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22 janvier 2014 3 22 /01 /janvier /2014 15:43

 

 

Source : www.bastamag.net

 

Des cantines scolaires avec des repas 100% bio et locaux, c’est possible ?

par Sophie Chapelle 21 janvier 2014

 

 

 

 

Les produits bio gagnent peu à peu les cantines scolaires. Certaines villes comme Saint-Étienne affichent même l’objectif de cuisiner 100 % bio. Simple greenwashing, avec des aliments cultivés à l’autre bout de la planète ? Ou véritable volonté politique de transformer l’alimentation des écoliers, tout en développant les filières agricoles locales ? Basta ! a mené l’enquête. L’occasion de défaire quelques idées reçues sur le bio en restauration collective. Et de montrer qu’avec les nombreux outils à disposition des collectivités, passer en 100 % bio dans les cantines, tout en cuisinant local, ce n’est pas si compliqué !

Une ville ouvrière révolutionne la restauration scolaire. Saint-Etienne, 170 000 habitants, est en passe d’assurer une alimentation 100 % issue de l’agriculture biologique pour les cantines des écoles maternelles et primaires. Soit près de 3 000 repas servis quotidiennement. « Un objectif valable à compter du 1er janvier 2014 », souligne Fabrice Poinas, chef de service de la restauration scolaire de la ville. Avec une petite nuance : ces « 100 %» s’appliquent si les produits sont disponibles sur le marché. Difficile en effet de trouver du poisson d’élevage ou des galettes des Rois labellisés Agriculture biologique. L’ambition pour Saint-Étienne est double puisqu’il s’agit de menus bio... et locaux !

« En 2013, 80 % de nos repas étaient bio et composés à 41 % de produits locaux », se réjouit Fabrice Poinas. C’est-à-dire qu’ils proviennent de la Loire ou de départements limitrophes, voire un peu plus éloignés comme la Drôme. L’initiative de Saint-Étienne est la seule à être menée à cette échelle. D’autres communes de plus petite taille ont atteint le 100 % bio, comme Mouans-Sartoux (10 200 habitants) dans les Alpes-Maritimes, en régie directe, avec des légumes issus pour moitié du potager municipal. Des dizaines d’expériences de restauration collective bio et locale sont recensées sur le site restaurationbio.org. « La carte n’est pas exhaustive mais cet outil montre la diversité des expériences, aussi bien en restauration scolaire que pour des établissements hospitaliers ou pénitentiaires », relève Julie Portier de la Fédération nationale de l’agriculture biologique (FNAB).

 

 

La progression à l’échelle nationale demeure néanmoins très lente. Depuis 2012, 56 % des établissements de restauration collective déclarent proposer ponctuellement des produits biologiques, contre 4 % en 2006 selon l’Agence Bio. Mais le volume d’achat en bio ne représente que 2,4 % pour la restauration collective. Bien loin de l’objectif de 20 % fixé par le plan « Ambition bio 2017 » du ministère de l’Agriculture. Pourquoi le développement est-il si peu rapide ? « Cela demande une grande volonté politique, beaucoup de changements de pratiques et d’habitudes », estime Julie Portier. Les idées reçues autour du bio en restauration collective sont aussi monnaie courante. Et nombre d’outils à disposition des collectivités demeurent largement sous-utilisés ou méconnus.

 

Des plateformes collectives pour répondre à la demande des collectivités

Parmi les idées préconçues : les filières bio seraient incapables de répondre à la demande. « C’était vrai il y a dix ans, mais ça l’est de moins en moins. C’est même un prétexte derrière lequel les collectivités se retranchent », pointe Julie Portier. Certes, en France, la part de surface agricole en bio s’élève à seulement 3,8 %. « Mais si toutes les communes du Grand Lyon approvisionnaient leur cantine avec des produits locaux, il faudrait l’équivalent de 10 hectares en arboriculture, relativise Bérénice Bois, de l’association des producteurs biologiques du Rhône et de la Loire (ARDAB). Ce n’est rien du tout ! ». Pour parvenir à une adéquation entre l’offre et la demande, la FNAB encourage depuis dix ans la création de coopératives de producteurs. 26 plateformes couvrent aujourd’hui 70 % des départements.

 

 

La ville de Saint-Étienne s’approvisionne auprès de la coopérative Bio A Pro. Cette plateforme logistique réunit une cinquantaine d’associés sur les départements du Rhône et de la Loire, assure enregistrement, étiquetage et livraison à la cuisine centrale. « Elior, le prestataire de la ville de Saint-Etienne, nous passe les commandes deux à trois semaines à l’avance car les volumes sont assez importants », explique Céline, l’une des trois salariés de Bio A Pro. En un an, la coopérative a livré à Elior 11 tonnes de yaourts, 10 tonnes de légumes frais et aromatiques, plus de 5 tonnes de pommes ! Que faire en cas de pénurie ? « Si l’on n’a pas assez d’endives, on appelle la cuisine centrale et on alterne avec un autre produit dont on dispose en plus grandes quantités. » « En fonction des réponses, le menu évolue » , confirme la ville de Saint-Étienne.

 

Progressivité et régularité pour structurer les filières

L’introduction progressive et régulière de produits bio dans les menus est un autre point clé. De 50 % au démarrage en 2009, Saint-Etienne a augmenté chaque année de 10 % la part de produits issus de l’agriculture biologique dans ses repas. « L’idée est de laisser au prestataire le temps de s’organiser et au marché celui de s’adapter », assure le chef de la restauration scolaire. Certaines collectivités font le choix d’opérations ponctuelles avec des menus 100 % bio deux à trois fois par an. « Le problème est que ces opérations n’ont pas d’effet structurant sur la filière », observe Julie Portier de la FNAB. Il y a le risque que le prix augmente, que le cuisinier soit dépassé et que les convives n’apprécient pas forcément.

« Pour le démarrage, mieux vaut quelques ingrédients en bio régulièrement comme le pain, la viande, les pommes ou les carottes », préconise la FNAB. Les producteurs peuvent ainsi s’organiser et les prix être lissés sur le long terme. Une filière en pain bio a par exemple été développée grâce à un partenariat entre la ville de Bagneux (Hauts-de-Seine) et le Groupement des agriculteurs biologiques (GAB IDF). Saint-Étienne a fait le choix d’écarter au départ la viande bio pour laisser le temps à Bio A Pro de s’organiser. La coopérative se dit désormais en capacité de fournir des steaks frais surgelés. « Sauf que pour des raisons sanitaires, la cuisine centrale ne les travaille que "précuits à cœur". Nous sommes en train de voir si les producteurs peuvent s’adapter à la transformation », souligne la salariée de Bio A Pro. Le décalage entre les normes de la restauration collective et les pratiques des producteurs entrave parfois le développement des filières locales.

 

Créer des légumeries pour assurer la transformation

Carottes pleines de terre, pommes de terres de taille différente, salades abîmées... Ces légumes bruts peuvent être préparés et cuits sur place, dans les cantines ayant fait le choix de la régie directe, comme dans le 12e arrondissement de Paris. Mais pour les cantines en gestion concédée, c’est une autre affaire. Les légumes doivent être préalablement nettoyés, épluchés et mis sous vide avant d’arriver dans les cuisines centrales, pour des raisons d’hygiène et de manque de personnel. « L’outil de transformation apparaît souvent comme le chainon manquant pour permettre aux producteurs bio d’accéder à la restauration collective », pointe Julie Portier.

Pour répondre à ce manque, des légumeries ont vu le jour. Les légumes y sont triés, lavés, épluchés et emballés, prêts à l’emploi pour les cantines. C’est à Flins (Yvelines) qu’a été inaugurée en mars 2012 la première légumerie bio d’Ile-de-France (voir la vidéo). Pour pouvoir y recourir, les agriculteurs doivent adhérer à la Coopérative d’utilisation de matériel agricole Bio Val-de-Seine. Principale limite, ces investissements lourds requièrent le soutien des collectivités [1]. De gros volumes sont nécessaires pour viabiliser cet outil. 200 tonnes de produits finis peuvent y transiter chaque année. L’équivalent de 2,5 millions de portions de carottes râpées ! Les communes des départements voisins ont tendance à vouloir créer leurs propres légumeries, alors même que celle de Flins ne fait pas encore le plein. Il est pourtant essentiel de conforter les outils existants à l’échelle régionale, avant de construire de nouvelles structures.

 

 

Innover pour ne pas augmenter le budget

Autre grande idée reçue : le passage des cantines en bio coûte-t-il plus cher pour la ville et les parents ? « On a des exemples de collectivités où le budget n’a pas augmenté, voire a même diminué, comme pour le collège de Chabeuil dans la Drôme », illustre Julie Portier. L’introduction de produits bio et locaux est souvent l’occasion d’une remise à plat des pratiques. La ville de Clamart (Hauts-de-Seine) a par exemple remplacé à partir de 2008 la majeure partie des denrées servies en emballages individuels par leur équivalent en conditionnements collectifs. « Alors que le budget denrées est d’1,5 million d’euros, nous en avons dépensé 1,4 en 2009 et 1,3 en 2010. Une différence qui est réinvestie dans l’introduction de produits bio » confiait il y a trois ans le conseiller municipal François Soulabaille. Le volume mensuel de denrées bio servies dans les cantines de Clamart est ainsi passé, à budget constant, de 0 à 50 % en trois ans !

Pour éviter un surcoût, les menus sont composés avec soin. Certaines cantines diminuent la quantité de viande et compensent par des céréales et des légumineuses. La baguette blanche à volonté est remplacée par une tranche de pain complet bio. La ville de Brest mise sur les menus de saison. Florence Busson de la Maison de la Bio 29 participe chaque mois à la commission des menus, aux côtés du prestataire Sodexo. « Cela fait sept ans que l’on travaille ensemble. Cela créée des réflexes et les propositions de menus ne sont plus celles du début. Les tomates ont disparu des menus d’hiver. La nouveauté, ce sont les panais râpés en entrée ». Les 6 000 repas servis quotidiennement dans les cantines maternelles et primaires de Brest sont aujourd’hui composés à 30 % de produits bio et locaux.

 

La réforme des appels d’offre

Lorsque la ville de Saint-Etienne lance son appel d’offres en 2009, la démarche aurait pu tourner court. « Nous avions indiqué dans le cahier des charges que les produits devaient provenir au maximum de la Loire et des départements voisins. C’était un peu limite à l’époque, mais nous n’avons eu aucun recours », confie Fabrice Poinas. Le Code des marchés publics a, depuis, intégré une nouvelle notion : celle de « performances en matière de développement des approvisionnements directs de produits de l’agriculture ». « Ce critère permet de donner une meilleure note au candidat qui a le moins d’intermédiaire », explique Julie Portier. Certaines villes pratiquent également l’allotissement pour s’approvisionner. « Plutôt que de rédiger un seul appel d’offre pour du riz ainsi que des fruits et légumes bio, la ville distingue les deux appels d’offre de manière à ce que des producteurs locaux puissent répondre à l’un des deux marchés ».

Le premier appel d’offres pour un approvisionnement bio a été lancé à Brest en 2007. Mais le travail de réflexion sur la rédaction du cahier des charges a été amorcé dès 2005. « Nous avons commencé par discuter avec les élus de la ville de Brest et le personnel de restauration, se souvient Florence Busson. La question était de savoir quels étaient les produits bio les plus pertinents à produire. On a ciblé onze lignes de produits pour lesquels on connaissait la disponibilité locale. L’objectif était que ces produits soient 100 % bio tout au long de l’année ». Ces lignes de produits – pommes de terres, carottes, salades, pommes, yaourts nature – ont été traduites sous forme d’options dans le cahier des charges. Brest a pu démarrer en 2007 avec 20 % de produits bio. « La collectivité a tout pouvoir pour fixer les exigences souhaitées dans le cadre d’un marché public », résume Julie Portier.

 

 

Transparence et contrôle du prestataire

Mais comment s’assurer que les produits sont bien locaux ? Surtout quand la gestion des repas est déléguée à un prestataire privé mondialisé, comme Sodexo ou Elior. « Il ne suffit pas de dire "30 % de bio", il faut aussi un contrôle et des indicateurs », avertit Julie Portier. Des clauses sur le contrôle peuvent être intégrées dans le marché public. A Saint-Etienne, le chef de la restauration scolaire se rend chaque mois dans les locaux du prestataire et vérifie les stocks et les modes de fabrication. « Je regarde également tous les documents, comme les bons de livraison et les fiches des produits pour voir si cela correspond avec les quantités et la provenance annoncée dans les menus », détaille Fabrice Poinas.

« Nous imposons beaucoup de transparence, nous posons beaucoup de questions et nous voulons un maximum d’éléments, confirme Florence Busson de la Maison de la bio dans le Finistère. A Marseille, le collectif de parents Changeons la cantine se mobilise régulièrement depuis l’attribution de la totalité du marché de la restauration scolaire à Sodexo (lire notre article). Ils réclament la mise en place d’un comité d’usagers pour pouvoir être impliqués dans la qualité et le suivi de la prestation.

 

Former le personnel de restauration

Dans le cadre d’une circulaire de 2008, l’Etat s’était engagé à « l’exemplarité » en matière d’utilisation de produits issus de l’agriculture biologique dans la restauration collective. « Mais les clés méthodologiques pour y arriver sont restées dans un tiroir, regrette Julie Portier. Or, former les cuisiniers dans les cantines est un moyen simple pour enclencher un changement. » Le Lycée Liberté de Romainville (Seine-Saint-Denis) propose des produits bio dans son self depuis 2005. « Ouvrir des boîtes et des sachets, tout le monde peut le faire. Notre cuisine doit avoir un sens : on travaille du vivant, de l’affectif, on n’empile pas des parpaings. Tant qu’on n’intègrera pas ces considérations, on ne pourra pas motiver les collègues, susciter des vocations, explique son chef cuisinier René Pierre Brachet. C’est plus valorisant de choisir ses produits et d’avoir une maîtrise sur sa transformation. » Ce chef a rejoint le réseau national de formateurs pour intervenir au sein des collectivités.

A Saint-Etienne, un programme de sensibilisation a été mené auprès du personnel de restauration. « Ces derniers étaient obligés de participer à l’une des trois sessions, précise Elodie Rolland de l’Ardab. L’enjeu était que les équipes soient en capacité d’informer les élèves sur l’agriculture biologique ». A Brest, trois nouvelles personnes assurant le service dans les cantines intègrent chaque année la commission des menus. A Clamart, des formations ont été proposées au personnel pour préparer les légumes non transformés. La municipalité a aussi recruté du personnel diplômé, mis en place un système de compagnonnage et responsabilisé chaque employé sur une partie de la production. Dans toutes ces villes, la dynamique est en route et s’élargit au portage des repas aux personnes âgées ainsi qu’aux crèches. Autant d’expériences à suivre.

Sophie Chapelle
@Sophie_Chapelle

Aller plus loin :
- Des fiches pratiques sur les marchés publics sont proposées par le réseau Corabio
- Catalogue des formations, témoignages d’expériences en restauration collective bio et locale,... sont disponibles sur le site repasbio.org
- L’expérience de Clamart, « étape par étape », est relatée ici
- Annuaire des organisations de producteurs biologiques livrant la restauration collective.

 

Notes

[1Les 200 000 euros nécessaires pour créer cette légumerie ont été amenés en partie par la région Ile-de-France, l’Union européenne, l’agence de l’eau Seine-Normandie et la Driaaf, la Direction régionale et interdépartementale de l’alimentation, de l’agriculture et de la forêt d’Ile-de-France


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Source : www.bastamag.net

 

 

 

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22 janvier 2014 3 22 /01 /janvier /2014 15:35

 

Source : www.bastamag.net

 

 

Maltraitance professionnelle

Souffrance au travail : de plus en plus de médecins censurés sur demande des employeurs

par Ivan du Roy 22 janvier 2014

 

 

 

 

 

Des médecins du travail et des généralistes sont accusés par des entreprises de violer la déontologie médicale. Celles-ci font pression en portant plainte auprès de l’Ordre des médecins. Objectif : faire modifier des certificats médicaux en effaçant tout lien entre l’état de santé du patient et son travail. Ou obtenir que les récalcitrants soient blâmés. Dominique Huez, médecin du travail à la centrale nucléaire de Chinon, vient d’être ainsi condamné par l’Ordre suite à la plainte d’un employeur. Enquête sur des pratiques qui risquent d’avoir de graves conséquences sociales et environnementales.

Les médecins du travail devront-ils s’autocensurer ? Selon l’Ordre des médecins et sa chambre disciplinaire de la région Centre, la réponse est oui. L’Ordre vient de condamner à une « peine d’avertissement » le docteur Dominique Huez, médecin du travail d’EDF sur le site de la centrale nucléaire de Chinon. Sa faute ? Avoir accepté en urgence en décembre 2011 de recevoir un ouvrier, en état de stress avancé, travaillant pour un sous-traitant d’EDF, Orys. Cette filiale du groupe Ortec fournit des services à l’industrie pétrolière et nucléaire. Le médecin constate chez son patient une « pathologie anxio-dépressive », « conséquence d’une suite de syndromes post-traumatiques », « en rapport à un vécu de maltraitance professionnelle ». Le salarié a fait jouer quelques mois plus tôt son droit de retrait sur un chantier où il aurait pu être exposé à des fibres d’amiante. Sa dépression est déjà reconnue en maladie professionnelle. Le médecin rédige donc un certificat médical, y mentionne les faits décrits par le patient et constate que « l’enchaînement de pratiques de maltraitance [au sein de l’entreprise] ne peut qu’aggraver de façon délétère » sa pathologie.

Le salarié quitte la consultation. Dominique Huez n’aura plus aucune nouvelle de lui durant deux ans : « Je ne sais même pas s’il a vu ensuite son généraliste ou son médecin du travail. » Jusqu’au printemps 2013 où le médecin apprend qu’il fait lui-même l’objet d’une plainte de l’employeur, Orys, auprès de l’Ordre des médecins. La société accuse le praticien d’avoir « manifestement violé le Code de déontologie médicale » en établissant un « certificat de complaisance ». La société est elle-même assignée aux prud’hommes par le salarié concerné, qui produit notamment le certificat établi par le médecin. Or, selon la direction de l’entreprise, Dominique Huez emploie « des mots extrêmement sévères, stigmatise l’entreprise », et « se permet de donner son avis tout à fait personnel ». Bien que médecin du travail depuis 30 ans et spécialiste de psychopathologie du travail, il n’aurait, selon l’employeur, pas dû établir de lien entre l’état de santé dégradé de l’ouvrier et son activité professionnelle, encore moins évoquer le vécu et le ressenti du salarié face à l’organisation du travail, même si son état dépressif en est la conséquence. Pire : l’Ordre des médecins s’associe à la plainte, lui reprochant notamment d’avoir médiatisé l’affaire…

 

Une offensive concertée du patronat ?

Ce type de plaintes se multiplie. Plusieurs autres médecins – du travail, généralistes ou psychiatres – font l’objet de procédures similaires devant l’Ordre des médecins, à chaque fois que leurs constatations médicales sont ensuite produites par les salariés dans le cadre d’actions devant les prud’hommes ou de reconnaissance en maladies professionnelles. Tous auraient, selon les employeurs, rédigé des certificats « de complaisance », « non conformes » ou ne respectant pas le Code de déontologie médicale. L’objectif : obliger les médecins à changer leurs certificats pour que les employeurs puissent produire de nouvelles pièces, moins dérangeantes, voire effaçant tout lien entre santé et travail.

Porter plaine devant l’Ordre des médecin leur permet de faire ainsi discrètement pression sur la profession. « Le projet des employeurs est de subordonner à leurs intérêts les écrits d’un médecin qui font le lien entre santé et travail », analyse Dominique Huez. Ce que conteste François-Xavier Ley, président de l’Ordre des médecins d’Alsace. Sur les trois dernières années, il recense seulement « 13 plaintes à l’encontre de médecins du travail », dont « trois d’employeurs ». « On ne peut donc parler de dérive, ni d’offensive organisée de la part des employeurs », explique-t-il dans la revue Santé & Travail en octobre dernier. Problème : seules les plaintes qui arrivent devant une chambre disciplinaire sont recensées, et non les plaintes, beaucoup plus nombreuses, qui se règlent en « conciliation » entre le praticien et l’employeur, devant l’Ordre des médecins.

 

Les patients exclus des procédures de conciliation

Cette conciliation, le professeur Dominique Choudat, du service pathologies professionnelles de l’hôpital Cochin à Paris, l’a acceptée, suite à la plainte d’une entreprise. Le médecin constate chez un salarié « un cancer bronchique » – un mésothéliome – et remplit un dossier en vue d’une reconnaissance en maladie professionnelle, ce type de cancers pouvant être lié à l’amiante. « Je peux certifier qu’un patient est atteint d’un cancer bronchique mais je ne peux pas certifier qu’il a travaillé sur des sites exposés à l’amiante », nous explique Dominique Choudat. C’est ensuite à son secrétariat d’accompagner le patient pour retracer sa carrière professionnelle et remplir le dossier qu’il devra déposer au Fonds d’indemnisation des victimes de l’amiante (Fiva). Qu’importe, l’employeur [1] porte plainte devant l’Ordre des médecins, contestant le certificat médical constatant le cancer ! L’affaire s’est réglée en conciliation en décembre : l’entreprise et son directeur général se sont excusés auprès du praticien. Mais la pression est là.

Ces excuses constituent cependant une exception. Le plus souvent, les médecins acceptent non seulement la conciliation, mais, par crainte de se voir blâmer par l’Ordre, se soumettent à l’injonction de l’employeur « pour faire retirer la plainte ». Ce qui pose de graves problèmes de déontologie. Ces procédures de conciliation sont initialement pensées pour régler des conflits entre un médecin et son patient. Mais lorsque c’est un employeur qui porte plainte, la conciliation se tient en l’absence du patient, qui reste pourtant le premier concerné par un certificat médical à son nom ! Elle « fragilise le respect du secret médical car elle investigue devant un tiers un dossier clinique », et met les membres de l’Ordre des médecins « dans une situation de transgression de la déontologie, dès lors qu’ils inciteraient le médecin du travail mis en cause à modifier ou infirmer l’écrit litigieux, sans avoir au préalable eu un échange direct avec le patient », estime Alain Carré de l’association Santé et médecine du travail (SMT). Alain Carré juge cette procédure « totalement inadaptée pour des employeurs défendant leur intérêt exclusif ».

 

« Stress professionnel » : une expression interdite ?

EDF a ainsi réclamé d’un médecin généraliste d’Indre-et-Loire qu’il transforme ses écrits sur l’état de santé d’une de ses patientes. Après avoir reçu en consultation une intérimaire de l’entreprise, le généraliste l’envoie vers le service pathologie professionnelle de l’hôpital de Tours, « pour angoisse, troubles de l’humeur, troubles du sommeil, en rapport avec un stress professionnel majeur ». EDF a porté plainte et exigé qu’à la place de « stress professionnel » soit inscrit « stress réactionnel », gommant ainsi tout lien entre état de santé et travail. Pourtant, au CHU de Tours, la médecin du travail, Bernadette Berneron, qui reçoit l’intérimaire en février 2013, confirme la « dépression professionnelle », après avoir procédé à une analyse clinique de la situation de la salariée. EDF la poursuit également. Reste que le certificat médical initial a été changé à la demande de l’employeur. C’est pour dénoncer ces pratiques que Dominique Huez a refusé de se rendre à une telle conciliation.

Médecin du travail à la RATP, à Paris, depuis plus de treize ans, Nathalie Pennequin est, elle, la cible d’une plainte du directeur de l’unité opérationnelle au sein de laquelle elle exerce. « Il a obtenu les écrits de quatre agents mécontents, sur les 300 que je suis dans mon service, et a porté plainte pour manquements déontologiques auprès de l’Ordre des médecins », raconte-t-elle. Un représentant d’employeur qui porte plainte à la place des salariés, du jamais vu ! L’affaire intervient alors que la RATP est engagée dans une forme de restructuration : les transports urbains – les lignes de bus en l’occurrence – doivent s’ouvrir à la concurrence en 2025. Résultat : pour améliorer la « productivité », les différents centres de la régie francilienne sont mis en concurrence les uns avec les autres, et évalués en fonction de leurs taux d’absentéisme et d’inaptitude, qui doivent être les plus faibles possibles. D’où une forte pression sur les médecins du travail, pris en étau entre les objectifs chiffrés de la direction, les salariés et l’impact de certains postes sur leur santé. Nathalie Pennequin pense qu’elle ne se rendra pas à la conciliation où elle est convoquée, le 29 janvier : « Je ne peux tout simplement pas me retrouver en conciliation avec l’employeur sur la santé des salariés. » Si la médecin refuse, elle devra donc comparaître devant une chambre disciplinaire pour être jugée par ses pairs.

 

L’entreprise assimilée à une famille ?

Quelle est la légitimité de l’Ordre des médecins pour traiter de telles affaires ? Pour les avocats de Dominique Huez, ce type de plainte est irrecevable. Le Code de la santé publique ne prévoit pas explicitement que des entreprises puissent intenter une « action disciplinaire ». Au contraire des patients, des médecins ou d’organismes de santé publique [2]. Les avocats estiment également que la mission d’un médecin du travail, par son rôle de prévention, d’amélioration des conditions de travail et de protection des travailleurs, relève d’une mission de service public. Seul un organisme public – ministère, représentant de l’État, Procureur… – est donc habilité à les poursuivre pour une faute présumée. L’employeur a, de son côté, tout loisir d’intenter une procédure en justice contre un médecin s’il s’estime calomnié ou de contester la reconnaissance d’une maladie professionnelle devant le tribunal des affaires de la Sécurité sociale. « C’est l’inspection du travail qui aurait dû être saisie pour savoir si j’ai commis, ou pas, une faute professionnelle », estime Dominique Huez.

Aucun de ces arguments n’a été retenu par la chambre disciplinaire régionale de l’Ordre des médecins. Elle considère qu’une entreprise est en droit de porter plainte pour violation de la déontologie médicale à partir du moment où elle est citée dans un certificat. Et que le médecin du travail relève « du droit privé ». Décrire un lien entre santé et travail – tout ce que la médecine du travail s’attelle à faire depuis 30 ans – revient alors à « s’immiscer dans les affaires de famille » et « dans la vie privée du patient », ce qui est proscrit par le Code de déontologie. L’employeur et l’entreprise seraient-ils considérés comme relevant de la « famille » d’un patient ? Un médecin du travail ne pourra-t-il plus donc « s’immiscer » dans l’organisation du travail et ce qu’en dit un salarié en souffrance, sous prétexte que cela relève de « la vie privée » ?

 

Posture idéologique

Pour Dominique Huez, l’Ordre des médecins confond un certificat pour « coups et blessures » – où le rôle du médecin n’est effectivement pas de s’intéresser à l’auteur des coups – et un certificat attestant du lien entre santé et travail, qui se doit d’interroger « l’obligation de sécurité et de résultat de l’employeur » concernant les atteintes à la santé des salariés. Une obligation inscrite dans le Code du travail. Sinon, comment lancer une alerte médicale auprès de l’employeur ou des représentants du personnel, si les faits énoncés par le salarié doivent être ignorés lors d’une consultation ? Comment mener des actions de prévention ?

« L’Ordre des médecins ne procède que par posture idéologique, ignore la spécificité de la médecine du travail et outrepasse les missions qui lui sont confiées par la loi », déplore le médecin « averti ». « L’Ordre a-t-il déjà instruit à son initiative un problème de santé au travail ? Jamais. A-t-il déjà poursuivi un médecin pour non déclaration de maladie professionnelle ? A ma connaissance, jamais. » L’histoire de cet organisme professionnel est effectivement très marquée idéologiquement. Créé en octobre 1940 sous le régime de Vichy, le Conseil national de l’Ordre des médecins ne proteste pas contre l’exclusion des médecins juifs de la profession. En 1956, il délivre un blâme à Lagroua Weill-Hallé, médecin qui fonde « La maternité heureuse », ancêtre du Planning familial, qui défend le droit à la contraception. Il tente ensuite de freiner les avancées vers un droit à l’IVG. Mais il n’entamera aucune procédure contre les médecins qui continuent de nier, au mépris des preuves scientifiques, les graves conséquences de l’amiante sur la santé au moment où la fibre tueuse est interdite en 1997 [3].

 

Que reste-t-il du devoir d’alerte ?

Aujourd’hui, c’est la mission des 5 666 médecins du travail, et de leurs confrères consultés par un salarié, qui risque d’être fortement amputée, si certifier médicalement tout lien entre santé et activité professionnelle est passible de poursuites. Le psychiatre Jean Rodriguez, à Avignon, est poursuivi par Zôdio, une enseigne de décoration appartenant au groupe Adeo (propriété de la famille Mulliez), pour avoir constaté chez une salariée « un stress post traumatique en lien avec son travail » (lire ici). La médecin du travail Elisabeth Delpuech dans l’Ain, a été condamnée en première instance par la chambre disciplinaire régionale suite à la plainte d’une petite entreprise après avoir certifié un effondrement anxio-dépressif chez une employée. La liste n’est pas exhaustive…

Les conséquences de ces pressions ne seront pas seulement sociales mais aussi écologiques. « La santé au travail est la sentinelle de la santé environnementale », rappelle Dominique Huez. Les salariés sont les premiers à être confrontés et exposés à de produits dangereux, avant les consommateurs. Le devoir d’alerte en la matière est donc essentiel. « On interdit de fait aux gens qui ont les compétences pour intervenir en alerte – les médecins du travail – de le faire », s’inquiète le médecin de la centrale de Chinon.

Le collectif de soutien aux médecins du travail poursuivis, qui regroupe des associations de médecins et d’usagers de la santé, des syndicalistes de la CGT et de Solidaires, vient d’adresser, le 20 janvier, une lettre à Marisol Touraine, ministre des Affaires sociales et de la Santé. « Quelle logique politique y aurait-il à promulguer, comme le gouvernement vient de le faire à juste titre, une loi de protection des lanceurs d’alerte, en laissant perdurer la possibilité d’entrave à ces alertes par les employeurs en matière de santé au travail ? », interpelle-t-il. La ministre socialiste répondra-t-elle ? En attendant, Dominique Huez fait appel devant le Conseil national de l’ordre des médecins : « Je ne reculerai pas. Mon action médicale est légitime du point de vue de la déontologie. »

Ivan du Roy

 

Photo : Gael Kerbaol

 

Notes

[1Selon nos sources, il s’agit de la société Otis, célèbre fabricant d’ascenseur (les cages d’ascenseurs conçues avant l’interdiction de l’amiante en 1997 en comportent), ce que n’a pas souhaité confirmer Dominique Choudat.

[2Selon l’Article R 4126-1 du Code de la Santé Publique, une « action disciplinaire » peut être introduite contre un médecin par un patient (ou des associations de patients ou d’usagers de santé), un praticien (ou son syndicat), l’Agence régionale de santé, les caisses d’assurance maladie, les organismes de Sécurité sociale, le ministère de la Santé, le Préfet ou le Procureur, l’Ordre des médecins pouvant se saisir lui-même.

[3C’est le cas, notamment, du professeur Etienne Fournier, membre de l’Académie de médecine, qui a continué à l’époque de publier des rapports manifestement erronés sous-estimant le rôle de l’amiante comme cause des cancers du poumon. Lire cet article du Monde Diplomatique, « La caution des scientifiques » (avril 2002).


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Source : www.bastamag.net

 

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22 janvier 2014 3 22 /01 /janvier /2014 15:27

 

Source : www.lejdd.fr

 

19 janvier 2014

Sauvée par l'Etat, Dexia augmente trois dirigeants de 30%

 

Trois dirigeants de la banque franco-belge Dexia, renflouée par les contribuables, ont vu leur rémunération s'envoler de 30% au 1er janvier. Tous gagnent au moins 450.000 euros par an.

Piscine intérieure, sauna, hammam et salle de sport. Le luxueux château Saint-Just, dans l'Oise, a accueilli jeudi et vendredi 70 cadres de Dexia pour un "séminaire stratégique". Deux jours et une nuit en pension complète pour un coût d'environ 20.000 euros. La banque a mis les moyens pour introniser les trois nouveaux dirigeants nommés mi-décembre. Mais elle a oublié de dire que leurs salaires avaient été augmentés de 30%! Selon nos informations, le directeur financier, Pierre Vergnes, le responsable des risques, Marc Brugière, et le secrétaire général, Johan Bohets, ont vu leurs rémunérations annuelles passer de 340.000 à 450.000 euros. Le patron Karel De Boeck émarge déjà à 600.000 euros.

Pierre Vergnes et Marc Brugière remplacent Philippe Rucheton — qui partira en mars — et Claude Piret, en cours de négociation pour quitter la banque. Ces derniers gagnaient respectivement 500.000 euros et 480.000 euros. Un niveau plutôt élevé pour une banque détenue à 44% par l'État français et à 50% par la Belgique. En France, les salaires des dirigeants d'entreprises publiques chez EDF, Areva ou encore à La Poste sont plafonnés à 450.000 euros. En Belgique, le plafond descend à 290.000 euros.

"La banque ne fait plus rien"

En interne, ces augmentations font grincer des dents. Nationalisée en 2008, Dexia a perdu plus de 15 milliards d'euros en trois ans et a été renflouée par la France et la Belgique pour 5,5 milliards en 2012! Au siège, on confirme ces salaires mais on peine à les justifier. Liquider les 238 milliards d'euros de prêts au bilan "nécessite d'avoir des compétences pointues", explique la direction ajoutant : "On ne peut pas offrir d'énormes perspectives de carrière." Sauf que depuis son démantèlement en 2012, "la banque ne fait plus rien", explique un banquier. Ces salaires sont comparables à ceux des dirigeants de grandes banques comme le Crédit agricole ou les Caisses d'épargne qui comptent près de 150.000 salariés.

Chez Dexia, les effectifs sont tombés à 1.300 personnes contre 22.000 il y a trois ans. Surtout, les trois dirigeants concernés n'ont pas endossé de nouvelles responsabilités. Ils occupent leurs fonctions depuis plus d'un an. Leur seule entrée au comité de direction, simple organe de gouvernance, justifie leurs émoluments. En octobre 2012, le comité avait été réduit à trois membres pour faire des économies.

Plus d'actu finance/économie avec Boursier.com

Matthieu Pechberty - Le Journal du Dimanche

dimanche 19 janvier 2014

Karel de Boeck Paru dans leJDD

Karel de Boeck, PDG de Dexia, gagne 600.000 euros par an. (Reuters)

Source : www.lejdd.fr

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22 janvier 2014 3 22 /01 /janvier /2014 15:21

 

 

Source : www.latribune.fr

 

 

En trois ans, près de 900.000 personnes sont devenues pauvres en France

Fabien Piliu  |  20/01/2014, 16:25  -

 

 

Conjoncture
Les jeunes et les chômeurs sont en première ligne
Les jeunes et les chômeurs sont en première ligne

 


En 2011, 8,7 millions de personnes vivaient en-dessous du seuil de pauvreté, qui s’élevait à 977 euros par mois. Soit 893.000 de plus qu’en 2008. Les chômeurs et les jeunes sont les populations les plus fragiles.

 

 

Les conséquences de la crise de 2008-2009 se précisent au fil du temps. On connaissait déjà les effets de la crise sur l'activité - le PIB a reculé de 2,5% en 2009 selon l'Insee -, sur les défaillances d'entreprises - 65.000 en 2009, un record - et sur les destructions d'emplois qui se sont élevées à 331.000 en 2009 selon une étude du Trésor. Une étude de l'Insee publiée ce lundi nous éclaire sur l'impact de la crise sur la pauvreté.

Seuls les plus aisés voient leur niveau de vie augmenter

Selon l'enquête Revenus fiscaux et sociaux, le niveau de vie médian des Français s'est stabilisé entre 2010 et 2011 à 19.550 euros annuels. Les 10 % des personnes les plus modestes ont un niveau de vie inférieur à 10.530 euros par an. Les 10 % les plus aisés disposent d'au moins 37 450 euros par an, soit 3,6 fois plus. En 2011, les niveaux de vie ont augmenté uniquement pour la moitié la plus aisée de la population. En revanche, pour la moitié la plus modeste, ils reculent, mais moins que les deux années précédentes.

Résultat, le taux de pauvreté, c'est-à-dire la proportion de personnes dont le niveau de vie se situe en-dessous du seuil du niveau de pauvreté, progresse de 0,3 point pour s'établir à 14,3%. A titre de comparaison, il atteignait 13% en 2008. En 2011, le seuil mensuel de pauvreté, qui correspond à 60 % du niveau de vie médian de la population, s'établissait à 977 euros mensuels en 2011, contre 985 euros en 2008.

" Cette hausse est la troisième consécutive, même si elle est plus modérée que celles enregistrées lors des deux années précédentes ", observe l'Insee. Résultat, 8,7 millions de personnes vivaient sous le seuil de pauvreté en 2011 contre 7,8 millions en 2008. Soit 900.000 personnes supplémentaires !

Les chômeurs et les jeunes, les plus fragiles

Qui sont les populations les plus touchées par la montée de la pauvreté ? La pauvreté s'accroît davantage parmi les chômeurs et les jeunes âgés de 18 à 29 ans. " Dans un contexte où le chômage est resté relativement stable en moyenne annuelle entre 2010 et 2011, la diminution du niveau de vie des chômeurs provient en partie de l'augmentation des durées de chômage. Elle s'accompagne d'une légère hausse du nombre de ceux qui ne perçoivent plus d'indemnisation. (...) Par ailleurs, les revalorisations des allocations chômage ont été inférieures à l'inflation ", explique l'Insee.

L'augmentation des difficultés financières de jeunes s'explique par le fait que la part des jeunes ayant un emploi recule (- 1,4 point à 55,4 %) et aussi parce qu'ils sont proportionnellement plus souvent au chômage (+ 0,4 point à 12,2 %) ou inactifs (+ 0,9 point à 32,3 %). " En outre, ceux qui ont un emploi en 2011 sont plus souvent en contrat à durée limitée ou à temps partiel qu'en 2010."

 

 

L'auteur

 

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22 janvier 2014 3 22 /01 /janvier /2014 15:11

CADTM

 

Source : cadtm.org

 

Grèce

 

Les droits de l’homme sur le lit de Procuste.

21 janvier par CADTM Europe

 

 


Une vingtaine d’organisations syndicales, des droits de l’homme et de la société civile des quatre coins de l’Europe ont envoyé une lettre au président du Parlement Européen en lui demandant de rédiger un rapport sur la situation des droits de l’homme, de l’Etat de droit et de la démocratie dans le pays qui assume la présidence du Conseil Européen, en vertu de l’article 7 du TUE.

La lettre (que vous pouvez retrouver en bas de cet article) fait état d’un nombre important de violations sérieuses de la Charte Européenne des droits fondamentaux perpétrées systématiquement dans ce pays, en particulier depuis qu’il est soumis au rudes programmes économiques de la Troïka.

Parmi les signataires on retrouve la fédération grecque des employés municipaux (POE-OTA), forte de 75.000 membres, et le syndicat belge des employés du privé CNE, fort de 167.000 membres. L’Association Européenne de défense des Droits de l’Homme (AEDH), organisation regroupant 30 ligues de 22 états-membres de l’UE, a également signé.

Dans le courant de la semaine, des ministres grecs comparaîtront devant les différentes commissions du Parlement Européen. Les signataires demandent aux députés européens de saisir cette occasion pour les interpeller sur les violations décrites dans la lettre.

"Le Parlement doit faire usage de ses prérogatives pour mener une enquête et éventuellement initier la procédure prévue par l’article 7 du Traité de l’Union Européenne, nous lui avons fourni une base solide pour cela. Nous avons eu du mal à trouver ne serait-ce qu’un seul article de la charte des droits fondamentaux qui ne soit pas violé aujourd’hui en Grèce" a dit Serge Kollwelter, président de l’Association Européenne de défense des Droits de l’Homme.

La Grèce est dans sa sixième année de récession avec des taux de chômage inédits en Europe, laissant la majorité des jeunes du pays (57,9% selon les derniers chiffres) sans travail. Des dizaines de milliers de personnes sont privés d’électricité et d’accès aux soins de santé alors que des services de base tels que l’éducation se dégradent dangereusement. Les manifestants doivent faire face à une violence excessive mettant en péril leur vie, les détenus sont torturés par cette même police qui demeure inactive lorsque des groupes néo-nazis terrorisent et vont jusqu’à assassiner des immigrés. Le long de la frontière turque, les réfugiés et les migrants sont régulièrement maltraités et refoulés, courant ainsi un danger de mort.

"Ceci est-il l’avenir pour toute l’Europe et qui est le suivant ? Lorsqu’on a à faire à des violations sérieuses, l’inaction équivaut à la complicité. Même au dernier moment, le Parlement Européen doit réagir et affirmer que les droits de l’homme ne peuvent pas être sacrifiés, les hommes ne sont pas des nombres", a déclaré Themis Balasopoulos, président de la fédération grecque des employés municipaux (POE-OTA)

Renaud Vivien, co-secrétaire général du CADTM a dit : "Les droits de l’homme sont sacrifiés au nom du remboursement d’une dette illégitime qui n’a fait que croître pendant ces quatre années, malgré les coupes brutales des dépenses publiques. Il est donc urgent de procédér à un audit de la dette qui pèse sur le peuple grec et d’annuler toute partie avérée illégitime sans conditions

Pour plus d’informations, contacter : Ermal Bubullima, porte-parole de l’Initiative de solidarité avec la Grèce qui résiste - Bruxelles ermal.bubullima@gmail.com Tel : 0032 484 644161

 

Signataires :

AEDH, Association Européenne pour la défense des Droits de l’Homme
Ligue de Droits de l’Homme Belgique
Réseau européen Attac
Attac Autriche
Attac France
Attac Hellas
Αttac Hongrie
Attac Irelande
CADTM Europe
CNE-CSC, Centrale Nationale des Employés - Belgique
Corporate Europe Observatory
European Public Health Alliance
Forum per una Nuova Finanza Pubblica e Sociale – Italie
Réseau pour les droits politiques et sociaux (Diktyo) - Grèce
Platform Stop Racism en Uitsluiting – Pays-Bas
POE-OTA, Fédération Grecque des employés municipaux
Transnational Institute (ΤΝΙ)
Syndicat des travailleurs de la compagnie des eaux de Thessalonique (SEEYATH) - Grèce
Mouvement unis contre le racisme et la menace fasciste (KERFAA) - Grèce
War on Want – Royaume-Uni

Soutenue par des Initiatives de Solidarité avec la Grèce :
- Initiative de Solidarité avec la Grèce qui Résiste - Bruxelles
- Real Democracy Now Berlin / GR

 

 

 

Source : cadtm.org

 


 

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22 janvier 2014 3 22 /01 /janvier /2014 15:01

 

Source : www.reporterre.ne

 

Les paysans arrachent une victoire sur les semences

Camille Martin (Reporterre)

mardi 21 janvier 2014

 

 

 

Les semences de ferme ne seront pas considérées comme une contrefaçon. C’est l’engagement du gouvernement, obtenu mardi soir, alors qu’une centaine de membres de la Confédération paysanne occupaient le siège du Groupement national interprofessionnel des semences.

 


 

Mercredi 22 janvier, 08h00

Les paysans qui occupaient le GNIS (Groupement national interprofessionnel des semences) ont remporté mardi soir une victoire. Ils demandaient que la loi sur la contrefaçon, en discussion le 4 février à l’Assemblée nationale, n’inclut pas les semences. Ils ont obtenu que le gouvernement présentera un amendement à la loi excluant les semences de ferme des dispositions sur la contrefaçon, explique à Reporterre Laurent Pinatel, porte-parole de la Confédération paysanne. Cet engagement a été écrit dans un courriel envoyé par Philippe Mauguin, le directeur de cabinet du ministre de l’Agriculture, Stéphane Le Foll.

Cependant, cette disposition ne concernera pas les "préparations naturelles non préoccupante" - le purin d’ortie - ni les semences animales.

Les paysans ont cependant considéré que l’engagement gouvernemental était une avancée satisfaisante et ont levé l’occupation vers 23h30. La police n’était pas intervenue. Emmanuelle Cosse et José Bové, d’EELV (Europe Ecologie Les Verts) étaient venus soutenir l’occupation.

Prochaine étape : obtenir que l’application des règles sur les COV (Certificats d’obtention végétale) n’entraine plus de sanctions à l’égard des paysans qui échangent leurs semences. Cela pourrait être obtenu par des amendements à la loi d’avenir agricole en discussion au Sénat.

 

*Suite de l'article sur reporterre

 

Source : www.reporterre.net

 

 

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22 janvier 2014 3 22 /01 /janvier /2014 14:56

 

Source : www.marianne.net

 

Alstom accusé de corruption au Brésil
Mercredi 22 Janvier 2014 à 13:15

 

Patricia Neves

 

Un document saisi dans les locaux d’Alstom à Paris confirme, selon un grand quotidien brésilien, le versement par le groupe français de généreux pots de vin aux autorités de São Paulo, en 1998, liés à un marché concernant l'équipement énergétique de la ville. L'argent aurait notamment transité via des «comptes bancaires secrets» détenus en Suisse.

 

Illustration Metrô de Sao Paulo, dont la ligne A 2 Verde notamment a été réalisée par Alstom, 1997 - SETEMBRO/SIPA
Illustration Metrô de Sao Paulo, dont la ligne A 2 Verde notamment a été réalisée par Alstom, 1997 - SETEMBRO/SIPA
Alstom* aurait versé de l’argent, beaucoup d’argent pour obtenir les faveurs des autorités de São Paulo en 1998 lorsque ces dernières planchaient sur l'équipement énergétique de la ville.
 
Des millions de reais déboursés selon un document obtenu par la Folha de São Paulo, l’un des principaux journaux du pays, pour s’assurer non pas de l’obtention du marché mais de la signature d’un volet supplémentaire au contrat existant, qui liait le groupe français à la mégalopole brésilienne depuis 1983.
 
Or selon le quotidien , au Brésil, la loi plafonne la durée de ce type de contrat à cinq ans. Quinze ans s’étaient pourtant écoulés lors de la signature de l’avenant en 1998. Ce qui n’aurait pas empêché les autorités régionales, notamment l'entreprise énergétique publique (EPTE) de recevoir, d'après l'enquête des journalistes, des pots de vin en échange de l’octroi de ce juteux contrat qui s’élevait pour Alstom à 45,7 millions de dollars.
 
Saisi dans les locaux d’Alstom, à Paris, par la police française, selon le site de la Folha de São Paulo, le document en question, mettrait directement en cause les directions financière, administrative et technique de l’EPTE dont on découvre pour la première fois le montant des sommes perçues.
 
Chacune, désignée par leurs initiales, « DF », « DA » et « DT » auraient ainsi respectivement reçu d’Alstom 780000 reais, (243000 euros), 520000 reais (162000 euros) et 67600 reais, (21000 euros) auxquels s’ajoute, entre autres, 1,5 million de reais (468000 euros) destinés au bureau du secrétaire à l’Energie de l’état de São Paulo, le « SE », alors dirigé par Andrea Matarazzo, qui nie les faits.
 
En tout, les versements représenteraient 15% de la valeur du contrat dont 7,5% des fonds auraient transité via une société, la MCA, de Romeu Pinto Jr, alors consultant pour le groupe français. Jusqu’à présent, la police fédérale qui enquête sur l’affaire était seulement parvenue à remonter jusqu’à lui.
 
L’homme n’a rien nié. Il précise cependant selon le quotidien avoir « remis les sommes à des "motoboys" mandatés par des personnes qu’il ne connaissait pas ».
 
Une autre instruction judiciaire en cours au Brésil depuis le 9 août dernier, portant plus largement sur une possible entente entre multinationales lors d'appels d'offre lancés par la compagnie CFTM, gestionnaire du métro de São Paulo, a débouché le 7 novembre 2013, sur le « blocage » des biens d’Alstom au Brésil, d'une valeur de 60 millions de reais. Soupçonné de corruption, Alstom est aussi visé pour blanchiment d’argent et évasion fiscale.
 
Egalement en cause dans ce volet énergétique distinct, l’existence de « comptes bancaires secrets » en Suisse par l'intermédiaire desquels 600000 reais auraient été versés à la MCA de Romeu Pinto JR, d'octobre 1998 à mai 2000. La filiale brésilienne d’Alstom aurait également participé au financement de ces pots de vin.
 
Si Alstom a été condamné en Suisse à 31,5 millions d'euros en 2011 dans le cadre de trois autres cas de corruption, dans cette affaire brésilienne le groupe a été blanchi en France selon la Folha de São Paulo, car il n’était pas illégal jusqu’en 2000, « de verser des commissions pour obtenir des marchés publics à l’étranger » à hauteur de 7,5% du contrat.

Or la valeur qui aurait été déboursée par Alstom représenterait le double de ce pourcentage, d'où la nécessité alors de « faire passer l'excédent par d'autres circuits » selon un ancien directeur d'Alstom, André Botto, interrogé par le juge Renaud Van Ruymbeke en 2008. « Un directeur d'Alstom reconnait pour la première fois que les autorités brésiliennes ont été soudoyés » écrit le journal  qui publie par ailleurs un extrait du procès verbal.

 

Capture d'écran A Folha de São Paulo
Capture d'écran A Folha de São Paulo

*Contacté à Paris, Alstom ne commente pas les affaires en cours d'instruction mais rappelle le «strict code éthique» suivi par le groupe depuis les années 2000. 
*Contacté à São Paulo, la 
Folha de São Paulo a fourni des éclaircissements, ajoutés à cet article à 13h15.
                                                                                                                                                                                                                         Source : www.marianne.net


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22 janvier 2014 3 22 /01 /janvier /2014 14:44

 

Source : www.marianne.net

 

Ukraine : le chaos en streaming
Mercredi 22 Janvier 2014 à 05:00

 

Alexandre Coste
Journaliste à Marianne chargé de l'animation de la communauté des Mariannautes En savoir plus sur cet auteur

 

Alors que les rues de Kiev sont en proies à de violentes émeutes, de nombreux citoyens s'improvisent journalistes afin de relater les événements. Plongée dans le monde du journalisme participatif.

 

Capture d'écran LiveLeak.com
Capture d'écran LiveLeak.com
Qui a dit que les actualités mondiales n’intéressaient plus personne ?
 
Sur le site communautaire reddit.com, sur lequel entre 25 et 30 millions d’internautes du monde entier viennent débattre chaque mois, les manifestations qui se déroulent actuellement à Kiev sont l’un des sujets les plus commentés. Au moment de la rédaction de cet article, le fil de discussion comptabilise pas moins de 4 257 contributions. 

La couverture de ces événements par les internautes mérite d'être décortiquée, car celle-ci esquisse une forme de journalisme participatif permettant de suivre l’actualité en temps réel et de manière particulièrement immersive. Tous les outils disponibles sur Internet sont mis à contribution pour permettre aux internautes de suivre les affrontements qui opposent les manifestants au gouvernement dans les rues de la capitale Ukrainienne.

Les événements de Kiev nous offrent une version augmentée de ce que le journalisme participatif a pu être jusqu'à présent. Depuis les révolutions arabes, les pratiques ont évolué. Nous ne sommes plus seulement dans le témoignage brut apporté par des vidéastes et photographes amateurs. La preuve : pour commencer, un lien Wikipédia permet de contextualiser l'actualité. Il s'agit d'un préambule nécessaire à quiconque prend le train en route et veut connaître la raison de ces émeutes. Le lien est disponible dans plusieurs langues, ce qui facilite l'entrée en matière. Passé cette première étape, l'internaute en quête d'informations peut plonger dans le grand bain du journalisme citoyen, le fameux « cinquième pouvoir ».
 
Des flux vidéo diffusés en continu permettent de suivre les événements en direct. La retransmission ayant un certain coût, il existe ainsi un lien sur lequel les internautes peuvent donner de l'argent afin d'aider les vidéastes à poursuivre leur live. Signe des temps, les dons via Paypal et en Bitcoins sont acceptés.

 

 

 

Les moments les plus marquants peuvent être ensuite revus sur Youtube, où d’autres sites d’hébergement de vidéos. Par exemple, cette courte vidéo isole un instant où un cameraman se fait tirer dessus par un policier. Le journalisme citoyen ne semble pas être très apprécié par le gouvernement ukrainien...

 

Des articles sont également relayés, quelle que soit la langue dans laquelle ils sont rédigés. Des liens sont aussi échangés, renvoyant aux sites d'informations qui couvrent les manifestations de la manière la plus exhaustive.

Sur cet article, rédigé en russe, on peut apercevoir des manifestants construire une catapulte.

 

Ukraine : le chaos en streaming
Une vidéo montrera par la suite que l'arme de siège fonctionne parfaitement.

 

 

 

Pour les amateurs de photos, une galerie Instagram offre de multiples clichés pris durant  les manifestations.

 

Ukraine : le chaos en streaming

 

Le forum permet bien sûr à chaque internaute de poser les questions qu’il souhaite. Par exemple : « Quelle loi a été votée ? En tant qu’Américain, je n’ai bien sûr pas la moindre idée de ce qui se passe dans le reste du monde (merci à nos super chaînes d’infos). Toute information sera grandement appréciée… » Le nombre de participants aux différentes discussions garantit d’obtenir une réponse très rapidement et, pourquoi pas, de basculer dans un sous-débat qui ne gênera pas les autres internautes puisque tous les fils s’imbriquent les uns dans les autres. Pour être plus clair, quelqu’un souhaitant s’informer rapidement sur la situation ne lira que les posts commençant le plus à gauche de l’écran. Les autres dévieront de plus en plus sur la droite à mesure qu’ils entreront dans des discussions impliquant un moindre nombre de participant, ou se perdant dans des digressions hors-sujet.
 
Comme sur Youtube, un système de vote des contributions permet aux « redditors » de hiérarchiser la qualité des informations. Ainsi, les trolls ou autres intervenants peu intéressants seront relégués au fin fond du fil de discussion. Ce principe de modération, basé sur la justice populaire, fonctionne particulièrement bien et il est rare de tomber sur une contribution inutile.

On pourrait citer d'autres avantages à ce traitement pluriel de l'actualité : traductions instantanées, multiplication des anecdotes et points de vues, absence de censure sur le ton employé pour relater un événement...

Le journalisme n'est pas un métier à enterrer pour autant. Si le journalisme citoyen offre quantité de matière brut, le journaliste professionnel doit quant à lui trier le bon grain de l'ivraie, vérifier les faits, synthétiser les informations dans des formats courts et digestes. Plus que jamais, le travail de traitement et de mise en forme de l'information est ce qui justifie la plus-value journalistique. A l'heure où les rédactions rognent sur leur budget investigation et rechignent à envoyer des reporters couvrir des événements à l'autre bout du monde, le journalisme citoyen s'impose plus comme un allié qu'un concurrent direct du journalisme classique. Mais si le champ d'investigation s'est déplacé sur les réseaux sociaux et sur les sites web participatifs, gare, cependant, à ne pas se contenter de revues de tweets biens fainéantes. Le travail n'est pas moins exigeant aujourd'hui qu'il ne l'était hier.

 

 

Source : www.marianne.net

 

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22 janvier 2014 3 22 /01 /janvier /2014 14:33

 

Source : rue89.nouvelobs.com

 

 

Explicateur 22/01/2014 à 13h03
La Syrie à Genève 2 : pendant la diplomatie, le massacre continue
Pierre Haski | Cofondateur Rue89

 

 


Des Syriens à pied dans les débris de la ville de Deir Ezzor, le 4 janvier 2014 (Ahmad Aboud/AFP)

 

La seule certitude de la Conférence de paix sur la Syrie qui s’est ouverte ce mercredi à Montreux, près de Genève, c’est qu’elle ne suffira pas à ramener la paix dans ce pays martyr.

Les plus optimistes y verront le début d’un processus pouvant éventuellement déboucher sur la paix, sur une paix hypothétique dont on voit mal les contours à ce stade.

Les plus réalistes savent que des millions de Syriens vont souffrir un deuxième hiver de privations, de froid, de souffrances, de peur, de mort.

Ces conclusions sont hélas le constat de la partie de dupes qui se déroule autour de la table et dans les coulisses de cette conférence convoquée par le secrétaire général des Nations unies, Ban Ki-moon, dont le mandat restera marqué par l’impuissance désespérante de l’organisation mondiale face au conflit central de ce début de siècle.

                                                                                                                                                                                                                             1 Les absents

 

 


Dessin de Baudry

 

La liste des participants est d’abord significative par le nombre et la qualité de ses absents :

  • les vrais représentants du régime syrien : Bachar el-Assad a bien joué en envoyant à Genève une délégation de « gentils » diplomates, pas de politiques du Baas ou du clan au pouvoir, et encore moins de responsables de la sécurité. Il signifie ainsi à la communauté internationale que la guerre de Syrie est une affaire « extérieure », pas une révolte contre le régime. Les diplomates ne sont pas là pour négocier l’effacement de Bachar el-Assad (qui laisse entendre qu’il pourrait se présenter pour un nouveau mandat...) ni pour répondre des atrocités commises par le régime : ils sont venus pour dénoncer les « ingérences » étrangères en Syrie, et conforter la place du gouvernement légal ;
  • les forces dominantes de la rébellion armée  : après de nombreuses péripéties, la Coalition nationale syrienne a accepté d’être présente à Genève. Mais cette organisation en principe unitaire est désormais loin de représenter les principales forces combattantes sur le terrain de la guerre de Syrie. En bientôt trois ans de soulèvement et deux ans de lutte armée, la donne a changé : le front islamique, qui regroupe les islamistes non-djihadistes, est devenu la principale force combattante, et a refusé de participer à la conférence, considérant les délégués comme des « traîtres ». Même rejet de la part des deux groupes djihadistes liés à Al Qaeda, le Front al-Nosra et l’Armée islamique de Syrie et du Levant (Isis selon son acronyme anglais), qui ont un agenda plus vaste qu’une simple « transition » à Damas ;
  • l’Iran : d’abord invité par Ban Ki-moon, la République islamique d’Iran a vu son invitation annulée sous la pression des rebelles de la Coalition nationale syrienne. Les opposants réclament le départ des conseillers iraniens qui aident l’armée de Bachar el-Assad, et l’arrêt du soutien financier de Téhéran à Damas. Les rebelles se méfient du soudain retour en grâce de l’Iran depuis son accord nucléaire avec les puissances occidentales, et de la lune de miel qui s’esquisse entre Téhéran et Washington, dont ils ne veulent pas faire les frais. L’absence de l’Iran prive néanmoins les négociateurs d’un levier possible sur Assad.

                                                                                                                                                                                                                             2 L’horreur

 

Voir le document

(Fichier PDF)

 

A la veille de l’événement, un rapport accablant est venu saper un peu plus les fondements moraux de cette conférence qui réunit les bourreaux et les victimes.

Ce rapport [PDF], réalisé par trois anciens procureurs internationaux sur la base du témoignage d’un ancien geôlier, accuse Damas d’avoir systématiquement recours à la torture dans ses prisons. Le document de 31 pages a été publié lundi par CNN et The Guardian : il contient des images de corps portant des marques de lacérations, de strangulation ou d’électrocution, des visages sans yeux et des corps affamés dont la plupart montrent des signes de torture.

 


Un exemple des photos atroces contenues dans le rapport (Capture d’écran)

 

Les auteurs du rapport affirment disposer de 55 000 images d’au moins 11 000 victimes, mortes entre mars 2011 et août 2013. Ils les ont obtenues grâce à un policier militaire qui travaillait secrètement pour l’opposition. Identifié sous le pseudonyme de « Caesar », l’homme affirme avoir été photographe pour la police militaire, avant de faire défection. Sa mission, dit-il, était de prendre des images des cadavres.

La publication de ce rapport 48 heures avant Genève 2 n’est pas fortuite. Le rapport a été commandé par un cabinet d’avocats londonien agissant pour le Qatar, très engagé dans le soutien à l’opposition syrienne. Mais ses auteurs sont des juristes à la réputation internationale incontestable, et la documentation produite est accablante.

Elle peut servir de base à des poursuites contre les principaux dirigeants syriens et les responsables de la sécurité du régime pour « crimes contre l’humanité » devant la Cour pénale internationale. Une menace qui pèse sur Bachar el-Assad et son entourage même si la communauté internationale a gardé cette « carte » en réserve jusqu’ici.

Mais peut-on négocier avec un pouvoir qui s’est rendu coupable de telles atrocités ? Ainsi posée, la question est dans le registre de la morale, pas de la diplomatie qui, on le sait, obéit plutôt au registre du cynisme.

                                                                                                                                                                                                                             3 L’impuissance

 

Il y a encore un an, les dirigeants occidentaux, la France en tête, misaient sur un départ rapide de Bachar el-Assad, face à la montée de la rébellion. L’optimisme a cédé la place à un sentiment croissant d’impuissance face à la résilience du régime et de ses alliés (Russie, Iran, Hezbollah..), aux divisions de l’opposition, et à l’incapacité à définir une stratégie cohérente pour les « Amis du peuple syrien ».

L’épisode des « frappes punitives » qui n’ont pu avoir lieu à la fin de l’été, après l’utilisation d’armes chimiques par le régime syrien, a assurément constitué un tournant, laissant les plus va-t-en-guerre des Occidentaux, là encore la France en tête, orphelins d’une action plus déterminée.

 


Bachar el-Assad dans son Palais de Damas le 19 janvier 2014 (Photo de l’agence syrienne SANA, via AP/SIPA)

 

L’administration Obama en a décidé autrement, jugeant plus sage de s’entendre avec la Russie à la fois pour détruire l’armement chimique syrien, processus en cours en ce moment, et pour relancer le processus de Genève 2, amorcé avant l’été mais resté lettre morte.

Parallèlement, le rapprochement avec l’Iran avec l’accord nucléaire esquissait une redistribution possible des cartes au Moyen-Orient, remettant Téhéran dans le jeu comme contrepoids au djihadisme sunnite.

A l’arrivée, il n’y a donc plus guère que la France pour proclamer quotidiennement que le départ d’Assad est à l’ordre du jour, avec la création d’un « gouvernement de transition » excluant l’actuel Président.

A son arrivée à Montreux, mercredi, le chef de la diplomatie française, Laurent Fabius, convenait que « la seule solution au drame en Syrie est une solution politique, et non une solution militaire ».

Il ajoutait au micro de BFM-TV :

« La vraie conférence va débuter dans deux jours, lorsque l’opposition modérée, que nous soutenons, et des représentants du régime commenceront à discuter. C’est à ce moment-là que cela peut avancer ou capoter.

Si cela capotait, ce serait le drame parce que ça signifierait que les tueries continueraient. Il faut à la fois avancer pour construire ce gouvernement de transition et en même temps prendre rapidement des mesures de confiance, c’est-à-dire des mesures humanitaires et de cessez-le feu. Notre effort va porter sur ces deux aspects. »

Autant dire qu’un miracle est improbable, et que Genève 2 n’a guère de chances de mettre fin au calvaire des Syriens. La poursuite du malheur des Syriens sera aussi la honte de la communauté internationale.

 

Source : rue89.nouvelobs.com

 

 

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22 janvier 2014 3 22 /01 /janvier /2014 14:18

 

 

Source : rue89.nouvelobs.com

 

 

Ce qui nous arrive sur la Toile 22/01/2014 à 11h08
La Syrie privée d’Internet : Assad ne peut rien contre un saladier en métal
Xavier de La Porte | France Culture

 

 

On le sait, la guerre en Syrie a lieu aussi sur les réseaux, à coups de vidéos postées sur YouTube contre photos de propagande sur Instagram, à coups d’opérations de piratages menées par l’Armée électronique syrienne – un groupe de hackers proche du pouvoir – contre opérations ponctuelles des Anonymous en soutien à l’opposition.

 


Capture d’écran du premier article de la série de CBS News (CBSnews.com)

 

Mais cette guerre n’est pas seulement une guerre SUR les réseaux – une guerre des contenus –, c’est aussi une guerre DES réseaux – une guerre pour la connexion. Car l’usage d’Internet, ça commence par là, par l’accès aux réseaux. De cette guerre, on ne sait pas grand-chose, car elle est invisible, car elle est moins folklorique que le piratage du compte Twitter d’Obama, car elle est bassement matérielle et technique. Et pourtant cette guerre est centrale. Pour qu’une vidéo de massacre nous arrive, il faut bien que quelqu’un, quelque part en Syrie, l’ait mise en circulation. Il y a quelques semaines, une série de papiers du site de CBS a apporté quelques informations intéressantes.

Tout un pays hors ligne plusieurs jours durant

Ils affirment ce qu’on savait, le régime de Bachar el-Assad fait en sorte de réduire l’accès des Syriens à Internet. La connexion est le plus souvent difficile. Et, d’après les témoignages, ceci a commencé dès le 12 mars 2011, lendemain des premières manifestations dans plusieurs villes du pays. A Damas, à Alep, à Deraa, Internet a été coupé à la fois en connexion fixe et en connexion mobile par la 3G.

A plusieurs reprises, en novembre 2012, puis en mai et en août 2013, ces coupures ont même attiré l’attention de l’étranger, toute la Syrie se retrouvant hors ligne pendant plusieurs jours consécutifs. A chaque fois, le gouvernement a accusé les rebelles d’être à l’origine de ces coupures, ils se seraient attaqués aux câbles de fibre optique qui relient la Syrie au monde extérieur (il y a quatre câbles : l’un va à Chypre, l’autre en Egypte…).

Les experts contestent cette version, car du fait de la nature décentralisée du réseau, si un câble est coupé, les paquets d’information trouvent une autre voie et passent par un autre câble. Et puis la manière dont ces coupures se sont déroulées – pas brutalement, mais en quelques minutes, comme si un programme entrait en action – fait pencher la responsabilité du côté du fournisseur d’accès.

Un droit de plus retiré aux Syriens

En Syrie, un seul fournisseur d’accès, le Syrian Telecommunications Establishment, contrôle la plupart de l’infrastructure du pays, et il est propriété de l’Etat. Or, il est techniquement possible pour le fournisseur d’accès de faire en sorte que les routeurs qui, à l’entrée du pays, orientent les paquets d’information vers les bons réseaux et les machines auxquelles ils sont destinés, n’aient pas les indications nécessaires pour le faire. Auquel cas les paquets n’arrivent jamais à destination. Il semble bien donc que le gouvernement syrien prive ainsi son peuple d’un droit supplémentaire – pas le plus grave évidemment, mais un droit important – celui de se connecter à Internet.

Alors, comment font les Syriens ? Eh bien ils font preuve « de ruse et de courage », dit le journaliste de CBS. Et ils bricolent.

Son modem 3G dans un saladier

Un des moyens, quand on habite pas loin d’une frontière, c’est de se greffer au réseau mobile du pays voisin, quitte à avoir recours à des outils maison. Un opposant au régime explique comment il met un modem 3G dans un saladier en métal et l’oriente vers l’antenne jordanienne la plus proche pour améliorer la réception. Le saladier en métal amplifie considérablement le signal, et permet à ce monsieur d’atteindre un débit suffisant pour regarder des vidéos en streaming. Mais, plus important encore, en se connectant à une borne Wi-Fi de bonne qualité, ce monsieur fournit du réseau à 3 km à la ronde, devenant une sorte de fournisseur d’accès à Internet pour les opposants de la ville. Et ce monsieur explique au journaliste qu’il en va de même aux frontières de la Turquie, de l’Irak ou du Liban.

La leçon. La lutte pour la connexion est inégale entre un gouvernement qui contrôle le seul fournisseur d’accès et les usagers qui doivent d’abord sauver leur peau, se nourrir, se tenir au courant du sort de leur proche ou faire avec les coupures d’électricité (et avant même d’être connecté, un téléphone et un ordinateur doivent être alimentés en électricité). La lutte est inégale mais il est presque impossible pour le gouvernement de la gagner complètement car Internet, c’est du matériel, ça se bricole et que le réseau a une vertu, il est invisible.

 

Publié initialement sur
France Culture
                                                                                                                                                                                                                           Source : rue89.nouvelobs.com

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