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6 janvier 2014 1 06 /01 /janvier /2014 19:26

 

Source : www.reporterre.net

 

Dans la Somme, le projet des Mille Vaches veut transformer l’agriculture en industrie

Fabrice Nicolino (Reporterre)

lundi 6 janvier 2014

 

 

 

Cette semaine, alors que le projet de loi agricole est discutée à l’Assemblée nationale, une campagne est lancée par la Confédération paysanne contre le projet de ferme-usine des "Mille vaches". Dans la Somme, ce projet d’immense étable industrielle s’apprête à bouleverser l’élevage. Reporterre commence une série d’enquêtes sur ce projet inquiétant.


 

- Envoyé spécial, Drucat-le-Plessiel (Somme)

Soit un plateau de craie intensivement livré à la pomme de terre, à la betterave, au colza, au blé. Le fleuve qui a donné son nom au département se jette dans la Manche, dans cette si fameuse baie de Somme où prospère tant bien que mal une colonie de phoques veaux-marins. Plus haut, le puissant Nord-Pas-de-Calais des barons socialistes ; plus bas, l’Île-de-France des ministères et des grandes décisions. C’est là, tout près d’Abbeville, qu’on prétend ouvrir la plus grande ferme de la longue histoire agricole française. Mille vaches. Mille vaches prisonnières de l’industrie.

Quand on arrive sur le chantier de la Ferme des Mille vaches, il vaut mieux avoir le cœur en fête, car la plaine agricole fait vaciller le regard. À perte de vue, des immenses monocultures, rases encore en ce début d’hiver. Aucun arbre. Nulle haie. L’industrie de la terre. De Drucat, aller jusqu’au hameau Le Plessiel, puis prendre à gauche la départementale 928, sur environ 500 mètres, en direction d’Abbeville, qui n’est qu’à deux pas. C’est donc là. Mais où ?

Il faut s’arrêter juste avant le Centre de formation de l’Automoto-école de la ZAC, et prendre un chemin de boue grise qui le borde. À main gauche, un no man’s land de bâtiments préfabriqués, d’asphalte râpé et d’herbes clairsemées. C’est dans ce lieu guilleret que l’on apprend à manier motos et poids lourds, avant de s’aventurer sur la route. À main droite, trois cents mètres plus loin, le vaste chantier de la Ferme des Mille vaches. Un immense hangar posé sur des piliers en acier, sans murs encore, un petit bâtiment à l’entrée, un semblant de grue, deux bétonnières, quelques ouvriers de l’entreprise belge Vanbockrijck, spécialiste des « plaques de béton coulées pour les silos ».

L’objectif de cette usine en construction ? Produire du lait à un prix de revient très bas et transformer fumier et lisier des animaux en électricité au travers d’un gros méthaniseur.

 

 

Il en est plusieurs points de départ à cette stupéfiante affaire, mais le voyage en Allemagne préfigure de nombreux développements. Habitué aux mœurs du BTP – il en est un champion régional -, le promoteur Michel Ramery embarque le 14 avril 2011 une quarantaine de personnalités de la région. Par avion. Il y a là le maire socialiste d’Abbeville, Nicolas Dumont, des conseillers généraux, des maires, dont Henri Gauret, celui de Drucat, où pourrait être construit le méthaniseur (voir encadré ci-dessous). Gauret est d’une race si peu ordinaire que s’il accepte le voyage, il exige de le payer, ce que ne feront pas les autres.

Sur place, on leur fait visiter deux fermes modèles, avec méthaniseur bien sûr. Pas d’odeur, pas de malheur : tout a été soigneusement préparé.

Je me suis dit, "Pauvres bêtes !"

Et puis plus rien. Mais un jour d’août 2011, Henri Gauret découvre avec stupéfaction qu’une enquête publique doit commencer le 22 août, alors que la moitié de la population est en vacances. « Vous comprenez, dit-il à Reporterre, Drucat est un village résidentiel de neuf cents habitants. Des habitants d’Abbeville ou même d’Amiens ont fait construire ici pour le calme, la nature. Mes premiers contacts avec Michel Ramery, fin 2010, n’ont pas été mauvais, mais quand j’ai découvert cette histoire d’enquête publique, là, comme on dit, ça m’a drôlement interpellé ». Et Gauret alerte la population du village par un courrier déposée dans la boîte à lettres, déclenchant une mobilisation générale.

Gilberte Wable s’en souvient comme si c’était hier. « Cette histoire m’a mise en colère, dit-elle à Reporterre. Mon premier mot a été pour les vaches. Je me suis dit : ’Pauvres bêtes !’. Les enfermer à mille, dans un espace si petit qu’elles ne peuvent pas bouger leurs pattes, je ne pouvais pas supporter. J’ai pris un papier, un stylo, et j’ai rédigé une première pétition que j’ai fait signer un soir à mon Amap. Tout le monde a signé, mais on n’était encore qu’un groupuscule. Dans un deuxième temps, j’ai rallongé le texte, et on l’a fait circuler à Drucat, où près de 80 % des adultes ont signé. Après, il y a eu la réunion publique. »

Un autre moment fondateur. Le 26 septembre, deux cents personnes se pressent dans la salle polyvalente de Drucat, qui n’a pas l’habitude d’une telle foule. Ramery est là, en compagnie de Michel Welter, son chef de projet, et du sous-préfet. Henri Gauret, qui préside, s’inquiète fort de l’ambiance et regrette, aujourd’hui encore, certains mots employés contre Ramery par les opposants les plus chauds. « La colère grondait ! reprend Gilberte Wable. On a demandé à Ramery de s’expliquer, et il a juste lâché : ’Vous avez vos droits, j’ai les miens’. Le dialogue était impossible. Ce soir-là, je suis sûre qu’il pensait pouvoir passer en force. Il ne voyait pas que nous allions nous souder. Mais nous non plus ».

Habitué à tout obtenir des politiques (voir un prochain volet de notre enquête), Ramery a toujours dédaigné l’opinion, ce qui va lui jouer un mauvais tour. Car en effet, une équipe gagnante se met en place. Derrière Gilberte Wable et quelques autres pionniers apparaît un véritable tribun, Michek Kfoury, médecin-urgentiste à l’hôpital d’Abbeville. Et Kfoury, habitant de Drucat, ne se contente pas de fédérer l’opposition : il l’entraîne sur des chemins très inattendus.

Au passage, des centaines de contributions pleuvent sur le cahier de doléances de l’enquête publique, sans aucunement troubler le commissaire-enquêteur, qui donnera sans état d’âme un avis favorable. Le 17 novembre 2011, dans une certaine ferveur, naît l’association Novissen. Drucat est en pleine révolte populaire, ce dont se contrefichent, bien à tort, les élus locaux et les copains de Michel Ramery, qui sont souvent les mêmes. La suite n’est pas racontable ici, tant les épisodes du combat sont nombreux. Ceux de Novissen inventent leur combat jour après jour, inaugurant par exemple le 2 juin 2012 une Ronde des indignés sur la place Max Lejeune d’Abbeville, la sous-préfecture voisine.

Malgré tout, la machine officielle avance. En février 2013, le préfet accorde une autorisation d’ouverture portant sur cinq cents vaches, et non pas mille. Tout le monde comprend qu’il s’agit d’une simple ruse administrative : l’essentiel est de lancer l’usine à vaches, qu’on pourra facilement agrandir ensuite. Mais que faire ? Le principal renfort viendra de la Confédération paysanne, qui va mettre des moyens exceptionnels au service d’un combat commun.

Ce syndicat minoritaire, connu il y a dix ans par son porte-parole de l’époque – José Bové -, se dote d’un « responsable des campagnes et actions » jeune et enthousiaste, Pierre-Alain Prévost. Reporterre est allé l’attraper au siège de la Conf’, comme on appelle le syndicat, dans la banlieue parisienne.

« J’ai rencontré les gens de Novissen à Abbeville, confie-t-il, et puis nous nous sommes retrouvés pour une manif au Salon de l’Agriculture, en mars 2013. Et c’est alors que j’ai dit au Comité national du syndicat : ’Il faut y aller !’. J’ai creusé le dossier, j’ai appelé pas mal de gens, et on a commencé. Laurent Pinatel, notre porte-parole, a embrayé ».

Une visite mouvementée

À partir de juin 2013, la Conf’ prépare dans le plus grand secret une opération grand style. Ce qui donnera, dans la nuit du 11 au 12 septembre 2013, une visite mouvementée sur le chantier de la Ferme des Mille vaches.

 

 

Vingt syndicalistes peignent sur place une inscription de 250 mètres de long : « Non aux 1000 vaches ! ». Au passage, ils subtilisent des pièces des engins de chantier – qui seront rendues – et dégonflent les pneus des véhicules présents.

Non seulement Ramery porte plainte, ce qui peut se comprendre, mais son chef de projet, Michel Welter, se ridiculise en affirmant sans rire : « C’est du terrorisme pur et dur ». La suite est moins distrayante, car six personnes, dont le président de Novissen Michel Kfoury, sont placées en garde à vue, bien que l’association n’ait nullement été mêlée à l’action de la Conf’.

Cela n’altère d’aucune façon la détermination générale. Il faut dire que Novissen dispose d’un avocat en or massif, Grégoire Frison. Ce spécialiste du droit de l’environnement, installé à Amiens, reçoit Reporterre en rappelant quelques heureuses évidences. « Le fric, mais ça ne doit servir qu’à vivre mieux ensemble, pas à spéculer ! Un tel projet ne peut que créer de la misère sociale en ruinant des dizaines de petits éleveurs laitiers. En faisant disparaître nos potes. Oui, nos potes ! Ceux avec qui nous pouvons envisager un art de vivre, une communauté vivante. Ce que Ramery et ses soutiens déteste, c’est justement cette solidarité qui renaît entre paysans et néo-ruraux ».

Sur le plan juridique, explique Frison, le combat pourrait bien rebondir dès ce mois de janvier, grâce à une plainte déposée pour non-respect du permis de construire.

 

 

*Suite de l'article sur .reporterre.net

 

Source : www.reporterre.net

 

 


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6 janvier 2014 1 06 /01 /janvier /2014 18:56

 

Source : www.marianne.net

 

Le crime contre l'humanité des temps modernes
Lundi 6 Janvier 2014 à 11:30

 

*Michel Santi

 

Le crime contre l’humanité – aujourd’hui en 2013-2014 – consiste à ce qu’une des parties du monde censée être la plus riche et la plus confortable assiste à l’exclusion et à la misère du quart de sa population dans une indifférence totale.

Un SDF est allongé devant les vitrines de Noël des grands magasins à Paris - PRM/SIPA
Un SDF est allongé devant les vitrines de Noël des grands magasins à Paris - PRM/SIPA
Le constat est terrifiant. Eurostat  indique que 24.8% de la population européenne – soit près de 125 millions de personnes – étaient en 2012 « au seuil de la pauvreté et de l’exclusion sociale ». A force de s’ingénier à démanteler notre modèle social européen, l’ultra-libéralisme peut désormais crier victoire. Il est enfin parvenu à faire dépendre notre niveau de vie, notre pouvoir d’achat et nos emplois intégralement de la conjoncture économique, elle-même – on ne le sait que trop aujourd’hui – calquée sur les aléas des marchés boursiers et sur les profits du système financier.

En l’absence de remèdes macro-économiques pourtant à portée de main, devant le refus catégorique des dirigeants du Nord de soulager les populations meurtries du Sud, ces statistiques relatant la misère en Europe et le délitement de notre autrefois enviée solidarité sont condamnés à s’aggraver.

Nous refusons dorénavant d’accorder une protection basique à nos citoyens les plus fragiles et livrons sans scrupule leur existence et leur destinée aux cycles de l’activité économico-financière. Saviez-vous pourtant que tout ce gâchis aurait pu être évité ? Cette Europe où l’idéologie – depuis l’affaire Dreyfus au marxisme-léninisme pour en finir avec le nazisme – a fait tant de ravages. Cette Europe est effectivement encore et toujours esclave de l’idéologie qu’elle fait subir à une portion considérable de ses enfants. Idéologie qui veut aujourd’hui imposer l’austérité pour punir les pêcheurs et pour mater les cigales. Alors qu’il aurait été si facile d’accompagner au moins cette rigueur dictée à la périphérie par une politique expansioniste mise en place dans les pays riches.

Le crime contre l’humanité – aujourd’hui en 2013-2014 – consiste donc à ce qu’une des parties du monde censée être la plus riche et la plus confortable assiste à l’exclusion et à la misère du quart de sa population dans une indifférence totale.

Car, contrairement à ce qui nous est servi et assené quotidiennement, cette crise n’est pas la résultante de « l’ Etat social », tout comme cette crise ne sera certainement pas résorbée en diminuant les dépenses publiques pas plus qu’en dérégulant le marché du travail. Les sources de nos déboires sont de nature monétaire car l’Union européenne a dû fonctionner pendant dix ans avec des taux d’intérêt et avec une politique monétaire seulement adaptée aux besoins allemands. Dans une royale indifférence à la conjoncture en vigueur au sein des nations européennes périphériques, qui ont fatalement subi de multiples bulles spéculatives du fait de taux d’intérêt maintenus à des niveaux infimes afin de soulager une Allemagne qui en avait alors désespérément besoin.

C’est cette même idéologie mortifère qui fait des siennes aujourd’hui quand Francfort, quand Berlin et quand Bruxelles ne cessent de nous répéter que l’incontestable reprise économique ayant lieu aux Etats-Unis (mais aussi au Japon et en Grande Bretagne) repose sur des fondements « artificiels », à savoir sur les baisses de taux quantitatives (c’est-à-dire sur la création monétaire). Reprise économique « illégitime » basée sur une accumulation supplémentaire de dettes, alors qu’il est si sain de souffrir et d’expier ses pêchés et ses excès… Pourquoi cette Europe si doctrinale suivrait en effet les Etats-Unis, le Japon, la Grande Bretagne et même la très orthodoxe Suisse, dont la banque centrale a pourtant montré un activisme qui force le respect puisqu’elle détient aujourd’hui à son bilan un portefeuille d’obligations équivalent à 85% du P.I.B. helvétique ?

Pour sa part, l’Union européenne a décrété pouvoir s’en tirer sans artifices monétaires, totalement indifférente à la plus grave récession depuis la seconde guerre mondiale. Mais qu’est-ce qui cloche chez nous en Europe ?

Source : www.marianne.net

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6 janvier 2014 1 06 /01 /janvier /2014 18:25

 

 

Source : www.reporterre.net

 

Total envahit les écoles avec la bénédiction du ministère de l’Education

Camille Martin (Reporterre)

dimanche 5 janvier 2014

 

 

Une compagnie pétrolière promouvant les gaz de schiste et pratiquant l’évasion fiscale est autorisée par les autorités éducatives à venir faire cours dans les écoles : une pratique courante, comme le révèle Reporterre.


Le lobbying ne se déroule pas que dans les couloirs des ministères, de l’Assemblée nationale, de la Commission de Bruxelles, voire au sein de l’Elysée. C’est aussi dans les écoles que les grandes entreprises parviennent à s’insinuer, proposant aux enseignants des "outils pédagogiques" pour les aider à remplir le programme éducatif. Mais elles reçoivent l’appui des autorités du ministère de l’Education, comme le prouve le document que nous publions et que nous a envoyé une lectrice scandalisée - elle-même enseignante - à l’adresse planete (at) reporterre.net.

Il s’agit d’une lettre envoyée à en-tête de la République française par le Directeur académique de l’Académie de Bordeaux aux chefs d’établissement du second degré et écoles primaires de son ressort. Il les invite à réserver un bon accueil à l’entreprise Total, dont les "collaborateurs" pourront intervenir dans les classes pour des cours d’1h30.

 

 

"Tout comme les années précédentes" écrit-il, "dans le cadre du programme ’Planète Energies’ mis en place par le groupe Total en 2005, des collaborateurs de l’entreprise pourront intervenir dans les classes de CM1 à la Seconde, à la demande des enseignants, afin d’aborder la problématique énergétique."

Le directeur joint une présentation du programme Planète Energies, qui "propose des clés de compréhension sur toutes les énergies et leurs défis. Cette démarche pédagogique consiste à intervenir gratuitement dans des classes du CM1 à la 2e pour une durée d’1h30 environ afin de traiter de sujets en cohérence avec les programmes scolaires en vigueur :
- les énergies, renouvelables et fossiles
- la nécessité de limiter la consommation des énergies fossiles
- le développement des énergies renouvelables
- la découverte de l’entreprise TOTAL et de ses métiers pour les classes de 3e et de 2nde.

Nous fournissons aux professeurs et aux élèves de la documentation gratuite et adaptée au niveau de chaque classe. Nos animateurs (collaborateurs TOTAL) participent sur la base du volontariat et disposent du matériel informatique nécessaire."


 

Kit pédagogique de Total


Il va de soi que l’information délivrée par une entreprise qui pratique l’évasion fiscale pour ne pas payer d’impôts en France, qui promeut le gaz de schiste et qui exploite les sables bitumineux en Alberta (Canada) a une vision neutre et désintéressée des questions d’énergie.

L’agro-industrie se pose en professeur d’agriculture

 

*La suite de l'aticle sur reporterre.net

 

 

Source : www.reporterre.net

 


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6 janvier 2014 1 06 /01 /janvier /2014 18:05

 

Source : www.lemonde.fr

 

Dirigeants séquestrés dans l'usine Goodyear : « Maintenant, on va montrer les dents »

Le Monde.fr | 06.01.2014 à 18h17

 

 

 

 

 

Deux dirigeants de l'usine Goodyear d'Amiens-Nord (Somme) sont séquestrés depuis 10 h 30 lundi matin par la CGT et des salariés. Depuis l'annonce de la fermeture du site par la direction de Goodyear, le 31 janvier 2013, les salariés ont multiplié sans succès les procédures judiciaires. « Maintenant c'est fini, on va montrer les dents », prévient Mickaël Wamen, délégué CGT.

Le Monde.fr

 

Source : www.lemonde.fr

 



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6 janvier 2014 1 06 /01 /janvier /2014 17:48

 

Source : www.liberation.fr

 

 

 

Les 0,00001% vous souhaitent une très bonne année
Christian LOSSON 3 janvier 2014 à 21:26

 

 

Le milliardaire Warren Buffett et Bill Gates, le cofondateur de Microsoft, restent dans les cinq premières places du classement Bloomberg des milliardaires.

 

Le milliardaire Warren Buffett et Bill Gates, le cofondateur de Microsoft, restent dans les cinq premières places du classement Bloomberg des milliardaires. (Photo Rick Wilking. Reuters)

 

Les 300 plus grosses fortunes mondiales ont vu, l’an passé, leur richesse augmenter de 524 milliards de dollars.

 

 

On ne prête qu’aux riches ? Ils n’en ont jamais eu aussi peu besoin. Le club des 300 personnes les plus prospères du globe s’est en effet encore enrichi de 524 milliards de dollars l’an passé (385 milliards d’euros). Il pèse désormais 3 700 milliards de dollars, soit près d’une fois et demi le produit intérieur brut de la France. Dix fois la richesse du Venezuela. Cent fois celle de la Serbie. Mille fois celle du Burkina Faso. Ou encore, trente fois l’aide publique au développement allouée en 2012 pour lutter contre la pauvreté dans le monde. La seule rente de 524 milliards tombée l’année dernière dans l’escarcelle des milliardaires qui l’étaient déjà suffirait à sortir de la pauvreté extrême les 1,2 milliard d’habitants qui survivent sur la planète avec 1,25 dollar par jour. Voilà pour les comparaisons qui racontent comment va le monde.

Jamais les milliardaires ne se sont ainsi autant gavés d’argent qu’en 2013, assure le Bloomberg’s Billionaires Index (1). La faute, notamment, à une politique monétaire expansionniste des banques centrales. Elle favorise la prise de risque des investisseurs, dope les marchés financiers, comme le S & P 500, à Wall Street, qui a bondi de 30% (les 500 sociétés cotées valent 3 700 milliards de dollars de plus qu’un an plus tôt). Et elle permet aux riches détenteurs d’actions en Bourse de s’enrichir encore plus (lire ci-contre).

 

Culbute. Il avait rétrogradé, le voilà à nouveau au sommet. Bill Gates retrouve la première place au détriment du magnat des télécoms mexicain, Carlos Slim. L’an passé, Gates s’est donc goinfré de 15,8 milliards pour en totaliser 78,2. Il aura juste fallu laisser prospérer son portefeuille d’actions. Comme ses 4,5% dans Microsoft, fondée en 1975, qui ont gonflé de 40%. Ou ses actifs dans la Canadian National Railway (+ 34%), dans Ecolab (+ 45%), etc. Sans parler de son fonds d’investissement Cascade qui a fait la culbute…

Ce triomphe de l’économie casino récompense évidemment ceux qui ont fait des jeux d’argent leur business. Le deuxième plus grand bénéficiaire de l’an écoulé - 14,3 milliards - s’appelle ainsi Sheldon Adelson. Le créateur de la plus grande entreprise de casinos de la planète, Las Vegas Sands, a vu sa boîte gagner 71%, dont 58% des marges viennent de Macao, qui a trusté 45 milliards de revenus l’an passé…

L’aristocratie française, ancienne ou nouvelle, figure bien au palmarès de la richesse. Au 15e rang, Liliane Bettencourt (L’Oréal) a gagné 7,3 milliards et en pèse désormais 33,4. A la 18e place, Bernard Arnault (LVMH) a récolté 3,2 milliards et en vaut 31,4. François Pinault est 46e, Serge Dassault 66e, les frères Wertheimer (Chanel) 114e et 115e, Margarita Louis-Dreyfus 187e, Xavier Niel 195e

Damned, il y a quand même quelques pertes dans cet océan indécent de prospérité. Ainsi, 70 des 300 hyper-riches boivent (un peu) la tasse. Prenez Eike Batista, ex-numéro 7 mondial en 2012. Ce cador brésilien de l’industrie extractive à l’ascension fulgurante claironnait il y a encore quatre ans que partout où il creusait, il trouvait «quelque chose». Une faillite l’a propulsé au bûcher des vanités : 30 milliards partis en fumée. Une chute à l’image d’autres oligarques, victimes du renversement d’un cycle de hausse des matières premières qu’ils croyaient sans fin. L’Ukrainien Rinat Akhmetov lâchera donc moins dans les transferts du club de foot Chakhtar Donesk : il a paumé 5,1 milliards mais ne revendra pas forcément le penthouse le plus cher au monde, à Londres, acquis pour la modique somme de 221 millions. Et Oleg Deripaska, le Russe à la tête de Rusal, ex-leader de l’aluminium qui, avant la crise, rêvait de bâtir un port de luxe pour 800 yachts s’est vu (snif, snif !) délesté de 3,8 milliards.

Perf. Il y a peu de chances que cette année inverse la tendance. «Les riches devraient devenir encore plus riches», assure le Grec-Américain John Catsimatidis, milliardaire du Parti républicain à la tête du groupe Red Apple. Pourquoi ? Parce que les banques centrales vont continuer à prêter de l’argent quasi gratuitement. «Comme les taux d’intérêt vont rester bas, les marchés d’actions vont continuer à augmenter et l’économie progressera d’au moins 2%», ajoute-t-il. Pas sûr, pour autant, que le MSCI mondial, l’indice boursier qui mesure la perf des Bourses des pays riches, qui a pris 24% l’an passé, continue à être autant déconnecté de l’économie réelle. Seule bonne nouvelle : entre le 1er et le 2 janvier, les 300 milliardaires ont perdu 17,8 milliards.

(1) Bloomberg.com/billionaires

Christian LOSSON
Sur le même sujet
Source : www.liberation.fr


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6 janvier 2014 1 06 /01 /janvier /2014 17:32

 

Source : www.reporterre.net

 

 

L’acceptabilité sociale, ou l’art de faire avaler le béton aux citoyens

Bruno Masse

jeudi 2 janvier 2014

 

 

 

 

Qu’est-ce que l’acceptabilité sociale ? Depuis quelques années, cette expression est invoquée autour des grands projets d’infrastructures. Mais ce concept managérial constitue un piège pour les citoyens-nes et l’environnement.


 

L’acceptabilité sociale a la cote. Cette nouvelle variable s’installe dans le discours et pèse de toute évidence dans le processus de décision. Il tient de se demander, au juste, de quoi il s’agit.

Anatomie d’un concept creux

Pour le secteur privé, et son partenaire gouvernemental, la résistance citoyenne aux projets de développement industriel est perçue comme un problème. C’est qu’on assiste souvent à des manifestations, à toutes sortes d’actions spectaculaires et médiatisées, à des conférences de presse et, parfois, comme dans le cas des gaz de schiste, à la menace d’actions directes. Cette dernière crée de l’incertitude chez les investisseurs - particulièrement dangereuse lorsque le projet est déjà risqué.

Le Conseil du patronat en environnement reconnaît cela dans son Guide de bonnes pratiques afin de favoriser l’acceptabilité sociale des projets que : « la dichotomie entre la croissance nécessaire [sic] et le développement contesté se manifeste de plus en plus ».

Dans un véritable chef-d’oeuvre de dissonance cognitive, le Conseil estime que « l’acceptabilité sociale émerge maintenant en tant qu’enjeu majeur du XXIe siècle car les promoteurs de projets, comme les gouvernements d’ailleurs, reconnaissent les répercussions qu’un problème d’acceptabilité sociale peut engendrer pour leur réputation, pour le succès des projets et le développement économique ».

LesAffaires.com renchérit en reconnaissant que « l’actualité nous fait prendre conscience que récemment, plusieurs grands projets ont fait les frais d’une forte mobilisation citoyenne ».

Formellement, il existe une pléthore de définitions de ce concept managérial. Je vous avertis, elles sont vagues, et selon moi trompeuses, mais j’arriverai à cela plus loin.

Au Québec, la plus populaire est celle de Caron-Malenfant et Thierry Conraud, dans leur Guide pratique de l’acceptabilité sociale : pistes de réflexion et d’action : « Le résultat d’un processus par lequel les parties concernées construisent ensemble les conditions minimales à mettre en place, pour qu’un projet, programme ou politique s’intègre de façon harmonieuse, et à un moment donné, dans son milieu naturel et humain ».

Fortin, Devanne et LeFloch affirment qu’il s’agit plutôt d’une « interprétation globalement positive d’un [projet] qui est partagée et affirmée par un ensemble d’acteurs et qui résulte d’une mise en perspective du projet et de ses impacts par rapport aux attendus et idéaux portés en matière de développement et d’aménagement durables du territoire concerné ».

Le géographe finlandais Wolsink a creusé profondément la question dans de nombreux ouvrages. Il pousse plus loin en spécifiant trois types d’acceptabilité sociale :

- L’acceptabilité sociopolitique (quelles sont les conditions favorables ?)

- L’acceptabilité communautaire (comment intégrer le projet au sein d’une communauté ?)

- L’acceptabilité du marché (le marché est-il favorable sur le plan des investissements et de la demande ?)

Dans tous les cas, il s’agit d’implanter un projet d’exploitation de ressources naturelles dans une communauté, et de qualifier sa faisabilité en considérant la réaction de la communauté. Le terme « implantation » est clef, parce que l’objectif est vraiment de tester la résistance et d’obtenir une réaction positive. Le cas contraire, on pourra saborder le navire à temps pour minimiser les pertes.

 

 

"Les problèmes techniques n’existent pas. Le problème, c’est les gens".

 

Confusion en pratique

Contrairement aux principes des droits humains qui définissent très clairement les conditions de l’autodétermination d’une communauté (par exemple, la notion de consentement, libre et éclairé), l’acceptabilité sociale est un concept plutôt malléable.

Elle désigne simultanément deux choses radicalement différentes : d’une part, la perception du (non) consentement de la population (locale) sur un projet d’exploitation de ressources naturelles, et d’autre part, une démarche de relation publique visant à « manufacturer le consentement » et alimenter les divisions dans la communauté afin de désarmer l’opposition.

Tout n’est pas noir ou blanc. L’acceptabilité sociale peut servir à une communauté si son absence fait renverser la vapeur sur un projet néfaste. Mais la perméabilité du concept, et la façon arbitraire dont les médias, les élus et les corporations se le rapproprient, constituent un danger réel pour la démocratie.

 

*Suite de l'article sur reporterre.net 

 

Source : www.reporterre.net

 

 

 

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6 janvier 2014 1 06 /01 /janvier /2014 17:18

 

Source : www.mediapart.fr

 

A la SNCF, le racisme en toute impunité

|  Par Michaël Hajdenberg

 

 

À la sûreté ferroviaire de Montpellier, des agents de l’entreprise publique envoient des SMS racistes, diffusent des chants néonazis dans les locaux, maltraitent des usagers d'origine maghrébine. Selon des documents internes que Mediapart s'est procurés, la direction de la SNCF le sait. Le reconnaît. Et laisse faire. 

Pour la SNCF, le racisme n’est pas un problème. Selon deux rapports internes que Mediapart s'est procurés, l’entreprise publique a établi que des agents de la sécurité ferroviaire ont écrit un SMS raciste et diffusé des chants néonazis au sein de leur local dans une gare. Ils se comporteraient par ailleurs de façon discriminatoire et violente envers des usagers d’origine maghrébine. Mais la direction de la SNCF a choisi de ne pas sanctionner ces comportements que ses services ont eux-mêmes identifiés comme gravement contraires à l’éthique et susceptibles de poursuites pénales. Pire : le lanceur d’alerte, un agent discriminé, a, lui, fait l’objet d’un avertissement.

À plusieurs reprises, la SNCF a déjà démontré qu’elle tolérait très bien le racisme ordinaire (voir notre précédente enquête). Mais cette affaire pourrait prendre une tout autre ampleur.

À Montpellier, comme sur tout le territoire, la sécurité ferroviaire est assurée par la SUGE (sûreté générale), une police interne armée qui a pour mission de protéger les voyageurs et le personnel de l’entreprise. À Montpellier, on compte 25 agents. L’un d’entre eux, Kamel C., 36 ans, ressent un malaise dès son arrivée en juillet 2011. Le 7 décembre 2012, c’est l’incident de trop. Un agent envoie le SMS suivant à de nombreux collègues :

« Seine-Saint-Denis : cinq arabes se tuent au volant d’une C5 lors d’une course-poursuite. Le Mirail à Toulouse : un jeune arabe au volant d’une saxo force un barrage de police et se tue. Grenoble : trois maghrébins se tuent à bord d’une DS3 Racing volée.

MORALITE : vous n’imaginez pas tout ce que Citroën peut faire pour vous »

C’est Éric (le prénom a été modifié), l’un des destinataires du message, qui sonne l’alarme : « Je venais d’arriver à Montpellier en provenance de l’Alsace, où j’étais militaire. Et comme j’ai les cheveux ras, ils ont cru que j’étais de leur camp. Alors que j’étais ahuri de découvrir ce noyau de fachos. »

La direction de la Suge ne réagit pas. Kamel alerte donc Lucien Demol, déontologue de la zone Méditerranée, qui provoque une réunion sur place en février 2013, ayant pour thème « la discrimination sur le lieu de travail ». Y prennent part 22 agents et 8 dirigeants de toute la zone Méditerranée. Au cours de cette réunion, l’historique du service est retracé puis relaté dans son rapport, un « flash déontologique » à vocation interne que nous avons pu consulter.

 

Première page du rapport à vocation interne rédigé par le responsable déontologie de la zone sûreté Méditerranée 

Dans ses conclusions, sont établis « plusieurs actes de manquement à la déontologie et à connotation diffamatoire » au cours des deux dernières années. En voici quelques extraits dans l’ordre chronologique :

  • « En octobre 2010, un agent découvre dans son vestiaire un DVD à tendance pornographique revêtant un caractère homophobe. »
  • « En octobre 2011, une représentation phallique, créée au moyen d’un légume, est suspendue à la porte du DPX (NDLR : chef d’équipe) d’un site. »
  • « Dans la même année, des tranches de saucisson sont déposées dans le casier d’un agent SUGE de confession musulmane. »

– En 2012, à plusieurs reprises, « des propos et des musiques » du groupe néonazi Légion 88 sont diffusés dans le bureau de la gare, avec, sur l’air de “la ballade des gens heureux”, le refrain suivant : « Je te propose une ratonnade, le massacre des sales rebeus. » (NDLR : arabes en verlan.)

– Fin 2012, enfin, le SMS évoqué plus haut : « une blague de mauvais goût vantant les bienfaits d’une extermination raciale » selon les mots du déontologue.

Au sein du groupe, personne ne prend le parti de Kamel à part Éric, qui sera dès lors lui aussi mis au ban : « Ils m’ont traité comme un traître. Et même lors de la réunion, hormis le déontologue, personne ne m’a épaulé parmi les hauts cadres de l’entreprise. » À Nîmes, une pétition est même affichée en soutien à l’auteur du SMS. « J’étais face à tous ces cons, dos au mur. J’ai encore du mal à l’exprimer aujourd’hui, mais j’ai failli faire des bêtises, raconte Éric, la voix tremblante. J’ai agi comme un humain normal, en pensant que la SNCF allait réagir. Ça a été tout le contraire. Sur place, la hiérarchie m’a pointé du doigt, m’a dit que je salissais le service. On a alerté en plus haut lieu. Mais la direction a préféré protéger ces gens qui ont des comportements antirépublicains. »

De son côté, Kamel est acculé : « À partir du SMS, Éric et moi avons été frappés d’ostracisme et on nous a diffamés. Quand je vois comment la SNCF communique sur sa charte de la déontologie et ce qui se passe sur le terrain… » Fin janvier, Kamel fait une crise d’angoisse. Il se rend aux urgences, et est hospitalisé un mois pour une cholécystite aiguë, puis arrêté jusqu’en juin. « Pour moi, c’est la double peine. Face à une certaine population (NDLR : issue de l’immigration), quand je dresse un procès-verbal, je suis considéré comme un traître. C’est déjà dur à vivre car je me considère juste comme français, je mets tout le monde sur un pied d’égalité, mais je ne suis pas vu comme ça. Et là, c’est encore bien plus grave : dans mon propre service, dans mon entreprise, on me traite d’une façon intolérable. »

Ce n’est pas tout. Lors de sa venue, le déontologue recueille d’autres témoignages dont il se fait l’écho dans son rapport : « Des confessions d’actes contraires à la loi nous ont été rapportées. Des violences physiques et verbales auraient été commises volontairement lors d’interpellations, à l’encontre d’une certaine catégorie d’individus et notamment de personnes de souche maghrébine (sic). »

Puis, Lucien Demol précise le climat au sein de la Suge de Montpellier : « Des propos diffamatoires sont propagés à l’encontre de ceux qui n’adhèrent pas à ces idées discriminatoires. Un harcèlement est perceptible laissant présager de graves conséquences sur la notion de camaraderie de groupe et sur l’état de santé des agents mis à l’écart. » 

Le Défenseur des droits saisi

Dans son rapport, le déontologue Méditerranée rappelle tous les articles de loi qui pointent ces comportements comme a priori illégaux : l’article 225-1 du code pénal qui sanctionne toute discrimination de trois ans d’emprisonnement et de 45 000 euros d’amende. Mais aussi la diffamation en raison de l’origine (article R624-3 du code pénal), les outrages contre les agents publics décrits dans le code des transports (passibles de six ans d’emprisonnement au vu des articles 433-5 et L2242-7). Ainsi que le guide déontologie de la Suge qui affirme que « l’éthique, l’intégrité, la morale, la déontologie sont les concepts de base de l’agent ».

Son enquête établit clairement le nom des agents à l’origine des actes discriminatoires, notamment l’auteur du SMS, un délégué syndical FO-First. Mais le déontologue pointe aussi la responsabilité des chefs qui n’ont pas réagi : « L’implication du manager doit être sans faille dans la lutte contre toutes les formes d’exclusions. (…) Sa recherche d’auteurs d’actes répréhensibles doit être permanente, et les sanctions appliquées à la hauteur de la gravité. »

En clair, il est temps d’agir. Mais que fait la direction de la Suge ? Rien. Que fait la direction de la SNCF ? Elle diligente une nouvelle enquête, menée cette fois par la direction nationale de l’éthique, que Mediapart s’est également procurée. Classée « Confidentiel SNCF », elle est adressée, comme indiqué sur le document, au président de la SNCF lui-même, Guillaume Pepy. Cette nouvelle synthèse confirme tous les éléments, et fait de nouveau référence, entre autres, à la diffusion de « vidéos nazies » et la mise à l’écart des « alerteurs ».

Extrait du rapport confidentiel de la direction de l'éthique de la SNCF adressé à Guillaume Pepy 

Dans ce document, la direction nationale de l’éthique estime que « la hiérarchie locale est trop conciliante avec les auteurs de ces écarts » : « Ni demande d’explication, ni entretien formel, et a fortiori, pas de sanction. Le chef d’agence se limite pour l’essentiel à des notes de service restant dans le flou et les généralités. »

Sauf pour Kamel. Alors qu’aucune procédure disciplinaire n’a été engagée contre les agents discriminants, Kamel, délégué CGT, reçoit un avertissement pour des absences prétendument injustifiées : il n’aurait pas fourni en temps et en heures le bon de délégation lui permettant d’assurer son travail syndical, ce qu’il conteste formellement.

Une fois, note la direction nationale de l’éthique, une sanction a bien été prise : fin novembre 2012, un agent de la Suge de Montpellier a porté des coups à un usager menotté. Mais elle a été minime en dépit des preuves fournies par la vidéosurveillance : quatre jours de mise à pied, ce qui illustre « une tradition de tolérance dont l’effet de dissuasion ou d’exemplarité pose question », analyse la direction de l’éthique. Et encore : le directeur national de la Suge proposait une mise à pied d’une journée seulement. Et le DRH régional un simple conseil de discipline, dont il n’avait pas engagé le processus.

Face à ce nouveau rapport accablant, la direction nationale de la SNCF ne bouge pas plus. Ni licenciement pour fautes répétées, ni avertissement, ni même un blâme. Pas le moindre signalement à la justice. Elle laisse faire alors même que la direction nationale de l’éthique préconise « des procédures disciplinaires systématiques en cas d’écart comportemental avéré », de « veiller à la proportionnalité des sanctions à la gravité des faits », de « veiller à l’application de ces instructions », et de « promouvoir un nouvel encadrement local ».

Sollicitée jeudi, la SNCF n’a pas répondu à notre simple question : pourquoi rien de tout cela n’a-t-il donc été mis en œuvre ? Selon nos informations, il ne s’agit pas, plusieurs mois après que la gravité des faits a été doublement confirmée, d’un simple délai lié à la lourdeur administrative de l’entreprise publique. Mais d’une vraie volonté de passer l’éponge.

Le Défenseur des droits, autorité indépendante chargée de veiller à la protection des droits et des libertés, nous a confirmé avoir été saisi de l’affaire. Il la prend visiblement très au sérieux puisqu’il prépare une vérification sur les lieux, qui devrait survenir dans le courant du mois. Il ne souhaite cependant pas commenter une affaire en cours d’instruction.

Mais selon nos informations, le Défenseur des droits a demandé à la SNCF des explications sur ces faits dès le mois d’avril. L’entreprise n’a pris la peine de répondre que sept mois plus tard, en novembre, en éludant complètement ses responsabilités. La SNCF explique que les agents plaignants n’ont subi aucun dommage dans leur déroulement de carrière – ce qui n’a jamais été le sujet.

Concernant le SMS, elle estime qu’il s’agit de la vie personnelle du salarié puisque le message aurait été envoyé depuis un téléphone personnel sur des téléphones personnels. La SNCF fait référence à un arrêt de la Cour de cassation du 26 janvier 2012 qui explique que « l’envoi par un salarié d’un courriel dénigrant son supérieur hiérarchique, de sa messagerie personnelle et en dehors du lieu et du temps de travail, à l’adresse électronique personnelle d’un collègue de travail, ce qui confère à ce message un caractère purement privé, ne constitue pas un manquement à son obligation de loyauté envers son employeur ».

Une jurisprudence sans grand rapport donc avec la situation de Montpellier. Comme n’a d’ailleurs pas manqué de le souligner la direction nationale de l’éthique de la SNCF qui, dans son rapport confidentiel, évoque à propos de cet arrêt une « fausse piste juridique » puisque « une décision de la chambre sociale de la Cour de cassation du 19/10/11 affirme que des échanges entre collègues ne relèvent pas de la vie personnelle ». Pour sauver son image, la SNCF semble dès lors privée d’arguments : ses propres services l’ont alertée sur leur absence de pertinence.

Elle ne pourra pas non plus faire croire qu’elle est prise de court : la Suge, une sorte d’État dans l’État au sein de la SNCF, n’en est pas à son premier dérapage. Nous avons ainsi déjà raconté comment Alain Ngamukol, noir de peau, embauché en 2005 à la Suge de Goussainville, avait dû subir le racisme prétendument humoristique de ses collègues : « Cela te fait quelle sensation de marcher avec des chaussures ? Si elles te gênent pour courir, n’hésite pas, tu les enlèves. » Ou : « Alors, ça te fait quoi de voir la neige pour la première fois ? » En avril 2011, la SNCF a été condamnée en appel à lui verser 8 000 euros de dommages et intérêts pour harcèlement moral. Mais là non plus, la SNCF n’avait pas sanctionné les agents fautifs.

 

Lire aussi

Par Michaël Hajdenberg

 

 

Source : www.mediapart.fr

 

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6 janvier 2014 1 06 /01 /janvier /2014 16:36

 

Source : blogs.rue89.com/yeti-voyageur

 

Au programme du Yéti, le partage du travail
Le Yéti - voyageur à domicile

Publié le 06/01/2014 à 11h01

 

 

Dans une société où le plein-emploi a disparu depuis plus de 30 ans, où les formidables progrès en matière de gains de productivité rendent son retour non seulement illusoire, mais inutile et même dangereux (pour le climat, pour les ressources énergétiques en voie d’épuisement), alors se pose le problème crucial du partage du travail restant à effectuer.

Trois constats :

  • les méthodes classiques de réduction horaire du temps de travail sont très insuffisantes. Les 35 heures n’ont apporté aucun progrès significatif en matière de répartition des tâches, ni en termes de créations de postes ;
  • dans une société suffisamment riche pour satisfaire les besoins de sa population avec un temps de travail réduit (un progrès, non une calamité), alors le travail ne saurait être la seule condition sine qua non de la répartition des richesses produites ;
  • in la finance comment cette incitation à la fainéantise ?

A trois questions, trois (tentatives de) réponses.

                                                                                                                                                                                                                             1 Un partage du travail sur une durée globale

 

Si la réduction traditionnelle du temps de travail, envisagée sur une durée horaire à la semaine ou même au mois, ne peut tout résoudre, alors le partage du travail ne peut se concevoir que sur sa durée globale, par une réduction sensible du nombre de trimestres à effectuer pour faire valoir des droits légitimes à la retraite.

Mais avec (et c’est nouveau) une possibilité de fractionner ce quota de trimestres par des périodes de congés sabbatiques pris tout au long du parcours professionnel.

Le partage horaire du temps de travail peut être certes maintenu pour des emplois ne demandant pas de qualification particulière, généralement guère valorisants. Beaucoup moins pour les métiers à spécialisation poussée (un médecin, un enseignant, un boulanger, un maçon, travaillant vingt heures par semaines ?).

                                                                                                                                                                                                                             2 Un revenu de base évolutif

 

L’idée d’un « revenu de base » ou « d’existence » garanti à chacun pour satisfaire ses besoins primordiaux (se nourrir, s’habiller, se loger, se soigner, s’éduquer) fait peu à peu son chemin dans les mentalités, sinon dans les projets politiques.

Mais il va de soi que mon hypothèse de base (fractionner dans le temps son quota de trimestres travaillés) suppose que ce minimum vital garanti soit évolutif. En effet, comment laisser à ce seul minimum basique quelqu’un qui, au moment de prendre un congé sabbatique, aurait déjà accompli une partie de son quota de trimestres ?

Voilà pourquoi je suggère la création de points d’activités, définitivement acquis, valant indemnités qui viendraient s’ajouter au revenu de base en fonction de la tâche accomplie.

                                                                                                                                                                                                                               3 Les faux problèmes du financement et de l’incitation au travail

 

Il n’y a que dans une société détraquée par les financiers que l’argent est un problème. Une économie saine repose d’abord :

  • sur la force de travail nécessaire disponible ;
  • sur la quantité et la répartition de biens et de services nécessaires à sa population.

L’argent n’est (en principe) que l’huile injectée par les mécanos des banques centrales dans les rouages de la machine.

Et l’incitation au travail ne repose pas seulement sur la quantité d’argent attribuée en rémunération. Sinon, les associations et Internet manqueraient cruellement de bénévoles, ce qui n’est pas le cas. Dans une société saine, la notion de fonction sociale se substitue au salariat corvéable à merci.

Nulle question bien sûr de remettre ici en cause le principe de l’incitation financière. D’autant que bien des tâches de nécessité publique à accomplir ne se distinguent guère par la valorisation sociale qu’elles apportent (ramasser les poubelles, bof...).

Sur ce point, une autre idée me taraude que je livre ici en pâture à vos réflexions aiguisées : la création d’un service national civil pendant lequel tout citoyen de tout sexe et de tout milieu se verrait affecter, un temps donné, à des tâches d’intérêt général. Les partisans forcenés de l’éducation à la citoyenneté ne sauraient qu’approuver, non ?

Un garde-fou pour les réalités de demain

Certains objecteront à mon raisonnement que la révolution écologique indispensable pourvoira largement à la raréfaction actuelle du travail. C’est à mon avis une manière de dégager en touche, faute de parvenir à s’affranchir complètement des vieux schémas de pensée sur la valeur travail.

Car rien n’est moins sûr que leur hypothèse. Et même si cela était, ça ne justifierait en rien qu’une société riche ne garantisse pas un minimum vital à tous ses citoyens (quid des mi-temps, des parents isolés ?).

Pour finir, évitez de crier à l’utopie et de me répéter qu’il n’y a aucune force politique aujourd’hui pour mettre mes petites idées en pratique. Je le sais. Pas facile de décrotter les vieilles mentalités. Mais ce programme n’a d’autre ambition que de prendre date pour le futur. Un garde-fou pour les réalités de demain.

 

Source : blogs.rue89.com/yeti-voyageur

 


 

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6 janvier 2014 1 06 /01 /janvier /2014 16:21

 

 

 

pour la reconnaissance de l'habitat en yourte

 

 

 

 

 

 

 

Cécile Duflot obtient « la prise en compte de l’ensemble des modes d’habitat »

 

L’article 59,  qui avait été supprimé par les sénateurs, a été rétabli suite à l’adoption d’un amendement présenté par…le gouvernement. (cf ci-après)  Le temps nous manque à cet instant pour potasser mais à première vue, et sous toutes réserves (il faut attendre les dernières discussions publiques qui auront lieu du 14 au 16 janvier) : les yourtes seront reconnues comme résidence à l’année, soumises à la demande de pastillage, accordée par le Maire et la Commission Départementale de Consommation des Espaces Agricoles (et, apparemment, non  plus   »à titre exceptionnel » comme dans la 1ère version). De plus  un alinéas permet de déroger à l’obligation d’être raccordé aux réseaux.

Cet amendement a été déposé par le gouvernement : cette prise en compte de l’ensemble des modes d’habitats comptait donc vraiment pour la ministre Cécile Duflot, ce n’était pas seulement du baratin démagogique de politicien…

Reste à voir dans la pratique ce qui permettra aux maires et CDCEA de refuser le pastillage et ce qui nous permettra de contester un refus : car tous les maires de France ne sont pas d’aussi bonne volonté…

Une Déclaration Préalable aurait bien sûr été le plus simple mais il faudra sans doute attendre encore quelques décennies avant que les mentalités changent et que  les élus acceptent que les installations de yourtes/ résidences principales puisse se faire aussi facilement. Il est d’ailleurs possible que les conditions extérieures, crises écologiques économiques, etc, les y obligent plus vite qu’ils ne le croient…

Néanmoins la possibilité de nous installer légalement existera et un maire ne pourra plus dire que « ce n’est pas lui qui décide » « qu’il est obligé d’appliquer la loi », etc. Tous ces arguments que les yourteurs entendent sans cesse et qui permettent à un Maire d’éviter tout choix politique ou plutôt de n’avoir pas à afficher ses opinions.

Il convient donc de remercier Cécile Duflot et son cabinet ministériel pour sa prise de position et d’attendre l’adoption définitive du texte de loi.

Voici l’extrait des débats

« Article 59 (articles L. 444-1, L. 111-4 et L. 121-1 du code de l’urbanisme) : Prise en compte de l’ensemble des modes d’habitat

La Commission est saisie de l’amendement CE469 du Gouvernement.

Mme la ministre. Cet amendement précise d’une part le régime juridique des habitats dits « légers » et d’autre part, en rétablissant la rédaction de l’article L. 121-1 du code de l’urbanisme, les grands principes que doivent respecter les schémas de cohérence territoriale, les plans locaux d’urbanisme et les cartes communales.

Mme la rapporteure. Avis favorable au rétablissement de cet article supprimé par le Sénat.

La Commission adopte l’amendement. L’article est ainsi rétabli et rédigé.« 

et l’amendement :
ASSEMBLÉE NATIONALE
13 décembre 2013
AMENDEMENT N°CE469
présenté par
le Gouvernement
———-
ARTICLE 59
Rétablir cet article dans la rédaction suivante :
I. – À l’intitulé du chapitre IV du titre IV du livre IV du code de l’urbanisme, le mot : « caravanes » est remplacé par les mots: « résidences mobiles ou démontables ».
II. – L’article L. 444-1 du même code est ainsi modifié :
1° À la première phrase, les mots : « caravanes constituant l’habitat permanent de leurs utilisateurs » sont remplacés par les mots : « résidences démontables constituant l’habitat permanent de leurs utilisateurs ou de résidences mobiles au sens de l’article 1er de la loi n° 2000-614 du 5 juillet 2000 relative à l’accueil et à l’habitat des gens du voyage » ;
2° Est ajoutée une phrase ainsi rédigée :
« Ils peuvent être autorisés dans des secteurs de taille et de capacité d’accueil limitées, dans les conditions prévues au 6° du I de l’article L. 123-1-5. »
III. – L’article L. 111-4 du même code est complété par deux alinéas ainsi rédigés :
« Les deux premiers alinéas ne s’appliquent pas aux demandes d’autorisation concernant les terrains aménagés pour permettre l’installation de résidences démontables constituant l’habitat permanent de leurs utilisateurs, sous réserve que le projet du demandeur assure l’alimentation en eau potable et en électricité, l’assainissement des eaux domestiques usées et la sécurité incendie des occupants de ces résidences.
« Un décret en Conseil d’État définit les conditions dans lesquelles le demandeur s’engage, dans le dossier de demande d’autorisation, sur le respect de ces conditions d’hygiène et de sécurité. »
IV. – L’article L. 121-1 du code de l’urbanisme est ainsi modifié :
1° Le 1° est complété par un d ainsi rédigé :
d) Les besoins en matière de mobilité »
2°) Au 1° bis, après le mot : « paysagère », il est inséré le mot : « notamment » ;
3°) Le 2° est ainsi modifié :
a) Les mots : « en matière » sont remplacés par les mots : « de l’ensemble des modes » ;
b) Les mots : « et de développement des transports collectifs » sont remplacés par les mots : « motorisés et de développement des transports alternatifs à l’usage individuel de l’automobile » ;
3°) Au 4°, après les mots : « des risques naturels prévisibles, », sont insérés les mots « des risques miniers, ».
EXPOSÉ SOMMAIRE
Le développement de l’habitat léger et la prise en compte des besoins d’accueil des gens du voyage sont contrariés par des incertitudes juridiques.
Ces incertitudes juridiques sont notamment liées à la soumission des projets à formalité au titre du code de l’urbanisme et à leurs conditions d’implantation.
En premier lieu, l’amendement proposé fait référence, d’une part aux résidences démontables constituant l’habitat permanent de leurs utilisateurs et d’autre part aux résidences mobiles constituant l’habitat traditionnel des gens du voyages, plutôt qu’aux «caravanes». Le terme de «caravane» renvoie en effet à un usage de loisir et non à une destination d’habitat.
Conformément aux dispositions de l’article 73 du présent projet de loi et dans les conditions fixées à cet article, les résidences démontables, ainsi que les terrains aménagés pour l’accueil des gens du voyage, pourront être implantés dans des pastilles définies par le règlement du PLU au sein des zones naturelles, agricoles ou forestières.
L’amendement prévoit que les résidences démontables constituant l’habitat permanent de leurs utilisateurs pourront être installées sur des terrains non desservis par les réseaux publics de distribution d’eau, d’assainissement et de distribution d’électricité. L’amendement prévoit toutefois qu’un décret en Conseil d’Etat introduira un engagement du demandeur sur le respect de conditions d’hygiène et de sécurité, dans le dossier de demande d’autorisation à fournir.
L’amendement vise également à rétablir la rédaction de l’article L. 121-1 du code de l’urbanisme qui précise les grands principes que doivent respecter les schémas de cohérence territoriale, les plans locaux d’urbanisme et les cartes communales.
Il est précisé que ces documents doivent prendre en compte les besoins en matière de mobilité, les besoins de développement des transports alternatifs à l’automobile, et l’objectif de qualité urbaine, architecturale et paysagère sur tout le territoire et non seulement en entrées de ville. L’amendement prévoit que les documents d’urbanisme devront prendre en considération les besoins de l’ensemble des modes d’habitat, notamment ceux de l’habitat léger et ceux de l’habitat traditionnel des gens du voyage.
De plus, la politique de prévention des risques a évolué dans le temps. Tout d’abord principalement centrée sur les risques naturels, elle a été étendue aux risques technologiques et miniers. Les articles du code de l’urbanisme ont été progressivement mis à jour pour tenir compte de cette évolution. Il convient de faire de même sur l’article L. 121-1.

 

 


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6 janvier 2014 1 06 /01 /janvier /2014 16:02

 

 

Source : www.mediapart.fr

 

Apple, eBay, Skype... Les ficelles du Luxembourg pour attirer les multinationales

|  Par Dan Israel

 

 

Le petit pays a vite compris que sa survie dépendrait de sa capacité à attirer les multinationales souhaitant s'implanter en Europe. À coups de cadeaux fiscaux et de lois sur mesure, les autorités se sont employées à ne pas les décevoir. Dernier volet de notre enquête sur le Luxembourg.

 

De notre envoyé spécial au Luxembourg

Actionnez la très discrète sonnette au 31-33, rue Sainte Zithe, une rue tranquille du centre de Luxembourg, et vous déclencherez une mécanique bien huilée. « Attendez, je descends », vous informera une voix aimable et jeune. Une hôtesse d’accueil, tout sourire, viendra vous apporter une feuille à destination des journalistes qui ne manquent pas de sonner de temps à autre. Elle vous interdira surtout l’accès au siège européen d’iTunes, hébergé dans cet anonyme immeuble de bureaux, où la filiale d’Apple, reine de la vente électronique de musique, occupe deux étages. Une banale boîte aux lettres signale l’adresse.

 

iTunes ne claironne pas exactement sa présence au Luxembourg.i
Tunes ne claironne pas exactement sa présence au Luxembourg. © D.I.

La jeune femme disparaîtra ensuite prestement dans les locaux, vous laissant à la main le nom et les coordonnées, en Angleterre, du directeur de la communication d’Apple. Qui n’a jamais répondu aux questions de Mediapart. À côté du siège démesuré d’ArcelorMittal (qui occupe le somptueux hôtel particulier de l’Arbed, le géant sidérurgique dont il est le descendant), situé à deux pas, le quartier général européen d’iTunes fait très pâle figure. Et on comprend que la société ne souhaite pas le dévoiler aux regards trop curieux : en avril 2012, le rapport d’audit annuel de la société, publié en France par le site de BFMTV, indiquait qu’en 2011, seuls 16 salariés y étaient employés. L'année précédente, ils n’étaient que 12. C'est peu pour un lieu qui est censé gérer la plateforme iTunes pour toute l’Europe.

Quelques centaines de mètres plus loin, boulevard Royal, siègent eBay et sa filiale Paypal. Si l’accueil y est moins distant, et s'il est possible de pénétrer dans les locaux, le résultat est identique : en cette fin décembre, personne n’est disposé à recevoir le journaliste de passage. Et les demandes de renseignements envoyées plus tard resteront elles aussi sans réponse. iTunes et eBay sont des symboles : les géants du commerce en ligne, comme de nombreuses multinationales, apprécient particulièrement le climat luxembourgeois. Pour son taux plancher de TVA et les divers arrangements fiscaux que le pays prodigue sans compter aux grandes entreprises qui viennent s’installer sur son territoire, estiment les observateurs critiques. En raison de ses excellentes infrastructures, d’une main-d’œuvre qualifiée, des mesures anciennes destinées à assurer le développement et la sécurité du commerce électronique, et bien sûr de sa stabilité et de son attractivité fiscales, martèlent en réponse les Luxembourgeois.

« Pourquoi les grands du e-commerce se sont-ils installés au Luxembourg ? Ils avaient notamment besoin d’infrastructures, dans lesquelles le gouvernement a investi massivement depuis le milieu des années 1990, explique Nicolas Mackel, le dirigeant de Luxembourg for Finance, l’agence chargée de la promotion de la place financière. Et Amazon, qui emploie environ 600 salariés sur notre territoire, n’est pas seulement là pour la TVA : la fiscalité est un facteur important, mais pas suffisant. Je crois savoir qu’avant de s’installer ici en 2004, ils ont réalisé une évaluation globale de trois ou quatre pays, qui portait sur la position géographique, la stabilité sociale et fiscale, l’attitude du gouvernement envers les entreprises, la législation sociale, la pratique des langues et même les horaires d’ouverture des entreprises ! »

Outre les entreprises déjà citées, le pays se fait une fierté d’héberger les sièges européens de Skype ou du géant japonais du commerce électronique Rakuten, auxquels il faut ajouter les quartiers généraux mondiaux du groupe média RTL, du leader mondial des satellites SES ou de Cargolux, premier affréteur d’avions-cargos en Europe…

 

 

Il est tout à fait exact que le Grand-Duché concentre un nombre d’atouts importants, susceptibles de plaire à une entreprise souhaitant s’installer au cœur de l’Europe. Mais ces atouts suffisent-ils à expliquer qu’un pays de 500 000 habitants compte 100 000 entreprises enregistrées à la chambre de commerce ? « Le Luxembourg a dû faire des concessions sur le secret bancaire (comme nous le racontons dans le premier volet de notre enquête), mais il continue à construire des législations très attractives pour les entreprises », affirme Mike Mathias, assistant parlementaire des députés Verts, spécialiste des questions de finances et ancien secrétaire du Cercle des ONG de développement du pays. Attirer le plus grand nombre d'entreprises est vital pour ce tout petit État, coincé entre France, Allemagne et Belgique, qui veut devenir la porte d'entrée des multinationales en Europe.

Officiellement, l’impôt sur les sociétés est établi à 29,22 % depuis 2013, pas si loin des 33,3 % français. Mais les façons d’alléger la facture sont innombrables, tout en étant totalement compatibles avec le droit européen. Nous l’indiquions dans notre précédent article, les fonds d'investissement s'acquittent par exemple généralement au Luxembourg d'une taxe de 0,01 % sur les actifs qu’ils gèrent. Les hedge funds, les fonds de capital risque, bénéficient eux aussi d’une défiscalisation presque totale, même lors du démantèlement du fonds, où chaque actionnaire peut empocher ses plus-values en toute tranquillité.

Une TVA à 6 % pour iTunes

Les incitations à s'installer vont bien sûr plus loin. Le très populaire régime des Soparfi, les « sociétés de participations financières », principalement destiné à optimiser la gestion de holdings, donne ainsi accès à de belles exemptions. Classiquement, une société française voulant alléger ses impôts peut ouvrir une Soparfi, dont l’entité française devient en théorie une filiale. Grâce à la convention fiscale existant entre le Luxembourg et la France (et comme partout dans l’Union européenne), il est possible de faire remonter les dividendes de la société française vers la maison-mère luxembourgeoise, sans taxe retenue à la source en France. Le Luxembourg pratique ensuite une exonération très bienveillante, de 80 %, sur les dividendes de la Soparfi. Les plus-values, elles, ne sont pas imposées.

Autre hameçon à entrepreneurs, qui concerne plutôt la net économie, les revenus provenant de l'exploitation des brevets, des marques, des droits d’auteur sur les logiciels ou noms de domaine, et tout revenu « issu de la propriété intellectuelle », bénéficient eux aussi depuis 2008 d’une exonération d’impôt de 80 %. Et depuis 2009, les droits de propriété intellectuelle sont exonérés de l’impôt sur la fortune.

Quel résultat pour les entreprises ? Il est généralement difficile de connaître les taux d’impôt réellement payés par les grandes sociétés. Sauf lorsqu’elles les annoncent elles-mêmes. Le géant des satellites SES a ainsi eu l’obligeance de le faire dans son rapport trimestriel de novembre, où il indique viser un modeste taux d’imposition annuel « de 10 à 15 % ».


 

Ce taux à prix cassé n’est certes pas très différent de celui dont s’acquittent réellement les sociétés du CAC 40 en France. Mais au Luxembourg, d’autres entreprises sortent encore mieux leur épingle du jeu, ou se servent du pays, parmi d’autres, pour faire quasiment s'évaporer leur imposition. Les cas les plus connus sont ceux des géants de la net économie, ceux que nous avons surnommés les Intaxables.

Le tour de passe-passe démarre par une TVA à prix d'ami. Par exemple, tout consommateur européen achetant musique ou films sur iTunes reçoit une facture établie depuis le Luxembourg, où le taux de TVA est établi à 15 %. « Le droit européen laisse le choix aux États-membres d’établir leur taux de TVA dans une fourchette. Nous sommes dans le bas de la fourchette, mais nous en avons absolument le droit », remarque Nicolas Mackel, de Luxembourg for Finance. Qui ne parle toutefois pas d’une autre optimisation plus discrète… En 2009, un rapport d’expertise établi pour le Sénat français soulignait que 75 % du prix d’un morceau ou d’un film est constitué de droits d’auteur, dont le taux de TVA au Luxembourg est de 3 %. En tout, l’achat du dernier Daft Punk serait donc taxé à 6 % au Luxembourg, contre 20 % en France depuis le 1er janvier. Encore mieux, depuis 2012 , le taux appliqué aux livres électroniques est de 3 % !

D’un point de vue strictement fiscal, le Luxembourg n’en sort pas vraiment gagnant : malgré un chiffre d’affaires d’un milliard d’euros environ sur place, iTunes reverse une bonne partie de ses profits à d'autres filiales d'Apple hors du pays, au titre de services de « support marketing ». En 2011, à coups de montages nommés « double irlandais » ou « sandwich néerlandais », Apple a fini par payer, hors États-Unis, un taux moyen d’impôt de 1,9 %. Mais pour le Grand-Duché, bénéficier des emplois et de la bonne réputation offerts par ces entreprises n'a pas de prix.

Le chiffre d'affaires français d'Amazon est 8 fois plus élevé que ce qu'il déclare

Toutes les bonnes choses ayant une fin, les entreprises de commerce électronique devront bientôt cesser de facturer depuis le Grand-Duché. Le régime de faveur dont profitent les « services électroniques » en Europe prendra fin le 1er janvier 2015. Pour encore un an, la TVA sur les services électroniques est payée au fisc de l’État où l’entreprise est implantée. Entre 2015 et 2019, une période de transition fera disparaître cette pratique : comme c'est déjà le cas pour tous les autres secteurs d’activité, la taxe devra être acquittée dans le pays où l’activité est réellement effectuée. Et donc en France pour un internaute français achetant un morceau de musique, un film ou un livre électronique. Le gouvernement luxembourgeois évalue le manque à gagner à environ 600 millions d’euros de recettes fiscales, soit 1,2 % du PIB. Il a donc déjà annoncé pour 2015 une augmentation de la TVA pour toutes les autres entreprises, qui continueront de la payer sur son sol. Mais il a aussi été promis que le taux resterait toujours le plus bas de l’Union européenne.

En attendant, cette TVA non-perçue aura été un gouffre financier pour la France. Le sénateur UMP Philippe Marini estime que si elle était perçue en France, cette taxe sur les activités du secteur réellement exercées sur le territoire aurait rapporté plus de 800 millions d’euros par an. La Grande-Bretagne, elle, aurait perdu chaque année 2 milliards d’euros pour les mêmes raisons.

 

Devant le siège d'eBay et de Paypal. 
Devant le siège d'eBay et de Paypal. © D.I.

Le fisc français s’intéresse donc de près à la question. S’il soupçonne Google de le frauder en passant par l’Irlande (il lui réclame la bagatelle de 1,7 milliard d’euros), pour eBay et Paypal, c’est l’installation en Suisse, et au Luxembourg depuis 2008, qui le fait tiquer, comme L’Expansion l’avait révélé fin 2012.

Amazon est lui aussi dans la ligne de mire pour son QG luxembourgeois. Le fisc hexagonal lui réclame 200 millions d’euros d'arriérés d'impôts et de pénalités pour la période 2006 à 2010, contestant la manière dont l’entreprise présente son activité. Comme le détaille le site de BFM Business, et suite à une audition musclée devant les parlementaires britanniques, Amazon a fini par donner quelques informations, et reconnu que son chiffre d'affaires effectivement réalisé en France en 2011 était de 889 millions d'euros. Huit fois plus que les 110 millions effectivement déclarés ! En fait, l’entreprise déclare en France ou en Grande-Bretagne uniquement la marge que ses filiales locales sont censées dégager en fournissant à la maison-mère du Grand-Duché des services sur les activités de « logistique, service client, comptabilité, fiscalité, ressources humaines, assistance marketing ». Pourtant, l’agence Reuters a montré, au terme de trois mois d’enquête, que dans le cadre de ses activités au Royaume-Uni, Amazon effectue la majeure partie de son activité sur le sol britannique. Il est fort probable que la même chose soit vraie pour la France. Mais pour l'heure, l'entreprise se conforme aux règles européennes, qui définissent la notion d'établissement stable dans un pays. Comme nous le racontions ici, l'OCDE travaille actuellement pour tenter de corriger cette notion, et la faire coller aux réalités de l'époque.

Les curieux “rulings” luxembourgeois

Reuters a donc les yeux fixés sur les curieuses pratiques autorisées par le Luxembourg – et l'Europe. Et ses limiers sont tout récemment tombés sur un bel os, qui n’avait à notre connaissance pas été détaillé jusqu’alors. Le pays offre aux entreprises des déductions fiscales en fonction des décotes d’actifs qu’elles déclarent : si une multinationale achète une petite entreprise à un certain prix, mais est obligée par la suite de déclarer un baisse de la valeur de cet achat, elle peut obtenir une déduction d’impôt, même si elle ne la revend pas ! Le seul autre pays du monde à offrir cette possibilité (plus restreinte, d’ailleurs) est la Suisse, selon Reuters, qui qualifie le procédé « d’appât unique en son genre » dans l’UE.

La pratique existait en Allemagne jusqu’en 2001, mais en contrepartie, le grand voisin du Luxembourg taxait alors les plus-values effectuées lors de la revente avec bénéfice d’une entreprise achetée quelque temps auparavant. Ce que le Luxembourg s’abstient de faire. Pour une multinationale installée dans le Grand-Duché, racheter une entreprise est donc un coup gagnant à tous les coups : soit l’entreprise acquise est profitable, rapporte de l'argent, et pourra être revendue sans aucune taxe, soit elle perd de la valeur, et peut alors servir à faire baisser les impôts ! Reuters détaille plusieurs cas d’entreprises l’ayant bien compris : AOL a économisé plusieurs millions d’euros d’impôts en 2010, Caterpillar s'est offert plus de 320 millions d’euros de déductions reportables sur plusieurs années en 2012, et Vodafone a bénéficié de près de huit milliards d’euros de déductions ces treize dernières années...

Mais pour l’heure, ce n’est pas ce point qui a attiré l’œil de la Commission européenne. En ce moment, Bruxelles se concentre plutôt sur la question des « tax rulings », ces accords confidentiels entre une entreprise et l’administration fiscale sur la manière de s’acquitter de l’impôt. En septembre, le Financial Times a révélé que la Commission avait demandé des explications à l’Irlande, aux Pays-Bas et au Luxembourg sur certaines de leurs pratiques fiscales. La procédure est pour l’instant informelle.

Le Grand-Duché est ciblé parce qu'il autorise de façon très souple les entreprises à déduire de leurs impôts les intérêts d'emprunts qu'elles ont contractés auprès d'autres entreprises, appartenant souvent au même groupe. En faisant circuler l'argent d'une entité à l'autre, et en se facturant ces prêts, une société peut obtenir de sacrés dégrèvements fiscaux. Le taux théorique de 29,2 % de l'impôt sur les sociétés s'éloigne toujours un peu plus.

Embarras des responsables sur France 2

Ce type d’opération, ou ses multiples dérivés, nécessite de complexes montages financiers, validés par le fisc luxembourgeois au cas par cas. Ils sont en général élaborés par des avocats spécialisés ou par les « big four », les quatre cabinets mondiaux d’audit et de conseil, tous très bien implantés au Luxembourg : Deloitte, EY (ex-Ernst&Young), KPMG ou PriceWaterhouseCoopers (PwC).

Ce dernier cabinet a inventé des centaines de montages pour les entreprises basées au Luxembourg… et en a vu une bonne partie dévoilée dans les médias en mai 2012. D’abord dans « Paradis fiscaux : les secrets des grandes entreprises », une belle enquête d'Édouard Perrin diffusée dans Cash Investigation, une production Premières lignes pour France 2, qui peut encore être visionnée en intégralité en VOD sur le site Pluzz. Puis dans Panorama, la mythique émission d’enquête de la BBC.

Les documents ont notamment révélé que le labo pharmaceutique britannique GlaxoSmithKline s’est livré en 2009 à un tour de passe-passe en faisant prêter plus de 7,5 milliards d’euros à sa maison-mère par une filiale nouvellement créée au Grand-Duché. Les quelque 150 millions d’intérêts payés à la filiale luxembourgeoise n’étaient taxés sur place qu’à… 0,5 %. GSK avait été pincée par le fisc britannique, et avait dû consentir au paiement d’une amende.

L’émission de France 2, qui avait détaillé la manip, avait interrogé sur ces « tax rulings » le ministre des finances de l’époque, Luc Frieden, et le responsable du département fiscalité de PwC au Luxembourg. L’embarras était palpable, et sacrément télégénique.

 Après coup, Luc Frieden s’était ému d’un reportage « tendancieux », rappelant que tous les accords validés par son pays étaient conformes aux règles européennes, et contestant leur caractère secret. Il convenait tout de même que les discussions avec les entreprises restent confidentielles. Au Luxembourg, la question des « rulings » est sensible. Nicolas Mackel, de Luxembourg for Finance, veut mettre les choses au clair : « Comme tous les pays, nous sommes à l’écoute des entreprises, mais l’administration ne négocie pas. » Nuance, « elle est ouverte à la discussion sur la base de données objectives avec des entreprises qui veulent connaître par avance ce qu’elles vont payer en impôt, notamment en fonction des bénéfices ou des déficits qu’elles annoncent ». Pour le représentant officiel, « la possibilité d’adapter l’imposition a toujours existé, et existe partout ».

Ce discours est repris en boucle au Luxembourg, où on ne voit rien que de très légal dans cette pratique, qui serait courante dans le monde entier. Ce qui est sans doute vrai, mais certainement pas à cette échelle. Et il ne faut pas beaucoup pousser les représentants officiels pour qu’ils s’indignent que personne ne relève les récentes initiatives d’États américains pour attirer les entreprises. Par exemple, l’État de New York propose une exonération fiscale totale de dix ans pour des entreprises s’installant dans des zones franches. « Si nous proposions ça, nous serions lynchés par l’opinion publique mondiale en deux jours », constate amèrement une source proche du gouvernement.

Même la banque centrale nationale tique

Pourtant, difficile d’en savoir plus sur les « rulings », couverts par le secret fiscal. Marius Kohl, le responsable qui a présidé pendant des années le fameux Bureau 6 de l’administration des contributions, et a validé des milliers de rulings, a récemment pris sa retraite. Contacté par Mediapart, il n’a pas donné suite. Et faute d'informations précises, les rumeurs les plus variées circulent. « De fait, le pays est totalement opaque sur son rapport avec les entreprises, témoigne un diplomate très au fait des questions fiscales (et qui préfère rester anonyme, voir notre “boîte noire”). J’ai même entendu un responsable d’une banque française me dire, en confidence, qu’il avait négocié un “ruling” sur place, mais avec la promesse de le laisser au coffre quoi qu’il arrive. »

Même la banque centrale du Luxembourg a récemment tiqué sur l’opacité de l’État quant aux niches et déductions fiscales offertes aux entreprises. Dans son dernier bulletin trimestriel, l’institution estime « nécessaire » de « procéder à un inventaire complet » de ce qu’elle qualifie de « dépenses fiscales », et dont elle avoue ne pas connaître l’étendue ! « On peut regretter qu’au présent stade, le Luxembourg se caractérise par un manque flagrant de données sur cet aspect essentiel des politiques publiques », déplore la banque centrale.

La loi française devrait bientôt permettre d’en savoir plus, au moins pour les entreprises d’origine hexagonale. La loi de finances 2014 oblige en effet les grandes entreprises à tenir à la disposition du fisc tous les documents ressemblant de près ou de loin à un accord écrit avec les autorités fiscales des pays où elles sont implantées. En d’autres termes, les « rulings » luxembourgeois pourront bientôt être consultés par l’administration fiscale. Le texte prévoyait aussi que les instigateurs et les utilisateurs de tous montages destinés à l’optimisation fiscale soient tenus de présenter leurs inventions à l’administration fiscale, comme c’est déjà le cas en Grande-Bretagne. Las. Le 29 décembre, le Conseil constitutionnel, saisi par les députés UMP, a censuré ces dispositions, comme l’ont relevé Les Échos et @rrêt sur images.

Quelle “substance légitime” ?

Reste une question. La seule question valable sans doute. Est-il normal qu’une entreprise puisse bénéficier de tous les avantages accordés par le Luxembourg, alors qu’elle n’y exerce pas d’activité réelle ? De l’aveu même de l’un des responsables de la chambre de commerce, sur les 100 000 entreprises enregistrées, « seules 30 000 sont des entreprises de l'économie réelle, par exemple des boulangers, des cafetiers, des entreprises de construction ». Les autres sont des holdings, ou autres sociétés bénéficiant des largesses luxembourgeoises. Combien exercent une réelle activité ? Un haut responsable financier luxembourgeois, qui s’exprime sous couvert d’anonymat, hausse les épaules : « Il y a bien sûr des sociétés qui sont une simple boîte aux lettres ici, une coquille vide pour profiter des avantages fiscaux que nous avons su proposer pour les attirer. »

Au Luxembourg, cette question est résumée par le terme de « substance » d’une entreprise. Le débat était très bien résumé dans le mensuel économique paperJam en fin d’année (l’ensemble du dossier sur l’avenir de la place financière vaut largement la lecture). C’est la Cour de justice européenne, basée à Luxembourg, qui a établi les règles en 2006, dans une affaire opposant les groupes Cadbury et Schweppes : les montages passant par des pays à basse fiscalité sont autorisés, pour autant qu’ils cachent une réelle substance économique.

 

La cour de justice européenne. 
La cour de justice européenne. © D.I.

Au début des années 2000, les autorités du Grand-Duché avaient déjà fait un certain ménage, en faisant fermer des centaines de sociétés fantômes. Depuis 2011, une circulaire du fisc précise que la moitié des administrateurs d’une Soparfi doit résider au Luxembourg, et que la gestion doit se faire de manière effective sur place. Mais ces règles sont facilement contournables, comme l’avait illustré de manière éclatante Édouard Perrin dans Cash Investigation sur France 2.

Le journaliste s’était rendu dans les locaux de Winvest, filiale de Wendel, l’ex-géant de la sidérurgie converti en fonds de placement, qui a utilisé à plusieurs reprises le Grand-Duché pour rémunérer discrètement ses dirigeants, avant de se faire pincer. Mais sur place, chez Winvest, difficile de trouver la fameuse « légitime substance ». Dans cet extrait, on voit surtout des bureaux vides et des responsables français de Winvest y passer environ deux heures, avant de repartir pour Paris.



(L'intégralité du documentaire en VOD est disponible sur Pluzz.)

« Légalement, il faut qu’une société soit dirigée depuis le Luxembourg, explique un ancien salarié d’un des “big four”. Personnellement, j'ai toujours recommandé aux dirigeants de tenir de vraies réunions de conseil d’administration sur place, mais il est bien sûr possible de rester quelques minutes à peine, le temps de signer des documents rédigés à l’avance. Sur le papier, les règles formelles sont tenues. C’est toute la distinction entre la légalité et la légitimité : tout cela est certes légal, mais pour qui est faite la loi ? Il y a une loi pour les grands et une loi pour les petits. »

Le tout nouveau premier ministre Xavier Bettel a assuré à paperJam qu’il était nécessaire de surveiller « ces entreprises qui ne paient pas d’impôt en usant d’artifices », et « y remédier ». L’ancien ministre des finances avait lui aussi affirmé en mai lors d’un débat à l’OCDE que le fait que « certaines entreprises ayant installé leur siège au Luxembourg ne payent pas d’impôts » était problématique. Mais tous deux se sont empressés dans le même mouvement de défendre la « compétition fiscale légitime » entre pays. La frontière entre l'inadmissible et le tolérable est parfois bien mince.

 

 

Ce reportage est le dernier volet d'une série sur le Luxembourg et sa place dans l'industrie financière mondiale. Nous avons exploré la façon dont la place financière pèse sur les mentalités au Grand-Duché, puis la manière dont le Luxembourg mène les négociations internationales sur le secret bancaire, et nous voyons enfin que la politique prioritaire du pays est de continuer à attirer les entreprises, à coups de lois sur mesure et de fiscalité au rabais.

J'ai recueilli tous les témoignages lors de mon déplacement au Luxembourg, les 19 et 20 décembre. De nombreux interlocuteurs, membres d'ONG, représentants du gouvernement ou salariés d'entreprise, ont demandé à garder l'anonymat. Pour cet épisode, merci à l'équipe de Premières Lignes et à Édouard Perrin pour leur aide et leur soutien.

Nous avons contacté Jean-Claude Juncker, Luc Frieden et Pierre Gramegna pour obtenir une interview, sans résultat.

 

 

 

Source : www.mediapart.fr

 


 

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