«Je vais faire hurler», a prévenu François Fillon en préambule de ses propositions de réforme du dialogue social. En plein conflit contre la loi Travail, l'ancien premier ministre et candidat à la primaire de la droite formule dans les colonnes du «Parisien-Aujourd'hui en France» des propositions qui devraient faire bondir les organisations syndicales.
Outre un durcissement du service minimum et des conditions d'astreinte, il propose en effet d'«imposer aux délégués syndicaux une activité à temps partiel, au moins à mi-temps». «Il faut arrêter avec les syndicalistes qui sont à temps plein syndicalistes, il faut qu'ils aient une activité professionnelle au moins à temps partiel pour que ce soit un vrai dialogue qui touche à l'intérêt général de l'entreprise», expliquait François Fillon dimanche sur France 2.
Brocardant une CGT qui a «franchi la ligne jaune» en sortant «du cadre démocratique», il plaide pour une représentation syndicale plus proche du quotidien des salariés. «On ne demande pas aux représentants du personnel d'être des experts, mais de faire preuve de bon sens et d'être en phase avec la réalité du terrain», appuie Stéphanie Matteudi, directrice des études à l'Institut supérieur du Travail.*
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L'exception des grands groupes
Chaque fonction représentative donne en effet droit à un crédit d'heures déterminé par la loi, qui va croissant selon la taille de l'entreprise: 20h par mois pour la fonction de délégué syndical dans une entreprise de plus de 500 salariés, 20 heures pour celle de représentant syndical au comité d'entreprise dans le même type d'entreprises ou encore 15 heures pour celle de membre du CHST... «Certains élus cumulent plusieurs mandats et les crédits d'heures qui vont avec, au point d'être à temps plein représentants du personnel et de ne plus exercer du tout l'activité pour laquelle ils sont salariés», déplore l'experte.
Ce cas de figure se présente surtout dans les plus grandes entreprises, où des accords négociés octroient aux représentants du personnel plus que le temps prévu par la loi, parfois même un détachement complet. «Mais cette situation est vraiment rare. 80% des représentants du personnel n'y consacrent pas plus de 35 heures par mois», souligne Christophe Doyon, directeur général du cabinet Secafi. Le cas de figure visé par François Fillon se cantonnent aux grands groupes tels que la SNCF, Air France ou PSA... où le climat social est susceptible d'avoir un impact plus large que les seuls salariés de ces entreprises.
Légiférer, une entreprise délicate
Légiférer serait cependant délicat, et pourrait même s'avérer contre-productif. D'abord parce que les organisation syndicales concernées en ferait un casus belli. «Si la direction veut un interlocuteur formé et fiable, au fait des dossiers, être dégagé de son activité professionnelle est indispensable», plaide Christophe Dard, élu CFDT à la SNCF. «Il faut tenter de changer les mentalités, mais légiférer, c'est s'assurer de se mettre à dos la CGT!», met en garde Stéphanie Matteudi.
Ensuite parce que «le problème de fond du dialogue social en France est le manque d'attractivité des fonctions représentatives dans l'entreprise», juge Christophe Doyon. Si les élus des grands groupes cumulent plusieurs mandats et exercent leur activité de représentant à temps plein, c'est aussi parce que les vocations syndicales ne sont pas légion. Dans une entreprise sur quatre, les représentants du personnel souhaiteraient passer la main, mais ne peuvent le faire faute de candidat, souligne une étude du ministère du Travail. Dans ce cas, brocarder les élus pourrait avoir l'effet inverse à celui escompté.