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4 février 2014 2 04 /02 /février /2014 18:16

 

Source : www.lejdd.fr

 

1 février 2014  |  Mise à jour le 2 février 2014

 
Mégabug dans les banques

 

 

 

ENQUÊTE - Pour des dizaines de milliers de clients d'Orange, SFR, EDF ou encore Groupama, le passage aux normes européennes pour les prélèvements et les virements provoque des incidents en cascade.

Branle-bas de combat dans les banques. Depuis samedi soir minuit, toutes les entreprises françaises, administrations, associations et commerçants ont dû adopter de nouvelles normes européennes, dites "Sepa", pour leurs virements et prélèvements. L'objectif est d'harmoniser les coordonnées bancaires partout en Europe pour faciliter ces opérations d'un pays à l'autre. Au centre du jeu, les banques doivent absorber le changement de millions de numéros de comptes. Un travail de titan comparable au passage à l'euro ou à la transition vers l'an 2000. "Elles ont dû revoir leurs chaînes de traitement en profondeur", confirme Willy Dubost, directeur des paiements à la Fédération bancaire française. Les entreprises sont très en retard, surtout les PME. Beaucoup se sont précipitées en fin d'année : en novembre, 10% d'entre elles avaient entamé leur migration contre 70% aujourd'hui. La Commission européenne leur a laissé un répit de six mois, jusqu'en août, avant de les sanctionner.

La moitié des entreprises a basculé dans ce nouveau système au dernier moment et en même temps. Résultat : les banques ont dû faire face, ces dernières semaines, à un véritable ­­"tsunami" de données informatiques à l'origine de centaines de milliers de bugs. "Des millions d'opérations sont arrivées en même temps et le moindre incident perturbe tout le dispositif", explique Christophe Vergne, responsable des paiements chez Cap Gemini. Par ricochet, des dizaines de milliers de clients d'entreprises comme GDF Suez (30.000 incidents), Orange (20.000 incidents) ou encore SFR, Free, EDF, Groupama, Allianz, en sont pour leurs frais : leurs forfaits mobiles ou factures d'électricité ont été prélevés en double, triple ou retardés de plusieurs jours.

"Personne n'est à l'abri"

En décembre, EDF a envoyé des ordres de prélèvements erronés à 40.000 clients. En janvier, SFR a encaissé les paiements de 20.000 abonnés avec une semaine de retard. Et la déferlante des impôts n'a pas aidé. Les 15 et 16 janvier, le fisc a procédé à 37 millions de prélèvements mensuels d'un coup. "Cela a créé un engorgement qui a posé des problèmes à plusieurs banques et en bout de chaîne, à nous", s'agace un dirigeant d'un opérateur télécoms. Vendredi encore, des milliers d'abonnés Orange ont été débités deux fois du coût de leur forfait. Les assureurs Aviva et Allianz traitent encore ce week-end des rejets de paiement de primes d'assurés.

Les banques accusent le coup : "On est tous dans le même bateau, confie un banquier, personne n'est à l'abri." La société Générale et les Caisses d'Épargne ont connu des bugs fin décembre. Vendredi, encore plusieurs dizaines de milliers d'incidents subsistaient à La Banque Postale, à la Bred et au Crédit Agricole qui accumule les déconvenues. En décembre, déjà, un bug avait touché les primes de la PAC versées aux agriculteurs. La banque verte peine, en particulier, à traiter les importants volumes de prélèvements. Ces incidents sont suivis de près par la Banque de France qui assure que le taux de rejet n'est que de 2% contre 3% auparavant. Sauf qu'ils sont concentrés au même moment. "Ces opérations requièrent une préparation et plusieurs tests, assure une porte-parole. Nous veillons à ce qu'il n'y ait aucune conséquence dommageable pour les particuliers et les entreprises."

Alerte aux fraudes

Le ministère de l'Intérieur surveille aussi de près ce "big bang" bancaire. Le 18 décembre, la Direction centrale du renseignement intérieur (DCRI) a envoyé aux banques une lettre de mise en garde que le JDD s'est procurée. Elle juge que les "modifications informatiques liées à l'harmonisation des moyens de paiement en Europe sont propices aux escroqueries". Et décrit le protocole de l'escroc se faisant passer pour le banquier d'une entreprise dans le but de tester un virement et de s'accaparer les numéros de comptes. Jusqu'ici, les banques autorisaient les entreprises à prélever de l'argent sur un compte.

Désormais, le client doit simplement donner son accord à l'entreprise bénéficiaire, sans que la banque ait un droit de regard. "La banque ne gère plus les nouveaux mandats de prélèvement, confirme Willy Dubost. L'entreprise doit protéger les données de ses clients, sinon, il peut y avoir des risques de fraude en cas de piratage." Maintenant, les prélèvements pourront être effectués n'importe où en Europe alors qu'ils étaient cantonnés à la France. "Les banques n'assureront plus de filet de sécurité pour leurs clients", résume Maxime Chipoy de l'UFC-Que Choisir. Pour l'heure, les fraudes n'ont pas encore été détectées en grand nombre. Mais tout le monde est sur le qui-vive. La gendarmerie a de nouveau manifesté son inquiétude auprès de l'Observatoire de la sécurité des paiements il y a quinze jours.

Plus d'actu finance/économie avec Boursier.com

Matthieu Pechberty - Le Journal du Dimanche

samedi 01 février 2014

 

 
Centre de supervision SFR Paru dans leJDD

Centre de supervision de SFR, victime du passage aux normes Sepa. (Maxppp)

                                                                                                                                                                                                                           Source : www.lejdd.fr

 
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4 février 2014 2 04 /02 /février /2014 18:00

 

Source : www.monde-diplomatique.fr

 

Le traité transatlantique, un typhon qui menace les Européens

 

 

Engagées en 2008, les discussions sur l’accord de libre-échange entre le Canada et l’Union européenne ont abouti le 18 octobre. Un bon présage pour le gouvernement américain, qui espère conclure un partenariat de ce type avec le Vieux Continent. Négocié en secret, ce projet ardemment soutenu par les multinationales leur permettrait d’attaquer en justice tout Etat qui ne se plierait pas aux normes du libéralisme.

par Lori M. Wallach, novembre 2013

 

 

Imagine-t-on des multinationales traîner en justice les gouvernements dont l’orientation politique aurait pour effet d’amoindrir leurs profits ? Se conçoit-il qu’elles puissent réclamer — et obtenir ! — une généreuse compensation pour le manque à gagner induit par un droit du travail trop contraignant ou par une législation environnementale trop spoliatrice ? Si invraisemblable qu’il paraisse, ce scénario ne date pas d’hier. Il figurait déjà en toutes lettres dans le projet d’accord multilatéral sur l’investissement (AMI) négocié secrètement entre 1995 et 1997 par les vingt-neuf Etats membres de l’Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE) (1). Divulguée in extremis, notamment par Le Monde diplomatique, la copie souleva une vague de protestations sans précédent, contraignant ses promoteurs à la remiser. Quinze ans plus tard, la voilà qui fait son grand retour sous un nouvel habillage.

L’accord de partenariat transatlantique (APT) négocié depuis juillet 2013 par les Etats-Unis et l’Union européenne est une version modifiée de l’AMI. Il prévoit que les législations en vigueur des deux côtés de l’Atlantique se plient aux normes du libre-échange établies par et pour les grandes entreprises européennes et américaines, sous peine de sanctions commerciales pour le pays contrevenant, ou d’une réparation de plusieurs millions d’euros au bénéfice des plaignants.

D’après le calendrier officiel, les négociations ne devraient aboutir que dans un délai de deux ans. L’APT combine en les aggravant les éléments les plus néfastes des accords conclus par le passé. S’il devait entrer en vigueur, les privilèges des multinationales prendraient force de loi et lieraient pour de bon les mains des gouvernants. Imperméable aux alternances politiques et aux mobilisations populaires, il s’appliquerait de gré ou de force, puisque ses dispositions ne pourraient être amendées qu’avec le consentement unanime des pays signataires. Il dupliquerait en Europe l’esprit et les modalités de son modèle asiatique, l’accord de partenariat transpacifique (Trans-Pacific Partnership, TPP), actuellement en cours d’adoption dans douze pays après avoir été ardemment promu par les milieux d’affaires américains. A eux deux, l’APT et le TPP formeraient un empire économique capable de dicter ses conditions hors de ses frontières : tout pays qui chercherait à nouer des relations commerciales avec les Etats-Unis ou l’Union européenne se verrait contraint d’adopter telles quelles les règles qui prévalent au sein de leur marché commun.

Tribunaux spécialement créés

Parce qu’elles visent à brader des pans entiers du secteur non marchand, les négociations autour de l’APT et du TPP se déroulent derrière des portes closes. Les délégations américaines comptent plus de six cents consultants mandatés par les multinationales, qui disposent d’un accès illimité aux documents préparatoires et aux représentants de l’administration. Rien ne doit filtrer. Instruction a été donnée de laisser journalistes et citoyens à l’écart des discussions : ils seront informés en temps utile, à la signature du traité, lorsqu’il sera trop tard pour réagir.

Dans un élan de candeur, l’ancien ministre du commerce américain Ronald (« Ron ») Kirk a fait valoir l’intérêt « pratique » de « préserver un certain degré de discrétion et de confidentialité (2) ». La dernière fois qu’une version de travail d’un accord en cours de formalisation a été mise sur la place publique, a-t-il souligné, les négociations ont échoué — une allusion à la Zone de libre-échange des Amériques (ZLEA), une version élargie de l’Accord de libre-échange nord-américain (Alena) ; le projet, âprement défendu par M. George W. Bush, fut dévoilé sur le site Internet de l’administration en 2001. A quoi la sénatrice Elizabeth Warren rétorque qu’un accord négocié sans aucun examen démocratique ne devrait jamais être signé (3).

L’impérieuse volonté de soustraire le chantier du traité américano-européen à l’attention du public se conçoit aisément. Mieux vaut prendre son temps pour annoncer au pays les effets qu’il produira à tous les échelons : du sommet de l’Etat fédéral jusqu’aux conseils municipaux en passant par les gouvernorats et les assemblées locales, les élus devront redéfinir de fond en comble leurs politiques publiques de manière à satisfaire les appétits du privé dans les secteurs qui lui échappaient encore en partie. Sécurité des aliments, normes de toxicité, assurance-maladie, prix des médicaments, liberté du Net, protection de la vie privée, énergie, culture, droits d’auteur, ressources naturelles, formation professionnelle, équipements publics, immigration : pas un domaine d’intérêt général qui ne passe sous les fourches caudines du libre-échange institutionnalisé. L’action politique des élus se limitera à négocier auprès des entreprises ou de leurs mandataires locaux les miettes de souveraineté qu’ils voudront bien leur consentir.

Il est d’ores et déjà stipulé que les pays signataires assureront la « mise en conformité de leurs lois, de leurs règlements et de leurs procédures » avec les dispositions du traité. Nul doute qu’ils veilleront scrupuleusement à honorer cet engagement. Dans le cas contraire, ils pourraient faire l’objet de poursuites devant l’un des tribunaux spécialement créés pour arbitrer les litiges entre les investisseurs et les Etats, et dotés du pouvoir de prononcer des sanctions commerciales contre ces derniers.

L’idée peut paraître invraisemblable ; elle s’inscrit pourtant dans la philosophie des traités commerciaux déjà en vigueur. L’année dernière, l’Organisation mondiale du commerce (OMC) a ainsi condamné les Etats-Unis pour leurs boîtes de thon labellisées « sans danger pour les dauphins », pour l’indication du pays d’origine sur les viandes importées, ou encore pour l’interdiction du tabac parfumé au bonbon, ces mesures protectrices étant considérées comme des entraves au libre-échange. Elle a aussi infligé à l’Union européenne des pénalités de plusieurs centaines de millions d’euros pour son refus d’importer des organismes génétiquement modifiés (OGM). La nouveauté introduite par l’APT et le TTP, c’est qu’ils permettraient aux multinationales de poursuivre en leur propre nom un pays signataire dont la politique aurait un effet restrictif sur leur abattage commercial.

Sous un tel régime, les entreprises seraient en mesure de contrecarrer les politiques de santé, de protection de l’environnement ou de régulation de la finance mises en place dans tel ou tel pays en lui réclamant des dommages et intérêts devant des tribunaux extrajudiciaires. Composées de trois avocats d’affaires, ces cours spéciales répondant aux lois de la Banque mondiale et de l’Organisation des Nations unies (ONU) seraient habilitées à condamner le contribuable à de lourdes réparations dès lors que sa législation rognerait sur les « futurs profits espérés » d’une société.

Ce système « investisseur contre Etat », qui semblait rayé de la carte après l’abandon de l’AMI en 1998, a été restauré en catimini au fil des années. En vertu de plusieurs accords commerciaux signés par Washington, 400 millions de dollars sont passés de la poche du contribuable à celle des multinationales pour cause d’interdiction de produits toxiques, d’encadrement de l’exploitation de l’eau, du sol ou du bois, etc. (4). Sous l’égide de ces mêmes traités, les procédures actuellement en cours — dans des affaires d’intérêt général comme les brevets médicaux, la lutte antipollution ou les lois sur le climat et les énergies fossiles — font grimper les demandes de dommages et intérêts à 14 milliards de dollars.

L’APT alourdirait encore la facture de cette extorsion légalisée, compte tenu de l’importance des intérêts en jeu dans le commerce transatlantique. Trois mille trois cents entreprises européennes sont présentes sur le sol américain par le biais de vingt-quatre mille filiales, dont chacune peut s’estimer fondée un jour ou l’autre à demander réparation pour un préjudice commercial. Un tel effet d’aubaine dépasserait de très loin les coûts occasionnés par les traités précédents. De leur côté, les pays membres de l’Union européenne se verraient exposés à un risque financier plus grand encore, sachant que quatorze mille quatre cents compagnies américaines disposent en Europe d’un réseau de cinquante mille huit cents filiales. Au total, ce sont soixante-quinze mille sociétés qui pourraient se jeter dans la chasse aux trésors publics.

Officiellement, ce régime devait servir au départ à consolider la position des investisseurs dans les pays en développement dépourvus de système juridique fiable ; il leur permettait de faire valoir leurs droits en cas d’expropriation. Mais l’Union européenne et les Etats-Unis ne passent pas précisément pour des zones de non-droit ; ils disposent au contraire d’une justice fonctionnelle et pleinement respectueuse du droit à la propriété. En les plaçant malgré tout sous la tutelle de tribunaux spéciaux, l’APT démontre que son objectif n’est pas de protéger les investisseurs, mais bien d’accroître le pouvoir des multinationales.

Procès pour hausse du salaire minimum

Il va sans dire que les avocats qui composent ces tribunaux n’ont de comptes à rendre à aucun électorat. Inversant allègrement les rôles, ils peuvent aussi bien servir de juges que plaider la cause de leurs puissants clients (5). C’est un tout petit monde que celui des juristes de l’investissement international : ils ne sont que quinze à se partager 55 % des affaires traitées à ce jour. Evidemment, leurs décisions sont sans appel.

Les « droits » qu’ils ont pour mission de protéger sont formulés de manière délibérément approximative, et leur interprétation sert rarement les intérêts du plus grand nombre. Ainsi de celui accordé à l’investisseur de bénéficier d’un cadre réglementaire conforme à ses « prévisions » — par quoi il convient d’entendre que le gouvernement s’interdira de modifier sa politique une fois que l’investissement a eu lieu. Quant au droit d’obtenir une compensation en cas d’« expropriation indirecte », il signifie que les pouvoirs publics devront mettre la main à la poche si leur législation a pour effet de diminuer la valeur d’un investissement, y compris lorsque cette même législation s’applique aussi aux entreprises locales. Les tribunaux reconnaissent également le droit du capital à acquérir toujours plus de terres, de ressources naturelles, d’équipements, d’usines, etc. Nulle contrepartie de la part des multinationales : elles n’ont aucune obligation à l’égard des Etats et peuvent engager des poursuites où et quand cela leur chante.

Certains investisseurs ont une conception très extensive de leurs droits inaliénables. On a pu voir récemment des sociétés européennes engager des poursuites contre l’augmentation du salaire minimum en Egypte ou contre la limitation des émissions toxiques au Pérou, l’Alena servant dans ce dernier cas à protéger le droit de polluer du groupe américain Renco (6). Autre exemple : le géant de la cigarette Philip Morris, incommodé par les législations antitabac de l’Uruguay et de l’Australie, a assigné ces deux pays devant un tribunal spécial. Le groupe pharmaceutique américain Eli Lilly entend se faire justice face au Canada, coupable d’avoir mis en place un système de brevets qui rend certains médicaments plus abordables. Le fournisseur d’électricité suédois Vattenfall réclame plusieurs milliards d’euros à l’Allemagne pour son « tournant énergétique », qui encadre plus sévèrement les centrales à charbon et promet une sortie du nucléaire.

Il n’y a pas de limite aux pénalités qu’un tribunal peut infliger à un Etat au bénéfice d’une multinationale. Il y a un an, l’Equateur s’est vu condamné à verser la somme record de 2 milliards d’euros à une compagnie pétrolière (7). Même lorsque les gouvernements gagnent leur procès, ils doivent s’acquitter de frais de justice et de commissions diverses qui atteignent en moyenne 8 millions de dollars par dossier, gaspillés au détriment du citoyen. Moyennant quoi les pouvoirs publics préfèrent souvent négocier avec le plaignant que plaider leur cause au tribunal. L’Etat canadien s’est ainsi épargné une convocation à la barre en abrogeant hâtivement l’interdiction d’un additif toxique utilisé par l’industrie pétrolière.

Pour autant, les réclamations n’en finissent pas de croître. D’après la Conférence des Nations unies sur le commerce et le développement (Cnuced), le nombre d’affaires soumises aux tribunaux spéciaux a été multiplié par dix depuis 2000. Alors que le système d’arbitrage commercial a été conçu dès les années 1950, il n’a jamais autant rendu service aux intérêts privés qu’en 2012, année exceptionnelle en termes de dépôts de dossiers. Ce boom a créé une florissante pépinière de consultants financiers et d’avocats d’affaires.

Le projet de grand marché américano-européen est porté depuis de longues années par le Dialogue économique transatlantique (Trans-Atlantic Business Dialogue, TABD), un lobby mieux connu aujourd’hui sous l’appellation de Trans-Atlantic Business Council (TABC). Créé en 1995 sous le patronage de la Commission européenne et du ministère du commerce américain, ce rassemblement de riches entrepreneurs milite pour un « dialogue » hautement constructif entre les élites économiques des deux continents, l’administration de Washington et les commissaires de Bruxelles. Le TABC est un forum permanent qui permet aux multinationales de coordonner leurs attaques contre les politiques d’intérêt général qui tiennent encore debout des deux côtés de l’Atlantique.

Son objectif, publiquement affiché, est d’éliminer ce qu’il appelle les « discordes commerciales » (trade irritants), c’est-à-dire d’opérer sur les deux continents selon les mêmes règles et sans interférence avec les pouvoirs publics. « Convergence régulatoire » et « reconnaissance mutuelle » font partie des panneaux sémantiques qu’il brandit pour inciter les gouvernements à autoriser les produits et services contrevenant aux législations locales.

Injuste rejet du porc à la ractopamine

Mais au lieu de prôner un simple assouplissement des lois existantes, les activistes du marché transatlantique se proposent carrément de les réécrire eux-mêmes. La Chambre américaine de commerce et BusinessEurope, deux des plus grosses organisations patronales de la planète, ont ainsi appelé les négociateurs de l’APT à réunir autour d’une table de travail un échantillon de gros actionnaires et de responsables politiques afin qu’ils « rédigent ensemble les textes de régulation » qui auront ensuite force de loi aux Etats-Unis et dans l’Union européenne. C’est à se demander, d’ailleurs, si la présence des politiques à l’atelier d’écriture commercial est vraiment indispensable…

De fait, les multinationales se montrent d’une remarquable franchise dans l’exposé de leurs intentions. Par exemple sur la question des OGM. Alors qu’aux Etats-Unis un Etat sur deux envisage de rendre obligatoire un label indiquant la présence d‘organismes génétiquement modifiés dans un aliment — une mesure souhaitée par 80 % des consommateurs du pays —, les industriels de l’agroalimentaire, là comme en Europe, poussent à l’interdiction de ce type d’étiquetage. L’Association nationale des confiseurs n’y est pas allée par quatre chemins : « L’industrie américaine voudrait que l’APT avance sur cette question en supprimant la labellisation OGM et les normes de traçabilité. » La très influente Association de l’industrie biotechnologique (Biotechnology Industry Organization, BIO), dont fait partie le géant Monsanto, s’indigne pour sa part que des produits contenant des OGM et vendus aux Etats-Unis puissent essuyer un refus sur le marché européen. Elle souhaite par conséquent que le « gouffre qui se creuse entre la dérégulation des nouveaux produits biotechnologiques aux Etats-Unis et leur accueil en Europe » soit prestement comblé (8). Monsanto et ses amis ne cachent pas leur espoir que la zone de libre-échange transatlantique permette d’imposer enfin aux Européens leur « catalogue foisonnant de produits OGM en attente d’approbation et d’utilisation (9) ».

L’offensive n’est pas moins vigoureuse sur le front de la vie privée. La Coalition du commerce numérique (Digital Trade Coalition, DTC), qui regroupe des industriels du Net et des hautes technologies, presse les négociateurs de l’APT de lever les barrières empêchant les flux de données personnelles de s’épancher librement de l’Europe vers les Etats-Unis (lire La traque méthodique de l’internaute révolutionne la publicité). « Le point de vue actuel de l’Union selon lequel les Etats-Unis ne fournissent pas une protection de la vie privée “adéquate” n’est pas raisonnable », s’impatientent les lobbyistes. A la lumière des révélations de M. Edward Snowden sur le système d’espionnage de l’Agence nationale de sécurité (National Security Agency, NSA), cet avis tranché ne manque pas de sel. Toutefois, il n’égale pas la déclaration de l’US Council for International Business (USCIB), un groupement de sociétés qui, à l’instar de Verizon, ont massivement approvisionné la NSA en données personnelles : « L’accord devrait chercher à circonscrire les exceptions, comme la sécurité et la vie privée, afin de s’assurer qu’elles ne servent pas d’entraves au commerce déguisées. »

Les normes de qualité dans l’alimentation sont elles aussi prises pour cible. L’industrie américaine de la viande entend obtenir la suppression de la règle européenne qui interdit les poulets désinfectés au chlore. A l’avant-garde de ce combat, le groupe Yum !, propriétaire de la chaîne de restauration rapide Kentucky Fried Chicken (KFC), peut compter sur la force de frappe des organisations patronales. « L’Union autorise seulement l’usage de l’eau et de la vapeur sur les carcasses », proteste l’Association nord-américaine de la viande, tandis qu’un autre groupe de pression, l’Institut américain de la viande, déplore le « rejet injustifié [par Bruxelles] des viandes additionnées de bêta-agonistes, comme le chlorhydrate de ractopamine ».

La ractopamine est un médicament utilisé pour gonfler la teneur en viande maigre chez les porcs et les bovins. Du fait de ses risques pour la santé des bêtes et des consommateurs, elle est bannie dans cent soixante pays, parmi lesquels les Etats membres de l’Union, la Russie et la Chine. Pour la filière porcine américaine, cette mesure de protection constitue une distorsion de la libre concurrence à laquelle l’APT doit mettre fin d’urgence.

« Les producteurs de porc américains n’accepteront pas d’autre résultat que la levée de l’interdiction européenne de la ractopamine », menace le Conseil national des producteurs de porc (National Pork Producers Council, NPPC). Pendant ce temps, de l’autre côté de l’Atlantique, les industriels regroupés au sein de BusinessEurope dénoncent les « barrières qui affectent les exportations européennes vers les Etats-Unis, comme la loi américaine sur la sécurité alimentaire ». Depuis 2011, celle-ci autorise en effet les services de contrôle à retirer du marché les produits d’importation contaminés. Là encore, les négociateurs de l’APT sont priés de faire table rase.

Il en va de même avec les gaz à effet de serre. L’organisation Airlines for America (A4A), bras armé des transporteurs aériens américains, a établi une liste des « règlements inutiles qui portent un préjudice considérable à [leur] industrie » et que l’APT, bien sûr, a vocation à rayer de la carte. Au premier rang de cette liste figure le système européen d’échange de quotas d’émissions, qui oblige les compagnies aériennes à payer pour leur pollution au carbone. Bruxelles a provisoirement suspendu ce programme ; A4A exige sa suppression définitive au nom du « progrès ».

Mais c’est dans le secteur de la finance que la croisade des marchés est la plus virulente. Cinq ans après l’irruption de la crise des subprime, les négociateurs américains et européens sont convenus que les velléités de régulation de l’industrie financière avaient fait leur temps. Le cadre qu’ils veulent mettre en place prévoit de lever tous les garde-fous en matière de placements à risques et d’empêcher les gouvernements de contrôler le volume, la nature ou l’origine des produits financiers mis sur le marché. En somme, il s’agit purement et simplement de rayer le mot « régulation » de la carte.

D’où vient cet extravagant retour aux vieilles lunes thatchériennes ? Il répond notamment aux vœux de l’Association des banques allemandes, qui ne manque pas d’exprimer ses « inquiétudes » à propos de la pourtant timide réforme de Wall Street adoptée au lendemain de la crise de 2008. L’un de ses membres les plus entreprenants sur ce dossier est la Deutsche Bank, qui a pourtant reçu en 2009 des centaines de milliards de dollars de la Réserve fédérale américaine en échange de titres adossés à des créances hypothécaires (10). Le mastodonte allemand veut en finir avec la réglementation Volcker, clé de voûte de la réforme de Wall Street, qui pèse selon lui d’un « poids trop lourd sur les banques non américaines ». Insurance Europe, le fer de lance des sociétés d’assurances européennes, souhaite pour sa part que l’APT « supprime » les garanties collatérales qui dissuadent le secteur de s’aventurer dans des placements à hauts risques.

Quant au Forum des services européens, organisation patronale dont fait partie la Deutsche Bank, il s’agite dans les coulisses des pourparlers transatlantiques pour que les autorités de contrôle américaines cessent de mettre leur nez dans les affaires des grandes banques étrangères opérant sur leur territoire. Côté américain, on espère surtout que l’APT enterrera pour de bon le projet européen de taxe sur les transactions financières. L’affaire paraît d’ores et déjà entendue, la Commission européenne ayant elle-même jugé cette taxe non conforme aux règles de l’OMC (11). Dans la mesure où la zone de libre-échange transatlantique promet un libéralisme plus débridé encore que celui de l’OMC, et alors que le Fonds monétaire international (FMI) s’oppose systématiquement à toute forme de contrôle sur les mouvements de capitaux, la chétive « taxe Tobin » n’inquiète plus grand monde aux Etats-Unis.

Mais les sirènes de la dérégulation ne se font pas entendre dans la seule industrie financière. L’APT entend ouvrir à la concurrence tous les secteurs « invisibles » ou d’intérêt général. Les Etats signataires se verraient contraints non seulement de soumettre leurs services publics à la logique marchande, mais aussi de renoncer à toute intervention sur les fournisseurs de services étrangers qui convoitent leurs marchés. Les marges de manœuvre politiques en matière de santé, d’énergie, d’éducation, d’eau ou de transport se réduiraient comme peau de chagrin. La fièvre commerciale n’épargne pas non plus l’immigration, puisque les instigateurs de l’APT s’arrogent la compétence d’établir une politique commune aux frontières — sans doute pour faciliter l’entrée de ceux qui ont un bien ou un service à vendre au détriment des autres.

Depuis quelques mois, le rythme des négociations s’intensifie. A Washington, on a de bonnes raisons de croire que les dirigeants européens sont prêts à n’importe quoi pour raviver une croissance économique moribonde, fût-ce au prix d’un reniement de leur pacte social. L’argument des promoteurs de l’APT, selon lequel le libre-échange dérégulé faciliterait les échanges commerciaux et serait donc créateur d’emplois, pèse apparemment plus lourd que la crainte d’un séisme social. Les barrières douanières qui subsistent encore entre l’Europe et les Etats-Unis sont pourtant « déjà assez basses », comme le reconnaît le représentant américain au commerce (12). Les artisans de l’APT admettent eux-mêmes que leur objectif premier n’est pas d’alléger les contraintes douanières, de toute façon insignifiantes, mais d’imposer « l’élimination, la réduction ou la prévention de politiques nationales superflues (13) », étant considéré comme « superflu » tout ce qui ralentit l’écoulement des marchandises, comme la régulation de la finance, la lutte contre le réchauffement climatique ou l’exercice de la démocratie.

Il est vrai que les rares études consacrées aux conséquences de l’APT ne s’attardent guère sur ses retombées sociales et économiques. Un rapport fréquemment cité, issu du Centre européen d’économie politique internationale (European Centre for International Political Economy, Ecipe), affirme avec l’autorité d’un Nostradamus d’école de commerce que l’APT délivrera à la population du marché transatlantique un surcroît de richesse de 3 centimes par tête et par jour… à partir de 2029 (14).

En dépit de son optimisme, la même étude évalue à 0,06 % seulement la hausse du produit intérieur but (PIB) en Europe et aux Etats-Unis à la suite de l’entrée en vigueur de l’APT. Encore un tel « impact » est-il largement irréaliste, dans la mesure où ses auteurs postulent que le libre-échange « dynamise » la croissance économique ; une théorie régulièrement réfutée par les faits. Une élévation aussi infinitésimale serait d’ailleurs imperceptible. Par comparaison, la cinquième version de l’iPhone d’Apple a entraîné aux Etats-Unis une hausse du PIB huit fois plus importante.

Presque toutes les études sur l’APT ont été financées par des institutions favorables au libre-échange ou par des organisations patronales, raison pour laquelle les coûts sociaux du traité n’y apparaissent pas, pas plus que ses victimes directes, qui pourraient pourtant se compter en centaines de millions. Mais les jeux ne sont pas encore faits. Comme l’ont montré les mésaventures de l’AMI, de la ZLEA et certains cycles de négociations à l’OMC, l’utilisation du « commerce » comme cheval de Troie pour démanteler les protections sociales et instaurer la junte des chargés d’affaires a échoué à plusieurs reprises par le passé. Rien ne dit qu’il n’en sera pas de même cette fois encore.

Lori M. Wallach

Directrice de Public Citizen’s Global Trade Watch, Washington, DC, www.citizen.org
Source : www.monde-diplomatique.fr

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4 février 2014 2 04 /02 /février /2014 17:30

 

 

 

 

 

 

 

Source : resistanceinventerre.wordpress.com

 

Agriculture – Ressemer sa récolte n’est pas un crime ! PETiTiON pour libérer les semences paysannes !

Pour que les gestes ancéstraux des paysans ne soient pas criminalisés et pour que l’agriculture industrielle et standardisée ne devienne pas la norme imposée, les députés doivent impérativement inscrire une "exemption agricole" dans la loi sur la contrefaçon.
Urgent  – Le 4 février, l’Assemblée Nationale discutera une loi destinée à lutter contre la contrefaçon, qui pourrait conduire à criminaliser les paysans qui utilisent leurs ressources élémentaires (semences, levains, animaux…) et donner le droit aux semenciers de s’approprier ce que les paysans ont patiemment sélectionné durant des millénaires.
Si l’agriculture n’est pas explicitement exclue du périmètre de la loi, cela reviendrait à nier les droits ancestraux des paysans et à intensifier l’industrialisation de l’agriculture !

http://www.liberonslessemences.fr

En renforçant les moyens à des multinationales détentrices de Certificats d’Obtention Végétale, et au delà en incluant les brevets "sur le vivant", cette loi risque d’entraîner la condamnation des paysans :
- qui auront ressemé leur propre récolte,
- dont la récolte aura été contaminée par des gènes issus de plantes brevetées et cultivées dans le voisinage,
- qui utilisent et entretiennent depuis toujours des levains ou des ferments (pour la fabrication de pain, fromage ou vin) dont les souches auront été brevetées.
Pour que les gestes ancéstraux des paysans ne soient pas criminalisés et pour que l’agriculture industrielle et standardisée ne devienne pas la norme imposée, les députés doivent impérativement inscrire une "exemption agricole" dans la loi sur la contrefaçon.
Ne doutez jamais qu’un petit groupe de gens réfléchis et engagés puisse changer le monde. En fait, c’est toujours comme cela que ça s’est passé.★ – Margaret Mead (1901 – 1978) – Anthropologue.
Stéphen, Martin, Sophie, Jacques, Mickaël et toute l’équipe d’Agir pour l’Environnement.
contact@agirpourlenvironnement.org

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Source : resistanceinventerre.wordpress.com

 

 


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4 février 2014 2 04 /02 /février /2014 17:23

 

 

Source : www.reporterre.net

 

 

Les zones humides disparaissent silencieusement

Marie Astier (Reporterre)

mardi 4 février 2014

 

 

 

 

Le 2 février était la Journée mondiale des zones humides. Un événement passé sous silence, alors que, de l’aéroport de Notre Dame des Landes à l’autoroute A 831 en marais poitevin, la machine à détruire continue son avancée. Pourtant, des solutions existent pour assurer la pérennité agricole de ces écosystèmes essentiels à la santé de la biosphère.

 


 

Nous les imaginons comme des lieux hostiles, dans lesquels moustiques et crapaux pullulent dans une eau saumâtre et stagnante... Ce sont les marais, les landes, les tourbières, les mares, les abords de fleuves, ou encore les marais salants.

Pourtant, les scientifiques ont montré que les zones humides sont parmi les lieux les plus riches en biodiversité de la planète. Elles servent de lieu de reproduction pour de nombreux poissons et pour la totalité des batraciens et elles abritent de nombreuses espèces d’oiseaux. Elles filtrent l’eau, l’absorbent en cas de grosses pluies, la relâchent en cas de sécheresse.

Difficile d’avoir des chiffres précis, mais en France métropolitaine les zones humides représentent 3 à 4% du territoire. Une bonne partie est utilisée par l’agriculture et surtout par les éleveurs qui y cultivent du fourrage et y font paître le bétail.

Déjà au XVIIe siècle, un ingénieur de Louis XIII avait observé que l’herbe est plus verte dans les prairies humides, rappelle Frédéric Signoret, éleveur de vaches en Vendée : "Claude Masse avait remarqué que dans nos zones humides, on avait une densité de population agricole importante et que c’était là que les animaux étaient les plus gros. Parce que c’est dans les zones humides que la production primaire est la plus forte dans nos écosystèmes."


Des paysages "standardisés"

Ce n’est pas pour autant qu’on a su les préserver. En 1994, un rapport établissait que 67 % - soit les deux tiers - des zones humides ont disparu en un siècle. Plus récemment, une étude menée sur les années 2000-2010 indique que 40 % des prairies humides se dégradent : leur surface diminue, leurs fonctions régulatrices sont moins bien assurées. En somme, les zones humides régressent et parmi elles, les prairies humides, donc celles ayant un usage agricole, font partie des plus touchées.

"On remplace les gens par des tracteurs de plus en plus gros et on aménage les parcelles pour laisser passer les machines. On draine les zones humides, on transforme le paysage pour qu’il s’adapte à des procédés standardisés et que l’on puisse utiliser les mêmes techniques que partout ailleurs en France", dénonce Frédéric Signoret. "Alors qu’en fait, si on veut produire pour de nombreuses personnes en préservant l’environnement, on a tout ce qu’il faut... Mais on a perdu le savoir faire."


- Dans le marais de Grand Lieu -

 

L’éleveur critique aussi les aides de la politique agricole commune, qui encouragent la culture des céréales plutôt que l’élevage. Le sort de ces prairies humides est lié à celui des éleveurs, qui les entretiennent mais sont de moins en moins nombreux.

"C’est une tendance sociologique de fond, les agriculteurs abandonnent l’élevage au profit des cultures en raison des conditions de travail : une vache, il faut s’en occuper tous les jours alors qu’un champ de maïs on ne s’en occupe que trois mois par an. Donc quand c’est un peu humide mais pas trop, les agriculteurs vont mettre du maïs à la place de la prairie" explique Xavier Poux, consultant-chercheur à l’AScA, un bureau d’études en agriculture et environnement.

"En plus depuis 2008 le prix des céréales est très porteur. Cela va profiter aux céréaliers, mais cela représente des charges supplémentaires pour les éleveurs : ils sont obligés d’acheter les céréales plus cher pour nourrir leurs bêtes. La production de céréales dans le contexte actuel est donc plus simple et plus rémunératrice", poursuit-il.

M. Poux cite les revenus des agriculteurs par activité en 2013 : côté élevage, le revenu sur l’année est en moyenne de 25.100 euros pour une exploitation laitière, moins de 20.000 euros pour la viande bovine, à peine 17.600 euros pour les élevages de chèvres et de moutons. Côté céréales, le revenu se situe à 31.500 euros pour 2013, et il dépassait les 55.000 euros par an depuis 2010.

 

Une disparition silencieuse

D’ailleurs, les régions les plus touchées par la disparition des prairies humides sont celles dites "intermédiaires", précise l’ingénieur agronome, "là où vous avez un équilibre entre les cultures et l’élevage herbagé." Il cite la Normandie, ainsi que toutes les régions périphériques des grands bassins céréaliers : l’est de la Lorraine, la région Centre, la Dordogne, le Gers... "Du point de vue environnemental, perdre les quelques prairies humides qui restent dans ces régions, c’est dramatique."

Une disparition silencieuse, car souvent c’est un fossé ou une mare que l’on comble, un bout de champ que l’on draîne. De petites opérations qui ne se remarquent pas mais qui peu à peu font disparaître la fine trame de zones humides qui parcourt le territoire, le "chevelu", comme l’appelle Xavier Poux : "Elle est capitale, mais comme les parcelles sont trop petites, elle échappe aux statistiques, aux programmes de protection et au zonage."

 

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4 février 2014 2 04 /02 /février /2014 17:14

 

Source : www.reporterre.net

 

La monnaie locale, ça marche !

Euskal Moneta

lundi 3 février 2014

 

 

 

La monnaie du Pays basque nord, l’Eusko, a été lancée il y a tout juste un an, le 31 janvier 2013. Elle est en pleine forme, et est devenue la plus importante des vingt monnaies locales en circulation dans l’État français, et sans doute la deuxième ou troisième d’Europe.

 


 

Le plus grand succès de l’eusko a sans doute été d’avoir été adopté par des centaines de personnes d’horizons très différents. Au lancement, le 31 janvier 2013, nous étions 800 utilisateurs et 192 chefs d’entreprises, commerçants, paysans et professions libérales à avoir fait le pari d’utiliser l’eusko. À la fin de l’année nous étions plus de 2 700 utilisateurs et un peu plus de 500 entreprises et associations !

 

L’eusko, c’est pour tout le monde !

Selon une enquête menée fin 2013, les particuliers ont d’abord adhéré pour favoriser les commerces de proximité (33 %), pour dynamiser l’économie du Pays Basque Nord (30 %), pour favoriser les pratiques éthiques (17,67 %), et pour promouvoir la langue basque (14 %). Des raisons différentes d’adhérer, mais chacun en utilisant l’eusko soutient l’ensemble de ces objectifs.

De plus, l’eusko crée des solidarités concrètes. Par exemple, selon un sondage réalisé fin 2013, 25 % des utilisateurs de l’eusko ont poussé la porte d’un nouveau commerce parce qu’il acceptait l’eusko, et 62% ont découvert deux commerces ou plus. Soit 87% des utilisateurs qui sont devenus de nouveaux clients pour au moins un commerce.

De leur côté, les commerces et entreprises du réseau, quand ils changent des eusko en euros, paient 5% de commission qui financent les 3% de dons aux associations. Et ces dons aux associations sont versés en eusko, ce qui les incite à les utiliser dans les commerces du réseau. Etc.

 

90 % de réadhésion des entreprises


 

Le Code monétaire et financier français impose que tout utilisateur de l’eusko soit membre de l’association Euskal Moneta, et l’adhésion se renouvelle chaque 1er janvier.

Côté entreprises, plus de 90 % ont renouvelé leur adhésion pour 2014 ou sont en train de le faire, seuls 10 % ne renouvelant pas (près de la moitié d’entre eux parce qu’ils ont cessé leur activité). Ce fort taux de réadhésion montre que l’eusko répond aux attentes des entreprises. Elles peuvent trouver des solutions pour réutiliser l’eusko : elles réutilisent en moyenne 71 % des eusko qu’elles reçoivent, pour payer leurs fournisseurs ou leurs salaires.

Selon une enquête menée auprès d’elles fin 2013, 87 % n’ont ainsi pas eu à reconvertir d’eusko en euros. De plus, 93% n’ont rencontré aucune difficulté au niveau de leur comptabilité, 87 % estiment que les défis qu’elles doivent choisir pour l’environnement et l’euskara ne sont pas difficiles à relever, et 35 % ont déjà privilégié le choix de fournisseurs locaux pour réutiliser leurs eusko, ce qui constitue une relocalisation concrète de l’économie, et renforce les échanges entre entreprises du territoire.

 

Un nouveau défi : changer plus régulièrement

Côté particuliers, les réadhésions sont en cours (à partir de 5 euros, ou 5 eusko) dans n’importe quel des 20 bureaux de change du réseau. Pour continuer à bien se développer en 2014, l’eusko a maintenant besoin que chaque adhérent prenne l’habitude de changer ne serait-ce que 20 ou 30 eusko par mois, et plus si possible.

Pour faciliter l’utilisation de l’eusko, d’ici quelques semaines l’annuaire de l’eusko devrait être imprimé, et les bénévoles et salariés d’Euskal Moneta travaillent aussi à de nouvelles façons des changer des euros en eusko. Mais en attendant, il faut continuer à passer régulièrement au bureau de change, ou alors demander à son employeur de rejoindre le réseau pour recevoir chaque mois une partie de son salaire en eusko !

 

Chiffres clés

 


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4 février 2014 2 04 /02 /février /2014 17:01

 

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Alternatiba à Paris, c’est parti !

Antoine Lagneau (Reporterre)

mardi 4 février 2014

 

 

 

 

Six mois après l’organisation d’Alternatiba à Bayonne, le collectif Alternatiba Ile-de-France a vu le jour dimanche 2 février. Objectif : réaliser des dizaines de villages des alternatives d’ici 2015, date de la conférence sur le climat COP 21 qui aura lieu au Bourget.

 


 

Ce dimanche 2 février, dans le nord-est parisien, le fond de l’air est vert. Un vert profond, pareil aux couleurs d’Alternatiba, ce grand rassemblement des alternatives contre le changement climatique qui a pris racine en 2013, à Bayonne. Depuis, ces racines ont donné naissance un peu partout, en France, à de jeunes pousses prêtes à s’élancer vers d’autres mondes possibles.

Et c’est au cœur du 18ème arrondissement, par une froide matinée dominicale de février mais sous un soleil azuréen, qu’a surgit l’une d’elles. Théâtre de cette éclosion, le Shakirail, un lieu autogéré, culturel et militant, blotti entre la Porte de la Chapelle et la Gare du Nord.

Un cadre symbolique pour créer Alternatiba Île-de-France et répondre à une dynamique dont le premier objectif est la 21ème conférence onusienne sur le climat (COP21), sommet international qui se tiendra au Bourget en 2015. C’est d’ailleurs par ce rappel que débutent les premiers pas du collectif francilien.

Devant une centaine de personnes, les premières prises de parole se sont attachées à resituer le contexte d’une aventure dont le point de départ remonte au sommet de Copenhague en 2009. Enième rendez-vous raté sur le climat, cette réunion internationale de sinistre mémoire est à l’origine de la création de Bizi (qui signifie « vivre » en basque).

Militant pour une justice climatique et sociale, ce mouvement lance quelques années plus tard le projet Alternatiba. Basque d’adoption, Adrien a participé à l’organisation du village des Alternatives et détaille alors le « gros mécano » qui a permis de rassembler 12.000 personnes le 6 octobre 2013 à Bayonne.

 

 

« Le plus important, souligne Adrien, est de valoriser toutes les formes d’engagement, à la hauteur de ce que chacun peut apporter, en prenant soin de n’exclure personne ». « J’aurais pu être salarié d’AREVA, poursuit-il, j’aurais été accueilli à l’identique ». Scepticisme rigolard de la salle…

Laquelle passe ensuite aux travaux pratiques avec le moment incontournable pour tout collectif naissant : apprendre à se connaitre.

 

Une photographie du peuple de l’écologie

L’occasion de découvrir les mille et une alternatives citoyennes disséminées en Ile-de-France et qui sont représentées ce dimanche : de Relocalisons au collectif contre le triangle de Gonesse, en passant par Hespere 21, L’Indépendante, Vergers Urbains, des jardins partagés, des SEL, des Ressourceries, le mouvement des Villes en Transition, Energie Partagée, et bien sûr des associations nationales comme les Amis de la Terre, Agir pour l’Environnement, Colibri, ATTAC ou encore Greenpeace, c’est une photographie presque complète du petite peuple de l’écologie francienne qui se retrouve engagé dans l’aventure Alternatiba.

Une aventure dont les principes, mis en débat prochainement, permettront de fixer le cadre et, rappelle une intervenante, « les objectifs qui nous rassemblent ». Parmi ces derniers, le fait qu’Alternatiba Ile-de-France « n’est pas un cartel d’organisations, mais un regroupement d’associations, de collectifs hors les partis politiques » ou encore que « les associations, collectifs, individus qui se reconnaissent dans Alternatiba Ile-de-France, ont en commun le refus de toutes les discriminations ».

 

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Source : www.reporterre.net

 

 

 

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4 février 2014 2 04 /02 /février /2014 16:27

 

Source : blogs.rue89.nouvelobs.com

 

A Sotchi, les oligarques ont payé et n’ont pas eu le choix

 

Pierre Sautreuil - Etudiant en journalisme

Publié le 04/02/2014 à 10h36

 

 


De gauche à droite : Dimitri Medvedev, à l’époque président russe, Vladimir Poutine et Vladimir Potanine, patron d’Interros, à Rosa Khoutor, 18 février 2011 (Mikhail Klimentyev/AP/SIPA)

 

La station de ski des Jeux olympiques de Sotchi n’est pas un petit village alpin. À « Rosa Khoutor » s’élèvent des hôtels, des restaurants coûteux, des boutiques de sport et de vêtements, des salons de beauté, des concessions automobiles et des enseignes de fourrure. En amont de ce village olympique de 32 hectares, des dizaines de kilomètres de pistes sinuent sur 1500m de dénivelé.

C’est là que se tiendront les compétitions de ski et de snowboard, et c’est presque le cadeau d’un milliardaire à l’Etat russe. Il y a onze ans, Vladimir Potanine (ne pas confondre), adepte de ski alpin et 7e fortune russe, à la tête de la holding Interros, a décidé de dépenser quelques dizaines de millions de dollars pour construire à Sotchi un petit domaine privé à Krasnaïa Poliana.

Qui est Vladimir Potanine ?

Son conglomérat industriel, Interros, représente près de 1,4% du PIB de la Russie. Il s’est bâti autour d’une banque et de l’entreprise d’extraction minière Norilsk Nickel. La fortune de Potanine s’élève à près de 11 milliards d’euros en 2013, selon Forbes.

Brièvement Premier ministre en 1996, il faisait partie des « sept banquiers », les oligarques qui ont exercé une grande influence lors des années Eltsine, aux côtés de Mikhaïl Khodorkovski et de Boris Berezovski. Comme les autres, il a quitté la vie politique à l’arrivée au pouvoir de Vladimir Poutine

Cette fantaisie s’est au final transformée en un gigantesque chantier olympique, qui aura coûté pas moins de 2,5 milliards de dollars à Potanine. Pour les Jeux Olympiques de Sotchi, l’industriel de 53 ans a dépensé bien plus que n’importe quel autre investisseur privé.

Dans une interview à Forbes (en russe), cet oligarque de l’industrie minière raconte comment il a investi personnellement 700 millions de dollars dans le domaine sportif de Rosa Khoutor :

« Je n’avais jamais fait un cadeau aussi somptueux. Quand Rosa Khoutor n’était encore qu’un projet privé, je ne comptais pas dépasser un budget de 70 millions de dollars. Quand des conseillers m’ont dit qu’on avait ici la place pour un complexe comprenant une centaine de kilomètres de pistes et pouvant accueillir plus de 6000 touristes, il m’est apparu clair qu’on s’approchait d’un budget de 350 millions de dollars.

Mais quand la candidature russe a été retenue pour organiser les JO d’hiver de 2014, j’ai compris que ça me coûterait des milliards. »

Les investisseurs privés en première ligne

Monter la candidature de Sotchi avait déjà coûté 30 millions de dollars à Interros, près d’un tiers du montant total. Ce n’était qu’un début. Pour convaincre le CIO, les compagnies publiques et les hommes d’affaires les plus puissants de Russie ont avancé 100 millions de dollars de plus.

L’intense lobbying de Poutine et son discours remarqué au Guatemala – en anglais, avec même quelques mots de français – ont achevé de consacrer Sotchi ville olympique. Mais après le triomphe se pose une question : comment construire une ville à partir de rien, rapidement et efficacement ?

Recourir aux programmes fédéraux aurait pris trop de temps. Moscou crée donc une entreprise publique, Olympstroï, sans statut juridique ni mandats clairement établis. Olympstroi a déjà connu quatre patrons. Un signe de désordre selon Vladimir Potanine :

« Ce remue-ménage est dû à un dilemme permanent en Russie : faut il donner des responsabilités à un homme compétent ou à un homme honnête ? Le processus de désignation des responsables n’a pas été simple, et c’est un euphémisme. »

Dans un premier temps, les investisseurs se sont enthousiasmés pour Sotchi, mais ils se sont rendus compte qu’y investir ne serait pas nécessairement synonyme de ruée vers l’or.

« L’Etat a mis la pression sur les investisseurs privés, qui très vite ont dû déclarer chaque dépense à l’Etat et assumer les pertes. En gros, si ton investissement te rapporte, tant mieux. Si tu y perds, tant pis. »

Les oligarques négocient

 


Dimitri Medvedev et Vladimir Potanine en discussion à Gorki, près de Moscou, 12 avril 2012 (Vladimir Rodionov/AP/SIPA)

 

Les propriétaires de la Compagnie des mines et de métallurgie de l’Oural ont déjà déclaré qu’ils n’obtiendraient aucune compensation de l’Etat pour les infrastructures qu’ils ont fait construire à Sotchi. Vladimir Potanine et d’autres hommes d’affaires comme Oleg Deripaska et Viktor Vekselberg espèrent toujours un retour sur investissement, mais il est clair qu’il n’en obtiendront jamais sans un soutien du gouvernement.

Les projets menés par Interros, à savoir Rosa Khoutor, l’Université internationale olympique russe et le village olympique de montagne, ont coûté près de 2,5 milliards de dollars. Après les JO, il est prévu que la propriété de l’Université olympique revienne à l’Etat. Une perte sèche pour Vladimir Potanine :

« Nous étions des investisseurs, mais nous nous sommes transformés à vue d’œil en entrepreneurs d’Etat. (Le vice-premier ministre chargé de l’organisation des JO, Dmitri) Kozak coordonnait à lui seul tout le projet. La Banque de développement russe (VEB) décidait qui recevrait des financements, et qui n’en recevrait pas. Et nous, on devait en permanence justifier pourquoi on avait besoin d’argent. »

La VEB a prêté environ 80% des capitaux nécessaires aux investisseurs privés pour la construction des structures olympiques. Aujourd’hui, le principal enjeu pour les oligarques est la restructuration de ces prêts. Sans intervention de l’Etat, Potanine pourrait perdre jusqu’à 700 millions de dollars de capitaux propres :

« Cela fait un an que tous les investisseurs olympiques, y compris Gazprom et Sberbank (première banque russe, ndlr), écrivent des lettres au gouvernement pour qu’il subventionne les crédits de la VEB et pour qu’il crée à Sotchi une zone économique spéciale, avec un régime fiscal préférentiel. »

Pour l’instant, les investisseurs ont obtenu de ne pas payer les intérêts sur les prêts de VEB avant 2015. Reste à savoir ce qu’il adviendra après ce sursis.

Investir davantage pour être rentable

En janvier, dans une interview à Russie 24, Dimitri Kozak estimait que les investisseurs étaient séduits par Sotchi car ils y obtenaient le soutien de l’Etat pour leurs affaires.

Mais les affaires sont-elles si bonnes ? Pendant les JO, les hôtels seront pleins. Ensuite, il faudra investir encore davantage, estime Potanine :

« Dans les trimestres qui vont suivre la fin des Jeux, la station Roza Khoutor aura besoin de 100 millions d’euros d’investissement pour devenir enfin rentable. Le problème c’est que le cash flow nécessaire pour réaliser cet investissement n’existe pas ! »

Dans une interview au journal russe Izvestia, Potaine semble déjà résigné :

« En l’état actuel des choses, tout ce que ce projet peut générer, c’est des pertes. »

 

 

Source : blogs.rue89.nouvelobs.com

 

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4 février 2014 2 04 /02 /février /2014 16:20

 

 

Source : www.mediapart.fr

 

L'affaire Tefal agite les inspecteurs du travail

|  Par Rachida El Azzouzi

 

 

En Haute-Savoie, la direction du groupe Tefal a fait pression sur la hiérarchie d'une inspectrice du travail pour l'écarter et obtenu gain de cause. Pour les inspecteurs, c'est un signal d'alarme, alors que le plan Sapin, qui entend justement placer leur hiérarchie en position d'arbitre, arrive jeudi à l'Assemblée.

Les agents de l’inspection du travail ne décolèrent pas contre leur ministre de tutelle, Michel Sapin. Alors que doit s’ouvrir jeudi 6 février à l’Assemblée nationale le débat autour du projet de loi sur la formation professionnelle, dans lequel est noyé le très décrié projet de réforme des services de l’inspection du travail (lire ici notre article), ils ont entamé ce lundi 3 février une semaine de grève, ponctuée de manifestations, à travers la France comme à Paris devant l'Assemblée. Objectif : alerter les parlementaires sur « les dangers » du plan Sapin, massivement rejeté en interne il y a un an.

L'une de leurs grandes craintes porte sur la disparition programmée des sections d’inspection du travail actuelles (un inspecteur, deux contrôleurs, deux secrétaires, intervenant en toute indépendance, dans un secteur géographique délimité) au profit d'unités de contrôle (UC) de 8 à 12 agents encadrés par un DUC dans la novlangue du ministère, un supérieur hiérarchique qui, fait nouveau, aurait lui aussi des pouvoirs de contrôle dans les entreprises. Pour les agents, il s'agit là ni plus ni moins d'un coup porté à leur indépendance, pourtant garantie par l'article 6 de la convention 81 de l’Organisation internationale du travail (OIT) qui les place à l'abri de toute pression externe ou intervention indue, qu’elles émanent du patronat ou du pouvoir politique.

« Demain, le directeur d’UC pilotera et animera l’unité de contrôle, c’est-à-dire qu’il sera chargé d’orienter l’action de contrôle en fonction des priorités politiques du ministère et de mettre au pas les plus récalcitrants vis-à-vis des programmes de contrôle décidés par la hiérarchie sans lien avec les problématiques de terrain. Il disposera de pouvoirs de contrôle et pourra donc intervenir sur un dossier ou dans une entreprise pour se substituer à l’inspecteur ou contrôleur », dénoncent dans un communiqué commun les syndicats des services de l’inspection du travail de la région Rhône-Alpes (CGT, FSU, SNU-Tefe, FO, CNT et Sud).

Les syndicats rhônalpins sont particulièrement mobilisés. Et pour cause. À Annecy en Haute-Savoie, où ils ont organisé ce lundi 3 février une manifestation devant le siège du Medef rassemblant 150 personnes, ils viennent d’expérimenter cette dérive que la réforme pourrait généraliser. C’est « l’affaire Tefal », une histoire édifiante de pression patronale exercée, par l’intermédiaire de sa hiérarchie, sur une inspectrice un peu trop regardante. Révélée par le journal l’Humanité en décembre dernier, l’affaire, embarrassante pour le ministère du travail qui refuse de s’exprimer sur le sujet, a conduit à la saisine du Conseil national de l’inspection du travail (CNIT) début décembre.

 

 
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L’instance de “sages”, qui veille à ce que les missions des agents de contrôle soient exercées en toute impartialité, mène actuellement une enquête administrative pour statuer sur le relais par la hiérarchie de cette éventuelle pression extérieure indue laquelle, si elle était confirmée, constituerait une violation de la convention 81 de l’OIT.

Les faits remontent au 19 avril 2013. L’inspectrice du travail chargée de l’entreprise Tefal, l’un des plus gros employeurs de Haute-Savoie avec 1 800 salariés, filiale du groupe Seb basé à Rumilly, près d'Annecy, est convoquée par son supérieur hiérarchique, le directeur départemental du travail, Philippe Dumont. Entre quatre yeux, durant 2 h 20, ce dernier lui reproche de « mettre le feu dans cette grosse entreprise » en voulant renégocier l’accord sur la réduction du temps de travail, qu’elle juge illégal, après s’être penchée sur le texte à la demande des représentants du personnel de l’usine.

Il lui intime l'ordre de revoir sa position rapidement, lui rappelle qu'elle est en début de carrière. L’inspectrice lui demande s’il s’agit de menaces, de pression ou de chantage. Il répond qu’elle n’a qu’à le prendre comme elle veut mais qu’il s’agit d’une mise en garde. La jeune femme ressort du bureau « démolie, complètement déstabilisée », témoigne un de ses collègues. Son médecin l’arrête quelques jours. Elle reprend du service avant de retomber en arrêt maladie en juin, cette fois pour une longue durée.

En octobre dernier, un courriel anonyme adressé à l'inspectrice du travail relance l'affaire : « Je suis en possession de documents hyperconfidentiels, prouvant que vous avez été victime de pression, je sais que le groupe SEB et la société Tefal ont exercé via des personnes du Medef une pression sur votre responsable, M. Dumont, afin qu’il vous fasse taire », écrit le mystérieux lanceur d'alerte avant de fournir des documents accablants issus du service de ressources humaines de Tefal, notamment des échanges de mails internes sur plusieurs mois que Mediapart s'est procurés et publie ci-après.

On y découvre l'étendue de la pression exercée sur l'inspectrice ainsi que le profond mépris de la direction de Tefal pour l'administration du travail. On y apprend aussi que la direction, par le biais de son directeur des ressources humaines, Dan Abergel, a rencontré le 18 avril Philippe Dumont, le directeur du travail, à la veille donc de l'entretien musclé de ce dernier avec sa subordonnée.

«Tefal a même eu recours aux services de la DCRI !»

Trois documents retiennent tout particulièrement l'attention. Il y a d'abord la copie de cet échange de mails datant du 28 mars entre Aurélie Rougeron, une responsable du service des ressources humaines de Tefal, et le DRH Dan Abergel : « J’ai échangé avec P. Paillard (un responsable de l’UIMM, le patronat de la métallurgie, ndlr) au sujet de l’inspectrice. Il me dit que le DDTE (directeur départemental du travail et de l'emploi, ndlr) a le pouvoir de la changer de section administrative pour que Tefal ne soit plus dans son périmètre. Intéressant, non ? » Le DRH lui répond qu'il faut « prendre RDV avec Dumont » et « voir le préfet ».



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Quelques mois plus tard, le 26 juillet, ce dernier se fend d'un autre mail, cette fois à Patrick Llobregat, président de Tefal, et à d’autres dirigeants du groupe. Il a pour objet « nouvelles du front », fait le point sur plusieurs dossiers, dont « deux infos importantes » obtenues « par le biais de nos interlocuteurs au Medef ». Un paragraphe concerne l'inspectrice : « Notre inspectrice du travail est depuis quelques semaines en arrêt pour “pression psychologique”. De plus, il semble qu’elle ait attaqué Dumont en justice sur le sujet (info confidentielle du Medef). Entre nous, quand on connaît Dumont, c’est plutôt le profil du harcelé que du harceleur… Je pense donc que si elle revient, nous devrons être extrêmement vigilants. »

Autre document aggravant : un tableau Excel nommé « Capteurs sociaux » que vous pouvez consulter ici. Il consigne « les faits marquants », « les points de vigilance » au sein de l’entreprise mois après mois : les accidents du travail, les ruptures conventionnelles, les conflits collectifs... et les relations avec l'inspection du travail. Chaque événement est frappé d'une couleur selon le « degré de risque ». « Vert (aucun risque), orange (à surveiller), rouge (danger), noir (danger +) », précise tout en bas la légende. Figure ainsi, en noir, soit « danger + », le « courrier de l’inspectrice remettant en cause l’accord 35 heures » ; dans la colonne « mode de fonctionnement de l’inspectrice du travail », en rouge, soit « danger » : « Elle nous inonde de courriers sur tous les sujets depuis janvier 2013. »


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Ce fichier met précisément au jour les pratiques et les méthodes de Tefal pour se débarrasser de l'inspectrice du travail au fil des mois. La direction a même été jusqu'à solliciter le 5 avril un « entretien avec Carole Gonzalez, des renseignements généraux » à propos du « comportement de l’inspectrice » avant de rencontrer le 18 avril le directeur départemental du travail, M. Dumont, qui recadrera l'inspectrice le lendemain, 19 avril… Le 25 mai, on découvre aussi cette précision : « Conversation avec Dumont : on attend de voir si son action porte ses fruits. »

La direction de Tefal, qui n’a jamais démenti les pressions ni les documents révélés dans la presse, refuse de commenter ce dossier. Elle balaie le sujet d'un laconique : « Il n’y a pas d’affaire. » « Les syndicats de salariés de Tefal ont été entraînés dans un débat qui n'est pas le leur. Ils ont été instrumentalisés par les syndicats de l’inspection du travail qui cherchent par tous les moyens à dire leur opposition au projet de réforme de leur ministère », avance son service de communication. Pourtant, en interne, la direction prend « l'affaire » très au sérieux, et cherche à identifier par tous les moyens le mystérieux informateur. Début janvier, elle a saisi une douzaine d'ordinateurs pour analyser les disques durs et porté plainte contre X à la suite de la divulgation des documents. 

« Cette affaire provoque un vif émoi en interne. La direction est très fébrile », raconte Nicolas Chartier, le secrétaire CGT du comité d'entreprise de Tefal. Il décrit un profond malaise social au sein de l'usine, des conditions de travail particulièrement dégradées, notamment sur les lignes de production où les situations de risques psychosociaux sont en augmentation. Il pointe également « un management par la peur » depuis l'arrivée du nouveau DRH en 2011 et une direction venue du secteur automobile qui n'a « peur de rien », contrevenant régulièrement au code du travail, abusant de l'intérim, des ruptures conventionnelles (une centaine depuis 2008) ou encore entravant le bon déroulement de la mission des représentants du personnel.

« Comme Michelin, notre direction est championne de la dissimulation d'accidents et d'arrêts de travail professionnels (consécutifs à des accidents de travail). Elle force les salariés à se rendre à l'usine avec plâtres et pansements alors qu'ils devraient être à l'arrêt, ou elle leur demande de rester chez eux sans en avertir la Sécurité sociale », poursuit un autre délégué de l'intersyndicale CGT, FO, CFDT, CFE-CGC de Tefal.

Pour les quatre organisations syndicales, « il ne fait aucun doute que la direction a cherché à faire taire l'inspectrice du travail ». Solidaires, elles ont multiplié les actions de soutien, appelant au débrayage au lendemain de la révélation de l'affaire par l'Humanité en décembre dernier. Depuis, elles boycottent les négociations annuelles obligatoires, réclament « une nouvelle direction et un vrai dialogue social ». Elles ont manifesté ce lundi 3 février devant le Medef de Haute-Savoie aux côtés des agents de l'inspection du travail de Rhône-Alpes, où là aussi le climat social est délétère, les relations tendues avec la hiérarchie locale et régionale.

« Il y a un vrai conflit social, une vraie souffrance aujourd'hui dans les inspections du travail », note Marie-Pierre Maupoint, déléguée Sud. Elle espère que « le CNIT ira jusqu'au bout de la procédure, que le directeur du travail sera sanctionné, traduit devant le conseil de discipline, sinon écarté de tout poste hiérarchique ». « Les faits et différents documents transmis à notre collègue sont très graves. Ils laissent à penser que M. Dumont a failli à la convention de l'OIT, qu'il a agi de concert avec la direction de Tefal. Il apparaît même que Tefal a eu recours aux services de la DCRI ! », abonde un inspecteur du travail, scandalisé.

À la suite de ces pressions, leur collègue a été en arrêt maladie durant près de six mois. Les pressions subies l’ont par ailleurs amenée à faire une déclaration d’accident de service (équivalent public de l’accident du travail) contestée par la hiérarchie. Dans un courrier adressé au ministre du travail Michel Sapin le 13 décembre dernier, et à ce jour resté sans réponse (courrier que vous pouvez lire ici), les syndicats (CGT, SUD, SNU-FSU et CNT) de l’inspection du travail de Rhône-Alpes dénoncent l’absence de soutien de la hiérarchie à l’inspectrice, l’attitude du directeur qui s’est « fait le relais des demandes exprimées par Tefal », et la « déshérence dans laquelle sont laissés les agents qui expriment leur souffrance ». Ils exigent « l’arrêt des pressions » sur l’action de leur collègue, la « reconnaissance immédiate » de son accident de service ainsi que « la garantie » de l’indépendance d’action de l’inspection du travail contre toutes influences indues, comme le prévoit la convention internationale n° 81. Un droit bien mis à mal...

 

 

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Source : www.mediapart.fr

 

 

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4 février 2014 2 04 /02 /février /2014 16:12

 

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Taxe sur les transactions financières : la France ne doit pas manquer le rendez-vous

Lors du sommet franco-allemand du 19 février, la France et l'Allemagne rendront publique leur position commune sur le projet européen de taxe sur les transactions financières (TTF). Dans Les Echos du 30 janvier Pascal Canfin et Pierre Moscovici affirment que la France défend un projet «ambitieux» en accord avec les positions de l'Allemagne.

Dans cette tribune franco-allemande, Thomas Coutrot (Attac France), Hakima Himmich (Coalition Plus), Luc Lamprière (Oxfam France), Detlev Larcher (Attac Allemagne), Bruno Spire (Aides), Peter Wahl (WEED) leur répondent et font part de leurs inquiétudes quant aux véritables intentions du gouvernement français.

 


 

«Taxe sur les transactions financières, c’est maintenant!». Comme l’écrivent Pascal Canfin et Pierre Moscovici (Les Echos, 30/01), ministres du développement et de l’économie,  «après plus d'une décennie de mobilisation de la société civile pour défendre le bien-fondé d'une taxe sur les transactions financières, nous sommes maintenant au moment de la décision politique».

Nous, organisations des sociétés civiles française et allemande, nous réjouissons de voir arriver le moment de la décision politique. Mais nous sommes extrêmement inquiets concernant la dernière phrase du texte des deux ministres, «la France sera au rendez-vous».

Tout d’abord, les ministres s’engagent à ce que le produit de la taxe serve à financer «la lutte contre les grandes pandémies comme le sida ou le paludisme et la lutte contre le changement climatique», et nous devons nous en féliciter. Toutefois, à ce jour, seule la France, par la voix de ses ministres et de son Président de la République, s’est engagée sur cette question.

Or, alors que les ministres français clament leur souhait d’affecter des «ressources additionnelles» à la solidarité internationale, la taxe française sur les transactions financières n’a pas atteint cet objectif, puisque les financements liés à la taxe n’ont, en France, pas permis de dégager des ressources supplémentaires mais seulement de compenser des coupes budgétaires effectuées par ailleurs.

Il importe donc en passant au niveau européen de surmonter l’échec de la taxe française en la matière: la France et l’Allemagne, lors du sommet franco-allemand du 19 février, devront donc s’engager ensemble à affecter de manière additionnelle une partie des revenus de la taxe européenne sur les transactions financières à la solidarité internationale, la lutte contre le Sida et le changement climatique. Nous espérons que le gouvernement français pourra en convaincre ses partenaires européens, et notamment la Chancelière Angela Merkel.

Mais à quoi serviraient ces engagements si le produit de la TTF européenne se révélait finalement dérisoire? Or, en même temps qu’il nous promet un usage solidaire pour les fonds récoltés, le gouvernement français continue, selon nos informations, de s’employer en coulisses à rétrécir le plus possible l’assiette de la taxe et donc le volume de ces fonds.

Une illustration se trouve dans le texte même de leur tribune. Les ministres français s’y déclarent, en effet, en accord avec le gouvernement allemand pour «une taxe ambitieuse dont l'assiette aille au-delà des actions et inclue certains produits financiers, notamment dérivés, propices à la spéculation». Mais cette phrase ambigüe fausse la position allemande et cache, en fait, le bras de fer qui se joue actuellement dans la négociation entre Berlin et Bercy où le ministère des finances français tente à tout prix de sortir de l’assiette de la taxe les produits dérivés et les transactions à haute fréquence.

En face, la position du gouvernement allemand, comme celle de la Commission européenne, n’est pas de se limiter à «certains produits financiers propices à la spéculation» comme le voudrait Paris, mais, comme le stipule l’accord de gouvernement CDU-SPD, d'inclure  «tous les instruments financiers, en particulier les actions, obligations, actions de sociétés de financement ainsi que les produits dérivés» (p.46).

De même, la taxe proposée par la Commission Européenne ne vise pas particulièrement telle ou telle catégorie de titre financier mais toute pratique spéculative à haute fréquence. Ces transactions, qui peuvent concerner n’importe quelle catégorie d’actif, et sont effectuées à grande vitesse par des logiciels informatiques, ont proliféré et nourri l’instabilité des marchés sans apporter de service réel à l’économie. Il n’y a donc aucune rationalité à vouloir exclure de la taxe telle ou telle catégorie d’actif au motif qu’elle serait par nature moins spéculative que d’autres ! Inclure l’ensemble des produits dérivés est décisif car ils représentent aujourd’hui plus que deux tiers des transactions financières. N’oublions pas le lourd prix que nos sociétés ont payé et continuent de payer à cause de l’instabilité des marchés financiers !

En septembre 2011,  le ministère des finances français et son homologue allemand écrivaient dans une lettre commune à la Commission Européenne que «l’assiette de la taxe devrait être large et couvrir toutes les transactions liées à des instruments financiers tels les actions, obligations, transactions de devises et produits dérivés

Nous demandons aujourd’hui que la France tienne ses engagements envers ses partenaires et les citoyens européens. Toute exclusion d’une catégorie d’actifs serait une capitulation devant le lobby des banques et réduirait d’autant les recettes attendues pour la solidarité nationale, européenne et internationale.

 

Thomas Coutrot (Attac France), Hakima Himmich (Coalition Plus), Luc Lamprière (Oxfam France), Detlev Larcher (Attac Allemagne), Bruno Spire (Aides), Peter Wahl (WEED)

 

 

Source : blogs.mediapart.fr/blog/attac-france

 

 

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4 février 2014 2 04 /02 /février /2014 16:00

 

 

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Le lobby réactionnaire sévit aussi en Europe

|  Par Ludovic Lamant

 

 

 

À l'automne, ils étaient parvenus à enterrer un texte sur le droit à l'avortement. Les mêmes, à commencer par les troupes françaises de La Manif pour tous, font aujourd'hui campagne contre un rapport sur les droits LGBT, soumis au vote mardi à Strasbourg. À l'approche des européennes, certains élus de droite se montrent de plus en plus sensibles aux pressions.

Actualisation mardi midi:

Le rapport Lunacek a été adopté mardi midi à 394 voix pour, 176 voix contre et 72 abstentions. Côté français, une partie des élus UMP et UDI s'est opposée au texte, tandis qu'une autre s'est abstenue. Nous reviendrons sur ce vote dans un article séparé, d'ici la fin d'après-midi. Lire le communiqué du parlement.

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De notre envoyé spécial à Bruxelles

Après avoir vidé de son contenu un texte sur le droit à l'avortement en décembre, les ultra-conservateurs vont-ils engranger une nouvelle victoire, mardi au parlement de Strasbourg? Cette fois, l'objet de leur colère est un rapport d'initiative (non contraignant) qui propose d'élaborer une « feuille de route » pour lutter contre l'homophobie dans l'Union. Mais, sauf grosse surprise, le « rapport Lunacek », du nom d'une eurodéputée autrichienne écolo, Ulrike Lunacek, qui l'a co-rédigé, devrait être adopté en séance plénière. 

Aux côtés de la procréation médicalement assistée (PMA) ou de l'enseignement de la « théorie du genre », ce texte était devenu l'un des épouvantails brandis par la Manif pour tous, pour mobiliser ses troupes, en amont de la mobilisation de dimanche. C'est « un projet anti-famille au niveau de l'Union européenne », affirmait, dans Le Figaro, l'un des porte-parole de ce mouvement, s'inquiétant d'un « agenda global pour faire reconnaître les droits fondamentaux des personnes LGBT ». Une pétition en ligne contre le rapport Lunacek avait quasiment atteint, lundi soir, la barre des 200 000 signataires. 

À l'origine, le texte paraissait pourtant très consensuel (lire la version française ici). Il propose d'établir un plan d'action, à l'échelle de l'UE, pour protéger les personnes lesbiennes, gays, bisexuelles et transgenres de discriminations liées à leur orientation sexuelle. Sur le modèle des « feuilles de route » qui existent déjà à l'encontre de discriminations liées, par exemple, au sexe (« stratégie pour l'égalité homme-femme ») ou à l'origine ethnique (« stratégie d'intégration des Roms », par exemple).


Ulrike Lunacek, eurodéputée autrichienne du groupe des Verts, est rapporteur du texte. © Reuters. 
Ulrike Lunacek, eurodéputée autrichienne du groupe des Verts, est rapporteur du texte. © Reuters.

Il revient à la commission européenne de prendre ce genre d'initiative. En mai 2013, onze États membres ont fait connaître leur soutien à cette démarche, dont la France, l'Italie, l'Autriche ou encore les Pays-Bas (lire la lettre en anglais, que l'Allemagne n'a pas signée). Mais Viviane Reding, la commissaire chargée du dossier, plutôt bien disposée, en général, sur ces questions, avait alors estimé qu'il ne s'agissait pas d'une priorité à ses yeux.

Face au blocage de l'exécutif de José Manuel Barroso, des parlementaires ont choisi de mettre la pression, via ce rapport d'initiative. De l'avis de bon nombre d'observateurs, la copie est prudente. Elle liste une série de mesures contre les discriminations dans le secteur de la santé, de l'éducation ou encore au travail. Mais elle prend soin de respecter le sacro-saint principe de « subsidiarité », laissant aux États membres leur marge de manœuvre en la matière. Et ne s'aventure pas, par exemple, sur le terrain politiquement sensible du « mariage pour tous ».


 

Conséquence de cette prudence assumée : le projet de rapport a été adopté à une très large majorité, lors d'un vote en commission des libertés civiles, en décembre – 40 voix pour, deux contre, six abstentions. Les cinq premiers groupes du parlement (la droite du PPE, les socialistes et démocrates, les libéraux, les Verts et la gauche de la GUE) l'ont soutenu en bloc, ce jour-là. L'adoption du rapport, en séance plénière mardi à Strasbourg, devrait donc être une formalité.

Mais entre-temps, des conservateurs de tous bords, mêlant extrémistes religieux et militants anti-avortement, ont mobilisé contre ce texte, qui, selon eux, introduit « une nouvelle définition de l'identité humaine », basée, non plus sur l'« identité sexuée », mais sur l'orientation sexuelle, et plaide pour l'« enseignement de l'identité de genre » à l'école. Ils ont inondé, semble-t-il, les boîtes mail de leurs élus – des milliers de courriels ont été envoyés durant le seul week-end dernier, aux eurodéputés français. « J'ai reçu des tombereaux de mails, qui ne sont pas signés par des organisations, comme c'est souvent le cas d'habitude, mais par des individus, qui ont suivi des procédures très précises, copiant-collant des messages types », raconte Sylvie Guillaume, une eurodéputée socialiste qui votera en faveur du texte, lors de la séance de mardi.

Le précédent du rapport Estrela

À l'approche des élections européennes de mai, certains s'interrogent sur la stratégie des élus du parti populaire européen (PPE, droite, premier groupe de l'hémicycle). Il n'est pas exclu que des élus PPE d'Italie ou de Pologne, mais aussi quelques eurodéputés français de l'UMP, votent mardi contre le rapport. Après la mobilisation dominicale de la Manif pour tous, la tension est montée d'un cran dans les rangs de la droite française.

Sollicitée par Mediapart, l'eurodéputée Véronique Mathieu (UMP), qui s'est prononcée pour le texte lors du vote en commission, a préféré ne pas répondre à nos questions, dans l'attente d'une réunion clé de la délégation française du PPE, mardi matin à Strasbourg. « Les opposants au rapport cherchent à désinformer les élus comme le public, pour constituer un bloc d'opposition, dans le contexte des élections européennes », résume Bruno Selun, qui dirige l'inter-groupe du parlement européen sur les questions LGBT.  

L'affaire est suivie avec d'autant plus d'attention, qu'il existe un précédent spectaculaire : le torpillage en règle, à l'automne, du rapport Estrela, du nom de sa rapporteure socialiste portugaise, Edite Estrela. Il s'agissait là encore d'un rapport d'initiative, qui réclamait en particulier un accès généralisé, pour les femmes, à la contraception et à des services d'avortement sûrs. Lors de débats houleux à Strasbourg, Edite Estrela fut huée, et Bruno Gollnisch (FN) très applaudi. Après un report de deux mois du vote, sur pression des conservateurs britanniques et polonais, c'est finalement une majorité serrée (334 contre 327) qui l'a emporté à la session de décembre, pour un texte réduit à une peau de chagrin affirmant… la primauté des États sur ces questions. Et c'en fut fini du rapport Estrela.  

Le rapport Lunacek pourrait-il connaître le même sort funeste que le rapport de sa collègue socialiste ? Bruno Selun, de l'inter-groupe sur les questions LGBT, n'y croit pas : « Le rapport Estrela visait la lune : il parlait d'avortement pour tous, d'accès à la PMA, etc. Edite Estrela l'a écrit de bout en bout, sans jouer le jeu des compromis avec les autres groupes. Le travail sur le rapport Lunacek a été beaucoup plus collectif, en impliquant les cinq groupes politiques qui soutiennent la démarche. C'est donc un texte beaucoup plus consensuel », estime-t-il.

« Le débat sur le rapport Estrela ne s'est pas concentré sur le contenu du texte, mais sur le fait de savoir s'il revenait à l'Europe, ou pas, de se prononcer sur ces questions, explique la socialiste Sylvie Guillaume. Dans le cas du rapport Lunacek, c'est différent : son auteur a fait très attention à préciser ce que peut faire l'Europe, et ce qu'il revient aux États. C'est bien mieux ficelé. » Il faudrait donc se garder de rapprocher ces deux textes.

En attendant, Philippe de Villiers a déposé, pour le groupe EFD (Europe Libertés Démocratie), un amendement qui sera soumis au vote mardi, qui tente de reproduire le « coup » du rapport Estrela. Il s'en tient à quelques lignes : « Le parlement européen appelle (les parties concernées) à œuvrer dans le cadre de leurs compétences respectives, en faveur de la pleine jouissance de l'ensemble des droits fondamentaux pour tous les citoyens. » Difficile de dire, en l'état, combien d'élus se risqueront à le voter, mais des élus français de l'UMP pourraient soutenir la motion.

Ces chantiers s'ouvrent à Strasbourg alors que l'Espagne débat d'une proposition de loi anti-IVG du gouvernement Rajoy, que les mobilisations en défense de l'IVG, en réaction, surgissent en Espagne comme en France, et que l'exécutif français reporte son projet de loi sur la famille, sous la pression de la Manif pour tous. Ces débats sociétaux bouillonnants s'annoncent comme l'un des pivots des élections à venir – une petite surprise, pour ceux qui s'attendaient à ce que la gestion de la crise économique, et la lutte contre le chômage en Europe, accaparent toutes les discussions de la campagne électorale.

Pour l'eurodéputée néerlandaise Sophia In't Veld, du groupe des libéraux (auquel est rattaché le Modem, de François Bayrou), il y aurait même dans ces contestations réactionnaires matière à se réjouir, y compris pour le camp progressiste : « Cet activisme conservateur montre clairement que l'UE n'est plus une simple union douanière ou exclusivement un marché intérieur. Cela montre que le débat sur la dimension éthique des politiques de l'Union a véritablement débuté. »

 

 

 

 

 

 

 

Source : www.mediapart.fr

 


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