lefigaro.fr avec AFP
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Tout était prêt. Les bâtiments sont construits, les premières bêtes sont finalement arrivées à la « ferme des mille veaux ». Mais vendredi 5 août, comme l'exigeait la justice, le préfet de la Creuse, pourtant favorable au projet, a suspendu l'autorisation d'exploiter le centre d'engraissement de bovins de Saint-Martial-le-Vieux, situé en plein parc naturel régional de Millevaches en Limousin, dans le sud de la Creuse. Le ministère de l'environnement a jusqu'au 12 août pour faire appel.
Le centre d'engraissement est un projet porté par la Société par actions simplifiée (SAS) Alliance-Millevaches, créée en 2010, qui regroupe 45 exploitations agricoles de Creuse et de Corrèze. Son ouverture avait été annoncée pour l’automne 2015, puis reportée plusieurs fois. Des retards de travaux ont provoqué un dépassement du délai légalement prévu et les premiers animaux n'ont été installés qu'au cours du mois de juillet 2016.
Or, ce retard a été le motif d'un coup d'arrêt important. Le 29 juillet, en l'absence de représentants de la préfecture et de la SAS, le tribunal administratif de Limoges saisi en référé a suspendu l'autorisation d'exploitation, estimant que cette dernière était caduque. Délivrée le 8 janvier 2013 pour une durée de trois ans, elle était expirée depuis plus de six mois.
Cette décision s'appuie sur l'article R 512-74 du code de l'environnement selon lequel « l'arrêté d'autorisation, l'arrêté d'enregistrement ou la déclaration cesse de produire effet lorsque, sauf cas de force majeure, l'installation n'a pas été mise en service dans le délai de trois ans ou lorsque l'exploitation a été interrompue pendant plus de deux années consécutives ».
Dans son ordonnance, le tribunal « enjoint au préfet de la Creuse de constater la caducité de l'arrêté préfectoral du 8 janvier 2013 jusqu'à ce qu'il ait été statué sur la requête en annulation de l'association ». La suspension a donc été confirmée vendredi 5 août par le préfet. Le tribunal devra encore juger le recours sur le fond, ce qui pourrait prendre au moins un an.
Cet élevage intensif couvert doit accueillir mille broutards en stabulation. Ce sont de jeunes taureaux âgés de 7 à 11 mois, vendus à la SAS par les éleveurs locaux et destinés, après leur engraissement, au marché français et à l'export dans les pays du pourtour méditerranéen et du sud de l'Europe. Peu consommé en France, ce type de viande peut servir à la confection de viande hachée ou de raviolis. Jusqu'à présent, ces bêtes sont vendues pour être engraissées à l'étranger, souvent en Italie.
Pour l'association L-PEA (Lumière sur les pratiques d'élevage et d'abattage) qui a mené le contentieux en justice, le site « sera le centre industriel d'engraissement le plus important de France. Les veaux y seront accueillis et "stockés" dans un espace réduit où ils recevront une alimentation hypercalorique afin de les "engraisser" et faire ainsi doubler leur poids en 200 jours ». Mais c'est sur le plan juridique que l'association a décidé de concentrer ses efforts.
« Normalement, le préfet aurait pu proroger les délais de l'autorisation avant le 8 janvier 2016, ou même avertir les exploitants par une mise en demeure. Mais il ne l'a pas fait », remarque l'avocat de l'association, Jean-Christophe Ménard, surpris du « défaut total de suivi, du non-respect des procédures élémentaires, et d'une méconnaissance des règles » de la partie adverse dans ce dossier. Une méconnaissance qui lui a permis de dégoter la faille juridique, bien après la fin des recours possibles contre l'autorisation. « C'est le pot de terre qui a gagné contre le pot de fer », se félicite-t-il, expliquant avoir fait constater par huissier « l'absence d'activité au niveau des bâtiments et notamment l'absence d'animaux » le 29 avril.
Mais la panique ne semble pas pour autant gagner les rangs des exploitants, décidés à mener le bras de fer jusqu'au bout. « On prend acte du jugement mais son bien-fondé me laisse perplexe car la SAS avait bien commencé ses activités : il y a un salarié sur place, des barrières ont été installées et des forages ont été faits », avance Pascal Lerousseau, président de la FDSEA de la Creuse (Fédération départementale des syndicats d'exploitants agricoles), dont le syndicat a toujours soutenu ce dossier. D'ailleurs, comme il le confirme à Mediapart, les bêtes continuent d'arriver dans le centre d'engraissement.
« La SAS a une déclaration d'exploiter jusqu'à 400 bêtes », annonce Pascal Lerousseau. Lui-même actionnaire de la SAS Alliance-Millevaches, il estime qu'il y a aujourd'hui plus d'une centaine d'animaux sur le site. La situation pourrait donc rester bloquée avec 400 animaux sur place, en attendant les suites judiciaires.
Au lendemain de la décision de justice, Pierre Chevalier, administrateur de la SAS, ne se montrait guère plus inquiet. Il déclarait sur France 3 : « Je me suis encore entretenu le 23 juin de ce dossier avec M. le ministre [de l'agriculture – ndlr] […] et je n'imagine pas un seul instant qu'il sera abandonné. C'est une référence nationale », tranchait-il avant d'annoncer l'arrivée sur place de nouveaux veaux.
La préfecture, qui s'est toujours montrée favorable au projet, a déjà fait part de son intention de demander au ministère de l'environnement de faire appel de cette décision devant le Conseil d'État. Le ministère est en effet seul habilité à déposer un tel recours, puisque le centre est qualifié d'« installation classée pour la protection de l'environnement » (ICPE).
La décision, qui devait intervenir dans les 15 jours après le jugement, devrait être connue avant le 12 août. Si le ministère fait appel, le Conseil d'État, juge administratif suprême, devra valider ou invalider cet appel, permettant ou pas au préfet d'annuler la caducité.
Or, le ministère se retrouve dans une situation délicate car les investissements publics dans ce dossier sont très importants : 400 000 euros ont été versés par le ministère de la défense, au titre de l'aide à la reconversion d'un ancien terrain militaire et l'ex-Région Limousin a consacré 325 000 euros à l'unité de méthanisation attenante au centre d'engraissement.
Localement, la « ferme des mille veaux » bénéficie par ailleurs de nombreux appuis, comme le soulignait dès 2012 le rapport d'enquête sur la SAS : « L’ancrage local du projet […] ne fait aucun doute, tellement l’implication des élus des départements de la Creuse et de la Corrèze, des chambres consulaires, de la communauté de communes des Sources de la Creuse, du conseil général, du conseil régional et des services de la préfecture de la Creuse a été forte », précise le commissaire enquêteur.
Des proximités auxquelles la justice semble s'intéresser dans un autre volet du dossier. Après une plainte de l'association L-PEA, qui s'appelait alors OEDA (Oui à l'étourdissement dans les abattoirs), une enquête pour soupçon de prise illégale d'intérêts a été ouverte le 12 novembre 2015, à la demande du procureur....
*Suite de l'article sur mediapart
Source : https://www.mediapart.fr