuffisants et les conditions de validité de la rupture sont en réalité très légères, malgré le formalisme apparent. Le motif de la rupture n'est pas stipulé. Les formulaires ne mentionnent pas non plus les dates, l'âge du salarié (seulement son ancienneté), les droits individuels à la formation, les congés payés dus… »

Les contrôles de l'administration se limitent donc bien souvent à quelques vérifications techniques (le délai légal est-il respecté ? Les dates sont-elles bonnes ? L'indemnité calculée est-elle juste ? etc.).  

« Le dispositif n'est absolument pas contrôlé, déplore Jean-Yves Kerbourc'h, chercheur et coauteur de la note du Conseil d'analyse stratégique de 2010. Les partenaires sociaux pensaient que la rupture à l'amiable allait améliorer le turnover sur le marché de l'emploi qui est très figé en France, notamment en augmentant les chances de ceux pour qui il est exclu d'y accéder. Ils pensaient que le recours à la rupture conventionnelle resterait marginal. Mais la machine s'est emballée et le dispositif a été contourné. On se retrouve dans cette situation étrange : un bon dispositif dans certains cas, mais sans garde-fous, qui est en train de se substituer à d'autres formes de rupture du contrat de travail. »

« La rupture conventionnelle, c'est comme un couteau suisse : il permet tout, il sert à tout, explique la juriste Evelyne Serverin. Rien n'est vraiment interdit, même pas de signer des ruptures conventionnelles en parallèle à un plan de sauvegarde de l'emploi. Et c'est parce qu'il autorise tout qu'il présente un problème, car cela change la façon de concevoir la rupture du contrat de travail. »

La chercheuse énumère les cas rencontrés au cours de ses enquêtes : « De vraies démissions pour convenance personnelle ; des insuffisances professionnelles ; des licenciements qui n'auraient pas eu de motif réel et sérieux le salarié coûte trop cher, on ne pourrait pas le licencier. Des prises d'acte – le salarié aurait de toute façon quitté son entreprise. Des motifs économiques. Des préretraités amiante… »

Bref, un joyeux bazar. « La rupture conventionnelle est venue s'insérer dans le paysage et elle s'est mise à concurrencer les autres modes de rupture. Ce n'est pas vraiment une substitution, c'est plus subtil encore : en fait, c'est comme un jeu d'échecs sur lequel, en déplaçant une pièce, on aurait changé toute la valeur du jeu. Avec ce dispositif, on a créé de l'anomie [absence de règles] dans le droit du travail. On incite les salariés à accepter la situation qui leur est faite. Si on leur pose la question, 99 % des personnes interrogées trouvent que c'est un bon dispositif... mais pas forcément pour elles ! »

Faux CDD
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S'ils restent sans doute minoritaires (mais comment en avoir la certitude, faute de chiffres ?), il existe bel et bien des cas avérés de fraude, consistant à utiliser la rupture conventionnelle à la place de licenciements économiques ou de plans de sauvegarde de l'emploi. Des dispositifs qui offrent plus de protections au salarié – et notamment la possibilité de se retourner contre l'employeur, très limitée dans le cas de la rupture conventionnelle.

Le géant de l'informatique IBM a ainsi vu dès 2009 une série de ruptures à l'amiable retoquées, parce qu'elles avaient en fait un motif économique. Plusieurs dizaines de ruptures signées par le géant du transport Norbert Dentressangle ont également été contestées par la chambre sociale de la Cour de cassation dans un arrêt du 9 mars 2011 : les salariés auraient en l'occurrence dû bénéficier d'un plan de sauvegarde de l'emploi.

La rupture conventionnelle peut aussi compléter un plan de départ – en l'occurrence, avec l'aval de l'administration. Délégué syndical CGT chez Faurecia à Mouzon (Ardennes), un sous-traitant de PSA, Philippe Guillaume a vu une centaine de ses collègues partir en quatorze mois. La plupart dans le cadre d'un plan de départs volontaires, mais aussi une vingtaine dans le cadre d'une rupture conventionnelle. « Pas mal avaient entre 55 et 57 ans, mais il y avait aussi des jeunes. La direction a pu proposer de 40.000 à 80.000 euros en fonction de l'ancienneté. C'est vrai que ça a évité un plan social. Nous les syndicats, nous n'étions pas d'accord, mais beaucoup avaient envie de partir de toute façon, donc dans ce cas c'est l'appât du gain qui prime. Les postes supprimés ont été remplacés par des intérimaires. »  

« Tous les inspecteurs du travail ont rencontré des entreprises qui contournaient l'obligation de plan social en faisant des ruptures conventionnelles éparpillées », affirme Pierre Mériaux, membre du bureau syndical du SNU-TEF, un syndicat d'inspecteurs du travail, par ailleurs conseiller régional Europe Ecologie-Les Verts en Rhône-Alpes.

Mais en pratique, les entreprises sont rarement inquiétées. Seules 3 % des ruptures conventionnelles sont refusées, et 6 % des ruptures ne passent pas le cap de l'homologation – essentiellement parce que les indemnités ont été mal calculées. Dans chaque région, deux ou trois agents administratifs (qui ne sont pas à temps plein) sont chargés d'homologuer des masses de formulaires. Auraient-ils d'ailleurs plus de temps que les vérifications resteraient sommaires, vu le peu d'informations à leur disposition.  

« Croyez bien que si on laissait faire les collègues, ils iraient chercher plus loin ! », explique un cadre de la direction du travail en Ile-de-France. En 2010, le directeur général du travail a bien transmis à ses services une circulaire rappelant que « la rupture conventionnelle ne peut être utilisée comme un moyen de contourner les règles du licenciement économique collectif ». La circulaire mentionne les cas qui doivent éveiller l'attention : plus de dix demandes sur un mois émanant de la même entreprise, une demande faisant suite à une dizaine de cas dans le trimestre précédent…

Les services ont peu de marges de manœuvre pour détecter les abus, raconte Julien Boeldieu, inspecteur du travail et délégué CGT au ministère du travail à Paris. « Les inspecteurs du travail mènent systématiquement une enquête quand les ruptures concernent des salariés protégés, raconte-t-il. Mais c'est une masse infime de cas. Pour les autres, la grande majorité, les services se contentent plus ou moins d'enregistrer et n'ont pas de pouvoir d'enquête. En théorie, ils devraient saisir les inspecteurs du travail s'ils repèrent quelque chose de bizarre. Après, tout dépend des liens entre les services, qui ne sont pas toujours très étroits. »

Le directeur général du travail affirme travailler à une « amélioration de la procédure, afin d'automatiser par informatique certaines opérations et économiser du temps pour le contrôle ».

Récemment, un inspecteur du travail nous a raconté avoir eu à débusquer un hôtelier malveillant à Paris. Cet employeur faisait signer des CDI à ses employés, puis les rompait en utilisant les ruptures conventionnelles (façon low-cost de faire des CDD en ne versant pas la prime de précarité, mais seulement une indemnité légale de quelques dizaines d'euros). Des cas similaires de ruptures conventionnelles utilisées comme des CDD (et dans ce cas, antidatées) ont été recensés chez un sous-traitant d'EDF, affirme-t-on au pôle juridique de la CGT, qui va bientôt saisir les prud'hommes.

Rien n'empêche en théorie les ruptures conventionnelles au fil de l'eau, surtout dans les petites entreprises. Là encore, les sanctions sont rares. « Il n'y a pas forcément de fraude, dans la mesure où les deux parties sont bien d'accord et si le salarié donne son consentement éclairé. Bien souvent, on est plutôt dans un dispositif similaire à l'optimisation fiscale, compare Evelyne Serverin, la chercheuse du CNRS. Sauf qu'à la fin, quand l'optimisation fiscale est trop utilisée, ça devient de la fraude… »

Chiffonniers

Mais le plus marquant dans les témoignages recueillis ces dernières semaines par Mediapart, ce sont ces nombreux cas où les salariés disent avoir subi des pressions pour accepter une rupture conventionnelle. « Ce dispositif, reprend Evelyne Serverin, c'est un peu comme dans Les Voyages en train, ce slam où Grand Corps Malade dit à propos de sa rupture sentimentale : « On a décidé de rompre d'un commun accord, mais elle était plus d'accord que moi ». On postule que malgré la relation de subordination entre l'employeur et le salarié, l'employeur et le salarié sont à même niveau dans la même volonté de rompre. On cherche à faire adhérer les salariés aux ruptures. C'est là le caractère le plus vicieux de la rupture conventionnelle : on convainc le salarié qu'il l'a voulu lui aussi. »

Parfois, la souffrance au travail est telle que « c'est bien souvent une solution », souligne un responsable d'une direction régionale de l'emploi. Surtout lorsque le salarié se retrouve dans cet « état marécageux, où se mélangent problèmes économiques et pressions de la part de l'employeur, relève Jean-Yves Kerbourc'h. Les salariés savent bien qu'un jour ou l'autre, ils vont partir, de gré ou de force. Alors quand on leur propose de partir à l'amiable, même si c'est frauduleux, ils acceptent ».

Julie, jeune conseillère commerciale dans une banque, a ainsi été forcée d'accepter une rupture conventionnelle en 2011. « Alors qu'elle avait fait de moi sa secrétaire personnelle, ce qui nuisait à mes résultats, ma nouvelle responsable n'a pas hésité à dire que j'étais démotivée et que je produisais trop peu. Courant 2011, la DRH m'a convoquée pour me dire qu'elle comptait se débarrasser de moi. Mon étiquette syndicale lui enlevait tout pouvoir. A l'issue du premier rendez-vous, la proposition de rupture conventionnelle m'a été faite. Je ne comptais pas démissionner. Mais la DRH n'a pas pris de pincettes pour me faire comprendre qu'en cas de refus de ma part, je subirais un harcèlement terrible : coup de fil deux fois par jour pour connaître mes ventes, mutations à 300 kilomètres de mon domicile. Nous avons fini par tomber d'accord. » Une collègue de retour de congé maternité s'est elle aussi vu proposer une rupture conventionnelle.

Chef de projet dans l'audiovisuel dans une PME de Seine-Saint-Denis, Philippe, 41 ans, a été convoqué un matin d'octobre 2011 dans le bureau de son patron. « Je veux me séparer de toi. Ou bien on se fâche, ou bien on tombe d'accord », lui dit-il. Un peu avant, il lui avait lancé : « Les chevaux sont fatigués, il va falloir les changer. » Philippe propose un licenciement économique. Refus. Après une négociation de « chiffonniers », il obtient finalement six mois de salaire pour douze ans d'ancienneté. « On a antidaté les papiers envoyés à l'administration pour éviter le délai légal de rétractation. »

Pierre, 56 ans, ancien salarié d'une PME de cosmétiques allemande qui fait fureur dans les magasins bio a vu son service décimé par le directeur financier, à coup de CDD non reconduits et de ruptures conventionnelles. « J’ai subi des pressions énormes jusqu'à ce que j'accepte, témoigne-t-il. Au dernier entretien, c’était limite agressif, il m'a dit "vous foutez le camp !" Ils savaient qu'ils ne pouvaient pas me licencier pour faute, et pas davantage pour licenciement économique car la société marche très fort… »

« La rupture conventionnelle, c’est la mise en place d’un système ou l’on fait participer l’employé à sa propre éjection en ne lui permettant pas trop de se retourner, analyse Pierre. Ça permet de casser le CDI, de virer avec une facilité absolument déconcertante les gens du jour au lendemain. Je me rappelle que le directeur financier m’a dit "je vire n’importe qui quand je veux". »

Monique, 60 ans et demi, ancienne assistante de direction dans une grande entreprise du CAC 40, a elle aussi signé « à l'usure », l'an dernier. Elle évoque des pressions, des remarques dépréciatives lancinantes. « Il fallait que ça s'arrête, tout ce que j'ai subi m'avait rendue malade. » Elle a même signé une clause de confidentialité en partant. « On a acheté mon silence. La même chose est en train d'arriver à d'anciens collègues. Les prix sont très variables, en fonction des postes. »

« La rupture conventionnelle, elle ne l'est que dans un sens, reprend-elle. On peut la refuser, ce que j'ai fait pendant deux ans. Mais vous arrivez à un tel état de fatigue et de perte de confiance en vous qu'à la fin, vous acceptez de rompre. »

Même si la loi prévoit la possibilité de se faire accompagner lors de l'entretien avec l'employeur, le dialogue se réduit souvent à un face-à-face. En outre, les salariés sont mal informés sur leurs droits. « Ils pensent souvent que c'est un dû, alors que l'employeur peut refuser », raconte Monique Langlois, couturière et déléguée syndicale CGT chez Givenchy, maison de haute couture qui utilise fréquemment des ruptures conventionnelles. Ils ne savent pas forcément que si leur indemnité de licenciement dépasse le montant prévu par la loi, ils ne toucheront pas immédiatement le chômage. Ceux qui ont pris des assurances sur leur crédit immobilier sont parfois amèrement surpris de constater que l'assurance ne les couvre pas dans le cas d'une rupture conventionnelle comme c'est le cas lors d'un licenciement.

Malgré tout, les cas de contestation en justice sont très rares. Evelyne Serverin a dénombré environ 80 arrêts de cours d'appel depuis 2008, autant dire « quasiment rien ». Selon Laurent Berger, secrétaire national de la CFDT, c'est la preuve que « les salariés trouvent que ce n'est pas un mauvais système », même si le leader syndical admet la nécessité « d'accroître les contrôles ».

Une interprétation contestable, selon la chercheuse. « Quand vous avez consenti, quand vous avez adhéré, vous dédire est un geste très compliqué. Par ailleurs, les contentieux sont techniquement très difficiles, car c'est au salarié de faire la preuve qu'il a subi des menaces ou n'a pas eu l'information suffisante, qu'il a été trompé ou forcé. » Ce qui est loin d'être évident.

« Ce qui est grave avec la rupture conventionnelle, c'est qu'on a suscité chez les salariés avec ce dispositif une forme de fatalisme, poursuit-elle. Quand il est aussi facile de rompre la relation, à quoi bon se battre pour son emploi ? Ce dispositif n'a fait qu'accompagner une forme de découragement des salariés, et de cynisme à l'œuvre dans les entreprises depuis plusieurs décennies. »

Quand des amis lui demandent son avis sur la rupture conventionnelle, Evelyne Serverin leur conseille de refuser systématiquement et de tenir bon. Ils ne peuvent en effet pas être licenciés s'ils n'ont pas commis de faute ou si l'entreprise ne connaît pas de sérieux problèmes économique : rupture conventionnelle ou pas, le droit du travail est toujours en vigueur.

 

 

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21 janvier 2012 6 21 /01 /janvier /2012 17:09
| Par Fabrice Arfi et Karl Laske

Le tout-puissant patron du renseignement intérieur, Bernard Squarcini, assure qu’il n’est l’espion de personne. Secoué par la publication, jeudi, de L’Espion du Président (éd. Robert Laffont), un livre d’enquête qui lui est consacré, M. Squarcini a annoncé le dépôt de plusieurs plaintes, contre les trois auteurs de l’ouvrage et contre Mediapart, qui en a relayé le contenu.

Dans un entretien à Mediapart, Yves Bertrand, l’ancien patron des Renseignements généraux (RG), qui a été son supérieur durant douze ans (1992-2004), évoque à son tour les missions obscures confiées au service de renseignements intérieurs. Il révèle notamment l’existence depuis 1995 d’un système d’écoutes téléphoniques « effectuées à la discrétion de Matignon et de l’Elysée » en dehors de tout contrôle de la commission nationale des interceptions de sécurité, la CNCIS.


 

Yves Bertrand 
Yves Bertrand

« Matignon avait entre vingt et trente lignes, peut-être plus, qui ne passaient pas par la commission, affirme Yves Bertrand, qui dit ne s'être jamais servi du système lorsqu'il était en poste. Vous avez en réalité deux types d’écoutes administratives, celles qui passent par la commission, qui peuvent être refusées, et les autres... » Selon l’ancien directeur des RG, « le pouvoir actuel s’est beaucoup servi de ce système » mis en place en 1995 sous le gouvernement d’Alain Juppé, actuel ministre des affaires étrangères de Nicolas Sarkozy. Et qui aurait perduré depuis.

Ces déclarations viennent aujourd’hui conforter le témoignage de Jean-Louis Dewost, ancien président de la CNCIS, sur le contournement de la législation sur les écoutes. « Nous nous sommes rendu compte en 2009, à l’occasion d’un contrôle chez un opérateur de téléphone, que des demandes de fadettes, puis d’écoutes téléphoniques, étaient faites directement sans passer par la commission que je présidais », avait déclaré le haut fonctionnaire au Journal du Dimanche, en 2010. Depuis, M. Dewost a été entendu par la justice dans l’affaire des fadettes du Monde.

D’après le livre qui vient de paraître sur lui, Bernard Squarcini est devenu l’incontournable policier du président, celui chargé notamment des basses œuvres. Que pensez-vous de son parcours ?

C’est quelqu’un que j’ai longtemps eu comme adjoint. Je l’ai pris à la sortie de l’école. C’est vous dire si je le connais ! On l’a nommé à Brest, puis dans les Pyrénées-Atlantiques pour s’occuper d’ETA militaire. Ensuite, on l’a fait venir à la direction. C’est un excellent exécutant, mais ce n’est pas un concepteur. Il ne savait pas bien rédiger. On le voit aujourd’hui, il se défend très mal.

A un moment donné, Nicolas Sarkozy s’est entiché de lui. J’étais alors en fonction. Cécilia Sarkozy ne m’appréciait pas elle m’appelait « le grincheux » et elle a poussé son mari à mettre Squarcini à ma place. Mais je l’ai gardé jusqu’au bout. C’était un très bon collaborateur.

Les points forts de Squarcini sont faciles à voir. Il a fait de la lutte antiterroriste toute sa vie, en se limitant toutefois aux Corses du FLNC et au Pays basque – il ne connaît pas bien le terrorisme islamiste. Il a fait son travail de sous-directeur de la recherche, mais il n’a pas de faits d’armes particuliers. L’arrestation d’Yvan Colonna qu’on lui attribue souvent est due en réalité à un ancien agent, François Casanova, qui travaillait beaucoup dans les prisons.

« Des écoutes sauvages à la discrétion de Matignon et de l’Elysée »

 

 

B. Squarcini 
B. Squarcini© Reuters

Pensez-vous que Bernard Squarcini soit allé trop loin avec M. Sarkozy ?

Il est en effet devenu l’homme du président, l’espion du président. Il s’est entiché de M. Sarkozy comme n’importe quel fonctionnaire l’aurait fait dans un système autoritaire. A un moment donné, il n’a pas pu reculer et il lui reste aujourd’hui douze ans à faire avant la retraite... Il a fait des coups tordus chaque fois qu’il y en avait à faire. Il n’a pas su dire non à Sarkozy. Il a tout fait. Il n’y a pas que les fadettes.

C’est-à-dire des écoutes ?

Oui. Mais plus que ça. Les écoutes, la DCRI en a fait comme vous pouvez manger des croissants. Il faut savoir qu’il y a des écoutes qui ne passent pas par la commission de contrôle des interceptions de sécurité, comme on dit pudiquement. Je l’ai vécu moi-même, lorsque j’étais à la tête des Renseignements généraux. Il y avait des écoutes sauvages, à la discrétion de Matignon et de l’Elysée. Et qui n’étaient pas contrôlées. C’est en dehors de la procédure d’autorisation.

Vous avez été témoin de ce contournement ?

Je m’en souviens. Matignon avait entre vingt et trente lignes, peut-être plus, qui ne passaient pas par la commission. M. Alain Juppé était premier ministre. Un membre du cabinet s’en occupait et Jean-Michel R., chargé de la sécurité auprès de M. Juppé, en était chargé.

Avez-vous vous-même utilisé ce système ?

Non. Moi, j’allais voir la commission tous les six mois pour leur demander si nos demandes étaient correctes. Vous avez en réalité deux types d’écoutes administratives, celles qui passent par la commission, qui peuvent être refusées, et les autres... Mais la commission n’est pas dupe. Les membres de la commission doivent être interrogés là-dessus.

Je pense que le pouvoir actuel s’est beaucoup servi de ce système. Il l’a accentué. Le président Sarkozy se méfie de tout le monde. Et les journalistes, n’en parlons pas ! C’est le gibier le plus prisé. Ceux qui font de l’investigation, ils sont “plombés” en permanence. Tout cela, on peut le faire hors commission, via Matignon, ou par une officine – mais c’est encore autre chose.

« D’un certain point de vue, la création de la DCRI est un crime »

Dans le livre L’Espion du Président, il est précisé qu’un ancien centre technique de la DST, à Boullay-les-Troux, est utilisé pour les « écoutes off »…

C’est possible. La fusion de la DST et des Renseignements généraux a accentué cette dérive. D’un certain point de vue, c’est un crime. Une dérive politique. On ne fusionne pas un service dont la vocation est avant tout judiciaire et opérationnelle, comme la DST, avec un service d’information, comme les RG, qui n’a pas d’attribution judiciaire – mis à part les courses et jeux. Vous créez une police politique. C’est une atteinte aux libertés énorme.


 

Bernard Squarcini se trouve à la tête de cet outil, qui est devenu le plus puissant du pays – plus puissant encore que la DGSE que personne ne peut contrôler, en tout cas pas la direction générale de la police nationale. C’est M. Squarcini le maître du jeu. Et c’est quelqu’un qui n’a pas la force de résister.

Pour revenir aux lignes qui peuvent être écoutées hors commission, si le président de la République ou le premier ministre demandent un branchement, que se passe-t-il ?

On le fait !

Dans L’Espion du Président, M. Joël Bouchité, l’ancien patron des RG, affirme que les archives du service sur la presse et la vie politique n’ont pas été détruites, comme cela était prévu, mais transmises à la DCRI.

Ces archives ont été conservées en tous temps, malgré la dissolution de la section des affaires politiques, puis celle de la presse, au sein des RG. Pour cacher la poursuite de cette activité politique, le ministre de l’intérieur Charles Pasqua (1993-95) avait décidé de la rebaptiser la section des “informations générales”. Et la section “presse” s’est appelée “communication”.

M. Squarcini a tout récupéré et il en fait un outil sarkozyste pour déstabiliser les adversaires. Le contre-espionnage ne l’intéresse pas. Le contre-espionnage, c’est devenu un prétexte. Depuis la fin de l’URSS, le contre-espionnage n’intéresse plus personne. Lui, ce sont les adversaires politiques qui l’intéressent. C’est un secret de Polichinelle.

Etes-vous surpris que Dominique de Villepin, que vous connaissez bien, ait pris la défense de M. Squarcini dans l’affaire des fadettes ?

Que Villepin défende Squarcini, c’est incroyable ! Il a tort de faire cela. Si je le vois, je le lui dirai.

 


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20 janvier 2012 5 20 /01 /janvier /2012 14:44

 

Le Monde - Vendredi 20 janvier 2012

 

 

"La maison est en feu, et pour éteindre l'incendie, nous jetons des seaux... d'essence." C'est par ces mots que Damian Carrington, journaliste au Guardian, pointait l'un des pires paradoxes de nos politiques en matière de lutte contre le changement climatique : les énergies fossiles, responsables de larges émissions de gaz à effet de serre, reçoivent un soutien financier tant substantiel que discret de la part des gouvernements, les rendant artificiellement bon marché et encourageant leur usage. Au contraire, les énergies renouvelables font le plein de promesses mais beaucoup moins de financements. Au final, le pétrole, le gaz et le charbon s'avèrent 500 % plus subventionnés que l'éolien, le solaire ou la biomasse.

 

A l'appui de cette démonstration, le quotidien britannique s'est livré à un exercice de collecte de données et de réalisation d'infographies fort intéressant — domaine dans lequel il excelle.

Ce premier graphique détaille, à partir des chiffres de l'Agence internationale de l'énergie (AIE), les différentes subventions versées dans le domaine de l'énergie au cours des dernières années. Comme le schéma le montre clairement, les combustibles fossiles représentent l'écrasante majorité des énergies financées : le pétrole a ainsi reçu 193 milliards de dollars d'aides en 2010, le gaz 91 milliards et l'électricité produite à partir d'énergies fossiles 122 milliards, contre 44 milliards de dollars pour l'électricité d'origine renouvelable et 22 milliards pour la biomasse. En 2008, 500 milliards de dollars ont été déboursés pour soutenir l'ensemble des énergies fossiles, soit l'équivalent du PIB de la Suède ou de l'Arabie Saoudite. 


 

Où et comment cet argent est-il fourni ? Ces subventions consistent essentiellement dans des politiques gouvernementales visant à maintenir le prix final des carburants fossiles en-dessous du coût de l'approvisionnement. Selon l'AIE, l'essentiel de ces "subventions à la consommation" sont versées dans les pays en développement. Autre constat : ces aides sont importantes dans les pays qui exportent beaucoup de combustibles fossiles, qu'il s'agisse du pétrole saoudien ou du gaz russe. L'explication, selon l'AIE, réside dans le fait que ces pays y voient une façon de partager avec leur population les avantages de l'exportation de combustibles.

 

 

Dans les pays riches, ces subventions prennent aussi la forme de mécanismes indirects, comme les crédits d'impôts. L'OCDE, qui a listé 250 mécanismes d'aides indirects, reconnaît que l'aide financière totale fournie par ses Etats membres aux compagnies productrices d'énergies fossiles oscille entre 45 et 75 milliards de dollars.

Que se passerait-il si l'on mettait fin à ces aides ? Selon les modèles de l'AIE, nous assisterions à une réduction massive de l'utilisation mondiale de combustibles fossiles :

 

Il en découlerait, naturellement, une réduction très importante des émissions de CO2. Le graphique suivant montre la réduction des émissions carbonées en 2015, 2020 et 2035, qui serait engendrée par l'arrêt des subventions aux énergies fossiles. En 2035, cette mesure empêcherait ainsi l'émission de 2,6 milliards de tonnes de CO2 soit, selon les estimations de l'AIE, la moitié des "gains" nécessaires pour limiter la hausse mondiale des températures à 2°C.

 

Manifestement, donc, la lutte contre le changement climatique passe en partie par l'arrêt, ou au moins la limitation, des subventions aux combustibles fossiles, notamment dans des pays comme la Russie et l'Arabie saoudite, où l'empreinte carbone par habitant est déjà plus élevée que la moyenne mondiale. Mais la tâche est malaisée, tant dans les pays riches, où le lobby pétrolier et gazier s'avère très puissant, que dans les pays en développement, auxquels il reste difficile de demander de limiter des subventions qui servent aussi à sortir de la précarité énergétique les classes les plus pauvres.

On peut aussi rétorquer à ce travail de collecte de données que les énergies fossiles sont plus largement subventionnées que les renouvelables dans la mesure où elles sont plus largement répandues et utilisées — les chiffres des subventions n'ayant pas été rapportés aux volumes des énergies. Par ailleurs, rien ne garantit que l'arrêt de ces aides permette de suffisamment développer les énergies renouvelables de manière à ce qu'elles puissent prendre le relais d'ici vingt ans. Reste que dans l'idée, financer largement un secteur autant rentable que polluant, celui des énergies fossiles, n'aide pas à trouver des solutions pour préparer une transition énergétique rapide et efficace.

 

Audrey Garric

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19 janvier 2012 4 19 /01 /janvier /2012 13:52

Ajoutée par lHyp3rion le  6 déc. 2011

http://lhyp3rion.blog4ever.com/

NON À ACTA STOP AU KRAKEN !

Une animation infographique pour expliquer les dangers démesurés du traité ACTA envers un Internet libre et ouvert. Mobilisons-nous avant que le Net ne soit verrouillé, filtré, censuré !
http://www.stopp-acta.info/francais/

version originale : http://www.youtube.com/watch?v=qlFyoEKV0dE
traduction française : CaptainKiller, Mary, Zest.
musique : Yoav - Where Is My Mind (Pixies cover) / Maylynne - Catch Me (The Scene)

 

 

http://www.youtube.com/watch?v=a7s_5bMqzCs

 

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19 janvier 2012 4 19 /01 /janvier /2012 13:02

 

| Par Edwy Plenel

 

Mediapart savait avoir été victime d’un espionnage policier sur ordre de l’Elysée. Nous l’avions écrit le 3 novembre 2010, ce qui nous avait valu une plainte de Claude Guéant (notre article “Espionnage d'Etat des journalistes : Monsieur le Président, cela vous concerne”). Puis, le bras droit de Nicolas Sarkozy a brusquement renoncé, le 30 juin 2011, par crainte du procès à venir (nos articles ici et ici). Quelques jours plus tôt, la preuve – les fameuses « fadettes » – des surveillances visant les téléphones de journalistes du Monde enquêtant sur les mêmes dossiers que Mediapart avait été apportée à la justice. Aujourd’hui, un livre d’enquête, L’Espion du Président (Robert Laffont), apporte de nouvelles révélations sur l’ampleur de cette surveillance attentatoire aux libertés fondamentales.

 

 

Mediapart va évidemment saisir la justice de ces faits nouveaux afin que toute la vérité soit faite sur cet espionnage et que ses auteurs en répondent, ceux qui l’ont ordonné comme ceux qui ont exécuté cet ordre illégal. Le livre des journalistes Olivia Recasens, Christophe Labbé et Didier Hassoux – les deux premiers travaillant au Point et le troisième au Canard enchaîné – est consacré à Bernard Squarcini, le patron de la Direction centrale du renseignement intérieur (DCRI), issue de la fusion des Renseignements généraux et de la Direction de la surveillance du territoire.

Leur enquête montre avec minutie comment cette direction de la police nationale est devenue, sous la direction de ce policier totalement dévoué à Nicolas Sarkozy et sous couvert d’un secret défense favorisant une totale opacité, l’exécutante des missions de basse police du pouvoir politique, et plus précisément de la présidence de la République.

 

Bernard Squarcini, patron de la DCRI. 
Bernard Squarcini, patron de la DCRI.© (Reuters)

Les révélations de notre consœur et de nos confrères sont précises, factuelles et sourcées, avec notamment le témoignage « on » d’un policier, Joël Bouchité, qui fut patron des RG et qui est récemment devenu préfet de l’Orne après avoir été, jusqu’en juillet 2011, conseiller pour la sécurité à l’Elysée ! Une source qui ne peut donc guère être soupçonnée de médisances partisanes envers le pouvoir actuel…

Or Mediapart est longuement évoqué (pages 145 à 149) juste après que ce haut fonctionnaire, dans un témoignage recueilli le 16 août 2011, a été longuement cité, expliquant avec moult détails les « moyens parfaitement illégaux » utilisés pour surveiller les rédactions sous le règne de Bernard Squarcini auquel il reproche d’avoir « ancré dans l’imaginaire populaire que la DCRI était une police politique ».

« Début juillet 2010, écrivent les auteurs, Claude Guéant, le secrétaire général de l’Elysée, organise rue du Faubourg-Saint-Honoré une réunion de crise pour riposter aux révélations sur l’affaire Bettencourt publiées sur Mediapart. Le journal en ligne piloté par Edwy Plenel, l’ancien patron de la rédaction du Monde, a sorti, quelques semaines plus tôt, les enregistrements pirates qui mettent en cause le ministre du budget et trésorier de l’UMP, Eric Woerth. L’Elysée prétend posséder un dossier produit par la Direction centrale du renseignement intérieur. L’information diffusée est de fait précise : le principal actionnaire de Mediapart est un évadé fiscal belge, propriétaire d’un restaurant à Paris dans le VIe arrondissement. »

En novembre 2010, nous avions vaguement évoqué, dans notre interpellation publique de Nicolas Sarkozy sur l’espionnage dont nous avions été la cible, ce tuyau crevé visant notre actionnariat dont nous avions appris qu’il avait été complaisamment diffusé dans certaines rédactions qui, évidemment, n’en avaient rien fait, tout simplement parce que rien n’est vrai. L’actionnaire principal de Mediapart, ce sont ses fondateurs salariés et, à notre connaissance, aucun évadé fiscal belge ou restaurateur parisien ne figure à notre tour de table. Désormais nous savons que cette calomnie venait de la DCRI qui fouinait tous azimuts autour de Mediapart, de ses journalistes et de ses actionnaires, à la demande de la présidence de la République.

Car les auteurs de L’Espion du Président se font ensuite plus précis. Immédiatement après avoir évoqué cette calomnie de basse police sur l’actionnariat de Mediapart, ils citent le témoignage d’un policier de la DCRI, recueilli le 30 juillet 2011 :

« David est catégorique. C’est la troisième fois que nous rencontrons cet officier de la DCRI. Avant de commencer à nous parler, il a pris soin de vérifier que nos téléphones portables étaient bien éteints. “La boîte a effectivement demandé, en 2010, un travail sur Mediapart et Plenel parce qu’ils énervent le Château, confirme-t-il. La demande venait de l’Etat-Major. Certains ont refusé mais on a su en interne que d’autres l’avaient fait.” Peut-être est-ce ce dossier, en l’occurrence un document de sept pages sur le financement du journal en ligne, que Claude Guéant a entre les mains cet été 2010. »

Mediapart va saisir la justice et demander réparation

A la lecture de ces révélations, qui confirment, précisent et prolongent nos propres informations de l’automne 2010, on comprend que Claude Guéant (portrait ici), après avoir joué les matamores en nous poursuivant en justice, ait brusquement renoncé, le 30 juin 2011, au procès prévu sur une durée de trois jours à l’automne 2011. Notre abondante offre de preuves et notre quarantaine de témoins annonçaient une belle bataille. Nous entendions bien faire le procès d’une présidence de la République qui piétine cette liberté fondamentale dont la presse est à la fois le symbole et l’instrument : le droit à l’information des citoyens.

 

Nicolas Sarkozy et Claude Guéant. 
Nicolas Sarkozy et Claude Guéant.© Reuters

Ce n’est que partie remise puisque, au vu de ces nouveaux éléments, Mediapart et ses avocats, Mes Jean-Pierre Mignard et Emmanuel Tordjman, vont saisir la justice et demander réparation. Car ce que montre L’Espion du Président, c’est que nous ne connaissons encore qu’une petite partie de la vérité sur l’espionnage dont nous avons été victimes. Mediapart est en effet cité à plusieurs autres reprises sur l’inquiétude provoquée à l’Elysée et relayée auprès de Bernard Squarcini par nos constantes révélations sur les principaux scandales du quinquennat. Et les méthodes d’espionnage des rédactions par la DCRI, telles qu’elles sont décrites par ce livre, ne relèvent pas d’un dérapage occasionnel mais d’une violation systématique des libertés. Bernard Squarcini a d'ailleurs été mis en examen en octobre dernier dans le scandale de la surveillance téléphonique des journalistes du Monde.

Pages 64 à 67 du livre, les auteurs expliquent que l’affaire Takieddine/Karachi, ce feuilleton chroniqué avec entêtement par Mediapart, est « l’une des plus embarrassantes pour le Château » et constitue une priorité pour le patron du renseignement intérieur, chargé de « baisser les flammes sous les casseroles de la Sarkozie ». Mentionnant Bernard Squarcini par son surnom, ils ajoutent à ce propos : « Le Squale l’a toujours surveillée comme le lait sur le feu, ralentissant l’ébullition sans toutefois pouvoir l’empêcher. » Et de préciser : « Le site d’information Mediapart, qui était en pointe sur l’affaire Karachi, a fait l’objet en 2010 d’une enquête poussée du renseignement intérieur. »

Quant aux méthodes illégales, elles ont cette particularité, selon l’enquête des trois journalistes, d’avoir été généralisées au sein de la DCRI et non plus limitées à des équipes spéciales, à la manière de ce que fut la « cellule de l’Elysée » sous la présidence de François Mitterrand. « Sous Squarcini, peut-on lire pages 108 et 109, il n’y a pas de “brigade du chef”. Pas de groupe d’enquêtes réservées avec des hommes de main qui ne rendent compte qu’au patron dont ils exécutent, sans broncher, les commandes “un peu particulières”. Les juges peuvent toujours chercher à Levallois (où siège de la DCRI) un “cabinet noir”. Ils ne le trouveront pas. (…) Le système mis en place par le Squale paraît bien plus redoutable qu’autrefois. C’est la structure entière qui semble vicié. »

On apprend ainsi qu’une structure dénommée R1 se charge des « sonorisations », tandis qu’une structure R2 est chargée de « casser » les ordinateurs, « en clair, déverrouille les systèmes de sécurité qui empêchent d’accéder au contenu d’un PC ou d’un Mac ». Les auteurs citent un officier : « En quelques minutes, ils sont capables de siphonner l’intégralité d’un disque dur. » Ils poursuivent : « Régulièrement, un véhicule banalisé quitte la petite commune de Boullay-les-Troux dans l’Essonne, pour se rendre au 84, boulevard de Villiers à Levallois-Perret, dans les Hauts-de-Seine. Le chauffeur s’engouffre prestement dans le parking souterrain. Sa cargaison recèlerait comptes rendus d’écoutes, identifications téléphoniques et autres e-mails interceptés à l’insu de la Commission nationale de contrôle des interceptions de sécurité, la CNCIS. »

Les auteurs disent bien que c’est à Boullay-les-Troux que s’opèrent les « écoutes off » de la DCRI, sous l’égide de la sous-division R, alors que « les écoutes légales » le sont sous la houlette de deux divisions, la J (écoutes judiciaires) et la P (écoutes administratives). 

Le livre parle également des cambrioleurs de la DCRI, affectés à la sous-division L, et des « serruriers du net ». « Des informaticiens capables de voyages dans le temps en retrouvant tout ce qui a été tapé sur un clavier jusqu’à un million de caractères en arrière ou d’aller aspirer, à travers la Toile, le contenu du disque dur d’un ordinateur sans laisser de trace. Pratique, lorsqu’on veut par exemple mettre la main sur les épreuves d’un livre embarrassant pour le Château. »

Le témoignage de Joël Bouchité est à replacer dans ce contexte. L’ex-conseiller sécurité de Nicolas Sarkozy, aujourd’hui préfet de l’Orne, affirme : « [Squarcini] a aussi recréé à son côté une petite cellule presse. Des mecs chargés de se rancarder sur ce qui se passe dans les journaux, les affaires qui vont sortir, la personnalité des journalistes. Pour cela, comme pour d’autres choses, ils usent de moyens parfaitement illégaux. Leur grand truc, c’est de voler des adresses IP, la carte d’identité des ordinateurs. Ils épient les échanges de mails, les consultations de sites. Ils sont alors au parfum de tout. Si nécessaire, ils doublent en faisant des fadettes. » De plus, Joël Bouchité affirme que Bernard Squarcini a conservé « des camions d’archives » visant « notamment des personnalités politiques et des journalistes » 

« Je ne m’intéresse pas aux journalistes mais à leurs sources », objecte le patron de la DCRI cité par les auteurs. Or c’est bien là l’aveu d’une atteinte à la démocratie : car ce sont bien les sources des journalistes qui incarnent le droit d’alerte des citoyens. Dès lors, l’on comprend mieux, à la lecture de L’Espion du Président, l’épisode des mystérieux cambriolages dont divers journaux, parmi lesquels Mediapart, ont fait l’objet en 2010 (notre article ici).

Le même David, qui est si précis sur le dossier de sept pages sur Mediapart concocté pour l’Elysée par la DCRI, confie en effet : « Maintenant, on n’a plus besoin de partir avec l’ordinateur, on siphonne le contenu à distance. Il y a des gens à la section R qui font ça très bien (…) En revanche, si vous voulez donner un signal, lancer un avertissement, voler un ordinateur est une façon d’intimider les sources, en leur signifiant que leur contact est ciblé. C’est un travail qui peut être sous-traité. Les services ont tous dans leur carnet d’adresses une boîte privée prête à bosser pour eux. »

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Lire également sous l'onglet "Prolonger" des déclarations de Bernard Squarcini et de Claude Guéant.

 

L'Espion du Président, au cœur de la police politique de Sarkozy, par Olivia Recasens, Didier Hassoux, Christophe Labbé.

Editions Robert Laffont, 285 pages, 19 euros

 

 

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18 janvier 2012 3 18 /01 /janvier /2012 14:51
| Par La rédaction de Mediapart

La Commission européenne suspecte les trois géants français de la distribution de l'eau, Veolia, Suez environnement et Saur d'entente sur les prix et a formellement ouvert une procédure sur d'éventuelles pratiques anti-concurentielles, annonce-t-elle dans un communiqué. Bruxelles soupçonne également la Fédération professionnelle des entreprises de l’eau (FP2E) d'avoir joué le jeu. 

Déjà, en avril 2010, des agents de la commission avait effectué des visites surprises dans les locaux des entreprises. A l'issue de trois jours d'enquête, la commission avait déclaré qu'elle avait «des raisons de croire que ces entreprises pourraient notamment avoir imposé des prix de l'eau et de l'assainissement inéquitables aux collectivités locales, et in fine aux consommateurs».

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17 janvier 2012 2 17 /01 /janvier /2012 17:00

 

LEMONDE.FR | 17.01.12 | 16h05   •  Mis à jour le 17.01.12 | 17h35

 
 

A l'odeur, on s'était préparé. Au bruit – un concert de caquètements et de griffes grattant le grillage – on s'habitue. Ce qui frappe en premier lorsqu'on pénètre dans un élevage de poules en batterie, c'est la pénombre.

L'élevage de Claude Dumoulin, près du village de Framicourt dans la Somme, est de taille moyenne : 125 000 poules réparties dans deux hangars. A l'intérieur, des cages à perte de vue sur huit niveaux, partagées en quatre allées au milieu desquelles dansent, de loin en loin, des néons suspendus verticalement.

 

Durant leur année de ponte, les poules ne voient pas la lumière du jour.

Durant leur année de ponte, les poules ne voient pas la lumière du jour.Soren Seelow


De leur entrée en cage à 18 semaines jusqu'à leur départ pour l'abattoir, un an plus tard, les poules pondeuses passent l'intégralité de leur existence entre l'obscurité la plus complète et la pâle clarté des lampes. Pour le citoyen soucieux du "bien-être animal", l'enfer aviaire, pour le consommateur lambda, un mal nécessaire.

Le sol des cages, entièrement grillagé, est incliné de sorte que les œufs (elles en pondent deux tous les trois jours) tombent sur le tapis mécanique qui les emmène, via une rampe extérieure, jusqu'à un troisième bâtiment d'où ils seront expédiés pour le conditionnement. Tout, de la lumière à l'expulsion des fientes en passant par le contrôle de l'humidité, est automatisé.

"BIEN-ÊTRE ANIMAL"

"Vous entendez quand elles chantent, c'est qu'elles sont heureuses. Ça, c'est le bonheur pour un éleveur." Claude Dumoulin est conscient de la mauvaise image dont souffrent les élevages industriels auprès d'une opinion de plus en plus sensible au sort des animaux de rente. "J'aime mes poules, insiste-t-il. Vous savez, un animal stressé produit moins. J'ai tout intérêt à ce que mes poules se sentent bien."

Toutefois s'il a consacré 3,2 millions d'euros – "25 euros par poule" – à la mise aux normes de son élevage l'an dernier, ce n'est pas par excès d'empathie pour son troupeau, mais en raison d'une nouvelle directive européenne entrée en application au 1er janvier. Claude, qui est "dans l'œuf depuis 1978", en est à sa troisième directive en moins de trente ans. Au gré des textes pondus par la Commission européenne, l'espace vital de ses gallinacées est ainsi passé de 450 cm2 à 550 cm2 (un peu moins que l'équivalent d'une feuille A4) puis à 750 cm2 cette année.

La nouvelle directive "bien-être animal" prévoit en outre quelques aménagements censés répondre aux besoins comportementaux des animaux : les poules peuvent désormais se mouvoir dans des cages de 20 à 60 individus (contre six dans des cages fermées jusqu'ici), de petits perchoirs métalliques ont été posés (les volatiles se perchent instinctivement pour dormir afin de fuir les prédateurs), un grattoir leur propose de se faire les griffes et un "nid", sorte d'isoloir entouré d'une jupe en plastique orange, leur permet de pondre à l'abri des regards.

LIME À ONGLE

Claude Dumoulin a beau juger qu'on y va parfois un peu fort en terme de bien-être animal – "la lime à ongle, elles ne s'en servent pas. On a oublié de leur donner le mode d'emploi" – il constate tout de même que les poules y sont plus à leur aise. "Pour nous, ça change rien, à part le prix de revient. C'est la poule qui a tout gagné en confort", résume-t-il.

L'association L214, qui milite pour le bien-être animal, n'est pas de cet avis. Elle constate qu'en tenant compte des nouveaux aménagements (nid, grattoir, etc.), l'espace vital des poules n'a pas été augmenté de 200 cm2, mais de l'équivalent de deux tickets de métro. Les volailles sont toujours entassées, dénonce-t-elle, les sols grillagés en pente leur abîment les pattes, bref, on est loin de conditions d'élevage acceptables. L214 milite d'ailleurs pour l'interdiction pure et simple des poules en cage au profit des modes d'élevage dits alternatifs : au sol (en intérieur mais sans cage), en plein air ou bio.

En France, 1er producteur européen d'œufs, 80 % des 46 millions de poules pondeuses sont élevées en cage. 60 % de la production est vendue en "œufs coquille" dans le commerce, les 40 % restant étant transformés en œufs liquides à destination de la restauration rapide, des pâtes alimentaires et de la pâtisserie. Signe que la question des conditions de vie des animaux de rente imprègne peu à peu la société, la part des "œufs coquille" issue de l'alternatif augmente régulièrement et atteint aujourd'hui 35 %.
 

"FAIRE PLAISIR À LA POULE"

L'élevage en plein air ? "C'est un peu faire plaisir à la poule", résume Claude Dumoulin. "Moi, je n'ai rien contre, la seule différence c'est le coup de revient : 10 centimes à l'achat pour un œuf en batterie, 20 % de plus pour le plein air, et 40 % pour un œuf bio. L'œuf est la protéine animale la plus abordable, et celle dont la consommation augmente le plus (+ 3 % par an). Notre objectif, c'est que la ménagère achète moins cher !", argumente-t-il.

A cette approche mercantile, L214 oppose le respect des conditions de vie des animaux. Pour sensibiliser l'opinion, l'association a publié sur son site Internet des vidéos tournées dans des élevages aux normes 2012 :

 

 

 

Deux traditions philosophiques s'affrontent. D'un côté, les défenseurs des droits des animaux et les antispécistes – nourris par les travaux de Jacques Derrida, Boris Cyrulnik ou encore Claude Lévy-Strauss – considèrent avec Aristote que la différence entre l'homme et l'animal n'est "pas de nature, mais de degré" et que l'humain ne peut donc chosifier la bête (dans le code civil, l'animal est un "bien meuble", c'est-à-dire qu'il n'est considéré que dans la mesure où il appartient à l'homme). De l'autre, les cartésiens, convaincus que l'homme, "maître et possesseur de la nature", a le droit d'exploiter à sa guise le vivant (le fameux "animal-machine") pour assurer sa subsistance et de son développement.

>> Lire : Quels droits pour les animaux ?

L'exploitation du potentiel économique des poules ne s'arrête pas à la seule ponte. Une année loin du soleil et quelques 300 œufs plus tard, elles partent pour l'abattoir, avant d'être exportées pour moitié vers l'Afrique, grande consommatrice de poules. L'autre moitié est recyclée dans les plats cuisinés (couscous, paella, etc.) et la nourriture pour animaux domestiques…

Soren Seelow


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16 janvier 2012 1 16 /01 /janvier /2012 14:32

LEMONDE | 16.01.12 | 10h57   •  Mis à jour le 16.01.12 | 12h19

 
 

 

Les bâtiments de l'Inspection générale des services (IGS), à Paris, le 2 octobre 2011.

Les bâtiments de l'Inspection générale des services (IGS), à Paris, le 2 octobre 2011.Mousse/ABACA


Il s'agit de l'un des aspects les plus troublants de l'affaire de l'IGS. Non contents d'avoir truqué des procès-verbaux afin de déformer le contenu des déclarations des fonctionnaires du bureau des affaires réservées de la Préfecture de police à qui ils voulaient nuire, des policiers de l'Inspection générale des services auraient au passage "étouffé" une vraie affaire de corruption.
Tout commence en janvier2007. Mis sur la piste d'un trafic de titres de séjour à la "PP" et d'attributions de logements suspectes par un tuyau des RG, deux services de police sont saisis par la juge Michèle Ganascia pour procéder à des écoutes téléphoniques: le Service de soutien aux investigations territoriales (SSIT) et l'IGS.

Au cœur de l'affaire naissante, un commerçant à l'entregent important, Simon C. – mis en examen depuis cinq ans pour "escroquerie", "corruption", "faux et usage de faux". Soupçonné d'avoir monnayé auprès de particuliers ses interventions, il est placé sous surveillance téléphonique par le SSIT, l'IGS se chargeant de s'intéresser aux communications des fonctionnaires avec qui Simon C. est en relation régulière.

Parmi ceux-ci, plusieurs employés du bureau des affaires réservées ainsi que Christian Massard, alors officier de sécurité du député (PS) Daniel Vaillant, que l'IGS va tout faire pour accabler mais qui seront finalement blanchis par la chambre de l'instruction de la cour d'appel de Paris en janvier 2011. Mais aussi deux policiers en poste au 3e district de police judiciaire (DPJ), qui couvre les arrondissements de la rive gauche parisienne, Yvan M. et Christophe L. Ce dernier semble en contact étroit avec le commerçant suspecté, à tel point qu'il va être lui-même placé sur écoute entre février et mai 2007.

Sauf que les retranscriptions de ses conversations avec SimonC., plutôt compromettantes, diffèrent singulièrement selon les services de police. A la différence du SSIT, l'IGS va soigneusement passer sous silence ou déformer les passages susceptibles de mettre en cause les deux policiers du 3e DPJ. Les exemples abondent.

Ainsi, le 27 février 2007, le SSIT note que Christophe L.appelle SimonC., qui lui lance triomphalement: "J'ai ton téléphone". "D'accord", répond le policier, qui ajoute: "Je vais appeler Ivan ou Olive, ils vont passer te voir… pour le récupérer". Le compte rendu de l'IGS, en revanche, parle pudiquement d'une "conversation entre Simon C.et Christophe L. [qui] évoque un arrangement dont la nature reste à déterminer".

 

"TU ES UN AMOUR, VRAIMENT"

Le 6 mars 2007, nouvelle conversation entre les deux hommes: "Je t'appelle, tu sais, le truc que tu nous as donné, l'amende, c'est bon…", attaque le brigadier Christophe L. "Tu es un amour, vraiment", répond Simon C. "Vous aurez plein de produits de beauté pour toi et pour ta femme." Dans sa retranscription, l'IGS, avant de préciser que Christophe L. répond: "Non je veux rien, je veux rien", écrit que la suite de la discussion "n'intéresse pas l'affaire en cours".

Manifestement, le SSIT voit les choses autrement : son compte rendu signale que Christophe L. passe le téléphone à son collègue Yvan M. qui a son tour dit: "Tu sais le truc que tu nous as donné, l'amende. Donc normalement c'est bon…". Simon C. répète: "Vous aurez plein de produits de beauté pour toi et ta femme et pour Christophe et sa femme." Ce à quoi Yvan M. répond: "OK, ben c'est sympa. Ça roule." Et puis, il y a ces nombreux coups de fil retranscrits par le SSIT, et passés sous silence par l'IGS. Ainsi lorsque Christophe L. demande à Simon C. de ne pas dire qu'il est policier à la femme que le commerçant lui envoie, ou quand il apparaît que ce dernier offre aux fonctionnaires du 3e DPJ une partie de leur matériel téléphonique, leur fournit des jeans, ou discute avec Yvan M. des difficultés de logement que rencontrent certains de ses amis…

Seule trace des liens étroits unissant les deux policiers au commerçant, ce compte rendu d'enquête de l'IGS rédigé le 3 avril 2007: "Il semblerait que le brigadier L. entretienne une relation avec Simon C. basée sur des rapports “policier/informateur de police”. L. ne semble pas ignorer que C. dispose des contacts nécessaires dans les milieux professionnels intéressant ses activités douteuses (Préfecture de police, Mairie de Paris, etc.)". Lors de l'enquête – au cours de laquelle Simon C. a contesté être un informateur –, Christophe L. a été brièvement interrogé comme témoin par un enquêteur de l'IGS, son collègue Yvan M. n'ayant quant à lui-même pas été entendu.

Pour l'avocat des fonctionnaires injustement accusés, Me David Lepidi, "l'étude comparative de ces doubles retranscriptions met en évidence un manque d'impartialité et une altération de la vérité de certains officiers de l'IGS", comme il le résume dans l'une de ses plaintes. "Christophe L.a reçu, ainsi que Yvan M., de la part de Simon C. divers cadeaux et bénéficié de téléphones portables pour lui et ses collègues, certaines de ses relations, et semble-t-il des policiers, ont bénéficié d'appartements par l'intermédiaire de Simon C.", observe Me Lepidi, qui assure qu'en 2006 l'un des comptes de Christophe L. "était crédité d'un montant supérieur à 200 000 euros".
Dans son arrêt du 25 janvier 2011, la cour d'appel notait d'ailleurs que les écoutes de M.Massard démontraient, "à la différence de celles d'autres policiers, la réticence de ce dernier à effectuer la moindre démarche positive en faveur des personnes évoquées par Simon C.". Pourtant, si M. Massard a été longtemps poursuivi, aucune procédure n'a jamais été diligentée contre les policiers du 3e DPJ.

Gérard Davet et Fabrice Lhomme


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14 janvier 2012 6 14 /01 /janvier /2012 16:54

LEMONDE | 14.01.12 | 14h31   •  Mis à jour le 14.01.12 | 14h42

 
 

 

Pendant près de vingt ans, Jean-Claude Mas a déjoué tous les contrôles en s'assurant de la complicité de ses salariés.

Pendant près de vingt ans, Jean-Claude Mas a déjoué tous les contrôles en s'assurant de la complicité de ses salariés.AFP/ERIC ESTRADE



Il faut au moins lui reconnaître cela, à Jean-Claude Mas, l'ex-patron de Poly implant prothèse (PIP), prince déchu des prothèses mammaires. Un talent de persuasion, un art de la supercherie à rendre jaloux les rois du boniment. Pendant plus de vingt ans, cet ancien visiteur médical passé par le négoce en vin et l'assurance avant de se reconvertir dans les seins en silicone a réussi à embobiner ses salariés en leur faisant croire que son gel maison, non agréé, était "le meilleur" pour doper les poitrines de ces dames, et surtout de "bien meilleure qualité" que le Nusil, le gel médical des Américains. Avec le même aplomb, il a juré durant des années aux inspecteurs venus le contrôler qu'il n'utilisait que du silicone homologué.

L'histoire pourrait faire rire si cette tromperie à grande échelle n'avait débouché sur un vaste scandale sanitaire. On compte pas moins de 400 000 victimes dans le monde. Pas un jour ne passe sans qu'au Venezuela, en Argentine, en Grande-Bretagne, en Chine ou en France, des femmes se palpent la poitrine pour s'assurer que leur prothèse n'a pas rompu. Toutes traquent le moindre ganglion, signe d'irritation ou de dispersion du produit dans le corps.

Il a fallu qu'un trio de chirurgiens marseillais s'interroge, que les inspecteurs de l'Agence française de sécurité sanitaire (Afssaps) s'arrêtent sur une photo envoyée par un ancien de PIP pour que la supercherie soit mise au jour, en mars 2010. Les gendarmes de Marseille ont pris le relais dans le cadre d'une enquête préliminaire, ouverte par le parquet.

Depuis le 14 octobre 2011, celle-ci est close et ses conclusions, sans équivoque. Jean-Claude Mas, qui a reconnu "avoir sciemment fabriqué des prothèses mammaires en gel PIP (...) pour son rapport qualité-prix" et "avoir volontairement dissimulé à l'organisme certificateur - TÜV - l'existence de ce gel PIP", ainsi que quatre anciens cadres dirigeants de PIP devraient être cités à comparaître pour tromperie devant le tribunal correctionnel avant la fin de l'année.

 UNE SEULE SOLUTION : TRICHER

Jean-Claude Mas découvre le marché de la prothèse mammaire en rencontrant sa compagne, Mme Lucciardi, dans les années 1980. L'époque est aux gros seins, les poitrines généreuses triomphent et la chirurgie esthétique se démocratise. La société MAP, gérée par Mme Lucciardi, propose des prothèses remplies de sérum physiologique et un modèle en silicone, mis au point par le Dr Arion, "chirurgien plastique, chimiste". Embauché comme commercial, M. Mas apprend tout des secrets de fabrication avant de créer sa société, au début des années 1990. Le siège de PIP - il choisit intentionnellement un acronyme grivois - est installé à La Seyne-sur-Mer, dans le Var. L'objectif : produire à grande échelle, inonder le marché mondial.

A l'époque, l'Europe n'a pas encore unifié sa réglementation sur les dispositifs médicaux. Lorsqu'elle le fait, en 1993, M. Mas décide de ne pas en tenir compte. Son gel maison, en fait celui du Dr Arion, n'est pas homologué, mais il est commercialisé depuis des années et personne n'y trouve rien à redire. "Bien meilleur" que celui des concurrents, jure-t-il, il est surtout dix fois moins cher et lui permet d'économiser un million d'euros. Pourquoi y renoncerait-il ?

Comme il n'a pas les moyens de s'offrir une validation en bonne et due forme, le patron de PIP ne voit qu'une solution : tricher. C'est ainsi que, pendant des années, il va faire croire à TÜV Rheinland, l'organisme allemand qui lui délivre le label "CE" - sésame indispensable pour écouler ses stocks -, qu'il utilise bien du Nusil. Et pendant des années, les inspecteurs n'y verront que du feu.

L'UTILISATION DU GEL MAISON EST UN SECRET DE POLICHINELLE

Chez PIP, l'utilisation du gel maison est un secret de Polichinelle. "Je savais que le marquage CE mentionnait que les prothèses devaient être remplies de Nusil, mais comme le gel PIP était fabriqué depuis des années, je pensais que ça n'avait pas d'incidence", explique l'un des salariés aux gendarmes. La préparation, un peu particulière, de la visite annuelle du TÜV aurait pu leur mettre la puce à l'oreille. Mais le patron est obtus et caractériel, les salaires sont bons et aucun retour n'est à signaler. Pourquoi s'inquiéter ?

TÜV, qui "ne part pas avec l'hypothèse que le client (lui) cache quelque chose", annonce toujours ses visites. Dix jours avant, c'est le branle-bas de combat à La Seyne-sur-Mer. Les salariés de PIP doivent faire disparaître toute trace de matières premières non homologuées. Ainsi le responsable du service informatique efface-t-il du système les bordereaux de commande des fournisseurs maison, et les remplace par ceux de Nusil.

Dans la cour de l'entreprise, les magasiniers chargent les fûts sur des palettes et les stockent à l'extérieur de l'établissement. D'autres bidons sont cachés dans un transformateur EDF. Le surplus est chargé dans le camion de l'usine, lequel prendra le large le jour J.

Pendant ce temps, à la production, on relance la fabrication de "vraies prothèses". Rien n'est laissé au hasard. "On se sentait mal, il suffisait qu'on laisse un fût traîner et on risquait de tout perdre. On avait la pression de la direction : si on perdait le marquage CE, on perdait tout", raconte l'ancien responsable de la production.

Mais TÜV est venu plus de dix fois, et à plus de dix reprises, la certification CE a été reconduite. "Lors du dernier audit (...), j'étais à deux doigts de pleurer quand ils ont dit que la boîte était sérieuse", confie Nadine C., aux achats. TÜV parti, un pot est organisé dans chaque service puis tout "repart comme avant". Cette "véritable organisation au sein de l'entreprise avant les audits a permis de garder le secret pendant dix ans", résument les gendarmes.

 DES PROTHÈSES ROMPENT PAR DIZAINES

L'imposture aurait encore pu durer si les prothèses n'avaient commencé à rompre par dizaines. En 2007, PIP reçoit des appels d'Angleterre, des fax de Colombie. L'année suivante, trois chirurgiens marseillais s'inquiètent à leur tour d'une recrudescence d'incidents et se retournent vers le fabricant.

Celui-ci se contente d'envoyer une nouvelle paire de seins à la patiente, deux autres au chirurgien, ainsi que 1 000 euros "en dédommagement des frais d'explantation et d'implantation". Mais la débandade continue. Les chirurgiens somment les commerciales PIP d'assister aux "explantations", pour qu'elles constatent que le gel se transforme... en huile.

"Le problème, c'est qu'avec le temps les composants se désolidarisaient et l'huile remontait à la surface, expliquera plus tard l'un des ingénieurs aux gendarmes. Les cuves restaient dans le couloir la nuit et parfois plusieurs jours (...). Quand la production reprenait, on testait juste la pénétrabilité du gel et (...) on reprenait une production sans même remélanger."

La multiplication des ruptures est indéniable, mais Mas nie l'évidence. "La France, on s'en fout, vous ne représentez que 10 % du chiffre d'affaires et les chirurgiens ne comprennent rien", rétorque-t-il aux commerciales. Il a les yeux rivés vers les 25 % de marché de la Colombie et du Venezuela. A bout, Fabienne B. finit par démissionner. "C'était devenu impossible à vendre déontologiquement."

En novembre 2009, le système Mas se fissure de toutes parts. Lors d'une réunion houleuse, les salariés exigent le retour au tout-Nusil. "Impossible", répondent Jean-Claude Mas et Claude Couty, son directeur. Les comptes sont au plus mal. Un seul mot d'ordre, produire, produire, et à moindre coût. Secrètement, Mas espère que sa nouvelle recette, le PIP 2, concoctée de manière aussi artisanale que la première, portera ses fruits.

C'était sans compter les chirurgiens marseillais qui ont décidé d'alerter l'Afssaps par courrier en octobre 2009 et février 2010. L'inspection de l'agence aura lieu un mois plus tard. Devant les gendarmes, Jean-Claude Mas, finalement trahi par ses poubelles, avoue tout. La fraude, la tromperie, le mensonge. Mais ses "prothèses ne présentent aucun risque pour la santé", jure-t-il. A-t-il un mot pour les victimes ? questionnent les gendarmes. Pas un. "Elles ne déposent plainte que pour recevoir de l'argent."

Emeline Cazi et Laetita Clavreul


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