LEMONDE.FR avec AFP | 04.02.12 | 11h30 • Mis à jour le 04.02.12 | 17h54
Manifestation contre l'actuel premier ministre Vladimir Poutine à Moscou, samedi 4 février.AP
Manifestants pro et anti-gouvernement se sont rassemblés dans les rues de Moscou, samedi 4 février, à quelques dizaines de kilomètres les uns des autres. La troisième grande manifestation organisée par l'opposition dans la capitale russe, après celles du 10 et du 24 décembre, a réuni, selon les autorités russes, 36 000 personnes, alors que Vladimir Ryjkov, l'un des organisateurs de la marche de l'opposition, affirmait qu'"au moins 120 000 personnes" se sont rendus sur la place Bolotnaïa, vêtues de blanc pour la plupart, malgré une température oscillant autour des - 17 C°.
Les organisateurs s'efforcent avant tout d'entretenir la dynamique des grands rassemblements de décembre. Les manifestants dénonçaient alors les fraudes qui avaient, selon eux, entaché les législatives du 4 décembre. Cette manifestation vise plus directement M. Poutine, actuel premier ministre et candidat déclaré à la présidentielle. Son adversaire libéral au scrutin, le milliardaire Mikhaïl Prokhorov, a d'ailleurs participé à cette marche. Parmi les slogans peints sur les banderoles, on pouvait lire : "Poutine démission", "Nous voulons des élections honnêtes" ou "Nous n'aurons pas froid, nous ne tomberons pas malades".
"CHAOS NON, POUTINE OUI"
A Poklonnaïa Gora, dix kilomètres plus loin, la police moscovite annonçait que près de 90 000 partisans de Vladimir Poutine manifestaient au même moment. Les chiffres de l'opposition russe et ceux de la police diffèrent très largement lors des manifestations contre Vladimir Poutine. Au contraire, la police a parfois surévalué l'affluence lors de précédentes manifestations en faveur du pouvoir. Chez les pro-Poutine, dont beaucoup sont arrivés sur place dans des bus appartenant à des sociétés publiques, selon l'agence Interfax, les manifestants scandaient d'autres slogans : "Chaos non, Poutine oui","URSS 2.0", "Nous sommes pour Poutine, nous sommes pour la liberté" ou le jeu de mot suivant : "La croissance du PIB (VVP en russe) est seulement possible avec VVP" (Vladimir Vladimirovitch Poutine)".
Manifestants à Rostov-sur-le-Don, samedi 4 février.REUTERS/VLADIMIR KONSTANTINOV
Selon de nombreux témoignages diffusés sur Internet et d'autres recueillis par l'AFP, des fonctionnaires, enseignants et employés des hôpitaux publics ont été forcés par leur direction à participer à la manifestation pro-pouvoir. M. Poutine a reconnu de telles pressions, tout en estimant qu'il s'agissait de faits isolés.
Ailleurs en Russie, des rassemblements de plusieurs milliers de personnes ont eu lieu dans une dizaine de grandes villes, selon des responsables de l'opposition, notamment Ekaterinbourg, Saint-Petersbourg, Krasnoïarsk ou encore Novossibirsk, où 2 000 personnes sont descendues dans la rues par -21 C°.
LEMONDE.FR avec AFP | 03.02.12 | 06h25 • Mis à jour le 03.02.12 | 08h00
Douch, le tortionnaire khmer rouge, le 3 février 2012, dans l'attente du verdict de son procès en appel, au Cambodge.Reuters/HANDOUT
Douch, directeur de la prison de Phnom Penh sous le régime cambodgien des Khmers rouges, où 15 000 personnes ont été torturées et exécutées, a été condamné en appel à la perpétuité vendredi 3 février par le tribunal parrainé par les Nations unies dans ce qui est le premier verdict définitif de la juridiction.
L'ex-chef de Tuol Sleng ou S21, la prison centrale de la capitale entre 1975 et 1979, avait été condamné en première instance à trente ans de prison en juillet 2010 pour crimes de guerre et crimes contre l'humanité. Mais la chambre de la cour suprême du tribunal a porté cette peine à "la prison à vie" estimant que le premier jugement n'était pas à la hauteur des crimes du tortionnaire, de son vrai nom Kaing Guek Eav, chef d'un établissement dans lequel quelque 15 000 personnes sont mortes. "Les crimes de Kaing Guek Eav ont compté indubitablement parmi les pires jamais enregistrés dans l'histoire. Ils méritent la peine la plus élevée possible", a déclaré Kong Srim, président de la cour. La peine de mort était exclue par le règlement du tribunal.
Douch, 69 ans, vêtu d'une chemise blanche et d'un blouson crème, n'a prononcé aucune parole ni montré aucune émotion à l'énoncé de la sentence. Il s'est levé, a salué la cour dans la tradition cambodgienne, les deux mains jointes devant le visage. Puis a été emmené dans la cellule attenante à la cour, en banlieue de Phnom Penh, où ses juges ont décidé qu'il devrait finir ses jours.
Ce verdict était celui réclamé par les parties civiles du procès, les rares survivants de S21 et les familles des victimes. La peine de trente ans en première instance lui aurait permis de sortir dans dix-huit ans en tenant compte des années déjà effectuées en détention. Une hypothèse insupportable pour eux. Douch est le premier Khmer rouge jugé par ce tribunal hybride, mis en place en 2006 au terme d'années de négociations entre le régime de Phnom Penh et la communauté internationale.
Après des années passées à se cacher, l'ex-professeur de mathématiques avait été retrouvé en 1999 par un photographe irlandais alors qu'il travaillait pour une organisation non gouvernementale chrétienne. Devant ses juges, lors du premier procès, il avait longuement expliqué la signification des tombereaux de documents et archives découverts dans la prison à la chute du régime. Parmi eux figuraient la compilation des aveux parfois délirants des suppliciés, témoignant plus aujourd'hui de la paranoïa du système que d'un hypothétique complot contre lui. Mais l'accusé avait ensuite abandonné cette stratégie d'aveux et de coopération avec la justice, congédiant son avocat français et réclamant sa libération.
L'énoncé du verdict a été suivi par des centaines de Cambodgiens dans la salle d'audience, dans la banlieue de Phnom Penh. Et par des milliers d'autres suspendus à leur télévision dans un pays où cette période de l'histoire, qui n'a épargné aucune famille, est longtemps restée taboue. Un second procès, qui juge les trois plus hautes personnalités du régime encore en vie, toutes octogénaires, a débuté fin 2011. Il a été découpé en segments distincts, dans l'espoir d'arriver à un premier verdict avant que les accusés, qui plaident non coupable, n'emportent leur sombre vérité dans leur tombe.
Le Mouvement du 23 juin (M23), qui regroupe des représentants de l'opposition et de la société civile du Sénégal, a promis une "nouvelle stratégie" face à la "répression", laissant entendre que des manifestations similaires pourraient avoir lieu dans les prochains jours.
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La police sénégalaise disperse la manifestation de l'opposition
LEMONDE.FR avec AFP | 31.01.12 | 21h56 • Mis à jour le 31.01.12 | 23h48
Des manifestants opposés au président sénégalais Abdoulaye Wade ont défilé mardi 31 janvier 2012 à Dakar.REUTERS/STRINGER
La police anti-émeute sénégalaise a dispersé mardi 31 janvier au soir à Dakar un rassemblement de milliers d'opposants à l'aide de gaz lacrymogènes, ont constaté des journalistes de l'AFP.
Le Mouvement du 23 juin (M23), qui réunit l'opposition politique et la société civile, avait appelé à ce rassemblement pour exiger le retrait de la candidature à l'élection présidentielle d'Abdoulaye Wade, 85 ans dont douze au pouvoir, dont la validité a été confirmée dimanche par le Conseil constitutionnel. Ce mouvement juge cette candidature anticonstitutionnelle.
Malgré la présence de quelques groupes d'adolescents un peu échauffés, la manifestation s'est déroulée sans aucun incident jusque vers 18 h 30, sous la surveillance d'un cordon d'environ 150 policiers anti-émeute. Peu avant la dispersion, les esprits de jeunes s'étaient échauffés et ils semblaient vouloir en découdre avec les forces de sécurité situées à environ 300 mètres de la place où avait lieu le rassemblement, organisé contre la candidature du chef de l'Etat Abdoulaye Wade à la présidentielle de février. Une journaliste de l'AFP a vu une femme blessée à la jambe.
Les policiers ont investi la place de l'Obélisque, jonchée de cailoux, après la dispersion, mais plusieurs d'entre eux se sont engagés dans les ruelles qui la borde pour poursuivre des manifestants. La journaliste de l'AFP a vu des pneux enflammés dans ces ruelles.
Des véhicules pick-up chargés de policiers circulaient pour disperser de petits groupes de jeunes à coups de gaz lacrymogènes. La circulation n'a cependant pas été interrompue autour de la place. Un des leaders du M23, Moustapha Niasse, ex-premier ministre du président Wade devenu opposant et lui-même candidat à la présidentielle, a dû se réfugier dans une maison pour échapper aux gaz.
Le coordonateur du M23, Alioune Tine, a été libéré, mardi 31 janvier, après avoir été retenu deux jours par les autorités.AFP/Toure BEHAN
Ce rassemblement s'est tenu après des violences qui ont éclaté le 27 janvier à Dakar et dans d'autres villes à l'annonce de la validation de la candidature de M. Wade. Un policier avait été tué, plusieurs personnes blessées, des bâtiments incendiés. Lundi, deux personnes ont été tuées et plusieurs blessées lors d'une marche d'opposants à Podor, dans le nord du pays.
Alioune Tine, coordonnateur du mouvement et figure respectée au Sénégal ainsi qu'en Afrique de l'Ouest pour son action en faveur de la défense des droits de l'homme, a été libéré lundi soir après plus de quarante-huit heures de garde à vue pendant laquelle il a été interrogé sur son rôle présumé dans ces violences. Aucune charge n'a finalement été retenue contre lui.
Pour le M23 la candidature de Wade est un "coup d'Etat constitutionnel", arguant qu'il a épuisé ses deux mandats légaux, en 2000 et 2007, ce que récusent ses partisans selon qui il est en droit de se représenter après des modifications de la Constitution.
Toutefois, le mouvement du 23 juin "a pris la décision formelle de ne pas du tout boycotter l'élection présidentielle à venir", a déclaré Moustapha Niasse, l'un des 14 candidats autorisés par le Conseil constitutionnel à se présenter à la présidentielle. "Nous ne boycotterons pas le scrutin présidentiel prochain parce que cela ferait trop plaisir à Wade et à son système. On lui ferait le lit, avec les draps, les coussins, les oreillers et le parfum en plus", a-t-il dit. Selon lui, "ce serait une grave erreur, parce que c'est faireélire Wade dont nous refusons la candidature jusqu'à aujourd'hui".
Le chanteur et candidat à la présidentielle sénégalaise Youssou N'Dour a vu sa candidature invalidée par la Cour constitutionnelle.AFP/JULIEN TACK
Cette formule de "coup d'Etat constitutionnel" a également été utilisée mardi par le célèbre chanteur Youssou N'Dour dont la candidature a été rejetée par le Conseil constitutionnel : il a appelé "à manifester dans la paix" contre ce "coup d'Etat" et réclamé la démission du Conseil. "Il y aura des initiatives qui vont bloquer le pays, a-t-il dit sans préciser lesquelles. Nous avons une stratégie autour du refus du coup d'Etat civil qu'on ne voit pas, mais qu'on vit."
Policier irakien lors d'une opération dans un quartier de Bagdad, le 29 janvier 2012.REUTERS/THAIER AL-SUDANI
L'Irak a exécuté, mardi 31 janvier, 17 condamnés à mort, a indiqué mercredi un communiqué du ministère de la justice, ce qui porte à 51 le nombre de mises à mort depuis le début de l'année 2012. Depuis le début de l'année, deux femmes et un Syrien, condamnées pour des "crimes terroristes" et de droit commun, ont été exécutés.
"Le ministère la justice a exécuté mardi les sentences de 17 Irakiens condamnés à mort dans des affaires de terrorisme et des activités criminelles selon les articles 4 et 406 du code pénal", indique le communiqué. "Le ministère continuera à exécuter les sentences contre les criminels conformément à la loi et la Constitution", ajoute le communiqué.
"En 2011, 68 personnes ont été exécutées, dont trois Irakiennes et trois (étrangers) arabes condamnés à mort - un Tunisien, un Egyptien et un Marocain", indiquait, jeudi 26 janvier, le porte-parole du ministère irakien de la justice Haïdar Al-Saadi. "Toutes les exécutions par pendaison ont eu lieu à Bagdad et 99 % des suppliciés avaient été condamnés à mort pour terrorisme", a-t-il ajouté.
"C'EST UN NOMBRE TERRIFIANT D'EXÉCUTIONS"
Navi Pillay, le Haut Commissaire de l'ONU aux droits de l'homme, a appelé, le 24 janvier, les autorités de l'Irak à établir un moratoire en vue d'abolir la peine de mort, après une série d'exécutions. Mme Pillay s'était dite "choquée" par la condamnation et l'exécution, le même jour, de 34 personnes, accusées de divers crimes. "Même si les normes les plus scrupuleuses en termes de procès équitable ont été observées, c'est un nombre terrifiant d'exécutions (...) en une seule journée", a observé la responsable des droits de l'homme à l'ONU.
Et, a-t-elle fait valoir, "étant donné le manque de transparence des procédures judiciaires, ainsi que les fortes inquiétudes quant à l'équité des procès (...) et le très large éventail d'infractions pour lesquelles la peine de mort peut être imposée en Irak, c'est vraiment un chiffre choquant".
Le Haut Commissariat de l'ONU estime à plus de 1 200 le nombre de personnes condamnées à mort en Irak depuis 2004, mais il ne dispose en revanche pas de statistiques complètes sur les exécutions. En Irak, la peine de mort peut être appliquée pour 48 types de crime, dont – sous certaines circonstances – celui de "dommage aux biens publics", selon l'ONU.
LE MONDE GEO ET POLITIQUE | 29.01.12 | 14h48 • Mis à jour le 29.01.12 | 14h48
La crise du chinchard frappe de plein fouet le Chili, où les responsables du secteur de la pêche et les autorités reconnaissent qu'il y a eu de graves excès au cours des années dépourvues de toute réglementation qui ont caractérisé ce qu'ils appellent la "compétition olympique". Ainsi, au cours de l'année 1995, les Chiliens ont pêché à eux seuls plus de 4 millions de tonnes de chinchards. Cela représente huit fois la quantité que les scientifiques de la SPRFMO estiment pouvoirêtre débarquée de façon responsable en 2012. Entre 2000 et 2010, le Chili a débarqué 72 % de tout le chinchard capturé dans le Pacifique sud.
Juan Vilches, un patron de pêche, se souvient de cette époque. "Le massacre était énorme, incroyable. Personne ne connaissait la moindre retenue, dit-il. Des centaines de tonnes étaient rejetées par-dessus bord quand les filets attrapaient plus de poisson que ce que les cales pouvaient contenir."
Depuis, les choses ont changé. Pourtant, d'après l'enquête de l'International Consortium of Investigative Journalists (ICIJ) menée en collaboration avec le centre d'investigation chilien Ciper, il ressort que huit groupes disposant d'un quasi-monopole ont fait pression sur le gouvernement pour qu'il fixe des quotas supérieurs aux recommandations des scientifiques. Six de ces groupes sont contrôlés par de puissantes familles. Ensemble, ces huit groupes ont droit à 87 % des prises de chinchard accordées au Chili.
HÉRITIER ET SUCCESSEUR DE L'HOMME LE PLUS RICHE D'AMÉRIQUE DU SUD
Roberto Angelini, 63 ans, contrôle la zone de pêche au nord du pays. On le surnomme "l'héritier", car il a succédé à son oncle, Anacleto, qui mourut en 2007 alors que le magazine Forbes s'apprêtait à le classer homme le plus riche d'Amérique du Sud. Les deux entreprises de pêche d'Angelini détiennent 29,3 % du quota de chinchards fixé par le gouvernement chilien. Elles assurent 5,5 % de la production mondiale de farine de poisson.
Un rapport officiel indique qu'environ 70 % des chinchards pêchés entre 1998 et 2011 dans le fief septentrional d'Angelini étaient inférieurs à la taille autorisée. Si l'on s'en tenait à la loi, la moitié de ces prises devraient être considérées comme illégales. Mais les responsables gouvernementaux affirment que les prises opérées dans ce secteur nord appartiennent à une catégorie spéciale relevant de la "recherche", et qu'à ce titre elles ne sont pas soumises à une taille réglementée. Angelini s'est refusé à tout commentaire à ce sujet.
A l'université de Concepcion, le ton habituellement calme du biologiste marin Eduardo Tarifeño se durcit lorsqu'il aborde la question du pillage des océans. D'après lui, la sardine est le seul poisson qui subsiste en relative abondance au Chili. "Il n'y a plus ni chinchard, ni colin, ni anchois péruvien. Les pêcheries qui produisaient 1 million de tonnes ou plus chaque année ont été tout simplement épuisées par la surpêche des grandes compagnies." Tarifeño est l'un des deux seuls scientifiques siégeant au Conseil national chilien des pêcheries (CNP), mis en place pour recommander des quotas. Les votes se font à la majorité, et 60 % des membres sont des industriels de la pêche.
Selon Oceana, organisme à but non lucratif qui milite pour la protection des océans et qui a étudié les chiffres non publiés des quotas, l'Institut de promotion des pêches (IFOP), un organisme officiel de recherche, a demandé en 2009 une forte réduction des prises, à 750 000 tonnes. Le sous-secrétariat aux pêcheries (Subpesca), qui dépend du ministère de l'économie chilien, a porté ce chiffre à 1,4 million de tonnes, et le CNP a donné son accord. La nouvelle loi sur les pêcheries qui devrait être adoptée cette année transférera le rôle du CNP à un groupe d'experts cooptés.
Mais, d'après Tarifeño, on a tellement tardé que seules des mesures radicales pourraient enrayer le déclin irrémédiable des stocks. "Si nous ne sauvons pas le chinchard aujourd'hui, a-t-il déclaré à l'ICIJ, nous ne pourrons plus jamais le faire. La seule solution est une interdiction totale de la pêche pendant au moins cinq ans."
Au secrétariat des pêcheries de Valparaiso, Italo Campodonico s'avoue partagé sur la question. "En tant que biologiste halieute, je ne peux qu'être d'accord, dit-il. On devrait en effet décréter une interdiction de cinq ans. Mais en tant que fonctionnaire, je dois être réaliste. Pour des raisons économiques et sociales, cela n'arrivera pas. Les étrangers peuvent allerpêcher ailleurs. Pour nous, c'est impossible."
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Au Pérou, la fraude porte sur la moitié des prises réelles
LE MONDE GEO ET POLITIQUE | 29.01.12 | 14h47 • Mis à jour le 29.01.12 | 14h48
Le Pérou est le deuxième acteur mondial de l'industrie de la pêche après la Chine. Le port délabré de Chimbote - le plus important du pays - débarque à lui seul plus de poissons pêchés que la totalité de la flotte espagnole en un an. Le problème ici n'est pas seulement la surpêche du chinchard, mais aussi celle de l'anchois péruvien, source essentielle de farine de poisson destinée à l'aquaculture.
L'anchois du Pérou figure en première place de la pêche mondiale. Si les exportations de farine de poisson représentent un secteur important au Chili - environ 535 millions de dollars annuels (412,6 millions d'euros) -, elles pèsent le triple au Pérou : 1,6 milliard de dollars. Des règlements indiquent les procédures à suivre lorsque les bateaux trouvent du poisson. Mais lorsque nous leur demandons quand ils ont vu des inspecteurs pour la dernière fois, les deux vieux pêcheurs que nous interrogeons se regardent et éclatent de rire.
L'International Consortium of Investigative Journalists (ICIJ), avec l'aide des enquêteurs du groupe IDL-Reporteros de Lima, a pu se procurer les chiffres de la base de données officielle des prises, laquelle montre l'ampleur de la fraude qui sévit derrière les grilles des usines. Une analyse de plus de 100 000 pesées de prises allant de 2009 au premier semestre 2011 montre que la plupart des entreprises péruviennes de production de farine de poisson ont systématiquement triché sur la moitié des débarquements - dissimulant parfois jusqu'à 50 % des prises réelles. Ces fraudes permettent aux entreprises de remonter plus de poissons que ce qu'autorisent les quotas, afin d'économiser sur les impôts et les taxes par tonne, mais aussi sur les salaires des pêcheurs, qui sont rémunérés selon un pourcentage sur les prises.
En tout, ce sont au moins 630 000 tonnes d'anchois - d'une valeur de près de 200 millions de dollars une fois transformés en farine - qui se sont "volatilisées" en deux ans et demi au cours des opérations de pesée. Elles n'ont tout simplement pas été comptabilisées. La palme de la fraude revient aux Péruviens, mais on trouve aussi parmi les principaux tricheurs le China Fishery Group, qui appartient à la holding PacAndes, et trois entreprises à capitaux norvégiens. Quand elles sont confondues, les compagnies peuvent retarder les sanctions pendant quatre ans et ne payer au final qu'une fraction des amendes qui leur sont infligées.
LEMONDE.FR avec AFP | 30.01.12 | 10h48 • Mis à jour le 30.01.12 | 15h27
Le dalaï-lama, ici à Dharamsala le 6 avril 2011, ne s'oppose pas à ce que le Tibet reste dans le giron chinois, contrairement aux affirmations de Pékin, qui l'accuse d'être un dangereux "séparatiste".REUTERS/STRINGER/INDIA
La presse chinoise a tiré à boulets rouges lundi 30 janvier sur les pays occidentaux, leur reprochant de "travestir les faits", ainsi que sur le dalaï-lama, qu'elle a accusé de "trahir" sa religion, après des manifestations de Tibétains violemment réprimées dans le sud-ouest de la Chine. "Il n'est pas rare que des gouvernements occidentaux ainsi que le soi-disant gouvernement tibétain en exil gonflent et déforment des incidents, a assuré dans un éditorial le quotidien officiel China Daily. Le dalaï-lama trahit sa position religieuse dans les régions à population tibétaine. […]Lui et ses partisans prennent en otage l'intérêt général des habitants de ces régions afin de satisfaire leurs propres intérêts : ceux de la clique des Tibétains en exil."
Les policiers chinois sont accusés par des associations d'avoir ouvert le feu par trois fois la semaine dernière contre des manifestants dans une région tibétaine de la province du Sichuan, faisant des morts et des dizaines de blessés. Les Etats-Unis se sont dits "très inquiets" par ces violences. Pékin a admis que deux Tibétains avaient été tués, dont l'un abattu par sa police. Le pouvoir communiste a affirmé que les forces de sécurité avaient riposté contre des "gangs" notamment formés de moines, qui auraient saccagé des commerces et attaqué la police.
"UN MANIPULATEUR"
Les autorités chinoises ont empêché la presse étrangère de se rendre sur place et ont fortement entravé l'Internet et les communications téléphoniques. "Le dalaï-lama n'est ni plus ni moins qu'un manipulateur représentant le groupe exilé. Pour eux, les gens ordinaires des régions tibétaines ne sont que des outils qu'ils continueront à exploiter, en les exposant même à un plus grave danger", a de son côté jugé le journal Global Times. "Dans notre monde actuel, il suffit de quelques extrémistes pour ébranler une région, il suffit de voir le camp mené par le 'leader spirituel' dalaï-lama, largement soutenu par l'Occident", a ajouté ce quotidien nationaliste.
Le dalaï-lama ne s'oppose pas à ce que le Tibet reste dans le giron chinois, contrairement aux affirmations de Pékin, qui l'accuse d'être un dangereux "séparatiste". Mais le chef spirituel tibétain, exilé en Inde, a accusé le pouvoir communiste de "génocide culturel" dans les régions tibétaines. Les Tibétains accusent aussi les Hans, ethnie dominante en Chine, de coloniser inexorablement leur territoire et de fairedisparaître leur culture.
Régis Soubrouillard - Marianne | Vendredi 27 Janvier 2012 à 15:01
Trois ans après 2008, les manifestations d'opposition et de dissidence redoublent de vigueur. Face aux immolations, le gouvernement chinois emploie la force. Tir à vue, homicides, arrestations, et bouclage électronique de la région, le régime renoue avec la tradition maoïste dans une indifférence mondiale de plus en plus grande.
Image d'un moine s'immolant à Dawu dans le Sichuan
Il est de moins en moins dit que c'est avec le bouddhisme -tibétain- que la Chine trouvera la paix intérieure... Jamais depuis 2008, les troubles n’ont été aussi violents, sévères et jamais le Parti Communiste n’a exercé une répression aussi sévère dans la région. Fait nouveau, les incidents qui opposent Tibétains et forces de sécurité chinoises se propagent désormais dans les zones de peuplement tibétain de la province voisine du Sichuan.
C’est le monastère de Kirti, que décrit l’essayiste tibétaine Tsering Woering, qui incarne ces nouvelles poches de résistance. Des moines jusqu’au-boutistes lassés des vieilles lunes autonomistes régulièrement agitées par Pékin et qui réclament leur indépendance. Le premier bonze du monastère, Phuntok Jarutsang, 20 ans, s'est immolé le 16 mars 2011, trois ans jour pour jour après les émeutes anti-chinoises de Lhassa. Sa mort le lendemain a provoqué des émeutes dans de nombreuses régions du Tibet.
« Le monastère de Kirti, situé à Aba, dans le Sichuan, est le conservatoire de la religion et de l’activité militante. Pour la première fois, des Tibétains ont ressorti leur drapeau et affirmé leurs revendications indépendantistes. Ces monastères du Sichuan étaient jusque là beaucoup plus tranquilles que ceux du Tibet. Ils constituent désormais de véritables poches de résistances. Très peu de moines tibétains affichent ce comportement. Il faut savoir que le suicide est sévèrement condamné par le bouddhisme » explique la sinologue Marie Holzman. D'où les manifestations et rassemblements après chaque immolation.
Seize immolations par le feu depuis mars 2011
Selon des organisations de défense des Tibétains, les forces de l'ordre ont ouvert le feu lundi sur une manifestation rassemblant des Tibétains non armés dans une région tibétaine de la province du Sichuan, faisant au moins un mort et des dizaines de blessés. Le gouvernement tibétain en exil (CTA), dont le siège est à Dharamsala, en Inde, a évoqué un possible bilan de six morts parmi les manifestants, en citant des témoins. Le gouvernement parle d’un « gang » manipulé par l’étranger qui s’en serait pris aux forces de l’ordre. Selon l'ONG Free Tibet, la manifestation constituait une riposte à l'arrestation plus tôt lundi de Tibétains accusés d'avoir distribué des tracts portant le slogan « le Tibet a besoin d'être libre ».Ces tracts affirmaient aussi que de nombreux Tibétains se déclaraient prêts à s'immoler par le feu. Depuis mars 2011, l’association freeTibet a dénombré 16 immolations par le feu de moines bouddhistes.
Le ministre chinois de la Sécurité publique Meng Jianzhu s’est rendu au monastère tibétain de Kirti, en décembre dernier après ces séries d’immolations. Il a dit souhaiter que les moines « continuent à œuvrer pour la promotion de l’enseignement patriotique et religieux, pour la solidarité entre ethnies, le développement économique et le progrès social ».Pas de quoi rassurer les ONGqui estiment que les récents suicides publics des moines illustrent surtout le désespoir face à la répression religieuse et culturelle menée par Pékin dans les régions tibétaines.
Depuis avril 2011, le monastère de Kirti a, en effet, des allures de camp retranché, les 2.500 lamas qui y vivent ne peuvent plus le quitter : « présence policière permanente, un millier de militaires, barbelés et postes d’observation ont été mis en place sur l’ensemble du périmètre » détaille Human Rights Watch qui évoque des mesures policières provocatrices et dénonce l’augmentation des dépenses de sécurité dans la région depuis 2006 (5 fois plus importante que dans les zones non-tibétaines du Sichuan). « La réaction du gouvernement chinois face au mouvement de protestation s'est traduite par des arrestations massives, des incarcérations et probablement des homicides commis par les forces de sécurité. Parmi les personnes arrêtées figurent 300 moines du monastère de Kirti, que les autorités ont dit avoir envoyés suivre un programme d'«éducation patriotique».
Sûr que les événements de ces derniers jours n'ont rien arrangé.
Depuis des années, une forme de rééducation patriotique est à l’œuvre dans cette région qui compte de nombreux monastères tibétains. En 2008, avant les Jeux-Olympiques, c’est encore la manière douce que Pékin privilégiait, proposant des sommes d’argent aux moines pour rejeter le Dalaï Lama ou les menaçant d’expulsion en Inde.
L'ordre de tirer à vue
Les Jeux Olympiques constituent, à ce titre, une période charnière : « La Chine a raté son épreuve de légimitation.Les Jeux n’ont pas eu l’effet escompté en terme d’image. La presse internationale a pu apprécier les méthodes chinoises. Le régime a beaucoup perdu en légitimité, mais entend bien conserver son autorité sur son territoire » estime Marie Holzman, « l’exemple de l’URSS est à ce titre édifiant. On sait que le système fonctionne de telle façon qu'il interdit tout rebondissement. Toute forme d’ouverture est exclue. On l’a vu avec Gorbatchev, c’est alors tout le système qui s’effondre. C’est ce qui explique, à mon avis, le recours à la manière forte. Outre le Tibet, des dissidents très peu connus, dont le régime pourrait très bien s’accommoder sont régulièrement condamnés à des peines de 10 ans de prison ».
Encore plus inquiétant, dans la lettre Alerte Sécurité Sans Frontière, on parle désormais de « tirer à vue » : «d’importantes difficultés dans les déplacements ont pu être observées alors que des renforts policiers prenaient la direction de Luhuo et Seda (Serthar en tibétain), où se sont déroulés les récents heurts, depuis Chengdu, capitale de la province du Sichuan (sud-ouest). Des permissions octroyées pour les célébrations du nouvel an chinois auraient ainsi été annulées. Cet important déploiement a également été constaté dans le quartier tibétain de Chengdu. Les communications téléphoniques et Internet auraient été coupées par les autorités. Selon Bahukutumbi Raman, ancien chef de la division de contre-terrorisme de l’agence indienne de renseignement extérieur (RAW), un couvre-feu aurait été imposé et les policiers chinois auraient reçu pour ordre de tirer à vue dans le comté de Draggo (Luhuo en chinois, dans le Sichuan)».
La tentative d'immolation des jeunes diplômés chômeurs à Rabat
(De Rabat) Il avait 27 ans. Il était diplômé, et chômeur. Abdelwahab Zeidoun, l'un des deux jeunes Marocains qui se sont immolés lors d'une manifestation la semaine dernière à Rabat, est mort mardi des suites de ses blessures.
Le 18 janvier, trois diplômés chômeurs (Abdelwahab Zeidoun, Omar Akaoui et Mahmoud El Haouas, tous trois titulaires de masters) qui revendiquent une intégration dans la fonction publique, se sont aspergés d'essence devant une annexe du ministère de l'Education nationale. Deux d'entre eux (dont Zeidoun) ont été grièvement brûlés. Mahmoud El Haouas est toujours en soins intensifs.
Une centaine de diplômés chômeurs exclus des listes d'un accord conclu avec le précédent gouvernement en juillet dernier occupaient le bâtiment depuis le 5 janvier. Avant le drame, les forces de l'ordre les encerclaient et bloquaient leur ravitaillement en nourriture et en médicaments.
Des coups parce qu'il récupérait du pain
Alors qu'une manifestation de soutien se déroulait, les trois hommes ont versé de l'essence sur leurs vêtements et ont menacé de s'immoler par le feu si on ne les laissait pas accéder à la nourriture de l'autre côté du cordon sécuritaire.
C'est en voulant récupérer du pain, déposé par des soutiens, et après les coups des forces de l'ordre, que l'un d'entre eux se serait soudainement enflammé. C'est à ce moment-là que, d'après plusieurs militants et témoins, Zeidoun a voulu secourir son ami, oubliant – peut-être – qu'il s'était aspergé d'essence.
« Dans le cas présent, il ne s'agit pas d'un suicide. Les diplômés chômeurs étaient dans un sit-in ouvert. […] Dans la bousculade, l'un d'entre eux à pris feu et, les autres, dans un réflexe pour secourir leur camarade, ont également pris feu en oubliant qu'ils étaient aussi imbibés d'essence », affirme Abdullah Abaakil, militant du Mouvement 20 Février.
Mercredi, plusieurs centaines de diplômés chômeurs, rassemblés devant le Parlement et ensuite le lieu du drame, ont demandé l'ouverture d'une enquête sur le décès de Zeidoun.
« Ce mépris conduit à ces drames »
Quelques heures après l'annonce de la mort de Zeidoun, le Mouvement 20 Février observait un sit-in devant le bâtiment. Pour ses militants, Zeidoun est un martyre.
« Zeidoun mat ma9toul al nidam houa al mas'oul ! » (Zeidoun a été tué, c'est le système qui est responsable ! )
Lors de la manifestation, ils ont aussi rendu hommage à Kamal Amari (mort le 2 juin, suite à des violences policières, d'après le Mouvement) et à Fadoua Laroui, la « Bouazizi marocaine », une jeune femme de 25 ans qui s'est immolée par le feu le 21 février dernier, après le refus des autorités de lui accorder un logement social parce qu'elle était mère célibataire.
Manifestation après la mort du jeune immolé
Selon Yassine Bazzaz, un militant du Mouvement 20 février, l'Etat marocain est responsable de la mort de Zeidoun.
« C'est vraiment désolant de voir des jeunes de ce pays s'immoler par le feu et perdre tout espoir de vivre dignement dans leur pays malgré tous les efforts qu'ils ont fait pour avoir les diplômes qui leur permettront d'accéder à l'emploi.
L'Etat marocain est bien évidement responsable parce que la Constitution garantie le droit au travail. Mais dans la pratique c'est autre chose, la politique de l'emploi se base essentiellement sur le clientélisme. »
Abdullah Abaakil partage un point de vue similaire :
« Je suis touché et, comme l'ensemble du Mouvement, je me sens particulièrement concerné. Nous avons là un exemple de ce à quoi le refus d'écouter le mouvement social par ce régime autoritaire peut mener et, comme nous le craignions, ce mépris conduit à ces drames.
La nécessaire remise en cause profonde à laquelle le Mouvement du 20 Février appelle reste d'actualité si nous souhaitons que cela s'arrête et que notre pays et ses citoyens repartent sur de bonnes bases. »
Face au récent durcissement du mouvement des diplômés chômeurs, les réactions au sein du nouveau gouvernement ont été prudentes.
« C'est un incident regrettable et douloureux que nous ne souhaitons à aucun jeune », a déclaré à l'AFP le nouveau ministre de la Communication et porte-parole du gouvernement, Mustapha Khelfi, à la suite de l'annonce du décès de Zeidoun.
« Le gouvernement veut trouver une solution pratique à ce problème dans le cadre d'un dialogue constructif. »
Dès sa nomination, le Premier ministre Abdelilah Benkirane s'était dit prêt à rencontrer les diplômés chômeurs et à écouter leurs revendications.
Radicalisation du mouvement
Manifestation en hommage à une jeune immolée, le 8 mars 2011 à Rabat (Ilhem Rachidi)
Les diplômés chômeurs manifestent à travers le Maroc depuis des années de façon quasi quotidienne pour obtenir un emploi dans la fonction publique, dans l'indifférence quasi générale.
Selon l'agence marocaine de l'emploi, 27% des diplômés sont au chômage, et plus de 30% des moins de 34 ans sont sans emploi.
Ces dernières semaines, leur mouvement est monté en puissance et a multiplié les manifestations.
Fin décembre, les diplômés chômeurs marchaient vers les locaux du PJD (Parti Justice et développement), qui a remporté les dernières élections législatives.
Le 4 janvier, à Taza, des accrochages entre des diplômés chômeurs qui tenaient un sit-in devant le siège de la province et les forces de l'ordre faisaient une vingtaine de blessés dans les deux camps.
Plus inquiétant, vendredi dernier, 70 chômeurs menaçaient de commettre un suicide collectif s'ils n'étaient pas recrutés par l'OCP (Office chérifien des phosphates) dans la région de Benguerir, l'une des plus pauvres du pays.
Mardi, Abderrahim Bougrini, un retraité, est mort après s'être immolé par le feu dans le tribunal de première instance de Kelaa Sraghna, dans la région de Marrakech.
L'immolation, « bien un acte politique »
Pour Mehdi Bouchoua, militant, ces immolations, qui interviennent dans un contexte différent de celui du suicide de Bouazizi l'an dernier, et qui ne génèrent pas de « rage » chez les citoyens marocains, sont un phénomène social encore méconnu, complexe, qui exprime plutôt des revendications économiques.
Mais d'après Abaakil, l'immolation est bel et bien devenue un acte politique.
« Il s'agit bien d'un acte politique. […] C'est un acte désespéré, que le Mouvement comprend mais n'encourage pas, fidèle à son militantisme pour la vie de ses concitoyens, et non la mort. »
| 26.01.12 | 16h11 • Mis à jour le 27.01.12 | 07h26
Au Mexique, pour faire face à une sécheresse historique, le gouvernement a annoncé un plan d'aide de 1,9 milliard d'euros.Reuters
Mexico Correspondance - Les agriculteurs mexicains ont remporté une première victoire contre la sécheresse historique qui frappe la moitié du Mexique. Mardi 24 janvier, le président Felipe Calderon a annoncé un plan d'urgence de 33,8 milliards de pesos (1,9 milliard d'euros) pour affronter les pénuries d'eau dans 19 des 32 Etats du pays.
"Ce succès ne suffira pas devant l'ampleur des dégâts", met cependant en garde Abraham Montes, dirigeant de la Confédération mexicaine paysanne (CNC), membre de la Caravane de la faim qui a parcouru, du 16 au 22 janvier, plus de 2 000 km en direction de Mexico pour dénoncer le manque d'aides publiques.
"Nous sommes les "indignés" des campagnes !", a martelé M. Montes aux côtés de centaines de paysans du nord et du centre du Mexique, qui ont traversé les Etats les plus affectés. A Mexico, les 10 tracteurs et 40 chevaux de la caravane ont bloqué durant trois jours une avenue du centre-ville pour alerter les autorités sur l'urgence de la crise, provoquée par la plus forte sécheresse depuis soixante et onze ans, encore renforcée par le déficit hydrique lié au gel hivernal de 2011.
Conséquence : 2 millions d'hectares de cultures ont été dévastés et 450 000 têtes de bétail sont mortes dans 1 200 municipalités du pays, selon le ministère de l'agriculture."Depuis un an et demi, le manque de pluie nous empêche d'arroser les cultures, de nourrir les bêtes et de produire des graines pour semer la saison prochaine, raconte Roque Solis, éleveur de bovins dans l'Etat de Chihuahua (nord). J'ai déjà perdu 30 de mes 200 vaches. Les autres mourront aussi si l'aide publique n'arrive pas d'ici le mois de mai."
Chihuahua est l'une des régions les plus affectées par la baisse des précipitations, évaluée entre 40 % et 50 % par rapport au niveau pluvial habituel. Même paysage de désolation dans les Etats de Coahuila (nord-ouest), Durango (nord-ouest), Zacatecas (nord) et San Luis Potosi (nord-est), où des carcasses de boeufs gisent sur des sols craquelés. Pis, certaines municipalités n'ont plus d'eau potable. "Les conséquences risquent d'être dramatiques puisque trois de ces cinq Etats produisent 80 % des haricots mexicains, à la base de l'alimentation des populations rurales pauvres. Une part importante de cette production est autoconsommée", s'alarme Alfonso Ramirez Cuellar, dirigeant de l'organisation paysanne El Barzon.
Les 220 000 Indiens Tarahumara sont les plus menacés par la famine. Ils vivent isolés dans les montagnes et canyons arides de l'Etat de Chihuahua. Leur vulnérabilité a ému les Mexicains, après que, mi-janvier, le leader paysan Ramon Gardea a annoncé par Internet les suicides d'une cinquantaine d'Indiens, incapables de nourrir leurs enfants."Cette rumeur est fausse, mais la crise, elle, est bien réelle, avertit Tomas Ruiz, représentant du Conseil suprême des Tarahumara à bord de la Caravane de la faim. En janvier, six Indiens sont morts de faim, après 28 décès similaires en 2011."
Face à l'urgence, les Mexicains se mobilisent pour collecter des vivres dans tout le pays. Le gouvernement a aussi déclenché, en collaboration avec la Croix-Rouge, un plan d'aide qui distribue, depuis le 17 janvier, des milliers de colis humanitaires. "Personne ne mourra du manque d'eau ou de nourriture", s'est engagé, mardi, le président Felipe Calderon, en annonçant son programme contre la sécheresse de près 2 milliards d'euros.
Ce dernier prévoit notamment l'envoi de 40 000 camions-citernes, le forage de puits et la constitution de réserves de maïs et de haricots. "Un investissement sans précédent", a souligné M. Calderon, qui a affirmé que cette sécheresse "était l'une des expressions les plus dramatiques du changement climatique".
Un avis que ne partage pas Humberto Rodarte, spécialiste de l'environnement à l'Institut technologique de Monterrey : "Le réchauffement climatique accentue l'aridité. Mais les conséquences actuelles de la sécheresse sont plutôt liées à la déforestation et à l'irrigation abusive de zones désertiques pour les rendre cultivables. Le plan gouvernemental arrive tard, alors que les Indiens et les petits agriculteurs sont délaissés, depuis des années, par des politiques publiques qui manquent de planification et ne luttent pas assez contre la corruption."
En 2011, seuls 40 % des 937 millions de pesos (54,8 millions d'euros) d'aides contre les pénuries d'eau, alloués à 19 Etats, ont été reversés aux producteurs.
Même scepticisme du côté des organisations paysannes : "Le plan du gouvernement ne règle pas les problèmes de fond, déplore Abraham Montes de la CNC. Sans compter que nos demandes concernant la pénurie de graines ou le contrôle des prix ne sont pas satisfaites."
Mardi, la Caravane de la faim a néanmoins levé son campement au centre de Mexico. Le gouvernement ayant promis de lancer, à partir du 1er février, une nouvelle négociation sur les programmes alimentaires et les aides à la consommation.
"Le temps presse, avertit Alfonso Ramirez Cuellar d'El Barzon. Les prix des aliments de base risquent de flamber." D'autant que la sécheresse devrait perdurer en 2012, selon la Commission nationale de l'eau. "Les migrations des Indiens vers les villes pourraient alors s'accentuer", s'inquiète Abel Rodriguez, spécialiste des Tarahumaras à l'Ecole d'anthropologie de Chihuahua, qui précise qu'environ 20 000 d'entre eux ont déjà quitté leurs terres ancestrales.
| 26.01.12 | 20h52 • Mis à jour le 27.01.12 | 07h20
Dakar Envoyé spécial - Pour une fois, les rappeurs et meneurs du collectif d'opposition Y'en a marre sont restés muets sur scène. Les bras croisés, ils se sont alignés, mardi 24 janvier, sur le devant de l'estrade dressée sur la place sablonneuse de la mairie de Guediawaye, dans la banlieue de Dakar. Le message est inscrit en grosses lettres rouges sur leurs tee-shirts noirs : "Y'en a marre" ou "Faux ! Pas forcé". Leur mutisme signifie : fini le temps du rap saccadé, place à l'action contre la candidature d'Abdoulaye Wade, au pouvoir depuis douze ans.
Le vieux président (au moins 86 ans, selon un état civil approximatif) est sur les rangs pour un troisième mandat malgré une promesse oubliée de se retirer des affaires, malgré les débats acharnés sur la légalité de cette candidature qui agitent la rue, les débits de boisson autant que les bureaux feutrés des juristes.
Vendredi, le Conseil constitutionnel devrait publier la liste des candidats retenus à la présidentielle du 26 février. L'opposition refuse d'y voir le nom d'Abdoulaye Wade, en s'appuyant sur l'article de la Constitution qui, depuis 2001, limite à deux le nombre de mandats présidentiels consécutifs. Le pouvoir rappelle, quant à lui, que cette modification a été adoptée durant le premier mandat de M. Wade, ce qui l'exclurait du champ de la réforme.
Jamais, au Sénégal, une décision du Conseil constitutionnel n'a porté en elle une telle charge explosive. L'opposition promet de transformer en enfer le jour où sera publiée la liste si jamais les cinq juges, tous nommés par le président, valident la candidature du chef de l'Etat. Un enfer dont les flammes pourraient être attisées par des jeunes désespérés dont la conscience politique renaît, malgré la défiance que nombre d'entre eux entretiennent envers les dirigeants des partis traditionnels, pour certains trop vite et impunément enrichis, qui occupent la scène politique depuis tant d'années.
"Les jeunes ont mesuré leurs forces le 23 juin 2011", explique Keyti, militant au sein de Y'en a marre, et rappeur "historique" de ce mouvement musical sénégalais un temps avant-gardiste en Afrique et toujours très politisé. "Ici, le rap a changé les consciences", affirme le trentenaire Keyti. Et il a parfois infléchi le cours de l'histoire, comme lors de la défaite d'Abdou Diouf en 2000 qui mettait fin à quarante ans de pouvoir socialiste au bénéfice d'Abdoulaye Wade, le libéral. Les temps ont changé. "Wade est la source de tous les problèmes", explique aujourd'hui Keyti.
Ce 23 juin, ils ont fait reculer cet inégalable renard de la politique sénégalaise, dont les multiples faits d'armes remontent au temps de son opposition à Léopold Sédar Senghor (président de 1960 à 1980), le père du Sénégal indépendant, puis dans les geôles de son successeur Abdou Diouf.
Sous la pression d'une coalition de militants de la société civile et de l'opposition, Abdoulaye Wade, le pape autoproclamé du sopi (le changement, en wolof) avait fini par retirer un projet de loi iconoclaste qui lui aurait permis, par un tour de passe-passe législatif, d'être réélu avec seulement 25 % des voix. Le président a jeté l'éponge. Trop tard. Il a dressé face à lui une large coalition contestataire regroupée sous la bannière du M23 (Mouvement du 23-juin).
Daouda Thiam, étudiant en licence de sciences politiques à l'université Cheikh Anta-Diop de Dakar (UCAD), était alors en première ligne avec ses amis de l'UCAD devant le Parlement où était débattu le projet de loi. Avec une calvitie précoce pour ses 24 ans, vêtu d'une chemise en coton bordeaux, Daouda n'a pas un look de rappeur.
Chômage endémique
Mais il se reconnaît dans leur discours. "Y'en a marre pousse les jeunes à prendre leur destin en main pacifiquement, à s'inscrire sur les listes électorales et à nous engager", avance-t-il, assis dans sa chambre universitaire où ils s'entassent à 6 dans 15 m2, et où le jeune homme ronge son frein en attendant la fin de la grève des enseignants qui paralyse l'établissement depuis trois mois. "Il y a 70 000 étudiants pour 20 000 places dans les cités, les conditions d'études sont indignes, le pouvoir en est responsable", accuse-t-il.
Personnel médical, transporteurs, éducation nationale... le front social bouillonne. S'y ajoute la pression d'une jeunesse diplômée déprimée par un chômage endémique qui les contraint à l'inaction, aux petits boulots, voire à monter dans des pirogues pour l'Europe. "Le Sénégal n'est pas la Tunisie. C'est une démocratie mais les printemps arabes sont dans les têtes", observe Keyti. "Dans ce pays très organisé politiquement et structuré par les influentes confréries soufies, tolérantes et pacifistes, ils sortent en partie du cadre. Ils peuvent devenir incontrôlables", ajoute Babacar Gueye, le directeur de l'université privée de sciences sociales de Dakar.
Et toute cette colère rentrée se concentre sur la candidature du président Wade. "Il ne doit pas se présenter et nous y arriverons", affirme Daouda en se rappelant la victoire du 23 juin.
Le M23 est coordonné par Alioune Tine, le président de la Raddho (Rencontre africaine pour la défense des droits de l'homme). On y trouve aussi bien des socialistes que d'ex-ministres libéraux de M. Wade tombés en disgrâce et, bien sûr, les jeunes inspirés par les rappeurs de Y'en a marre, auteurs du tonitruant morceau "Abdoulaye. Faux ! Pas forcé" dénonçant la volonté du président de s'accrocher au pouvoir et d'y promouvoir son fils.
A partir de vendredi, Daouda espère donc reproduire le miracle de juin. En face, on minimise le risque. "Il ne faut pas surestimer leur force", avertit Amadou Sall, porte-parole du candidat Wade. "Quelques milliers de personnes ne prendront pas en otage 12 millions de Sénégalais", dit-il, persuadé que la candidature de son chef sera retenue et, mieux, que le 26 février, "il sera élu au premier tour". En attendant, la préfecture de Dakar vient d'interdire toutes les manifestations dans les prochains jours. Le campus de l'UCAD s'en moque.