Overblog
Suivre ce blog Administration + Créer mon blog
26 octobre 2013 6 26 /10 /octobre /2013 16:55

 

reporterre.net

 

Alternatives

Une boulangerie pour insérer les jeunes en galère

Marina Bellot (Secours catholique)

samedi 26 octobre 2013

 

 

 

 

"Drôle de pain" a ouvert ses portes en février dernier à Montpellier. Une boulangerie pas comme les autres : au pétrin travaillent des jeunes en contrat d’insertion. Avec la solidarité comme levain et le souci de la qualité, le pain y est excellent.

 


 

« Souriez, vous êtes chez Drôle de pain [1]. » Même le client le plus revêche trouverait une raison de suivre l’injonction placardée au mur. Ici, la baguette est artisanale, le croissant est au beurre AOP, le mobilier est chiné chez Emmaüs et les produits d’entretien sont bios. Last but not least : Drôle de pain est l’une des seules boulangeries de France à avoir l’agrément “entreprise d’insertion”, dont la vocation est d’intégrer par le travail des personnes en grande difficulté.

À la tête de cette boulangerie, Antoine Soive mène sa barque avec l’aplomb d’un entrepreneur chevronné. Il faut dire qu’à 28 ans, ce Sarthois a déjà un passé bien rempli. Titulaire d’un CAP boulangerie-pâtisserie, le jeune homme a passé ses premières années de vingtenaire à allier ses compétences professionnelles, son envie de transmettre et sa passion du voyage.

Au Vietnam, il forme à la pâtisserie de jeunes apprentis « aux passés mouvementés ». Puis en Inde et deux ans plus tard au Niger, il porte à bout de bras des projets de boulangeries solidaires. À 26 ans, le jeune bourlingueur commence à fatiguer et a « des envies de vin rouge ».

Farinez-vous

Il revient s’installer en France, où il ne souffle pas longtemps : une rencontre le convainc de s’associer à un nouveau projet, Farinez-vous, qui ouvrira en 2009 à Paris et deviendra la toute première boulangerie d’insertion de France. « Dans toutes ces expériences, le cœur du projet est social, commente Antoine. Il s’agit de former, de réinsérer, bref de transmettre. »

C’est sur le modèle de Farinez-vous qu’il décide de lancer sa propre boulangerie. Direction Montpellier, pour « sa qualité de vie et son dynamisme », avec un objectif : rassembler les 350 000 euros nécessaires pour monter sa petite entreprise.

Commence alors un long parcours du combattant : il faut débusquer les partenaires potentiels, frapper aux portes, et quand elles s’ouvrent enfin raconter, expliquer, justifier. Antoine sait défendre son projet. Le Secours Catholique et la fondation Caritas, notamment, répondent présents et mettent à eux deux 60 000 euros. « Ce sont des partenaires solides, vraiment à l’écoute », dit-il.

De tous ceux qui ont accepté de le soutenir (de Vinci au Crédit coopératif en passant par le Conseil régional du Languedoc-Roussillon), il s’est fait un devoir de tirer le meilleur : « Je les sollicite beaucoup, je suis leurs conseils. Eux sont valorisés, moi j’apprends énormément, et le gagnant c’est le projet. »

« On fait nos mélanges de farines et nos levains liquides »

Une fois les fonds réunis, Antoine s’attèle à constituer l’équipe. Les CV affluent, les entretiens se succèdent pour trouver les futurs « piliers de l’entreprise », les encadrants qui transmettront le savoir-faire aux personnes en insertion. Antoine en recrute trois, aussi doués dans leur métier que rodés à la pédagogie, puis embauche trois jeunes sous contrat d’insertion [2]. « Mon objectif, c’est qu’ils aient à l’issue de la formation un vrai métier entre les mains », dit-il.

Et pour que solidarité n’aille pas sans rentabilité, Antoine mise sur la qualité : « Les gens reviennent parce qu’ils savent que l’on propose de bons produits, du fait maison. Aujourd’hui 70% des boulangeries vendent des viennoiseries industrielles. Nous, on fait nos mélanges de farines, on ajoute nos graines, on fait nos levains liquides… C’est important pour les clients, pour l’éthique, et pour les personnes en insertion. »

Derrière les fourneaux, Hamidou, 26 ans, a la satisfaction de « sortir de bons produits », sous le regard formateur de Julien, sa moitié de binôme : « Hamidou et moi on passe plus de temps ensemble que je n’en passe avec ma femme ! Le côté humain est très important, il faut être à l’écoute, patient, attentif. C’est un travail sur le savoir-faire et sur le savoir-être. »

Dans la file qui ne cesse de s’allonger à l’heure du déjeuner, les clients, venus pour la plupart des nombreux bureaux voisins, ont le choix entre plusieurs formules de 7 à 9 euros, avec sandwich copieusement garni ou salade sur mesure.

« On fait 110 couverts par jour en moyenne », précise Antoine. Un client attablé devant la (déjà) fameuse tarte amandine/framboises de la maison a testé l’endroit après avoir lu un article dans la Gazette de Montpellier : « Je sais que ce n’est pas une boulangerie comme les autres. Mais s’ils faisaient du social et que ce n’était pas bon, je ne viendrai pas. Là, c’est parfait. »

Sept mois après avoir ouvert le rideau, Antoine sait qu’il ne fait pas fausse route : « Les chiffres sont quasiment conformes au prévisionnel et, surtout, l’équipe est unie, solide, motivée. Les fondations sont posées. »



 

Notes

[1] 1401 avenue du mondial 98, 34000 Montpellier.

[2] Contrat à durée déterminée d’insertion, de quatre mois à deux ans, donnant droit à une aide de 9 681 € par an et par poste en équivalent temps plein.

 



 

Source et photo : Secours catholique

Lire aussi : Ils sont anarchistes, autogérés, et ils font du très bon pain

 

 

 

Partager cet article
Repost0
26 octobre 2013 6 26 /10 /octobre /2013 16:38

 

mediapart.fr

 

Lampedusa : après la compassion, le cynisme

|  Par Carine Fouteau

 

 

 

Lors du conseil européen qui s'est réuni à Bruxelles ce vendredi 25 octobre, les 28 se sont mis d’accord pour renforcer les moyens de l'agence de contrôle des frontières extérieures de l'UE et ont salué le tout nouveau système de partage des données Eurosur. À la question : comment éviter que les réfugiés ne périssent en mer ? ils répondent : en les décourageant de partir de chez eux.

 

Les dirigeants européens ont séché leurs larmes. Après les naufrages qui ont coûté la vie à 400 personnes au moins au large des côtes de Lampedusa les 3 et 11 octobre 2013, les États membres se sont mis d’accord pour renforcer les contrôles aux frontières extérieures, lors du conseil européen qui les a réunis jeudi 24 et vendredi 25 octobre à Bruxelles. À la question : comment éviter que les réfugiés ne périssent en mer ? ils répondent : en les décourageant de partir de chez eux.

À la compassion s'est substitué le cynisme. Les promesses de solidarité avec l’Italie, l’Espagne, la Grèce et Malte, en première ligne, ont été oubliées. L’appel de la maire de la petite île italienne, Giusi Nicolini, à réformer les politiques d’accueil de l'UE « pour cesser de faire mourir des innocents », n’a pas été entendu. Pas plus que celui des survivants érythréens, empêchés de participer à la cérémonie en hommage aux victimes à Agrigente en Sicile, qui ont montré qu'ils étaient prêts à risquer leur vie pour fuir les persécutions ou la misère.

Dans un communiqué final lacunaire sur les suites à donner à ces drames, le conseil européen exprime sa « profonde tristesse » à l'égard des centaines de décès ayant endeuillé la Méditerranée. « Pour éviter que de telles tragédies humaines ne se répètent », les chefs d’État et de gouvernement misent sur l’agence européenne Frontex, dont les moyens devraient être accrus, et Eurosur, système technologique de centralisation et de partage des données, récemment adopté par les eurodéputés, dont le rôle est jugé « crucial » pour « aider à détecter les bateaux et les entrées illégales ».

S'ils sont sauvés, les migrants n'en seront pas plus accueillis. L'objectif est de les intercepter avant qu'ils ne débarquent en Europe et, si possible, de les inciter à rester chez eux. Pour les Vingt-Huit, le problème doit être traité « à la racine » par le biais d'une « coopération » avec les pays d'origine et de transit qui passe par une « aide au développement appropriée » (non chiffrée), une « politique de retour (forcé) efficace » (considérée comme une contrepartie) et une « lutte contre le trafic et la traite des êtres humains intensifiée » (les passeurs étant désignés commes les principaux responsables). Sous l'autorité de la Commission européenne, la « task force » lancée dans l'urgence est invitée à faire des propositions lors du prochain conseil européen de décembre. La possibilité de modifier la politique d’immigration et d’asile européenne afin de la rendre plus hospitalière n'est pas évoquée. La question est renvoyée au mois de juin 2014, après les élections européennes programmées entre le 22 et le 25 mai.

Les cercueils des victimes du naufrage du 3 octobre ont été rassemblés dans un hangar près de l'aéroport de Lampedusa. © Reuters 
Les cercueils des victimes du naufrage du 3 octobre ont été rassemblés dans un hangar près de l'aéroport de Lampedusa. © Reuters

Les conclusions du conseil européen reprennent le triptyque annoncé par François Hollande, le président français, dans un récent entretien sur l'Europe : « prévention, solidarité et protection. » Que s'agit-il de « protéger » ? Les migrants ou les côtes européennes ? Force est de constater que les récents naufrages servent de prétexte pour renforcer les outils privilégiés de la surveillance des bordures extérieures, symbolisant la fermeture du vieux continent.

Concernant Frontex, qui vient de faire connaître son intention d’acquérir des drones (déjà utilisés contre l’immigration irrégulière entre les États-Unis et le Mexique), les pays sont appelés à fournir du matériel pour lui permettre de mener à bien sa mission : intercepter, en mer ou sur terre, les personnes démunies de documents de séjour, les transférer dans des centres de rétention et les renvoyer d’où elles viennent. Dotée d’un budget de 89 millions d’euros, cette instance indépendante créée en 2004 et basée à Varsovie en Pologne intervient entre le détroit de Gibraltar au sud et la frontière terrestre gréco-turque à l’est. Elle dispose d’avions, d’hélicoptères et de navires prêtés par les États, ainsi que de radars, de caméras thermiques et de détecteurs de battements de cœur (pour repérer les migrants, y compris s’ils se cachent dans des cargaisons de camions par exemple). Elle déploie ses moyens humains – des équipes de garde-frontières européens, appelées Rabits, pour Rapide Border Intervention Team – en fonction des zones de passage.

L'agence devrait bientôt pouvoir bénéficier des informations collectées par le système Eurosur, qui vient de faire l'objet, le 10 octobre, d'un vote au Parlement européen (479 voix pour, 101 contre et 20 abstentions). Prévu pour entrer en fonction début décembre, ce dispositif s'appuyant sur des technologies de pointe représente un investissement financier évalué à 244 millions d’euros jusqu’en 2020. Les Verts et le parti de gauche le dénoncent, car ils estiment qu'il vise moins à sauver des vies qu’à verrouiller les frontières, comme l’a déclaré l’eurodéputée verte Ska Keller, à l’origine d’un récent rapport de l’Institut Heinrich Böll sur les nouvelles techniques de surveillance aux frontières de l’Europe.

Frontex est aussi dans le collimateur. Lancée en mars 2013, une campagne interrassociative, Frontexit, met en cause son fonctionnement opaque et l’accuse de bafouer les droits de l’homme. Selon le droit international et européen, avant d’être considérées comme des clandestins, les personnes qui ont parcouru des milliers de kilomètres et risqué leur vie pour fuir leur pays, qu’elles viennent d’Afghanistan, du Bangladesh, du Pakistan, d’Érythrée ou de Somalie, doivent pouvoir déposer une demande d’asile. Or Frontex refoule les migrants arrêtés sans toujours vérifier s’ils sont éligibles au droit d’asile, selon les témoignages recueillis par les associations de défense des droits des étrangers membres de Frontexit. L’instance européenne récuse ces critiques en déclarant que ses missions d’assistance aux États sont d’ordre technique.

Dans son livre, Xénophobie Business, À quoi servent les contrôles migratoires (Éditions La Découverte), Claire Rodier, juriste au Groupe d’information et de soutien des immigrés (Gisti) et membre du réseau européen Migreurop, souligne une autre dérive : Frontex mène de plus en plus d’actions à l’extérieur des frontières de l’UE, échappant aux obligations inscrites dans la législation européenne. Dans le cadre d’accords bilatéraux, l’Italie a été précurseur en faisant réadmettre en Libye des réfugiés subsahariens, au seul motif qu'ils étaient passés dans ce pays, sans examiner leur demande d’asile, ce qui lui a valu une condamnation de la Cour européenne des droits de l’Homme en 2012 pour violation des droits fondamentaux. L’externalisation de la politique migratoire, délocalisée dans les pays de transit (Libye, Tunisie, Algérie, Maroc), voire les pays d’origine des migrants, a pour objectif de limiter les départs. Ce qui pose deux types de problèmes : d’une part cela contrevient à la Déclaration universelle des droits de l’Homme, qui prévoit, dans son article 13, que « toute personne a le droit de quitter tout pays, y compris le sien », d’autre part, ces entraves à la liberté de circulation ont pour conséquence d'obliger les migrants à emprunter des routes plus longues et plus dangereuses. S’il est vrai que Frontex sauve des vies  – 16 000 au cours des deux dernières années selon la commissaire européenne aux affaires intérieures Cecilia Malmström –, cette instance n’empêche pas les personnes de tenter la traversée et de mourir.

Pourquoi ces réfugiés prennent-ils autant de risques ? Parce que les voies légales leur sont de plus en plus fermées. Dans certains pays de départ, obtenir un visa est un défi presque impossible à relever. Interminables files d’attente devant les consulats, faux papiers à des prix prohibitifs : les obstacles nourrissent la magouille. En l’absence de solution officielle, les personnes sont prêtes à débourser plusieurs centaines voire milliers d’euros, pour payer des passeurs peu scrupuleux, qui indexent leurs tarifs, comme à la bourse, sur les embûches du trajet. Le cercle vicieux se met en place : les politiques européennes restrictives en viennent à favoriser l’immigration irrégulière.

Comment inverser la tendance ? Les 28 ont créé un espace commun de libre circulation, l’espace Schengen, mais n’ont pas de politique d’immigration et d’asile harmonisée. À un moment où le chômage précarise les sociétés européennes et où les partis politiques, pas seulement d’extrême droite, instrumentalisent les questions identitaires et agitent la peur de l’autre, les pays ne sont pas prêts à céder de leur souveraineté. Chacun privilégie, à l’échelon national, les considérations électorales intérieures et durcit ses dispositions à l’égard de l’entrée et de séjour des étrangers extra-communautaires. En juin dernier, en matière d’asile, l’Union européenne a eu l’occasion de modifier la règle qui fait peser sur les pays situés aux frontières extérieures la charge d’examiner les demandes, mais les États membres, notamment la France et l'Allemagne, se sont opposés à toute modification.

 

 

 

 

 

 

 

Partager cet article
Repost0
26 octobre 2013 6 26 /10 /octobre /2013 16:26

 

 

mediapart.fr

Derrière l'affaire Reyl, une guerre judiciaire oppose la France à la Suisse

|  Par Agathe Duparc

 

Les dirigeants de Reyl & Cie, où Jérôme Cahuzac avait abrité certains de ses fonds occultes, sont convoqués la semaine prochaine dans le bureau du juge Van Ruymbeke. Mais rien ne va plus entre Paris et Berne qui affichent des lignes radicalement opposées sur fond de secret bancaire. Côté français, on n’a toujours pas digéré la manière dont les autorités suisses se sont empressées d'incarcérer, cet été, le financier Pierre Condamin-Gerbier, témoin-clé de l'affaire Cahuzac.

 

C’est une sorte de guerre à distance qui oppose depuis quelques mois la justice française et la justice helvétique. Avec d’un côté : les juges anti-corruption Renaud Van Ruymbeke et Roger Le Loire, bien décidés à mener jusqu’au bout leurs investigations sur l’affaire Cahuzac et à débusquer d’autres fraudeurs français du fisc au sein de Reyl & Cie, la banque genevoise où le compte de l’ancien ministre a été découvert. Et de l’autre : le ministère public de la Confédération et le procureur fédéral Carlo Bulleti qui, au nom d’une application stricte du droit suisse, semblent prendre le contre-pied exact de leurs homologues parisiens.

 « Il y a désormais un vrai bras de fer entre Paris et Berne », indique une source judiciaire. Côté français, on n’a toujours pas digéré la manière dont le ministère public de la Confédération s’est empressé de répondre à la plainte de Reyl & Cie en faisant incarcérer cet été, pendant deux mois et demi, le financier Pierre Condamin-Gerbier, qui avait témoigné à plusieurs reprises devant la justice française.

Libéré sous condition et brisé moralement, l’ancien cadre de la banque Reyl s'est prononcé en faveur d'une "procédure simplifiée" qui consiste à passer aux aveux en échange d'une remise de peine.  

 

Pierre Condamin-Gerbier 
Pierre Condamin-Gerbier© Reuters

 « C’est très choquant. Maintenant, ceux qui pourraient être convoqués par les juges parisiens savent qu’ils risquent la prison », poursuit cette source. « La justice à Berne travaille du côté des banques, alors que dans tous les colloques internationaux la Suisse se targue d’être à la pointe de la lutte contre le blanchiment et se dit prête à se plier à toutes les normes de l’OCDE en matière d’entraide fiscale », ajoute-t-elle.

Comme il fallait s’y attendre, les Français viennent de refuser d’exécuter une commission rogatoire envoyée en septembre par le procureur Carlo Bulleti. Le magistrat helvétique qui mène les poursuites contre Pierre Condamin-Gerbier pour « services de renseignements économiques », (mais aussi « vol, violation du secret de fabrication ou secret commercial, faux dans les titres et violation du secret professionnel »), voulait obtenir le détail de ce que ce dernier avait déclaré lors de sa dernière audition, le 2 juillet, à Paris, devant les juges Van Ruymbeke et Le Loire.

Impossible, ont répondu les juges, puisque qu’en droit français le témoignage de M. Condamin-Gerbier n’est pas constitutif d’une infraction, tout employé de banque ayant au contraire l’obligation de répondre aux questions de la justice

C’est dans ce contexte particulièrement tendu que les deux magistrats du pôle financier se heurtent à leur tour à de sérieux obstacles pour entendre à Paris les dirigeants de Reyl & Cie. Comme vient de le révéler Libération, l’audition de François Reyl, l’actuel directeur, devait se tenir mardi 22 octobre. Elle a été repoussée au 29 et 30 octobre. Devrait alors également être entendu Dominique Reyl, son père, fondateur de la maison.

 

François Reyl 
François Reyl© Site internet Reyl

Mediapart a eu la confirmation qu’une convocation avait bien été envoyée en Suisse pour ces dates. Mais personne ne sait encore si les deux banquiers s’y rendront.

Ironie de l’histoire : les Reyl père et fils ont tout fait pour que leur ancien associé-gérant, Pierre Condamin-Gerbier, soit poursuivi pénalement après avoir parlé à la justice française. Risquent-ils de subir le même sort ? Le 20 septembre dans un communiqué, la banque Reyl assurait qu’elle avait toujours « pleinement collaboré avec les autorités suisses et (qu’elle) fera bien évidemment de même avec la justice française dans le plus grand respect du droit suisse ».

La situation est pour le moins délicate. Une source anonyme au sein de la banque, citée par Libération, explique que « des discussions sont en cours sur les modalités de l’audition au regard des contraintes du droit suisse. Notamment la protection du secret professionnel auxquels sont soumis les banquiers suisses »

Selon nos informations, Vincent Jeanneret, le conseil genevois de Reyl, est en contact avec le procureur Carlo Bulleti pour éclaircir cette question. Il veut savoir ce que risquent ses clients en allant à Paris.

Un ancien magistrat helvétique, fin connaisseur des tergiversations et des manoeuvres des avocats, estime pour sa part que « brandir la menace d’une possible violation du secret bancaire ressemble plutôt à une stratégie judiciaire pour faire traîner les choses». Une source judiciaire ajoute « qu'en droit suisse il n'y a pas de secret bancaire ou professionnel opposable à une investigation pénale, excepté pour les avocats, médecins, ecclésiastiques et journalistes ».


Dominique Reyl 
Dominique Reyl© Site internet Reyl

Le véritable enjeu étant plutôt de savoir avec quel statut -  témoin assisté ou mis en examen - Dominique et François Reyl ressortiront du bureau des juges. 

A ce stade de l’instruction, leur mise en examen pour blanchiment de fraude fiscale est possible, même sur la base de soupçons de malversations. Les juges parisiens s'appuient sur des faits désormais connus : dès 1993, les fonds non déclarés de Jérôme Cahuzac ont été gérés par l’établissement Reyl – alors petite société de gestion de patrimoine -, déposés au sein d’UBS, puis dans d’autres banques, avec l’aide active du Français Hervé Dreyfus, le demi-frère de Dominique Reyl.

En 2009, la maison Reyl & Cie a organisé le transfert du compte à Singapour, au sein de la filiale de Julius Baer, en vue d’échapper à d’éventuelles demandes du fisc français. L'ancien ministre aurait alors produit un faux certificat de conformité fiscale, comme l'avait révélé début avril le journal suisse Tages-Anzeiger

Il reviendra ensuite aux juges de prouver que ces infractions de participation à la fraude fiscale se sont en grande partie déroulées sur le sol français, puisqu’en droit suisse l’infraction de blanchiment de fraude fiscale n’existe toujours pas. La Suisse s’étant cependant engagée à introduire des changements dans sa législation afin de satisfaire aux exigences du Groupe d’action financière (GAFI), principal organisme intergouvernemental en matière de lutte anti blanchiment. 

Les Reyl père et fils ne peuvent ainsi être mis en examen que sur le territoire français, la voie de l'entraide judiciaire qui suppose la "double incrimination" n'étant pas possible. S'ils ne se présentent pas aux convocations, les conséquences pourraient être encore plus dommageables pour la réputation de la banque qu'une inculpation. La justice française pourrait décider de lancer des mandats d’arrêt international contre eux. Ils se retrouvaient ainsi entravés dans leurs mouvements, à la merci d’une arrestation dès qu’ils franchiraient la frontière helvétique.

A l’image de Raoul Weil, ancien chef de la gestion de fortune d’UBS, arrêté le 19 octobre dernier dans un palace de Bologne en Italie. Poursuivi pour complicité d’évasion fiscale à hauteur de 20 milliards de dollars, il était recherché depuis 2008 par les Américains. Un dénouement qui fait aujourd'hui frémir tous les banquiers helvétiques.

Partager cet article
Repost0
25 octobre 2013 5 25 /10 /octobre /2013 17:52

 

reporterre.net

 

La Pologne compte sur le gaz de schiste pour payer ses retraites

Sylvain Lapoix (Reporterre)

vendredi 25 octobre 2013

 

 

 

La bataille du gaz de schiste est engagée en Pologne, seul pays européen à avoir commencé - à très petite échelle - la production de gaz de schiste. Paysans et écologistes s’y opposent, mais les politiciens espèrent que les recettes de l’hydrocarbure paiera les retraites d’un pays en hémorragie démographique. Reporterre est sur place : premier volet de notre reportage.

 


 

- Reportage, Kartuzy (Pologne)

« Je ne veux pas de la fracturation hydraulique ici : il y a toute l’eau qu’il faut mais la moindre pollution des sous-sols ruinerait ces terres. » Le fermier polonais (voir photo) qui vient de poser sa sentence et son marteau dans le champs où paissent ses vaches n’est pas un militant anti-gaz de schiste. "J’ai refusé d’autoriser les forages parce que j’avais vu le film Gasland".

« S’il y a une autre technique, j’en veux bien de leur gaz », ajoute-t-il pragmatique. Il a juste regardé Gasland sur l’ordinateur de ses enfants. Lui-même n’a pas Internet, comme une bonne partie des agriculteurs de la région de Poméranie où six compagnies prospectent actuellement pour cette ressource. Pourtant, à des dizaines de kilomètres à la ronde, il est l’une des personnes les mieux renseignées qui puisse se trouver. Y compris et surtout comparé aux grands villes.

 


La Poméranie, au nord-ouest de la Pologne -

 

Du boom au pétard mouillé

Au delà des clameurs avec lesquelles les partisans de cette énergie célèbrent les 70 % de l’opinion favorables aux gaz de schiste dans le pays, l’ignorance se mêle au désintérêt. Ce n’est pas faute d’avoir vu tous les ministres du gouvernement du néolibéral Donald Tusk s’agiter dans les médias pour cette industrie à laquelle il a donné les coudées franches. Le schéma de taxation des entreprises prospectant les gaz de schiste n’est en effet prévu que pour 2015 et les patrons de ConocoPhilips, Chevron ou la compagnie nationale PGNiG se félicitent d’un environnement d’investissement particulièrement propice.

A l’inverse de leurs enthousiastes édiles, les riverains des forages, eux, sont passés à autre chose. A Łebień, dans le nord de la Poméranie où la joint venture Lane Energy a amené le premier puits du pays à une production symbolique, il est presque incongru de soulever le sujet. « Vous savez, ça date cette histoire, rigole une épicière du village. Il y a eu des réunions il y a plusieurs années où ils nous ont promis des emplois, des nouvelles routes, de l’argent.... Rien de tout ça n’est arrivé, mais ils ne nous emmerdent pas ! »



Plate-forme de Łebień -

 

Fracture numérique

L’argument revient dans le bouche de ses voisins : « ils sont à quatre kilomètres du village, nous ne craignions rien de toute manière ». Quelques jobs ont été créés dans le canton : la société de sécurité Ares, basée dans la ville voisine de Lebork, emploie deux ou trois habitants pour surveiller le site. Pas de quoi bouleverser l’économie locale.

Pour Ewa Sufin-Jacquemard, cadre du parti Vert polonais, l’ignorance est à la base de cette apathie. « Dans la majorité des campagnes, il n’y a pas d’accès à un Internet rapide, ce qui empêche de diversifier les sources d’information : les habitants des zones rurales se rabattent donc sur la télévision ou la presse écrite qui sont unanimement favorables aux gaz de schiste. »



Ewa Sufin-Jacquemard -

 

Un défaut d’information encore plus critique à l’époque de la délivrance des permis : la grosse centaine de concessions pour l’exploration des gaz de schiste a été distribuée entre 2001 et 2007, à une époque où « gaz łupkowy » (gaz de schiste en polonais) était un terme encore inconnu de la majorité de la classe politique.

A Zurawlow, le mouvement rural d’opposition Occupy Chevron repose ainsi en grande partie sur l’information web : de quatre coins du pays, des jeunes se relaient pour traduire aux habitants non anglophones des articles postés par les documentaristes Josh Fox et Lech Kowalski sur Facebook, « seul lieu d’information indépendant du pays », assure une militante de Gdansk.

Du gaz pour sauver les retraites et repousser les Russes

La question des risques environnementaux balayée, c’est la promesse économique qui joue à plein dans l’opinion. « Le gaz de schiste, c’est pour nos retraites ! », répondent comme une évidence un trentenaire de Varsovie et un quinquagénaire de Gdansk. Portée par des travaux d’infrastructures colossaux, l’économie du pays souffre d’une hémorragie démographique sans précédent : désireux de trouver du boulot en Allemagne ou plus loin, beaucoup de jeunes quittent leur pays, emportant avec eux les cotisations nécessaires à assurer les vieux jours de leurs aînés. Quant à ceux qui restent, l’augmentation du coût de la vie dissuade la plupart d’avoir les enfants qui financeront à terme le système.

La réponse, le gouvernement l’a trouvée à 3 000 mètres sous terre : une part des royalties du gaz à produire abondera le système d’assurance vieillesse polonais. Là encore, les détails manquent et seront discutés par le gouvernement dans le cadre de la réforme du code minier (voir le deuxième volet de notre reportage à paraître sur Reporterre).

Dernier argument clef : ce gaz « national » permettrait de s’affranchir de la tutelle de Moscou. Un point qui fait mouche alors que le gouvernement jongle perpétuellement pour ne pas vexer le grand-frère sur le plan diplomatique, économique et politique. Fin 2012, le géant russe Gazprom a ainsi réduit la facture de ses exportations de gaz vers la Pologne, suivant l’orientation intimée par Vladimir Poutine de tenir compte de la « révolution des gaz de schiste » dans sa politique de prix. Si l’impact de cette ressource sur les relations russo-polonaises est réel, l’argument géopolitique achève surtout de neutraliser le débat public.

Un militant du mouvement anti-gaz de schiste Złupieni (voir le troisième volet de notre reportage à paraître sur Reporterre) résume le piège ainsi monté : « Si vous êtes un journaliste qui pose des questions sur les risques des gaz de schiste ou bien un militant qui tente d’informer sur le fracking, les élus et certains riverains vous accusent d’être financés par Gazprom. »

A suivre…


Source et photo : Sylvain Lapoix, envoyé spécial de Reporterre

Photos :
. fermier et plate-forme : Sylvain Lapoix.
. Ewa Sufin-Jacquemard : Youtube

Carte Poméranie : Wikipedia.

Lire aussi : Gaz de schiste : en Pologne, le pays européen qui a commencé l’exploitation, luttes et débats

 

 

 

Partager cet article
Repost0
25 octobre 2013 5 25 /10 /octobre /2013 17:23

 

blogs.mediapart.fr

Tu ne te tairas point

La semaine dernière, peu avant le Sommet ibéro-américain, le XIXe Forum euro-latino-américain de communication a eu lieu à Panama, organisé par l’Association des journalistes européens et la Fondation pour le nouveau journalisme Gabriel Garcia Marquez. Durant trois jours, des voix des deux côtés de l’Atlantique ont partagé, écouté et discuté sur le journalisme, la politique, la révolution numérique, les manifestations sociales, la crise du papier, l’inégalité, la liberté d’expression, la relation entre les médias et les pouvoirs… Une sorte de diagnostic sur le délicat état de santé du journalisme et de la démocratie. Des responsables de médias, des économistes et des sociologues y ont participé. Quelques confrères, comme l’Equatorien Juan Carlos Calderón, directeur de «Plan V», ont raconté qu’ils vivent sous la menace permanente à cause de leurs enquêtes sur la gestion gouvernementale. Avec menaces de mort, avec policiers et militaires protégeant et surveillant leur maison et leur famille. Lors de l’acte de clôture du Forum, le secrétaire général ibéro-américain, Enrique Iglesias, a rappelé la nécessité de médias libres et pluriels pour le progrès d’un continent. Le ministre des affaires étrangères du Panama, Fernando Núñez Fábrega, ancien journaliste et patron d’un groupe de communication, a parlé du « onzième commandement : tu ne te tairas point ». Presque à la même heure, en début de soirée en Espagne, le site d’infoLibre était la cible d’une première attaque informatique qui le faisait taire, peu après avoir reçu des courriers de menaces explicites au nom d’un parti d’extrême droite.

Chaque jour, des centaines de journalistes jouent leur vie en différents endroits de la planète en faisant leur métier d’informer. Selon le dernier bilan de Reporters sans frontières, 88 journalistes ont été tués en 2012 dans le monde. Des journalistes (comme Marc Marginedas, de El Periódico de Catalunya) sont en ce moment même retenus en Syrie par des groupes djihadistes. Chaque matin, l’Equatorien Juan Carlos Calderón ne sait pas si lui ou ses collègues de rédaction termineront la journée sans être victime d’un attentat. Autrement dit : que le site d’un journal en ligne soit interrompu par une attaque est moins important que le prix d’une vie ou la liberté personnelle. Raison pour laquelle infoLibre a essayé d’éviter de trop faire part de son indignation.

Mais nous sommes indignés. Comme le sont nos abonnés et nos lecteurs. Ce mardi, infoLibre a subi la quatrième et la plus sévère attaque informatique depuis mercredi de la semaine dernière. Chaque fois plus sophistiquée, avec l’intention de dépasser tous les systèmes mis en place par les spécialistes pour prévenir ou nous défendre de telles attaques. Pendant une semaine, il n’a pas été possible d’accéder à infoLibre depuis l’étranger, et les « moteurs » de Google ne trouvaient aucune information publiée par le site. Nous avons porté plainte et la police enquête sur cette affaire, de même que sur les menaces explicites réitérées contre la rédaction d’infoLibre.

Que l’on se comprenne bien : faire tomber un journal en ligne, empêcher que le site soit accessible, équivaut à voler la rotative d’un journal ou à empêcher les camions de livrer les journaux aux kiosques. Rendre muet un journal en ligne, c’est la même chose que couper le son d’une radio ou le signal d’émission d’une chaîne de télé. C’est une attaque à la liberté d’expression et au droit à l’information des citoyens. Il est fondamental de comprendre cela, que la victime s’appelle infoLibre ou Diagonal ou Periodismo Humano ou Nodo50 ou Kaosenlared ou El Plural… ou n’importe quel autre des médias qui ont aussi subi des attaques ces derniers jours. Au-delà de tout corporatisme et au-delà de la plainte légitime pour les préjudices économiques.

Ils prétendent faire taire ceux qui dérangent. Pour revenir à des temps que l’on croyait (naïvement) révolus. Il existe toujours des groupes organisés disposés à tenter de réduire au silence un média d’information indépendant. Ils utilisent (eux ou ceux qu’ils paient pour le faire) des méthodes et des outils adaptés à la révolution numérique, mais ils boivent la potion de toujours : l’intolérance. Ils sèment la peur, ils font mal. Ils y consacrent du temps et, surtout, de l’argent.

Ils oublient quelque chose de fondamental : avec leurs attaques, ils démontrent que le journalisme indépendant est important. Qu’il a des conséquences. Qu’il est nécessaire. Et qu’un journaliste ne doit pas oublier le commandement qui le lie à ses lecteurs : tu ne te tairas point. Et nous ne le ferons pas à infoLibre.

(billet traduit par Laurence Rizet) 

Pour accéder à Infolibre, cliquez ici

 

 


Partager cet article
Repost0
25 octobre 2013 5 25 /10 /octobre /2013 17:19

 

 

mediapart.fr

Fraude fiscale : les sénateurs veulent faire sauter le verrou de Bercy

|  Par Martine Orange

 

 

 

La commission d’enquête sénatoriale sur la fraude fiscale a réalisé un deuxième rapport. Les banques ainsi que tous les intermédiaires sont particulièrement dans la ligne de mire. Les sénateurs souhaitent que la justice soit impliquée dans les dossiers de fraude, aux côtés de l’administration fiscale.

Ils ne lâcheront pas ! Un an après avoir remis un premier rapport sur l’évasion fiscale internationale, la commission d’enquête sénatoriale, animée par François Pillet (UMP) et Éric Bocquet (PC), vient d’achever le second tome de ses travaux. « Des progrès ont été réalisés dans la lutte contre l’évasion des capitaux. Mais les risques persistent. Nous sommes confrontés à de nouveaux défis face à la sophistication de la finance », a expliqué François Pillet.

Toute l’attention de la commission, cette fois-ci, s’est portée sur la finance. L’argent, ses acteurs et ses serviteurs, les mécanismes de fraude, ceux qui les imaginent et ceux qui tentent de combattre les évasions, ont été au cœur de leur étude. (Lire la présentation et leurs propositions dans l’onglet Prolonger.)

Sans surprise, les banques ont fait l’objet d’un examen soutenu. Car, même si elles s’en défendent, elles sont au centre de tout. Ce sont elles qui font vivre les centres offshore et les utilisent sans retenue. Ce sont elles qui permettent l’évasion fiscale, en facilitant le transfert d’argent en moins de deux minutes « de Suisse à Panama, en passant par Singapour, pour revenir en France avant d’atterrir à Chypre », comme l’a expliqué Maïté Grabet, directrice nationale des vérifications des situations fiscales.

Comme lors de la première commission, les banques françaises semblent s’être offusquées d’être mises ainsi à l’index. Entre temps, il y avait bien eu HSBC, UBS, l’affaire Cahuzac, Offshore Leaks. Mais il s’agissait de banques étrangères, font-elles valoir. Les banques françaises ne sont pas concernées…

« Les auditions de votre commission témoignent d’une sensibilité très inégale d’acteurs très importants de la finance française face à la réalité de l’offshore. (…) Lors des auditions de la commission d’enquête, cette résistance culturelle est apparue fréquemment. Aux yeux de certains, il n’est pas même question d’envisager que des centres offshore très développés puissent être critiqués. Leur importance financière suffit à leur conférer une légitimité sans faille », note le rapport. 

Il n’est pas possible de savoir ce que les banquiers ont dit aux membres de la commission d’enquête. Que ce soit Michel Pébereau, président d’honneur de BNP Paribas, François Pérol en tant que président de la BPCE ou Jean-Yves Hocher, directeur général délégué du Crédit agricole, tous ont demandé à être auditionnés à huis clos, sans retranscription de leurs propos.

Le rapport reprend parfois de façon indirecte et anonyme certaines de leurs interventions. À lire ce que la commission sénatoriale a retenu, il semble qu’ils aient énervé. Ainsi, l’un d’entre eux leur a justifié la présence de sa banque privée au Luxembourg « pas pour des raisons fiscales mais parce que la réglementation en matière de gestion d’actifs y est particulièrement souple ». « C’est la référence internationale pour les promoteurs de fonds – notamment les Américains, qui dominent le marché », leur a-t-il expliqué.

À défaut de parler ouvertement, ils ont laissé Christian Noyer, gouverneur de la Banque de France et président de l’Autorité de contrôle prudentiel (ACP) et Jean-Claude Trichet, ancien gouverneur de la Banque de France et ancien président de la Banque centrale européenne (BCE), s’exprimer au nom de toute la profession. Un consensus de place en quelque sorte.

Pour l’un comme pour l’autre, la crise ne vient pas des « trous noirs » que sont les paradis fiscaux, même s’il est légitime, précisa Christian Noyer, que « les États s’unissent pour éradiquer ces zones de sous-réglementation et de sous- fiscalité ». Quel contrôle exerce la Banque de France sur les filiales offshore des banques françaises ? « L’une des difficultés réside dans la comptabilisation précise des implantations offshore. Nous couvrons des pays économiquement  important pour l’Union européenne et ses exportateurs, tels que la Suisse, le Luxembourg ou l’Autriche. (…) La Suisse est ainsi un des plus grands pays d’exportation pour les industriels français. Il est donc normal que les banques accompagnent les entreprises françaises en Suisse. Il est vrai que ce pays peut servir de refuge fiscal à de grandes fortunes mais, dans ce cas, les résidents français ne font pas appel à des banques de leur propre pays », a soutenu le gouverneur de la Banque de France sans rire.

« Les pratiques des banques françaises sont tout aussi sidérantes », avait raconté, quelques jours auparavant, Pierre Condamin-Gerbier, un témoin clé de l’affaire Cahuzac, aux membres de la commission sénatoriale. « J’ai travaillé pour une famille britannique, les Hambros. Cette famille a vendu sa banque à la Société générale. J’ai vécu le changement de culture entre les deux. (…) La Société générale a présenté un cas d’école à ces conseillers et chacun est venu expliquer comment il aurait aidé le client, notamment à frauder », leur avait-il expliqué. Un témoignage qu’il avait déjà donné à Mediapart.

Pour les autres paradis fiscaux, les îles Vierges, Caïmans et autres, le gouverneur de la Banque de France a reconnu que la surveillance était un peu plus lâche : « Nous accordons assez peu d’importance aux pays des Antilles », a-t-il concédé. Dommage. Les banques françaises ont 18 filiales dans les seules Îles Caïmans, dont 12 pour BNP Paribas, recense le rapport. Les investissements transnationaux de la France vers ces mêmes îles ont représenté 35,5 milliards de dollars . Après le Luxembourg (144, 4 milliards de dollars),  c’est la deuxième destination offshore de la France, avant même la Suisse.

Interrogé sur le fait que BNP Paribas possède plus de 300 filiales dans des paradis fiscaux, Jean-Claude Trichet s’est efforcé de minimiser lui aussi la réalité. « Il faut savoir que beaucoup de pays souhaitent être maîtres chez eux, et ce, pas nécessairement dans le but de pratiquer des fraudes, une évasion fiscale ou des activités criminelles. Ces pays peuvent exiger alors des filiales afin que leur autorité prudentielle exerce le contrôle. » Sans contester ouvertement le bien fondé de la lutte contre l’évasion fiscale, Jean-Claude Trichet en nuance l’objet. Pour lui, l’existence de paradis fiscaux au sein même de la zone européenne et la concurrence fiscale entre les États et tous ceux qui profitent des trous pour échapper à l’impôt ne sont finalement que des contingences annexes par rapport aux vrais problèmes : les dépenses publiques. « J’insiste sur ce point : nous ne pouvons traiter l’harmonisation des recettes fiscales sans traiter l’harmonisation des dépenses », a-t-il expliqué avant de conclure : «  Je sais que ces propos sont impopulaires. »

« Jamais ! L'opacité est trop grande ! »

C’est à cet état d’esprit assez convenu dans le monde financier, qui finit par conduire à la plus grande complaisance à l’égard de la fraude fiscale, que les sénateurs souhaitent d’abord s’attaquer. Ils proposent toute une série de mesures afin de renforcer les contrôles internes, diffuser un esprit de responsabilité, inciter les cadres internes comme les fonctionnaires à faire les signalements auprès de Tracfin en cas de soupçon, protéger tous ceux chargés des contrôles et assurer leur indépendance. Une de leurs propositions préconise notamment de doter les personnels dédiés au contrôle interne de conformité d’un statut de salarié protégé. C’est faire peser beaucoup de responsabilités sur les salariés des établissements bancaires, comme l’a prouvé le cas UBS. Le responsable de l’audit interne, Nicolas Forissier, la responsable des événements, Stéphanie Gibaud, d’autres cadres qui ont dénoncé à l’intérieur de la banque puis auprès des autorités l’industrialisation de la fraude fiscale chez UBS France, ont tous été licenciés. Pourquoi ne pas imaginer des règlements beaucoup plus contraignants pour les banques elles-mêmes, avec de lourdes sanctions à la clé, en cas de manquement ?

Le changement de culture est d’autant plus impératif, selon les sénateurs, qu’il n’y a que peu de distance entre la fraude fiscale et le crime organisé. Mille passerelles existent pour faciliter la circulation de l’argent entre les deux mondes, comme l’ont raconté lors de leurs auditions divers responsables chargés de la lutte contre la fraude fiscale. « Des personnes, qui ne sont pas elles-mêmes liées au trafic de drogue ou au braquage de banque, mettent leur argent dans de grandes lessiveuses, dont les réseaux sont très sophistiqués : un opérateur en Suisse donne des ordres à un opérateur à Londres, qui gère des comptes aux îles Tortuga, qui reversent sur des comptes en France de l’argent, qui repart à Chypre, puis l’argent retourne dans différents pays. De manière invisible, se déroulent dans le même temps des opérations de compensation », a longuement expliqué aux sénateurs Bernard Petit, sous-directeur de la lutte contre le crime organisé et la délinquance financière.

Toutes ces opérations reposent sur une sophistication financière de plus en plus élaborée, ont insisté nombre de témoins. Avocats, fiscalistes, commissaires aux comptes, gestionnaires de fortune, notaires sont devenus les chevilles ouvrières de cette industrie de l’évasion fiscale mondiale. Ils sont les intermédiaires indispensables, jonglant entre les cascades et les trusts, afin d’assurer l’opacité et semer les contrôles. « Utilisez-vous des banques de territoire offshore ? » demanda la rapporteur de la commission à Hervé Dreyfus, gestionnaire de la banque Reyl, impliquée dans l’affaire Cahuzac. Réponse de ce dernier : « Jamais ! L’opacité est trop grande ! J’ai des comptes à rendre à ma clientèle… »

Le fait que les avocats, les fiscalistes, les commissaires aux comptes, ne fassent pratiquement aucun signalement ou de déclaration de soupçon auprès de Tracfin ou des autorités fiscales n’a pas échappé à la commission d’enquête. Ils souhaitent qu’à l’avenir ces absences de déclaration soient pénalisées. De même, les sénateurs entendent instaurer un délit d’incitation à la fraude fiscale, visant tous les professionnels et les groupes prêts à fournir des montages de fraude, parfois clé en main, comme Alternatives économiques l’avait prouvé dernièrement. La mesure peut avoir une certaine efficacité en France, mais d’être d’effets plus limités à l’étranger.

 Les responsables de la lutte contre la fraude fiscale le reconnaissent : face à la sophistication des moyens utilisés, les technologies permettant les transferts d’argent d’un bout à l’autre de la planète, l’opacité volontairement cultivée pour masquer tous les mouvements, ils ont toujours un train de retard. D’autant que les moyens financiers et humains leur font défaut.

 Sur ce point, la commission d’enquête sénatoriale arrive aux mêmes conclusions que le référé de la Cour des comptes la semaine dernière : en dépit de ses engagements, l’État ne mène la lutte contre la fraude fiscale qu'à pas très comptés.

Un témoignage a particulièrement frappé les sénateurs, celui d’Éric Ginger. Il leur a raconté ce qui se passe à la cellule de régularisation pour les contribuables souhaitant rapatrier leurs avoirs de l’étranger, mise en place au sein de la direction nationale des vérifications des situations fiscales (DNVSF). « Une vingtaine d’agents sont chargés de ce sujet. Ces 20 agents réalisant chacun environ 200 jours de travail chaque année , nous obtenons un total de 4 000 jours travaillés. Un dossier requérant deux jours de travail, la capacité d’absorption de l’administration est donc actuellement de 2 000 dossiers par an. (…) Nous refusons de nouveaux dossiers car nous ne disposons pas de la capacité de les traiter. (…) 25 ans seront nécessaires à l’administration sur la base de 50 000 dossiers au total. »

De même, le traitement des dossiers issus de la liste HSBC laisse les sénateurs perplexes. « Sur un total de 8 839 lignes, on est passé à 2 932 personnes, la modicité de ces deux ratios peut surprendre », relève le rapport. Les sénateurs s’étonnent aussi des choix faits par l’administration fiscale, qui a fixé des indemnités transactionnelles et des pénalités différentes selon les contribuables. Enfin, le « taux de fiscalisation des avoirs découverts dans le cadre du dispositif HSBC ressort comme médiocre », pointe le rapport. Il poursuit : « Si l’on se fonde sur l’estimation des avoirs détenus sans déclaration ( 3,5 milliards de dollars), le taux de prélèvement s’élève aux alentours de 7 %, pénalités incluses. »

Plus surprenant encore pour les sénateurs, est le faible taux de dossier transmis aux autorités judiciaires. Que ce soit pour HSBC ou pour tout autre dossier, il n’y en a pratiquement pas. L’administration fiscale, qui réalise quelque 52 000 contrôles par an, transmet à peine 1 000 dossiers par an à la justice. « Évitons de verser dans la politique du chiffre », s’est défendu Bruno Bézard, directeur général des finances publiques, en réponse au président de la commission, François Pillet, qui s’étonnait qu’il n’y ait qu’une seule personne emprisonnée pour fraude fiscale.

Estimant que l’État et l’administration manquent totalement de vigilance dans la lutte contre la fraude fiscale, les sénateurs sont bien décidés à les faire bouger. Ils entendent demander plus de moyens financiers et humains, mais aussi des changements d’organisation. Tracfin, pour eux, ne doit plus être sous la tutelle de Bercy et acquérir une vraie indépendance. Ils souhaitent que la justice soit associée aux dossiers de fraude fiscale. « Il faut faire sauter le verrou de Bercy », dit Éric Bocquet, qui reproche à l’administration d’enterrer les poursuites judiciaires. Le ministre du budget Bernard Cazeneuve s’oppose à ce projet et la question semble tranchée. « La question n’est pas tranchée du tout. Nous ne lâcherons pas le sujet », prévient Éric Bocquet.

 

 

 

 

Partager cet article
Repost0
25 octobre 2013 5 25 /10 /octobre /2013 16:54
Partager cet article
Repost0
25 octobre 2013 5 25 /10 /octobre /2013 16:38

 

mediapart.fr

Sylvain Pattieu: «J'en ai tellement à raconter sur PSA-Aulnay»

|  Par Rachida El Azzouzi

 

 

 

L'usine PSA-Aulnay a produit sa dernière voiture. Sylvain Pattieu, historien mais aussi romancier, a recueilli des mois durant la parole de nombreux ouvriers de l'usine condamnée à la fermeture.

 

Le 12 juillet 2012, un comité d’entreprise extraordinaire est convoqué au siège de PSA-Citroën à Paris. La direction annonce un vaste plan de suppression de postes dans toute la France. 8 000 emplois sont concernés dont 3 000 sur le seul site d’Aulnay-sous-Bois (Seine-Saint-Denis) qui sera fermé en 2014. C'est une bombe sociale pour ce département d’Ile-de-France parmi les plus pauvres du pays.

Depuis Renault Billancourt en 1989, c’est la première grande usine automobile française qui ferme. Sur le gigantesque parking de PSA-Aulnay, cernés par une forêt de micros et de caméras, à quelques semaines des congés de cet été 2012, les ouvriers accusent le coup. Depuis la révélation d'une note interne par la CGT dessinant le scénario d'une fermeture du site en 2014, confirmé par d'autres documents révélés par Mediapart, un an plus tôt, ils se préparaient à perdre leur emploi mais un mince espoir restait permis.

Au milieu des journalistes et des élus locaux, en grande conversation avec les salariés, il y a là Sylvain Pattieu, un jeune historien, maître de conférences à l’université Paris 8 (Vincennes-Saint-Denis), mais aussi romancier, avec un carnet de notes. Il a un projet de livre, au delà des clichés sur le monde ouvrier, l’envie de suivre au jour le jour ce qui est en train d’arriver à ces hommes et ces femmes.

«J'en ai tellement, à raconter, sur PSA, avec moi il est déjà écrit, ton livre. Prends ton stylo, écoute», lui lance Roland, qui fait du syndicalisme. C'est le début d’un documentaire littéraire sorti mi-octobre aux éditions Plein Jour: Avant de disparaître, chronique de PSA-Aulnay. Ce n'est pas une fiction ni une enquête journalistique mais des fragments de vie, de colère, de désespoir et d'espoir de Christophe, Farid, Roland, Gigi, Mimoun, Alison..., des voix venues de la chaîne de montage qui ont tout donné pour «la maison Citroën». Entretien avec l'auteur Sylvain Pattieu et bonnes feuilles ici à l'heure où l'usine de Seine-Saint-Denis livre ce vendredi 25 octobre sa dernière voiture avant fermeture, une Citroën C3 qui doit finir au musée et mal-nommée «Héritage».

 

Avant de disparaître, chronique de PSA-Aulnay, Sylvain Pattieu, 346 pages, 19,50 euros, aux éditions Plein J

 

 

 

Partager cet article
Repost0
25 octobre 2013 5 25 /10 /octobre /2013 16:23

 

 

mediapart.fr

Eric Woerth est rattrapé par le scandale Tapie

|  Par Laurent Mauduit

 

 

 

Sur les 405 millions d'euros dont il a profité lors de l'arbitrage, Bernard Tapie n'a payé que 11,2 millions d'euros, alors que le fisc voulait lui réclamer entre 65 et 94 millions d'euros. Ces informations de Libération recoupent celles de Mediapart qui dès le mois de juin évoquait une somme de 12 millions d'euros et révélait le rôle joué dans cette affaire par Eric Woerth et Claude Guéant.

Le quotidien Libération apporte des précisions sur les passe-droits fiscaux dont Bernard Tapie a profité à la suite du célèbre arbitrage. Le journal indique qu’au début de 2009 l’administration fiscale avait élaboré deux scénarios de taxation des 405 millions d’euros perçus par le protégé de Nicolas Sarkozy, à la suite de la sentence. Dans une variante, Bernard Tapie devait verser 94 millions d’euros au fisc et dans l’autre 65 millions d’euros. Or, après intervention d’Eric Woerth, à l’époque ministre du budget, et de Claude Guéant, à l’époque secrétaire général de l’Elysée, il n’a réglé que 11,2 millions d’euros d’impôt.

Cette information avait  déjà été révélée dans ses grandes lignes par Mediapart qui dès le mois de juin dernier avait indiqué que Bernard Tapie n’avait réglé qu’une somme proche de 12 millions d’euros, soit très près de la somme évoquée aujourd’hui par Libération. Cette enquête avait été publiée le 28 juin dernier par Mediapart sous le titre : « Eric Woerth rattrapé par le scandale Tapie ».

Mediapart a publié deux autres enquêtes qui éclairent les autres passe-droits dont Bernard Tapie a profité dans le traitement de son dossier fiscal. D’abord à la suite d’une réquisition judiciaire, Mediapart avait accepté de remettre aux juges une bande enregistrée dans laquelle Bernard Tapie révélait que Claude Guéant s’était impliqué dans son dossier fiscal. Et peu après avoir remis cet enregistrement à la justice, nous l’avions mis en ligne sur Mediapart, le 11 mars dernier, dans l’enquête que l’on peut retrouver ci-dessous :

Dans une autre enquête, Mediapart avait également révélé dans quelles conditions l’administration fiscale a accepté à l’automne 2009, c’est-à-dire peu de temps après l’implication de Claude Guéant dans ce dossier, de passer l’éponge sur 15 millions d’euros d’arriérés d’impôts dus par Bernard Tapie. Cette enquête peut être retrouvée ici :

 

Enfin, dans mon livre Tapie, le scandale d’Etat, j’apporte de nombreuses autres révélations sur ces passe-droits fiscaux dont a profité Bernard Tapie dans le traitement de son dossier fiscal : du dîner dont il a régalé  le directeur de cabinet d’Eric Woerth au grand restaurent « Chez Laurent » jusqu’à une lettre stupéfiante de l’avocat de Tapie, Maurice Lantourne, adressée à Claude Guéant, lui faisant des recommandations pour que nul ne puisse « remarquer que l’administration fiscale a manqué à ses devoirs ».

On retrouvera ci-dessous notre premier article « Eric Woerth rattrapé par le scandale Tapie », tel que nous l’avions publié le 28 juin dernier :

                            ---------------------------------------------------------------------

Le scandale Tapie prend des proportions chaque jour plus considérables. D’abord parce que la liste des mises en examen pour « escroquerie en bande organisée » ne cesse de s’allonger : c'est le tour, ce vendredi, de Bernard Tapie. Après quatre jours de garde à vue, il a été mis en examen sous cette même incrimination et placé sous contrôle judiciaire. Ensuite parce que de nouveaux indices graves et concordants viennent confirmer les juges d’instruction et la police judiciaire dans leur présomption qu’une véritable machination aurait pu être conçue non seulement pour organiser un arbitrage truqué mais aussi pour faire la fortune de Bernard Tapie en soumettant les indemnités de l'arbitrage à une fiscalité allégée.

Selon nos informations, la police judiciaire a mis la main, lors d'une perquisition, sur une pièce qui pourrait être décisive dans ce second volet du scandale, celui qui porte sur le traitement fiscal qui a été appliqué aux 403 millions d’euros d’indemnités alloués par les arbitres à Bernard Tapie. Il s’agit d’une lettre d’Éric Woerth, à l’époque ministre du budget, adressée aux avocats de Bernard Tapie.

De source judiciaire, il s’agirait d’une longue lettre, datée du mois d’avril 2009, soit neuf mois après que les arbitres eurent rendu leur sentence controversée. À l’époque, on sait donc que Bernard Tapie et ses avocats fiscalistes étaient entrés en concertation avec l’administration des impôts pour déterminer le solde net qui lui resterait, une fois payés ses arriérés de cotisations sociales et d’impôts, ainsi que les nouveaux impôts pesant sur ses indemnités. La fameuse – et si choquante – indemnité de 45 millions d’euros au titre du préjudice moral n’était pas concernée, car elle n’était pas soumise à l’impôt.

Cette lettre d’Éric Woerth intéresse au plus haut point la justice car elle vient confirmer que le dossier fiscal de Bernard Tapie n’a pas été géré, comme c’est l’usage, par l’ex-Direction générale des impôts (l’actuelle Direction générale des finances publiques) mais qu’il a été pris en main par Éric Woerth lui-même et son directeur de cabinet, Jean-Luc Tavernier (qui, depuis, est devenu le patron de l’Insee).

Ce document intéresse d’autant plus la justice que s'il est émaillé de considérations techniques très compliquées, il n’en suggère pas moins que Bernard Tapie aurait pu profiter d’un traitement fiscal avantageux. Ce traitement fiscal est-il intervenu en violation de la loi ? « À tout le moins, il a été exceptionnellement favorable », nous répond notre source judiciaire, n’excluant pas que la formule relève de l’euphémisme. Au total, Éric Woerth indiquerait en effet dans cette lettre que Bernard Tapie aurait à payer un total de 12 millions d'euros d’impôts, alors que d’autres modes de calcul auraient pu déboucher sur la somme de… 120 millions d’euros. Notre source nous précise que ces chiffres ne sont pas à l’euro près ceux qui figurent dans cette lettre mais qu’il s’agit du bon ordre de grandeur.

Les enquêteurs de la Brigade financière devraient donc demander aux services des impôts de Bercy – si ce n’est déjà fait – de leur transmettre le dossier fiscal de Bernard Tapie, pour apprécier si des irrégularités ou des fraudes ont été commises.

Mis en examen en février 2012 pour « recel » et pour « trafic d’influence passif » dans l’un des volets de l’affaire Bettencourt (lire ici le Parquet s'est prononcé vendredi pour un non-lieu), et placé par la Cour de justice de la République sous le statut de témoin assisté dans l’affaire de l’hippodrome de Compiègne (lire là), Éric Woerth fait donc une entrée fracassante dans le scandale Tapie, où son nom n’avait été cité jusqu’à présent que de manière incidente. Mediapart a cherché à entrer en contact ce vendredi matin avec son avocat, Me Jean-Yves Le Borgne, mais ce dernier n'a pas donné suite à notre demande.

L'enregistrement qui implique Claude Guéant

La lettre de l’ancien ministre du budget prend d’autant plus de relief qu’elle intervient dans un calendrier très particulier. Comme Mediapart l’a révélé voilà un peu plus de trois mois (lire Affaire Tapie : l’enregistrement qui met en cause Claude Guéant), Claude Guéant, à l’époque secrétaire général de l’Élysée, a reçu Bernard Tapie en mai 2009, soit un mois après cette lettre d’Éric Woerth, pour s’impliquer à son tour dans le dossier fiscal de Bernard Tapie.

Un enregistrement de Bernard Tapie que Mediapart a obtenu voilà plusieurs années et que nous avons accepté de remettre en février dernier aux juges d’instruction à la suite d'une réquisition judiciaire, tout en revendiquant le secret des sources (lire ici nos explications), confirme la tenue de cette réunion entre Bernard Tapie et Claude Guéant et la teneur des échanges entre les deux hommes.

À titre de rappel, voici cet enregistrement de Bernard Tapie, dans sa version longue : (* à écouter sur le site de Médiapart) ici

 

Et, extrait de cet enregistrement, en voici le passage le plus important : (*à écouter sur le site de Médiapart) ici

 

Dans ce document sonore, Bernard Tapie s’agace du schéma proposé par Bercy. Sans doute s’agit-il précisément de cette lettre d’Éric Woerth : « Donc, écoutez, s’ils ont pas les couilles de faire un tiers, qu’ils laissent tomber. C’est pas la peine de se faire chier, on va pas faire des calculs à la con, simplement parce que… » La formule est peu compréhensible car elle renvoie à un montage fiscal que l’on ne connaît pas mais ce qu’elle laisse entendre est très clair : le ministre du budget et son directeur de cabinet sont en sympathie avec Bernard Tapie mais n’ont pas « les couilles » d’aller jusqu’à accepter le schéma fiscal qu’il leur propose.

La suite des propos de Bernard Tapie confirme cette interprétation puisque ce dernier explique que Jean-Luc Tavernier lui a téléphoné quelques jours auparavant et qu’il lui a indiqué accepter la première partie du montage fiscal mais pas la seconde.

Mais surtout, Bernard Tapie suggère que du même coup, compte tenu des réticences du ministère du budget, il en a appelé à Claude Guéant. « Ce qui est hallucinant, c’est que hier, il a menti, Woerth, parce qu’il a dit à Claude Guéant avec qui j’étais hier : “oui, de toute façon, tu donnais l’accord sur la proposition de Tavernier”. » Là encore, la teneur de la conversation est difficile à suivre parce que les modalités du schéma fiscal ne sont pas connues, mais cela confirme que le ministère du budget traînait des pieds et que Bernard Tapie cherchait un moyen de contourner cette résistance. On comprend dans la foulée que Bernard Tapie a bel et bien eu une réunion avec Claude Guéant pour parler de ses affaires fiscales, lequel Claude Guéant s’en est par ailleurs entretenu au téléphone avec Éric Woerth.

Et Bernard Tapie poursuit sa conversation en usant d’une sorte de menace contre les responsables du ministère du budget, sans que l’on puisse comprendre si sa colère est tournée contre Éric Woerth ou contre Jean-Luc Tavernier : « Non, je crois que… il a les chocottes. Il ne veut rien faire. Je vais vous dire : un grand dangereux, il a peur qu’une chose (sic), c’est des dangers plus grands. Bon, comme il a pas compris, on va lui faire comprendre. Vous allez voir, ça va pas être très long. »

Là encore, la formule dont use Bernard Tapie – « Il a les chocottes » – suggère que le ministère serait disposé à accepter sa proposition fiscale mais qu’il est seulement arrêté par la peur. Le document soulève donc une question qui pourrait s’avérer de première importance : mais pour quelle raison le ministère du budget avait-il « les chocottes » ? Quels sont « les dangers encore plus grands » auxquels fait allusion Bernard Tapie pour inviter ses interlocuteurs de Bercy à surmonter leurs réticences ? Et le rendez-vous avec Claude Guéant avait-il précisément pour objet de sommer le ministre du budget et son directeur de cabinet de ne plus avoir « les chocottes » ?

Dépôt du recours en révision contre la sentence

Avec la lettre d’Éric Woerth puis l’enregistrement de Bernard Tapie, la police judiciaire est donc en passe de reconstituer le puzzle de la concertation fiscale. Et à chaque fois, on se rend compte que Bernard Tapie a sans doute profité d’un traitement fiscal très avantageux.

Mais l’histoire ne s’arrête pas là. Comme Mediapart l’a aussi révélé (lire Tapie : le fisc passe l'éponge sur 15 millions d'impôt), le Trésor public a renoncé à l’automne suivant de saisir la cour d’appel de Paris pour réclamer à Bernard Tapie le paiement de près de 15 millions d’euros d’arriérés d’impôt (pour être précis 14 814 157,69 euros), dont 12 millions au titre de ses impôts sur le revenu des années 1992 et 1993. La justice risque de s'intéresser à cette nouvelle affaire, pour déterminer notamment qui a pu donner des instructions en ce sens.

Depuis, l’administration fiscale a trouvé un autre biais pour réclamer à Bernard Tapie les créances qu’elle détenait sur lui. Mais il reste que la décision du Trésor public, en cet automne 2009, de ne pas faire appel pour récupérer dès cette époque les 15 millions d'euros constitue un nouvel indice d’un traitement de faveur dont aurait pu bénéficier Bernard Tapie.

C’est dire que la police judiciaire aura de nombreuses questions à poser à Claude Guéant quand elle le convoquera – car ce sera sans doute la prochaine personnalité qui devra s’expliquer sur son rôle dans le scandale Tapie, mais peut-être pas dans les prochains jours car les enquêteurs ont besoin précisément de mieux cerner cette question fiscale. Des questions sur son implication dans l’arbitrage puisque l’on sait maintenant que c’est dans le bureau même du secrétaire général de l’Élysée qu’a eu lieu, fin juillet 2007, la première réunion (en présence de Bernard Tapie) pour lancer l’arbitrage. Et puis des questions, donc, sur son implication dans le dossier fiscal de Bernard Tapie.

Pour tous les protagonistes du scandale Tapie, l’étau judiciaire se resserre. C’est vrai pour Claude Guéant, mais cela l’est plus encore pour Bernard Tapie après sa mise en examen, ce vendredi, pour « escroquerie en bande organisée ».

À la menace pénale s’ajoute de plus la menace civile. Car, comme l’a révélé le professeur de droit Thomas Clay jeudi soir sur La Chaîne parlementaire (c'est à visionner ici), Me Pierre-Olivier Sur, le conseil du Consortium de réalisation (CDR), a déposé le même jour auprès de la cour d'appel de Paris un recours en révision de la sentence arbitrale ayant accordé, le 7 juillet 2008, la somme de 403 millions d'euros à Bernard Tapie. C’est cette procédure qui pourrait conduire à une annulation de l’arbitrage et contraindre à terme Bernard Tapie à rembourser les 403 millions d’euros qu’il a perçus indûment.

 

 

 

Partager cet article
Repost0
25 octobre 2013 5 25 /10 /octobre /2013 16:06

 

rue89.com

Explicateur 25/10/2013 à 14h02
Eric Woerth et l’hippodrome de Compiègne, si vous avez raté le début

Camille Polloni | Journaliste Rue89

 

 


Eric Woerth à la sortie d’un déjeuner avec Nicolas Sarkozy, le 15 octobre 2013 (CORNIER GAEL/SIPA)

 

Depuis jeudi matin, le député-maire de Chantilly Eric Woerth est entendu par la Cour de justice de la République pour s’expliquer sur la vente de l’hippodrome de Compiègne, en 2010.

L’ancien ministre du Budget pourrait être mis en examen à l’issue de cette audition, vendredi soir. Retour sur cette enquête pour « prise illégale d’intérêts ».

                                                                                                                                                                                                                             1 Eric Woerth autorise la vente de terrains appartenant à l’Etat

 

En mars 2010, alors qu’il est ministre du Budget, Eric Woerth signe un arrêté autorisant la vente d’une parcelle de forêt à la Société des courses de Compiègne pour 2,5 millions d’euros.

 


Vue satellite de l’hippodrome de Compiègne (Google Maps)

 

Sur ces 57 hectares appartenant au domaine forestier de l’Etat, étaient déjà construits un hippodrome et un golf. La Société des courses en était locataire. En 2003 et 2006, le ministère de l’Agriculture comme l’Office national des forêts (ONF) s’étaient opposés à ce que le terrain soit vendu.

Plusieurs questions se posent donc.

  • Pourquoi Eric Woerth a-t-il outrepassé ces avis ?
  • Pourquoi le prix de vente du terrain est-il si bas ?
  • Pourquoi la vente s’est-elle faite de gré à gré, sans mise en concurrence ?
  • Le ministre avait-il un intérêt personnel à ce que cette vente soit conclue ?
  • A-t-il « bradé » l’hippodrome de Compiègne pour favoriser le président de la Société des courses, Antoine Gilibert, donateur de l’UMP ? Ou pour faire plaisir à Philippe Marini, maire de Compiègne et sénateur UMP de l’Oise ?

De son côté, Eric Woerth a toujours soutenu qu’il avait voulu faire réaliser à l’Etat la meilleure opération possible, sans « aucun intérêt particulier » dans l’opération.

La Société des courses versait un loyer annuel de 43 300 euros. Avec la vente, l’Etat récupérait d’un coup l’équivalent de cinquante ans de loyer. L’ancien ministre estime avoir obtenu un bon prix.

                                                                                                                                                                                                                             2 Eric Woerth quitte le gouvernement, la Cour de justice est saisie

 

En novembre 2010, deux jours après qu’Eric Woerth ait quitté le gouvernement à cause de l’affaire Bettencourt, un magistrat saisit la Cour de justice de la République, seule juridiction habilitée à juger les ministres pour des faits commis dans l’exercice de ses fonctions, en lui demandant d’ouvrir une enquête.

Celui qui a déclenché toute la procédure s’appelle Jean-Louis Nadal, procureur général à la Cour de cassation, l’un des plus hauts postes en France. Il est aussi proche du Parti socialiste. Mais c’est une écologiste, la députée européenne Corinne Lepage (également blogueuse sur Rue89) qui l’a alerté. Elle estime que la vente du terrain, révélée par Le Canard enchaîné pendant l’été 2010, est « complètement illégale ».

L’avocat d’Eric Woerth, Jean-Yves Le Borgne, ne se montre pas inquiet et répond à France 3 :

« Je suis bien convaincu que lorsque cette enquête aura été menée, on conclura que la transaction concernant l’hippodrome de Compiègne est tout à fait étrangère à la moindre critique. »

 

 

Sujet de France 3 sur la saisine de la CJR, 16 novembre 2010

Deux mois plus tard, la CJR se déclare compétente et ouvre une enquête pour prise illégale d’intérêts. Des juges financiers « ordinaires » sont chargés d’instruire le volet non ministériel de l’affaire.

Aucune mise en examen n’a été prononcée à ce jour, mais le président de la Société des courses de Compiègne, Antoine Gilibert, et son prédécesseur Armand de Coulange, ont été placés sous le statut de témoins assistés début 2013.

                                                                                                                                                                                                                             3 Un rapport parlementaire critique les conditions de la vente

 

En parallèle des deux procédures judiciaires (à la CJR et à l’instruction à Paris), Nicole Bricq, vice-présidente de la commission des Finances du Sénat (aujourd’hui ministre du Commerce), a mené sa propre enquête.

Rue89 s’était procuré son rapport, en février 2011. Sans se prononcer sur l’aspect judiciaire du dossier, elle mettait en cause les méthodes d’Eric Woerth. Voici ce qu’elle soulignait :

  • la vente a été conclue avec « une exceptionnelle diligence » (moins d’un an) malgré les deux refus précédents ;
  • le suppléant d’Eric Woerth dans l’Oise, Christian Patria, est intervenu en faveur de la Société des courses de Compiègne, débloquant ainsi le dossier ;
Les forêts domaniales

Au total, l’Etat possède 1,8 million d’hectares de forêt domaniale, un système hérité de l’Ancien Régime. Leur vente est très encadrée :

  • ces forêts sont en théorie « inaliénables » et, sauf exceptions très précises, chaque vente nécessite l’accord du Parlement et le vote d’une loi ;
  • la vente de l’hippodrome de Compiègne n’a pas été soumise au Parlement ;
  • elle s’est faite de gré à gré avec la Société des courses, sans mise en concurrence des éventuels acquéreurs.

Comme nous l’écrivions en 2011, la comparaison de cette vente avec celle d’une parcelle domaniale près de Nancy n’est pas flatteuse pour Eric Woerth.

  • le prix retenu – 2,5 millions d’euros, soit 4,5 euros du mètre carré – résulte d’une évaluation très approximative et rapide ; il ne tiendrait pas compte des bâtiments construits sur le terrain pour en estimer la valeur. Le problème, c’est que ce type de terrains ne se vend pas d’habitude, rendant les estimations compliquées (voir encadré) ;
  • une nouvelle fois lors de cette procédure, l’Office national des forêts s’est dit « totalement défavorable à ce projet » mais n’a pas été entendu ;
  • le ministère de l’Agriculture a tenté d’empêcher la vente, « tout à fait contraire à la politique constante du ministère [de l’Agriculture] en matière de gestion forestière », sans succès ;
  • Matignon aurait effectivement tranché le différend entre les ministères du l’Agriculture et du Budget, à l’avantage du second, comme l’avait affirmé Eric Woerth.

                                                                                                                                                                                                                             4 Eric Woerth entendu comme témoin assisté en 2011

 

En mai 2011, l’ancien ministre du Budget a été entendu une première fois par la CJR, pendant quatre heures.

Son avocat Jean-Yves Le Borgne livre un commentaire à la sortie :

« Tout s’est passé normalement dans un esprit constructif [...]. Vous verrez comme je le dis depuis toujours qu’il n’y a pas d’affaire Woerth. »

Quelques semaines plus tôt, la Cour de justice s’était transportée à Compiègne pour diverses constatations. Elle a réalisé une quinzaine d’auditions avant d’entendre Eric Woerth.

                                                                                                                                                                                                                             5 Un rapport d’expert donne raison à l’ex-ministre... pour peu de temps

 

Eric Woerth a agi correctement, conclut un rapport d’expert rendu public en juillet 2012 par Le Monde.

Professeur agrégé de droit public à l’université de Pau, Philippe Terneyre a rendu sa copie au nouveau ministre du Budget, Jérôme Cahuzac, qui lui avait commandé. Jérôme Cahuzac estime que l’analyse « laisse peu de place à ce stade à une remise en cause de la cession ».

Selon le rapport de Philippe Terneyre :

  • « La vente pouvait être réalisée de gré à gré » ;
  • elle n’avait pas besoin d’être au préalable validée par une loi ;
  • contrairement à trois experts mandatés par les juges de la CJR, qui ont évalué « la valeur vénale de l’ensemble litigieux » à 8,3 millions d’euros, Philippe Terneyre ne voit pas de problème sur le prix.

Eric Woerth comme Antoine Gilibert, ex-président de la Société des courses de Compiègne, font part publiquement de leur soulagement.

Pourtant, la CJR ne partage pas les conclusions de Philippe Terneyre. Et Mediapart décrédibilise le rapport du juriste en y voyant une manœuvre de Jérôme Cahuzac « pour innocenter » son prédécesseur.

A Villeneuve-sur-Lot, ville dont il était maire, il avait déjà fait appel à cet expert pour sortir d’affaire un adjoint. Plus largement, Jérôme Cahuzac a plusieurs fois, dans cette affaire, soutenu Eric Woerth.

                                                                                                                                                                                                                             6 La vente n’est pas annulée

 

Saisi par un syndicat de l’ONF qui veut faire annuler la vente de l’hippodrome, le tribunal administratif de Paris s’est déclaré incompétent en juin.

Déçus, les syndicalistes se sont adressés cette semaine au nouveau ministre du Budget, Bernard Cazeneuve.

                                                                                                                                                                                                                             7 Que risque Eric Woerth ?

 

Même mis en examen, Eric Woerth serait toujours présumé innocent et pourrait encore être mis hors de cause. Mais si la CJR décidait de le juger, il risque jusqu’à cinq ans de prison, 75 000 euros d’amende et cinq ans d’inéligibilité.

Egal à lui-même, son avocat Jean-Yves Le Borgne continue à se montrer serein :

« In fine la justice constatera que cette affaire méritait sans doute qu’on l’examine, mais pas plus. »

 

 

 

Partager cet article
Repost0

Présentation

  • : Démocratie Réelle Maintenant des Indignés de Nîmes
  • : Le blog des Indignés de Nimes et de la Démocratie Réelle Maintenant à Nimes
  • Contact

Texte Libre

INFO IMPORTANTE

 

DEPUIS DEBUT AOÛT 2014

OVERBLOG NOUS IMPOSE ET PLACE DES PUBS

SUR NOTRE BLOG

CELA VA A L'ENCONTRE DE NOTRE ETHIQUE ET DE NOS CHOIX


NE CLIQUEZ PAS SUR CES PUBS !

Recherche

Texte Libre

ter 

Nouvelle-image.JPG

Badge

 

          Depuis le 26 Mai 2011,

        Nous nous réunissons

                 tous les soirs

      devant la maison carrée

 

       A partir du 16 Juillet 2014

            et pendant l'été

                     RV

       chaque mercredi à 18h

                et samedi à 13h

    sur le terrain de Caveirac

                Rejoignez-nous  

et venez partager ce lieu avec nous !



  Th-o indign-(1)

55

9b22