Presque dix ans après la libération des infirmières bulgares, l'affaire de la contamination par le virus du VIH de centaines d’enfants de Benghazi prend les allures d’un crime d’État unique en son genre. Dans des notes obtenues par Mediapart, l’ancien premier ministre Choukri Ghanem relate que ce sont deux hauts responsables du renseignement libyen qui se sont procuré des « fioles» du virus et l'ont inoculé aux enfants. >English version: Gaddafi regime 'deliberately infected' Libyan children with HIV
Si les faits se confirment, il s’agira d’un crime d’État unique en son genre. Dans des notes posthumes obtenues par Mediapart, l’ancien premier ministre de Libye Choukri Ghanem rapporte que deux hauts responsables du renseignement libyen ont eux-mêmes inoculé, en 1998, le virus du VIH à des centaines d’enfants hospitalisés à Benghazi. Une « opération spéciale » d’empoisonnement qui aurait été avouée devant témoins par le chef du renseignement militaire, Abdallah Senoussi, en 2007, au lendemain de la libération des infirmières bulgares et d’un médecin palestinien accusés à tort.
Abdallah Senoussi et le patron des services spéciaux libyens, Moussa Koussa, se seraient « procuré les fioles de virus contagieux ». Quatre fioles pour Senoussi, vingt-sept pour Moussa Koussa. Et les deux espions auraient coordonné la contamination de 232 enfants à l’hôpital de Benghazi. Leur objectif étant de fabriquer de toutes pièces une tragédie dont ils accuseraient l’Occident. Abdallah Senoussi était déjà mis en cause dans l’attentat contre le DC-10 d’UTA qui avait fait 170 victimes, dont 54 Français, le 19 septembre 1989. La contamination avait fait, en 2006, 52 morts parmi les enfants.
Le manuscrit posthume de Choukri Ghanem, retrouvé par la justice hollandaise en 2013, est désormais entre les mains de magistrats français. Ancien chef du gouvernement (2003-2006) puis ministre du pétrole (2006-2011), Ghanem revient en détail sur le dossier de cinq infirmières bulgares et d’un médecin palestinien, cibles d’un complot judiciaire qui les a jetés en prison pendant huit ans, entre 1999 et 2007.
Son carnet contenait déjà des révélations sur des versements en faveur de Nicolas Sarkozy, dontMediapart a fait état. Après avoir fait défection, l’ancien dignitaire a été retrouvé noyé dans le Danube, à Vienne (Autriche), en avril 2012. Retrouvé par la police hollandaise dans le coffre-fort de son gendre aux Pays-Bas, le document a depuis été authentifié...
A Göteborg, la municipalité tente une expérience originale : faire travailler une partie de son personnel "seulement" six heures par jour pour augmenter sa productivité. Un exemple dont il faut s'inspirer ?
Réduire le temps de travail pour augmenter la productivité... et le bonheur des salariés. Et si c'était cela la clé de la réussite d'une entreprise ? Depuis le mois de février, la mairie de Göteborg teste la semaine de 30 heures dans plusieurs établissements publics de la ville. Pour le même salaire, les employés travaillent désormais six heures par jour à la place de huit.
Le service public n'est pas le seul concerné et de nombreuses sociétés suédoises ont déjà adopté ce nouveau rythme de travail plus souple. A la clé, moins de stress pour les salariés, des embauches et une plus grande attractivité pour l'entreprise.
La municipalité de Göteborg veut donner l'exemple
A l’initiative de Mats Pilhem, maire adjoint de la ville et membre du Parti de Gauche, la municipalité de Goteborg deuxième ville du pays, demande à ses salariés de jouer les cobayes depuis le mois de février. Les employés municipaux du secteur des soins aux personnes âgées ont été divisés en 2 groupes : le groupe A travaille 6h par jour, le groupe B, 8h par jour. A salaire égal. But de l'expérience : comparer la productivité et le bien-être des employés et, peut-être, étendre le nouveau rythme de travail à l'ensemble des services.
A la fin de l'expérience, nous comparerons les deux et on verra ce qui diffère. Nous espérons que le personnel réduira son nombre de congés maladie et qu'il se sentira mieux mentalement et physiquement grâce à des journées plus courtes", expliquait Mats Pilhem, à l'annonce du projet en avril 2014.
A la maison de soins de Svartedalens, le personnel concerné par la diminution du nombre d'heures de travail salue l'initiative, comme le rapporte le "Guardian" : "J'étais tout le temps épuisée, dès que je rentrais du travail, je m'écroulais de fatigue sur le canapé. Désormais, je suis plus alerte : j'ai à la fois plus d'énergie pour mon travail, mais aussi pour ma vie de famille", raconte Lise-Lotte Pettersson, une des 82 infirmières de l'établissement.
Le passage aux 30 heures hebdomadaires a également eu un impact positif sur l'emploi : depuis le mois de février 14 postes ont été créés pour compenser la réduction du temps de travail et la direction de l'établissement dit avoir observé "une amélioration des services" et du "bien-être" des salariés.
Dans le service public... et dans le privé
Non loin de l'établissement de Svartedalens, l'usine d'assemblage Toyota de Göteborg fait figure de précurseur en la matière. Depuis 13 ans, la direction a adopté les journées de six heures pour ses mécaniciens et ses employés de bureau sans jamais revenir sur le principe. Le site fonctionne 12 heures par jour non-stop, et les équipes se succèdent chaque jour à midi.
Quelle contrepartie pour les salariés ? Des pauses plus courtes, mais une production augmentée selon Martin Banck, le directeur : "
Le personnel se sent mieux, il y a moins de turn-over et le recrutement est plus facile.", raconte-t-il.
Selon lui, depuis 2002 et l'arrivée de la journée de six heures, les profits du site ont augmenté de 25% et les salaires des employés se maintiennent au-dessus de la moyenne dans le secteur : environ 3.300 euros par mois contre 2.700 euros.
Pourtant, malgré des premiers retours positifs, l'expérience de la semaine des 30 heures faite par la municipalité de Göteborg pourrait prendre fin dès l'année prochaine, note le "Guardian". Fermement opposé à la réduction du temps de travail, le parti Libéral - qui vient de récupérer la majorité dans la ville - pointe du doigt le coût de l'expérimentation : plus de 850.000 euros par an. "Tout n'est pas qu'une question d'argent", réplique Daniel Bermar, du Left party de Göteborg et qui a soutenu l'expérience à Svartedalens.
L'idée n'est pas de faire les choses pour moins cher, mais mieux."
La tension persiste après la mort atroce, vendredi, de Mouhcine Fikri, vendeur d'espadons. La rue dénonce la «hogra», le mépris, que subissent les plus démunis.
«C’est un martyr, nous voulons lui rendre justice», scandent les manifestants rassemblés place des Nations unies à Casablanca, à quelques pas de la vieille médina. Le tramway est à l’arrêt, la foule piétine les rails, le temps est suspendu aux slogans qui résonnent sur les murs des immeubles alentours. Dignité, justice sociale, stop aux privilèges, se répètent à l’unisson. Un peu plus loin, à l’écart, un homme brandit timidement un dessin qu’il a fait à la va-vite. On y voit un policier, hurlant, une matraque à la main.
La mort dans des circonstances tragiques du marchand de poissons Mouhcine Fikri, vendredi soir à Al-Hoceïma, a véritablement mis le Maroc en émoi. L’homme de 31 ans a été tué alors qu’il tentait de s’opposer à la saisie de sa marchandise par les autorités de la ville. Son camion transportait une cargaison d’espadons, un poisson interdit à la pêche pendant cette saison. Dans un geste désespéré, l’individu se serait précipité dans la benne du camion-poubelle pour récupérer ses poissons. Il s’est fait broyer par la machine sur le champ.
Cette scène atroce, filmée par des anonymes, a fait le tour des réseaux sociaux. La toile s’emballe, l’affaire fait exploser les compteurs de Twitter avec la création du hashtag #jesuismouhcinefikri. L’émotion suscitée s’accompagne d’un élan de solidarité sans précédent, poussant des milliers de personnes à investir les rues d’Al-Hoceïma tout au long du week-end.
«La hogra»
Dimanche, une foule d’anonymes a suivi, dignes et silencieux, le cortège du défunt à travers les collines du village d’Imzouren, dans la campagne d’Al-Hoceïma. Les manifestations se sont ensuite généralisées à une dizaine de grandes villes du pays. A Rabat et à Casablanca, près de 3000 personnes avaient fait le déplacement.
Dans la rue, un mot revient sans cesse, celui de la hogra, le mépris, en dialecte marocain, que subissent les personnes les plus démunies. Parmi les participants, quelques personnalités politiques, venues rendre hommage à la victime, malgré les appels du chef de gouvernement, Abdelilah Benkirane, à ne pas manifester.
A Casablanca, la militante de gauche Nabila Mounib, à la tête de la Fédération de la gauche démocratique (FGD), très médiatisée lors des élections législatives d’octobre, est émue aux larmes. Son parti dénonce la faiblesse de l’Etat de droit, un Etat où «les lois et les réglementations sont appliquées à la tête du client». «Mouhcine Fikri est le maillon faible de la chaîne. On s’attaque à lui car c’est un petit commerçant. Dans un Etat de droit, les marchandises ne sont pas saisies comme ça sans procès-verbal», déplore Nada El Arif, membre de la FGD.
Pas de présence policière
Difficile pour l’heure d’anticiper la suite que prendra cette affaire. Aucun nouvel appel à manifester n’a été lancé à travers le pays. Des lycéens continuent leur sit-in depuis ce matin dans les rues d’Al Hoceïma. «L’œil du cyclone, c’est là-bas, prévient l’éditorialiste Abdellah Tourabi. Il faut y surveiller les réactions. Elles vont dépendre des suites de l’enquête demandée par le roi.»
Le nord du Maroc est une région historiquement très sensible. C’est de là que sont partis les grands mouvements contestataires des années 80, réprimés par Hassan II. La différence réside aujourd’hui dans la nature des manifestations qui ont eu lieu dimanche : dans le calme, sans débordement et quasiment sans présence policière. «C’est le reflet d’un nouvel équilibre qui se crée entre la société et l’Etat marocain. Les gens osent descendre dans la rue et on les laisse manifester», veut croire l’éditorialiste qui refuse d’y voir toute comparaison avec les événements de Sidi Bouzid, déclencheurs le 17 décembre 2010 de la révolution tunisienne.
Mis en examen le 28 octobre en France pour "viol aggravé" et écroué, le chanteur Saad Lamjarred va profiter des largesses du roi Mohammed VI qui souhaite prendre en charge ses frais de justice...
Saad Lamjarred en concert en juillet 2016 à Carthage. - MOHAMMED HAMM/SIPA
Il est un artiste très populaire au Maroc... et le roi le lui rend bien. Mis en examen le 28 octobre en France pour viol aggravé, le chanteur Saad Lamjarred va voir ses frais de justice généreusement offerts par le roi du Maroc MohammedVI, selon une information de l'Agence marocaine de presse ce 21 octobre. Le même, décidément particulièrement attentif au traitement de "sa" star, aurait également conseillé à la famille du chanteur de prendre Maitre Dupont-Moretti comme avocat pour sa défense.
Saad Lamjarred était en France ce week-end dans le cadre d'un concert devant se dérouler le samedi 29 au Palais des Congrès, et qui a finalement été annulé. Il est accusé d'avoir agressé sexuellement une jeune femme de 20 ans dans la nuit du mercredi précédent. C'est dans sa chambre d'hôtel qu'il aurait violenté la jeune femme avant d'abuser d'elle. Selon les premiers éléments de l'enquête, le chanteur de 31 ans avait consommé de l'alcool et des stupéfiants au moment des faits. Son avocat actuel a plaidé la relation consentie :
"Il s'est passé cette nuit-là ce qu'il se passe entre un homme et une femme consentante à 5 heures du matin dans une chambre d'hôtel."
La victime souffre "de lésions traumatiques et est fortement traumatisée. Son récit est tout à fait crédible à ce stade", selon une source proche de l'enquête citée par l'AFP.
En 2010, Saad Lamjarred a déjà été mis en cause pour une affaire de viol, cette fois-ci aux Etats-Unis. Il niait déjà toute implication. Il y risque 25 ans de prison et n'a depuis jamais remis les pieds sur le territoire pour échapper à ces poursuites judiciaires. L'histoire ne dit pas si le roi du Maroc avait déjà proposé son soutien financier à l'époque...
Egalité hommes - femmes : ce que les Islandaises ont à nous apprendre
Le pays est un leader mondial en matière d'égalité entre les sexes. Mais des inégalités subsistent, que les féministes islandaises s'emploient à réduire par tous les moyens.
Lundi dernier, les femmes islandaises ont cessé de travailler à 14h38 tapantes. Elles ont lâché leur ordinateur, leur réunion, leur rayon, leur maison pour se rassembler dans la rue. Objectif : compenser en temps les sous qu'elles gagnent en moins. Et le faire savoir.
Une illustration concrète des inégalités salariales qu'elles subissent dans leur pays, où elles gagnent en moyenne 17% de moins que les hommes. Ce qui signifie que chaque jour, à partir de 14h38, elles travaillent... gratuitement.
Les Islandaises n'en sont pas à leur coup d'essai. De telles grèves ont régulièrement lieu depuis les années 1970. Et d'autres happening viennent compléter la bataille, comme ce hashtag #FreeTheNipple ("libérez le téton") lancé en 2015, qui invitait les femmes à partager des photos d'elle seins nus pour protester contre la censure du corps féminin par les réseaux sociaux.
A chaque fois, les médias étrangers ont été scotchés par le mode et l'ampleur de la mobilisation.
Tout n'est pas rose pour les femmes d'Islande, mais là-bas plus que partout ailleurs, elles bataillent haut et fort pour faire changer les choses. Et ça marche.
"Une discrimination cachée"
La terre de glace, un paradis pour les femmes ? Pourtant pas vraiment. Et la manifestation de lundi est venue le rappeler. "Nos problèmes sont les mêmes qu'en France", résume Brynhildur Heiðar-og Ómarsdóttir, à la tête de l'Association islandaise des droits des femmes, co-organisatrice de la grève des femmes de 2016.
Comme en France, les associations féministes islandaises dénoncent les écarts de salaires, la faible représentation des femmes dans les médias, le plafond de verre dans les entreprises, alors qu'elles sont plus nombreuses que les hommes à l'université : 25% seulement des postes de manager étaient occupés par des femmes en 2012, moins que la moyenne de l'UE.
Sans compter les violences qu'elles subissent. Un rapport publié cette année par l'Association islandaise des droits des femmes pointe par exemple l'écart entre le nombre d'agressions sexuelles et de cas de violences domestiques signalés à la police, et le nombre – bien moindre – de condamnations. Irma Erlingsdóttir, directrice du Centre islandais de recherches sur le genre, résume :
"L'égalité formelle et légale des femmes avec les hommes est acquise, mais les femmes en Islande se heurtent à une discrimination qu'on peut dire indirecte, dissimulée ou cachée. Le patriarcat a la vie dure partout."
Sauf que les Islandaises, et nombre d'Islandais aussi, sont bien déterminés à en venir à bout.
Des féministes en politique
Brynhildur Heiðar-og Ómarsdóttir, "de nature optimiste", a des raisons de l'être. "Tous les partis politiques ont compris que l'intégration des femmes était une question vitale", dit-elle. La question mobilise aussi toute la société, selon la chercheuse Irma Erlingsdóttir :
"Toutes les générations d'Islandaises et les femmes étrangères vivant en Islande se sentent concernées par cette lutte, et les hommes sont très nombreux à y participer activement."
Intégrées très tôt à l'économie et à la société islandaise, restée longtemps agricole – elles occupaient alors les mêmes emplois que les hommes – les Islandaises ont su se mobiliser pour faire avancer leurs droits lorsque l'industrialisation et le développement de la finance ont creusé l'écart avec les hommes.
Les exemples les plus spectaculaires sont ces "grèves des femmes", qui existent depuis 1975. Le 24 octobre de cette année-là, les femmes avaient quitté leurs tâches et plus de 30.000 personnes avaient défilé dans Reykjavik. Près du tiers de la population métropolitaine de l'époque ! Avec le même objectif lors des marches suivantes, 1985, 2005, 2008 et 2016, nous explique Irma Erlingsdóttir :
"Mettre en lumière l’énorme contribution des femmes à la société et à l'économie, et souligner l'absence de reconnaissance de cette contribution comme injustice fondamentale."
Pour batailler contre l'injustice, les féministes ont aussi fait en sorte d'intégrer elles-mêmes le jeu politique pour peser. En 1983, elles ont ainsi créé leur propre parti, l'Alliance des femmes, afin d'entrer au Parlement (avec succès). Thorunn Sveinbjarnardóttir, ministre de l'Environnement entre 2007 et 2009 et ancienne membre de l'Alliance des femmes racontait au "Guardian" avoir "passé les années 1980 à parler de tous les tabous – viol, inceste, violence conjugale [...], des questions désormais grand public".
Le krach, une aubaine
La modernisation de l'économie sur l'île a laissé les femmes de côté et elles ont été durement frappées par son effondrement. Mais le krach de 2008 marque aussi un tournant pour la société islandaise. Brynhildur Heiðar-og Ómarsdóttir, de l'Association des droits des femmes, rappelle que cette crise"a signifié la banqueroute d'une idéologie en même temps que celle de l'économie".
Plus question alors de continuer de confier les responsabilités politiques et économiques au même groupe (d'hommes) qui avaient mené le pays à la faillite : la crise politique qui a suivi l'effondrement du système financier a conduit à la démission du gouvernement conservateur, et des femmes ont pris les choses en main. Amenant l'une d'elles, Jóhanna Sigurdardóttir, au poste de Première ministre d'un gouvernement paritaire.
Jóhanna Sigurdardóttir était aussi la première Première ministre ouvertement homosexuelle. (OLIVIER MORIN / AFP)
L'occasion était trop belle. Lors de son court passage au pouvoir (jusqu'en 2013), l'Alliance, coalition de centre gauche, a beaucoup œuvré en faveur d'une égalité formelle entre les hommes et les femmes. Elle a notamment interdit les clubs de strip-tease, pénalisé l'achat d'actes sexuels et instauré une politique de quotas pour les postes de direction dans les entreprises de plus de 50 salariés.
Aujourd'hui, "la question de l'égalité fait partie du débat national", assure Brynhildur Heiðar-og Ómarsdóttir. Pour leur rappeler leurs engagements, les politiques peuvent compter sur l'impressionnant mouvement féministe islandais et sa capacité à mobiliser, qui n'a pas faibli. Plus de 30 associations féministes ont ainsi participé à l'organisation de la grève et de la marche de lundi.
Mieux : des femmes de tous les âges participent à ces manifestations. "Le féminisme est de plus en plus populaire, notamment chez les jeunes", assure Brynhildur Heiðar-og Ómarsdóttir."La jeune génération est encore plus radicale et prête à se mobiliser."
Le pays le plus paritaire du monde
Il y a quelques jours, ITV consacrait un reportage à une école maternelle qui mettait un point d'honneur à apprendre aux petites filles à être courageuses, et à faire entendre leur voix. Elles seront-peut être les premières à profiter des effets de la mobilisation des citoyens et des politiques en faveur de l'égalité : une société 100% paritaire. La bataille paie. Trois infos pour s'en convaincre :
Sur cette île de 320.000 habitants, 80% des femmes travaillent, notamment grâce à un système de congé parental très performant, partagé entre les deux parents, et dont 90% des pères profitent.
43% des députés islandais sont des députées, et le gouvernement est paritaire.
La première femme élue présidente de la République au suffrage universel au monde était évidemment islandaise : Vigdis Finnbogadottir, en 1980.
Pour toutes ces raisons, l'Islande est considéré comme le pays le plus paritaire du monde. C'est la conclusion du classement du Forum économique mondial sur l'égalité hommes-femmes, dont l'édition 2016 a été publiée ce mercredi et dont l'Islande arrive en tête... pour la huitième année consécutive. La France est 17e. Une donnée à ajouter à la liste des raisons qui en font le meilleur pays du monde (avec les elfes, Björk et le clapping) !
Une organisation citoyenne pour faire pression sur les partis politiques : c’est l’ambition du KOD (Comité de défense de la démocratie), créé l’an dernier en opposition au tournant ultraconservateur pris par Varsovie. Rencontre avec Mateusz Kijowski, son président.
Mateusz Kijowski est l’un des fondateurs du KOD (Comité de défense de la démocratie), une organisation citoyenne créée l’an dernier pour réagir au tournant ultraconservateur opéré par le PiS (Droit et Justice), arrivé au pouvoir à l’automne 2015. Cet informaticien, ancien blogueur, activiste dans différents domaines, est l’une des belles surprises de ces derniers mois en Pologne. Face à un pouvoir qui s’enferme dans des positions de plus en plus radicales – il a cherché à interdire totalement l’avortement, projet finalement abandonné cette semaine –, le KOD est à l’origine des plus grandes mobilisations que le pays ait connues depuis la chute du communisme. Mediapart a rencontré Mateusz Kijowski, maintenant président de l'organisation, à l’occasion d’une visite à Paris.
Mediapart : Quel est l’objectif du KOD ? Est-ce que l’organisation a une ambition politique ?
Mateusz Kijowski : Depuis sa naissance, l’an dernier, le KOD est une organisation politique dans le sens où il a l’ambition de changer la politique en Pologne. Mais nous ne voulons pas devenir un parti, car nous sommes un mouvement citoyen, nous voulons être un partenaire de discussion : de cette manière, nous pouvons discuter avec toutes les formations de l’échiquier politique car nous ne concurrençons personne.
Nous sommes par ailleurs convaincus que la Pologne n’a pas besoin aujourd’hui d’un nouveau parti : ils sont en nombre suffisant et représentent l’ensemble du spectre idéologique. Dans un moment où tout le monde se plaint que les partis soient affaiblis, qu’ils n’écoutent pas les citoyens, qu’ils aient des programmes de piètre qualité, nous voulons travailler à ce qu’ils s’améliorent plutôt que de reproduire les mêmes problèmes.
Ne manque-t-il pas une formation de gauche en Pologne ?
Il y a un manque au parlement, certes… mais des partis de gauche, il y en a plusieurs en Pologne. Il y a bien entendu le SLD [Union de la gauche démocrate, parti social-démocrate, postcommuniste – ndlr], le SDPL [Social-démocratie Pologne – ndlr], Razem [Ensemble, parti alternatif se disant proche de Podemos en Espagne – ndlr], les Verts, mais aussi le parti Liberté et Égalité, l’Union du Travail… Ce sont pour la plupart de tout petits partis, qui se sont développés dans l’entourage du SLD et ont traversé des divisions diverses… À l’exception de Razem, qui est complètement nouveau.
Il ne manque pas de parti de gauche en Pologne ; il manque plutôt des idées de gauche. Si elles avaient de bonnes idées, toutes ces formations se rejoindraient aussitôt et trouveraient du soutien, car il existe un électorat de gauche en Pologne. Il faut que les militants se mettent au travail ! Nous, comme citoyens, on essaye de les pousser à cela. Nous avons ainsi invité toutes les organisations pro-démocratiques autour d’une coalition intitulée Liberté, égalité, démocratie : les partis de gauche que je vous ai cités, ainsi que Nowoczesna [Moderne, parti libéral fondé l’an dernier par un ancien banquier – ndlr], les Démocrates européens, qui représentent quelques députés exclus de PO [Plateforme civique, droite libérale, à la tête de la Pologne jusqu’en 2015 – ndlr], l’Union des libertés et l’Union démocratique fondées après la chute du communisme par des figures intellectuelles polonaises, et le PSL [le parti paysan – ndlr]. Chez PO, de nombreuses personnes ont exprimé l’envie de nous rejoindre, nous collaborons avec elles, mais officiellement, le parti ne fait pas partie de notre coalition.
Heureusement, nous n’avons pas d’élections prochainement : ce n’est pas une coalition électorale, et c’est plus facile de collaborer. Nous pouvons apprendre, discuter ; il n’est pas question de places sur des listes électorales, ni d’attribution de budget, ni de répartition des postes ! De toute façon, le KOD n’étant pas un parti politique, nous sommes juste une sorte de parapluie, de modérateur, d’intermédiaire entre les différentes formations.
Concrètement, que faites-vous ?
En ce moment, nous essayons d’organiser avec cette coalition des débats de fond sur des thèmes qui nous semblent incontournables. Le premier aura lieu à la mi-octobre et portera sur l’éducation – le gouvernement est en train de préparer une réforme qui va ruiner notre système éducatif… Le KOD est par ailleurs membre d’une initiative intitulée « Non au chaos à l’école » qui regroupe les principaux syndicats enseignants, des directeurs d’écoles privées, des instituts de recherches spécialisés, des associations pédagogiques… C’est avec ce collectif que nous organisons ce débat. Il nous paraît essentiel, car il n’existe nulle part aujourd’hui en Pologne, ni au parlement, ni dans l’espace public. Des experts, des politiques, les médias seront invités… et ce sera ouvert à tous.
Le débat suivant portera sur l’État de droit, c’est-à-dire le système judiciaire, la Constitution, etc. Ensuite, ce sera les médias et la culture, puis la Pologne dans l’Union européenne, puis les questions environnementales… Et nous aurons probablement un débat sur le patriotisme qui nous permettra de parler de xénophobie, du nationalisme, etc.
Au printemps, nous prévoyons en outre un « congrès de la démocratie » où ces thèmes seront de nouveau débattus, avec d’autres, au sein d’un événement plus grand. J’espère que ce sera l’occasion de montrer que les forces défendant les valeurs démocratiques sont capables de travailler ensemble et que des idées émergeront pour renforcer encore davantage la coopération.
Donner envie aux Polonais de discuter et de s'engager
En effet, bien qu’elles ne soient qu’une partie de notre activité, c’est ce qu’il y a de plus visible. Le KOD est né précisément de la tribunede l’ancien opposant Krzysztof Łoziński, diffusée le 18 novembre 2015, et dont le titre était : « Il faut créer le KOD ». Cet article comparait la situation actuelle à celle des années 1970 en Pologne qui ont vu la naissance du KOR [Comité de défense des ouvriers, premier mouvement d’opposition au régime communiste, né dans les rangs de l’intelligentsia – ndlr]. Il disait qu’il fallait agir de manière similaire, c’est-à-dire de façon ouverte et vigilante… C’est ainsi que nous avons commencé, avec cette différence que le KOR était une petite organisation de trente membres avec tout un tas de personnes qui suivaient de loin, tandis que nous sommes devenus tout de suite un gros mouvement.
Dans son texte, Łoziński indiquait les trois principaux champs sur lesquels le KOD devait se concentrer. Premièrement : observation du pouvoir et commentaire, protestation, quand nécessaire. Deuxièmement : éducation, autrement dit construction d’une conscience sociale autour des questions de démocratie et de société. Troisièmement : entraide. Il s’agit d’aider les gens qui perdent leur travail à cause de leur engagement, en particulier des journalistes, mais aussi des chefs d’entreprises publiques.
Nous avons commencé avec les manifestations car c’était le plus urgent à faire, mais nous nous sommes rapidement mis à organiser des rencontres, des discussions, des débats… Aujourd’hui, il y a des dizaines de débats par semaine en Pologne ! De nombreux journaux sont maintenant à l’origine de ce genre d’événements, notamment des journaux locaux et des sites internet comme demokratio.pl à Gdańsk. Notre objectif, c’est de donner envie aux Polonais de discuter, de s’écouter les uns les autres, de réfléchir, de s’engager… C’est très important, car ces discussions ont manqué ces derniers temps en Pologne.
L’avocate Katrín Oddsdóttir a participé en 2011 à l’écriture d’une nouvelle constitution pour l’Islande. Dans un entretien à Mediapart, elle revient sur les enjeux des législatives du 29 octobre sur l’île, après la crise ouverte par la publication des Panama papers.
La publication en avril 2016 des Panama papers, et la démission du premier ministre conservateur qui s’est ensuivie, ont rouvert en Islande une fenêtre d’opportunité : le projet de constitution que 25 citoyens de l’île avaient rédigé en 2011, longtemps bloqué par la droite, pourrait bien finir par être ratifié.
C’est en tout cas ce que veut croire Katrín Oddsdóttir, une avocate islandaise de 39 ans qui fut l’un des membres de cette expérience inédite, devenue un modèle de démocratie participative aux yeux du monde entier (lire notre reportage à Reykjavík en 2011 ici et le décryptage du texte finallà).
À l’approche des élections législatives anticipées du 29 octobre sur l’île, l’activiste revient, dans un entretien à Mediapart, sur l’héritage de la « révolution des casseroles » de 2008, l’ascension du parti pirate emmené par la poétesse Birgitta Jónsdóttir, mais aussi sur la pertinence des batailles constitutionnelles, de la Catalogne à l’Écosse, pour sortir l’Europe du marasme.
La constitution que vous avez corédigée en 2011 a-t-elle encore une chance d’être adoptée?
Elle a bien plus qu’une chance. Je suis sûre à 99% qu’elle va finir par être adoptée. Je n’ai pas toujours été aussi optimiste, mais là, avec la réaction citoyenne déclenchée par la publication des Panama papers, et l’exigence d’une démocratie plus forte en Islande qui s’est exprimée, j’ai repris espoir.
La grande nouveauté, à l’approche des législatives, c’est que les partis d’opposition actuels, qui avaient un peu abandonné le combat constitutionnel, reprennent de la force. Et ils sont unis sur le sujet de la constitution. Ils disent désormais: quel que soit le parti au pouvoir après les législatives, nous nous engageons à finir le boulot au sein du parlement [c’est-à-dire une ratification parlementaire –ndlr]. La leçon, c’est qu’on ne peut pas bloquer indéfiniment la démocratie.
Faites-vous un lien entre la « révolution des casseroles » après le krach de 2008, les mobilisations autour du processus d'adhésion de l’Islande à l’UE ces dernières années et, enfin, les manifestations d'avril 2016, en réaction à la publication des Panama papers?
Oui, tout cela est relié. C’est l’histoire d’un réveil. Comme lorsque vous êtes longtemps resté endormi, et que vous vous réveillez progressivement. Quand vous comprenez, en tant que nation, que vous pouvez obtenir des choses – par exemple des élections anticipées – lorsque vous vous mobilisez, on ne peut plus vous le retirer. La nation islandaise a changé à jamais, il y a un avant et un après le krach [de 2008 – ndlr]. Nous avons pris l’habitude de nous retrouver sur la place [face au parlement – ndlr] pour exiger des changements immédiats.
Les mobilisations après les Panama papers ont rassemblé 26 000 personnes en 24 heures [sur une population de 320 000 habitants – ndlr]. Pour certains observateurs, cela en fait la protestation la plus massive à l’échelle du monde entier, si on la rapporte à la population totale. Quoi qu’il en soit, cette mobilisation s’est faite sur des enjeux éthiques, et c’était nouveau.
Ces mobilisations ont-elles été déclenchées parce que le premier ministre Sigmundur Davíð Gunnlaugsson ne payait pas l’intégralité de ses impôts en Islande ou parce qu’il a menti à la télévision sur la réalité de ses avoirs à l’étranger?
Les deux. Mais dans les deux cas, ce sont des questions éthiques. Auparavant, les gens se mobilisaient parce qu’ils avaient faim, ou alors parce qu’ils voulaient des logements sociaux pour les étudiants, pour défendre leurs propres intérêts. Bref, quelque chose de concret, en réaction à une injustice flagrante. Cette fois, l’injustice est toujours présente, mais les choses se posent de manière plus complexe. Les manifestants, en avril dernier, disaient : on ne veut plus de ces comportements, même s’ils ne sont pas en soi illégaux.
La Suède est sur le point de faire passer une loi permettant aux consommateurs qui choisissent de réparer plutôt que de jeter, de gagner de l’argent et de bénéficier de réductions d’impôts. Une manière d’encourager une consommation plus responsable et écologique ?
On le sait désormais avec certitude, notre mode de consommation nous conduit dans une impasse écologique. Nous achetons trop, nous consommons trop, et de ce fait, nous polluons trop. Fort de ce constat, de plus en plus de consommateurs adoptent des pratiques nouvelles : minimalisme, lutte contre l’obsolescence programmée, troc, récup’, réparation. Mais il faut bien avouer qu’aujourd’hui,tout nous encourage à ne pas adopter un mode de vie plus sobre et plus responsable.
Rendre plus attractive la réparation et la réutilisation des objets que nous consommons
Même les industriels l’admettent : pour un consommateur, il est souvent plus rentable de racheter un objet neuf que de faire réparer celui que l’on a déjà. Entre les frais de réparation, le temps que cela prend, les contraintes que cela demande (envoyer l’objet à réparer ou le porter au réparateur, attendre la pièce, etc), il est parfois compliqué de vouloir être un consommateur responsable, surtout quand on sait qu’en quelques clics sur Internet, il est possible de se faire livrer pour un prix relativement faible un nouvel objet.
Heureusement, certains gouvernements sont en avance sur cette question. C’est le cas de la Suède. La semaine dernière, le Parti Social Démocrate et le Parti Vert suédois ont proposé au parlement une nouvelle loi qui rendrait la réparation beaucoup plus rentable. L’idée ? Permettre aux consommateurs qui choisissent de réparer plutôt que de jeter et de racheter, de faire des économies sur leurs impôts. Aujourd’hui en Suède, la réparation d’un objet est assujettie à la TVA à hauteur de 25%. L’objectif de cette proposition de loi innovante est donc de réduire ce taux à 12% pour toute réparation sur un vélo, une paire de chaussure ou un produit d’habillement.
De plus, le consommateur qui choisit de réparer pourra aussi déduire de ses impôts 50% du coût en main d’oeuvre des réparations effectuées sur ces objets. Et pour aller encore plus loin dans cette logique, la proposition de loi inclut aussi de nouvelles taxes sur les produits contenant des matériaux non recyclables ou difficilement recyclables et réparables. Mises bout à bout, toutes ces mesures veulent dire deux choses : d’une part, il devient plus économique de faire réparer ses produits, et d’autre part, il devient plus cher d’acheter des nouveaux objets difficiles à réparer et recycler.
Vers un modèle de société qui sorte de la consommation de masse ?
Au total, tout cela va coûter cher au gouvernement : près de 190 millions de couronnes suédoises (près de 20 millions d’euros) pour les réductions d’impôts, et 270 millions de couronnes pour la baisse de la TVA (près de 28 millions d’euros). Mais cela peut également rapporter beaucoup à long terme. En effet, cela devrait continuer à réduire la pollution et le gaspillage (qui coûtent très cher aux pouvoirs publics) mais surtout à relancer tout un pan de l’économie basé sur la réparation, le recyclage et l’économie circulaire.
Encore une fois, les pays du Nord montrent donc qu’ils sont en avance sur les politiques environnementales. Après avoir ouvert la voie à l’écologie industrielle, après avoir remporté les premières places dans tous les classements de protection de la nature, voilà qu’ils sont encore une fois les pionniers en ce qui concerne l’économie circulaire et qu’ils prônent une consommation plus responsable.
La Suède sera-t-elle le premier pays à encourager une sortie de la consommation de masse ?
Depuis quelques jours, les Oromos - groupe ethnique le plus important en Ethiopie - ont repris le chemin de la contestation, refusant une salve d'expropriation des terres agricoles. Le gouvernement a donné son feu vert à toutes les formes de répression. Amnesty International a dénombré une centaine de morts lors d'affrontements le week-end dernier...
Le Premier ministre Haile Mariam Dessalegn a donné son feu vert à toutes les formes de répression. - Saurabh Das/AP/SIPA
Pendant que la bataille d’Alep fait rage, focalisant l’attention de tous les médias, quelque part en Afrique, un gouvernement massacre allègrement des opposants désarmés. Cela se passe en Ethiopie, deuxième pays le plus peuplé du continent, doté d’une croissance « à la chinoise » et d’un régime bénéficiant de toutes les indulgences internationales.
Depuis la chute lointaine du Négus Hailé Sélassié, puis la fin de l’effroyable dictature « socialiste » de Mengistu Haile Mariam, au gré d’élections plus ou moins transparentes et truquées, le pays est dirigé par les caciques du Front démocratique révolutionnaire éthiopien (FDRPE), essentiellement issus de la région du Tigré. Et c’est bien là tout le problème. Alors qu’ils représentent moins de 10 % des 90 millions d’Ethiopiens, les Tigréens ont accaparé l’appareil d’Etat, revendiquant une légitimité acquise grâce à leur rôle décisif dans la guérilla contre le génocidaire Mengistu.
Pour l’opposition, loin de mener une politique conforme aux exigences d’une République fédérale, le FDRPE n’aurait de cesse de favoriser les siens au détriment des régions les plus peuplées dominées par les Oromos, le groupe ethnique le plus important. En novembre 2015 déjà, un vaste projet immobilier aux forts relents de corruption, le Master Plan censé agrandir Addis-Abeba, capitale surpeuplée, avait suscité la colère de paysans menacés d’expropriation. Après deux mois de manifestations et près de 400 morts selon l’ONG Human Rights Watch (HRW), 173 selon le pouvoir, ce dernier avait apparemment cédé à la pression de la rue.
Le Premier ministre donne son feu vert à toutes les formes de répression
Mêmes causes, mêmes effets : dans plusieurs villes et bourgades, depuis quelques jours les Oromos ont à nouveau pris le chemin de la contestation, refusant une énième salve d’expropriation des terres agricoles. Lors du dernier week-end (6 au 7 août), dans plusieurs bourgades de l’Oromia (centre et ouest) et l’Amhara (nord), l’armée a tiré. Au moins une centaine de morts, si l’on en croit Amnesty International. Le Premier ministre Haile Mariam Dessalegn a donné son feu vert à toutes les formes de répression, estimant « l’unité du pays » menacée par des « mouvements sécessionnistes ». Sans que pour l’heure la « communauté internationale » ne s’en émeuve plus que cela.
Addis-Abeba présente, il est vrai, l’insigne qualité d’être un partenaire fiable et déterminé dans la lutte contre les islamistes somaliens shebabs et plus largement les menées djihadistes dans toute la région. A preuve : lors de sa dernière et brève tournée africaine, en juillet 2015, Barack Obama s’était arrêté à Addis-Abeba, s’accordant un des discours très articulés dont il a le secret dans le hall Nelson Mandela du siège de l’Union africaine (UA). En conclusion, il y tançait ceux des dirigeants du continent qui justifient leur maintien au pouvoir au prétexte qu’ils « seraient les seuls capables d’empêcher (cette) nation d’éclater.» Pour l’heure Washington ne s’est pas encore prononcé sur les massacres en cours.
Des hommes... en foulard ! Depuis quelques jours, à l'appel de la militante Masih Alinejad, des Iraniens se prennent en photo avec le hijab pour dénoncer son port imposé aux femmes. Les images, associées à des témoignages, sont compilées sur la page Facebook "My Stealthy Freedom" ("ma liberté secrète"). En voici une partie.
via @masih.alinejad/Instagram
Le témoignage de l'homme qui a envoyé cette photo : "L'obligation n'est pas quelque chose de bon. Je ne supporte pas que la police des mœurs force mon épouse à porter le hijab. Il y a beaucoup d'hommes en Iran qui soutiennent la liberté de choix pour les femmes."
via My Stealthy Freedom / Facebook
"En Iran, si vous voulez juger une femme, il vaut mieux essayer le hijab d'abord. Pour moi, ce n'était pas aussi facile que je l'imaginais."
via My Stealthy Freedom / Facebook
"À quoi mesure-t-on la ferveur d'un homme ? Au degré de respect qu'il porte aux droits de sa mère, de sa femme et de ses sœurs, pour qu'elles puissent elles aussi avoir la liberté de choisir. Forcer quelqu'un à porter un habit est une insulte à l'intelligence de chacun. C'est cruel, injuste et humiliant."
via My Stealthy Freedom / Facebook
"Quand mes cousines m'ont vu revêtir leur voile, elles ont ri aux éclats. Je leur ai demandé, est-ce que cela semble si drôle sur moi ? [...] Cette campagne de sensibilisation est utile car elle met un coup de projecteur sur les droits des femmes, et sur le fait que nous ne devrions pas traiter celles-ci comme des objets."
via My Stealthy Freedom / Facebook
"Beaucoup d'entre vous estiment que voir un homme voilé est humiliant pour les hommes. Creusons un peu alors : si c'est une humiliation pour les hommes, que penser de ces millions de femmes forcées de le porter ?"
via My Stealthy Freedom / Facebook
"Je voudrais vraiment que ma femme puisse vivre dans un pays où elle s'habillerait comme elle le souhaite. C'est très difficile pour une femme de devoir porter des vêtements obligatoires dans nos étés chauds et étouffants."
via My Stealthy Freedom / Facebook
"Ma mère a commencé à porter le hihab quand elle y a été obligée, lors de la révolution islamique. Elle était obligée de sortir dans cette tenue pendant les étés torrides du Khouzistan. Elle revenait des courses sans même avoir assez d'énergie pour parler."
via My Stealthy Freedom / Facebook
Ici, pas d'homme portant le foulard, mais le témoignage fort d'une femme atteinte d'un cancer, que relaye Masih Alinejad sur Facebook. "J'ai fait de la chimiothérapie l'été dernier. J'ai subi les brûlures de la radiothérapie, les difficultés respiratoires, la nausée, les vomissements... et puis, au milieu de tout cela, le port du hijab obligatoire. Où est la logique quand on doit porter le voile dans un service d'oncologie où personne n'a de cheveux ? Est-ce que voir le crâne chauve d'une femme atteinte d'un cancer est aussi un péché ?" Pour consulter la page de My Stealthy Freedom, suivez ce lien.
Donald J. Trump est devenu, à la fin des années 1980, l’incarnation d’une certaine idée du rêve américain : le businessman charismatique et manipulateur, le self-made-man capable de vendre de l’eau à un homme qui se noie, l’homme qui ne doit rien à personne.
Cette image soigneusement entretenue a pris une autre dimension depuis que Trump s’est lancé, avec succès, dans la course pour la nomination républicaine à la Maison Blanche. A quelques heures de l’ouverture de la convention qui scellera son statut de candidat, un homme qui connaît très bien Donald Trump, et qui n’avait jamais abordé le sujet avec autant de détails jusqu’à présent, a parlé. C’est l’homme qui a façonné « le mythe Trump ».
En 1985, Tony Schwartz, alors journaliste, devient le nègre de celui qui n’est alors qu’un joueur parmi d’autres dans l’immobilier et les casinos de la côte Est. Après avoir passé plus de dix-huit mois en sa compagnie, il écrit Trump, the Art of the Deal, mi-hagiographie, mi-manuel de motivation pour devenir Donald Trump. Le livre fut un immense best-seller, rapportant des millions de dollars et cimentant dans l’imaginaire collectif l’image que Trump voulait donner de lui-même.
Or tout ou presque était romancé, exagéré ou carrément faux. Presque vingt ans plus tard, alors que le « héros » du livre peut potentiellement devenir l’homme le plus puissant de la planète, le désormais ex-journaliste qui a tout fait pour le rendre sympathique – « J’ai mis du rouge à lèvres sur un cochon » – prend la parole dans le New Yorker pour dire qu’il « regrette profondément ». Et qu’il a de plus en plus peur. Car toutes les tares et les traits de caractère qu’il avait perçus à l’époque (le mensonge systématique, l’absence d’empathie, le narcissisme extrême, une coupure totale avec la réalité) se sont dangereusement exacerbés depuis.
C’est un « sociopathe »
« Je pense sincèrement que si Trump gagne et obtient les codes nucléaires, il y a de très grandes chances que cela entraîne la fin de notre civilisation. »
Le constat de Tony Schwartz peut sembler exagéré, mais il le dit très sérieusement. Cela n’a rien à voir avec l’idéologie, dit-il, car il pense que Donald Trump n’en a pas. « Le problème était sa personnalité, que Schwartz considérait comme pathologiquement impulsive, égocentrique » et « obsédée par la publicité » écrit le New Yorker.
A ceux qui pensent que le Trump de la campagne, insultant, abrasif, moqueur, incohérent parfois, sera différent du Trump qui entrerait à la Maison Blanche, l’ex-journaliste répond : « Il n’y a pas un Trump privé et un Trump public […]. Tout ce qu’il veut, c’est de la reconnaissance extérieure, toujours plus. » S’il devait écrire à nouveau The Art of the Deal et être honnête, il l’appellerait Le Sociopathe.
« Les millions de personnes qui ont voté pour lui et croient qu’il représente leurs intérêts apprendront ce que tous ceux qui ont vraiment eu affaire à lui savent déjà : il se fiche complètement d’eux. »
Il n’a aucune capacité de concentration
Tony Schwartz se rappelle que, pour écrire le livre, il a dû abandonner la technique de travail habituelle, qui consiste à poser des questions à la personne dont parle le livre, car Trump se comportait « comme un gamin de maternelle qui ne peut pas rester tranquille en cours ».
« Il est impossible de le faire se concentrer pendant plus de quelques minutes sur un sujet qui ne concerne pas son auto-glorification […]. Il est stupéfiant de voir à quel point ses connaissances sont superficielles […]. S’il devait être briefé dans la “situation room” [salle de crise de la Maison Blanche], je ne l’imagine pas rester concentré très longtemps. »
Sa nécessité d’être au centre des choses est aussi « complètement compulsive ». Schwartz use d’une métaphore un peu douteuse avec un junkie voyant dans la présidence des Etats-Unis le fixe ultime d’un homme qui s’est toujours shooté à la reconnaissance.
« Il a réussi à augmenter la dose pendant quarante ans. La seule chose qui lui manquait était d’être candidat à la présidence. S’il pouvait se présenter pour être empereur du monde, il le ferait. »
Le mensonge est un outil que tout homme politique qui veut durer a utilisé, mais pour Donald Trump, c’est plus profond – « une seconde nature » – et presque maladif, à en croire Tony Schwartz.
« Il a, plus que n’importe quelle autre personne que j’ai connue, cette capacité à se convaincre lui-même que tout ce qu’il dit est vrai, ou à moitié vrai, ou, au moins, devrait être vrai. »
Les mensonges que Schwartz a passés sous silence pour la biographie sont anodins (le prix d’un achat, le lieu de sa naissance), financiers (pour doubler un concurrent ou écarter un partenaire) ou plus profonds (le mythe du self-made-man s’effondre lorsqu’on sait que c’est le père, Fred Trump, qui a lancé le fiston), mais ils sont constants.
S’il était attaqué sur ses mensonges ou approximations, « Trump en remettait une couche et devenait agressif », ce qui n’est, note le New Yorker, « pas une qualité idéale pour un chef d’Etat ».
Donald Trump, qui n’a jamais caché ce comportement pendant la campagne, le prouve lorsque le New Yorker l’appelle pour les besoins de l’article. Il jure que Tony Schwartz – « très déloyal ! » – n’est que le « coauteur » et que c’est lui qui « a écrit le livre […], certains disent même que c’est le livre de business le plus vendu de tous les temps ». Ce que la maison d’édition dément totalement – « Trump n’a pas écrit une ligne ». Le milliardaire « s’est apparemment auto-convaincu de l’avoir écrit », constate le New Yorker.
La croix de Tony Schwartz
Après avoir lu cette longue confession, on comprend que Tony Schwartz a l’impression de porter une croix. Il se sent coupable d’avoir participé à la création d’un monstre, et à mesure que la candidature de Donald Trump passait de la blague à la réalité, il a décidé de dire sa vérité, même si cela s’apparentait à un crachat dans la soupe (en tant que coauteur, il a empoché la moitié des royalties, qui s’élèvent à plusieurs millions de dollars).
« J’ai de profonds remords d’avoir contribué à faire de Trump quelqu’un de plus attirant qu’il ne l’est réellement, et à lui avoir donné un public élargi […]. Je garderai cela en moi pour le reste de ma vie. Il n’y a aucune façon de le réparer. »
Pour tenter de « racheter son âme », il va donner sa part des royalties reçues en 2016 à des ONG et œuvres caritatives « qui défendent des personnes dont Trump veut réduire les droits ».
Sa contribution à détruire l’idole qu’il a en partie érigée a beau être l’équivalent politique d’un bombardement au napalm, on a bien vu, tout au long de la campagne, que même les polémiques les plus toxiques glissent sur Donald Trump comme de l’eau sur les plumes d’un canard.