Armée de rage et de pierres, la famille Chaupe a essayé de repousser la police ce matin-là. La compagnie minière Newmont venait ouvrir une route juste où se trouve sa maison et plusieurs dizaines d’agents protégeaient une énorme pelle mécanique. C’était en août 2011. « Ma fille s’est agenouillée devant l’excavatrice, alors ils l’ont frappée et traînée par terre », raconte Jaime Chaupe. « Ma femme a commencé à lancer des pierres sur la police. Ils l’ont attrapée et l’ont frappée aussi. Ils lui donnaient des coups de pied. Moi aussi j’ai pris des pierres, j’en ai lancé une sur l’ingénieur. »
La voix cadencée et les mains rugueuses, le chef de famille se souvient parfaitement de ce moment : « Ils sont partis parce que ma fille a perdu connaissance [sous les coups] et ils ont cru qu’elle était morte. »
Jaime Chaupe derrière sa maison et à côté de son champ de pommes de terre, menacés par le projet minier. ©Pablo Ferri
La maison des Chaupe est minuscule, une baraque sans lumière ni eau courante. Les murs sont en torchis, comme la balustrade qui protège le feu pour cuisiner. Il fait froid là haut, à 4 000 mètres d’altitude. Malgré le soleil, Jaime Chaupe porte un bonnet en laine, un pull, une chemise et une polaire. C’est une sensation étrange de rencontrer quelqu’un là-bas, au milieu de la cordillère des Andes. Aucun chemin ne mène à sa maison ; elle ressemble à une meule de foin au milieu de nulle part, un accident entre les arbustes et les lacs de cette planète étrange qu’est le nord du Pérou.
Depuis la mi-2011, la famille est en conflit avec le géant étasunien Newmont pour son territoire : la compagnie minière prévoit de construire une mine à ciel ouvert juste à côté de sa maison. Son projet est de vider quatre lacs des alentours, de faire des trous énormes dans deux d’entre eux pour y chercher de l’or et du cuivre, et de reverser la terre stérile dans les deux autres. Pour ce faire, Newmont a besoin de la vallée des Chaupe, pour y installer ses machines servant à ouvrir des routes et construire des infrastructures. En tout, le projet Conga – ainsi nommé par Newmont en honneur aux lacs – occupera 3 069 hectares.
Les Chaupe défendent leur terrain, 20 hectares au sommet de Cajamarca, la deuxième région la plus pauvre du Pérou – 54,2 % des 1,4 million d’habitants sont pauvres, plus du double de la moyenne nationale. La famille a acheté la terre en 1994. Elle y cultive des pommes de terre et nourrit ses cochons et autres animaux. Jaime Chaupe affirme qu’ils ne l’ont jamais vendue. Newmont prétend qu’elle l’a achetée en 2001 – mais à un autre propriétaire –, que la justice lui a donné raison contre les Chaupe pour usurpation de territoire et qu’ils doivent partir. Puis un tribunal a annulé toute la procédure, qui doit être recommencée depuis le début. En attendant, la famille, soutenue par des paysans de la province, résiste à la pression exercée par l’entreprise. Ses vigiles les surveillent, la police fait une apparition de temps en temps dans les montagnes alentour. Selon des estimations de la compagnie, l’exploitation du sol des Chaupe et des environs arracherait à la terre 20 tonnes d’or par an, avec une marge bénéficiaire de 34 500 dollars le kilo, autrement dit la valeur de tout le café exporté par le Pérou chaque année.
Le symbole d'une lutte contre les compagnies minières
Les Chaupe peuvent compter sur l’aide de leurs « frères » paysans et le soutien d’une bonne partie de la population. Depuis ce jour d’affrontement avec la police en 2011, des voisins de villages environnants les accompagnent dans leur vallée. Leur affaire est devenue le symbole d’une vieille lutte à Cajamarca, celle de la défense de ses propres ressources – de l’eau surtout – contre les intérêts des compagnies minières.
Arriver à la maison des Chaupe est une petite odyssée de transport informel. Il faut monter la cordillère depuis Cajamarca par des sentiers escarpés. Celendín est à mi-chemin entre Cajamarca et les lacs. C’est un village de paysans et d’éleveurs comme on en trouve plus de 200 dans la région – seulement cinq ont les mines pour activité principale. Les affrontements les plus graves entre paysans et policiers en raison du projet Newmont ont eu lieu ici en juillet 2012. Les villageois protestaient et ils ont fini par affronter la police. Selon les journaux locaux, ce sont les paysans qui ont lancé des pétards et les autorités ont répondu à coups de feu. Cinq villageois sont morts et trente ont été blessés par balles, ainsi que deux policiers.
Le village de Celendín a aujourd’hui des slogans peints sur les murs. C’est ainsi que les paysans rejettent la compagnie minière. Ils disent « oui à l’eau » et « non à l’or » en lettres énormes, et aussi « Conga ça va pas ». Newmont est l’objet de leur rejet. Elle incarne les maux de la mine dans la région, du moins pour les paysans. Ce n’est pas seulement pour l’eau et les Chaupe, c’est aussi l’histoire de l’entreprise, associée à des mots et des expressions maudites comme « Yanacocha » ou « le mercure de Choropampa ».
Yanacocha est le joyau de Newmont à Cajamarca, une mine d’or et de cuivre qui rapporte des tonnes chaque année depuis 1993 – aujourd’hui, c’est la plus grande d’Amérique du Sud. Une fois, un camion de la mine est sorti chargé de mercure dont il a perdu 150 kilos quelques kilomètres plus loin, près du hameau de Choropampa. L’avocate Mirta Vásquez, qui dirige l’ONG Grufides, se souvient bien de cette histoire : « La première chose qu’a fait la compagnie a été de placarder des affiches offrant 10 soles (2,5 euros) pour chaque gramme récupéré. Ces jours-là, un cirque faisait étape à Choropampa et, comme les enfants voulaient y aller, ils cherchaient du mercure comme des fous. Ils l’enfermaient dans des bouteilles de soda et gagnaient 30 soles. »
Grufides, qui surveille les méthodes des compagnies minières à Cajamarca, dit que 5 000 personnes de Choropampa et des environs ont été affectées par le mercure d’une façon ou d’une autre. « Il faut savoir que seulement 5 000 personnes vivent à Choropampa », précise l’avocate. De son côté, l’entreprise ne reconnaît que quinze cas.
« Les exploitations de Yanacocha ont laissé des communautés entières sans eau, elles ont contaminé des sources et les ont fait disparaître, et elles ont provoqué le déplacement de paysans, regrette-t-elle. On a l’impression que s’il se passe quelque chose maintenant, ils ne prendront pas leurs responsabilités. » Vásquez insiste sur le fait que l’ONG n’est pas contre l’exploitation minière : « Qu’ils fassent ce qu’ils veulent à condition que ça ne nous touche pas, et Conga nous fait du tort. »
Brouillage sémantique
Quelques jours avant notre visite aux Chaupe, le représentant de Newmont et d’autres compagnies minières de la région, Freddy Regalado, a organisé une visite en jeep dans la province de Hualgayoc, l’une des plus touchées par l’exploitation minière à Cajamarca depuis l’époque de la colonisation. Médecin de formation, Regalado a utilisé un vocabulaire emprunt de termes techniques pour défendre l’attitude responsable des compagnies modernes.
Il n’a jamais parlé de sources disparues, de nids de poule ou de flancs de colline pelés mais de « passifs environnementaux ». Les entreprises ne réparent pas ce qu’elles abîment mais elles « introduisent des remédiations ». Il n’y a pas de pollution mais des « affectations ».
Regalado explique le rejet de Conga par la méconnaissance, parce que les gens « ne veulent pas comprendre » – 78 % de la population refuse le projet, selon une enquête du quotidien El Comercio. « L’eau de Cajamarca contient des résidus en raison du passif des anciennes mines, pas de l’actuelle, affirme-t-il. L’exploitation d’aujourd’hui affecte moins de 1 % du territoire et respecte la nature. »
La jeep s’est arrêtée plusieurs fois à Hualgayoc. Sous la pluie, le paysage perdait sa couleur verte, le marron foncé des mines à ciel ouvert dominait à l’horizon. On aurait dit des cônes vides et inversés incrustés dans la terre.
Cyanure et mercure
Une mine à ciel ouvert implique de dynamiter d’énormes étendues de terre, d’utiliser des millions de litres d’eau, du cyanure pour récupérer les métaux et de la poudre de zinc pour les solidifier. Selon l’Observatoire des conflits miniers d’Amérique latine, 25 kilos d’or extraits génèrent 50 000 tonnes de déchets solides, de dioxyde de carbone et de cyanure de sodium.
Bien qu’il s’agisse de substances polluantes, Regalado assure que les mines suivent un protocole pour parvenir à des dégâts « nuls ou minimes, comme cela sera le cas dans les lacs de Conga ». Le protocole est très simple. On sort la terre du cône inversé et on la jette dans des piscines naturelles couvertes de plastique blanc. Là, on y ajoute du cyanure et on récupère les minerais – ce processus implique aussi l’utilisation de mercure. La terre reste dans la piscine et, quand celle-ci est pleine, la mine la recouvre et s’assure qu’il n’y a pas de fuites. Le but est, évidemment, de laisser le cyanure et autres déchets dans le plastique sans contaminer la terre et l’eau.
Et c’est bien là que se cristallise la principale crainte des paysans avec Conga. À 4 000 mètres d’altitude, la compagnie extrairait en amont de sources qui irriguent toute la province et toute fuite serait fatale. Freddy Regalado assure que ce genre de problèmes n’arrive presque jamais.
Groupes d'autodéfense
Depuis des décennies, la population rurale du Pérou organise des rondes de groupes d’autodéfense pour éviter vols et agressions dans la campagne. Elle pallie ainsi l’absence historique de l’État dans les régions isolées comme Cajamarca. Ce qui se passe en ce moment, pour eux, c’est un peu la même chose. « Il ne s’agit pas de défendre seulement les Chaupe, mais aussi nos intérêts », dit Jenny Cojal, présidente du groupe d’autodéfense de Celendín. Bottes camarguaises aux pieds et chapeau western, Cojal parle et marche avec détermination, et d’ailleurs elle s’exclame plus qu’elle ne parle : « Nous utilisons toutes les voies légales pour les freiner. S’ils ne freinent pas, nous irons jusqu’où il faudra ! »
Des milliers de patrouilleurs sont montés aux lacs ces dernières années. Ils ont leur base entre Celendín, la maison des Chaupe et le village de Santa Rosa, épicentre commercial du district les vendredis de marché. Il y a quelques mois, sur la place d’armes de Celendín, plus d’un millier de patrouilleurs se sont réunis pour ratifier leur engagement pour les lacs. « Nous donnerons la vie ! » ont-ils crié.
Des villageois de Cajamarca au marché du vendredi de Santa Rosa, épicentre commercial du district. © Pablo Ferri
Lorsqu’ils s’expliquent, Cojal et les autres ne s’attardent pas sur les différences entre les deux parties. Ils ignorent les arguments du procureur sur la vallée des Chaupe ou ceux de Newmont à propos des lacs et se contentent d'un lapidaire « Conga ça ne va pas ».
Dans le village de Santa Rosa, proche des lacs, Edilberto Guamán, 66 ans, donne la clé du raisonnement paysan : « La qualité de l’eau a empiré depuis que les mines travaillent tout près, ce n’est pas comme quand j’étais petit, explique-t-il. Avant, elle était cristalline, et maintenant je l’ai vue noire. Elle s’assèche. Mon bétail ne veut plus la boire. »
Sergio Sánchez, technicien de l’ONG Grufides, rend les mines responsables de cette dégradation, vu qu’elles n’ont commencé à se préoccuper des conséquences de l’extraction qu’en 2004, quand le Pérou a voté une loi sur les dégâts environnementaux. Jusqu’alors, Cajamarca était une terre sauvage. Le gouvernement d’Alberto Fujimori a ouvert la brèche dans les années 1990 en invitant les entreprises à renifler le sous-sol. Il leur a accordé des avantages fiscaux extraordinaires et a promis que personne ne leur augmenterait jamais les impôts. Dante Vera, représentant de Newmont et d’autres compagnies minières à Lima, reconnaît que les extractions étaient alors très agressives. « C’étaient des mines de courte durée. Les gringos arrivaient avec leur sécurité privée, ils extrayaient et repartaient. »
À en croire la compagnie, les choses ont changé. Pour Newmont, l’extraction est aussi importante aujourd’hui que la « remédiation ». Regalado explique que les eaux des lacs qu’ils veulent assécher sont stagnantes, qu’elles ne communiquent avec aucune source. Il dit aussi que ce sont surtout des eaux acides qui ne servent à rien. Il ajoute que l’entreprise construit en plus des lacs artificiels pour les remplacer.
Sánchez, lui, affirme qu’il est faux de dire que les eaux sont stagnantes et acides. Grufides et l’entreprise présentent donc des rapports d’impact sur l’environnement contradictoires. Même le ministère de l’environnement a polémiqué avec celui des mines. Après l’intervention d’experts internationaux, le gouvernement d’Ollanta Humala a tranché la question : le projet est viable avec certaines modifications. Les Chaupe, leur terre et la volonté des paysans sont le dernier obstacle.
En août, un tribunal de Cajamarca a annulé la procédure contre les Chaupe et ordonné de la reprendre à zéro. La famille espère maintenant que le juge acceptera leur version : ils n’ont jamais rien signé et la communauté ne pouvait pas vendre leur terrain sans les prévenir. Préoccupée, l’avocate Mirta Vásquez reconnaît que, s’ils perdent, il n’y aura pas d’autre recours. « Si Newmont gagne, la police pourrait les expulser. »
Conscient de son acte de résistance, Jaime Chaupe marche avec enthousiasme vers l’arrière de sa maison. Máxima, sa femme, est partie à Lima chercher des soutiens à leur cause. Ses enfants sont à Cajamarca, c’est jour d’école. Un petit groupe de patrouilleurs tourne toujours aux alentours. Ils s’habillent comme Chaupe, mais se cachent le visage et évitent de se laisser prendre en photo.
Derrière la maison, Chaupe montre son petit trésor en souriant, un champ de patates vers le bas de la vallée. Voilà sa joie : même si cette terre renferme beaucoup d’or, ce qui intéresse Chaupe, ce sont ses patates.
Pablo Ferri et Jaled Abdelrahim pour tintaLibre n°7, octobre 2013
Pablo Ferri fait partie du collectif Dromómanos de journalisme itinérant. Il collabore avec El País, Tiempo, Interviu (Espagne), Vice (Mexique, États-Unis) et El Universal (Mexique). Le journaliste Jaled Abdelrahim écrit le blog Kilómetro Sur pour le supplément El Viajero de El País, récit de ses voyages en Amérique du Sud. Il collabore avec Tiempo (Espagne), Vice (Mexique, États-Unis) et Gatopardo (Colombie).
Version française : Laurence Rizet, Mediapart
Et Dimitri : Premièrement, ce qui l'embarasse le plus en parlant de la poésie contemporaine russe, c'est de l'envisager dans le cadre/dans les catégories de la poésie nationale. Tout de suite surgit donc la problématique du local et du global, de l'impérial et du colonial. En faisant le parallèle avec la poésie américaine, on peut difficilement lui poser la question que nous posons ici par rapport à la poésie russe. Parce que la poésie américaine est une sorte de construction comme ça...(?) Je préfère parler de la poésie transnationale qui travaille les thèmes, les motifs, les sujets, les narratifs globaux et locaux. Et le plus important est que c'est une poésie qui permet de révéler la demande socio-politique de l'infrastructure mondiale globale. C'est pour cela que je pense que l'une des possibilités de construire une biographie d'un poète russe contemporain est de sortir de son propre cadre, de dépasser les frontières de la tradition russe. La deuxième question est de voir comment le champ de la poésie russe est structuré.
Patrice : Alors toi tu vois la poésie non pas en couches ou en zones parallèles, mais plutôt dans son sens global planétaire?
Dimitri : Non, c'est un peu différent. On peut penser le global et le planétaire par l'idée de l'existence de zones, parce que c'est justement dans un contexte planétaire qu'on voit des zones de souffrance, d'injustice, d'expériences traumatisantes qui se révèlent. Par exemple, l'un de mes textes publiés dans l'anthologie Baccanales s'appelle «Zones d'ignorance». Ce qui m'intéresse justement, c'est la découverte de ces zones d'ignorance, zones où l'homme moderne ne se reconnaît plus, n'arrive pas à s'identifier lui-même, il se passe donc une aliénation de l'homme moderne. Il me semble que ces zones d'ignorance sont communs à la littérature russe et à la littérature américaine où il y a un narratif???? Mes textes sont actuellement en traîn d'être traduits par un professeur de l'université de Pensylvanie, Kenneth? Platt. Et ce dernier, il a dit que cette expérience d'aliénation, de perte, d'abandon, d'impuissance qui est présente dans mes textes est justement proche de l'expérience d'un jeune homme au fin fond de quelque Massatchussets, de la Nouvelle Angleterre, de la génération perdue.
Nathalia : Alors, si le langage fait partie de cette expérience, il est plus important d'envisager ce langage que de parler de cette expérience elle-même.
Patrice : On est déjà là dans quelque chose de l'ordre du contenu, il y a dans ta poésie quelque chose de l'ordre du témoignage... donner la parole justement à ces gens-là qui vivent dans ces zones de l'ignorance.
Dimitiri : Ben oui, et justement, reste à savoir ce qui se passe, et Nathalia l'a dit aussi, avec le langage. Parce que très honnêtement, il me semble que nous vivons actuellement à l'époque qui est post-civilisatrice (post-Lumières) et post-moderniste. Donc les catégories de la poésie nationale ne marchent plus, parce que la catégorie nationale appartient à l'époque des Lumières. Et comme nous vivons à l'époque post-Lumières qui succède à celle-ci, un nouveau paradigme global commence, mais il n'a pas encore de nom. Donc, cette catégorie de national passe au second plan, et par conséquent, ce qui m'intéresse, c'est le langage poétique qui est maximalement aliéné de lui-même et de la figure de l'auteur. Cela veut dire qu'on passe la parole aux millions de personnes souffrantes, indigentes, qui n'ont pas trouvé leur place dans l'industrie de la production de la culture, dans l'industrie créative. Donc de l'Adorno jusqu'à l'économie créative contemporaine. Et par exemple nous avons fait il y a trois jours un enregistrement avec un poète très intéressant américain aux Etats-Unis, Peter Guizi (?), et nous avons trouvé un sujet commun, ça s'appelle en fait «le réfugié intérieur», mais «intérieur» non pas dans sa propre subjectivité isolée, mais intérieur justement dans ces zones sociales où se passent les événements importants liés à l'exploitation, à la précarité, à la justice, etc. L'universalité apparaît de cette absorbtion totale dans la parole des autres personnes.
Patrice : Dans la parole du particulier?
Dimitri : Non, ce n'est pas exactement du particulier, la parole poétique est donnée à ce qui ne font pas partie de la société. Et comme le particulier ne peut pas être articulé dans la production contemporaine postculturelle post-Lumières, une tentative d'approcher l'horizon de l'universel apparaît, mais cette tentative, ce n'est qu'une tentative.
Nathalia : Ce projet de passer la parole à l'opprimé, c'est un projet des Romantiques, mais quand tu as parlé de l'universel, je comprends cela comme ce n'est pas parler pour l'opprimé, mais de projeter la parole sur l'opprimé. Mais en même temps la question de l'image, du portrait de l'opprimé apparaît; et l'opprimé parle une langue nationale concrète, alors comment ça travaille ?