Nantes, de notre envoyée spéciale.-  D’emblée, le ton est posé : « Si des personnes pensent que le rapporteur public peut être influencé par des pressions du gouvernement, elles connaissent mal le rapporteur public. » Christine Piltant a tenu sa promesse, lundi 7 novembre, pendant près de quatre heures et demie, lors de l’audience de la cour administrative d’appel de Nantes, dans une salle surchauffée où les visages devenaient plus rouges au fil des heures. Elle a présenté, sans ciller, trébuchant à peine sur quelques formulations administratives, les arguments juridiques de fond justifiant l’annulation de quatre arrêtés préfectoraux autorisant les travaux de construction de l’aéroport de Notre-Dame-des-Landes.

Alors que s’ouvre l’audience, bondée, une réunion démarre à la préfecture de Loire-Atlantique : le comité de pilotage doit informer les élus locaux des suites du chantier. Jusqu’au bout, les autorités politiques agissent comme si le projet d’aéroport ne pouvait souffrir aucune contestation, pas même du pouvoir judiciaire. Le week-end précédent, Jean-Marc Ayrault, ministre des affaires étrangères mais ancien maire de Nantes, a déclaré que le projet « continuera sa route quelles que soient les vicissitudes ». François Fillon, lui, a comparé l’avis de la rapporteuse publique à « une opération montée ».

 

Les avocats des opposants à l'aéroport de Notre-Dame-des-Landes, le 7 novembre 2016. (JL) Les avocats des opposants à l'aéroport de Notre-Dame-des-Landes, le 7 novembre 2016. (JL)
 
 
 
 

 

Pas moins de dix requêtes sont inscrites à l’ordre du jour de la séance. D’abord, les recours déposés par les opposants contre la déclaration d’utilité publique (DUP) du programme viaire, c’est-à-dire l’ensemble des projets routiers (4 voies, contournements, aménagements de voies communales…) devant accompagner la construction de la plateforme aéroportuaire. La magistrate les rejette un à un, tout en critiquant les insuffisances de sa méthode : l’impact des destructions de l’environnement qu’ils vont causer « n’est pas à négliger ». Elle déclare valider la DUP « plus par discipline que par conviction ».

Vers 17 heures, vient le temps de son exposé au sujet des cinq requêtes demandant l’annulation des arrêtés préfectoraux de décembre 2013 autorisant les travaux au titre de la loi sur l’eau – ainsi que de la décision du tribunal administratif de juillet 2015 rejetant en première instance les recours des opposants. Dans la salle, les nombreux opposants au projet sourient. Ils savent que la rapporteuse publique va demander l’annulation des arrêtés.

Mais sa démonstration se transforme en réquisitoire contre le projet d’aéroport. Le site, réservé il y a 40 ans pour y construire l’aéroport, comprend plus de mille hectares de zone humide, en tête de trois bassins versants, dotée de 59 mares, décrit-elle. La zone humide de la zone d’aménagement différé de Notre-Dame-des-Landes joue donc « un rôle important pour les milieux aquatiques et l’écosystème en aval ». Or la directive européenne-cadre sur l’eau demande aux États membres de s’opposer à tout projet pouvant détériorer les masses d’eau. Hausse des températures, salinité, manque d’oxygène : Christine Piltant détaille les dommages attendus sur la ressource en eau du territoire si l’aéroport est construit et exploité. « Les fonctionnalités biogéochimiques de la plateforme seraient impactées. »

Le maître d’ouvrage du chantier, AGO Vinci, propose bien des mesures de compensation, mais elles n’offrent aucune garantie de réussite. Surtout, « la destruction est immédiate alors que recréer des fonctions naturelles perdues peut prendre des décennies ». La masse d’eau menacée par l’aéroport ne représente que 1,44 % de la zone impactée. « Si 1,44 % de la population française contractait la rage, cela ferait 1 million de personnes. On ne dirait pas que c’est insignifiant. »...

 

*Suite de l'article sur mediapart

 

 

 

Source : https://www.mediapart.fr