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30 octobre 2014 4 30 /10 /octobre /2014 22:12

 

 

Source : www.mediapart.fr

 

 

Burkina Faso: la chute de Blaise Compaoré après 27 ans de pouvoir

|  Par Thomas Cantaloube

 

 

 

Au pouvoir depuis 1987, le président burkinabé avait déclenché la colère de l'opposition en proposant un projet de référendum lui permettant de briguer un 5e mandat. Après des jours de manifestations, lâché par l'armée, Blaise Compaoré a accepté de quitter le pouvoir, vendredi 31 octobre, au profit du chef d'Etat-major des armées Honoré Traoré.

Après plusieurs jours de manifestations et d’affrontements, le président du Burkina Faso Blaise Compaoré a été poussé à la démission, vendredi 31 octobre, par l'armée qui a pris le pouvoir.

Quelques minutes auparavant, le colonel Boureima Farta, représentant de l’armée, avait pris la parole devant les dizaines de milliers de manifestants qui s’étaient une nouvelle fois réunis dans le centre de la capitale Ouagadougou, non loin du quartier général des armées. « A partir de ce jour, Blaise Compaoré n’est plus au pouvoir », avait-il affirmé avant d’être acclamé par la foule.

 

Les manifestants rassemblés dans le centre de Ouagadougou 
Les manifestants rassemblés dans le centre de Ouagadougou © Joe Penney, journaliste pour Reuters, via Twitter

L’information a été confirmée quelques minutes plus tard par un communiqué du désormais ex-président lu par plusieurs médias. « Dans le souci de préserver les acquis démocratiques, ainsi que la paix sociale (…), je déclare la vacances du pouvoir en vue de permettre la mise en place d’une transition devant aboutir à des élections libres et transparentes dans un délai maximal de 90 jours », a écrit celui qui a dirigé le Burkina Faso durant 27 années.

Peu de temps après, le chef d'Etat-major des armées Honoré Traoré a tenu une conférence de presse au cours de laquelle il a annoncé qu'il assumerait lui même les fonctions de chef de l'Etat durant la prériode de transition. Dans un communiqué, le général a confirmé qu’il prenait « à compter de ce jour » les responsabilité de chef de l’Etat, « conformément aux dispositions constitutionnelles. Si les manifestants avaient salué l’annonce du départ de Blaise Compaoré, cette prise ce pouvoir par Honoré Traoré, considéré comme proche de l’ancien président, a une nouvelle fois provoqué la colère des manifestants qui, en fin de journée, scandaient déjà « Honoré Traoré démission » ainsi que « Kouamé Lougué au pouvoir ». Ce dernier est une générale à la retraite, ancien ministre de la défense, et apprécié par une grande partie de la population.

Isolé, encerclé par les manifestants, menacé par l’armée, Blaise Compaoré avait annoncé, jeudi dans la soirée, l’abandon de son projet de réforme constitutionnelle visant à lui permettre de briquer un cinquième mandat en 2015 et l’origine de la colère des manifestants.

Depuis mardi, la capitale Ouagadougou était le théâtre de défilés contre un projet de référendum constitutionnel visant à réviser l’article 37, afin de permettre au président Blaise Compaoré, arrivé au pouvoir en 1987 à la suite d’un coup d’Etat, de se présenter à la prochaine élection présidentielle. Jeudi 30 octobre, alors que ce projet de référendum devait être examiné par les députés, les manifestants avait pris d’assaut l’Assemblée nationale et la télévision publique et encerclé le palais présidentiel. En fin de journée, l’armée avait prononcé la dissolution du gouvernement et de l'Assemblée nationale, décrété l’état d’urgence et annoncé la nomination d'un gouvernement de transition.

Blaise Compaoré étrait finalement réapparu, dans la soirée, sur la chaîne privée Canal 3, pour une courte allocution dans laquelle il a appelé au dialogue, confirmé la nomination d’un gouvernement de transition, et annoncé son intention de quitter le pouvoir à la fin de son mandat, renonçant ainsi au projet de réforme à l’origine des manifestations.

« Les manifestations violentes qui ont endeuillé et plongé notre peuple dans la stupeur n’honorent pas le « pays des hommes intègres (NDLR. Traduction de « Burkina Faso »), mais j’ai entendu le message, je l’ai compris et pris la juste mesure des fortes aspirations de changement ».

 

 

Mais cette annonce n'avait pas suffit à calmer l'opposition qui exigeait le départ du président comme « préalable non négociable » à toutes discussion. « Pendant 27 ans, Blaise Compaoré a roulé tout le monde dans la farine. Là, il est encore en train de duper, de ruser avec le peuple », avait ainsi déclaré Bénéwendé Sankara, un des responsable de l’opposition.

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Les analogies sont troublantes. Même s’il n’est jamais bon de comparer des situations et des pays différents, on peut difficilement s’empêcher de penser que ce qui arrive ces jours-ci au Burkina Faso porte une franche ressemblance avec ce qui s’est déroulé ces dernières années en Tunisie, en Égypte, en Libye, en Syrie, au Mali…

Des États jugés « solides » et « stables », relativement intégrés, ou en voie de l’être, dans ce club fourre-tout qui s’appelle la « communauté internationale » ; des pays dont les dirigeants font figure de vieux sages qui sont reconnus comme tels par leurs homologues, lesquels ont renoncé à leur chercher des noises sur leurs pratiques anti-démocratiques ; des gouvernements dont on dit : « Certes il y a des problèmes, mais ils font des efforts et ils remplissent un rôle régional non négligeable »… et qui s’effondrent. D’un seul coup, ou presque. Sous la poussée de cette donnée que les relations internationales peinent à prendre en compte : les populations.

On pourrait ajouter à cette liste d’autres pays qui se sont récemment délités ou dont le cours a été brutalement réorienté sous la pression populaire : Centrafrique, Côte-d’Ivoire, Ukraine. Le Burkina Faso, dont il ne faut jamais oublier que le nom signifie « pays des hommes intègres », vient allonger cette liste, mais l’ère Blaise Compaoré vient de s'achever.

 

Blaise Compaoré reçu par François Hollande en septembre 2012 
Blaise Compaoré reçu par François Hollande en septembre 2012 © Présidence de la République

On aurait pu croire que les « dirigeants à vie » avait appris de ces dernières années que leurs fauteuils n’étaient pas aussi éternels qu’ils le croyaient. Blaise Compaoré ne l’avait apparemment pas compris, puisque l’étincelle qui a mis le feu aux poudres dans son pays a été précisément sa reconduction au pouvoir, par un biais certes légal, mais parfaitement insupportable aux yeux des Burkinabés : la modification, par l’Assemblée à sa botte, d’un article de la Constitution qui lui aurait permis de prolonger ses 27 années déjà passées à la tête du pays.

Le soutien de la France jusqu'au bout

Arrivé à la présidence du Burkina Faso par un coup d’État en 1987 – contre une icône du panafricanisme et de la fierté africaine, Thomas Sankara, dont la mort n’a jamais été élucidée mais dont tous les Burkinabés rendent Compaoré responsable – Blaise Compaoré a déjà effectué deux septennats et il s’apprêtait à conclure son deuxième quinquennat. Le tout en parfaite légalité, puisqu’à chaque fois il a modifié le fameux article 37 de la Constitution sur la durée et le nombre de mandats. Cette fois-ci, il s’apprêtait de nouveau à changer cette provision constitutionnelle, en s’octroyant le droit d’effectuer deux autres quinquennats ! Mais cela n’est pas passé…

Cela faisait pourtant des mois, voire des années, que Compaoré savait que ce tour de passe-passe risquait de s’avérer difficile. En février 2011, en pleine concomitance avec les « printemps arabes », des émeutes avaient déjà parcouru le pays. Le mouvement, issu de manifestations contre la hausse des prix, s’était renforcé après la mort d’un jeune homme sous les coups de la police, et avait fini par reprendre, à l’encontre de son président, le mot d’ordre alors scandé plus au nord : « Dégage ! » À coups de répression et d’un changement de gouvernement, Blaise Compaoré avait fini par regagner la main. Mais tout le monde – Burkinabés et observateurs étrangers – savait que l’échéance de la présidence de 2015 serait délicate à négocier. Cela faisait des mois que l’opposition s’organisait et que de nombreuses voix populaires s’élevaient pour demander au président de s’écarter et de laisser la place à un successeur.

Malgré cela, Compaoré a choisi d’ignorer ces alertes et de tenter de passer en force. Au lieu de regarder ce qui s’est passé en Tunisie, en Égypte ou en Libye, il a préféré se tourner du côté de l’Algérie, de l’Angola, du Tchad, de Djibouti, de l’Ouganda, du Cameroun, du Togo, du Gabon, de la Guinée équatoriale… Des pays qui, ces dernières années, ont tous procédé à une révision constitutionnelle pour prolonger le mandat de leurs chefs d’État, au pouvoir depuis plusieurs décennies… Cette situation rappelle le fait que la fondation Mo Ibrahim, qui attribue chaque année depuis 2007 un prix (de 5 millions de dollars plus 200 000 dollars annuels à vie) à un dirigeant africain récompensé pour sa bonne gouvernance et sa transmission pacifique du pouvoir (!), n’a été en mesure de le décerner qu’une fois depuis 2009 (en faveur du président du Cap-Vert d'alors, Pedro Pires) !

Blaise Compaoré s’est sans doute aussi senti encouragé dans son obstination par le nouveau statut qu’il avait acquis ces derniers temps à la faveur de ses années au pouvoir, mais aussi d’un contexte régional très volatil. À 63 ans – bien moins que certains de ses homologues africains –, il avait su faire oublier son arrivée troublée pour devenir un médiateur recherché et un point d’appui pour les Occidentaux engagés dans une lutte contre le terrorisme sahélien.

Ces dernières années, c’est lui qui a été chargé de négocier la crise malienne, ce dont il s’est assez mal acquitté selon des diplomates européens, puisque c’est désormais l’Algérie qui a repris les rênes des pourparlers entre le gouvernement de Bamako, les indépendantistes touaregs et les groupes djihadistes. Le Burkina Faso est également devenu la principale base d’opérations des forces spéciales françaises et américaines au Sahel.

Récemment interrogés par Mediapart sur la question du maintien de Compaoré à la tête de son pays, plusieurs diplomates français ont eu la même réaction : ils ont haussé les épaules. Manière de dire « cela ne nous regarde pas », mais aussi « ça nous arrange bien ». Et, dans un récent article de Jeune Afrique consacré au président de la République démocratique du Congo Joseph Kabila, qui envisage lui aussi de modifier la Constitution pour rester au pouvoir, on pouvait lire : « "Le président Hollande n'évoque ce type de sujet avec ses pairs africains que lorsque ces derniers l'abordent en premier", confie-t-on à l'Élysée. » Les pays occidentaux, la France en premier lieu, se retrouvent pris en tenaille entre leur désir de stabilité et d’avoir affaire « au Diable qu’ils connaissent plutôt qu’à celui qu’ils ne connaissent pas », et les accusations d’ingérence dont ils seraient inévitablement victimes s’ils s’exprimaient trop ouvertement en faveur d’un changement de dirigeant.

Le caractère massif des manifestations à Ouagadougou et dans la deuxième ville du pays, Bobo Dioulasso, a réglé le sort de Compaoré. Il reste désormais à savoir ce que fera l'armée. La réapparition du général en retraite Kouamé Lougué, ancien compagnon d’armes de Thomas Sankara, qui s’est propulsé à la tête des manifestants, ressemble étonnamment à un début de transition appuyée par les militaires.

 

 

 

Source : www.mediapart.fr

 

 

 

 

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30 octobre 2014 4 30 /10 /octobre /2014 17:53

 

Source : www.lemonde.fr

 

 

Burkina Faso : la journée où la rue a fait reculer Compaoré

Le Monde.fr avec AFP et Reuters | 30.10.2014 à 11h06 • Mis à jour le 31.10.2014 à 08h50

 

Alors que les manifestants hostiles au pouvoir faisaient le siège du palais présidentiel depuis la matinée à Ouagadougou, l'armée a annoncé, dans la soirée de jeudi 30 octobre, la dissolution du gouvernement et de l'Assemblée nationale. Le chef de l'armée, Honoré Traoré, a précisé lors d'une conférence de presse qu'un gouvernement de transition serait mis en place pour une durée de douze mois – d'ici à l'élection présidentielle – sans toutefois préciser qui en prendrait la tête.

L'armée a également déclaré un couvre-feu sur l'ensemble du territoire, alors qu'au moins trois personnes ont été tuées jeudi dans des affrontements avec la police, selon l'agence Reuters. Le couvre-feu sera imposé « de 19 heures à 6 heures » pour « préserver la sécurité des personnes et des biens », a précisé M. Traoré. Dans une allocution télévisée, le président Blaise Compaoré a annoncé la levée de ce dernier., mais a refusé de quitter la présidence.

Quelques heures plus tôt, plusieurs radios locales avaient reçu un texte présenté comme un communiqué de la présidence. Le chef de l'Etat, Blaise Compaoré y appelait « les dirigeants de l'opposition politique à mettre fin aux manifestations », promettant d'« ouvrir le dialogue avec tous les acteurs pour mettre fin à la crise ». Mais selon l'Agence France-Presse, qui s'était procurée le document, le communiqué était sans en-tête officiel, dépourvu de date et portait une signature de Blaise Compaoré différente de son paraphe habituel.

La situation dans le pays a dégénéré alors que les députés devaient examiner dans la journée un projet de révision constitutionnelle permettant à Blaise Compaoré de briguer un cinquième mandat. Un projet largement contesté par les manifestants, qui défilaient depuis plusieurs jours dans la capitale pour marquer leur opposition à ce qu'ils considèrent comme un « coup d'Etat constitutionnel ». Les manifestants ont été rejoints jeudi par des militaires, qui ont quitté leur caserne. Face à l'ampleur de la mobilisation, l'examen du texte de révision a été suspendu.

 

KOUAMÉ LOUGUÉ, FIGURE POTENTIELLE DE LA TRANSITION

 

 

 

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    La capitale du pays, Ouagadougou, a sombré dans le chaos, jeudi 30 octobre. Ici, une image prise près de l'Assemblée nationale.

    Crédits : SOPHIE GARCIA POUR "LE MONDE"
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    Dans la matinée, près de 1 500 manifestants sont parvenus à franchir les cordons de sécurité installés à l'entrée de l'Assemblée nationale par les forces de l'ordre, avant de pénétrer dans le bâtiment.

    Crédits : AFP/ISSOUF SANOGO
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    Avenue des Nations-Unies à Ouagadougou.

    Crédits : SOPHIE GARCIA POUR "LE MONDE"
Lire le diaporama Accédez au portfolio

 

Tout l'après-midi, des négociations rassemblant les autorités et des représentants de l'opposition se sont tenues dans le palais présidentiel. Au fil des heures, le général en retraite Kouamé Lougué a émergé comme une figure potentielle de la transition. Le nom de cet ancien ministre de la défense, limogé en 2003, a été scandé par les manifestants à plusieurs reprises dans l'après-midi, et l'homme a rencontré l'état-major des armées dans l'après-midi.

Malgré la tenue de ces négociations, des scènes de violences ont été observées toute la journée dans la capitale, Ouagadougou. Des protestataires ont incendié l'Assemblée nationale et pris d'assaut la télévision publique, laquelle a cessé d'émettre.

La foule s'est aussi dirigée vers d'autres secteurs du quartier présidentiel. C'est là que des gardes de la maison du frère du président, François Compaoré, ont ouvert le feu sur la foule, faisant plusieurs victimes, selon l'agence de presse Reuters. Des maisons de proches du gouvernement et des symboles du pouvoir ont également été ciblés par la foule. Des violences ont aussi eu lieu en province, notamment dans la deuxième ville du pays, Bobo Dioulasso.

 

« COUP D'ÉTAT CONSTITUTIONNEL »

Blaise Compaoré dirige ce pays pauvre du Sahel depuis 1987 et l'assassinat du capitaine Thomas Sankara, avec qui il avait pris le pouvoir quelques années auparavant. Il a déjà fait modifier par deux fois la Constitution pour se maintenir au pouvoir.

Depuis des mois, son gouvernement laissait croire qu'une nouvelle révision ferait l'objet d'un référendum. Depuis l'annonce d'un passage par la voie parlementaire, il y a une semaine, la mobilisation populaire ne faiblit pas. Mardi, des centaines de milliers de personnes – un million, selon l'opposition – étaient descendues dans la rue à Ouagadougou . Le gouvernement avait, jusqu'ici, autorisé les manifestations et s'était abstenu de les réprimer.  

Lire le portrait : Blaise Compaoré, président burkinabé contesté après vingt-sept ans de règne

 

 

Source : www.lemonde.fr

 

 

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27 octobre 2014 1 27 /10 /octobre /2014 19:00

 

Source : cadtm.org

 

CADTM

 

Argentine : Succès de l’Assemblée pour la suspension du paiement et l’audit de la dette

25 octobre par Maria Elena Saludas

 

 


C’est dans l’après-midi du 14 octobre 2014 et devant plus de 70 représentants d’un large éventail d’organisations sociales, syndicales, politiques, religieuses, environnementales, de défense des droits humains… que s’est déroulée avec succès l’audience publique sur la suspension du paiement et l’audit de la dette. Cette activité s’est tenue à la Chambre des députés de la nation (le parlement argentin) suite à l’invitation lancée par des membres de l’ « Assemblée pour la suspension du paiement et l’audit de la dette en défense du patrimoine national et des biens communs » et des parlementaires de divers partis qui ont débattu pendant plus de trois heures sur la problématique de la dette publique en Argentine, revenue au devant de la scène suite à la résolution du juge Griesa en faveur des « fonds vautours » |1|.

Parmi les invités spéciaux, en plus d’Éric Toussaint, porte-parole du CADTM international, le Prix Nobel de la Paix, Adolfo Pérez Esquivel, a souligné la nécessité de passer d’une démocratie représentative à une démocratie participative avant d’expliquer qu’un audit intégral citoyen nous mettrait sur cette voie. Il a aussi posé la question du coût humain du paiement de la dette. La parole a ensuite été donnée à Nora de Cortiñas, Mère de la Plaza de Mayo – ligne fondatrice et membre de Jubilé Sud Amériques, qui a déclaré avec émotion que « les 30 000 disparus méritent que la lumière soit faite sur l’infamie de la dette ».

Le député du parti Unidad Popular (UP, Unité populaire) en charge de la présentation et de la modération de l’audience, Víctor De Gennaro, a remarqué que « beaucoup de gamins ont perdu la vie » et qu’il est nécessaire de prendre connaissance des faits, d’enquêter avant de continuer à rembourser une dette majoritairement illégitime et illégale. Aussi présents, les parlementaires du FIT (Front de Gauche et des Travailleurs) Néstor Pitrola et Pablo López ainsi que les députés de Buenos Aires, Pablo Bergel et Gustavo Vera, ont contribué au débat au travers de réflexions intéressantes.

Julio Gambina, directeur de institut de formation de la CTA et membre d’ATTAC-CADTM Argentine) avait pour mission de lire la Déclaration de l’Assemblée, « Patrie ou dette : le seul créancier est le peuple ! » (voir texte complet en espagnol) réclamant le lancement immédiat des activités de la Commission bicamérale permanente d’enquête sur l’origine et le suivi de la gestion du paiement de la dette extérieure de la nation instituée par la loi 26.984. Cette loi, adoptée le 10 septembre 2014, n’a toujours pas été mise en œuvre complètement. La déclaration lue par Julio Gambina critique par ailleurs la flagrante contradiction contenue dans les premiers articles de la loi hypocritement dite « de paiement souverain » car elle commence par déclarer comme d’« intérêt public » le paiement de la dette. Or une grande partie de cette dette a été condamnée par la justice argentine |2|.

Par ailleurs, la loi établit de nouvelles modalités pour le paiement de la dette. Enfin, elle prévoit la création d’une commission parlementaire visant à auditer les éventuelles irrégularités ayant marqué la dette argentine pendant la période 1976-2014.

Ces critiques étant faites, la décision de créer une Commission d’enquête parlementaire est considérée comme une reconnaissance dans le chef du pouvoir politique de l’impossibilité de continuer à nier et dissimuler le caractère illégitime et illégal de la dette. On ne peut continuer à berner constamment la population sur des questions évidentes et centrales pour la défense de la patrie, la récupération de notre souveraineté et le respect des droits des êtres humains et de la nature.

L’Assemblée réclame donc la création en bonne et due forme de la Commission qui devrait prendre pour point de départ la sentence Olmos (voir note 2), ainsi que les preuves accumulées lors des nombreuses enquêtes judiciaires argentines postérieures.

L’Assemblée réclame également la participation sociale et citoyenne nécessaire à l’enquête de la Commission et à l’élaboration de ses conclusions. Pour garantir sa légitimité et la force de ses résultats, la Commission devra chercher, recevoir et écouter les témoignages et contributions des divers secteurs de la population et des différentes régions du pays dont les droits ont été violés des suites du système d’endettement.

L’Assemblée s’engage à contribuer au travail de la Commission d’enquête parlementaire en partageant les résultats d’années de recherche, d’analyse, de dénonciation et de mobilisation découlant toujours des coûts énormes que l’endettement public continue de générer pour le peuple argentin, son patrimoine et ses biens naturels. Elle suivra l’action de la Commission, se réservant le droit d’adopter les stratégies pertinentes afin que cette opportunité historique ne soit ni manquée, ni manipulée. Elle s’engage à débattre largement des causes, conséquences et alternatives à ce véritable système de domination et de pillage à perpétuité, à se mobiliser en vue de ne pas payer les sommes indues, de sanctionner les responsables des crimes et violations commis au travers du système d’endettement et de pouvoir récupérer et compenser les sommes payées indûment.

Une fois cette déclaration partagée avec les tou-te-s les participant-e-s, Éric Toussaint (porte-parole du CADTM international), qui était le principal conférencier, a pris la parole sur la crise de la dette affectant la majorité des pays d’Europe et du monde. Il a déclaré qu’en Argentine, le thème de l’endettement revient aujourd’hui sur le devant de la scène suite au conflit avec les « fonds vautours ». D’après lui, cette crise de la dette au niveau mondial nous permet d’essayer d’organiser ensemble des actions de soutien aux mouvements sociaux qui luttent contre le fléau de la dette tant au Nord qu’au Sud. « Les actes souverains unilatéraux d’un gouvernement sous la pression (ou avec le soutien) populaire » constituent un axe fondamental. Dans le monde réel actuel, seul un tel acte souverain de l’État peut mener à une solution. Il a cité divers exemples parmi lesquels le cas de l’Équateur où le président Correa a créé en 2007 la Commission d’audit de la dette publique (CAIC) qui a identifié les parts illégales et illégitimes de la dette, parvenant à racheter 91% des titres avec une réduction de 70% |3|. Cet acte unilatéral à permis d’augmenter les dépenses publiques consacrées à la santé, à l’enseignement, au logement, c.-à-d. à la dette sociale vis-à-vis du peuple. Le cas de l’Islande, lors de l’effondrement du système bancaire privatisé, en 2008, a aussi été évoqué |4|. Sous la pression de la rue et après 2 référendums, le gouvernement avait refusé de payer au Royaume-Uni et aux Pays-Bas la dette injuste réclamée, prouvant qu’il est possible de désobéir aux créanciers. Éric Toussaint a, pour finir, manifesté son grand enthousiasme d’être entouré des forces sociales ainsi réunies et les a encouragées à exercer la pression nécessaire pour que le gouvernement cesse de payer religieusement les créanciers et restaure la souveraineté et la dignité nationales. Il a aussi insisté pour que ne soit plus jamais déléguée à l’étranger la juridiction liée à la résolution des conflits en revenant à la Doctrine Calvo |5|.

Pas moins de 25 interventions sont venues enrichir cette audience avec des arguments importants d’Espeche Gil (juriste et ancien diplomate) à Ricardo Peidro (de la CTA), de Beverly Keene (Dialogue 2000 / Jubilé Sud) à Moira Millán (Pueblos Originarios). La majorité des participants a exprimé la nécessité de suspendre immédiatement le paiement de la dette et d’auditer cette dernière, la dette étant une excroissance du capitalisme actuel, impayable (pas seulement en Argentine) et à l’origine de cette crise capitaliste.

Le thème de l’unité au sein du camp populaire a aussi été abordé, tout comme la nécessité de lier à la problématique de la dette les dénonciations concernant la loi sur les semences et la loi sur les hydrocarbures, passant bientôt devant les deux chambres. Cela revient à remettre en cause le modèle de développement actuel et le modèle d’insertion globale des pays d’Amérique latine et de la Caraïbe comme producteurs de matières premières dans le cadre de l’approfondissement de l’ « extractivisme ».

Cette rencontre s’est terminée sur l’engagement de tou-te-s les participant-e-s d’élargir l’espace de l’Assemblée pour la suspension du paiement et l’audit de la dette en défense du patrimoine national et des biens communs, de fédérer leurs luttes, de travailler sur la sensibilisation de la population pour parvenir, à partir de la mobilisation, à des décisions similaires à celles prises par le gouvernement équatorien (2007), qui en conséquence d’un audit intégral et participatif a pu prendre une « décision souveraine unilatérale » lui permettant de rejeter des portions importantes de dette illégale et illégitime et de canaliser ensuite ces ressources pour le bien-être de la population.

Traduction de l’espagnol par Sarah Weber.

Notes

|1| Voir à ce propos : Éric Toussaint, « Comment lutter contre les fonds vautours et l’impérialisme financier ? », publié le 22 septembre 2014.

|2| Voir le jugement dit « Sentencia Olmos » du nom du journaliste argentin qui a porté plainte contre l’accroissement considérable de la dette pendant la période de la dernière dictature militaire (1976-1983). Ce jugement du 13 juillet 2000 démontre clairement le caractère illégal de la dette argentine.

|3| Voir Éric Toussaint, "An III de la révolution citoyenne en Équateur", publié le 22 octobre 2009. Voir également : Éric Toussaint, "Les leçons de l’Équateur pour l’annulation de la dette illégitime", publié le 29 mai 2013. Voir aussi la version vidéo.

|4| Voir Éric Toussaint, « Argentine, Équateur et Islande : des solutions à la crise de la dette pour l’Union européenne ? », Vidéo : http://w41k.com/80011

|5| La Doctrine Calvo, du nom de son auteur Carlos Calvo (1824-1906), est une doctrine du droit international qui stipule que les personnes vivant dans un pays étranger doivent faire leurs demandes, plaintes et griefs dans le cadre de la compétence des tribunaux locaux, sans recourir à la pression diplomatique ou à l’intervention militaire. Toutes les voies juridiques locales doivent être épuisées avant d’envisager de saisir les voies diplomatiques internationales. Cette doctrine a été transposée dans plusieurs constitutions de pays de l’Amérique latine. Voir à ce propos : Éric Toussaint, « Comment lutter contre les fonds vautours et l’impérialisme financier ? », publié le 22 septembre 2014.

 

 

 

Source : cadtm.org

 

 

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24 octobre 2014 5 24 /10 /octobre /2014 14:05

 

Source : www.acatfrance.fr

 

 

Deux ans de prison pour avoir dénoncé sa torture

 

 

Lundi 20 octobre, la cour d’appel de Tanger a condamné à deux ans de prison ferme Wafaa Charaf, une militante du mouvement du 20 février et de l’AMDH accusée d’allégation mensongère de torture. Une façon d'imposer la loi du silence.
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Le 22 / 10 / 2014

Lundi 20 octobre, la cour d’appel de Tanger a condamné à deux ans de prison ferme Wafaa Charaf, une militante du mouvement du 20 février [1] et de l’AMDH [2] accusée d’allégation mensongère de torture. Selon l’ACAT, les autorités marocaines, qui affirment qu’elles luttent activement contre la torture, tentent dans les faits d’imposer la loi du silence en poursuivant les victimes.

Selon Hélène Legeay, responsable Maghreb et Moyen-Orient à l’ACAT, « Le Maroc fait preuve d’une hypocrisie effarante. En façade, il communique sur l’organisation, le mois prochain, du Forum mondial des droits de l’homme avec une place importante réservée aux problématiques de torture et de justice. Dans l’arrière-scène, il poursuit les personnes qui disent avoir été victimes de torture. Sous couvert de lutte contre l’impunité, Rabat entend perpétuer l’omerta. »

Le 27 avril 2014, Wafaa Charaf a participé à Tanger à une manifestation de soutien à des syndicalistes licenciés. En rentrant chez elle, elle a été enlevée par deux hommes qui lui ont bandé les yeux et l’ont embarquée de force dans une voiture et conduite en dehors de la ville. Pendant plusieurs heures, ils l’ont frappée, insultée et menacée en évoquant ses engagements politiques. Puis ils l’ont abandonnée sur place. Elle est allée faire constater ses blessures par un médecin et, le 30 avril, a porté plainte contre X pour torture et enlèvement auprès du procureur de Tanger. Cela lui a valu d’être arrêtée le 8 juillet dernier, placée en détention provisoire et poursuivie pour dénonciation calomnieuse et outrage à agent.

En dissuadant ainsi les victimes de porter plainte, le Maroc se rend coupable d’une violation flagrante de l’article 13 de la Convention contre la torture, selon lequel l’Etat doit garantir aux victimes le droit de porter plainte [3].

L’ACAT est aussi poursuivie devant la justice marocaine pour dénonciation calomnieuse alors que les plaintes pour torture qu’elle a déposées aux côtés de plusieurs victimes sont sérieuses et circonstanciées.

Le 4 mars 2014, le Maroc s’est joint au Chili, au Danemark, au Ghana et à l’Indonésie pour lancer l’initiative mondiale pour la ratification de la Convention contre la torture. Cette initiative, saluée par l’ACAT, doit se traduire par des actes. Au même moment, le royaume chérifien multipliait les mesures de rétorsion à la suite de la convocation par la justice française du patron de la DST marocaine concernant des plaintes pour torture déposées par l’ACAT et plusieurs victimes.

Selon Hélène Legeay, « Avant d’appeler les autres pays à ratifier la Convention contre la torture, le Maroc devrait balayer devant sa porte, en s’assurant que ce texte, ratifiée par le pays en 1993, soit appliquée. »

Le 23 juillet, Oussama Hassan, autre militant de l’AMDH et du mouvement du 20 février, a été condamné à trois ans d’emprisonnement et 10 000 dirhams d’amende lui aussi pour dénonciation calomnieuse pour avoir dénoncé les tortures qui lui ont été infligées par des inconnus à l’issue d’une manifestation à laquelle il venait de participer, le 2 mai dernier.

Contact presse :

Pierre Motin, 01 40 40 40 24 / 06 12 12 63 94 pierre.motin@acatfrance.fr  

Notes aux rédactions :

  • [1] Dans le sillage des mouvements sociaux nés du Printemps arabe, des protestataires marocains venant de différentes tendances idéologiques, mais partageant les revendications pour plus de démocratie et la fin de la corruption se sont fédérés au sein du « Mouvement du 20 février » et ont organisé à partir de cette date une série de manifestations pacifiques dans plusieurs villes du pays.
  • [2] Association marocaine des droits humains
  • [3] Selon l’article 13 de la Convention contre la torture, « Tout Etat partie assure à toute personne qui prétend avoir été soumise à la torture sur tout territoire sous sa juridiction le droit de porter plainte devant les autorités compétentes dudit Etat qui procéderont immédiatement et impartialement à l'examen de sa cause. Des mesures seront prises pour assurer la protection du plaignant et des témoins contre tout mauvais traitement ou toute intimidation en raison de la plainte déposée ou de toute déposition faite. »

 

 

Source : www.acatfrance.fr

 

 

 

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13 octobre 2014 1 13 /10 /octobre /2014 17:43

 

Source : rue89.nouvelobs.com

 

 

Arrêt sur images 13/10/2014 à 10h05
Chut ! Le président de gauche a été réélu
Arretsurimages.net"
Daniel Schneidermann | Fondateur d'@rrêt sur images

 

 

 

C’est dès le premier tour que le président de gauche a été réélu, avec 61% des voix. Le candidat de l’opposition de droite n’en a recueilli que quelque 21%, lors d’une élection qui s’est déroulée dans une parfaite régularité (il est vrai que le vote est obligatoire dans le pays).

Comment expliquer cet exploit ? Par la croissance du pays, 5,2%, la plus élevée du continent, et dont les effets se font sentir dans la population : le gaz arrive progressivement dans les logements des plus pauvres, des routes, des hôpitaux, des stades, des usines, ne cessent de sortir de terre.

Contrairement à ce que prédisaient certains, la nationalisation de l’énergie par rachat d’actions aux industriels, voici deux ans, n’a pas conduit le pays au bord du gouffre, au contraire. Le Président a pu aussi compter sur le soutien des classes moyennes, qui se sont massivement portées sur son nom. Et même le patronat lui est reconnaissant de la stabilité du pays.

Une brève dans les journaux du matin

Une telle nouvelle, un matin, devrait logiquement occuper une bonne partie des journaux d’information. Haletants, les présentateurs devraient interroger leurs envoyés spéciaux : expliquez-nous !

Un président de gauche réélu ? En tenant ses promesses, et au-delà ? Des nationalisations bénéfiques pour tout le monde ? Quelles sont les recettes ? Quelques-unes d’entre elles seraient-elles, par miracle, transposables ?

Mais non. Dans le meilleur des cas, la réélection d’Evo Morales en Bolivie est traitée en brève dans les journaux du matin. Le plus souvent, elle passe à l’as.


Le regard d’Evo Morales, dans le rétroviseur de la voiture qu’il conduit, le 11 octobre 2014 à Chapare (Bolivie) (Juan Karita/AP/SIPA)

Du côté de la presse libérale, ce silence se comprend. Voici deux ans, Le Figaro soulignait le risque des nationalisations : l’effondrement de la production pétrolière. Celle-ci ne s’étant apparemment pas produite, Le Figaro reconnaît, sportivement quoique brièvement, le succès de la politique Morales.

Même Mélenchon...

Quant au Monde, sa correspondante à Lima, même si elle a constaté la prospérité économique bolivienne, l’attribue à... la croissance chinoise, qui a dopé ses exportations de minerais et d’hydrocarbures. L’explication par les nationalisations est simplement suggérée en seconde place, au conditionnel, et prudemment placée dans la bouche de Morales lui-même.

A gauche aussi, il n’est pas impossible que le cas Morales dérange : pensez, un président de gauche qui a légalisé le travail des enfants à partir de 10 ans, et apparemment à la demande des enfants eux-mêmes : qu’en penser ? Voilà qui bouscule toutes les catégories. Les débats se poursuivent jusque dans nos forums. Même Mélenchon, pourtant doté d’antennes surpuissantes en Amérique latine, semble l’avoir perdu de vue sur son blog. Le miracle bolivien n’aura pas de savants docteurs.

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17 septembre 2014 3 17 /09 /septembre /2014 18:25

 

Source : www.marianne.net

 

 

L'Equateur sur le chemin d'un salaire maximum !
Mercredi 17 Septembre 2014 à 19:00

 

Patricia Neves

 

Rafael Correa, le président équatorien, l'a annoncé ce week-end : il envisage d'instaurer un salaire maximum dans les entreprises privées. Le rapport entre le plus bas et le plus haut salaire pourrait être fixé de 1 à 20. Des manifestations en réponse à cette mesure sont prévues cette nuit dans le pays.

 


Moises Castillo/AP/SIPA
Moises Castillo/AP/SIPA
«Si le directeur d'une banque veut gagner 60 000 dollars (près de 46 000 euros), parfait, mais ça n’excédera pas vingt fois le salaire de son travailleur le plus pauvre » a annoncé ce week-end le président équatorien, Rafael Correa, sans toutefois préciser s'il évoquait un revenu mensuel ou annuel... Sans doute, notre homme a-t-il avancé ce montant par pure provocation. Car l'important est ailleurs, dans le rapport de 1 à 20 retenu par le chef de l'Etat. Car c'est contre les « inégalités » que s'est érigé Rafael Correa, en faisant cette sortie dans son habituel espace de parole hebdomadaire, « Enlace Ciudadano », diffusé à la radio, sur les écrans de la télévision via les dizaines de chaînes pro-gouvernementales. Ainsi, si cette réforme voyait le jour, les salaires les plus élevés pourraient donc, selon nos calculs, ne pas dépasser 6 800 dollars (5 300 euros) par mois, soit vingt fois 340 dollars, le montant du Smic équatorien (262 euros), qui a plus que doublé sous la présidence Correa.
 
Calquée sur « Aló presidente », l’émission à succès de son ancien homologue vénézuelien et grand orateur Hugo Chavez, « Enlace Ciudadano » est diffusée depuis 2007, date de l’élection du président Correa, et ne vise pas seulement à tenir informés les électeurs des projets en cours ou en devenir mais à maintenir un lien direct avec la population. Qui d’ailleurs le lui rend bien. Avec 75 % de taux de popularité, Rafael Correa est en effet le dirigeant sud-américain le plus populaire.
 
Ce week-end cependant, l’annonce de l’instauration d’un salaire maximum tant dans le public qu’au sein des entreprises privées, a surpris. Elle intervenait de fait à quelques jours seulement d’une grande manifestation organisée à l’appel de plusieurs organisations syndicales, tous secteurs confondus, allant de la fonction publique aux peuples indigènes. Tous se réunissent aujourd'hui (cette nuit en France, ndlr) pour une « grande marche » contre la réforme du Code du travail, actuellement en préparation, qui inclura donc désormais le plafonnement des plus hauts salaires.
 
Un mécontentement auquel n’a pas tardé de réagir le chef de l’Etat. Sur Twitter, Correa a en effet anticipé cette semaine « difficile » et appelé ses sympathisants à se mobiliser eux-aussi, à Quito, la capitale. « S’ils sont 3 000 nous serons 30 000 » prévient-il. En face, les opposants déclarent ne pas vouloir « mesurer » leurs « forces » respectives. Ce sera pourtant l’occasion de le faire...
 
Car plusieurs autres mesures phares s’annoncent dans les prochains mois, comme l’augmentation possible du prix des transports publics dont les conséquences au Brésil, l'année dernière, ont été dévastatrices pour le parti des travailleurs (PT) de la présidente Dilma Rousseff. Jamais les Brésiliens n'avaient autant manifesté, par millions, dans les rues, sur les réseaux sociaux, poussant même le gouvernement à reculer. Mais un autre sujet inquiète : un amendement de la Constitution équatorienne est à l'étude. Celui-ci permettrait aux autorités en place, en particulier au président, de se représenter sans limite de mandats successifs. L'exemple du voisin vénézuelien, cette fois, est aussi éloquent. La mesure, soumise par référendum une première fois en 2007 puis en 2009 par Caracas est aujourd'hui encore et toujours contestée. 

Demain, la mobilisation à Quito sera donc un test. Alors que la tension sociale est palpable depuis plusieurs mois. En témoignent les dernières municipales, tenues en février dernier et à l’issue desquelles les trois plus grandes villes du pays, Quito, Guayaquil et Cuenca ont toutes échappé à Alianza País, le parti au pouvoir. 

En France, la question du salaire maximum n'est pas passée inaperçue. Sur le site internet du Parti de gauche, Jean-Luc Mélenchon rappelle en effet qu'il en avait fait l'une de ses principales propositions de campagne, lors de la présidentielle de 2012. François Hollande, lui, promettait alors d'imposer un « écart maximal de rémunérations de 1 à 20 » aux « dirigeants des entreprises publiques ». Un décret de juillet 2012 fixe bien un « plafond brut annuel », mais à 450 000 euros, soit en fait un écart de 1 à 26 si l'on se réfère au Smic comme salaire le plus bas.

Mais quid d'un tel dispositif dans les entreprises privées ? En mars 2013, le Figaro rapporte un sondage selon lequel 83 % des Français se déclarent favorables à une « loi instaurant un "salaire maximum " pour les dirigeants d'entreprises privées» Proposition rejetée en Suisse huit mois plus tard à 65 % quand bien même le pays possède l'un des plus grands écarts de revenus, derrière les Etats-Unis et le Canada. « En moyenne, écrit à l'époque France 24, un dirigeant helvète gagnait en 2012, 148 fois plus que son employé lambda. » C'est 108 fois pour la France...

 

 

Source : www.marianne.net

 

 

 

 

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31 août 2014 7 31 /08 /août /2014 21:55

 

Source : www.ritimo.org

 

 

Politiques de la Pachamama 

Extraction des ressources naturelles vs. droits autochtones et protection de l’environnement

1er juillet 2014

Cet article a été traduit de l’espagnol vers le français par Jessica Pagazani et relu par Annabelle Rochereau, traductrices bénévoles pour Ritimo. Retrouvez l’article original ici : The Politics of Pachamama : Natural Resource Extraction vs. Indigenous Rights and the Environment in Latin America

 

 

De bon matin, il y a de cela plus de dix ans, j’avais interviewé Evo Morales à Cochabamba, en Bolivie. Celui-ci, alors leader des cultivateurs de coca et député dissident, était en train de boire un jus d’orange fraîchement pressé dans les locaux de son syndicat, sans prêter attention aux sonneries incessantes du téléphone. Quelques semaines à peine avant notre entretien, un mouvement social d’ampleur nationale avait réclamé la nationalisation des réserves de gaz naturel de la Bolivie. Tout le monde se demandait comment les richesses du sous-sol pourraient bénéficier à cette majorité sans ressources qui vivait à la surface.

Concernant ses ambitions pour le gaz naturel bolivien, l’intention de Morales était de faire des ressources naturelles « un instrument politique de libération et d’unité en Amérique latine ». Il était à l’époque considéré par beaucoup comme un candidat populaire à l’élection présidentielle et il ne cachait pas que les politiques autochtones qu’il voulait mettre en œuvre en tant que leader étaient intrinsèquement liées à une vision de la Bolivie mettant ses richesses naturelles au service du développement national. « Nous, les autochtones, sommes en train de reprendre le pouvoir, après 500 ans de résistance. Cette reprise de pouvoir est axée sur la récupération de nos propres richesses, de nos propres ressources naturelles. » C’était en 2003. Deux ans plus tard, il était le premier président indigène à être élu en Bolivie.

Revenons au mois de mars de cette année. La scène se passe un samedi matin ensoleillé dans le centre-ville de La Paz, alors que les vendeurs de rue montent leurs stands pour la journée aux côtés d’un groupe de rock qui organise un concert dans une rue piétonne. Je dois rencontrer Mama Nilda Rojas, la leader du groupe amérindien dissident CONAMAQ, une confédération de communautés aymara et quechua du pays. Rojas, tout comme ses collègues et sa famille, a été persécutée par le gouvernement de Morales en raison de sa mobilisation contre les industries extractives. « Les territoires autochtones sont entrés en résistance, explique-t-elle, car les veines ouvertes de l’Amérique latine continuent à saigner, recouvrant la terre de sang. Ce sang est pompé par toutes les industries extractives. »

Tandis qu’Evo Morales considère les richesses du sous-sol comme un outil de libération, Rojas estime que le président n’hésite pas à soutenir les industries extractives - exploitation minière, pétrolière et gazière - sans se préoccuper de la destruction de l’environnement ni du déplacement des communautés auxquels conduisent ces industries.

Comment peut-il exister un tel décalage entre Morales et Rojas ? Cela s’explique en partie par l’ampleur des conflits qui opposent les politiques extractivistes menées par les gouvernements de gauche en Amérique latine et les politiques de la Pachamama (la Terre Mère), et par la manière dont les mouvements autochtones ont mené la résistance contre l’extractivisme pour défendre leurs droits, leurs terres et l’environnement.

Depuis le début des années 2000, une vague de présidents de gauche a remporté les élections en Amérique latine en promettant notamment d’utiliser la richesse des ressources naturelles abondantes pour financer des programmes sociaux, accroître l’accès aux services de santé et d’éducation, redistribuer les richesses, donner des moyens d’action aux travailleurs, lutter contre la pauvreté et bâtir la souveraineté économique nationale.

 

 

Au cours de ce changement, c’est l’État, à la place de la sphère privée, qui a joué le rôle le plus important dans l’industrie extractive. L’objectif était d’en faire bénéficier un large pan de la société plutôt que de simplement remplir les poches d’une poignée de dirigeants de multinationales, comme cela s’était systématiquement produit sous les gouvernements néolibéraux. Les coûts sociaux et environnementaux des opérations d’extraction n’ont pas disparu, seule la vision économique a changé. « Les activités extractives et l’exportation des matières premières continuent comme avant, mais elles s’accompagnent maintenant d’un discours progressiste pour les justifier », explique Carmelo Ruiz-Marrero, journaliste portoricain spécialisé dans les questions environnementales.

Bien que de nombreuses économies et de nombreux citoyens aient pu profiter de l’implication accrue de l’État dans l’extraction des ressources, l’extractivisme, même s’il est mis en œuvre par des gouvernements progressistes, n’a pas cessé d’entraîner le déplacement de communautés rurales, d’empoisonner les sources d’eau, de tuer les sols et de porter atteinte à l’autonomie territoriale amérindienne, comme c’était déjà le cas sous le néolibéralisme. Comme l’écrit la sociologue argentine Maristella Svampa, en Amérique latine, « les politiques progressistes mises en place ces dernières années s’inspirent de la conception conventionnelle et hégémonique d’un développement fondé sur l’idée d’un progrès infini et de ressources naturelles soi-disant inépuisables ». Cette tendance extractiviste, favorisée par le discours et par les mandats progressistes de la gauche latino-américaine, a eu des conséquences préoccupantes dans toute la région.

Suite à la crise de 2001-2002 en Argentine, les gouvernements de Nestor et Cristina Kirchner ont œuvré avec succès pour redresser l’économie du pays et pour donner des moyens d’action aux travailleurs. Ils ont mis en place des politiques économiques progressistes afin de promouvoir la souveraineté de l’Argentine, après des années de néolibéralisme pendant lesquelles les entreprises et services publics avaient été privatisés. Les Kirchner ont placé de nombreuses industries sous le contrôle de l’État et ont utilisé les nouvelles recettes du gouvernement pour financer des programmes sociaux et pour réduire la dette du pays face aux entreprises et aux prêteurs étrangers.

Dans le cadre de cette réorientation politique, en 2012, l’État argentin a obtenu 51 % des parts de la compagnie pétrolière YPF, qui avait été privatisée dans les années 1990. Cependant, l’année dernière, la compagnie argentine YPF a signé un accord avec Chevron pour étendre les zones de fracturation de gaz de schiste dans le pays. Or les opérations doivent se dérouler sur les territoires mapuche. Les communautés autochtones menacées ont répliqué en occupant quatre puits de forage d’YPF. « Il ne s’agit pas seulement de la terre dont ils s’emparent », a expliqué Lautaro Nahuel, de la Confédération mapuche de Neuquén à Earth Island Journal. « Toutes les formes de vie naturelle de la région sont étroitement liées. Ce qu’ils font ici aura des conséquences sur le fleuve Neuquén ; or nous buvons l’eau de ce fleuve. » Des manifestations contre les projets de fracturation hydraulique d’YPF-Chevron se déroulent dans tout le pays.

Le président uruguayen José « Pepe » Mujica, qui a récemment attiré l’attention de la communauté internationale en légalisant la marijuana, l’avortement et le mariage homosexuel et en proposant d’accueillir d’anciens détenus de Guantanamo, est en train de négocier un accord avec la compagnie minière anglo-suisse Zamin Ferrous portant sur un énorme projet d’extraction minière à ciel ouvert. Ce projet impliquerait l’extraction de 18 millions de tonnes de minerai de fer dans tout le pays au cours des 12 à 15 prochaines années. Outre l’exploitation minière en elle-même, le projet prévoit la construction de pipelines afin de transporter le minerai à travers les terres jusqu’à la côte atlantique du pays. Les critiques ont pointé du doigt le fait que le plan allait avoir des conséquences désastreuses pour la biodiversité de la région et allait entraîner le déplacement de ses agriculteurs. En réponse à ces projets, un mouvement national est actuellement en cours pour réclamer l’organisation d’un référendum afin d’interdire l’extraction minière à ciel ouvert en Uruguay.

L’ancien président brésilien Luiz Lula da Silva et sa successeure Dilma Rousseff, tous deux du Parti des travailleurs, ont œuvré pour le développement de la classe moyenne dans le pays et ont mis en place des programmes d’aide sociale visant à éliminer la pauvreté et la faim. Cependant, leurs administrations ont également dirigé un vaste système économique fondé sur l’extractivisme, ne laissant aucune place aux petits paysans ni aux questions environnementales. Le Brésil abrite la plus grande industrie minière de toute la région : en 2011, le volume de l’extraction était supérieur au double du volume de minéraux extraits dans l’ensemble des autres pays d’Amérique du Sud. C’est également le plus grand producteur de soja, une culture OGM qui se propage rapidement sur tout le continent, avec son lot de pesticides mortels qui détruisent les sols et empoisonnent les sources d’eau, forçant les petits paysans à quitter les campagnes pour aller s’agglutiner dans les bidonvilles en périphérie des métropoles latino-américaines.

Le président équatorien Rafael Correa est devenu célèbre en tant que défenseur de l’environnement dans son pays en apportant son soutien à l’adoption, en 2008, d’une constitution donnant des droits à la nature. En 2007, il avait également lancé une initiative pour que le pétrole présent dans le parc national Yasuní ne soit pas exploité. En échange de la non-exploitation du pétrole dans cette zone riche en biodiversité, un appel aux dons de 3,6 milliards de dollars (soit la moitié de la valeur du pétrole) a été lancé auprès de la communauté internationale en faveur du Programme des Nations Unies pour le développement, qui finance des programmes internationaux de santé et d’éducation, entre autres. En août dernier, comme seulement 13 millions de dollars avaient été collectés et 116 millions promis, Correa a annoncé que son initiative avait échoué, et que l’extraction du pétrole aurait bien lieu dans le parc Yasuní. Lors d’une allocution télévisée le président avait déclaré : « Le monde nous a laissés tomber. »

Et pourtant, tandis que Correa soulignait à juste titre que les nations les plus riches ont l’obligation de contribuer à résoudre les problèmes liés à la crise climatique mondiale, dans son pays, il développait l’industrie minière et criminalisait les mouvements indigènes qui protestaient contre les industries extractives sur leurs territoires. Sous son mandat, de nombreux leaders autochtones qui s’organisaient contre les mines, contre les mesures de privatisation de l’eau et contre l’extraction d’hydrocarbures ont été mis en prison du simple fait de leur militantisme.

La criminalisation des militants autochtones luttant contre l’industrie minière au Pérou est également devenue la norme dans ce pays riche en ressources minérales. Sous la présidence d’ Ollanta Humala, l’industrie minière a connu un véritable essor, tout comme les conflits qu’elle a provoqués avec les communautés locales luttant pour défendre leurs droits à la terre et à l’eau.

En Bolivie, le président Evo Morales s’est largement exprimé sur le thème du respect dû à la Pachamama, de la lutte contre le changement climatique dans le monde et de la mise en œuvre des philosophies autochtones telles que le Buen Vivir (vivre bien), permettant de vivre en harmonie avec la planète. Son gouvernement a promulgué certaines politiques progressistes dans l’optique de générer davantage de revenus publics en confiant à l’État la gestion de l’extraction des ressources naturelles pour qu’il utilise ce revenu supplémentaire pour financer une hausse des salaires ainsi que des programmes sociaux à l’échelle nationale en matière de santé, de retraite, d’éducation et de développement des infrastructures. L’administration Morales et son parti, le MAS (Mouvement vers le Socialisme), ont également cherché à promouvoir des changements constitutionnels et des lois pour la protection de l’environnement, l’autonomisation des communautés autochtones et pour faire de l’accessibilité aux services et ressources de base un droit. Pourtant, la plupart des discours et promesses de changement ont été contredits par la façon dont les politiques du MAS se sont traduites sur le terrain.

Le gouvernement a par exemple défendu un projet de construction d’une grande autoroute à travers le territoire amérindien et parc national Isiboro Secure (TIPNIS). Les protestations contre le projet du gouvernement ont renforcé le mouvement pour la défense des droits des autochtones et de l’environnement. En 2011, la réponse du gouvernement a été de brutalement réprimer les familles qui manifestaient contre le projet routier. La violence gouvernementale a fait 70 blessés. Les familles et amis des victimes sont toujours en quête de justice.

Plus récemment, la promesse faite par le MAS de respecter la Terre Mère ainsi que les droits des autochtones et des petits paysans s’est heurtée à un autre de ses projets : la loi sur les mines, qui a été approuvée fin mars par le Congrès, contrôlé par le MAS, et qui devait ensuite être adressée au Sénat. Mais les manifestations contre la loi ont contraint le gouvernement à suspendre son adoption en attendant d’en savoir plus sur les exigences des opposants. Tandis que les coopératives minières privées, célèbres pour leur indifférence à l’égard de l’environnement et des communautés locales affectées par l’industrie minière, protestent contre la loi car elle ne leur octroie pas le droit de vendre les ressources à des entités privées à l’étranger sans être surveillées par le gouvernement, d’autres groupes avec des exigences différentes ont exposé leurs critiques. N’ayant rien à voir avec les mineurs coopérativistes, ces opposants venus des mouvements paysans et autochtones sont davantage préoccupés par les questions d’accès à l’eau et par la défense du droit de manifester.

La loi sur les mines accorde à l’industrie minière le droit d’utiliser l’eau publique pour ses opérations nocives et très gourmandes en eau. Cela sans se préoccuper du droit des communautés rurales et agricoles à avoir accès à cette même eau. De plus, cette loi criminalise les protestations contre les opérations minières ; les communautés les plus affectées par la pollution et par les déplacements forcés n’auraient donc plus aucun recours légal possible pour défendre leurs foyers. En réaction à cette loi, un certain nombre d’organisations amérindiennes et de petits paysans sont descendus dans la rue pour manifester.

J’ai pu échanger avec Mama Nilda Rojas, la leader amérindien du CONAMAQ, à propos de sa vision de la loi sur les mines. « Le gouvernement Morales nous avait dit qu’il dirigerait le pays en écoutant le peuple et que les lois viendraient d’en bas. Mais, cette promesse n’a pas été tenue en ce qui concerne la loi sur les mines, poursuit Rojas. Cette loi a été élaborée sans que les représentants des communautés les plus touchées par les activités extractives aient été suffisamment consultées. C’est une loi qui criminalise le droit à la protestation. Cette loi nous empêchera de bloquer les routes. Nous n’aurons pas le droit de manifester [contre les opérations minières] », explique-t-elle. « Nous n’oublions pas qu’il s’agit de ce même Evo Morales que l’on voyait manifester et bloquer des routes [il y a des années]. Alors, comment se fait-il qu’il soit en train d’abolir ce droit de protester ? ».

Rojas explique : « Ce gouvernement a prononcé de faux discours au niveau international, prétendant défendre la Pachamama, la Terre Mère », or ce qui a lieu en Bolivie est une toute autre histoire. Et pendant ce temps, à l’extérieur de l’Amérique latine, les gouvernements, les militants et les mouvements sociaux voient les pays comme la Bolivie et l’Équateur comme des exemples à suivre pour vaincre le capitalisme et pour lutter contre le changement climatique. Le modèle de Yasuní et le respect des droits de la nature peuvent et doivent avoir un impact au-delà des frontières de ces pays. Les pays les plus riches et leurs consommateurs, et toutes les industries dont les sièges se situent dans les pays du Nord, doivent prendre leurs responsabilités et relever les défis liés à la crise climatique.

À bien des égards, la majorité des partis de gauche en Amérique du Sud constituent un progrès par rapport à leurs prédécesseurs néolibéraux. Ils ont contribué à tracer un chemin formidable vers des modèles alternatifs qui sont une source d’inspiration dans le monde entier. Dans l’ensemble, ils ont permis aux pays de se libérer du joug du Fonds Monétaire International et des dictatures soutenues par les États-Unis, et leur ont donné les moyens d’accéder à l’autodétermination. Dans l’intérêt de ses nouvelles orientations, il est à espérer que la droite néolibérale ne parviendra pas à regagner du terrain dans la région dans un futur proche et que Washington ne pourra plus continuer à s’immiscer dans les affaires d’une Amérique latine toujours plus indépendante.

Néanmoins, alors que cette marche vers le progrès se poursuit sous toutes ses formes et que les périodes d’élections vont et viennent, les perdants de la nouvelle gauche d’Amérique latine sont bien souvent les mêmes qu’avant... les communautés rurales expropriées et les mouvements autochtones qui, pourtant, ont ouvert la voie ayant permis à ces présidents d’accéder au pouvoir. Au nom du progrès, de la Terre Mère, du Buen Vivir et du socialisme du XXIe siècle, ces gouvernements contribuent à empoisonner les rivières et la terre et à déplacer, emprisonner et assassiner les militants anti-extractivistes. Une solidarité qui resterait aveugle à cette contradiction causerait beaucoup de tort aux divers mouvements populaires qui luttent pour un monde meilleur.

Si un modèle alternatif - mettant la qualité de vie et le respect de l’environnement au-dessus de la croissance du produit intérieur brut et de l’expansion de la société de consommation, plaçant la soutenabilité au-dessus de la dépendance face à l’extraction des matières premières finies, mais aussi respectant le droit à une agriculture à petite échelle et le droit à l’autonomie des territoires indigènes plutôt que l’intérêt des compagnies minières et des exploitations de soja - parvient un jour à triompher, ce modèle sera sûrement le fruit des luttes menées par ces mouvements populaires. Pour que ce modèle réussisse à transformer les tendances progressistes de toute la région, il est nécessaire que les espaces de dissidence et de débat au sein des mouvements autochtones, paysans et de défense de l’environnement soient respectés et renforcés, et non pas écrasés et réduits au silence.

« Nous sommes debout, et nous manifestons contre l’extractivisme, conclut Rojas, la Terre Mère est fatiguée. »

Commentaires

Benjamin Dangl est journaliste en Amérique latine depuis plus de dix ans et réalise des reportages sur les mouvements sociaux et la vie politique de la région. Il est l’auteur des livres suivants : Dancing with Dynamite : Social Movements and States in Latin America et The Price of Fire : Resource Wars and Social Movements in Bolivia

Dangl est actuellement doctorant en Histoire de l’Amérique latine à l’Université McGill et il a créé UpsideDownWorld.org, un site Web sur le militantisme et la vie politique en Amérique latine, ainsi que TowardFreedom.com, qui offre une perspective progressiste sur les événements dans le monde. Email : BenDangl(at)gmail(dot)com.

Twitter : @bendangl

 

Source : www.ritimo.org

 

 

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24 août 2014 7 24 /08 /août /2014 17:56

 

 

Source : rue89.nouvelobs.com

 

 

Manifestation 24/08/2014 à 15h40
Allemagne : heurts entre néonazis et antifas le jour d’une Gay Pride

Pierre Pauma | Journaliste


 

Le parti d’extrême droite allemand Die Rechte devait manifester samedi après-midi dans une rue de Dortmund, mais les antifascistes leur ont coupé l’herbe sous le pied en occupant le lieu avant eux. La suite est moins drôle : les néonazis ont organisé une seconde manifestation dans le nord de la ville avec l’aval de la police, et avec à la clé plusieurs blessés chez les forces de l’ordre.

 


Une manifestation de BlockaDO à Dortmund, le 28 mai 2014 (Pierre Pauma)

Dortmund et Die Rechte

Dortmund, avec ses 600 000 habitants, est la plus grande ville de feu le bassin industriel de la Ruhr. Pour brosser le tableau à gros traits, la Ruhr est à l’Allemagne ce que le Nord-Pas-de-Calais est à la France : un glorieux passé industriel et minier, un présent économique compliqué.

Le taux de chômage à Dortmund atteint 13,2% (7% dans le reste du pays), et presque 30% des habitants de la ville ont des origines étrangères : il n’en faut pas plus pour faire le creuset de l’extrême droite. Ressuscitée dans les cendres de divers partis néonazis et de mouvements hooligans dissous, la branche locale du parti d’extrême droite Die Rechte (La Droite), menée par le militant néonazi Siegfried Borchardt (dit SS-Siggi) a fait son entrée au conseil de la ville en mai dernier en obtenant 1% des voix aux dernières élections communales. Le soir même, ses militants agressaient plusieurs personnes devant la maison communale de la ville.

Alors qu’en Allemagne, le vieux débat sur l’interdiction ou non du NPD (Nationaldemokratische Partei Deutschlands, considéré comme néonazi) court toujours, la ville de Dortmund doit composer depuis trois mois avec Die Rechte, un parti d’extrême droite virulent... Et élu.

La ville accueillait ce 23 août le Christopher Street Day (CSD, une fête gay, lesbienne et trans), et les néonazis ont décidé de déposer une demande pour manifester à 500 mètres du rassemblement gay-friendly.

Accordé par les autorités de police locales, mais à une condition : les chemises jaunes (communication visuelle oblige, le parti se cherche une autre couleur que le brun) avec des slogans qu’avait préparées le parti resteraient dans les placards, tout comme les T-shirts estampillés « Protection de la ville » dans lesquels des membres du parti néonazi aimeraient pouvoir patrouiller (tiens donc).

Pas vraiment l’idée du siècle, décident les militants antifascistes du cru rassemblés sous le nom de BlockaDO. En deux jours de mobilisation sur Internet, ils appellent à contre-manifester et sont aidés par un détachement du CSD pour bloquer les entrées de la rue Katharinen où doit se tenir la manifestation néonazie et occuper la principale rue commerçante.

 

Voir l'image sur Twitter

"@kritikell: Heute in Dortmund! pic.twitter.com/X54X6DO3T8" Großartig! @blocka_do

« Aujourd’hui à Dortmund, énorme ! » [sur l’affiche : « Les nazis mangent des kebabs en cachette »)

« Nous sommes déjà là et nous restons »

A 13 heures, les premiers contre-manifestants sont déjà sur place. En moins d’une demi-heure, ils sont 250 et dépassent largement les capacités des forces de police présentes. Sur les photos diffusées sur les réseaux sociaux, de nombreux militants sont masqués par crainte d’être reconnus. On aperçoit aussi un drapeau du Parti pirate.

Une heure plus tard, alors que la manifestation néonazie doit commencer dans une demi-heure, pas question de lever le camp, déclare la porte-parole de BlockaDO Iris Bernerdt au journal local Ruhr Nachrichten :

« La police nous a amicalement signifié qu’à 14h45, le rassemblement devait se terminer. BlockaDO pour sa part a décidé de ne pas partir. Les néonazis veulent peut-être venir ici à 15 heures, mais nous sommes déjà là et nous restons. »

Sur son compte Twitter, BlockaDO écrit :

 

 

Voir l'image sur Twitter

Die Demo aus Richtung des CSD ist unterhalb der Katharinentreppen angekommen. Alles Dicht.

« La manifestation venant du CSD est arrivée sous les escaliers de la rue Katharinen. C’est dense. »

Seulement trois quarts d’heure de manif

Peu avant 15 heures, ce sont finalement les néonazis qui se voient interdire l’accès au lieu par la police. Impossible de déloger les militants antifascistes qui se font de plus en plus nombreux sur place. La manifestation néonazie débute finalement peu avant 16 heures, avec presque une heure de retard. Ils sont 85 selon la police, coincés entre des grilles de chantier, un café et un cordon de police, à manifester à côté du lieu initial.

Parmi les banderoles, l’une d’entre elles réclame la réintroduction du paragraphe 175 dans le code pénal allemand, qui criminalisait l’homosexualité masculine.

Alors que la manifestation devait durer jusque 18 heures, elle est stoppée prématurément trois quarts d’heures après son début.


Capture d’écran de la page Facebook de Die Rechte Dortmund montrant une banderole néonazie réclamant la criminalisation de l’homosexualité (Die Rechte Dortmund)

« On vous aura tous »

Mais Die Rechte n’en reste pas là et annonce un rassemblement « spontané » devant une ancienne église occupée par les antifascistes, dans un quartier où habitent de nombreux immigrés ou descendants d’immigrés.

Alors que les habitants assistent à la scène depuis leurs fenêtres, le reporter de Ruhr Nachrichten rapporte les propos de manifestants d’extrême droite à l’attention de la population locale, d’origine immigrée : « On vous aura tous ! ».

Alors que la police intervient pour faire barrage entre néonazis et antifascistes, des militants « autonomes de gauche » (c’est le communiqué de presse de la police qui le dit) jettent des pierres, tandis qu’un néonazi tente d’asperger du spray au poivre par dessus le cordon de police en direction des antifascistes. Tous deux sont interpellés.

 

Par ailleurs, treize policiers ont légèrement été blessés par une attaque au produit chimique venant des rangs des antifascistes.

 

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Sind jetzt vor dem besetzten Gebäude und haben die Polizeikette vor uns.

« Nous sommes devant le bâtiment occupé et avons la chaîne de policiers devant nous. »

Une deuxième manifestation tenue secrète

Seulement voilà, selon, Die Rechte, la formation d’extrême droite avait prévenu au petit matin la police de Dortmund de son intention de se rendre au nord de la ville pour manifester devant l’église occupée par les activistes de gauche.

C’est ce qu’affirme le parti sur sa page Facebook :

« Dans les premières heures de la matinée, Die Rechte a publié un acte de manifestation dans la rue Enscheder. La police de Dortmund ne pouvait pas autoriser un tel acte. Il a finalement été accepté qu’un court sit-in avec le titre “ Pas d’espace libre pour les criminels gauchistes ! Libérons la maison occupée !” puisse se tenir. »

Une fois tout ce petit monde évacué en fin d’après-midi, chaque camp fait son débriefing sur les réseaux sociaux et crie à la victoire. Sur sa page Facebook, Die Rechte se félicite d’avoir pu manifester malgré le blocage de ses opposants.

« Merci à tous d’être venus dans la rue à Dortmund. Malgré les tracasseries avec la police, un fait positif : les gauchistes n’ont pas réussi à empêcher notre manifestation dans le centre-ville. Et le rassemblement devant “ leur ” maison qu’ils occupent les aura méchamment surpris ! »

Même son de cloche sur le site de BlockaDO, à leur avantage bien sûr :

« BlockaDO se veut et se doit de vous adresser ses compliment aux personnes qui étaient dans la rue avec nous. Vous avez été formidables ! La rue Katharinen a été occupée dès 13 heures et tenue tout l’après-midi. Les nazis se sont rassemblés avec une heure de retard, et cela s’est limité à un mini-rassemblement tenu par la police. »

Le porte-parole du mouvement, Stefan Michaelis, a aussi déploré fait que l’extrême droite ait pu marcher jusqu’au nord de la ville devant le bâtiment occupé par des membres de BlockaDO :

« C’est un scandale que la police ait gardé le secret de cette provocation pour permettre un rassemblement des nazis. Bravo aux habitants qui se sont réjouis de la contre-manifestation et qui ont crié leur opposition aux nazis. »

La police a par ailleurs annoncé des poursuites pénales contre les activistes qui ont jeté des pierres sur les policiers ainsi que l’ouverture d’une information judiciaire contre les opposants qui ont bloqué l’accès au lieu de la manifestation.

 

 

 

Source : rue89.nouvelobs.com

 

 

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22 mai 2014 4 22 /05 /mai /2014 16:09

 

Source : www.mediapart.fr

 

Maroc : des peines de prison pour des manifestants du 20-Février

|  Par La rédaction de Mediapart

 

 

 

La dizaine de manifestants arrêtés lors d'une manifestation syndicale le 6 avril dernier ont été condamnés à des peines allant jusqu'à un an de prison ferme.

 

La dizaine de jeunes militants marocains du mouvement du 20-Février, arrêtés le 6 avril dernier lors d’une manifestation syndicale, ont été condamnés jeudi 22 mai par un tribunal de Casablanca à des peines de prison.

À l’occasion de ce verdict, l’accès au tribunal avait une nouvelle fois été interdit aux proches et aux militants. À l’ouverture du procès, le 6 mai, plusieurs dizaines de manifestants étaient venus soutenir ceux que l’on surnomme « les détenus du 6 avril » en criant « Liberté immédiate pour les détenus politiques ! » ou « Ils sont détenus pour nous, nous militons pour eux ! ».

Parmi les 10 personnes poursuivies, Fouad Elbaz et Amine Leqbabi, jugés en liberté provisoire, ont écopé de deux mois avec sursis. Les autres ont écopé des peines allant de six mois à un an de prison ferme. Hamza Haddi, militant connu de la coordination casablancaise, a été condamné à un an ferme. Il s’agit de sa troisième incarcération.

 

Les dix manifestants avaient été arrêtés violemment alors qu'ils participaient à une manifestation syndicale d'une dizaine de milliers de personnes. Ils étaient poursuivis pour « manifestation non autorisée » et « violence contre les forces de l'ordre ». Interrogé par Mediapart à l’ouverture du procès, Youssef Raïssouni de l'AMDH (Association marocaine des droits humains) avait dénoncé « un procès fabriqué ». « Ils sont poursuivis pour organisation de manifestation non autorisée mais ce cortège était autorisé. Ils sont aussi poursuivis pour actes de violence à l'égard des agents de l'autorité mais il y a des vidéos qui prouvent le contraire. Les autorités cherchent à intimider le mouvement et empêcher toute action militante. »

 

 

 

Source : www.mediapart.fr

 

 


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15 mai 2014 4 15 /05 /mai /2014 15:53

 

Source :  www.marianne.net/martinegozlan


 

1 000 coups de fouets, 10 ans de prison pour un blog: c'est l'Arabie Saoudite!

 

Rédigé par Martine Gozlan le Jeudi 8 Mai 2014 à 21:38

 

Le jeune blogueur saoudien Raef Badawi est condamné à 1 000 coups de fouet, dix ans de prison et 270 000 dollars d'amende pour « offense à l'islam ». Après les enlèvements de lycéennes au Nigeria, l'horreur intégriste se porte affreusement bien.

Raef Badawi, la beauté tragique du courage - Photo : Comité de soutien de Raef Badawi, Facebook
Raef Badawi, la beauté tragique du courage - Photo : Comité de soutien de Raef Badawi, Facebook

Vous connaissez déjà ce visage. C'est celui du jeune blogueur saoudien Raëf Badawi et il a la beauté tragique des amants de la liberté. Hier, un autre jeune homme nommé Waleed al Husseini m'a appelée pour m'informer du sort de Raëf : il devra subir 1 000 coups de fouet, passer dix ans en prison et payer 270 000 dollars au prétexte qu'il aurait offensé l'Islam en créant un réseau de discussion sur le net. Au programme, l'insolent avait osé évoquer la relation à la religion. Voici plus d'un an qu'il est embastillé et la condamnation d'hier est encore pire que la première, prononcée voici quelques mois. On en était alors à 600 coups de fouet et 7 ans de prison.

Waleed était désespéré en m'apprenant la nouvelle. C'est un jeune Palestinien à qui la France a offert l'asile politique. Il n'a pas fui le conflit israélo-palestinien mais sa ville natale de Kalkiliya, dans les territoires autonomes, où la justice de Mahmoud Abbas l'avait aussi enfermé pour athéisme. Marianne a déjà évoqué son destin que j'ai retracé dans mon enquête sur les Rebelles d'Allah. Waleed et Raëf ne se sont jamais rencontrés mais ils ont lutté pour la même cause : celle de la liberté de conscience. Le contexte saoudien était évidemment plus périlleux que le contexte palestinien. Quoique... Waleed a subi des centaines de menaces de mort et n'a été libéré que sur intervention française et européenne.

Mais qui va intervenir pour Raëf Badawi? On n'ose même pas imaginer mille coups de fouet, ce qu'est un corps face à cela. Qui va braver cette Arabie dont on nous vante les nouvelles transitions ? Qui va descendre dans la rue pour clamer que l'intégrisme islamiste est toujours et, de plus en plus, ce fascisme vert dénoncé par l'écrivain algérien Rachid Boudjedra dès la montée du Front islamique du Salut dans son pays au début des années 1990 ?

Sans doute, l'épouvantable affaire des enlèvements de lycéennes par la secte Boko Haram au Nigeria commence-t-elle à préoccuper l'opinion. Il n'est que temps. Mais qu'y a-t-il derrière cette horreur, les 1000 coups de lanières promis au jeune corps rebelle de Raef comme l'esclavage revendiqué pour les jeunes corps de Nigerianes par leurs bourreaux ? Encore et toujours la même barbarie accouplée à la traite mafieuse, à l'obsession sexuelle, à la jouissance sadique, le tout sous le label d'une religion qui, depuis plus d'un quart de siècle, assassine les siens. L'islamisme a tué en effet bien plus de musulmans que de non-musulmans même si le même désir de passer les seconds au fil du sabre reste une constante de cette folie.

Et avec tout cela, les beaux esprits lobotomisés de nos plateaux télé viendront nous expliquer que ce sont fantasmes de journalistes...

 

 

Source :  www.marianne.net/martinegozlan

 

 

 

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