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11 décembre 2013 3 11 /12 /décembre /2013 15:17

 

Source : rue89.com

 

Explicateur 11/12/2013 à 12h36
Si cette proposition passe, Internet ne sera peut-être plus jamais le même
Philippe Vion-Dury | Journaliste Rue89

 

 

Internet et ses spécialités (Julian Burgess/Flickr/CC)

Un rapport [PDF] sur le nouveau règlement européen relatif aux Télécom (Internet et téléphonie) a été présenté lundi 9 décembre devant la commission de l’industrie à Strasbourg. Il fait suite à une proposition portée par la commissaire européenne chargée de la société numérique, Neelie Kroes.

Cette proposition touchait notamment la neutralité du Net, principe fondateur :

  • les opérateurs (Orange, Free...) transmettent les données sans en examiner le contenu ;
  • les opérateurs ne sont pas autorisés à modifier ou censurer les données qu’ils font transiter ;
  • les opérateurs doivent assurer une transmission égale, quelle que soit la source (le site internet, le service) ou le destinataire (les internautes).

Pas de discriminations, juré !

Que dit le texte ? Il se veut d’abord rassurant :

« Les fournisseurs de services d’accès à l’internet ne restreignent pas les libertés prévues au paragraphe 1 en bloquant, en ralentissant, en dégradant ou en traitant de manière discriminatoire des contenus, des applications ou des services spécifiques. »

Jusque-là, tout va bien, semble-t-il : tout le monde, quel que soit son opérateur, pourra avoir accès de la même manière et à la même vitesse aux services en ligne. Puis un passage sème le doute :

« Les fournisseurs de contenus, d’applications et de services et les fournisseurs de communications électroniques au public sont libres de conclure des accords entre eux pour l’acheminement du trafic [...] sous la forme de services spécialisés d’un niveau de qualité de service défini ou d’une capacité dédiée.

La fourniture de ces services spécialisés ne porte pas atteinte d’une manière récurrente ou continue à la qualité générale des services liés à l’Internet. »

La neutralité façon Kroes

On branche le décodeur :

  • les fournisseurs d’accès (FAI) et les entreprises sur Internet peuvent conclure des accords pour mettre en place un service « priorisé » (YouTube par exemple serait prioritaire sur Dailymotion en terme de qualité de connexion aux heures de pointes) ;
  • les autres entreprises doivent conserver une bande passante non dégradée, intacte (pas question d’attendre dix minutes pour charger Le Bon coin) ;
  • enfin, intacte la plupart du temps, puisque cette dégradation à leur détriment peut se faire si elle n’est pas récurrente et continue (vos articles Wordpress mettront cinq minutes à se charger, mais ça ne sera qu’occasionnellement et ne durera pas trop longtemps).

Priorité aux uns, file d’attente pour les autres

La neutralité serait donc respectée, même si ceux qui ont les moyens auront droit à une meilleure qualité de réseau tandis que les autres ne se verraient entravés dans leurs activité « que » ponctuellement. Tout va bien.

Cela ne paraît pas très important lorsque le chargement d’une page prend quelques secondes de plus. Sur un service de streaming en revanche, on imagine les dégâts que ça peut faire.

Qui resterait sur Soundcloud s’il faut attendre une minute pour charger une chanson, même si cela n’arrive que ponctuellement ? Pourquoi ne pas migrer plutôt chez Spotify où tout est incroyablement fluide et rapide grâce à des accords chers payés avec des opérateurs ?

Faire la différence, sans discriminer

Il est intéressant de voir que le concept de « discrimination » est conçu non pas comme « faisant une différence entre deux éléments » mais comme « profite à l’un sans nuire à l’autre ». Une vision biaisée selon Jérémie Zimmermann, cofondateur de la Quadrature du Net :

« S’il y a un deal avec YouTube, le fournisseur d’accès n’aura pas le droit de réduire le trafic de Dailymotion, de le “ déprioriser ”. Mais cette dégradation se fait par défaut, naturellement. On fausse totalement le jeu de la concurrence. »

C’est la neutralité sur Internet qui empêche les plus forts d’y régner en maîtres et donne de l’oxygène aux petites pousses fragiles et leurs innovations.


Jérémie Zimmermann à la conférence Re : publica, en 2013 (re : publica/Flickr/CC)

Vers un Internet à deux vitesses

Nous avions évoqué dans un article en juillet ce qu’impliquerait un « Internet à deux vitesses ».

Ces mesures de la part des télécoms ne sont pas fondamentalement machiavéliques. La neutralité est confrontée à un obstacle inattendu : la Toile est saturée – on parle de « congestion du réseau ». A titre d’exemple, l’entreprise californienne Cisco prévoit que le trafic vidéo aura doublé d’ici 2017 : YouTube est aujourd’hui consulté quatre milliards de fois par jour.

La réponse des fournisseurs d’accès Internet repose sur la logique suivante : qui dit plus de trafic dit de plus grosses infrastructures, donc des coûts qui augmentent. Des coûts qu’ils ne peuvent pas prendre en charge, et qu’ils veulent reporter sur les gros fournisseurs de contenus plutôt que sur les usagers.

On pourrait presque se laisser séduire par l’idée de faire payer les mastodontes du Net. Sauf qu’il n’est en réalité pas question ici de taxer, mais bien de négocier la priorité sur la bande passante.

On voit venir le loup : un Internet à deux vitesses, où les sites qui ont les moyens s’achèteront la priorité et le luxe de la vitesse, tandis que les autres prendront les miettes, où les internautes pourraient être bridés une fois la limite de trafic atteinte s’ils ne vont pas aux services les plus « attractifs ».

Un boulevard ouvert aux poids lourds du Net

Imaginons par exemple que YouTube négocie un contrat avec Orange et pas avec Free. Les abonnés du premier pourraient accéder facilement aux vidéos, tandis que les abonnés du second rencontreraient des difficultés de visionnage.

Imaginons encore que le contrat qui lie Orange avec YouTube soit plus important que celui qui le lie avec Dailymotion. Les vidéos du premier seraient accessibles plus aisément que celles du second, risquant de fait d’étrangler concurrent français.

Un rapport [PDF] de la direction générale du Trésor évoquait le bouleversement de l’équilibre économique des fournisseurs de contenus si l’on venait à prioriser la bande passante. Les risques :

  • seuls les acteurs puissants seraient capables de payer des redevances élevées pour que leurs flux soient prioritaires ;
  • une hausse des prix d’accès aux services en ligne due à l’appauvrissement de la concurrence ;
  • « l’oligopolisation » du marché  : les opérateurs Télécoms investiraient finalement eux-même dans le secteur des contenus et donneraient la priorité à leurs propres contenus, plutôt que ceux des concurrents.

Fronde des ONG : l’appel aux citoyens

Coïncidence du calendrier, le nouveau président de la Commission fédérale des communications – le régulateur américain des télécoms – a déclaré trouver normal que les FAI puissent exiger aux services internet gourmands en bande passante de payer pour un accès optimisé.

« Je pense que nous allons aussi voir un marché où Netflix peut dire : “Bien, je vais payer pour m’assurer que vous receviez, que mes abonnés reçoivent la meilleure version de ce film.”

Une déclaration qui a fait hurler les associations de défense des droits sur Internet. Branle-bas de combat en Europe aussi : la Quadrature du Net exhorte les citoyens européens à appeler leurs eurodéputés afin d’amender la proposition avant son vote.

 

 

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10 décembre 2013 2 10 /12 /décembre /2013 19:28

 

*Un article qui date et pourtant qui reste d'actualité...

 

 Source : monde-diplomatique.fr 

 

Pour relancer l’économie

  Et si on fermait la Bourse...

 

  Frédéric Lordon

 

C’était il y a un peu plus d’un an : les gouvernements secouraient les banques aux frais du contribuable. Mission accomplie. Mais à quel prix ? L’Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE) évalue à 11 400 milliards de dollars les sommes mobilisées par ce sauvetage. Soit 1 676 dollars par être humain... Mais la finance n’est pas qu’affaire de banquiers. C’est aussi celle des actionnaires. Une proposition pourrait ne pas leur plaire : fermer la Bourse.

par Frédéric Lordon, février 2010

Pour un peu, le grand spectacle de ces deux dernières années nous l’aurait presque fait oublier : là où la finance « de marché »* (les astérisques renvoient au glossaire), appellation un peu idiote mais il en faut bien une pour faire la différence, semble s’activer dans un univers clos, loin de tout et notamment du reste de l’économie, la finance actionnariale*, celle des propriétaires des moyens de production, campe à l’année sur le dos des entreprises — et, comme toujours, en dernière analyse, des salariés. Il a fallu la « mode du suicide » si délicatement diagnostiquée par M. Didier Lombard, président-directeur général (PDG) de France Télécom, pour offrir l’occasion, mais si peu saisie dans le débat public, de se souvenir de ce dégât quotidien de la finance actionnariale dont les injonctions à la rentabilité financière sont implacablement converties par les organisations en minimisation forcenée des coûts salariaux, destruction méthodique de toute possibilité de revendication collective, intensification épuisante de la productivité et dégradation continue des conditions matérielles, corporelles et psychologiques du travail.

Contre toutes les tentatives de dénégation dont on entend d’ici les accents scandalisés, il faut redire le lien de cause à effet qui mène du pouvoir actionnarial, dont plus rien dans les structures présentes du capitalisme ne retient les extravagantes demandes, à toutes les formes, parfois les plus extrêmes, de la déréliction salariale. Et si les médiations qui séparent les deux bouts de la chaîne font souvent perdre de vue la chaîne même, et ce que les souffrances à l’une des extrémités doivent aux pressions exercées depuis l’autre, si cette distance demeure la meilleure ressource du déni, ou des opportunes disjonctions dont le débat médiatique est coutumier, rien ne peut effacer complètement l’unité d’une « causalité de système » que l’analyse peut très bien dégager (1).

Si donc la refonte complète du jeu de la finance « de marché », réclamée avec d’autant plus de martiale véhémence par les gouvernements qu’ils ont moins l’intention de l’accomplir, occupe le débat public depuis un an, il s’agirait de ne pas oublier que, au moins autant, la finance actionnariale est en attente elle aussi de son « retour de manivelle »... Sous ce rapport il n’y a que le PDG de Libération Laurent Joffrin, joignant la paresse intellectuelle au désir de ne rien rencontrer qui pourrait le contrarier, pour soutenir qu’il n’y a pas d’idées à gauche (2) — sans doute pas dans Libération ni au Parti socialiste en effet (mais on a dit : à gauche). Du vide dans le regard de Laurent Joffrin, on ne conclura donc pas pour autant qu’il n’y a rien. Le SLAM (Shareholder Limited Authorized Margin ou marge actionnariale limite autorisée) est une idée (3). L’abolition de la cotation en continu, et son remplacement par un fixing mensuel ou plurimestriel, en est une autre (4). Vient toutefois un moment où l’on envisage la question autrement : et fermer la Bourse ?

Des chroniques débonnaires du regretté Jean-Pierre Gaillard, longtemps journaliste boursier sur France Info, à l’apparition des chaînes boursières, en passant par l’incessante répétition « CAC 40 - Dow Jones - Nikkei », la Bourse aura bientôt quitté le domaine des institutions sociales pour devenir quasiment un fait de nature — une chose dont la suppression est simplement impensable. Il est vrai que deux décennies et demie de matraquage continu ont bien œuvré à cette sorte de naturalisation, et notamment pour expliquer qu’une économie « moderne » ne saurait concevoir son financement autrement que par des marchés et, parmi eux, des marchés d’actions* (la Bourse au sens strict du terme).

Bien sûr, pour continuer de se dévider, ce discours nécessite de passer sous silence l’ensemble des destructions corrélatives de l’exercice du pouvoir actionnarial ; la simple mise en regard de ses bénéfices économiques supposés et de ses coûts sociaux réels suffirait à faire apparaître tout autrement le bilan de l’institution « Bourse ». Encore faudrait-il questionner la division entre bénéfices économiques et coûts sociaux car les tendances à la compression salariale indéfinie qui suivent de la contrainte de rentabilité actionnariale ne sont pas sans effets macroéconomiques. La sous-consommation chronique qui en résulte a poussé les géniaux stratèges de la finance à proposer aux ménages de « faire l’appoint » avec du crédit, devenu la béquille permanente de la demande manquante — on connaît la suite. Evidemment les bilans sont toujours plus faciles avec une seule colonne qu’avec deux, particulièrement, aurait ajouté l’humoriste Pierre Dac, quand on enlève la mauvaise. Mais vienne la « bonne » à se montrer elle-même défaillante, que peut-il alors rester de l’ensemble ?

Or c’est peu dire que les promesses positives de la Bourse sont douteuses. Sans elle, paraît-il, pas de financement de l’économie, plus de fonds propres pour des entreprises alors vouées à l’insolvabilité, encore moins de développement des start-up annonciatrices des révolutions technologiques ? En avant, dans l’ordre et méthodiquement.

 

Les investisseurs pompaient, pompaient !

Sur le papier, le plan d’ensemble ne manquait pas d’allure. Des agents (les épargnants) ont des ressources financières en excès et en quête d’emploi, d’autres (les entreprises) sont à la recherche de capitaux : la Bourse est cette forme institutionnelle idoine qui mettrait tout ce beau monde en contact et réaliserait la rencontre mutuellement avantageuse des capacités de financement des uns et des besoins des autres. Elle ferait même mieux encore : en apportant des ressources permanentes (à la différence de l’endettement, les capitaux propres, levés par émission d’actions, ne sont pas remboursables), elle stabiliserait le financement et en minimiserait le coût. Patatras : rien de tout ça ne tient la route.

La Bourse finance les entreprises ? Au point où on en est, ce sont plutôt les entreprises qui financent la Bourse ! Pour comprendre ce retournement inattendu, il faut ne pas perdre de vue que les flux financiers entre entreprises et « investisseurs » sont à double sens et que si les seconds souscrivent aux émissions des premières, ils ne manquent pas, symétriquement, de leur pomper régulièrement du dividende (en quantité croissante) et surtout du buy-back*, « innovation » caractéristique du capitalisme actionnarial par laquelle les entreprises sont conduites à racheter leurs propres actions pour augmenter mécaniquement le profit par action et, par là, pousser le cours boursier (donc la plus-value des investisseurs) à la hausse.

La cohérence dans l’incohérence du capital actionnarial atteint d’ailleurs des sommets car, imposant des normes de rentabilité financière exorbitantes, il force à abandonner bon nombre de projets industriels, incapables de « passer la barre », laissant les entreprises avec des ressources financières inemployées... aussitôt dénoncées comme « capital oisif », avec prière de le restituer instamment aux « propriétaires légitimes », les actionnaires — « puisqu’ils ne savent pas s’en servir, qu’ils nous le rendent ! ». Dorénavant, ce qui sort des entreprises vers les investisseurs l’emporte sur ce qui fait mouvement en sens inverse... et donnait son sens et sa légitimité à l’institution boursière. Les capitaux levés par les entreprises sont devenus inférieurs aux volumes de cash pompés par les actionnaires, et la contribution nette des marchés d’actions au financement de l’économie est devenue négative (quasi nulle en France, mais colossalement négative aux Etats-Unis, notre modèle à tous (5)).

Il y a de quoi rester interloqué devant pareil constat quand, dans le même temps, les masses financières qui s’investissent sur les marchés boursiers ne cessent de s’accroître. Le paradoxe est en fait assez simple à dénouer : faute de nouvelles émissions d’actions pour les absorber, ces masses ne font que grossir l’activité spéculative sur les marchés dits « secondaires »* (les marchés de revente des actions déjà existantes). Aussi leur déversement constant a-t-il pour effet, non pas de financer des projets industriels nouveaux, mais de nourrir la seule inflation des actifs financiers déjà en circulation. Les cours montent et la Bourse va très bien, merci, mais le financement de l’économie réelle lui devient chose de plus en plus étrangère : le jeu fermé sur lui-même de la spéculation est très suffisant à faire son bonheur et, de fait, les volumes de l’activité dans les marchés secondaires écrasent littéralement ceux des marchés primaires* (les marchés d’émission).

Que la Bourse comme institution de financement, par là différenciée de la Bourse comme institution de spéculation, soit devenue inutile, ce sont les entreprises qui pourraient en parler le mieux. Le problème ne se pose simplement pas pour les petites et moyennes... qui ne sont pas cotées, mais dont on rappellera tout de même qu’elles font l’écrasante majorité de la production et de l’emploi — on répète pour bien marquer le coup : l’écrasante majorité de la production et de l’emploi se passe parfaitement de la Bourse. Plus étonnamment, les grandes entreprises y ont fort peu recours également — sauf quand leur prend l’envie de s’amuser au jeu des fusions et des offres publiques d’achat (OPA). Car lorsqu’il s’agit de trouver du financement, le paradoxe veut que les fleurons du CAC 40 et du Dow Jones aillent le plus souvent voir ailleurs : dans les marchés obligataires, ou bien, par une inavouable persistance dans l’archaïsme... à la banque ! Une succulente ironie veut qu’il y ait là moins l’effet d’une réticence philosophique qu’un effet de plus de la contrainte actionnariale elle-même, qui voit dans toute nouvelle émission l’inconvénient de la dilution, donc de la baisse du bénéfice par action. En somme, le triomphe du pouvoir actionnarial consiste à dissuader les entreprises qui le pourraient le plus de se financer à la Bourse !

 

D’autres promesses,  d’autres menaces

Ce qui reste de financement brut apporté par la Bourse se fait-il au moins pour les entreprises au coût avantageux promis par tous les discours de la déréglementation ? On sait sans ambiguïté ce que coûte la dette : le taux d’intérêt qu’on doit acquitter chaque année. Le « coût du capital » (ici le coût des fonds propres) est une affaire moins évidente à saisir. Par définition les capitaux propres (levés par émissions d’actions) ne portent pas de taux de rémunération prédéfini comme la dette. Ça ne veut pas dire qu’ils ne coûtent rien ! Mais alors combien ? Très symptomatiquement, la théorie financière ne cesse de s’intéresser au « coût du capital »... mais sous le point de vue exclusif de l’actionnaire (lire « Le coût du capital du point de vue de l’actionnaire ») ! Ceci ne dit rien de ce qu’il en coûte concrètement à l’entreprise de se financer en levant des actions plutôt que des obligations*, ou encore en allant à la banque — et c’est là une question dont la théorie financière, qui révèle ainsi ses points de vue implicites (pour ne pas dire : pour qui elle travaille), se désintéresse presque complètement.

Or ce qu’il en coûte à l’entreprise tient en trois éléments : les dividendes et les buy-backs sont les deux premiers, à quoi il faut ajouter également les coûts d’opportunité liés aux projets d’investissement écartés pour cause de rentabilité insuffisante, c’est-à-dire tous ces profits auxquels l’entreprise a dû renoncer sous l’injonction actionnariale... à ne pas investir.

Tout ceci, qui commence à faire beaucoup, ne se met cependant pas aisément sous la forme d’un « taux » qui pourrait être directement confronté au taux d’intérêt afin d’offrir une comparaison terme à terme des coûts des différentes formes de capital (fonds propres versus dette). Le fait que la dette soit remboursable et non les capitaux propres est une première différence perturbatrice ; inversement, du dividende est payé éternellement sur des actions bien après la fin du cycle de vie de l’investissement qu’elles ont servi à financer ; les actions confèrent en assemblée générale un pouvoir que ne donne pas la dette (et auquel on pourrait assigner une valeur), etc. A défaut de comparaison directe, on peut au moins faire une comparaison différentielle, et observer que l’un des deux coûts, celui des fonds propres, a connu une évolution très croissante : les buy-backs qui étaient inconnus se sont développés dans des proportions considérables ; quant aux dividendes, on peut mesurer leur croissance à la part qu’ils occupent désormais dans le produit intérieur brut, où ils sont passés de 3,2 % à 8,7 % entre 1982 et 2007, et ceci, il faut le redire, du fait même de l’exercice du pouvoir actionnarial, pour qui la déréglementation boursière a été faite... sur la foi d’une baisse du coût de financement des entreprises !

Reprenons : contribution nette négative, et contribution brute hors de prix là où elle avait été promise à coûts sacrifiés... On se demande ce qui reste à la Bourse pour se maintenir dans l’existence — à part les intérêts particuliers du capital financier, il est vrai d’une puissance tout à fait admirable. La réponse est : d’autres menaces et d’autres promesses.

La menace agite le spectre d’une « économie sans fonds propres ». Au premier abord, elle ne manque pas de poids, spécialement en une période où l’on dénonce, non sans raison, la croissance hors de contrôle des dettes privées. Or refuser aux entreprises les bienfaits de la Bourse, n’est-ce pas les renvoyer aux marchés obligataires ou au crédit bancaire, c’est-à-dire à plus de dette encore — et tout le pouvoir aux banquiers, espèce que la crise nous a rendue si sympathique (6) ? Mais une économie sans Bourse n’est pas du tout une économie privée de fonds propres. Trop occupée à vanter ses propres charmes, la Bourse a fini par oublier que l’essentiel des fonds propres ne vient pas d’elle... mais des entreprises elles-mêmes, qui les sécrètent du simple fait de leurs profits, transformés en capital par le jeu de cette opération que les comptables nomment le « report à nouveau » : chaque année le flux de profit dégagé par l’entreprise vient grossir le stock de capital inscrit à son bilan… du moins tant qu’elle ne l’abandonne pas aux actionnaires sous la forme de dividendes.

On dira cependant que l’apport de fonds propres externes (ceux d’actionnaires donc) revêt une importance particulière quand précisément l’entreprise va mal et, par elle-même, ne dégage plus assez de fonds propres internes par profit et « report à nouveau ». Le sauvetage d’entreprises en difficulté ne révèle-t-il pas l’ultime vertu de l’intervention actionnariale, et seules des injections providentielles de capitaux propres ne peuvent-elles pas y pourvoir ? La belle idée : en général, les repreneurs s’y entendent pour mettre au pot le moins possible et pour mener leur petite affaire soit en empochant les subventions publiques, soit en ayant prévu de revendre quelques morceaux de gré à gré, soit en profitant du règlement judiciaire pour restructurer les dettes et larguer du salarié ; et le plus souvent par un joyeux cocktail mélangeant agréablement tous ces bons ingrédients — fort peu actionnariaux.

Comme le cercle commence à se refermer méchamment et que la liste des supposés bienfaits est déjà à l’état de peau de chagrin, on aura bientôt droit au cri désespéré : « Et les start-up ? » Les start-up, la révolution technologique en marche, celle qui nous a donné Internet (juste après que l’armée eut posé les tuyaux et les chercheurs inventé les protocoles...), celle qui enfin nous offrira bientôt des gènes refaits à neuf, comment les ferait-on éclore sans la Bourse ? Bien sûr on a pu se tromper un peu quant à la réalité de ses bienfaits, mais tout sera pardonné quand on aura redécouvert ses véritables, ses irremplaçables prodiges : des promesses d’avenirs radieux.

C’est peut-être dans ce registre prophétique des lendemains technologiques que le discours boursier, par ailleurs si déconsidéré, trouve son ultime redoute — avec parfois l’improbable secours de technologues de gauche, écolos amis de la chimère ayant reçu pour nom « croissance verte », ou enthousiastes du « capitalisme cognitif » (certains, pas tous...) qui nous voient déjà savants et émancipés par le simple empilement des ordinateurs connectés en réseau.

Or il est exact que le financement des start-up semble échapper au système financier classique, et notamment bancaire. Le propre de ces entreprises naissantes tient en effet à la difficulté de sélection qu’elles présentent aux financeurs potentiels du fait même du caractère inédit de leurs paris techniques et de la très grande incertitude qui en découle, faute de références passées auxquelles les comparer. On connaît l’argument : sur dix start-up soutenues, neuf seront d’épouvantables bouillons mais peut-être la dixième une magnifique pépite qui, bien poussée jusqu’à l’introduction en Bourse, décrochera la timbale — comprendre : enrichira ses actionnaires de départ, qu’on nomme, tout ridicule abattu, des business angels anges des affaires »), et fera mieux que les réconforter de leurs pertes sur les neuf autres.

Cette économie de la péréquation très particulière, propre aux entreprises technologiques naissantes, rendrait donc « indispensable » la sortie en Bourse et impossible le financement par le crédit : le banquier facturant en gros le même taux d’intérêt aux dix perdrait tout, intérêt et principal, sur neuf et ne gagnerait que ses quelques pour-cent sur la dixième ; bien trop peu pour que l’opération globale ne soit pas très perdante, et par suite définitivement abandonnée.

Il faut reconnaître que l’argument ne manque pas de sens. Il manque juste à être irrésistible. Car il ne faut pas beaucoup d’imagination pour envisager un taux d’intérêt qui soit, non plus fixe, mais défini comme une certaine part des profits, éventuellement révisable (à la hausse) sur les premières étapes du cycle de vie de l’entreprise. Si celle-ci est effectivement un bingo, elle le prouvera par ses bénéfices, et cette péréquation-là réjouira le banquier comme la péréquation boursière avait réjoui le business angel. Creusant un tout petit peu plus cependant, on finira par tomber sur la réalité moins glorieuse des mobiles qui font tenir les discours généraux du financement en capital des start-up et des héros technologiques.

L’introduction en Bourse a pour finalité essentielle... d’enrichir à millions les créateurs d’entreprise et leurs « anges » accompagnateurs. On les croyait mus par l’idée générale du progrès technique, le bien-être matériel de l’humanité et la passion d’entreprendre : ils n’ont le plus souvent pas d’autre idée que de faire fortune aussi vite que possible et de prendre une retraite très avancée — il n’y aurait pas de test plus dévastateur que de voir ce qui, la promesse de fortune boursière retirée, resterait des troupes des vaillants entrepreneurs. Des cohortes boutonneuses de la nouvelle économie, combien n’avaient pour idée fixe que de bricoler au plus vite une petite affaire susceptible d’être revendue et de faire la culbute patrimoniale ?

On fera remarquer que c’est l’essence même du capitalisme que les agents ne s’y activent pas pour des prunes. Sans doute, mais d’une part on pourrait, du coup, nous épargner le gospel entrepreneurial, et d’autre part c’est une chose de désirer s’enrichir de sa création d’entreprise, mais c’en est une autre de ne s’y livrer qu’à la condition (même si elle n’est qu’à l’état d’espoir) de s’enrichir hors de proportion, comme c’est devenu la condition implicite mais sine qua non des créateurs de start-up. Et il est vrai : ce n’est plus la simple rémunération du travail, ou même le revenu tiré du profit d’entreprise qui peut enrichir à cette échelle, mais bien la timbale boursière et elle seule.

Et c’est ici le terminus du discours de la Bourse. La Bourse n’est pas une institution de financement des entreprises — elles n’y vont plus sauf pour s’y faire prendre leur cash-flow* ; elle n’est pas le roc d’une « économie de fonds propres » — pour l’essentiel ceux-ci viennent d’ailleurs : des entreprises elles-mêmes ; elle n’est pas la providence qui sauve les start-up de l’attrition financière — on pourrait très bien agir autrement.Elle est une machine à fabriquer des fortunes. Et c’est tout. Bien sûr, pour ceux qui s’enrichissent, ça n’est pas négligeable. Mais pour tous les autres, ça commence à suffire.

Cupidité déboutonnée

Ainsi, faire la critique de la Bourse conduit immanquablement à retrouver les vraies forces motrices que le galimatias entrepreneurial s’efforce de recouvrir : il n’y est en fait question que d’enrichissement. Non pas que tous les entrepreneurs soient par principe affligés de cette cupidité déboutonnée — ceux qui ont vraiment l’envie de construire quelque chose sont mus par d’autres ressorts et se passent de la fortune patrimoniale pour s’activer (on n’en fera pas des saints pour autant...). Mais seule la Bourse pouvait installer dans le corps social, ou plutôt dans ses parties les plus concernées, ce fantasme, désormais fait mentalité, de la fortune-éclair, légitime récompense des élites économiques, entièrement due à leur génie créateur et sans laquelle on déclarera qu’on veut faire fuir le sel de la terre, tuer la vie entrepreneuriale, peut-être même la vie tout court.

Fermer la Bourse n’a donc pas seulement la vertu de nous débarrasser de la nuisance actionnariale pour un coût économique des plus faibles, mais aussi le sens d’extirper l’idée de la fortune-flash, devenue référence et mobile, cela-va-de-soi pour bien-nés et normalité du « mérite », pour rappeler que l’argent ne se gagne qu’à hauteur des possibilités de la rémunération du travail, ce qui, dans le cas des individus qui nous intéressent, est déjà la plupart du temps largement suffisant. La Bourse comme miroir à la fortune aura été l’opérateur imaginaire, aux effets bien réels, du déplacement des normes de la réussite monétaire, et il n’est pas un ambitieux dont le chemin ne passe par elle — pour les autres, il y a le Loto, et pour plus personne en tout cas, rapporté à cette norme, le travail.

Aussi la Bourse a-t-elle cette remarquable propriété de concentrer en un lieu unique la nocivité économique et la nocivité symbolique, en quoi on devrait voir une raison suffisante d’envisager de lui porter quelques sérieux coups. On ne dit pas que les arguments qui précèdent closent définitivement la discussion de la fermeture de la Bourse, et il y a sûrement encore bien des objections à réfuter pour se convaincre définitivement de joindre le geste à la parole. On ne le dit pas donc, mais on dit seulement qu’au moins il est temps de cesser de s’interdire d’y penser.

 

Frédéric Lordon

Economiste, auteur de La Crise de trop. Reconstruction d’un monde failli, Fayard, 2009.
L’information gratuite n’existe pas. Les articles du mensuel en accès libre sur notre site n’y figurent que parce qu’ils ont été préalablement payés par nos acheteurs, nos abonnés et par ceux qui, chaque année plus nombreux, nous versent des dons. Faire un don

(1) La Crise de trop, chapitres IV et V.

(2) «  La gauche ne dit rien sur la crise financière  », assénait-il encore le 20 septembre 2008 sur France Inter.

(3) Lire «  Enfin une mesure contre la démesure de la finance, le SLAM  !  », Le Monde diplomatique, février 2007.

(4) Lire «  Instabilité boursière : le fléau de la cotation en continu  », La pompe à phynance, Les blogs du Diplo, 20 janvier 2010.

(5) Entre 2003 et 2005 la contribution nette des marchés d’actions au financement des entreprises françaises est de l’ordre d’à peine quelques milliards d’euros. Aux Etats-Unis, elle passe de — 40 milliards à — 600 milliards d’euros sur la même période  ! Seule la crise financière interrompt (provisoirement) ces mouvements massifs de buy-back  Rapport annuel de l’Autorité des marchés financiers  », Paris, 2007).

(6) Comme souvent, c’est l’occasion de se rendre compte que les transformations radicales se font moins «  par parties  » que par «  blocs de cohérence  ». Refaire les structures de la finance nécessite de s’en prendre aux marchés, mais aussi aux structures bancaires. Cf., à ce propos, La Crise de trop, op. cit., chapitre III.

Voir aussi le courrier des lecteurs dans notre édition de mai 2010.

Voir aussi

 

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10 décembre 2013 2 10 /12 /décembre /2013 19:17

 

Source :blogapares.com

 

 

Union européenne: selon la Croix-Rouge, le niveau de pauvreté est proche de celui de la Seconde Guerre Mondiale

 

la pauvrete s etend dans toute l europe sous l effet de la crise economique 80 millions de pauvres vivent dans l union europeenne en france ils seraient entre 4 8 et 8 millions dessin salles Union européenne: selon la Croix Rouge, le niveau de pauvreté est proche de celui de la Seconde Guerre Mondiale

 

Fini de rire. Les balivernes qu’on nous serine sur l’Union européenne depuis des lustres pour asseoir les mythes de la paix et de la prospérité en Europe se payent comptant. La paix était possible sans ce montage politique démentiel qui vire au fascisme et qui peine de plus en plus à dissimuler la  guerre économique que se livrent  ses Etats-membres. Quant à la prospérité, chacun peut apprécier chaque jour davantage l’échec de cette organisation  livrée aux banksters et aux multinationales grâce à  la politique économique ultra-libérale dérégulée, présentée comme la seule possible.

 

Le seul argument des constructeurs de cette Europe, « sans cela, cela aurait été pire », ne tient plus. Une autre Europe est pourtant possible mais les arguments des prix Nobel, économistes, intellectuels, et autres penseurs et praticiens proposant cette voie ne sont pas entendus. Les tenants d’une autre alternative  sont  qualifiés sans vergogne « d’euros-sceptiques » voire « d’europhobes » par les  bien-pensants avec une arrogance et un mépris grotesques, tant les résultats de « leur Europe » sont catastrophiques. Que la Troïka ait reconnu ses erreurs ne change rien. Désormais c’est le Marché Transatlantique à venir qui devient l’emblème de cette stratégie du chaos savamment organisée.

En attendant des lendemains qui chantent et qui ne sont pas pour demain, bien au contraire, les populations s’enfoncent dans la pauvreté.

Dans un entretien accordé à Rusia Today, Anita Underlin, directrice de la Croix Rouge Europe, fait état de la situation de la pauvreté en Europe dont le niveau dans certains pays atteint celui de la seconde guerre mondiale.

Selon les dernières statistiques environ 43 millions de personnes souffrent de pauvreté dans l’Union européenne, soit près de 10% de la population. La distribution d’aliments depuis le dernier recensement intervenu en 2009 a augmenté de 75%  pour l’ensemble des 52 pays européens où est présente la Croix-Rouge.

Au Royaume-Uni, pays où le nombre de banquiers ayant dépassé le million d’euros de rémunération atteint des sommets, (pas de hasard là-dedans, Michel Husson a démontré le lien entre pauvreté et inégalité de répartition des richesses)  la situation vire au cauchemar. Le nombre de personnes ayant recours aux banques alimentaires a triplé depuis 2009 pour atteindre les 350 000 l’année dernière.

Pour la première fois depuis la Seconde Guerre Mondiale, la Croix-Rouge a dû solliciter des dons de nourriture et Anitta Underlin, estime qu’il s’agit de  »la plus grande campagne de distribution alimentaire depuis la Seconde Guerre mondiale. »

D’autres pays ne sont en reste. La crise est particulièrement dure en Italie, en Grèce et en Espagne où la Croix-Rouge espagnole soutient 1,2 millions de personnes en alimentation alors que selon  Eurostat, l’organisme de statistiques aux ordres, ces pays ne seraient pas à risques.
 La  Roumanie, la Bulgarie et la Croatie dont il est certain que la récente entrée dans l’UE ne tirera pas d’affaire, sont au plus haut risque de pauvreté extrême. Non seulement la pauvreté s’accroît, mais qui plus est, les gouvernements sont incapables de porter assistance tant les budgets publics ont été réduits.
Dans les pays de l’est, la paupérisation de la classe moyenne est devenu inquiétante. La classe moyenne qui représentait 20% de la population en 2009 n’en représente plus que 10%. 
L’Union européenne s’est fixé comme objectif de ramener à 20 millions le nombre de personnes vivant dans la pauvreté d’ici 2020.
La situation ne serait pas aussi dramatique, on en rirait d’avance: selon  l’office européen de statistiques Eurostat qui  a publiés ses chiffres  jeudi, près du quart des Européens, soit 124,5 millions de personnes, étaient menacées de pauvreté ou d’exclusion sociale en 2012. La tendance est à la hausse puisque 24,8% des Européens étaient concernées en 2012 contre 24,3% en 2011 et 23,7% en 2008. Il y a des disparités selon les pays. Ainsi en Bulgarie, c’est presque une personne sur deux (49%) qui était menacée de pauvreté ou d’exclusion en 2012. En Roumanie, la proportion est élevée (42%), tout comme en Estonie (37%) et en Grèce (35%).( source)
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10 décembre 2013 2 10 /12 /décembre /2013 19:09

 

Source : reporterre.net

 

SERIE - Plus de mille incidents et le record français de fissures. Tout va bien à Tricastin

Barnabé Binctin (Reporterre)

mardi 10 décembre 2013

 

 

 


- Reportage, Lyon (Rhône), Pierrelatte (Drôme)

Le 24 octobre, le réacteur n°2 de la centrale EDF du Tricastin s’arrête suite à l’arrêt des pompes de prélèvement d’eau du canal de refroidissement. En cause : les intempéries conséquentes à la tempête Christian qui ont chargé en limon l’eau du canal de Donzère-Mondragon. Devenue boueuse, l’eau n’est alors plus apte à remplir son rôle de refroidissement. Selon l’association Next-Up, cet incident « confirme et crédibilise l’analyse sur la possibilité de perte totale et brutale d’eau de refroidissement des 4 réacteurs de la centrale nucléaire du Tricastin ».

Le 23 novembre, c’est l’unité de production n°3 qui s’interrompt subitement. Sur son site internet, EDF explique qu’ « une carte électronique défectueuse à l’origine de cet arrêt doit être changée », précisant que « cet événement n’a eu aucune conséquence sur la sûreté des installations, ni sur l’environnement ».

Aucun de ces deux incidents ne sont pourtant classés par l’ASN (Autorité de sûreté nucléaire) sur l’échelle de gravité de l’INES. La dernière "anomalie", classée au niveau 1 de l’échelle de l’INES, remonte selon l’exploitant au 15 octobre et à la découverte de l’absence de renforts de joints de soudure sur les tuyauteries des réacteurs 2 et 4.

1000 incidents à la centrale de Tricastin

Reporterre est allé rencontrer le responsable de l’ASN qui assure le contrôle de la centrale nucléaire de Tricastin. Pour Olivier Veyret, adjoint au chef de division Sûreté de l’ASN à Lyon, « Tricastin comptabilise à peu près 50 incidents par an recensés sur l’échelle de l’INES, dont une dizaine supérieure au niveau 0. Elle se situe tout à fait dans la moyenne des centrales du parc nucléaire français ». Dans son Rapport 2012 sur la sûreté nucléaire et la radioprotection des installations nucléaires du Tricastin, EDF recense pour l’année 2012 quarante-trois événements significatifs de niveau 0 et onze de niveau 1. Reconnaissant « une augmentation des événements classés côté sûreté », l’exploitant précise à la phrase suivante que « ces écarts n’ont eu aucune conséquence réelle sur la sûreté ».

Voir ici, pages 22 à 24 du rapport EDF Tricastin à télécharger :

PDF - 5.2 Molien

De son côté, l’Institut de Radioprotection et de Sûreté Nucléaire (IRSN) explique que le nombre d’événements déclarés ne fait pas la dangerosité. « En matière industrielle, il y a toujours des événements, c’est normal. Il faut justement s’en servir pour améliorer notre connaissance sur la sûreté des installations. Ce qui compte, c’est la vigilance de l’exploitant », nous explique Thierry Charles, directeur général adjoint de l’IRSN

En mars 2013, plusieurs associations dont le collectif anti-nucléaire du Vaucluse dénonçaient pourtant le millième incident sur la centrale de Tricastin, un chiffre calculé « sur la base des informations publiques disponibles sur internet depuis le début de l’existence de cette centrale », indique Alain Volle, du collectif Stop Tricastin. Pour cet étrange anniversaire, c’est le réacteur n°1 de la centrale qui alllumait les bougies : le jeudi 28 février, vers 20h, une explosion précédée d’un flash bleu alerte les autorités. Selon l’exploitant, « un parafoudre de la ligne électrique de 225 000 volts, située après le poste de transformation principal de l’unité de production n°1 s’est rompu, provoquant l’interruption de l’évacuation d’énergie vers le réseau électrique ».

Mais les incidents à répétition ne représentent qu’un volet des enjeux de sûreté que pose le site du Tricastin.

Championne de France des fissures

En 1999, lors de la seconde visite décennale (VD2) du réacteur n°1, des fissures sont mesurées dans la cuve de confinement du réacteur, au niveau de la zone de cœur, qui est par définition la plus soumise au bombardement neutronique. On en compte précisément vingt, alors que l’ensemble du parc nucléaire français en dénombre trente-trois au total, réparties sur neuf réacteurs. Tricastin concentre donc près de deux tiers des fissures existantes en France, dont la plus large (11 mm) jamais mesurée.

L’ASN qualifie de « défauts sous revêtement » ces fissures. « Ces défauts sont présents depuis la fabrication et ils n’ont jamais impacté la tenue de la cuve. Ils ont été découverts plus tard grâce à l’amélioration des nos technologies, mais ils ne remettent pas en cause la durée de vie du réacteur. Ces défauts font l’objet d’un contrôle régulier de la part de l’exploitant, et la troisième et dernière visite décennale n’a pas révélé d’évolutions significatives », explique Olivier Veyret.

En réalité, on avait connaissance de ces défauts dès l’installation de la cuve, avant même la mise en service du réacteur. Microscopiques, ces fissures avaient été détectées dès 1979, comme nous le rappelle ce reportage paru dans le journal de 20h d’Antenne 2 le 25 octobre 1979 :

http://www.ina.fr/video/CAB7901862401

Ces défauts se trouvent à l’interface de la cuve en acier et de son « beurrage », un revêtement en acier inoxydable de 25 millimètres qui protège l’intérieur de la cuve de la corrosion, tel que l’indique ce schéma :

Guillaume Vermorel est un ingénieur qui suit pour EELV Rhône-Alpes les problèmes liés à la centrale. Il nuance l’état de connaissance : « La technique ne nous permet pas aujourd’hui d’ausculter l’épaisseur totale de la cuve, qui fait plus de 20 cm. On peut seulement contrôler les 3 premiers centimètres de profondeur, par ultra-sons. On connaît donc la hauteur et la largeur des fissures mais on ne peut pas évaluer leur profondeur ».

Les défauts pourraient ainsi évoluer sans que l’on s’en aperçoive. D’autant que les arrêts d’urgence (appelés "scram", dans le jargon technique) ont tendance à accroître les effets de dilatation thermique : « Le chaud-froid provoqué par les eaux de refroidissement lors d’un scram fragilise l’acier de la cuve. On peut supposer que ces fissures se propagent dans l’acier, sans savoir si elles risquent de déboucher à l’extérieur », explique M. Vermorel. La cuve assure un rôle essentiel dans le confinement de la matière radioactive, la maitrise de la réaction en chaine et le refroidissement du cœur. Elle ne peut pas être remplacée.

Les fissures révèlent un problème plus général de vieillissement des installations. Cette cuve du réacteur n°1, une des plus anciennes en activité en France, subit depuis trente-trois ans des températures élevées (300°C) et une pression très importante (155 bars), dans un contexte d’irradiation permanente qui fatigue les matériaux. Cette fragilité propre aux infrastructures inquiète d’autant plus que la centrale de Tricastin est particulièrement exposée aux risques externes.

L’accumulation de risques externes

Tricastin a été classé en zone 3 lors du dernier zonage sismique réalisé en France en 2010. Un privilège qui n’est partagé que par quatre autres centrales en France : Fessenheim, Cruas, Bugey et, donc, Tricastin.

Selon François Thouvenot, qui a étudié les risques sismiques dans le Tricastin pour l’Institut des sciences de la Terre, la région présente une sismicité particulière, dite en « essaim ». Les séismes, certes de faible magnitude, durent plus longtemps qu’un séisme instantané, même si c’est avec la même intensité et des foyers de faible profondeur. Or la profondeur est une donnée importante pour dimensionner les installations, mais ces informations n’étaient pas connues au moment de la construction de la centrale de Tricastin.

La centrale de Cruas, construite dix ans plus tard que Tricastin à trente km au nord de celle-ci, s’est basée sur une autre technologie avec des plots antisismiques permettant d’amortir le choc de l’onde sismique.

C’est pourquoi l’ASN a demandé à EDF des études complémentaires sur « la tenue au séisme de certains équipements » lors de sa dernière visite décennale à Tricastin.

Au risque sismique s’ajoute celui de l’inondation. Celui-ci pourrait provenir du canal de Donzère-Mondragon qui sert au refroidissement de la centrale et surplombe le site de sept mètres de hauteur. Une défaillance des digues en raison d’un séisme, d’une crue exceptionnelle du Rhône ou simplement d’un mauvais entretien aurait ainsi des conséquences immédiates.


- Le long du canal, une digue endommagée -

Par ailleurs, l’ASN considère aujourd’hui que l’exploitant n’est pas en mesure d’assurer la protection de la centrale en cas de crue millénale majorée de 15 %. EDF doit donc présenter un plan de renforcement avant le 31 décembre pour des travaux d’ici le 31 décembre 2014.

L’idée du siècle : un gazoduc sous la centrale

Malgré l’accumulation de ces risques préoccupants, l’entreprise GRT Gaz projette de construire un nouveau gazoduc dans la région de 220 km de long et 1,20 m de diamètre. Le tracé du gazoduc ERIDAN passe sous le canal de refroidissement de la centrale. Pour l’association Pierredomachal qui milite contre ce projet, le risque est double pour la centrale nucléaire de Tricastin : « En cas d’explosion du gazoduc sous le canal, il y aura non seulement inondation du site nucléaire, mais perte de refroidissement pour la centrale. Les autorités minimisent le risque d’explosion, mais s’il advenait, la catastrophe serait inévitable », selon son vice-président, Gérard Dabenne.

"Tout est normal"

Quoi qu’il en soit, les autorités du nucléaire continuent de considérer Tricastin comme une centrale normale d’un point de vue de la sûreté. Dans son appréciation pour 2012, l’ASN écrit ainsi que « les performances en matière de sûreté nucléaire du site du Tricastin rejoignent globalement l’appréciation générale des performances que l’ASN porte sur EDF ».

Malgré les fuites de tritium ?

- A suivre demain…


Source et photos : Barnabé Binctin Reporterre.

Lire l’épisode précédent : -Plongée dans la centrale la plus dangereuse de France.


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10 décembre 2013 2 10 /12 /décembre /2013 18:59

 

Source : reporterre.net

 

Claire Nouvian : "Il faut en finir avec la méthode de pêche la plus destructrice de l’histoire"

Hélène Harder et Hervé Kempf (Reporterre)

mardi 10 décembre 2013

 

 

 

Le Parlement européen a rejeté aujourd’hui un réglement visant à interdire le chalutage profond. Une méthode de pêche qui ravage pourtant les fonds océaniques. Claire Nouvian dirige Bloom, une des principales associations écologistes à lutter contre ce gaspillage. Elle répond en vidéo aux questions de Reporterre.


Ce mardi 10 décembre, le Parlement européen devait prendre une décision importante sur une proposition de réglement interdisant une méthode destructrice de pêche, le chalutage en eau profonde. La mauvaise nouvelle est tombée en fin de matinée : rejet à 342 voix contre 326.

Depuis plusieurs années, une bataille est engagée par quelques groupes écologistes pour mettre un terme à cette forme de pêche. En pointe, l’association Bloom, dont Claire Nouvian est la directrice. Nous sommes allé l’interroger. Avec trois grandes questions : quel est l’effet sur les écosystèmes du chalutage profond, où en est la bataille réglementaire, et que peut faire le consommateur.

Les effets sur l’écosystème du chalutage profond

Claire Nouvian explique ici cette méthode de pêche : des chaluts énormes, qui raclent le fond océanique. "C’est comme un énorme bulldozer tiré par un gros bateau. Une bouche béante avale tout sur son passage". Le tri se fait à bord du navire : pour trois espèces conservées, jusqu’à cent sont rejetées à la mer. Tout ceci a des conséquences graves sur les espèces du fond, qui sont fragiles : certaines ont perdu jusqu’à 80 % de leurs effectifs. "C’est la méthode de pêche la plus destructrice de l’histoire, qui détruit ce qui, avec la forêt tropicale, le plus grand écosystème de la Terre, le plus grand réservoir d’espèces sur Terre".

La bataille réglementaire

Le chalutage profond est déjà interdit dans l’océan austral, ainsi qu’aux Açores, aux Canaries et en Méditerranée. En Europe, seules l’Espagne et la France défendent cette forme de pêche. Cela ne concerne en France qu’une dizaine de navires, qui sont dont l’exploitation est d’ailleurs déficitaire. "Des officiels nous disent, ’On en a marre de travailler pour Intermarché’". Car cette chaine de distribution est le principal agent - et profiteur - de la pêche par chalutage profond.

Au demeurant, la pêche en eau profonde ne serait pas interdite par le réglement discuté le 10 décembre : la pêche à la palangre (longue ligne avec hameçons) resterait possible. Elle est beaucoup moins destructrice… et crée plus d’emplois que le chalutage profond.

Ce que peut faire le consommateur

Ne pas acheter les poissons issus du chalutage profond : grenadier de roche, lingue bleue, sabre noir. Ils se trouvent surtout chez Intermarché et chez Leclerc, à éviter, donc, et en restauration collective.

Et puis "réduisons la consommation de protéines animales : on n’a jamais autant mangé de protéines animales de toute l’histoire de l’homme."

"On peut gaiement se détourner de ces poissons, en se disant qu’on contribue à quelque chose de valeureux".

- Propos recueillis par Hélene Harder (réalisation et montage vidéo) et Hervé Kempf.


Complément d’info :

Le texte discuté au Parlement européen le 10 décembre 2013, à télécharger :

PDF - 588.7 kolien

Source : Hélène Harder et Hervé Kempf pour Reporterre.

Voir aussi : Des pingouins à l’assaut d’Intermarché contre la pêche en eau profonde.


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10 décembre 2013 2 10 /12 /décembre /2013 18:51

 

Source : reporterre.net

 

Le Sénat s’apprête à autoriser l’Etat à espionner les internautes

ACDN (Action des Citoyens pour le Désarmement Nucléaire)

mardi 10 décembre 2013

 

 

 

 

Le Sénat discute aujourd’hui d’une loi autorisant les services de l’Etat à espionner les communications par internet sans contrôle judiciaire. Nouvelle atteinte aux libertés.

Le même texte prévoit par ailleurs un renforcement des moyens pour développer les armes nucléaires.

 


 

Mardi 10 décembre, le Sénat doit examiner en deuxième lecture le projet de Loi de Programmation Militaire (LPM) 2014-2019 adopté en première lecture par l’Assemblée Nationale le 3 décembre 2013 .

 

Une loi liberticide

Alors que les interceptions dites "de sécurité" étaient jusqu’ici limitées à la lutte contre le terrorisme, ce projet de loi en élargit les motifs et son article 13 ouvre aux services de renseignement des ministères de la Défense, de l’Intérieur, de l’Economie et du Budget un "accès administratif aux données de connexion" recueillies par les opérateurs de communications électroniques, les hébergeurs et les fournisseurs d’accès à Internet.

Le texte autorise les agents "habilités" des administrations citées à accéder en temps réel aux données de connexion des terminaux mobiles (smartphones, portables, etc.) et oblige les transporteurs aériens à communiquer "les données d’enregistrement relatives aux passagers des vols à destination et en provenance du territoire national" et aux passagers enregistrés dans leurs systèmes de réservation.

Par ces mesures, chacun (sauf les professionnels du crime, qui sauront y parer...) pourra être à tout instant "localisé" partout, en France ou ailleurs... avant même d’y être ! C’est bon pour les libertés, parait-il.

Ainsi, tandis que l’Union Européenne condamne les méthodes de la NSA américaine, la France met en place le même type de surveillance étatique, en théorie "ciblée" et contrôlée par la CNIL (Commission nationale de l’informatique et des libertés) (mais seulement après coup...), en pratique inaccessible au contrôle citoyen. Big Brother est en marche au pays qui se dit "le pays des droits de l’homme".


Une loi criminelle

Par ailleurs, la LPM "sanctuarise" le budget de la défense, qui progressera de 3,6 % de 2014 à 2019 et totalisera "190 milliards d’euros courants, voire davantage", selon le ministre de la Défense. Les crédits d’équipement, fixés à 16 milliards d’euros en 2013, atteindront en moyenne 17,2 milliards par an sur la période. Ils se tailleront, aux dépens des personnels, la part du lion - spécialement ceux destinés à produire de nouvelles armes nucléaires.

Un crédit supplémentaire de 1,5 milliard d’euros sera ouvert en 2014 au titre de "l’Excellence technologique des industries de défense", essentiellement au profit du CEA. "Nous poursuivrons le programme de simulation et la modernisation de nos forces, dans le respect du principe de stricte suffisance", a déclaré le ministre de la défense le 26 novembre.

Cette "stricte suffisance" consiste à pouvoir faire, avec 300 bombes atomiques, près d’un milliard de morts. Chacune de ces bombes, de 7 à 22 fois plus puissante que celle d’Hiroshima, peut faire plusieurs millions de morts, sans distinguer bien entendu entre civils et militaires. Ce sont des armes de crime contre l’humanité.

 

 

L’Assemblée générale de l’ONU les a formellement condamnées : "Tout Etat qui emploie des armes nucléaires et thermonucléaires doit être considéré comme violant la Charte des Nations Unies, agissant au mépris des lois de l’Humanité et commettant un crime contre l’Humanité et la civilisation." (Résolution 1653 XVI du 24 novembre 1961).

La LPM est donc liberticide, mais aussi criminelle, et contraire à ce titre au droit international et à la Constitution française. Les parlementaires qui la voteront se rendront complices de la préparation de crimes contre l’humanité et de la forfaiture dont le chef de l’Etat et le chef du gouvernement se rendent d’ores et déjà coupables en inspirant un tel projet de loi. Chacun d’eux doit en avoir conscience et savoir que la justice finit presque toujours par rattraper les criminels.

 


 

Source : ACDN

Photos :
- Une : Urban design blog
- Article : Le JDD

Lire aussi : Les sénateurs maintiennent l’inutile bombe atomique-.

 

 

 

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10 décembre 2013 2 10 /12 /décembre /2013 18:33

 

 

Source : leparisien.fr


En France, les tarifs de l’eau varient de un à quatre

 

EXCLUSIF. Selon une étude de la Confédération générale du logement, les prix de l’eau accusent de fortes disparités, y compris entre villes voisines.

 

Flora Genoux | Publié le 10.12.2013, 08h17

ARCHIVES. Selon une étude de la Confédération générale du logement, les prix de l’eau accusent de fortes disparités, y compris entre villes voisines.
ARCHIVES. Selon une étude de la Confédération générale du logement, les prix de l’eau accusent de fortes disparités, y compris entre villes voisines. | LP / Matthieu de Martignac


 
Elle est partout potable mais pas au même prix. Selon une étude de la Confédération générale du (CGL), qui a passé au peigne fin le prix de l’eau dans plus de 6000 communes, la facture du consommateur peut varier du simple au quadruple en moyenne.

Ainsi, le mètre cube d’eau coûte 9,86 € à Montmachoux (Seine-et-Marne), le village le plus cher de , mais 2,42 € à Besançon (Doubs).
Ramenée à la moyenne d’un ménage, la différence est de… 800 € par an ! « Un village n’a pas le même poids pour négocier le prix face au distributeur qu’une grande ville », dénonce Michel Fréchet, président de la CGL.

Plus étonnant, les disparités peuvent être importantes entre deux villes voisines. « Tout dépend du maire, qui peut très bien négocier le prix de l’eau s’il le veut. A Béziers (Hérault), où le mètre cube est à 4,68 €, c’est un contrat de rêve pour la Lyonnaise des eaux, relève Elisabeth Chesnais, de l’UFC-Que choisir. Depuis quelques années, certains élus reprennent la main. En 2008, le maire de Saint- Etienne (Loire) a fait campagne sur les prix de l’eau. Il est parvenu à faire baisser le tarif au mètre cube de 1 €. » Même situation à Paris qui a infléchi les tarifs après son passage en régie  en 2010.

C’est donc bien dans le cadre des élections municipales de mars 2014 que les associations comptent peser. « L’idéal serait de passer à un prix unique avec un système d’aide pour les familles en difficulté, comme pour l’électricité », estime Michel Fréchet. Un tarif social de l’eau est d’ailleurs en cours d’expérimentation. Les syndicats de distributeurs d’eau mettent, eux, en avant des prix « en moyenne inférieurs de 11% comparés aux autres pays européens », à l’instar de Tristan Mathieu, directeur de la Fédération professionnelle des entreprises de l’eau. « En milieu rural, il y a moins d’abonnés, c’est un facteur de renchérissement du prix de l’eau », se défend-il. Mais globalement, les prix sont amenés à grimper. Notamment pour financer le renouvellement des canalisations, confie Pierre Etchart, président de la Fédération des distributeurs d’eau indépendants (FDEI). Selon les communes, les tarifs pourraient ainsi augmenter de 10 à 20%, estime la FDEI.

Le Parisien

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10 décembre 2013 2 10 /12 /décembre /2013 18:15

 

Source : marianne.net

 

L'homme qui veut la peau des HLM
Lundi 9 Décembre 2013 à 11:40

 

Perrine Cherchève

 

Jean Perrin, le président de l'Union nationale de la propriété immobilière (Unpi), a décidé de s'attaquer aux HLM en faisant le forcing devant la Commission européenne. Son objectif ? Assécher le financement du logement social pour récupérer ses locataires solvables.

 

Quartier Balzac à La Courneuve - A. GELEBART/20 MINUTES/SIPA
Quartier Balzac à La Courneuve - A. GELEBART/20 MINUTES/SIPA

Des millions de Français ont du mal à se loger. Certains consacrent parfois plus du tiers de leurs revenus à payer des loyers exorbitants. Le droit au logement est bafoué tous les jours. Qu'importe, les affaires sont les affaires !

Jean Perrin, le président de l'Union nationale de la propriété immobilière (Unpi), a décidé de s'attaquer aux HLM en faisant le forcing devant la Commission européenne. Son objectif ? Assécher le financement du logement social pour récupérer ses locataires solvables.

Le 5 mai dernier, le patron du syndicat de proprios demandait donc à Bruxelles de dénoncer les 20 milliards d'euros d'aides publiques versés aux HLM. Motif : les bailleurs sociaux «sont en concurrence directe avec les bailleurs privés, s'adressant de surcroît à la même population».

Rebelote le 6 novembre : la Commission n'avait pas rendu ses conclusions que l'Unpi réclamait l'ouverture d'une enquête formelle. En attendant le verdict, ses adhérents devraient s'interroger sur les raisons qui poussent les classes moyennes à se loger dans le parc social.

 

 

 

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10 décembre 2013 2 10 /12 /décembre /2013 17:53

 

Source : marianne.net

 

Qui a encore besoin des banques?
Lundi 9 Décembre 2013 à 10:03

 

Michel Santi*

 

N’est-il pas étrange et contradictoire de constater que les investissements dans l’outil de production (quel qu’il soit) se maintient à des niveaux anémiques, alors même que les profits atteignent des records?

 

Ben Bernanke - Président de la FED
Ben Bernanke - Président de la FED

Les déboires de nos économies n’ont pas commencé avec la crise financière des années 2007 et 2008. Loin de là puisque, en réalité, une redistribution substantielle des richesses et des revenus s’est opérée depuis le début des années 2000. Au détriment des salaires et en faveur des profits enregistrés par les entreprises, par le secteur financier et par leurs actionnaires. Pour autant, n’est-il pas étrange et contradictoire de constater que les investissements dans l’outil de production (quel qu’il soit) se maintient à des niveaux anémiques, alors même que les profits atteignent des records et, ce, dans une conjoncture où les coûts de financement sont à leur plus bas historique ?

A cet égard, l’exemple d’Apple assis sur des centaines de milliards de dollars est révélateur de ces entreprises peu soucieuses de s’impliquer dans l’économie réelle dès lors qu’elles n’en tirent pas un bénéfice direct et immédiat. Ne nous étonnons donc pas si nos économies subissent une déprime quasi-chronique, si la consommation est en berne et si les revenus des ménages se dégradent.

En effet, la proportion de la rémunération allouée au travail dans le revenu national est graduellement réduite, tandis que les profits des entreprises (financières et non financières) atteignent des sommets. Sans pour autant que celles-ci soient motivées à investir davantage dans l’économie. Bien au contraire en fait, puisque ces investissements à destination des appareils de production sont aujourd’hui à leurs plus bas niveaux historiques.
 
Sinon, comment expliquer la somme phénoménale de 1.8 trillions de dollars détenue par les banques américaines auprès de leur Réserve fédérale ? Auprès de cette Fed – qui rémunère ses établissements financiers y conservant leurs dépôts – et qui s’est lancée dans des programmes massifs de création monétaire censés soulager l’économie. Pour créer en fait un monstre puisque les réserves bancaires stockées auprès d’elle ont été multipliées … par 1000, pour atteindre aujourd’hui environ 1.8 trillions de dollars contre moins de 2 milliards en 2008 !

Loin d’accomplir leur mission d’intermédiation et de pourvoyeuses de liquidités en faveur de l’économie réelle, les banques ont opté de conserver les liquidités généreusement allouées par les baisses de taux quantitatives au sein de leur banque centrale, tout en récoltant au passage une rémunération - certes faible- mais garantie. En finalité, comme c’est une proportion infime des ces liquidités fraichement imprimées par les banques centrales qui trouvent le chemin du système productif, on comprend mieux pourquoi cette création monétaire intense et sans précédent n’a pas dégénéré en hyper inflation.
 
Si d’une part l’économie est donc quasiment privée des liquidités mises par les banques centrales à disposition du secteur financier, et si elle doit faire face d’autre part à des entreprises qui ne réinvestissent pas leurs profits : il est impératif de trouver un autre mécanisme de transmission. Pourquoi nos banques centrales ne feraient-elles pas de leurs propres citoyens les ultimes bénéficiaires de sa politique monétaire ? Ne serait-il pas nettement plus productif (et autrement plus moral) pour les banques centrales qu’elles augmentent leur base monétaire en arrosant de liquidités - non les banques - mais la population ?

Chaque citoyen – riche ou pauvre, avec ou sans emploi- recevrait donc une certaine somme à dépenser, à investir, pour rembourser sa dette, ou tout simplement à déposer dans sa banque, qui l’utiliserait dès lors pour prêter. L’argent et le crédit étant à l’évidence des instruments et des leviers à connotation sociale aigüe, nos responsables (économiques, politiques, financiers) n’ont-ils pas l’obligation morale de procéder à une redistribution des ressources par temps de forte crise, au détriment du créancier et en faveur du débiteur, en faveur du chômeur et des bas revenus en général ? Moduler la valeur conférée à l’argent est de salut public – et d’une incontestable efficacité économique – dans un contexte chargé de déficits comme le nôtre.
 
Alors que la Fed est sur le point de ralentir, voire d’arrêter, sa création monétaire, la Banque centrale européenne n’aura pas d’autre choix que de lancer un programme similaire. En effet, dans notre monde globalisé, il importe peu quelle banque centrale imprime de la monnaie, pour peu que ce soit une institution majeure comme la BCE. Et l’opposition féroce de la Bundesbank ou du gouvernement allemand n’y changera rien car seule cette création monétaire empêchera l’escalade mortifère des frais de financement des dettes périphériques et relancera ces économies.

C’est la Réserve fédérale US qui a poussé cette logique de création monétaire vers des degrés inégalés. C’est également elle qui a délibérément augmenté de manière hyperbolique la taille de son bilan, dans le but avoué de promouvoir l’inflation. En réalité, les baisses de taux quantitatives furent un message subliminal adressé à l’économie : une sorte d’engagement de la part de la banque centrale qui promettait dorénavant d’être « irresponsable ». Quel cran, en effet, pour une banque centrale – dont la mission est la stabilité des prix – que de poursuivre ouvertement l’objectif de relancer l’inflation afin de redémarrer son activité économique !
 
Alors que les « baisses de taux quantitatives européennes » semblent désormais d’actualité, la BCE osera-t-elle en faire bénéficier – non le système financier – mais d’abord les citoyens européens ?

(*) Michel Santi est économiste, auteur de « L'Europe, chronique d'un fiasco politique et économique »« Capitalism without conscience »  Son dernier ouvrage est  «Splendeurs et misères du libéralisme»   (l’Harmattan)

 

 

 

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10 décembre 2013 2 10 /12 /décembre /2013 17:37

 

Source : bastamag.net

 

 

Un peu d’Histoire

Hommage à Mandela : quand la France et ses grandes entreprises investissaient dans l’apartheid

par Ivan du Roy 10 décembre 2013

 

 

 

 

Une classe politique unanime, des médias focalisés sur la commémoration « planétaire » : les funérailles de Nelson Mandela suscitent l’union sacrée autour du combat que le militant de l’ANC a incarné. Pourtant, quand Nelson Mandela est jeté en prison à perpétuité, il n’en était rien. La France et ses grandes entreprises sont l’un des plus fidèles soutiens au régime raciste de Pretoria, lui vendant armements, centrales nucléaires et technologies industrielles, tout en contournant allègrement les sanctions des Nations Unies. A l’époque, les protestations étaient bien rares.

1964. La condamnation de Nelson Mandela à la perpétuité laisse les grandes puissances occidentales indifférentes. Et n’émeut pas grand monde. 1964, c’est aussi l’année où la France du général De Gaulle intensifie ses relations commerciales avec l’Afrique du Sud. En une décennie, les exportations hexagonales, hors vente d’armes, vers le régime de l’apartheid vont être multipliées par trois, pour atteindre en 1973 plus d’un milliard de francs de l’époque. En y ajoutant les ventes d’armes et de matériel militaire, la France devient alors le deuxième fournisseur étranger du régime raciste, derrière le Royaume-Uni mais devant les États-Unis et l’Allemagne de l’Ouest. Un « fournisseur stratégique », critiquent, à l’époque, les organisations non gouvernementales.

85 entreprises françaises opèrent alors en Afrique du Sud. Et y investissent massivement. La Compagnie générale d’électricité et ses filiales, ancêtres d’Alcatel et d’Alstom, fournissent du matériel pour les chemins de fer ou la production d’électricité et y fabriquent des téléviseurs (Thomson). Renault et Peugeot vendent leurs moteurs à plusieurs usines. La famille Wendel, acteur majeur de la sidérurgie française (actionnaire d’Usinor, qui deviendra ArcelorMittal), s’y approvisionne en charbon pour alimenter ses aciéries. Des groupes du BTP – notamment Dumez, qui deviendra plus tard une composante du groupe Vinci, et Spie Batignolles – y construisent des terminaux portuaires, des barrages hydroélectriques, et des autoroutes, comme celle de Johannesburg. La Compagnie françaises des pétroles, qui deviendra Total en 1991, possède d’importantes participations dans les raffineries sud-africaines, et s’est associée à Shell et BP pour forer au large du Cap.

 

Une centrale nucléaire au service de « l’économie blanche »

EDF et Framatome – intégrée ensuite dans Areva – érigent même la première centrale nucléaire sud-africaine ! « En 1976 la France a signé un contrat pour la construction de la centrale atomique de Koeberg, s’engageant par ailleurs à former une centaine d’ingénieurs et techniciens pour la maintenance de la centrale. Les banques françaises Crédit Lyonnais et la Banque d’Indochine et de Suez [désormais filiale du Crédit Agricole, ndlr] fournirent 82% des capitaux », détaille à l’époque l’écrivaine sud-africaine anti-apartheid Ruth First, assassinée sur ordre d’officiers afrikaners en 1982 [1].

Si les affaires vont bon train, et que des grandes entreprises françaises privées comme publiques investissent massivement en Afrique du Sud, c’est que le régime de l’apartheid et son « économie blanche » fournissent une main d’œuvre « abondante et peu coûteuse » : les Noirs. « II est vrai qu’il y a des Noirs qui travaillent pour nous. Ils continueront à travailler pour nous pendant des générations, même si l’idéal serait de nous en séparer complètement (...). Mais le fait qu’ils travaillent pour nous peut ne jamais leur permettre de revendiquer leurs droits politiques. Ni maintenant, ni dans le futur, ni dans aucune circonstance », déclare en avril 1968 le Premier ministre de l’époque, John Vorster. État et patronat français savent donc pertinemment dans quel système ils placent leur argent.

 

Main d’œuvre abondante et travail forcé

« Un système indirect de travail forcé », évoque sobrement l’Organisation internationale du travail (OIT), qui exclut de son sein l’Afrique du Sud en 1964 [2]. Deux codes du travail distincts, un pour les Blancs, un pour les Noirs, interdiction aux ouvriers noirs de participer aux négociations collectives, refus de reconnaître leurs syndicats, répression violente des grèves des ouvriers africains… Telles sont les caractéristiques de « l’économie blanche » et sa manière de traiter la main d’œuvre noire. En 1975, un ouvrier noir des mines de charbon, auprès desquelles s’approvisionne la sidérurgie lorraine, perçoit un salaire dix fois inférieur à celui d’un ouvrier blanc. Dans la construction ou l’industrie, où sont présents plusieurs grands groupes français, le salaire d’un Noir est cinq fois inférieur à celui d’un Blanc. « L’apartheid aboutit à ce que les travailleurs africains souffrent d’une double oppression : comme Africains, ils souffrent de la discrimination inhérente au système de l’apartheid qui institutionnalise leur subordination ; comme ouvriers, ils souffrent de la surexploitation de leur travail imposée par le contrôle étatique presque absolu de la détermination des salaires des Noirs, base économique du système », décrit Ruth First. Et ce, grâce aux investissements étrangers qui contrôlent alors 80% de l’activité productive sud-africaine, en particulier l’industrie minière et aurifère.

 

 

Pour se défendre, investisseurs et grandes entreprises prétendent jouer un « rôle réformateur » en Afrique du Sud. Du fait du manque de main d’œuvre, de nouveaux emplois ne s’ouvrent-ils pas aux Noirs ? L’émergence d’une main d’œuvre noire qualifiée, base d’une future classe moyenne, n’est-elle pas indispensable pour assurer de nouveaux débouchés aux produits de consommation ? Le pasteur états-unien Leon Howard Sullivan symbolise cette démarche. Premier afro-américain à siéger au Conseil d’administration d’une grande entreprise (General Motors), il propose un code de conduite aux sociétés états-uniennes installées en Afrique du Sud : égalité salariale entre Noirs et Blancs, abolition de toute ségrégation au sein de l’entreprise, liberté syndicale, participation des employés noirs aux négociations collectives… Les prémices d’une « responsabilité sociale des entreprises » ? En 1978, une centaine d’entreprises nord-américaines, sur les 500 présentes, annoncent avoir adopté ce code de conduite. Cinq ans plus tard, Sullivan reconnaît que ses principes « ont commencé à faire effet, mais n’ont pas obtenu les résultats souhaités assez rapidement ». Et appelle la Maison Blanche à rendre obligatoire ce code de conduite, à sanctionner fiscalement les firmes récalcitrantes et à les exclure des marchés publics. En France, aucune voix ne s’élève au sein des direction des grands groupes, y compris publics.

 

En France, les anti-apartheid sont bien isolés

Dans les pays anglo-saxons, d’importantes campagnes de boycott commencent à viser les multinationales présentes en Afrique du Sud, telles Shell ou Coca-Cola. La politique d’apartheid est « moralement indéfendable » reconnaîtra, en 1986, un porte-parole de Shell, tout en déplorant que le boycott qui vise les stations-service est « injuste et erroné » [3]. Rien de tel en France. Rares sont les mouvements qui, dans les années 70, mènent des campagnes contre l’apartheid. Des militants du PSU (Parti socialiste unifié), de la Cimade, des groupes locaux de solidarité, animés par des militants chrétiens, notamment du CCFD, ou des centres de documentation sur le Tiers-Monde – qui donneront ensuite naissance au Réseau Ritimo et à Peuples solidaires – tentent de sensibiliser l’opinion. Et se sentent bien seuls.

« A l’époque, nous n’étions pas nombreux. Le PCF nous soutenait du bout des lèvres. Cela n’intéressait pas le reste de la classe politique, à part quelques individus », se souvient Michel Capron, membre du Centre d’études et d’initiatives de solidarité internationale (Cedetim), et vice-Président de la « plateforme RSE » lancée en juin par Jean-Marc Ayrault. « C’était la présidence Giscard. Il n’y avait absolument aucun sentiment de mauvaise conscience, encore moins de culpabilité, de la part des entreprises françaises. Plutôt une sorte de mépris hautain à l’égard de ceux qui aidaient les « terroristes » de l’ANC [Congrès national africain, le mouvement de Nelson Mandela, ndlr] », raconte-t-il. Une campagne de boycott marque cependant les esprits : celle menée contre les oranges de la marque Outspan, importées d’Afrique du Sud. « Nous avons obtenu quelques résultats : les exportations d’oranges vers la France ont chuté de 30%. » Une telle indifférence laisse perplexe au vu de l’actuel concert de louanges à l’égard de Nelson Mandela.

 

Paris, premier fournisseur d’armes de l’État raciste

1964, c’est aussi l’année où la France devient le principal fournisseur d’armes du régime sud-africain. Après avoir été réticente à toute sanction, aux côtés du Royaume-Uni et des États-Unis, la France ne s’est pourtant pas opposée un an plus tôt au vote d’une résolution du Conseil de sécurité de l’Onu recommandant un embargo sur les armes, en 1963. Mais la résolution n’est pas contraignante. Un an plus tard, alors que le Parti travailliste arrivé au pouvoir au Royaume-Uni y impose un embargo sur les armes, l’État français prend le relais. En 1971, Dassault vend à Pretoria des technologies et licences lui permettant de fabriquer des avions de combat « anti-insurrectionnels », le prototype Mirage-Milan, pour mieux réprimer les actions de guérilla de l’ANC. Entre 1970 et 1975, 48 Mirage F1 sont exportés vers l’Afrique du Sud, ainsi que pléthore d’hélicoptères (Alouettes, Frelon, Puma), de blindés légers ou de missiles. Dassault, Matra (groupe Lagardère), Panhard (racheté par Renault), Turbomeca (groupe Safran) et la Société nationale industrielle aérospatiale (aujourd’hui EADS) sont à la pointe de ce juteux commerce avec l’État raciste. « La France accepte de fournir pratiquement n’importe quel type ou montant d’armes à l’Afrique du Sud, sans tenir compte des restrictions officielles habituellement imposées », commente le Comité spécial des ONG sur les Droits de l’Homme, à Genève, en 1974 [4].

 

 

Le 16 juin 1976, des milliers d’élèves de la banlieue noire de Soweto (Johannesburg) manifestent contre la ségrégation scolaire. La manifestation est brutalement réprimée. « Dans un premier temps, les policiers lâchent les chiens sur la foule. Ensuite, pour amplifier la panique, ils lancent des grenades lacrymogènes, avant de tirer à balles réelles », relate le journaliste de Jeune Afrique Tshitenge Lubabu. Bilan : au moins 575 morts. Un an plus tard, l’Onu vote enfin un embargo contraignant. Qu’importe ! « L’Afrique du Sud a déjà acheté ses armes dont une cinquantaine de mirage F1 ; seul le programme de la marine de guerre reste à compléter : or, c’est précisément dans ce domaine que l’arrêt des ventes d’armes semble ne pas être appliqué », commente un organe de presse du Parti national, au pouvoir. Le régime raciste tiendra encore 15 ans.

 

Amnésie bien française

« Loin d’être un obstacle à la croissance économique de l’Afrique du Sud, le capitalisme racial — l’apartheid — est la cause des taux de croissance extraordinaires de cette économie. De plus, l’accroissement de l’investissement étranger a eu pour effet non de changer le système mais de le renforcer », estimait Ruth First, en 1979. L’Histoire lui donnera raison. Entre l’emprisonnement à vie de Nelson Mandela et son élection comme premier Président d’une Afrique du Sud démocratique, trois décennies seront nécessaires.

Aux Etats-Unis, des procédures lancées par des victimes de l’apartheid contre plusieurs grandes firmes (General Motors, Ford Motor Company, IBM, Daimler et l’allemande Rheinmetall) sont encore en cours [5]. En Suisse, une plaie s’est rouverte avec la mort de Mandela : plusieurs banques, comme le Crédit suisse et UBS, avaient continué d’investir dans le régime de l’apartheid sans être sanctionnées. « C’était la guerre froide. L’Union soviétique faisait tout pour mettre la main sur l’Afrique du Sud, un pays stratégique avec la ville du Cap qui contrôle une importante route maritime. Le but de notre groupe était d’empêcher que l’Afrique du Sud ne tombe entre les mains communistes », se justifie aujourd’hui le leader suisse d’extrême droite Christoph Blocher. La France, elle, a pour l’instant oublié ce sombre passé, pas si lointain.

Ivan du Roy

 

Photo de une : CC Nations Unies

Affiches : source

 

Notes

[1Emprisonnée, puis bannie d’Afrique du Sud, elle s’exile à Londres en 1964 puis s’installe au Mozambique où elle reçoit une lettre piégée le 17 août 1982. Son article « La filière sud-africaine. L’investissement international dans l’apartheid », publié dans la revue Tiers-Monde en 1979 est accessible [sur le portail des revues scientifiques Persée est accessible sur le site de la revue Persée.

[2Voir la déclaration de l’OIT du 8 juillet 1964.

[3Source : Los Angeles Times.

[4L’article, publié dans la revue Tiers-Monde en 1979 est accessible sur le portail des revues scientifiques Persée.

[5Pour plus de détails, lire ici, en anglais.

 

 

 

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