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23 décembre 2013 1 23 /12 /décembre /2013 22:22

 

Source : marianne.net

 

L'arnaque de la cigarette électronique
Lundi 23 Décembre 2013 à 05:00

 

Emmanuel Lévy

 

Les buralistes lorgnent sur la marge bénéficiaire du liquide pour vapoteurs.

 

SALOM-GOMIS SEBASTIEN/SIPA
SALOM-GOMIS SEBASTIEN/SIPA

La guerre des volutes a commencé. Les buralistes, qui enragent de voir les fumeurs pousser de plus en plus souvent la porte des boutiques de cigarettes électroniques pour s'adonner à leur vice nicotinique, ont décidé de porter l'affaire devant la justice. Bingo, le tribunal de commerce de Toulouse a tranché en leur faveur : concurrence déloyale. Il s'agit bien sûr d'une affaire de gros sous. La semaine dernière, Marianne dénonçait l'arnaque des prix de certains produits de grande consommation, et ceux qui en profitent. C'est le cas d'un nouveau produit : le liquide pour cigarette électronique.

Le prix de l'addiction pour un flacon de 10 ml d'e-liquide ? Entre 5,50 et 6,50 euros. Son prix «raisonnable» serait de moins de 2 euros. C'est bien sûr cette énorme marge que les buralistes lorgnent avec appétit.

Habitués à payer le tabac 200 euros le kg (dont les deux tiers partent en taxes), les fumeurs ne rechignent pas à débourser 530 euros pour le litre de carburant des e-cigarettes (dont seulement un sixième de taxes). Comme le tabac, la nicotine et le polypropylène de glycol, les matières premières de l'e-liquide coûtent une misère : à peine 5,30 euros pour un flacon de 1 l. Belle culbute en vérité : entre le prix du grossiste (chiffres de l'Office français de prévention du tabagisme) et le prix public. Reste le flacon avec son bouchon certifié «à l'épreuve des enfants» : compter moins de 8 centimes pièce.

L'équation est simple : si le prix des composants n'excède pas 13,3 centimes et que son conditionnement comme son transport sont peu coûteux (au pis 0,9 centime), ce que paie le vapoteur est donc essentiellement constitué de la marge du producteur et du vendeur et d'un peu de TVA (voir l'infographie). On comprend vite que les buralistes, avec une marge de 47 centimes par paquet, regardent avec envie leurs nouveaux concurrents qui réalisent 3,50 euros sur chaque vente. Voilà pourquoi les boutiques proposant les fioles magiques se multiplient comme des petits pains.

Question : pourquoi diable tous les vendeurs affichent-ils un prix quasi identique entre 5,50 euros et 6,50 euros. Y aurait-il une entente ?

 

Source : marianne.net


 

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23 décembre 2013 1 23 /12 /décembre /2013 22:09

 

 

Source : mediapart.fr

Le logement social dans le piège des mondanités et de l'affairisme

|  Par Laurent Mauduit

 

 

 

Dans un référé, la Cour des comptes estime que le ministère de la défense a bradé des biens domaniaux au profit de la Société nationale immobilière. Cette mise en cause vient éclairer les pratiques du patron de cette entreprise publique, André Yché, qui, pour être le principal acteur du logement social, se distingue par le luxe de ses réceptions et l'entregent dont il fait preuve dans les coulisses du pouvoir.

C’est un « référé » de la Cour des comptes qui pour l’instant n’a bénéficié d’aucune publicité dans la presse. Visant la Société nationale immobilière (SNI), qui est l’une des filiales parmi les plus importantes de la Caisse des dépôts et consignations (CDC), il mérite pourtant une grande attention. D’abord parce que les magistrats financiers ont découvert que des biens domaniaux de l’État, et notamment des biens détenus par le ministère de la défense, ont fait l’objet ces dernières années de cessions à prix cassés. Ensuite parce que cette affaire, selon l’enquête conduite par Mediapart, révèle les protections surprenantes dont profite le président de cette société, André Yché, qui tout au long des années passées a fait du zèle auprès du pouvoir sarkozyste, allant jusqu’à préconiser une privatisation des sociétés HLM, et qui aujourd’hui bénéficie d’autres appuis inattendus, dont celui… du ministre socialiste de la défense, Jean-Yves Le Drian.

Voyons donc, pour commencer, la première affaire, celle qui préoccupe la Cour des comptes.

Voici donc le « référé » que la Cour des comptes a rendu public le 6 décembre 2013. On peut le télécharger sur le site internet de l’institution ou bien le consulter ci-dessous :

 

 

Dans son référé, en date du 27 septembre 2013, le premier président de la Cour des comptes, Didier Migaud, rappelle d’abord aux trois ministres concernés par l’affaire – Pierre Moscovici pour les finances, Jean-Yves Le Drian pour la défense et Bernard Cazeneuve pour le budget –, les conditions dans lesquelles il s’est saisi de ce dossier : « À l'occasion du contrôle des comptes et de la gestion de la Société nationale immobilière (SNI), filiale à 100 % de la Caisse des dépôts et consignations, pour les exercices 2006-2011, la Cour a examiné les conditions du transfert d'éléments du patrimoine foncier de l'État à cette société. Elle m'a demandé d'appeler votre attention sur deux séries d'opérations, de nature différente, dans lesquelles les intérêts de l'État lui paraissent avoir été insuffisamment préservés. »

« Insuffisamment préservés » : dès que l’on se plonge plus avant dans la lecture du document, on se rend vite compte que la formule relève de l’euphémisme. Le premier président de la Cour des comptes aurait pu tout aussi bien dire que le patrimoine public a été bradé. Dans le cas de la première opération, qui a trait à un programme d’aménagement réalisé par la SNI sur un terrain acheté à l’État dans le XVe arrondissement de Paris, c’est le moins que l’on puisse dire, tant les chiffres cités par les magistrats financiers sont éloquents. Lisons…

« La SNI a achevé, en 2012, un programme dans le 15e arrondissement de Paris, conduit sur un terrain acheté en 2004 à l'État au prix de 19 millions d’euros hors taxes. Après avoir aménagé ce terrain, créant notamment un parking sur trois niveaux de sous-sol, la SNI a :

- revendu une surface commerciale de 6 000 m2 à la Caisse interprofessionnelle de prévoyance et d'assurance vieillesse (CIPAV) pour un prix de 44,4 millions d’euros hors taxes ;

- vendu des installations sportives (gymnase) à la Ville de Paris, en vente en état futur d'achèvement (VEFA), pour un prix de 5,9 millions d'euros TTC ;

- construit 35 logements en accession libre (programme Eiffel en Seine) pour un prix global attendu de 34,4 millions d'euros TTC ;

- construit 142 logements sociaux (prêt locatif aidé d'intégration – PLAI – et prêt locatif social PLS) qui font l'objet de réservations (ministères, Ville de Paris, quelques 1 %). »

Ces chiffres amènent la Cour des compte à faire ces constats : « Même en tenant compte des coûts des travaux, de la conduite du projet et du portage financier, le prix de vente du terrain à la SNI est faible, compte tenu du rendement de l'opération et du poids habituel de la charge foncière dans les opérations conduites dans le centre de Paris. L'acte de cession par l'État ne comportait aucune clause de retour à meilleure fortune ni de partage des résultats. L'absence d'une telle clause a été expliquée par le fait que "ce projet prévoyait majoritairement la création de logements sociaux". Or, si cette assertion est exacte dès lors qu'est retenu le critère du nombre de mètres carrés de logements offerts, elle ne se vérifie plus lorsqu'on considère la superficie aménagée totale et l'équilibre global de l'opération, qui comportait des composantes commerciales importantes. »

Dans le maquis opaque des baux emphytéotiques

La deuxième série d’opérations qui a alerté la Cour des comptes porte sur d’autres cessions, sur des biens faisant l’objet de baux emphytéotiques. Voici la définition que donne Wikipédia d’un bail emphytéotique :  « Le bail emphytéotique ou emphytéose (parfois emphythéose, du grec ἐμφύτευσις emphuteusis, "action de planter") est un bail immobilier de très longue durée, le plus souvent 99 ans mais pouvant atteindre 999 ans (…), qui confère au preneur un droit réel sur la chose donnée à bail, à charge pour lui d’améliorer le fonds et de payer un loyer modique, les améliorations bénéficiant au bailleur en fin de bail sans que ce dernier ait à indemniser l’emphytéote. La situation des parties, dans un bail emphytéotique, est assez particulière puisque le locataire (appelé emphytéote) se voit reconnaître un véritable droit réel sur le bien qui lui est donné à bail. L’emphytéote est un quasi-propriétaire du bien qui lui est donné à bail. »

Dans plusieurs secteurs, et notamment celui de la défense, l’État a ainsi concédé des baux emphytéotiques à la SNI. Et ce sont ces baux que la Cour des comptes a passés au crible, émettant une cascade de critiques : « Le régime du bail emphytéotique permet à l'État de favoriser la construction de bâtiments à son usage sur des terrains qui lui appartiennent. Cependant, s'il n'est pas utilisé avec précaution et notamment si les droits réels de l'État bailleur ne sont pas suffisamment préservés, la cession au preneur d'emprises faisant l'objet d'un tel bail, en cours de bail, ne peut qu'être désavantageuse à l'État. Les opérations de cette nature réalisées par le ministère de la défense avec la SNI ont démontré les inconvénients de cette formule », relève la Cour.

Voici donc les dérives qui ont été constatées : « La SNI a soumis à France Domaine, par lettre du 7 janvier 2009, une liste de biens dont elle se portait acquéreur de gré à gré. Cette liste comportait 60 terrains sous bail emphytéotique et 4 domaniaux. Ces ensembles immobiliers étaient souvent récemment construits ou réhabilités. 24 immeubles faisaient l'objet d'un conventionnement social (prêt locatif aidé – PLA, prêt locatif à usage social  PLUS et prêt locatif social  PLS), la plupart étaient des logements intermédiaires (PLI). La décision de procéder à une cession de gré à gré à la SNI, prise au niveau du cabinet du premier ministre, était juridiquement contestable (…). France Domaine et le ministère de la défense ont finalement accepté 1'aliénation de 32 sites sur les 64 proposés (30 terrains sous bail emphytéotique dont les échéances s'étalaient de 2029 à 2053 et deux sites domaniaux). France Domaine a certes conçu initialement une sorte de garde-fou consistant à exclure en principe la cession si le calcul des droits de l'État aboutissait à un montant inférieur à la valeur du terrain nu. Toutefois, les critères mis en œuvre par France Domaine pour estimer la valeur des terrains nus (…) ont tendu à minorer les estimations, d'autant que la direction nationale des interventions domaniales (DNID) a elle-même parfois révisé à la baisse les estimations produites par les services locaux de France Domaine. »

Et la Cour des comptes ajoute : « De surcroît, la règle de prudence consistant à ne pas vendre à un prix inférieur à la valeur du terrain nu n'a pas été respectée dans au moins dix-huit cas. La SNI a ainsi pu faire des acquisitions très avantageuses. À Paris, dans le 18e arrondissement, 88-94 boulevard Ney, un terrain de 16 367 m2 portant 290 logements et 306 places de stationnement avait été évalué par le service local à 41 millions d’euros, estimation ramenée ensuite à 24,9 millions d’euros. Ce bien a été finalement cédé à la SNI (EFIDIS) pour 8,1 millions d’euros, valeur correspondant, selon la DNID, à celle des droits de l'État. À Montpellier, la SNI a obtenu la cession de terrains d'assiette mitoyens dont une partie domaniale (pour 3,87 ha), constituant un ensemble continu de près de 10 ha pour un prix global de 8,45 millions d’euros ; or un jugement de la cour d'appel de Montpellier de juin 2012 dans une affaire d'expropriation a valorisé un terrain voisin à 450 €/m2 soit 4,5 millions d’euros l'hectare. »

Conclusion de la Cour des comptes : « Ces opérations montrent la nécessité de mieux préserver les intérêts de l'État. Il convient de ne recourir au mécanisme du bail emphytéotique qu'après une analyse approfondie et une comparaison étayée avec d'autres formules et uniquement si les avantages en sont démontrés de manière certaine au regard des intérêts à long terme de l'État. S'il y est recouru, les redevances d'occupation doivent être fixées à un niveau économiquement justifié. Il est également nécessaire d'éviter, sauf circonstances très exceptionnelles, toute cession de l'emprise au preneur en cours de bail, et, en tout état de cause, de prévoir, dès la conclusion du bail, des clauses de sortie évitant que l'État bailleur ne soit dans la main du preneur en cas d'interruption de l'exécution du bail. »

Les pistes sulfureuses d'André Yché

 

André Yché 
André Yché

Le moins que l’on puisse dire, c’est que les critiques de la Cour des comptes sont sévères. Et elles retiennent d’autant plus l’attention qu’elles visent au premier chef André Yché, le patron de la SNI, qui tout au long du précédent quinquennat avait déjà souvent fait parler de lui et suscité fréquemment des tollés dans les milieux du logement social. Dans une longue enquête, mise en ligne le 8 février 2011 (Lire Le logement social, entre privatisation et affairisme), nous avions déjà raconté les principaux faits d’armes du personnage, qui en plus d’être P-DG de la SNI est aussi membre du comité de direction de la Caisse des dépôts (sa biographie est ici).

 

 

À la tête d’une société à 100 % publique qui détient près de 300 000 logements, dont près de 200 000 HLM, ce qui fait de lui le plus gros opérateur français du secteur, il a ainsi fait scandale en préconisant un abandon des missions d’intérêt général dans le domaine du logement social au profit des logiques du marché. Dans un petit opuscule qui est paru en 2011 sous le titre Logement, habitat & cohésion sociale, au-delà de la crise, quelle société voulons-nous pour demain (éditions Mollat), il faisait ainsi cette proposition sulfureuse que les organismes de logements sociaux soient à l’avenir régis par des règles nouvelles : « Ils doivent, de fait, devenir de véritables opérateurs immobiliers globaux et acquérir progressivement toutes les compétences de gestionnaires de portefeuilles d'actifs immobiliers qu'impliquent leurs nouvelles missions. »

« Gestionnaires de portefeuilles d'actifs immobiliers » : la formule avait au moins le mérite d'afficher sans trop de pudeur le but poursuivi. Pour dire les choses plus grossièrement : contrairement à ce que l'on pourrait croire, il y a beaucoup d'argent à se faire dans l'univers des HLM, suggérait l'auteur aux milieux d'affaires... « En d'autres termes, poursuivait-il, le métier d'avenir, ce n'est pas celui de bailleur social, c'est celui d'opérateur immobilier global d'intérêt général. » « En définitive, écrivait encore André Yché, la conclusion de ce tour d'horizon, c'est que la seule manière réaliste et pertinente de dynamiser le logement social, c'est d'instiller des mécanismes de gestion privée dans son exploitation. » Ce qui, là encore, avait le mérite de la franchise : vive le secteur privé ! Vivent les « plus-values latentes » !

Socialement choquantes, ces thèses n’auraient à l’époque pas retenu l'attention si elles avaient été défendues par un quelconque promoteur immobilier. Mais ce n’était évidemment pas le cas. Chacun avait bien compris que si ce responsable d'une société à capitaux publics pouvait professer ces idées, sans être rappelé à son obligation de réserve, c'est qu'il servait de poisson pilote, qu'il portait des intérêts qui allaient bien au-delà de sa propre société. C'est que dans les plus hauts sommets de l’État, jusqu'à l’Élysée, on le laissait à dessein jouer ce rôle de boutefeu.

Quelque temps avant ce livre, André Yché avait d’ailleurs fait une première fois scandale dans le mouvement social, quand on avait appris qu’il était l’auteur de « notes blanches », sans en-tête ni signature donc, rédigées à l’automne 2009 à destination de l’Élysée.  Voici une première de ces notes ; et en voilà une seconde.

Dans ces « notes blanches », André Yché explorait déjà les mêmes pistes explosives. Déplorant que les quelque « 4,5 millions de logements » HLM représentant « 200 milliards d'euros de plus-values latentes », soient sanctuarisés et échappent « pour l'éternité aux circuits économiques courants », il préconisait un véritable « big bang » : « Ce statut idéal n'est plus d'actualité », écrivait-il. En conclusion, André Yché recommandait donc d’activer une partie des plus-values latentes en organisant la cession de 10 % du parc de logements détenus par les sociétés anonymes de HLM. En résumé, il proposait de vendre 200 000 logements sur dix ans, ce qui rapporterait 10 milliards d'euros…

Pour qui connaît l’histoire de la SNI, et celle d’André Yché qui en est devenu le P-DG, voici bientôt quinze ans, cette histoire révélée par la Cour des comptes est donc tout sauf un accident. Elle est dans la suite logique de ces préconisations : sortir des « circuits économiques courants », et parvenir à réaliser de belles plus-values en faisant jouer les lois du marché.

Les vraies surprises, ce ne sont pas ces dérives, c’est plutôt qu’André Yché ait pu aussi longtemps agir à sa guise sans que personne, au sommet de l’État, n’y mette le holà ! C’est même que, sous le quinquennat de Nicolas Sarkozy comme sous celui de François Hollande, il ait profité perpétuellement des mêmes protections. Dans la foulée de ce rapport de la Cour des comptes, Mediapart a en effet cherché à comprendre les appuis dont bénéficiait toujours le patron de la SNI, et ce que nous avons découvert établit clairement que le P-DG est plus que jamais en odeur de sainteté dans les coulisses du pouvoir socialiste.

Un luxe que n'ose pas afficher le CAC 40

D’abord, il a naturellement l’appui du patron actuel de la Caisse des dépôts, Jean-Pierre Jouyet, ex-sarkozyste comme lui, qui n’a en rien jugé utile de faire savoir publiquement ses désaccords avec la politique sulfureuse défendue par le P-DG de sa filiale en matière de logement social.

Mais cet appui n’est pas le seul. D’après les informations que nous sommes parvenus à recueillir, André Yché profite aussi de l’appui du ministre socialiste de la défense, Jean-Yves Le Drian. Certes, ce dernier n’est en rien responsable du bradage du patrimoine public relevé par la Cour des comptes : les opérations visées sont intervenues avant l’alternance de 2012. De surcroît, dans ce type d’opération de cession de biens domaniaux, le ministère qui vend n’a pas le pouvoir de fixer le prix. Et dans sa réponse à la Cour des comptes, Jean-Yves Le Drian insiste naturellement sur ce point.

Voici la réponse de Jean-Yves Le Drian à la Cour des comptes :

« Mes services ont seulement procédé à une analyse technique des 64 emprises que souhaitait acheter la SNI, en fonction de leur intérêt pour la politique du ministère. Après étude des sites concernés, le ministère a donné son accord pour la vente de 32 emprises, pour lesquelles l'intérêt stratégique de la Défense n'était plus établi. Le ministère de la Défense n'est pas intervenu directement dans la définition de la valeur de cession des emprises retenues », rétorque donc le ministre socialiste de la défense.

Ce que dit Jean-Yves Le Drian est exact. Il n’en est pas moins vrai que, très proche des ministres de la défense lors du précédent quinquennat, André Yché l’est plus que jamais de l’actuel détenteur du portefeuille. Et à la SNI, c’est un sujet de moqueries, tant les signes de sollicitude de Jean-Yves Le Drian à l’endroit d’André Yché sont nombreux et appuyés. D’abord, selon nos informations, le ministre de la défense a donné son accord pour que l’une des ailes prestigieuses des Invalides soit « privatisée » – fait rarissime – pour que le patron de la SNI puisse organiser le 29 janvier 2013 une cérémonie afin de présenter ses vœux pour 2014 aux partenaires de sa société.

Et c’est ainsi que le patron d’une filiale à 100 % de la Caisse des dépôts, spécialisée de surcroît dans le logement social, a pu organiser ce soir-là sur les deniers publics une cérémonie d’un luxe inouï, que même les groupes du CAC n’osent plus afficher en ces temps de crise. Il suffit de consulter les photos que nous sommes parvenus, non sans mal, à obtenir de l’événement, pour découvrir à quels besoins le patrons de la SNI dépense l’argent public dont il a la charge.

Une première photo en témoigne, que l'on peut consulter ci-dessous :

 

Mais pour avoir une idée plus précise de la réception, on peut visionner la vidéo ci-dessous que nous avons réalisée, sorte d'album photo de cette réception :

 

Cliquer pour agrandir. 

Autre symbole révélateur des appuis dont André Yché peut se prévaloir : c’est sur les quotas du ministère de la défense, sous le précédent quinquennat, qu’il a obtenu les insignes d’officier de la Légion d’honneur, par un décret signé par Nicolas Sarkozy le 2 janvier 2007 (on peut le consulter ici) ; et c’est toujours sur le contingent du ministère de la défense qu’il a été porté commandeur de l’Ordre national du mérite, par un décret signé par François Hollande le 14 mai 2013 (on peut le vérifier là). Comme le confirme l’agenda officiel de Jean-Yves Le Drian, c’est même l’actuel ministre de la défense qui a jugé utile de remettre en personne cette décoration à son récipiendaire, le 10 juillet suivant, à l’occasion d’une cérémonie organisée à l’hôtel de Brienne, siège de son ministère.

 

Cliquer pour agrandir. 

Selon nos informations, André Yché devrait même faire un geste qui, dans les prochaines semaines, ne passera pas inaperçu : il a le projet – qui est encore secret mais qui nous a été confirmé de très bonnes sources – d’embaucher Thomas Le Drian, le fils du ministre. Âgé de 28 ans, ce dernier a déjà fait grincer quelques dents quand, voici un peu plus d’un an, il a fait son entrée à la Caisse des dépôts et consignations. Même s’il n’apparaît pas dans l’organigramme officiel de l’institution financière, il ne fait lui-même pas mystère qu’il a été coopté au sein du cabinet du directeur général, Jean-Pierre Jouyet.

Mais il devrait quitter ce poste et prochainement rejoindre la SNI. Selon nos informations, il arriverait au début par la petite porte, comme contrôleur de gestion, poste qui correspond à sa qualification. Mais, toujours selon de très bonnes sources, son plan de carrière serait déjà fixé : chargé de superviser les opérations de restructuration puis de fusion de deux entreprises sociales pour l’habitat (ESH) filiales de la SNI, d’une part Efidis, d’autre part Osica, il aurait vocation à devenir le président du directoire des deux structures unifiées.

Interrogé par Mediapart sur ces opérations et manifestations, le ministre de la défense Jean-Yves Le Drian nous a apporté, par l'intermédiaire de son chargé de communication, des réponses parfois longues et argumentées, que l'on trouvera dans leur version intégrale sous l'onglet "Prolonger" associé à cet article. En résumé, dans le cas des opérations de cession, il fait valoir, dans le prolongement de sa réponse à la Cour des comptes, que son ministère n'a « pas vocation à se prononcer sur le prix de vente des emprises cédées car il ne dispose pas des compétences techniques pour le faire ». Et il ajoute notamment ces remarques : « Il convient néanmoins de souligner que dans chaque acte notarié lié aux différentes ventes, France Domaine a prévu une clause d'intéressement, sur une durée de 5 ans, pendant laquelle l’État aura droit, sous des conditions que les actes précisent, à un taux de retour du montant d'une nouvelle vente si celle-ci est supérieure à la cession initiale. En tout état de cause, dans le cadre de la loi de programmation militaire (LPM) 2014-2019, les ressources budgétaires destinées au financement de l’infrastructure de la défense sont complétées du produit des cessions des immeubles devenus inutiles au ministère. L’intégralité des produits des cessions immobilières réalisées sur la période 2014-2019 lui sera ainsi affectée. Dans ce cadre, le ministère porte évidemment la plus grande attention aux cessions en cours et à venir, en lien avec les services du ministère chargé du budget. »

« En sa qualité de ministre de la défense, Jean-Yves Le Drian n’a aucun commentaire à émettre sur la politique de logement », poursuit le ministre, refusant de se prononcer du même coup sur les orientations défendues par André Yché. Le ministre de la défense justifie, par ailleurs, la décoration remise à l'intéressé par la longue carrière militaire qu'il a effectuée avant de s'intéresser au logement social. Enfin, il justifie la location des Invalides, qui intervient depuis 10 ans, par les liens historiques qui existent entre le ministère de la défense et la SNI.

Quels seront, quoi qu'il en soit, les prolongements du « référé » de la Cour des comptes ? Et la pupille publique qu’est la SNI pourra-t-elle continuer à faire ce que bon lui semble et s’émanciper de la défense de l’intérêt général, pour se comporter comme un banal promoteur immobilier, prompt à flairer les opérations juteuses ? Compte tenu des jeux d’influence complexes qui perdurent dans les coulisses du pouvoir socialiste, il serait pour l’instant hasardeux d’en jurer…

 

 

Source : mediapart.fr

 

 

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23 décembre 2013 1 23 /12 /décembre /2013 22:00

 

Source : citizenpost.fr

 

 

En cas de crise, les banques pourront prélever de l’argent sur vos comptes

 

 

 

21 décembre 2013

 

 


Le 11 décembre dernier, un accord des représentants de l’Union européenne a été entériné en toute discrétion. Et pourtant, il vient généraliser une pratique mise en place par le secteur bancaire chypriote il y a quelques mois, en autorisant les banques à ponctionner le compte des épargnants en cas de crise.

Cette nouvelle mesure qui entrera en vigueur dès 2016 concerne le renflouement interne des banques en cas de crise et s’appliquera aux 28 États membres. « Nous disposons désormais d’un système solide pour le renflouement interne. Le message est clair: ce sont les actionnaires et les créanciers des banques qui devront supporter les pertes en cas de problème, et non les contribuables. Nous avons également fixé des règles claires pour les cas les plus exceptionnels, qui menacent la stabilité financière globale » s’est réjoui Gunnar Hokmark, en charge de la législation au Parlement. Mais si le contribuable n’est pas directement visé, les épargnants – tous contribuables – le seront.

Selon la directive, lorsqu’une banque se trouvera en difficulté, elle pourra ponctionner les actionnaires et détenteurs d’obligation puis les créditeurs pour couvrir jusqu’à 8% des pertes de la banque. Parmi ces créditeurs se trouvent les épargnants, vous et moi qui déposons de l’argent sur notre compte. Les banques pourront ainsi y prélever de l’argent, du moment qu’elles soient « solvables » et dans le besoin d’une recapitalisation. Les dépôts seront garantis jusqu’à 100 000 euros, au-delà, l’argent pourra être ponctionné. Évidemment, rares sont les personnes à disposer d’un tel montant sur leur compte, mais les entreprises ou ceux qui auraient récemment vendu un bien immobilier pourraient être concernés.

Cet accord devrait rassurer les banques pour qui tout sera fait pour qu’elles ne fassent pas faillite, mais il pourrait également les inciter à être moins prudentes sur les marchés. Après l’adoption définitive de cette directive, les Etats auront 12 mois pour la transposer dans leur législation nationale. Il n’est donc pas encore trop tard pour dire « stop ! ».

L’été dernier, le gouvernement chypriote a accepté de ponctionner le compte des épargnants à hauteur de 80% pour les clients de la banque Laiki et 47,5% pour Bank of Cyprus, le principal établissement du pays. Et voici ce que cela donnait en avril sur le compte d’une entreprise cliente de Laiki :

 

88-haircut-3

Sources : Challenges, EuropaLes Crises

- See more at: http://citizenpost.fr/en-cas-de-crise-les-banques-pourront-prelever-de-largent-sur-nos-comptes/#sthash.WAEn9g0x.dpuf

 

Source : citizenpost.fr

 

 

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23 décembre 2013 1 23 /12 /décembre /2013 14:17

 

Source : http://scinfolex.com

 

Proposer des "grainothèques" en bibliothèque pour favoriser le partage des semences libres

Mon intérêt pour les biens communs m’a peu à peu fait découvrir la problématique des semences, dont les enjeux sont aujourd’hui considérables et rejoignent par certains côtés ceux de la Culture libre. J’ai eu déjà eu par exemple l’occasion sur S.I.Lex de consacrer des billets à des projets de licences libres appliquées aux semences ou à la question du domaine public végétal.

Alors que les semences constituent un patrimoine millénaire qui s’est développé par le biais du partage de graines entre paysans, cette pratique est aujourd’hui fragilisée par des restrictions légales, faisant courir un risque à la biodiversité. Les variétés végétales tout comme les oeuvres de l’esprit, peuvent en effet être saisies par la propriété intellectuelle, par le biais de certificats d’obtention végétale ou de brevets protégeant les intérêts de l’industrie semencière. Le mois dernier, la discussion au Sénat d’une loi sur la contrefaçon a fait rejaillir de nombreuses inquiétudes, dans la mesure où la production de semences par les agriculteurs, voire même par des jardiniers amateurs, pourrait finir par être assimilée à une forme de "piratage" .

Le sujet est donc de première importance et récemment, une initiative a attiré mon attention. L’Association Graines de Troc, qui développe une plateforme en ligne d’échange de semences, propose en effet à des bibliothèques d’accueillir des "grainothèques", sous la forme de boîtes en carton contenant des sachets de graines. Les usagers de la bibliothèques sont invités à venir piocher dans ces boîtes des graines, correspondant à des variétés traditionnelles ou paysannes, pour les cultiver dans leur jardin ainsi qu’à se documenter sur la manière de produire leurs propres semences pour alimenter la grainothèque à leur tour.

 

 

Souhaitant en savoir davantage sur cette idée que je trouve excellente, j’ai posé quelques questions à Sébastien Wittevert à l’origine du projet Graines de troc, qui a eu la gentillesse de bien vouloir y répondre.

La médiathèque de Lagord en Charente maritime a déjà adopté une de ces grainothèques proposées par Graines de Troc. J’espère que la lecture de ces lignes pourra contribuer à susciter d’autres vocations parmi les bibliothécaires en France. Aux Etats-Unis, le "prêt" de graines se pratique déjà dans certaines bibliothèques, à côté du prêt de livres ou de DVD, avec des programmes parfois ambitieux comme celui de la Richmond Public Library en Californie. Il serait intéressant que cette démarche se développe en France, afin que les bibliothèques deviennent un lieu où se croisent les Biens communs de la Connaissance et ceux de la Nature.

 1) Pourrais-tu nous présenter brièvement la plateforme Graines de Troc et les objectifs que vous poursuivez ?

La plateforme est issue d’une initiative individuelle, suite à une prise de conscience. Il s’agissait de faire de son mieux pour défendre la biodiversité cultivée, dont l’état est très préoccupant. Nul besoin d’être spécialiste pour s’en rendre compte

http://grainesdetroc.fr/

 

Encouragé par les membres et les nombreux soutiens, nous nous sommes réunis en association pour poursuivre collectivement nos objectifs.

Nous avons conçu un système d’échange innovant de graines par voie postale. Ce système met virtuellement en commun l’ensemble des semences proposées par chacun des troqueurs et les échanges sont facilités par une sorte de monnaie virtuelle, les "jetons". Malgré sa jeunesse, l’efficacité du système est remarquable : après un an de rodage, 3000 échanges de variétés en 2013, actuellement 600 par mois, pour 1250 troqueurs, et 1300 variétés différentes disponibles de légumes et de fleurs.

Le partage des savoir-faire associé à la reproduction de semences étant tout aussi essentiel, nous y dédions la plateforme, de par les ressources disponibles, la mise en avant des échanges locaux, des rencontres, des ateliers et formations sur la reproduction de semence. Nous essayons d’inciter le jardinier, mais, finalement, tout citoyen à reprendre en main la question fondamentale de la semence. Quelque chose se joue en ce moment auquel nous devons prendre part. C’est de l’avenir des semences de notre patrimoine commun dont il s’agit. Au moins être conscient, au mieux agir.

2) Pourquoi mettre l’accent sur le partage des graines ? En quoi cette pratique est-elle importante et contribue notamment à la biodiversité ?

C’est par le partage qu’elles ont voyagé et nous sont parvenues. C’est un geste ancestral qui a construit véritablement la biodiversité.

Chacune de nos espèces s’est lentement adaptée dans un champ ou un jardin, puis partagée dans un autre, avec parfois des différences, qui a la longue, ont véritablement construit une immense diversité de variétés de légumes.

L’accès libre a cette biodiversité est essentiel afin de pouvoir la conserver, et l’entretenir dans la diversité de nos environnements, idéalement localement, pour que s’exprime le potentiel de chaque variété.

L’abondance et la profusion des graines invite naturellement à leur partage.

En ce qui concerne les agriculteurs, la législation menace ce geste, ainsi que, c’est d’actualité, la simple reproduction de ses propres graines.

Je ne vois pas comment pourrait se concrétiser une interdiction de partager ou reproduire nos graines au jardin, mais aujourd’hui, peu importe puisque la majorité des semences des jardins provient bien, en amont, des agriculteurs.

C’est la que le partage, des graines ET des savoir faire pour les reproduire semble particulièrement important.

3) Quelle est la différence entre les semences traditionnelles ou paysannes, dites "libres" et les semences issues de l’industrie semencière ? Pourquoi y a-t-il un enjeu à favoriser les premières ?

L’industrie semencière répond au seul objectif du profit et non à celui "de nourrir la planète".

Ce n’est pas celui des semences traditionnelles qui étaient d’être adaptées à chaque usage, à chaque terroir, à chaque façon.

Généralement mieux adaptées et rustiques, elles ont pas ou peu besoin d’engrais ou pesticides.

Les agriculteurs ont confié leurs semences à cette industrie qui proposa de moderniser les rendements à grand renforts de lucratifs machines, engrais et pesticides.

Dès lors les semences traditionnelles n’apportant pas ou peu de profits complémentaires sont progressivement retirées des catalogues, et non entretenues, disparaissent.

Aujourd’hui, on ne mange plus une tomate pour son goût, mais pour sa résistance aux chocs..

Ajoutez le fait que la concentration de ces entreprises semencières, la ou jadis chaque paysan assurait l’entretien d’une petite partie d’une immense richesse variétale, aujourd’hui crée une inévitable standardisation des semences proposés, et vous comprendrez l’origine de l’effondrement de notre biodiversité cultivée, constatée par la FAO.

 

 

Ce n’est pas sans intérêts financiers puisque, ne pouvant plus reproduire ses semences, techniquement par la généralisation des semences hybrides, ou légalement par brevet ou interdiction, l’agriculteur, comme le jardinier doit recourir chaque année à l’achat des graines, quel qu’en soit le prix.

A mon sens, nous devons rapidement regagner en autonomie en nous ré-appropriant les semences libres avec les savoir-faire associés.

Chose que l’on nous présente bien entendu comme irréaliste, alors qu’autrefois nous le faisions tous, ainsi s’étant construite la diversité.

4) Vous proposez à des bibliothèques d’installer des "grainothèques" dans leurs locaux pour favoriser le partage des semences ? En quoi consiste exactement cette initiative et comment vous est venue l’idée d’associer des bibliothèques à votre démarche ?

Il s’agit d’une simple boite, disposée dans un endroit public, ou chacun peut y déposer et y prendre les graines de son choix. Une explication est proposée pour expliquer la démarche.

C’est une pratique courante qu’une semence se "prête", et se "rende" après avoir fait des petits. Ce n’est pas pour rien que le concept est déjà bien développé dans les bibliothèques notamment aux États-Unis.

 

 

Ce qui est nouveau peut être, c’est de les planter à la mode des Incroyables Comestibles, et d’inviter à l’essaimage. En phase avec les objectifs de ce mouvement qui propose la "nourriture à partager", nous proposons les "semences à partager".

D’autres lieux s’y prêtent : écoles, lieux alternatifs, locaux associatifs…

Attention, ce n’est pas une vocation conservatoire qui demande des compétences précises et une logistique plus importante.

Il n’est pas question de faire n’importe comment non plus. Nous invitons les jardiniers à comprendre et apprendre les techniques simples pour reproduire leurs semences.

Beaucoup pensent qu’il est facile de récupérer des graines de courges, et bien plus compliqué pour la tomate. C’est pourtant l’inverse..

Dans toute chose il faut savoir ce que l’on fait. La règle du jeu est dans la boite. Nous prenons le parti de faire confiance.

Schématisons qu’une graine en donne 100, (pour la salade c’est 10000, les courges 200) il suffirait donc qu’une personne sur 100 qui en prenne, dépose à son tour un sachet de graines pour que la boite "fonctionne".

 

Les perspectives ouvertes par cette initiative semblent  prometteuses… si on considère la sensibilisation, les graines prises semées dans les jardins, l’apprentissage, le don, le partage, sans compter que certains ne vont pas en rester là pour aller plus loin encore.

Il me semble important de sensibiliser au-delà de la sphère jardinière. Les graines doivent sortir des jardins, et regagner une place essentielle dans l’esprit de tous, comme le sont les livres, pas seulement pour les libraires, les greniers ou les rats.

Je vous rassure, nous ne pensons pas que les grainothèques vont remplacer le travail de nos semenciers militants, tout comme les bacs Incroyables Comestibles ne vont pas nous empêcher de nous retourner vers nos maraîchers locaux. Au contraire, elles interrogent et c’est cela le but. Nous avons besoin de nous reposer les bonnes questions, être ensemble, dans le partage et la construction. C’est essentiel pour les défis qui nous attendent.

Nous avons semé des graines de grainothèque. Et bien, étonnement, elles poussent.. Ce sont déjà 5 grainothèques qui ont été installées en France.

5) Certains considèrent les bibliothèques comme des "fabriques du citoyen". Sur le site de Graines de Troc, le partage des semences est présenté comme une forme d’engagement citoyen. Est-ce que tu peux développer cet aspect ?

Alors pour le moment, ce sont plutôt des citoyens qui fabriquent des grainothèques …

Alors qu’aujourd’hui une majorité de gens voient la protection de l’environnement comme une priorité absolue. Ce n’est pas l’impression que me donnent nos élus.

 

 

Concernant les semences, on peut rêver que l’industrie change ses pratiques. Les agriculteurs et maraîchers subissent d’insupportables pressions pour pouvoir s’en occuper.

Il ne reste donc que le jardinier et le citoyen, capables du sursaut, et pour épauler agriculteurs et collectifs engagés. Et je crois que c’est ce qui se passe un peu partout. A défaut d’une démarche publique, le citoyen finit par prendre le taureau par les cornes. On ne compte plus les projets de reconversions et de retour à la terre..

Considérant cela, il peut légitiment paraître difficile de trouver l’énergie de signer et relayer les multiples pétitions, qui de toute façon n’arrivent même pas sur les bureaux. Il est urgent de se mettre au travail pour conserver ces graines.

Il faut trouver des solutions, par l’échange et la conservation dans les jardins, mais aussi, et c’est indispensable, dans les champs de nos agriculteurs.

A notre niveau, nous essayons d’inspirer et d’apporter à chacun les moyens d’agir concrètement depuis chez lui, en semant, en récoltant et en partageant ses graines.

Le jeton qui permet que le site fonctionne aussi simplement, est une belle expérience du concept des monnaies complémentaires, un outil de la transition.

La grainothèque, c’est une invitation à se mobiliser : un petit geste d’insubordination, une petite désobéissance civile, une liberté prise ici quand on nous la menace ailleurs, une façon de dire que nous trouverons de toute façon un moyen de prendre soin de nos semences.

On ne demande pas à ce que nous redevenions tous jardinier mais d’autres formes d’engagement existent. Il y a toujours le soutien financier aux collectifs (Réseau Semences Paysannes, Kokopelli, ou même nous. Plus concrètement, les amaps par exemple sont un excellent outil pour favoriser des pratiques différentes. De nombreux agriculteurs ont besoin de notre soutien lorsqu’ils ont le courage de prendre un autre chemin.

Une autre forme d’engagement : avec quelques personnes issues du groupe local colibri (pays rochelais), nous essayons de nous pencher sur la question de la semence. Nous avançons, citoyennement, pas si lentement que cela, nous nous organisons, semons, apprenons.. Nous avons notamment inaugurer la première grainothèque, nous nous intéressons aux semences locales, nous proposons des ateliers, et nous nous engageons à apporter notre aide à un magnifique programme de conservation local de 7000 variétés potagères.

Pour saisir l’enjeu général, j’essaye parfois de me représenter mentalement :

Chaque graine de chaque variété a été semé, récolté, année après année, transmise de génération en génération, de jardins en jardins et de peuple en peuple, partout sur la planète depuis 10000 ans, avec bienveillance..

Excusez moi pour la répétition : partout sur la planète, de peuple en peuple, de jardins en jardins, de génération en génération, chaque variété, chaque graine semé… en s’adaptant ainsi à nos usages, à nos environnements.

Je crois, aujourd’hui, qu’il est question de savoir ce que l’on fait de tout ça, et d’être un maximum à être sûrs de ce que l’on va en faire.

6) Concrètement si des bibliothèques veulent mettre en place une grainothèque, quelle est la démarche à suivre et peut-on vous contacter ?

Oui, n’hésitez pas à nous contacter, que ce soit pour parler de la démarche, commander un kit ou pour partager la bonne nouvelle de l’inauguration.

Pour l’installation, si c’est la bibliothèque qui le souhaite, c’est facile, si vous souhaiteriez que votre bibliothèque en héberge une, il faudra convaincre le responsable..

Passé ce cap, nous invitons à construire sa propre boite, et s’approprier la démarche. Il est très facile de transformer un simple carton en un joli présentoir.

Nous proposons sur le site les documents et visuels à imprimer. Mais nous proposons aussi une grainothèque en kit, avec les documents, et quelques graines.

 

 

Il est nécessaire de s’en occuper à minima, en remplaçant les modes d’emplois épuisés, aussi nous conseillons qu’il y ait un référant, mais la bibliothèque peut très bien y veiller.

Ce n’est pas grave si la boite ne contient plus de graines, c’est une invitation au dépôt.

C’est peut être la première chose à faire ensuite : proposer aux jardiniers du coin d’amener les premières graines lors de l’inauguration.

Nous avons quelques suggestions pour les bibliothèques qui souhaitent y associer un fonds documentaire.

N’hésitez pas à partager les photos de la grainothèque que vous installerez, de l’inauguration, et célébrons ensemble nos actions. C’est très motivant de voir pousser les grainothèques sur une carte !

Ensuite, c’est comme au jardin, pour voir ce que cela donne, il faudra faire preuve de patience.

***

Site internet : http://www.grainesdetroc.fr

Page Facebook :www.facebook.com/Grainesdetroc.fr

Grainothèque : www.grainesdetroc.fr/got/

 

 

Source : http://scinfolex.com

 


 

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22 décembre 2013 7 22 /12 /décembre /2013 22:14

 

 

Source : mediapart.fr

La démocratie sociale en grand danger

|  Par Laurent Mauduit

 

 

Le gouvernement envisage une suppression des élections prud’homales. Le projet est dangereux. D'abord parce qu'il s'agit du dernier scrutin national où les salariés peuvent voter en faveur du syndicat de leur choix. Ensuite parce que ce projet est sous-tendu par une philosophie néolibérale qui fait de l’entreprise le lieu privilégié de la vie sociale.

C'est peu dire que la démocratie sociale est gravement malade – si gravement qu'on peine à imaginer que son état puisse encore empirer. Et pourtant si ! Aussi anémiée soit-elle, elle risque d'affronter un plus grave danger encore. Pas seulement à cause de la suppression des élections prud’homales, qui est envisagée par le gouvernement, c’est-à-dire la suppression du dernier scrutin national au terme duquel les salariés peuvent voter en faveur du syndicat de leur choix. Mais aussi parce que ce projet est sous-tendu par une philosophie qui n’est pas explicite mais qui est hautement dangereuse, au terme de laquelle l’entreprise est le seul lieu légitime de la vie sociale. En clair, derrière la probable suppression de ces élections sociales, déjà passablement inquiétante à elle seule, se cache un projet réactionnaire de bien plus vaste ampleur, visant à achever la déréglementation sociale et accentuer l’émiettement du monde du travail.

Le gouvernement réfute, certes, ces interprétations et fait valoir que la suppression des élections prud’homales est une solution de bon sens, car la participation n’a cessé de décliner. À titre d’illustration, lors du dernier scrutin, le 3 décembre 2008, le taux de participation dans le collège « salariés » était tombé à seulement 25,5 %, contre 32,7 % en 2002 et même… 63,2 % en 1979. Face à cet irrémédiable déclin, il serait donc logique, selon le gouvernement socialiste, d’inventer un nouveau système.

C’est en usant de cette justification que le ministre du travail a annoncé une réforme visant à modifier le mode de désignation des juges prud’homaux, qui ne seront plus élus mais désignés par les confédérations syndicales, au prorata de leur représentativité, telle qu’elle sera constatée en agrégeant les résultats des élections des délégués du personnel dans les entreprises et ceux des délégués élus aux comités d’entreprise.

Concrètement, le gouvernement entend donc supprimer les élections prud’homales, qui initialement avaient été planifiées dans le courant de l’année 2014, avant d’être reportées à 2015. Cette suppression devrait être décidée par la voie d’une ordonnance. C’est le prochain projet de loi sur la formation professionnelle et la démocratie sociale, qui sera présenté en janvier 2014, qui prévoira ce dispositif : il contiendra en effet un article en ce sens. « Cet article de loi habilite le gouvernement à prendre par ordonnance les dispositions permettant de mettre en place de nouvelles modalités de désignation des juges prud'homaux s'appuyant sur la mesure de l'audience des organisations syndicales et professionnelles », indique le projet, dont une copie a été obtenue par l'AFP.

La procédure par ordonnance « permettra la construction du cadre juridique nécessaire » à cette réforme, argue le gouvernement, qui se donne « dix-huit mois » après la promulgation de la loi pour légiférer par ordonnance. Selon l'exposé des motifs du projet consulté par l’AFP, la justice prud'homale doit être « préservée », mais l'élection au suffrage direct des salariés a connu « ses limites » – nous y voilà ! – en raison de la chute de la participation. Le gouvernement entend baser la désignation des 14 500 conseillers prud'homaux sur « l'audience » des organisations syndicales.

Qui s’inquiétera donc de la possible suppression des élections prud’homales envisagée par le gouvernement ? Comme il s’agit d’élections qui, à chaque scrutin, mobilisent de moins en moins d’électeurs et que les syndicats qui sollicitent les suffrages des salariés sont eux-mêmes de moins en moins représentatifs, on pourrait penser que la puissance publique a de bonnes raisons d’envisager une telle réforme.

Dans la position du gouvernement, il y a toutefois une bonne part d’hypocrisie. Et puis, son projet recèle de très nombreux dangers.

L’hypocrisie est transparente. C’est que la gauche comme la droite ont, à tour de rôle, au gré des alternances, lourdement contribué ces dernières décennies à cette anémie de la démocratie sociale, que l’abstention aux élections prud’homales confirme. Les deux camps y ont contribué en œuvrant, chacun à sa manière, à la montée d’un capitalisme d’actionnaires beaucoup plus tyrannique, ignorant le compromis social – à la différence d’un capitalisme précédent, le capitalisme rhénan, qui a prospéré sous les Trente Glorieuses. En clair, la droite comme la gauche ont contribué à tourner radicalement la page de cet ancien capitalisme qui autorisait qu’il y ait « du grain à moudre », selon la formule célèbre d’André Bergeron, l’ancien leader de Force ouvrière.

Progressivement, la politique contractuelle est donc entrée en crise. Le paritarisme lui-même a volé en éclats : voilà belle lurette que les « salaires différés » que constituent les cotisations sociales alimentant les recettes de la Sécurité sociale ne sont plus gérés par des représentants syndicaux élus par les salariés, à l'occasion de scrutin pour les différentes caisses – l’État a tout pris sous sa coupe et il n’y a plus guère de différence entre un projet de loi de finances et un projet de loi de financement de la Sécurité sociale.

Les mises en garde de Gérard Filoche

En bref, au fil des décennies, c’est toute la démocratie sociale qui a été comme congelée. Certes, les grandes confédérations syndicales ont sûrement, elles aussi, une lourde part de responsabilité – chacune sans doute pour des raisons spécifiques. Mais, géré par la gauche comme par la droite, l’État a tout fait, depuis très longtemps, pour accélérer cette crise de confiance entre les salariés et leurs syndicats, en poussant ceux-ci le plus possible hors du jeu social.

Que l’on pense par exemple à l’immense responsabilité des gouvernements socialistes, tout au long des années 1980, qui ont promu la politique de « désinflation compétitive », selon le jargon qu’affectionnait le socialiste Pierre Bérégovoy. Derrière la formule se cachait une réforme majeure, celle de la désindexation des salaires sur les prix, qui a contribué à faire imploser une bonne partie de la politique sociale contractuelle : celle qui gravitait autour des négociations salariales au niveau national ou au niveau des branches professionnelles.

Il est donc hypocrite de dire que les confédérations syndicales sont sur le déclin. Ou alors, il faut préciser que la gauche a longtemps fait tout ce qu’elle pouvait pour pousser à la roue dans ce sens. Plutôt que de chercher à réhabiliter le rôle des syndicats et à refonder la démocratie sociale, beaucoup de gouvernements de gauche se sont réjouis de cette perte d’influence et n’ont eu de cesse de l’accentuer. Michel Sapin a donc beau jeu aujourd’hui de déplorer la forte abstention aux élections prud’homales.

Mais le projet n’est pas seulement hypocrite, il est aussi dangereux pour plusieurs raisons. La première, nous venons de l’évoquer : avec les prud’hommes, c’est la dernière grande élection sociale de portée nationale qui va disparaître. Et cela va forcément peser lourdement sur la vie sociale française. Car les élections d’entreprise, pour les délégués du personnel ou aux comités d’entreprise, n’ont évidemment pas la même portée. Les considérations locales y pèsent naturellement et ne confèrent pas aux confédérations syndicales la même légitimité ni la même autorité qu’une élection nationale.

Sur son blog (le voici : Stupeur : ils vont aussi tuer les prud’hommes), le militant de la Gauche socialiste (l’aile gauche du PS), Gérard Filoche, qui ferraille avec courage sur ces questions depuis de longues années et qui les connaît bien pour avoir été inspecteur du travail, le signale et il a raison : le nouveau mode de désignation choisi par Michel Sapin pourrait même modifier gravement les tendances constatées lors des dernières élections. En clair, la CGT, qui est opposée à la réforme gouvernementale, pourrait voir le nombre de ses juges prud’homaux baisser, tandis que la CFDT, qui applaudit la réforme, pourrait les voir augmenter. Comme c’est bizarre…

Explication de Gérard Filoche : « À l’avenir, les juges prud’homaux salariés ne seraient plus élus mais “désignés” – loin des salariés – en fonction du “poids” de chaque syndicat. Depuis mars 2013, ce “poids” des syndicats est établi en agglomérant les résultats des élections d’entreprises CE et DP au niveau des branches. Mais ces votes sont douteux, étalés sur 4 ans, transmis par les DRH avec plein d’erreurs et collationnés par les technocrates du ministre du travail ! Une opacité de plus. Avec ce nouveau mode de scrutin par entreprise, la CGT ne nommera plus que 26,77 % des juges prud’homaux, la CFDT 26 %, FO 15,94 % ! La CFTC monterait à 9,30 %, la CFE-CGC à 9,43 % ! L’UNSA 4,56 % et Solidaires (SUD) 3,47 % sont éliminés. Soit un renversement de la “majorité” pour CFDT-CGC-CFTC. »

Ces chiffres évoqués par Gérard Filoche sont donc ceux de la mesure d'audience proclamée le 29 mars 2013. Ils peuvent être consultés ici, sur le site Internet du ministère du travail ou alors sur la tableau ci-dessous:

Cliquer pour agrandir. 

Or, si l’on se réfère aux dernières élections prud’homales, celles du 3 décembre 2008, les résultats sont sensiblement différents : la CGT avait renforcé sa première place parmi les confédérations syndicales, en progressant de 1,6 point à 33,9 % ; la CFDT avait baissé de 3 points à 21,8 % ; et  FO de 2,3 points à 15,8 %. Les résultats globaux de ces élections peuvent être consultés ici; et on peut consulter ci-dessous ceux du collège des salairés.

 

Cliquer pour agrandir. 

La réforme de Michel Sapin risque donc non seulement de saper encore un peu plus l’assise et la légitimité des confédérations syndicales, en les éloignant davantage de leurs « mandants », mais aussi, incidemment, d’avantager la CFDT, la confédération qui est souvent la plus accommodante.

Lors d’un récent bureau national du parti socialiste, le 10 décembre, ces questions ont donné lieu à un vif accrochage entre le ministre du travail, Michel Sapin, et Gérard Filoche, qui en rend compte dans un autre billet de blog (il est là).

Un autre danger inhérent à ce projet de suppression des élections prud’homales, c’est qu’il peut être interprété comme une première étape, la seconde étant la suppression pure et simple des juges prud’homaux eux-mêmes. Certes, le gouvernement s’en défend et assure qu’il n’y a pas de projet caché. Mais on n’est pas obligé d’être naïf. Car, de très longue date, le Medef, et avant lui son ancêtre, le CNPF, milite pour une telle remise en cause de la justice prud’homale et cela pour une raison qui est transparente. Partisan d’une déréglementation sociale et d’une remise en cause de pans entiers du Code du travail, le patronat a toujours estimé que la justice prud’homale, dont la bible est précisément ce Code du travail, faisait partie de ces « lourdeurs » du modèle social français dont il faudrait un jour s’émanciper. Le rêve du Medef, pas même secret, serait donc un jour d’avancer vers un mode allégé de règlement des conflits sociaux. Au diable le Code du travail ! Au diable aussi les juges prud’homaux ! En lieu et place, le patronat préférerait avancer vers une solution moins contraignante, celle de commissions paritaires par branches.

L'inquiétante inversion de la hiérarchie des normes sociales

Dans cette hypothèse, il serait plus facile de supprimer les juges prud’homaux si, au préalable, les élections ont elles-mêmes été supprimées. Sans réelle légitimité, et en tout cas sans celle d’un suffrage national, les juges pourraient un jour plus facilement passer à la trappe. En somme, si l’élection est supprimée, c’est la légitimité même de l’institution qui est affaiblie, sinon même ruinée.

Mais, à tous ces dangers que fait planer cette réforme, il faut encore en ajouter un dernier, qui est sans doute le plus grave de tous : c’est que le nouveau système va contribuer à un nouvel et grave émiettement du monde du travail. C’est, en quelque sorte, un ultime et décisif coup de boutoir dans ce que l’on appelait depuis la Libération l’ordre public social.

Comme le relevait, voilà bientôt un an dans un billet de blog (il est ici), l’économiste Guillaume Étievant, qui est expert auprès des comités d’entreprise et membre de la Fondation Copernic, cet ordre public social, produit de décennies de luttes sociales et tout autant d’acquis sociaux, a longtemps édicté que la loi l’emportait sur les accords de branche, et les accords de branche sur les accords d’entreprise. « La hiérarchie des normes établissait (…) la supériorité de la loi sur les accords de branches, et des accords de branches sur les accords d’entreprises. Des contrats individuels ou collectifs pouvaient déroger à cette disposition uniquement s’ils étaient plus favorables au salarié », expliquait-il.

Or, il s’est passé progressivement un fait majeur auquel les grands médias n’ont prêté aucune attention : la droite d’abord, la gauche ensuite, ont œuvré à une inversion de cette hiérarchie des normes sociales, donnant insensiblement la primauté aux accords d’entreprise. « La remise en cause de ce principe de faveur par le législateur transfère un pouvoir normatif aux partenaires sociaux et affaiblit donc la protection offerte aux salariés par le Code du travail », poursuit l’économiste.

C’est d’abord par la loi du 4 mai 2004 (on peut la consulter ici, à lire à partir de l’article 37), voulue par le premier ministre de l’époque, Jean-Pierre Raffarin, qu’un premier coup de boutoir est donné contre cette hiérarchie ancienne des normes sociales. Guillaume Étievant la commente de la manière suivante : « La droite s’est engouffrée dans cette brèche avec la loi du 4 mai 2004, qui introduit une rupture fondamentale dans la hiérarchie des normes et dans le principe de faveur. Elle permet en effet aux accords d’entreprise, qui résultent d’une négociation collective entre employeurs et syndicats de salariés au sein d’une entreprise, de déroger aux accords de branches, qui sont conclus dans le cadre d’une branche de travail et harmonisent donc les conditions de travail au sein d’une profession, même si ces derniers sont plus favorables. »

Puis, en 2008, par une réforme complémentaire, Nicolas Sarkozy a encore accentué cette inversion de la hiérarchie des normes sociales, faisant de l’entreprise le lieu privilégié de la négociation sociale et autorisant des accords dérogatoires aux accords de branches et même à la loi. Et enfin, c’est l’actuel gouvernement socialiste qui a achevé le travail, avec l’accord national interprofessionnel (ANI), signé le 11 janvier 2013 entre le Medef et trois confédérations syndicales, puis ratifié en l’état par le Parlement. Ce désormais tristement célèbre « ANI » a démantelé de nouveaux pans entiers du Code du travail et notamment du droit du licenciement. Mais surtout, c’est lui qui a définitivement entériné cette inversion de la hiérarchie des normes.

Au regard du droit du travail, la loi voulue par François Hollande est même beaucoup plus grave que celle portée sous la droite par Jean-Pierre Raffarin. Car dans les deux cas, la loi nouvelle autorise des accords d’entreprise dérogatoires, sous réserve de l’approbation majoritaire des syndicats concernés. Mais dans la loi promulguée sous la droite, le salarié conservait des droits de recours, s’il considérait que cet accord contrevenait gravement à son contrat de travail, droits qui ont disparu avec le gouvernement socialiste.

En clair, avec le gouvernement socialiste, le Code du travail a subi un ébranlement majeur, ce dont se réjouissait sans cesse l’ancienne présidente du Medef, Laurence Parisot. Témoin, cette déclaration d’il y a un an, qui est encore en ligne sur le site internet du Medef : parlant de cet accord interprofessionnel, elle expliquait qu’il aurait, parmi d’innombrables autres avantages, celui de limiter les recours devant les prud’hommes. « Il favorise, non plus la logique de contentieux qui est terrible, qui coûte cher et qui est longue, tant pour le salarié que pour l’employeur, mais la logique de conciliation », faisait-elle valoir.

Le message oublié de Marc Bloch

On comprend donc sans peine que les deux réformes, celle de la suppression des élections prud’homales et celle de l’ANI, s’emboîtent et se complètent l’une l’autre.

Elles sont sous-tendues par une même philosophie réactionnaire : c’est l’entreprise qui doit être le lieu privilégié du dialogue social. Ce sont donc des élections émiettées des délégués du personnel ou aux comités d’entreprise, entreprise par entreprise, qui doivent servir de point d’appui pour former demain les futurs tribunaux prud’homaux – avant de les convertir éventuellement en comités paritaires ; et ce sont toujours des accords au niveau de chaque entreprise qui doivent rythmer la vie sociale du pays. En bref, le gouvernement socialiste a donné le top départ de l’ultime déréglementation sociale qui restait à entreprendre.

Cette déréglementation a certes été subtilement menée puisque Nicolas Sarkozy a proposé aux syndicats de sortir du système de représentativité décrétée au terme de laquelle seulement cinq confédérations, la CGT, la CFDT, FO, la CGC et CFTC, étaient réputées représentatives, mais ni Sud ni l'Unsa, et les accords d'entreprise ont souvent été présentées comme un retour à une démocratie plus directe, permettant aux salariés de peser plus directement sur des décisions concernant leur propre avenir. Mais cela a souvent été aussi un prétexte pour faire imploser les négociations de branches et voler en éclats certaines conventions collectives, et pour conduire à un émiettement du monde du travail. En somme, la force collective du monde du travail, déjà bien mal en point, s'est trouvée encore un peu plus diluée.

Pour certaines des grandes confédérations syndicales, l’affaire de la suppression des élections prud'homales prend donc valeur de symbole et va donc susciter de grandes tensions. Ainsi la CGT est-elle opposée à la réforme de Michel Sapin et a décidé de le faire savoir – et même de battre le rappel en lançant une pétition nationale (on la trouvera ici). Avec des arguments voisins, FO, Sud ou encore l’Unsa sont aussi opposés à la suppression des élections prud’homales. Et, parmi les grandes confédérations, il n’y a guère que la CFDT qui soutienne le projet du gouvernement (sa prise de position peut être consultée ici).

Mais ce n’est évidemment pas les syndicats qui sont seuls concernés dans le débat qui va s’ouvrir. Car, au travers de cette question des prud’hommes, c’est une question majeure qui est soulevée, celle de la démocratie sociale. Avec deux camps qui se dessinent. Celui qui veut, pour l’avenir, faire de l’entreprise le pivot central du dialogue social. Et puis le camp d’en face.

Mais ce camp-là, le camp des opposants, quel projet alternatif défend-il ? Le problème, c’est qu’à gauche, le débat sur les voies et les moyens de refonder la démocratie sociale n’a jamais pris beaucoup d’ampleur. Pour redonner du crédit aux confédérations syndicales, faut-il par exemple concevoir, sur les décombres d’un Conseil économique et social qui ne sert strictement à rien, de créer un véritable Parlement social, élu, avec des compétences élargies ? Ou alors d’autres suggestions peuvent-elles être mises sur la table ?

En tout cas, le débat est de première importance. Car le chemin que veut emprunter le gouvernement est très régressif. Consacrant l’entreprise comme le lieu privilégié de la vie sociale, il repose sur un a priori doctrinal : salariés et actionnaires ont des intérêts convergents et doivent œuvrer ensemble au bien commun. Les socialistes vont en quelque sorte au bout du chemin qu’ils ont choisi dans le milieu des années 1980, quand ils ont changé leur regard sur l’entreprise. Alors qu’ils avaient pendant des années vu en elle le lieu de l’extorsion de la plus-value et de l’exploitation du travail salarié, ils l’on présentée soudainement comme celui de la création de richesse. On vit donc aujourd’hui le prolongement ultime de cette dérive, jusqu’à la caricature. Au diable la lutte des classes ! Vivent les entrepreneurs !…

Alors qui, dans cette dérive sans fin, rappellera que la démocratie est d’abord un mode de gestion des conflits ? Nul besoin d’être révolutionnaire pour le savoir, il suffit d’être attaché aux valeurs fondatrices de la République. Aux valeurs, en somme, que rappelait à l’été 1940, dans L’Étrange Défaite, le républicain exemplaire qu’était Marc Bloch : « Il est bon, il est sain que, dans un pays libre, les philosophies sociales contraires s’affrontent. Il est, dans l’état présent de nos sociétés, inévitable que les diverses classes aient des intérêts opposés et prennent conscience de leurs antagonismes. Le malheur de la patrie commence quand la légitimité de ces heurts n’est pas comprise. »

Au fondement de la République sociale, c'est ce message que les socialistes ont aujourd'hui oublié. Pour le « malheur de la patrie »

 

Source : mediapart.fr

 

 

 

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21 décembre 2013 6 21 /12 /décembre /2013 21:59

 

Source : www.rue89.com

 

 

Explicateur 21/12/2013 à 09h06
Comment le chinois Dongfeng est devenu le sauveur de PSA
Pierre Haski | Cofondateur Rue89

 

 


Performance artistique au lancement de la 508 au Salon de l’auto de Shanghai en 2011 (Eugene Hoshiko/AP/SIPA)

C’est un parcours étonnant que celui de Dongfeng Motor, symbole de l’industrie lourde maoïste d’hier, devenu aujourd’hui le sauveur potentiel du constructeur automobile français PSA.

Dongfeng, qui signifie « vent d’Est », est née en 1969, en pleine révolution culturelle, alors que Mao Zedong, redoutant une attaque soviétique, décidait d’envoyer à l’intérieur du territoire chinois une partie de son industrie lourde.

Dongfeng, à l’époque sobrement nommée « Deuxième entreprise automobile », s’est retrouvée à Wuhan, la grande métropole du centre située sur le fleuve Yangtze, à fabriquer les camions et les bus dont la révolution avait besoin.

Comment passe-t-on de conglomérat industriel de l’ère maoïste à géant mondial de l’industrie automobile susceptible de devenir l’un des actionnaires de référence du deuxième constructeur automobile européen ? La réponse tient dans la nature du capitalisme d’Etat chinois, d’une ambition politique nationale, et d’un environnement porteur.

Mariage forcé

La décision la plus importante prise par le pouvoir chinois a été d’imposer à tout constructeur automobile étranger qui souhaitait s’implanter en Chine de le faire via une coentreprise (joint venture) avec une société chinoise.

Les mariages ont été arrangés par l’Etat chinois.

  • Volkswagen, le pionnier, a été marié au numéro un chinois, Shanghai Automotive Industry Corporation (SAIC) ;
  • PSA à Dongfeng Motor Corp. de Wuhan (après un premier échec retentissant dans les années 80) :
  • Toyota à FAW de Changchun, etc.

Puis la « polygamie » a été encouragée :

  • tout en étant le partenaire de PSA, Dongfeng a été mariée à Nissan, et, la semaine dernière à Renault ;
  • SAIC est marié à la fois à Volkswagen et à son concurrent General Motors ;
  • Volkswagen s’est également mariée avec FAW...

Chaîne de production de Citroën à l’usine Dongfeng de Wuhan, 2013 (AFP)

Au début des années 2000, un paysage automobile complexe a commencé à émerger en Chine, avec un nombre croissant de constructeurs internationaux pressentant l’explosion du marché chinois, créant des dizaines de coentreprises avec, en particulier, les trois géants étatiques : SAIC, FAW, Dongfeng.

A côté de ces géants, des dizaines d’autres constructeurs chinois, publics ou privés, dont certains connaîtront une certaine fortune, comme Chery et Geely.

Dix ans de croissance effrénée

C’est ainsi que le marché chinois s’est développé à marche forcée depuis un peu plus de dix ans. En 2000, dans les rues de Pékin, on pouvait surtout voir des taxis et des voitures appartenant à des flottes d’entreprises ou de ministères, rarement, encore, de voitures privées.

Une décennie de croissance à deux chiffres plus tard, les embouteillages sont monstrueux, et le nombre de véhicules privés a décuplé. La Chine a embrassé la civilisation de la voiture avec le même engouement que la France des années 60, mythologie comprise.

Avec ce paradoxe : si l’immense majorité des voitures que l’on voit sur les routes de Chine sont made in China, elles sont de marque étrangère. Pas un grand constructeur américain, européen, japonais ou coréen qui ne soit présent sur ce qui est devenu le plus grand marché automobile du monde.


La très jolie QQ de Chery, librement inspirée d’un modèle General Motors...

Tous... sauf les Chinois, qui semblaient condamnés à fabriquer les voitures des autres. Les rares voitures chinoises étaient l’objet de railleries des « experts » occidentaux, accusées d’être des « copies » comme la QQ de Chery librement inspirée d’un modèle GM, ou dangereuses comme ces Landwind venues au Salon de l’Auto de Paris en 2005 et qui échouèrent misérablement à un crash-test.

Condamnés à la sous-traitance ?

Ceux qui ont cru que cet état de fait durerait éternellement se sont aussi lourdement trompés que ceux qui pensaient que les Chinois se contenteraient de fabriquer des T-shirts à 1 euro, et laisseraient la « valeur ajoutée » aux Occidentaux.

En 2004, à Pékin, j’ai assisté à une drôle de scène à une conférence de presse commune de Jean-Martin Folz, alors patron tout puissant de PSA, et Miao Wei, alors PDG de Dongfeng. Un journaliste chinois a demandé au patron chinois comment il conciliait son rêve avoué de produire un jour des voitures 100% chinoises avec ses partenariats avec des firmes étrangères. Un problème de loyauté ?

J’ai raconté la scène dans Libération :

« Sourires gênés, malaise et réponse langue de bois »...

Une décennie plus tard, Dongfeng, qui n’a toujours pas produit la voiture 100% chinoise dont rêvait son ex-PDG, négocie en position de force le sauvetage de PSA. L’inversion des rôles est spectaculaire.

Dans le top 10 mondial

Entretemps, les industriels chinois ont appris, notamment auprès de leurs partenaires occidentaux qui avaient plusieurs longueurs d’avance, et se sont considérablement enrichis.

Ils ont commencé à afficher l’ambition que leur a assigné le gouvernement : placer un jour un, deux ou trois « champions nationaux » dans le top 10 mondial des constructeurs automobiles dont ils sont aujourd’hui absents. Ce n’est pas encore pour tout de suite, mais, comme dit Lao Zi, « la marche de mille li (1 li = environ 500 m) commence par un premier pas »...

Quelques « pas » sur cette longue marche :

  • en 2004, SAIC, la société d’Etat de Shanghai, a racheté le constructeur sud-coréen en faillite Ssangyong, première incursion hors de Chine ; les Ssangyong sont désormais en vente en France ;
  • en 2005, Nanjing Automobile, repris en 2007 par SAIC, a racheté les brevets et la marque du britannique MG Rover en faillite, relançant la production en Chine, et exportant des Rover chinoises, « Roewe », en Grande-Bretagne et ailleurs ;
  • quelques opérations ont échoué : la reprise de l’autre suédois Saab par des investisseurs chinois a capoté en 2011 lorsque Ford, détenteurs de droits, a mis son véto. Un consortium sino-japonais a néanmoins repris des actifs en 2013 pour relancer modestement la production de cette voiture mythique ; la reprise de Hummer, la marque de GM, par des Chinois s’est vue opposer un véto du gouvernement de Pékin en raison de la mauvaise image de ce modèle de 4x4 de nouveaux riches.

Li Shufu (à g.), patron de Geely, heureux propriétaire de Volvo. Au Salon de l’auto de Pékin en 2012. (Alexander F. Yuan/AP/SIPA)

L’entrée de Dongfeng dans le capital de PSA, même sous une forme minoritaire et très encadrée par une entrée simultanée de l’Etat français, serait un « coup » spectaculaire pour l’industrie chinoise.

Les géants chinois sont encore dans une phase d’apprentissage, d’acquisition de technologie, de méthodes, d’organisation, de savoir-faire, et PSA représenterait de ce point de vue une belle « prise ».

Le soutien sans faille de l’Etat et du Parti

Dans cette longue marche vers le succès, les constructeurs chinois ont eu le soutien sans faille :

  • de l’Etat, qui a verrouillé l’accès au marché chinois à ceux qui refusaient ses conditions draconiennes et a favorisé l’émergence de « champions nationaux », dans une sorte de « colbertisme » à la chinoise ;
  • du marché financier chinois qui travaille sur le long terme ;
  • du Parti communiste chinois au pouvoir dont Xu Ping, actuel PDG de Dongfeng, a été le chef au sein de l’entreprise avant d’en devenir le patron ;
  • d’une croissance du marché automobile chinois encouragée par le gouvernement, et qui a transformé en quelques années le marché mondial (et transformé les grandes villes en cauchemars de pollution, mais c’est un autre sujet).

Dans ce processus, d’anciens conglomérats industriels hérités de l’économie dirigée maoïste ont réussi leur mue en géants du capitalisme d’Etat, avant de devenir progressivement des multinationales à l’appétit sans limites.

Et ils ont su profiter des erreurs, des faiblesses et des hésitations des acteurs historiques, au premier rang desquels se situe aujourd’hui PSA, le prédateur devenu proie.

 

Source : www.rue89.com

 

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21 décembre 2013 6 21 /12 /décembre /2013 21:21

 

CADTM

 

Source : cadtm.org

 

« La richesse cachée des nations – Enquête sur les paradis fiscaux »

21 décembre par Gérard Gourguechon

 

 


Gabriel Zucman, avec ce livre, cherche surtout, semble-t-il, à impulser l’idée qu’il ne faut pas partir battu dans la lutte contre les paradis fiscaux. Au contraire, il faut agir, et il nous dit que des solutions existent pour les faire reculer et pour que les nations récupèrent leurs richesses perdues. Il note, dès le départ, que les paradis fiscaux sont au cœur de la crise européenne. Il renvoie dos à dos ceux qui baissent les bras, car le combat serait perdu d’avance (les paradis fiscaux étant des rouages essentiels du capitalisme financier, rouages utilisés par les riches et les puissants du monde entier) et ceux qui crient déjà victoire en prétendant que la bataille est presque gagnée (dès lors que tous, ou presque, ont promis d’abandonner le secret bancaire).

I - Le premier chapitre « Un siècle de finance offshore » porte essentiellement sur l’histoire de la Suisse, en revenant sur les différentes étapes qui lui ont permis de s’installer comme le leader mondial dans la gestion des fortunes privées offshore. Dans ce chapitre, Gabriel Zucman souligne que la « concurrence » entre les paradis fiscaux est très largement feinte : une grande partie des banques domiciliées à Singapour ou aux îles Caïmans ne sont autres que des filiales d’établissements helvétiques (ou autres) qui se sont implantées là pour suivre leurs clients, leur offrir de nouveaux services, ou pour capter de nouveaux clients. Ces réseaux interbancaires permettent de contourner les accords signés par la Confédération helvétique avec des pays étrangers. Les paradis fiscaux se spécialisent dans les différentes étapes de l’activité de gestion de fortune. Ainsi, les riches européens « investissent » (en suivant les conseils des conseillers fournis par les banques) dans des fonds domiciliés au Luxembourg, en Irlande, aux îles Caïmans et aux îles Vierges.

II - Le deuxième chapitre fait une estimation de tout ce qui est perdu par les États du fait de l’existence des paradis fiscaux. Gabriel Zucman souligne fortement l’originalité de ses calculs et estimations, et prétend que « le chiffrage qu’il propose dans le chapitre s’appuie sur l’enquête la plus détaillée qui existe à ce jour ». Soit, et il m’est impossible de contredire de telles prétentions. Le plus important, c’est surtout qu’il parvient à un chiffrage qui montre l’ampleur du problème : environ 8% du patrimoine financier des ménages se trouve, à l’échelle globale, dans les paradis fiscaux. Sachant que le patrimoine financier, certes à chaque fois peu important, du plus grand nombre ne transite pas par les paradis fiscaux, ceci signifie qu’une bonne partie du patrimoine financier des plus riches est, lui, dissimulé dans ces territoires, alors que ce serait justement lui qui devrait payer le plus d’impôt. Selon son chiffrage, 5 800 milliards d’euros sont détenus sur des comptes situés dans les paradis fiscaux (à titre d’exemple, la dette de la Grèce est de 230 milliards d’euros). Gabriel Zucman en déduit que la fraude des ultra-riches coûte chaque année 130 milliards d’euros aux États du monde entier. Selon les calculs de Gabriel Zucman, la France perdrait chaque année 17 milliards d’euros du fait du secret bancaire. Il ajoute très justement : « Si la lutte contre la fraude est une nécessité, c’est parce qu’elle permettra de baisser les impôts dont s’acquitte la vaste majorité des contribuables – ceux qui n’ont pas de fortune à cacher et ne profitent pas ou peu des niches – ainsi que de rétablir l’équilibre des finances publiques ». C’est bien la confirmation que « ce qui est fraudé par les uns est payé par les autres ». Et il accuse : « C’est ainsi un surcroît de dette de près de 5 400 milliards d’euros que l’Etat doit supporter, à défaut d’avoir jamais voulu s’attaquer sérieusement à l’évasion fiscale des ultra-riches ». C’est la reprise, sous une autre forme, de la démonstration selon laquelle les gouvernants, de fait, en ne voulant pas s’attaquer sérieusement à l’évasion fiscale des ultra-riches, sous-imposent ces ultra-riches, endettent ainsi les États, qui, ensuite, empruntent à ces mêmes ultra-riches auxquels il faudra payer des intérêts, notamment par la TVA payée par le plus grand nombre.

III - Le troisième chapitre présente les « solutions » récentes retenues par les États pour agir contre les paradis fiscaux. Dans ce chapitre, Gabriel Zucman fait preuve de clairvoyance en montrant bien qu’il n’est pas dupe des agitations médiatiques des gouvernements, ni des cris d’orfraie des banquiers laissant croire qu’on les étrangle. « Toutes les tentatives passées se sont soldées, jusqu’à présent, par de cuisants échecs, pour deux raisons simples : l’absence de contrainte et l’absence de vérification ».

L’échange d’information à la demande. Gabriel Zucman dénonce la « mascarade » de l’échange à la demande adopté par le G20 de Londres, le 2 avril 2009, suivant les recommandations de l’OCDE. C’est ce jour que le Président de la République, Nicolas Sarkozy, avait proclamé, urbi et orbi, que « les paradis fiscaux, c’est terminé ». En fait, « des paradis fiscaux ont bien signé des dizaines de traités d’échange d’informations à la demande avec la France, … mais ceci ne permet à Bercy que de recueillir quelques dizaines d’informations chaque année, alors que des centaines de milliers de Français possèdent des comptes à l’étranger… L’impunité est donc toujours quasi totale pour ces fraudeurs. Le seul risque pour eux est que l’administration fiscale mette la main sur des fichiers volés… ». Cette stratégie n’a eu aucun effet réel sur la fraude. Zucman souligne « la vacuité de la politique d’échange à la demande, nous la dénoncions depuis plusieurs années avec l’aide des ONG » (ça, c’est nous, la Plate-forme PFJ, Attac, et d’autres), et il ajoute « c’est l’affaire Cahuzac qui, en France, l’a révélée au grand jour ». Pour savoir si Cahuzac possède des avoirs non déclarés, l’administration française a fait jouer l’accord qu’elle a signé avec la Suisse en 2009. La réponse des autorités helvètes a été négative (car, entre temps, le compte avait été transféré à Singapour). Dans ce cas, « le traité d’échange à la demande blanchit le blanchisseur », comme l’écrit Gabriel Zucman.

L’échange automatique d’information. Gabriel Zucman constate que l’OCDE reconnaît désormais que l’objectif à atteindre, c’est l’échange automatique de données. Mais Gabriel Zucman note qu’à ce jour (septembre 2013) aucun accord de ce type n’a été signé avec les grandes places où l’essentiel de la fraude a lieu. Par ailleurs, il prévient déjà que « l’échange automatique lui-même a toutes les chances de buter sur l’opacité financière. Demandez aux banquiers suisses s’ils ont des clients français, leur réponse sera toujours la même ; « à peine », « de moins en moins »… L’écrasante majorité des comptes possédés dans les paradis fiscaux le sont au travers de sociétés-écrans, de trusts, etc ». Zucman constate que le vice principal de ces accords est que les pays ne se sont donnés aucun moyen pour s’assurer que les paradis fiscaux respectent intégralement cette réglementation. Ce n’est pas parce qu’un traité a été signé ou qu’un engagement a été pris que les choses changent. Gabriel Zucman ajoute : « Tous les discours sur les « pas de géants » réalisés depuis l’affaire Cahuzac ne doivent pas faire oublier qu’on en est toujours, à l’automne 2013, au niveau zéro, ou presque, de la lutte contre les paradis fiscaux ».

Les limites, aussi, de la loi Fatca américaine. Gabriel Zucman précise que les trois limites de l’échange automatique (absence de contrainte, absence de lutte contre la dissimulation via des sociétés-écrans, absence de vérification) s’appliquent aussi à la loi Fatca prise aux États-Unis. Cette loi prévoit un échange automatisé de données entre les banques étrangères et le fisc des États-Unis. Les institutions financières du monde entier doivent certes identifier qui, parmi leurs clients, possède la nationalité américaine et indiquer ensuite au fisc des États-Unis ce que chacun possède sur son compte et les revenus qu’il encaisse. Le fisc américain ne peut, bien entendu, aller vérifier lui-même tous les comptes des banques, et encore moins savoir quel est l’américain qui se cache derrière des sociétés-écrans. Dans le prolongement de sa démonstration sur les limites et les leurres de la loi américaine Facta, Gabriel Zucman explique le fiasco de la Directive épargne de l’Union européenne : « L’absence de sanctions, la dissimulation via les sociétés-écrans et la confiance aveugle faite aux banquiers ont donc provoqué la faillite de la directive ».

IV - Le quatrième chapitre est consacré aux préconisations et aux solutions avancées par l’auteur. Il articule son « plan d’action » autour de deux grands principes : contrainte et vérification.

a) a - La contrainte pour tous les micro-États qui se sont spécialisés dans les services d’opacité financière et l’aide aux fraudeurs et qui refuseront l’échange automatique d’informations bancaires pour tous les types d’avoirs ainsi que la participation au cadastre financier mondial (qu’il présente un peu plus loin dans son livre) : la solution préconisée consiste à taxer tous les intérêts et dividendes versés à ces pays, de façon coordonnée entre les États-Unis, l’Europe et le Japon. La France, par exemple, taxe déjà à 50% les revenus sortant de l’Hexagone en direction des territoires qu’elle considère « non coopératifs » (Botswana, Brunei, Guatemala, etc). Il « suffirait » d’étendre cette mesure à tous les micro-États qui ne joueraient pas le jeu et de faire passer le taux de 50% à 100%. Cette opération imposerait l’autarcie financière à ces territoires dès lors qu’elle serait appliquée de concert par les principaux pays riches.

b) b - La contrainte pour les « gros » paradis fiscaux, ceux où se réalise l’essentiel de la fraude (Suisse, Hong Kong, Singapour, Luxembourg, îles Caïmans, Bahamas) : Zucman préconise d’autres contraintes. La solution qu’il a retenue pour les micro-États ne lui semble pas possible pour ces États car ils sont par ailleurs des places financières où se mènent parfois des activités tout à fait légitimes. Il s’agirait alors de les frapper sur le plan des échanges de biens par des sanctions commerciales, et Zucman invente une nouvelle légitime défense : « chaque pays a le droit d’imposer des tarifs douaniers égaux à ce que lui coûte le secret bancaire ».

Gabriel Zucman développe une démonstration rarement exposée pour justifier ses mesures :

- L’absence de coopération entre les paradis fiscaux et l’administration française prive chaque année le Trésor public français de près de 20 milliards d’euros (provoquant de la dette).
- Il ne s’agit pas d’une « saine » concurrence fiscale, mais d’un vol pur et simple : ces territoires offrent aux contribuables qui le souhaitent la possibilité de voler leurs États.
- La France n’a pas à payer le prix de l’attitude de ces paradis fiscaux. Le secret bancaire, comme l’émission de gaz à effet de serre, a un coût pour le monde entier que les paradis fiscaux veulent ignorer (il s’agirait, en quelque sorte, d’une « externalité négative »).
- La solution, c’est d’instituer une taxe égale aux pertes que subissent les États du fait des comportements de ces paradis fiscaux (les pollueurs doivent payer).

Dit autrement : le secret bancaire est une forme déguisée de subvention. Le secret bancaire donne aux banques offshore un avantage concurrentiel par rapport aux autres banques. Ces subventions déguisées entravent le bon fonctionnement des marchés. L’OMC doit décourager ces pratiques déloyales en autorisant les pays qui en sont victimes à imposer des droits de douane supplémentaires compensant le préjudice qu’ils subissent.

Selon les calculs de Gabriel Zucman, compte tenu de ce que perdent l’Allemagne, la France et l’Italie, ces trois pays seraient en droit d’imposer un tarif de 30% sur les biens qu’ils importent de Suisse, ce qui leur permettrait de récupérer 15 milliards d’euros, les 15 milliards que leur coûte chaque année le secret bancaire suisse.

c)c - La vérification. Il s’agit de créer des outils de vérification car, une fois que les paradis fiscaux auront accepté de coopérer, il faudra bien s’assurer qu’ils le font en pratique.

1)1 - Un cadastre financier mondial. Ce que Gabriel Zucman qualifie lui-même comme étant « l’une de ses propositions centrales » est de créer le cadastre financier du monde. Zucman fait référence à la création, en 1791, par l’Assemblée Constituante, du premier cadastre de la France pour recenser toutes les propriétés immobilières, qui étaient alors la première fortune patrimoniale. Ce cadastre était la première étape permettant ensuite d’imposer les privilégiés de l’Ancien Régime, la noblesse et le clergé. Zucman dit que l’outil « cadastre financier mondial » est indispensable pour faire fonctionner l’échange automatique d’informations. Il s’agit « tout simplement d’un registre indiquant qui possède l’ensemble des titres financiers en circulation, les actions, les obligations et les parts de fonds d’investissement du monde entier ». Ce cadastre permettrait aux administrations fiscales de vérifier que les banques, onshore et surtout offshore, leur transmettent bien toutes les données dont elles disposent. Zucman rappelle que des registres similaires, et fragmentaires, existent déjà, mais qu’ils sont dispersés et sous la gestion de sociétés privées. Au cours des années, les États-Unis, par exemple, ont mis en place une structure (la Depository Trust Corporation - DTC) qui garde dans ses coffres tous les titres émis par les sociétés américaines (la Banque Fédérale de New York gardant, quant à elle, ceux de la dette publique). Les banques ont chacune un compte auprès de la DTC ; quand un de leurs clients vend un titre, leur compte est débité et celui de la banque de l’acheteur est crédité. Ainsi, plus aucun morceau de papier n’avait à circuler. Désormais, avec la dématérialisation et l’électronique, ce sont les ordinateurs qui gardent la trace de qui détient quoi. Zucman nous dit que tous les pays font de même et ont leur propre dépositaire central. Pendant le même temps, pour les titres qu’il qualifie « apatrides » (qu’on peut difficilement rattacher à un État) et qui n’ont aucun dépositaire central naturel, deux sociétés sont venues combler le vide et jouent pour eux le rôle de registre (Euroclear en Belgique et Clearstream au Luxembourg). Clearstream, par exemple, joue, depuis l’origine, le rôle de gestion des stocks, gardant dans ses coffres, et dans la mémoire de ses ordinateurs, les titres financiers « apatrides » et tenant le livre de qui les possède. Puis, Clearstream s’est mise à jouer aussi le rôle de chambre de compensation (clearing house), activité de gestion de flux qui consiste à établir, à la fin de chaque journée, les engagements qu’ont tous les acheteurs et les vendeurs du marché les uns envers les autres, afin de transformer des millions d’ordres bruts en un nombre réduit d’opérations nettes. Zucman précise que cette activité de compensation ne présente pas d’intérêt particulier pour la lutte contre les paradis fiscaux, au contraire de l’activité de dépositaire central permettant d’authentifier les propriétaires des billions de dollars de titres.


Il faut noter que Hervé Falciani, qui travaille depuis quelques mois en France aux côtés du Directeur Général des Finances Publiques, préconise la lise en place d’un cadastre des activités bancaires agrégeant les transactions et les activités bancaires.

2)2 - Un cadastre financier mondial géré par le FMI. Zucman estime que le Fonds Monétaire International (FMI) lui semble être l’organisation la mieux placée pour superviser ce cadastre financier mondial. Pour ce faire, le FMI aurait quatre missions. Il aurait à maintenir un registre mondial des titres en circulation en se fondant sur les bases informatiques de la DTC, d’Euroclear Belgique, de Clearstream, d’Euroclear France et de tous les autres dépositaires centraux nationaux. Il aurait aussi à s’assurer que le cadastre global inclut bien l’ensemble des actions et des obligations, en vérifiant les informations fournies par les dépositaires et en les confrontant avec les autres sources disponibles (notamment les bilans des sociétés). Le FMI devra aussi identifier les bénéficiaires effectifs des titres. Actuellement, la plupart des dépositaires n’enregistrent pas dans leurs fichiers le nom des propriétaires réels, mais seulement celui des intermédiaires – banques, fonds d’investissement, etc – par lesquels ces derniers transitent. Il conviendrait de généraliser l’obligation faite à tous les établissements, dans le cadre de la lutte contre le blanchiment et contre le financement du terrorisme, de connaître le nom et l’adresse de leurs clients ultimes. Enfin, le FMI devra garantir à toutes les administrations fiscales de pouvoir accéder au cadastre financier mondial. Ainsi, chaque administration fiscale, pour chaque pays, pourra vérifier que tous les titres possédés par ses contribuables sont bien déclarés et que les banques offshore, étrangères donc, fournissent effectivement toutes les informations dont elles disposent.
Gabriel Zucman écrit : « Sans cadastre financier globalisé, il n’y a pas de contrôle possible sur les paradis fiscaux. Le risque est évident : que l’échange automatique n’existe que dans les discours et pas dans les actes, et que les ultra-riches cachent en toute impunité une part croissante de leur fortune ». Très rapidement, une fois que sera créé ce premier cadastre mondial qui ne recensera que les actions, les obligations et les parts de fonds d’investissement, il faut, note Zucman, que ce cadastre soit étendu aux produits dérivés.

3)3 - Un impôt sur le capital. Zucman préconise, en même temps, la création d’un impôt mondial sur le capital financier, impôt prélevé à la source. Il imagine cet impôt mondial au taux de 2%. Chaque année, le FMI prélèverait pour le compte des différents pays 2% de la valeur de tous les titres financiers (dont il détient la liste complète), et donc, par exemple, 2% de la valeur des portefeuilles détenus par des Français. Afin de pouvoir récupérer ce qui leur a été pris par le FMI, ces contribuables devraient déclarer leur patrimoine sur leur feuille d’impôt en France. Les contribuables les plus fortunés, ceux qui, aujourd’hui, payent un ISF au taux de 1,5%, seraient donc remboursés à hauteur de 0,5%. Les moins riches, non imposables sur leur patrimoine, se feraient rembourser l’intégralité des 2%. Avec ce système, Zucman montre que chaque pays préserve sa souveraineté fiscale, en imposant ou pas, aux taux qu’il souhaite, les patrimoines de ses ressortissants. Avec ce système, les sociétés-écrans, les trusts, les fondations, etc, seront aussi prélevés à la source par le FMI. Ensuite, pour être remboursés, les bénéficiaires en dernier ressort devront se faire connaître auprès de leur administration fiscale nationale.

4)4 - Contre l’optimisation fiscale des multinationales. Zucman note que l’existence éventuelle d’un impôt progressif sur la fortune ne supprime pas la nécessité d’un impôt sur les profits annuels des sociétés. Il constate, à juste titre, que l’existence des paradis fiscaux a vidé, et vide l’impôt sur les sociétés de toute effectivité pour les multinationales. Il aurait même pu ajouter que, grâce aux paradis fiscaux, les multinationales payent très peu d’impôts aux budgets des États, qu’elles font de la concurrence déloyale aux autres entreprises plus petites, qu’elles peuvent ainsi, progressivement, s’accaparer une partie de leurs clientèles et de leurs marchés, qu’elles peuvent ensuite distribuer plus de dividendes à leurs actionnaires et à leurs cadres dirigeants, qui seront eux-mêmes plus riches et utiliseront aussi les paradis fiscaux, et que tout ceci contribue à accroitre les difficultés budgétaires des États. Les multinationales localisent fiscalement leurs bénéfices et leurs opérations et activités là où elles seront le moins taxées. Les autres États ont renoncé à taxer les profits « réalisés » hors de leur territoire en signant des centaines de traités internationaux (conventions fiscales bilatérales) dits pour éviter la « double imposition » et qui, en pratique, se traduisent par une double non-imposition. Gabriel Zucman explique aux lecteurs que l’optimisation fiscale des multinationales repose sur deux grandes techniques, celle des prêts intragroupes et celle des prix de transfert. Ces deux procédés sont effectivement souvent employés par les multinationales pour échapper en très grande partie à l’impôt, mais Zucman omet d’autres procédés, comme le recours au marché des produits dérivés ou à celui des produits hybrides qui sont aussi d’autres moyens pour créer de l’opacité et de l’impunité.

Pour remédier à cet inconvénient fort, et à cette injustice criante, Zucman préconise de taxer les profits mondiaux. Ces profits mondiaux seraient, dans un deuxième temps, attribués aux différents États en fonction d’un certain nombre de critères (ventes réalisées dans chaque pays, masse salariale, capital utilisé pour la production, investissements localisés, etc). Une fois les profits attribués aux différents pays, chacun resterait libre de les taxer effectivement au taux qu’il souhaite.

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Remarques personnelles à propos du livre de Gabriel Zucman.

1)1 - Un auteur qui ne se laisse pas leurrer par les discours officiels contre les paradis fiscaux. L’intérêt que je trouve à ce livre est qu’il montre que les paradis fiscaux ne se sont jamais aussi bien portés qu’aujourd’hui et que l’impunité pour les fraudeurs reste quasi totale. Gabriel Zucman n’est pas dupe de toutes les agitations médiatiques faites depuis quelques années par les principaux gouvernements sur ces questions : les engagements pris par les paradis fiscaux sont bien trop flous et les moyens de contrôle bien trop faibles pour pouvoir espérer une quelconque amélioration dans les années à venir. Il qualifie de « mascarade » l’attitude des gouvernements du G20 et de l’OCDE lors de leur réunion de Londres le 2 avril 2009. Je pense qu’il a tout à fait raison sur ce point. Les principaux médias, qui appartiennent en général à de grands groupes industriels et financiers, nous donnent alors à voir un « personnel politique » qui s’agite et dénonce, qui dénonce la finance irresponsable (sans rappeler que cette situation résulte d’une succession et de l’accumulation de décisions, de lois, de traités pris par eux mêmes) et qui proclame que dorénavant c’est terminé. Mais on ne nous donne pas à voir la réalité, tant des mesures de « rétorsion » que des pratiques sans cesse innovantes de la finance libéralisée. Il nous est dit que « des pas de géants » ont été pris, alors que les reculs se poursuivent.

2)2 - La faiblesse de ce livre, c’est que les solutions préconisées ne visent que les paradis fiscaux. L’auteur fait « comme si » il suffisait de s’attaquer aux paradis fiscaux, certes de façon déterminée, certes par une liaison coordonnée entre plusieurs états, pour vaincre le secret bancaire. Par ailleurs, et dans ses actions tournées contre les paradis fiscaux, il semble ne pas tenir compte des réalités politiques du moment quand il met en ordre de bataille des États contre les paradis fiscaux.

3)3 - L’omission des réalités politiques des gouvernements. Prenant en exemple le gouvernement français de 1962 qui a pu faire plier le paradis fiscal monégasque en bloquant les frontières de l’Etat monégasque, il estime qu’une coalition de pays est en mesure aujourd’hui de mettre en échec des paradis fiscaux par des sanctions appropriées. Pour faire rendre gorge à la Suisse, il « suffit » que l’Allemagne, la France et l’Italie, qui représentent 35% des exportations suisses, et seulement 5% de ses débouchés, imposent des droits de douane aux produits suisses. En fixant ces droits de douane à 30%, ces trois Etats récupèreraient ce que leur trésor public perd chaque année du fait des fraudes fiscales organisées par la Suisse à leur encontre. Selon Gabriel Zucman, ces droits de douane ne pourraient être repoussés par l’OMC car les pratiques de la Suisse conduisent à des concurrences déloyales. De même, il préconise d’envoyer la canonnière contre le Luxembourg en excluant ce « pays » de l’Union européenne, le comparant plus ou moins à une plate forme offshore, à un territoire « hors sol » qui n’est même plus un État. Manifestement, il ne croit pas aux relations diplomatiques entre les États et les paradis fiscaux !

Il a probablement raison quand il parle de rapport de force, mais il ne s’agit pas seulement d’un rapport de force entre tous les principaux États et les paradis fiscaux. Il s’agit surtout d’un rapport de force à l’intérieur des principaux États. Rien que pour faire plier la Suisse, où le seul « accord » de trois pays (Allemagne, France, Italie) lui semble nécessaire, il faudrait déjà que les gouvernements de ces trois États soient tous d’accord pour récupérer de l’argent de leurs principaux riches ressortissants qui ont recours au secret bancaire suisse. Ces gouvernements s’attaqueraient certes à la Suisse, mais ils s’attaqueraient surtout aux riches Français, Allemands et Italiens qui ont des comptes secrets en Suisse. Et là c’est tout de suite une autre histoire. Il n’y a guère, en début 2013 encore, il n’y avait aucun risque que ceci se produise en France car le ministre du Budget lui même, celui qui est chargé de lutter contre la fraude fiscale, avait eu un compte secret en Suisse ! En 1962, c’est le Président de la République Charles De Gaule qui a mis en œuvre la pression sur la principauté de Monaco, et sur les avoirs des Français qui utilisaient le paradis fiscal monégasque. C’était celui qui avait dit que « la politique de la France ne se fait pas à la corbeille ». Aujourd’hui, il serait amené à dire, pour rester dans le ton, que le gouvernement ne change pas de politique en fonction de l’humeur des marchés. Il serait bien le seul ! Non seulement les gouvernements agissent au gré des fluctuations des marchés, des agences de notation, mais dans beaucoup de domaines ce sont même « les marchés » qui décident des politiques publiques.

C’est une omission importante faite par Gabriel Zucman qui ne s’interroge pas pour essayer de comprendre pourquoi, jusqu’à présent, aucune des mesures annoncées avec grand tapage pour agir contre les paradis fiscaux n’a été efficace. Nous ne sommes pas dans une période de résistance des gouvernants par rapport à une finance omniprésente et qui occupe des domaines de plus en plus vastes. Nous sommes dans une période de connivence et de complicité entre des « élites politiques » et des « élites financières, économiques, médiatiques, etc ». Les va-et-vient des « hauts fonctionnaires et des membres des Cabinets entre le Ministère de l’Économie et des Finances (Bercy) et les directions des grandes banques, des principales compagnies d’assurances, des grandes entreprises, sont connus et toujours largement pratiqués. Et ceci se constate aussi pour les autres ministères où les hauts fonctionnaires et les membres des cabinets naviguent, au gré de leurs plans de carrière et des éventuelles changements « de majorité », vers les principaux avionneurs, multinationales du BTP, laboratoires pharmaceutiques, industriels de la chimie ou de l’agro-alimentaire, etc. C’est ainsi que ceux qui sont chargés de rédiger les textes destinés à « réguler » les secteurs sont souvent issus de ces secteurs, quand ce ne sont pas les professionnels eux mêmes qui rédigent, de fait, les textes. C’est un peu comme si les clefs de la prison étaient confiées aux prisonniers et la rédaction du Code Pénal aux criminels. Il faut, certes, incriminer les personnes dans de tels cas, mais ce serait largement insuffisant. C’est un système de gouvernance délibérément mis en place où la classe dirigeante est interchangeable et s’organise pour tenir toutes les manettes des pouvoirs. Bien entendu, ceci n’est pas particulier à la France. Il en est de même en Italie et en Allemagne, et il serait donc étonnant que les gouvernements de ces trois pays se mettent sérieusement en mesure de faire rendre gorge à la Suisse.

De même, il préconise d’envoyer la canonnière contre le Luxembourg, constatant peut-être que ce « pays » ne pèse guère (2.500 km2 quand le département de la Moselle en fait 6.200, et 500.000 habitants quand la Moselle en a plus d’un million). Et, pour autant, la France et l’Allemagne cèdent devant le Luxembourg, et même l’ensemble des Etats de l’Union européenne recule devant chaque ultimatum du Grand-Duché. Là encore, Zucman ne va pas jusqu’au bout de l’analyse. Puisqu’il parle de la manière forte, il lui faudrait peut-être s’interroger pour comprendre pourquoi la France, par exemple, envoie des troupes dans un pays d’Afrique quand un ingénieur d’Aréva est pris en otage ou quand des zones d’extraction de Terres rares sont menacées et qu’elle déploie le tapis rouge et distribue des Légions d’Honneur aux dirigeants d’un petit État qui participe grandement au déficit du Budget de l’État. Tout ceci est la marque d’une grande connivence entre dirigeants qui rend nécessaire d’envisager des stratégies adaptées à cette réalité.

Cette connivence se constate aussi dans la plupart des pays riches et développés, y compris bien entendu aux États-Unis où il a par exemple été noté que nombre de « conseillers » de Barack Obama venaient de « l’administration » de George W. Bush et surtout des multinationales qui financent les campagnes électorales. Et cette mainmise des lobbies industriels et financiers dans la « gouvernance » des Etats se fait parfois sans aucune retenue. C’est ainsi que la « pieuvre » Goldman Sachs a été autorisée à placer ses pions directement à la tête de plusieurs pays, particulièrement en Europe, ou dans les structures dirigeantes d’institutions européennes ou internationales. Avec l’exemple grec on peut même voir une banque fortement responsable des difficultés d’un pays se retrouver ensuite à la direction de ce pays pour faire subir un régime d’austérité très forte à l’égard de la majorité de la population, tout en continuant d’exonérer ceux que Zucmam appelle les « ultra-riches ».
Il y a très certainement plusieurs explications à cette grande tolérance des classes politiques dirigeantes à l’égard des excès des banquiers, des financiers, et, plus globalement, de « l’élite » économique : il s’agit en partie du même monde, comme nous le montrent souvent les études menées par le couple Pinçon-Charlot, un même monde qui co-participe à la gestion du monde dans son propre intérêt collectif. Nous nous aveuglons souvent sur les réalités de notre environnement socio-politique. Nous reconnaissons facilement que, dans le passé, celui de notre pays ou celui d’autres pays, des classes privilégiées se sont organisées pour justifier leurs positions sociales (leurs privilèges pouvant être assumés comme tels, mais « légitimés » » car ces personnes relevant d’une autre « essence » que les masses ; ou leurs privilèges étant cachés, et niés par eux-mêmes, mais pour autant toujours confortés pour que ça dure). Mais nous avons des difficultés pour accepter que ceci pourrait encore être vrai aujourd’hui, au XXIème siècle ! Nous nous illusionnons sur la transparence dans la gestion des choses, sur la multiplication et le foisonnement des informations qui rendraient impossibles des arrangements, etc. Il y a aussi, certainement, le fait que, dorénavant, des forces politiques qui voudraient s’opposer sérieusement au secret bancaire mené par les principales places financières devraient être certaines d’être en mesure d’échapper à toute mesure de chantage. Aujourd’hui, par exemple, les directions des banques suisses sont en mesure de savoir quels sont les dirigeants politiques ou autres qui ont des comptes chez eux. Tout ce monde se « tient par la barbichette », et un dirigeant qui serait réellement offensif ne pourrait être qu’un dirigeant ne craignant pas de voir son nom sortir dans la presse sur une liste de « comptes en Suisse ». Tous les autres font semblant.

4)4 - Le livre de Gabriel Zucman souffre aussi d’une autre faiblesse. En ne préconisant que des mesures à l’égard des territoires offshore, il omet totalement de s’attaquer aux principaux utilisateurs des paradis fiscaux, les banques et les multinationales, qui en sont souvent aussi les initiatrices. Zucman a bien vu que les paradis fiscaux sont totalement imbriqués dans la finance libéralisée et mondialisée, il rappelle que ces territoires sont très largement utilisés par les principales multinationales, dont les banques, mais il omet de s’attaquer à ces principaux utilisateurs. De très nombreux territoires offshore sont des créations des principales places financières. La moitié d’entre eux sont nés sous l’impulsion de juristes mis à leur disposition par la City de Londres. Wall Street a son réseau de paradis fiscaux. Toronto a quelques îles dans les Caraïbes qui ont pu adopter, moyennant arrangements, des législations favorables aux industries extractives faisant de cette place financière canadienne une spécialiste dans la localisation et la cotation de ce genre d’entreprises. Les banques de Francfort ne sont pas étrangères à la transformation du Grand Duché du Luxembourg en paradis fiscal. La place financière de Paris a aussi ses territoires francophones défiscalisés, sur le vieux continent, dans l’Atlantique, les Caraïbes, le Pacifique et l’Océan indien. Les territoires offshore ont des législations commerciales, fiscales, bancaires, etc, rédigées très souvent par des juristes et des fiscalistes liés à des banques et à des multinationales qui sont mis là pour pouvoir faire adopter des législations et des réglementations « sur mesure ». C’est aussi ce qui explique en partie la « spécialisation » des paradis fiscaux et, désormais, leurs complémentarités pour le plus grand bénéfice des plus grandes multinationales.

Pour pouvoir espérer agir efficacement contre les paradis fiscaux, il faut certainement conjuguer des actions nationales unilatérales contre tout ce qui est venu libéraliser la finance depuis 25 ans, et des conjonctions d’actions entre quelques pays contre des territoires, des multinationales, des banques, etc. Tout ceci implique une intervention forte et déterminée des citoyens pour faire réellement pression sur les classes dirigeantes. La réduction des méfaits des paradis fiscaux s’inscrit dans une politique globale de régulation de la finance.

Gérard Gourguechon est un ancien inspecteur des impôts et syndicaliste français, ancien secrétaire général du Syndicat National Unifié des Impôts (SNUI) , ancien porte-parole du Groupe des Dix devenu Union syndicale Solidaires, ancien Vice-président du Conseil scientifique d’Attac et toujours membre du Conseil scientifique d’Attac (Fiscalité, mondialisation financière, paradis fiscaux, etc) et membre de la Fondation Copernic (Fiscalité, Dépendance, etc).

 

Source : cadtm.org

 

 

 

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21 décembre 2013 6 21 /12 /décembre /2013 21:09

 

Source : www.reporterre.net

 

Notre Dame des Landes, la publication des arrêtés soude les opposants

Nicolas de La Casinière (Reporterre)

samedi 21 décembre 2013

 

 

 

 

L’Etat va-t-il tenter le passage en force ? Le préfet de Loire-Atlantique vient de publier samedi après-midi les arrêtés censés permettre le début des travaux à Notre Dame des Landes. A télécharger ici. Cet acte de l’Etat devrait entraîner rapidement le dépôt de recours juridiques. Sur le terrain et dans toute la France, on se prépare à une éventuelle intervention policière.

 


 

- Correspondance, Nantes

Attendus en novembre, reportés, annoncés en fin de semaine dernière, quatre arrêtés relatifs au projet d’aéroport de Notre Dame des Landes ont été promulgués ce samedi 21 décembre dans l’après-midi, sur le site du recueil des actes administratifs de la préfecture de Loire-Atlantique. Cet acte juridique entend ouvrir la voie à un début de travaux.

Quatre arrêté ont été publiés :

- deux de dérogations à la loi sur les espèces protégées :

PDF - 6.9 Molien

et

PDF - 3.6 Molien

- un de dérogation à la loi sur l’eau :

PDF - 8.4 Molien

- un sur la desserte routière du projet d’aéroport :

PDF - 8.7 Molien

Du côté du collectif de juristes qui assiste les opposants au projet, les recours sont prêts. Dès publication, un référé suspension pourra être déposé. Ils escomptent que cela interrompra la possibilité pour les porteurs de projet, Vinci et l’Etat, de s’appuyer sur la base légale des arrêtés pour lancer des préparatifs à un grand chantier de défrichage et de bucheronnage, ainsi que les expulsions de celles et ceux qui occupent le terrain.

Ce référé suspension accorderait au moins un délai avant qu’il ne soit purgé. Un délai ? « Deux mois » a évalué le préfet Christian de Lavernée lors de sa dernière conférence de presse lundi 16 décembre. Bien davantage, estiment des opposants. C’est aussi ce que semble penser Vinci : selon le témoignage d’une personne présente lors de la conférence de presse, Eric Delobel, en charge chez Vinci de la réalisation de l’aéroport, faisait la grimace quand Christian de Lavernée a parlé de deux mois.

 

*Suite de l'article sur reporterre.net

 

Source : www.reporterre.net

 

 

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21 décembre 2013 6 21 /12 /décembre /2013 20:45

 

Source : blogs.mediapart.fr/blog/attac-france

 

Traité transatlantique: Non aux privilèges pour les investisseurs!

Alors que le troisième round de négociation de l'accord commercial entre l’Europe et les Etats-Unis se termine aujourd'hui à Washington, nous publions la traduction d'une lettre signée par plus d'une centaine d'organisations de part et d'autres de l'atlantique (dont la fédération syndicale états-unienne AFL-CIO ou encore le réseau des Attac d'Europe) adressée aux négociateurs états-unien et européen.

Dans cette lettre, les organisations signataires expriment leur préoccupation quant à l'insertion dans l'accord d'un mécanisme de réglement des différend investisseur-Etat, jugée comme une grave atteinte démocratique, en ce qu'il obligerait les gouvernements à payer, avec l’argent des contribuables, des compensations à des entreprises privées pour des « préjudices » qui seraient liés à des mesures environnementales, sociales, de santé publique et décisions d’intérêt public.

 (Consulter la version anglaise sur le site de S2B)



Monsieur l'ambassadeur Michael Froman, Monsieur le commissaire Karel De Gucht,

Les organisations signataires de cette lettre souhaitent vous exprimer leur opposition à l’inclusion d’un mécanisme de règlement des différends investisseur-Etat dans le partenariat transatlantique de commerce et d’investissement (PTCI).

Un tel mécanisme garantit aux entreprises étrangères le droit de porter plainte devant des tribunaux d’arbitrage privés et de remettre en question les décisions et initiatives des gouvernements qui compromettraient leurs investissements. Même dans le cas où la législation s’appliquerait également aux entreprises nationales et étrangères, le mécanisme de règlement des différends permet aux entreprises étrangères de réclamer des compensations en l’absence d’un « environnement réglementaire stable ».

Ces dernières années, les recours à des mécanismes de règlement des différends pour remettre en question des mesures prises par des gouvernements se sont multipliés de manière préoccupante. L’inclusion de tels mécanismes dans des traités de libre-échange ou des traités bilatéraux d’investissement a permis aux entreprises de déposer plus de 500 plaintes contre 95 gouvernements. De nombreuses de ces plaintes visent directement des mesures d’intérêt public ou de protection de l’environnement. Pour ces raisons, nous vous pressons d’exclure ce type de mécanisme du PTCI.

  • Le mécanisme de règlement des différends obligerait les gouvernements à payer, avec l’argent des contribuables, des compensations à des entreprises privées pour des « préjudices » qui seraient liés à des mesures environnementales, sociales, de santé publique et décisions d’intérêt public.

Tel type de mécanisme a été utilisé pour attaquer des mesures d’intérêt public portant sur les énergies propres, l’utilisation des terres, l’extraction, la santé, le droit du travail. En fait, les 16 procès en cours dans le contexte des accords de libre-échange étatsuniens, qui représentent plus de 14 milliards de dollars, concernent tous des mesures environnementales, énergétiques, de santé publique, d’utilisation des sols, de transport ou de régulation financière – et pas d’enjeux commerciaux classiques.

Les entreprises instrumentalisent de plus en plus les mécanismes de règlement des différends pour remettre en question des mesures gouvernementales, même non discriminatoires. Par exemple, des investisseurs européens ont attaqué l’augmentation du salaire minimum égyptien, et une entreprise étatsunienne a engagé des poursuites contre la décision du gouvernement péruvien de réguler la gestion des déchets toxiques, ainsi que de fermer une fonderie dangereusement polluante, via des mécanismes de règlement des différends. Dans un des cas les plus emblématiques, le géant cigarettier Philip Morris a déposé une plainte contre l’Australie et l’Uruguay pour remettre en cause leur législation anti-tabac, après avoir échoué à empêcher l’adoption de ces mesures de santé publique via les juridictions nationales.

Eu égard au nombre considérable d’entreprises enregistrées de part et d'autres de l'atlantique, le nombre de poursuite contre des mesures d’intérêt public risquerait d’augmenter de manière préoccupante si un mécanisme de règlement des différends était inclus dans le PTCI. Les gouvernements doivent conserver des marges de manœuvres pour mettre en place des mesures d’intérêt général sans risquer de se faire attaquer par des entreprises.

  • Un mécanisme de règlement des différends remet en cause la prise de décision démocratique.

Un tel mécanisme permet aux entreprises étrangères de remettre en cause devant des tribunaux privés des mesures prises par les gouvernements, court-circuitant les cours nationales et mettant en place un nouveau système juridique exclusivement à disposition des investisseurs étrangers et multinationales. Il permet aussi aux entreprises de remettre en question les décisions des juridictions nationales, remettant encore davantage en cause les processus de prise de décision démocratiques. En bref, le mécanisme de règlement des différends offre une voie royale aux entreprises pour remettre en cause les mesures des gouvernements, alors que ni les citoyens, ni les gouvernements ne disposent de droits équivalents pour tenir les entreprises responsables de leurs agissements.

  • Les systèmes légaux de part et d’autres de l’atlantique sont d’ores et déjà en mesure de gérer les différends en matière d’investissement.

Les Etats-Unis et l’Union européenne disposent déjà de juridictions fortes et garantissent les droits de propriété. L’inclusion d’un mécanisme de règlement des différends dans le PTCI n’apporterait rien, sinon de nouvelles opportunités pour les entreprises d’attaquer des législations validées par les juridictions nationales. Un mécanisme des règlements des différends d’Etat à Etat serait largement suffisant dans le cadre du PTCI pour gérer les conflits en matière d’investissement.

Pour ces préoccupations entre autres, nos organisations sont opposées à l’inclusion d’un mécanisme de règlement des différent investisseur-Etat dans le PTCI. Nous vous demandons donc d’exclure ce mécanisme de vos négociations.

Signataires :

Organisations internationales

-          350.org

-          Global Marshall Plan Initiative

-          Greenpeace

-          IBFAN

-          International Trade Union Confederation

-          Naturefriends International

-          Transnational Institute

Organisations étatsuniennes :

-          ActionAid USA

-          African Services Committee, U.S. and Ethiopia

-          American Federation of Labor and Congress of Industrial Organizations (AFL-CIO)

-          American Federation of State, County and Municipal Employees (AFSME)

-          Americans for Democratic Action

-          Blue Green Alliance

-          Center for Digital Democracy

-          Center for Effective Government

-          Center for Food Safety

-          Center for International Environmental Law (CIEL)

-          Citizens Trade Campaign

-          Coalition for Sensible Safeguards

-          Communications Workers of America (CWA)

-          Consumer Action

-          Consumer Federation of America

-          Consumers Union

-          Earthjustice

-          Environmental Investigation Agency

-          Fair World Project

-          Farmworker Association of Florida

-          Food & Water Watch

-          Friends of the Earth U.S.

-          Health GAP (Global Access Project)

-          Indiana Toxics Action Project

-          Institute for Agriculture and Trade Policy

-          Institute for Policy Studies, Global Economy Project

-          International Brotherhood of Boilermakers

-          International Brotherhood of Teamsters

-          International Fund for Animal Welfare

-          Knowledge Ecology International

-          National Association of Consumer Advocates

-          National Legislative Association on Prescription Drug Prices

-          National Wildlife Federation (NWF)

-          Natural Resources Defense Council (NRDC)

-          Oil Change International

-          Pesticide Action Network North America

-          Portland Area Global AIDS Coalition-Global South

-          Public Citizen

-          Sierra Club

-          Sisters of Notre Dame de Namur Justice and Peace Network

-          Sustainable Energy & Economy Network

-          United Steelworkers (USW)

-          Women's Voices for the Earth

Organisations européennes

-          11.11.11, Belgium

-          Act Up, France

-          Africa Europe Faith and Justice Network

-          (AEFJN) Belgium

-          Afrika Kontakt, Denmark

-          A G Post-Fossil, Germany

-          AITEC, France

-          Alliance for Cancer Prevention, UK

-          Amigos de la Tierra (FoE Spain)

-          Aquattac, Europe

-          Arbeiterkammer Wien (Chamber of Labour Vienna), Austria

-          Arbeitsgemeinschaft bäuerliche Landwi

-          rtschaft (ABL), Germany

-          Arbeitskreis Heckenschutz, Germany

-          ATTAC Austria

-          ATTAC Darmstadt, Germany

-          ATTAC France

-          ATTAC Germany

-          Attac Gruppe Schwalm-Eder, Germany

-          ATTAC Stuttgart, Germany

-          Attac Wuppertal (Agrargruppe), Germany

-          Austrian Trade Union Federation (ÖGB)

-          Baby Milk Action, UK

-          Bee Life European Beekeeping Coordination

-          Berliner Wassertisch (Berlin Watertable), Germany

-          Buglife -The Invertebrate Conservation Trust, Europe

-          BUND e.V. - Friends of the Earth Germany

-          Bürgerinitiative Fracking freies Hessen, Germany

-          Bürgerinitiative für ein lebenswertes Korbach, Germany

-          Campact e.V., Germany

-          CEE Bankwatch Network, Europe

-          Center for Encounter and Active Non-violence, Austria

-          Chaos Computer Club e.V., Germany

-          ClientEarth, UK, Belgium, Poland

-          Climate Action Network Europe

-          CNCD-11.11.11, Belgium

-          Corporate Europe Observatory, Belgium

-          Danish Ecological Council

-          Décroissance Bern, Switzerland

-          Deutsche Umweltstiftung, Germany

-          Deutscher Berufs-und Erwerbsimkerbund e.V

-          Deutscher Naturschutzring (DNR), Germany

-          DIVaN e.V., Germany

-          Earth Watch Media, Netherlands

-          Ecologistas en Acción, Spain

-          EcoNexus, UK and

-          International

-          European Attac Network, Europe

-          European Environmental Bureau (EEB)

-          European Federation of Public Service Unions (EPSU)

-          European Professional Beekeepers Association

-          European Public Health Alliance

-          Fairwatch, Italy

-          Federation of Greek Beekeepers Associations

-          Forschungs-und Dokumentationszentrum Chile-Lateinamerika e.V., Germany

-          Friends of the Earth Europe

-          Gemeingut in BürgerInnenhand (GiB), Germany

-          Gen-ethisches Netzwerk, Europe

-          German Nature and Biodiversity Conservation Union

-          (NABU), BirdLife partner, Germany

-          German NGO Forum on Environment and Development

-          Germanwatch

-          Gewerkschaft der Gemeindebediensteten-Kunst, Medien,

-          Sport, freie Berufe (GdG-KMSfB), Austria

-          Global Responsibility –Austrian Platform for Development and Humanitarian Aid, Austria

-          Health Action International

-          Health and Environment Alliance (HEAL), Europe

-          Health Care Without Harm, Europe

-          Health Poverty Action, UK

-          Ibfan Italia, Italy

-          Initiativ Liewensufank, Luxemburg

-          Initiative für Netzfreiheit, Austria

-          Institut za trajnostni razvoj(Institute for Sustainable Development), Slovenia

-          John Mordaunt Trust, UK

-          Keep Our NHS Public, United Kingdom

-          KEPKA (Consumers Protection Center), Greece

-          Lambeth Keep Our NHS Public, UK

-          Les Verts du Golfe, France

-          Milieudefensie, Friends of the Earth Netherlands

-          National Union of Teachers, UK

-          NaturFreunde Deutschlands, Germany

-          NOAH, Friends of the Earth Denmark

-          No Moor Fracking, Germany

-          ÖBV-Via Campesina Austria

-          Occupy London Economics Working Group, UK

-          Occupy London -Real Democracy Working Group, UK

-          One World Week-UK

-          Patients4nhs, UK

-          PELLETIER, Rhone-Alpes

-          PEGAH -Verein für regionale und globale Kunst und Kultur / Iranischer Kunst - und Kulturverein, Germany

-          Pesticide Action Network Europe

-          Piratenpartei, Germany

-          PowerShift e.V., Germany

-          PRO-GE, Austria

-          Quercus – ANCN, Portugal

-          Reseau Environment Sante, France

-          R.I.S.K. Consultancy, Belgium

-          Slovene Consumers Association, Slovenia

-          Slow Food Deutschland e.V., Germany

-          SOMO, Netherlands

-          StopTTIP, UK

-          Student Stop AIDS Campaign, UK

-          SÜDWIND, Austria

-          The Berne Declaration, Switzerland

-          The Cancer Prevention & Education Society, England

-          The Danish Ecological Council

-          The Energy, Equity and Environment Group of Occupy London

-          Therapeutikum Wuppertal e. V., Germany

-          Tower Hamlets Keep Our NHS Public, UK

-          Trade Justice Movement, UK

-          Trades Union Congress, UK

-          Traidcraft Exchange, UK

-          Transition Town Brixton, UK

-          Transport & Environment

-          UK National Hazards Campaign, UK

-          Umweltdachverband, Austria

-          UNISON, UK

-          Vrijschrift, Netherlands

-          War on Want, UK

-          Wasser in Bürgerhand (WIB), Germany

-          Women and Development (KULU), Denmark

-          Women in Europe for a Common Future

-          World Development Movement (WDM), UK

-          World Economy, Ecology & Development (WEED), Germany

-          WWF European Policy Office

Africa

-          AIDSCARE WATCH ORG, Kenya

-          Center for Health Human Rights and Development, Uganda

-          Girls-Awake Foundation (GAF), Uganda

-          Treatment Action Campaign, South Africa

Asia

-          IBFAN-ICDC, Malaysia

Latin America

-          Democracy Center, Bolivia

-          LATINDADD

 

 

Source : blogs.mediapart.fr/blog/attac-france

 

 

 

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21 décembre 2013 6 21 /12 /décembre /2013 20:26

 

Source : multinationales.org

 

Extractivisme

Perenco, Maurel et Prom : des firmes pétrolières françaises à l’assaut de l’Amazonie

20 décembre 2013 par Simon Gouin

 


 

Extraction pétrolière en pleine forêt vierge, projet d’oléoduc serpentant les territoires de peuples autochtones… Dans l’Amazonie péruvienne, deux compagnies pétrolières françaises, Perenco et Maurel et Prom, sont vivement critiquées par les communautés locales qui s’inquiètent des conséquences environnementales et sociales d’une future exploitation pétrolière. Ces projets constituent également une menace pour plusieurs populations indiennes refusant tout contact avec la civilisation industrielle. Interpellé par les organisations locales, le ministre du Développement Pascal Canfin n’a pour l’instant pas répondu.

Cette enquête a été publiée initialement par Basta !.

Que doit faire un employé de l’industrie pétrolière quand, au cœur de la forêt amazonienne, il tombe par hasard sur un groupe d’indiens en isolement volontaire – ces populations autochtones qui préfèrent ne pas entrer en contact avec le monde extérieur « civilisé » ? Et si ces « natifs » se révèlent menaçants ? « Les guides indiens [qui accompagnent les employés de la compagnie pétrolière] tireront en l’air des fusées éclairantes ou des bombes lacrymogènes pour les effrayer et les éloigner ». Cette recommandation figure, parmi d’autres plus pacifiques, dans le cahier de consignes que l’entreprise franco-britannique Perenco distribue à ses employés chargés de la future exploitation du « lot 67 ». Le lot 67, c’est une concession pétrolière accordée par le gouvernement péruvien à Perenco. Un gisement d’une capacité estimée à 300 millions de barils situé en pleine forêt vierge. De l’autre côté de la frontière avec l’Équateur, le parc national Yasuni, lui aussi convoité pour ses richesses pétrolières.

Problème pour Perenco : il n’y a pas que des forêts primaires et une faune exotique. Présent depuis janvier 2008, dans le Nord du Pérou, Perenco est pointé du doigt dans un rapport publié cet été par l’ONG péruvienne CooperAccion. Ce document [1] dénonce les graves conséquences environnementales que provoquerait l’extraction pétrolière au cœur de cette réserve de biodiversité. Une extraction assortie de la construction d’un pipeline de 207 kilomètres pour raccorder la zone à l’oléoduc qui file vers l’océan pacifique.

« Perenco opère au Pérou sans avoir suivi les processus appropriés de consultation des populations indigènes », note le rapport. « L’entreprise a mené de nombreuses consultations avec l’ensemble des populations locales et des communautés », répond le responsable de la communication de Perenco, Nicolas de Blanpré [2] . Un accord a bien été signé en 2012 entre Perenco, le président de la région et les leaders des communautés. « L’objectif de ce plan, précise Mark Anthelm, du service de communication de l’entreprise, est d’aider à améliorer les conditions sanitaires, de soutenir des programmes éducatifs, de développer des projets de développement durable, et de faciliter le transport local, de façon à ce que les communautés de la région puissent être aidées d’une manière durable et en complète harmonie avec leurs valeurs et culture. » Une jolie brochure, avec photos d’enfants souriants et de tranquilles villages tropicaux, fait d’ailleurs l’inventaire des projets menés par Perenco. Mais les compensations semblent bien maigres face à la pollution que pourraient engendrer d’éventuels accidents lors du transport des barils de pétrole sur les rivières de la région, principales ressources pour des milliers d’indiens.

Un pipeline pour rejoindre le Pacifique

La construction du pipeline, pour transporter le pétrole jusqu’au Pacifique, viendrait limiter ces risques – un pipeline de Perenco s’est cependant déjà rompu au Gabon en 2008, polluant une lagune. Or, d’après CooperAccion, ce pipeline serpentera le territoire de 20 000 indiens, notamment Quechua, qui n’ont pas été consultés, ni informés du projet. Il traverserait également la réserve nationale de Pucacuro, normalement protégée. Et nécessite de déboiser une zone large de 500 mètres de part et d’autre de son tracé. « Malheureusement, il n’existe pas d’autorité gouvernementale avec la capacité ou les compétences pour évaluer les impacts cumulatifs de ces projets, tant en matière de droits humains que de menaces sur l’environnement », déplore Luis Manuel Claps, auteur du rapport de CooperAccion. Les communautés locales doivent-elles s’en remettre aux seules promesses de l’entreprise ?

De son côté, Perenco assure « travailler fortement avec toutes les autorités pertinentes du Pérou et en totale conformité avec le plan de développement qui a été approuvé par Perupetro [la compagnie pétrolière nationale, ndlr] et le Ministère des Mines. » Puisque les autorités gouvernementales péruviennes ont donné leur accord, celui des 20 000 Indiens concernés comptent finalement peu... Quant à l’existence de communautés autochtones volontairement isolées, dans le voisinage du lot 67 ou du tracé de l’oléoduc, Perenco affirme ne pas avoir d’indices confirmant leurs présences. Ce qui ne l’a pas empêché d’éditer son cahier de consignes en cas de rencontres fortuites (voir le document ci-dessous, en Espagnol) [3].

Vers l’extinction de peuples autochtones ?

« Perenco et les autres entreprises qui opèrent dans la zone représentent une menace pour la survie et l’existence même de ces populations, plaide l’ONG péruvienne.Ils pourront s’éteindre si on impose à tout prix les opérations d’hydrocarbures sur leur territoire traditionnel. » Face aux critiques de CooperAccion, le projet sera-t-il repoussé ? La production commerciale doit commencer en 2013, affirme l’entreprise franco-britannique. Qui est d’ailleurs « fière de son rôle pour aider le Pérou à développer ses sources d’énergie et à avancer vers l’indépendance énergétique ». « Le respect de la nature n’est pas optionnel. Nous sommes d’accord, pas vous ? », proclame sa brochure.

Perenco n’est pas la seule entreprise pétrolière française en Amazonie péruvienne. Maurel et Prom, une « junior » hexagonale [4] s’installe dans le Nord du Pérou. Et les peuples Awajun et Wampis habitant la zone sont inquiets. En mars 2013, l’un de leurs représentants, Edwin Montenegro, président de l’Organisation régionale des peuples indigènes de l’Amazonie péruvienne (Orpian), s’est même déplacé jusqu’à Tunis pour interpeller le ministre français délégué au développement, Pascal Canfin, à l’occasion du Forum social mondial. Maurel et Prom agit sans qu’aucune consultation préalable des habitants locaux n’ait été réalisée par l’État péruvien, dénonce alors le leader indigène.

Des ordinateurs et de l’argent pour diviser les communautés ?

Au total, c’est un territoire de 6 600 km2 – soit l’équivalent de la moitié de l’ïle-de-France –dont l’entreprise française a obtenu la concession en 2010. Le « lot 116 », une réserve naturelle et un territoire indigène où vivent près de 70 000 indiens, dont la plupart seraient fortement opposés à ce projet d’exploration. « A terme, il est possible que la population doive se déplacer, à cause de la contamination de leur territoire », craint Adda Chuecas Cabrera, directrice d’un centre de recherche sur l’Amazonie [5], basé à Lima, la capitale du Pérou.

Pour l’instant, l’entreprise a réussi à convaincre une petite communauté de 400 personnes afin d’y effectuer ses forages d’exploration. « On leur a offert des ordinateurs et même de l’argent, raconte Marlène Castillo, une agronome qui a séjourné récemment dans la région. Les chefs des communautés le racontent ensuite sur la place du village ! » Une accusation reprise par l’Organisation régionale indigène : l’entreprise française, associée à l’entreprise canadienne Pacific Rubiales pour l’extraction de ces réserves, développerait des actions qui ont pour but d’acheter des dirigeants et des autorités. Ce qui aurait pour conséquence, d’après l’Orpian, de favoriser la division des organisations indigènes [6]. « Certains membres sont employés par l’entreprise, ajoute Annie Algalarrondo Alvear, qui suit les projets menés par le Secours catholique en Amazonie. Il est certain que ces employés vont ensuite convaincre plusieurs membres de leur communauté. Cela facilite le travail. »

« Au bout de deux ans, on les remercie. »

Diviser pour mieux régner : la tactique est fréquente dans l’industrie extractive. « On offre du travail à quelques-uns. On leur fait retirer les troncs que l’on dégage pour pouvoir extraire le pétrole. Les indigènes acceptent donc les projets. Mais au bout de deux ans, on les remercie », raconte FerminTivir, un avocat Awajun spécialisé dans les droits indigènes. Parfois, aussi, de nouvelles maladies apparaissent chez les indiens en contact direct avec les employés de l’entreprise, affectant la santé des populations locales. Si une petite communauté semble séduite par les apparats du progrès, version occidentale, ce n’est pas le cas des autres populations autochtones. « Or, le projet ne concerne pas seulement ce territoire, explique Marlène Castillo. En plus des 65 communautés touchées directement, 180 communautés sont touchées indirectement. Il faut absolument les consulter. »

Là aussi, le bât blesse. Edwin Montenegro, le représentant qui a interpellé Pascal Canfin, accuse aussi l’entreprise d’influencer les élections à la présidence du Conseil Aguaruna Huambisa, une organisation indigène. Quand elle ne tente pas d’en créer une… plus favorable aux intérêts de l’entreprise ! « Maurel et Prom a contourné les règles de fonctionnement des communautés et fédérations indigènes, estime Annie Algalarrondo Alvear, du Secours catholique. Ces règles sont basées, notamment, sur la délibération collective concertée. » Maurel et Prom revendique pourtant, sur son site Internet, « le plus grand respect des réglementations et populations locales ». Mais les réglementations de l’État péruvien sont aujourd’hui trop faibles pour protéger les populations des projets d’extraction : le mécanisme de consultation préalable, intégré dans la loi péruvienne, n’est pas appliqué. Tout comme une ordonnance prise au niveau régional, qui oblige à mettre en place une consultation.

« Cette zone, si elle est détruite, concerne le monde entier »

Contacté, le service communication de Maurel et Prom précise qu’il n’a pas d’interlocuteur sur le sujet, « puisque Pacific Rubiales gère le projet ». Cette entreprise canadienne a obtenu 50% des parts du projet en 2011. Puisqu’il n’est pas, officiellement, l’opérateur sur le terrain, Maurel et Prom refuse de s’exprimer, même s’il possède toujours l’autre moitié des parts. L’un de ses actionnaires de référence (à 6,85%), la Macif, une mutuelle qui assure agir « en faveur d’une économie humaniste, responsable et solidaire », aurait peut-être son mot à dire. Quant à Pascal Canfin, il n’aurait pour l’instant toujours pas répondu à la demande d’Edwin Montenegro, le président de l’Orpian.

Au total, 80% de l’Amazonie péruvienne serait ainsi concédée à des entreprises étrangères. « L’Amazonie a cette image d’un territoire où il y a peu d’habitants et où l’on peut tout extraire, précise Adda Chuecas Cabrera, à Lima. Or, cette zone, si elle est détruite, concerne l’ensemble de l’Amazonie, et donc le monde entier, toute l’humanité, ajoute-t-elle. Cela crée de la croissance économique, mais pas du développement ! » Les conséquences de l’ensemble de ces industries extractives pourraient être désastreuses. Le Pérou serait déjà le troisième pays le plus vulnérable au monde en matière de dérèglements climatiques.

Simon Gouin

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Photo de une : CC Romulo Moya Peralta
Photos : Marlene Castillo

[1Lire le rapport de l’ONG : El caso Perenco.

[2Lire l’article du Guardian du 30 juillet, en Anglais.

[3Lire aussi des extraits du rapport sur le site de l’ONG Survival France

[4Maurel et Prom est présent dans 10 pays, répartis sur 4 continents. En 2012, son chiffre d’affaire représente 472 millions d’euros. L’entreprise est aussi présente en France, en Gironde, à Mios et Lavignolle, où elle explore une zone de 215 km2, aux côtés des entreprises Marex Petroleum Corp (États-Unis) et Indorama.

[5Le Centre amazonien d’anthropologie et d’application pratique.

[6Lire le communiqué ici.

 

 

Source : multinationales.org

 

 

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