La vente controversée par l'Etat de l'hippodrome de Compiègne, dans l'Oise, au centre de deux instructions impliquant l'ancien ministre du budget Eric Woerth, pourrait prochainement être annulée si le tribunal administratif de Paris suivait l'avis de son rapporteur public.
Pendant près d'une heure celui-ci a en effet défendu, vendredi 24 mai, à l'audience le principe d'une annulation de l'arrêt du 16 mars 2010, par lequel M. Woerth avait validé la cession amiable de ces parcelles forestières pour 2,5 millions d'euros à la Société des courses de Compiègne (SCC).
Le tribunal administratif de Paris rendra sa décision le 7 juin, ce qui pourrait avoir des conséquences sur les deux enquêtes judiciaires en cours, lesquelles doivent déterminer d'éventuelles responsabilités pénales dans cette affaire. La première, ouverte pour "prise illégale d'intérêt" par la Cour de justice de la République (CJR), s'intéresse spécifiquement au rôle de M. Woerth, qui avait été entendu sous le statut de témoin assisté. La seconde, instruite au pôle financier, couvre le volet non ministériel de l'affaire.
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Sans attendre l'issue de ces procédures, qui avaient été lancées à partir de 2010 après une plainte d'élus socialistes, un syndicat de l'Office national des forêts (ONF) a ouvert en août 2012 un nouveau front, en demandant l'annulation de la vente à la justice administrative, compétente pour juger les décisions de l'Etat.
36 PAGES DE REQUÊTE
Dans sa requête de 36 pages, le Syndicat national unifié des personnels des forêts et de l'espace naturel (Snupfen) avait dressé une longue liste de raisons justifiant à ses yeux l'annulation de la transaction. Des arguments en partie repris vendredi 24 mai devant le tribunal administratif par le rapporteur public.
Revenant longuement sur les textes adoptés depuis la Révolution française pour encadrer l'aliénation des bois et forêts du domaine de l'Etat, il a notamment considéré que cette cession de gré à gré n'avait pas respecté le Code général de la propriété des personnes publiques (CGPPP). "L'aliénation litigieuse ne pouvait intervenir sans être autorisée par une loi. Nous concluons à l'annulation de la décision", a déclaré le rapporteur public.
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Le syndicat s'était aussi élevé contre l'absence de publicité de la vente et de mise en concurrence, le non-respect du droit de priorité sur la vente du conseil de la communauté de communes de Compiègne et, surtout, son prix de vente "dérisoire". "Ce bien est tellement exceptionnel que seul le marché aurait pu lui donner sa vraie valeur", a estimé le rapporteur public.
Les deux avocats du Snupfen, Mes Frédéric Mengès et Edmond-Claude Frety, ont confié attendre "avec impatience le délibéré du tribunal après les conclusions particulièrement construites et de qualité du rapporteur public qui montrent que les motifs d'annulation sont solides".
UNE PROCÉDURE "BRICOLÉE"
Dans un rapport au Sénat en 2011, la socialiste Nicole Bricq avait estimé que la procédure de cession avait été "bricolée" et posait "de nombreuses questions de droit administratif".
Si la justice administrative prononce l'annulation de l'arrêté ayant autorisé la vente, il reviendra à un autre juge d'organiser l'annulation de cette transaction, processus qui pourrait se révéler coûteux pour l'Etat.
Un tel constat judiciaire de l'illégalité de la vente viendrait donner des arguments aux parties civiles dans la procédure en cours au pôle financier.
En attendant la décision du tribunal administratif, Laurence Rossignol, une des élus PS qui avaient porté plainte au pénal, a estimé vendredi dans un communiqué que la position du rapporteur public "confirme déjà, pour le moins, que ceux qui comme [elle], ont mis en cause la légalité de cette vente, étaient fondés à le faire".