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11 mai 2014 7 11 /05 /mai /2014 21:14

 

Info reçue par mail

 

 

Communiqué

 

Paris, le 8 mai 2014

 

Le collectif des associations citoyennes

 

Dans le département du Gard, 23 associations accompagnent les chômeurs dans leur retour à l'emploi à travers de multiples chantiers d'insertion depuis parfois de longues années. Cet accompagnement est essentiel pour permettre à 1 500 personnes d'acquérir chaque année une qualification professionnelle. Mais c'est aussi un accompagnement humain qui redonne une vie sociale à des personnes souvent isolées. L'objectif de ces associations d'insertion, qui fonctionne en réseau, n’est pas de faire du business en développant leur chiffre d'affaires, mais de répondre à un besoin humain et de témoigner que la solidarité n'est pas un vain mot dans notre société.

Aujourd'hui, ce travail est menacé par la décision du Conseil Général du Gard. Celui-ci a entrepris de généraliser les appels d'offres, ne prenant en compte que la dimension marchande du travail d'insertion, et de diminuer de 10 % le volume global de la dotation.

Sans méconnaître les difficultés financières des collectivités avec l'aggravation du plan de rigueur, force est de constater que cette économie-là n'est pas pertinente puisque chaque année, ces actions permettent de sortir plus de 1 000 personnes du RSA. En novembre 2013, le conseil général a dû ajouter  7,5 millions d'euro  à son budget du RSA  pour 1 500 bénéficiaires de plus**.  Combien devra-t-il ajouter en 2014 s'il désorganise  le travail les associations d'insertion par l'économique, pour faire une économie de 300 000€ ?  Certainement beaucoup plus en accroissement de charges du RSA, sans compter les moindres rentrées de cotisations sociales et l'accroissement des allocations-chômage qui creusent également les déficits publics, même si ce n'est pas dans la même caisse. C'est ainsi que croyant faire des économies l'austérité creuse les déficits publics. 

 

C'est pourquoi le Collectif des Associations Citoyennes soutient la mobilisation des associations du Gard pour que le Conseil Général renonce aux baisses de financement rétroactives et accepte de recevoir sa délégation pour entendre ses exigences et réfléchir ensemble aux réponses possibles.

Nous relayons donc l’invitation aux associations citoyennes du Gard à se rassembler le lundi 12 mai à 9 heures devant l'hôtel du département.

 

Version PDF ICI 

 

L’article avec le dossier de presse du collectif du Gard ICI

 

** voir : http://www.midilibre.fr/2013/11/15/rsa-1-500-allocataires-de-plus-dans-le-gard-soit-un-total-de-17-000-personnes,783790.php

 

 

Le Collectif des associations citoyennes

www.associations-citoyennes.net  et  www.nondisparitionassociations.net 

  

PARCE QUE NOUS SOMMES TOUS CONCERNÉS ! 

Mobilisons-nous

le 12 mai 2014 À 9h devant l’Hôtel du Département À NÎmes

 STOP aux amputations budgétaires, rétroactives et sans concertation,  à la dégradation de nos conditions de travail et à la destruction de nos savoir-faire, annonciatrices d’un désastre social sans précédent,

 HALTE au plan social déguisé qui détruit l’emploi dans nos structures créatrices d’épanouissement humain, de participation à la vie de la cité, de solidarité, à cause d’une «idéologie  économique » hermétique et opprimante,

 ASSEZ des fausses "économies" qui sacrifient les moins audibles et les plus précaires sur l’autel de la grande finance, multipliant les souffrances sociales et les vies brisées.

 

Retrouvons-nous le 12 mai !

RESTER SILENCIEUX AUJOURD’HUI, C’EST entÉriner notre destruction À BRÈVE ÉCHEANCE et condamner les gÉnÉrations futures À plus d’injustice sociale.

 

Le collectif des associations porteuses d'actions d'insertion est partie prenante de la mobilisation organisée par le Collectif IAE  (voir pièces jointes).

Nous comptons sur votre présence. Venez nombreux le 12 mai entre 9h et midi devant le CG30, 3 rue Guillemette. Pensez à des tracts et banderoles !

Solidairement vôtre.

 

C'FAIRE

62 rue Notre Dame 30000 Nîmes

04.66.36.23.19

Web Tv : www.1regard.tv   Site  : www.cfaire.fr

 


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11 mai 2014 7 11 /05 /mai /2014 20:16

 

Source : www.marianne.net

 

 

Enquête

Qui entend les bêtes souffrir ?
Dimanche 11 Mai 2014 à 05:00

 

Éric Conan
Fini le temps où le sort des animaux n'intéressait que quelques groupies de Brigitte Bardot. Aujourd'hui, intellectuels et consommateurs s'en mêlent, et même les grands chefs prennent conscience que la gastronomie ne survivra que dans le respect des bêtes.

 

Sojka Libor/AP/SIPA
Sojka Libor/AP/SIPA

 

Qui entend les bêtes souffrir ?
>>> Article paru dans le n°889 de Marianne daté du 2 mai


Cette fois, cela devient sérieux. Comme chaque année, à Noël, les dénonciateurs du gavage des oies et canards ont manifesté devant des grands restaurants. La nouveauté, c'est que Joël Robuchon et Alain Ducasse ont craqué. Ils n'ont pas appelé la police, mais publié des communiqués. L'un annonçant qu'il renonçait à son fournisseur de foie gras, l'autre qu'il s'engageait à vérifier les accusations de L214, minuscule association qui a pris pour nom celui d'une série d'articles du code rural dont le premier précise que « tout animal étant un être sensible doit être placé par son propriétaire dans des conditions compatibles avec les impératifs biologiques de son espèce ».

« C'est une première victoire, se réjouit Johanne Mielcarek, une de ses responsables. Cela change, la télé parle de nos enquêtes, nous ne sommes plus pris pour des dingues ! » Autre signe : le Comité interprofessionnel des palmipèdes à foie gras (Cifog) a reconnu être « peut-être allé trop loin ». Les militants de L214 avaient bien visé. L'un d'eux a filmé, à l'intérieur des locaux de la société Ernest Soulard, dans la Vendée, ces milliers de canards coincés dans des petites cages et gavés à la pompe hydraulique (2 kg de pâtée de maïs injectés en quelques secondes). Un enfer de bêtes blessées, avec un taux de mortalité énorme, loin de l'image du palmipède amoureusement gavé à la main, la tête entre les cuisses de la fermière... Et L214 révèle que les grands étoilés de la capitale vantant le terroir à des prix stratosphériques s'approvisionnent dans ces usines immondes ! Face à la panique, la filière, dont les ventes baissent depuis 2011, a fait son mea culpa et a promis de défendre les petits fermiers. Mais ceux-là sont minoritaires : 88 % de la production provient de chaînes de gavage industriel de plus de 1 000 cages...

Cette très symbolique querelle du foie gras résume tous les aspects du débat qui monte sur les souffrances des animaux d'élevage. Les producteurs rappellent que l'engraissement du foie est naturel chez les oiseaux migrateurs, mais leurs usines à gavage multiplient par 10 le poids du foie, au point de rendre difficile la respiration des bêtes. Et leur grande honte, c'est qu'il existe un foie gras naturel, avec label « bio », mais il est espagnol ! En Estrémadure, la société La Pateria de Sousa élève des oiseaux en liberté pour un foie gras naturel, vrai produit de luxe à 400 €/kg. Elle fournit Barack Obama à la Maison-Blanche et a été primée en 2006 par le Salon de l'alimentation de Paris ! Double honte française : les cages individuelles étant interdites par l'Europe depuis 1999, les usines avaient demandé un sursis, promettant de développer des « alternatives au gavage », tout en poursuivant par l'industrialisation leur politique de baisse des prix, ruinant ainsi les petits élevages artisanaux... D'où la question - y a-t-il un bon élevage ? - qui divise les défenseurs des animaux entre ceux qui, comme L214, militent pour l'interdiction du foie gras et ceux qui prônent le Label rouge, garantie de vie « normale » pour les palmipèdes. Les producteurs, eux, font profil bas parce que leurs conseillers en communication leur ont expliqué qu'ils ne pouvaient plus se contenter de tourner en ridicule les « zamis-des-zanimaux » ; qu'il fallait même l'éviter : cette époque est finie.

 

ZEPPELIN/SIPA
ZEPPELIN/SIPA
Longtemps, en effet, lobbies de la bidoche industrielle, fous de tauromachie, sacrificateurs halal et aristos de la chasse à courre pouvaient se moquer des mémères de la SPA et rhabiller Brigitte Bardot en mégère d'extrême droite. Ils ont désormais face à eux un tout autre front allant de Charlie Hebdo à la fine fleur de la philosophie française. Peu avant le coup d'éclat de L214 sur le foie gras, une pétition d'intellectuels qui n'ont pas l'habitude de signer ensemble (dont Elisabeth de Fontenay, Michel Onfray, Alain Finkielkraut, Luc Ferry, Jacques Julliard, Danièle Sallenave, André Comte-Sponville) demandait que le code civil ne considère plus l'animal comme un « bien meuble » et qu'il lui donne le statut d'être vivant et sensible. Loin du radicalisme anglo-saxon, cette mouvance française avance avec subtilité et nuances. Coïncidence ou pas, elle doit son efficacité à des femmes qui voient leurs efforts récompensés.

D'abord la philosophe Elisabeth de Fontenay dont l'œuvre magistrale, consacrée aux différentes traditions religieuses et philosophiques sur l'animal (le Silence des bêtes, Points), influence le débat. Elle réclame non un droit des animaux, mais un devoir des humains à leur égard : « On peut les défendre tout en étant "spéciste" - penser qu'espèces humaine et animale ne peuvent être mises sur le même plan -, ce que certains extrémistes considèrent comme le dernier racisme. L'homme a une singularité sinon une supériorité, le langage, qui lui permet de produire de l'histoire et du droit. Mais il n'y a pas deux éthiques, l'une humaine, l'autre animale : l'humanisme doit inclure les animaux dans la sphère morale. Parce que nous tenons à notre merci ces vies vulnérables et muettes, nous avons une responsabilité. L'homme perd sa dignité en faisant souffrir ceux qu'il domine. »

Ce qu'Elisabeth de Fontenay professe depuis des années trouve soudain un écho. « Oui, il se passe quelque chose, confirme-t-elle. Dans la société et chez les intellectuels, qui découvrent que Derrida s'intéressait à la question : "L'animal nous regarde. Et penser commence par là", écrivait-il dans L'animal que donc je suis (Galilée), livre posthume. Le tournant coïncide avec le succès de Faut-il manger des animaux ? (Points), de Jonathan Foer, et sa position conciliante : mangez de la viande si vous aimez, mais souciez-vous de ce qu'a vécu la bête. » La montée de cette sensibilité résulte d'un paradoxe : la science découvre que mammifères et oiseaux ont des capacités d'émotion qui les rapprochent de nous à un moment où ce qu'on leur fait subir n'a jamais été aussi terrible au travers de l'élevage industriel. C'est une autre femme, Jocelyne Porcher, ancienne éleveuse devenue directrice de recherche à l'Institut national de la recherche agronomique (Inra), qui a attiré l'attention des intellectuels sur cet univers effrayant auquel elle a consacré une œuvre décisive - Vivre avec les animaux, une utopie pour le XXIe siècle (La Découverte), Une vie de cochon (La Découverte), Etre bête (Actes Sud). Aujourd'hui, en France, 10 millions de ruminants, 25 millions de porcs et environ 1 milliard de volailles connaissent chaque année un sort très éloigné d'une vie de bête, transformés en organismes déconnectés de leur physiologie naturelle, drogués pour pallier leur faiblesse physique et les effets du stress résumant leur existence. Quatre-vingt-dix-neuf pour cent des lapins, 90 % des porcs et 82 % des poulets sont produits hors sol, l'industrie porcine étant la plus artificialisée. « La zootechnie a mené les truies à mettre au monde près de 30 porcelets par an aujourd'hui au lieu de 16, avec insémination, traitements hormonaux, raccourcissement du cycle, la truie étant "fouillée" avant terme : on va chercher les porcelets dans l'utérus avant même qu'elle n'ait eu le temps de mettre bas, car il y a tellement de porcelets que les derniers risquent de mourir étouffés avant de naître, explique Jocelyne Porcher. Dans ces usines à viande, on extrait le minerai de porc comme on extrait le charbon de la mine, avec un taux de pertes de 20 %, les "p'tits-chats" - porcelets chétifs - étant tués à la naissance.» Ce qui fait dire à Elisabeth de Fontenay que «l'animal-machine auquel ne croient plus les cartésiens a été inventé par l'élevage industriel ».

Voilà pourquoi, dans nos sociétés de plus en plus transparentes, la condition des bêtes « de rente » est un secret. Les journalistes peuvent faire une plongée dans un sous-marin nucléaire, pas dans les usines à viande ! Comme le reconnaît un ancien cadre de l'élevage porcin : « Si ces usines avaient des vitres, tout le monde serait végétarien ! » Il n'y a pas de vitres, mais de plus en plus de fuites. Militants et journalistes réussissent à tourner des images clandestines et la littérature s'est emparée de la question avec le beau roman d'Isabelle Sorrente, 180 jours (Lattès), qui a pour cadre une porcherie automatisée (900 truies, 24 000 porcs produits par an, pour six employés) puant l'ammoniac, où la lumière du jour ne pénètre jamais et où il n'est pas rentable d'achever les « crevards ».

Abattages dans l'horreur

La fin du désintérêt pour les animaux de rente, contrastant avec l'attention pour les animaux de compagnie parfois mieux traités que les enfants, ouvre un autre débat - que faire ? - divisant ceux qui luttent contre les traitements qu'on leur inflige. Il commence par une question philosophique - « Qui suis-je pour faire couler leur sang ? » - formulée par Elisabeth de Fontenay lors d'un récent colloque de l'Inra et de l'université de Strasbourg, qui s'interrogeait : « Tuer les animaux est-il un crime ? »

« Le vécu moral de ceux qui travaillent avec les animaux nous apprend plus que les théories des philosophes, répond Sébastien Mouret, sociologue au centre de recherche Ethique et société de Paris-Descartes et auteur d'Elever et tuer des animaux (PUF). L'acte de tuer, pour eux, n'est pas rien, ils l'éprouvent et continuent de l'éprouver malgré la répétition. Ils pensent que ce n'est pas un crime, mais que l'on ne peut pas faire n'importe quoi avec les bêtes. » Ce que confirme Lise Gaignard, psychanalyste au laboratoire de psychologie du travail, qui se souvient de l' « effort pour ne pas penser le travail parce que, si on le pensait, on ne pourrait pas le faire » du personnel en « grande souffrance » qu'elle recevait après les exterminations de troupeaux lors de la crise de la vache folle et l'élimination de près de 3 millions de veaux mâles de moins de dix jours après la chute du prix du bœuf à laquelle incitait la prime « Hérode » (référence au massacre des Innocents : les technocrates du ministère de l'Agriculture osent tout).

Les débats du colloque de Strasbourg ont conclu que, s'il n'est pas un crime de tuer les bêtes, c'en est un de transformer leur vie en calvaire et d'y mettre fin dans l'horreur. Le black-out sur les abattoirs commence à être levé. Il y a eu Ces bêtes qu'on abat (L'Harmattan), le beau livre de Jean-Luc Daub, ancien inspecteur des abattoirs qui ne mange plus de viande, marqué à vie à force d'avoir croisé « le regard des bêtes paniquées » qui « cherchaient » le sien, avançant à coups de barre à mine, de décharges électriques dans les organes sexuels ou tirées par câble quand elles ne peuvent plus marcher. Et le documentaire Entrée du personnel a donné la parole à ces employés qui « tiennent » en s'alcoolisant, ou en se détachant de ce qu'ils font grâce au fractionnement du travail sur la chaîne. Ceux qui le peuvent fuient, souvent remplacés par du personnel étranger, certains n'hésitent plus à se rebeller, comme ce porcher devenu sourd, qui a fait condamner son employeur qui l'a exposé sans protection aux hurlements infernaux des cochons paniqués. Le président du tribunal de Lons-le-Saunier (Jura) a estimé qu'il travaillait dans des « conditions incompatibles avec la dignité humaine ».

 

JEAN MICHEL NOSSANT/SIPA
JEAN MICHEL NOSSANT/SIPA
Ces révélations nourrissent une position bien exprimée par Aymeric Caron, auteur de No Steak (Fayard), qui a popularisé le végétarisme : « L'enfer que nous infligeons aux animaux ne cessera que lorsque leur commerce sera interdit. » C'est la position des vegans, ne consommant rien des animaux, même le lait (produit de « l'esclavage des ruminants ») et le miel (« volé aux abeilles »), et refusant de se servir du cuir ou de la laine. Mais végétariens, végétaliens et vegans (dont les deux tiers ont renoncé à la viande pour ne pas faire souffrir les animaux) ne représentent pas plus de 3 % des consommateurs. La prise de conscience d'une partie des mangeurs de viande paraît plus significative du changement de regard sur les bêtes de boucherie : ils n'entendent pas y renoncer, mais ils ne veulent pas manger de viande provenant de bêtes qui ont souffert durant leur vie ou lors de leur mort. Un sondage de l'Ifop montre que les conditions d'élevage constituent « un critère de choix important » pour 73 % des consommateurs et « déterminants » pour 15 % d'entre eux. La profession s'en inquiète : en 2012, le Congrès mondial de la viande, réuni à Paris, a pronostiqué un déclin du marché s'il restait associé aux mauvais traitements. Et certains, comme l'a exprimé notre ami Jacques Julliard, ne mangent plus de veau et d'agneau, la bête de boucherie ayant le droit de devenir adulte.

Contre la position des ultras remettant en cause la légitimité de l'élevage, une autre position rassemble donc intellectuels, consommateurs et producteurs : la défense d'un « élevage éthique » assurant « une bonne vie et une bonne mort » à l'animal. « Comme le disait ma grand-mère aux Parisiens de passage : "Si tu n'es pas capable de tuer un lapin, tu n'as pas le droit d'en manger !" raconte Lise Gaignard. Il faut en finir avec le mangeur de viande qui ne supporte pas de savoir ce qui est fait à la bête : il faut arrêter ou assumer et, dans ce cas, faire au mieux pour elle. » Position partagée par des professionnels comme Thierry Schweitzer, paysan-charcutier employant 45 salariés en Alsace, qui vit comme un « malheur » ce qu'est devenu l'élevage : « Soit on arrête de manger de la viande, soit on élève les bêtes autrement ; il y a un marché pour la qualité. »

Un programme ambitieux, remettant en cause une économie fondée sur le bas prix - « l'impasse morale et économique des systèmes industriels », comme dit Jocelyne Porcher - avec pour alternative le sauvetage d'un « élevage encore pratiqué en France permettant à la fois le respect de l'animal et la dignité de l'éleveur : ce n'est pas parce que la finance a perverti l'élevage en production industrielle de matières animales qu'il faut y renoncer, poursuit-elle, s'inquiétant de voir les vegans défendre la viande synthétique. Il est étonnant de remarquer à quel point certains défenseurs des animaux et les industriels sont des alliés objectifs contre l'élevage éthique ! »

 

BOUYE BERNARD/SIPA
BOUYE BERNARD/SIPA
Position que rejoint la philosophe Corine Pelluchon : « La domestication respectueuse fait partie de l'humanité, il faut aider ceux qui la défendent. » Comme Isabelle Beaumont, bergère au-dessus de Digne (Alpes-de-Haute-Provence) : « Je suis fière de faire vivre des brebis dans ces montagnes où l'on ne peut rien cultiver. Leur mort est pour moi une épreuve, mais je leur ai offert une vie normale. Parce que je travaille proprement, je n'ai pas honte. » Seul problème pour ces éleveurs soucieux de leurs bêtes. « L'enfer des abattoirs industriels efface en quelques heures une vie de bons et loyaux services réciproques », explique Michel Boutonnet, vétérinaire dans la Drôme pendant quarante ans. Certains s'y refusent, jusqu'à l'illégalité, comme X, éleveur de bovins et de porcs bio en plein air en Dordogne. « Après avoir assuré un an de bonne vie à mes porcs, je ne peux plus les emmener à l'abattoir : le transport, l'attente, la panique. J'ai installé un petit abattoir à la ferme et je fais venir un tueur professionnel : je suis sûr qu'il n'y a pas de souffrance. Cela me coûte un peu plus cher, mais je vends en circuit direct à des amateurs de bonne viande pour qui cela compte ; ils sont prêts à me soutenir en cas de procès. »

« Il faut miser sur le consommateur, en faire un acteur, manger doit devenir un acte éthique et politique », estime Corine Pelluchon. Un « consomme-acteur » qui doit « manger moins de viande, meilleure et différemment », comme les clients d'Armand Touzanne, directeur du Consortium Porc noir de Bigorre qui a sauvé « ce cochon très goûteux mais abandonné par l'industrie parce qu'il a besoin de liberté et qu'il fait plus de gras que de viande : il faut savoir le cuisiner ». Un consommateur qui doit pouvoir choisir en achetant. Cela remet en lumière l'action pionnière de l'Œuvre d'assistance aux bêtes d'abattoirs (Oaba), aujourd'hui oubliée avec ingratitude. Fondée il y a plus de cinquante ans par Jacqueline Gilardoni (une femme, encore...) « pour que toutes ces bêtes qui nous nourrissent aient une vie et une mort sans souffrance », l'Oaba a travaillé dans l'ombre pour faire progresser la condition des animaux de boucherie (mettant fin en 1997 au sort des dizaines de millions de poussins mâles inutiles que les éleveurs de poules pondeuses laissaient mourir d'étouffement dans des bennes) et imposer des informations utiles au consommateur. Celui-ci en fait bon usage quand elles sont précises, telles celles sur les boîtes d'œufs, réclamées par l'Oaba : en quelques années les clients ont privilégié les œufs de poules élevées en plein air, au détriment des œufs de batterie. Le groupe Glon (œufs Matines) vient de renoncer à un projet de batteries de 470 000 pondeuses et L214, à force de manifs, vient d'obtenir de Monoprix de ne plus vendre d'œufs de poules de batterie. « On va s'attaquer maintenant à Super U ! » se réjouit Johanne Mielcarek.

Mais tant l'Oaba que L214, qui mesuraient les progrès accomplis, notamment grâce à l'Europe, témoignent d'une régression inquiétante : leurs efforts sont contrecarrés par les accommodements accordés aux religions : par dérogation avec la loi commune, l'abattage rituel (kasher et halal) - échappant à l'obligation d'étourdir les bêtes pour qu'elles ne souffrent pas durant leur égorgement - est de plus en plus pratiqué. Alors que la Mosquée de Paris acceptait l'étourdissement, comme beaucoup de musulmans en Europe, la création du Conseil français du culte musulman (CFCM) sous obédience des Frères musulmans a eu un effet réactionnaire auquel personne n'a osé s'opposer, à part quelques téméraires comme l'Oaba, L214, le Point et Charlie Hebdo, seul hebdomadaire à consacrer chaque semaine depuis vingt ans une chronique à la souffrance animale. Son directeur, Charb, qui estime que « les élus devraient militer pour l'interdiction de l'abattage pour le bien-être des animaux, mais aussi parce que la loi doit être la même pour tous », rejoint Franz-Olivier Giesbert, du Point, qui y voit « le symbole de tous les mensonges et de toutes les lâchetés de la classe politique française ».

Abattage rituel et loi du profit

Mais l'intimidation face aux intégristes va bien au-delà : ils ont réussi à priver le consommateur du droit de choisir sa viande en refusant toute traçabilité pour celle issue de l'abattage rituel. On se dit que tout devrait être simple et que chacun devrait trouver viande (halal, bio ou kasher) à son assiette ? Non, parce que l'on abat selon le rituel kasher et halal beaucoup plus de viande que n'en demandent les consommateurs observant les rites juif et musulman. Et que le surplus est recyclé dans le circuit général sans que le consommateur lambda le sache. Une curieuse alliance des prétentions intégristes et de la loi du profit dans la filière viande explique ce scandale. Pour des raisons religieuses, toute la viande abattue n'est pas consommée par ses destinataires : les musulmans délaissent les morceaux à rôtir, et pour les juifs la partie arrière de la bête est proscrite. Plus d'une carcasse sur deux abattues rituellement est jugée non kasher en raison d'imperfections anatomiques. A cela s'ajoute le fait que des patrons d'abattoir ont sauté sur l'occasion de faire de la dérogation (pas d'étourdissement) la règle : généraliser l'abattage halal coûte moins cher que de faire deux chaînes distinctes et réduit les frais de personnel... «Je ne mange plus que du porc, seule façon d'être sûr à 100 % que la bête a été étourdie !» résume Jean-Pierre Kieffer, vétérinaire et président de l'Oaba.

Selon l'Académie vétérinaire de France, 32 % des viandes commercialisées en 2008 provenaient de l'abattage rituel quand la demande religieuse ne dépasse pas 7 %. Selon l'enquête non contestée de Michel Turin, Halal à tous les étals (Calmann-Lévy), sur trois bêtes abattues de manière rituelle, deux seront consommées par le consommateur non religieux sans qu'il en soit informé. Dissimulation paradoxalement due à la sensibilité croissante de l'opinion à la souffrance animale : un étiquetage précis de ces viandes rituelles recyclées ferait fuir le consommateur qui les consomme aujourd'hui sans le savoir. Ce que confirmait fin 2013 un sondage Ipsos : 85 % des consommateurs sont pour l'étourdissement et 71 % veulent en trouver l'information sur la viande ou les produits en contenant. Déjà certaines marques se positionnent, comme Carrefour qui prétend «être le seul distributeur à garantir que les animaux sont étourdis».

Défi démocratique majeur

Les religieux refusent l'étiquetage en invoquant le risque de « stigmatisation » antisémite ou islamophobe, mais certains sont plus francs, comme le rabbin Mendel Samama, à Strasbourg, sur son blog : « Quel serait le prix de 1 kg de viande kasher d'une bête dont on n'aura pas vendu à des non-juifs les parties impropres religieusement ? Le double, certainement ! Combien de consommateurs seraient prêts à acheter de la viande tuée selon la méthode kasher ? Pas beaucoup ! Mécaniquement, les prix du kasher risqueraient de s'envoler ! » L'hypocrisie sur les enjeux financiers de l'étiquetage met Charb hors de lui : « L'étiquetage va faire exploser le prix de la bidoche halal et kasher. Ça veut dire que jusqu'à présent le bouffeur de bidoche non juif et non musulman subventionne la production de viande halal et kasher ! » Le directeur de Charlie Hebdo estime qu'« il y a un moyen d'aborder ces thèmes sans passer pour des nazis ».

Ce n'est pas sûr, vu les ennuis d'une autre femme, la sénatrice UDI Sylvie Goy-Chavent, la dernière à avoir proposé l'étiquetage comme rapporteuse du Sénat sur la filière viande. Son rapport, qui consacre un chapitre au « bien-être animal », montre que la dérogation religieuse n'a pas seulement des conséquences sur la souffrance animale - les bovins pouvant agoniser dans d'intenses convulsions près d'un quart d'heure avant de perdre conscience -, mais aussi sur la sécurité sanitaire, les experts vétérinaires n'excluant pas les risques de contamination par la bactérie Escherichia coli lors des égorgements rituels. Adopté à l'unanimité des sénateurs, ce rapport Goy-Chavent, estimant que « le statu quo ne paraît aujourd'hui plus tenable », préconise un étiquetage obligatoire pour « garantir à ceux qui ne veulent pas consommer des viandes issues d'animaux abattus sans étourdissement de ne pas être trompés sur la marchandise ».

Avant même la sortie de son rapport, Sylvie Goy-Chavent était insultée et menacée d'égorgement sur des sites communautaires. L'enquête menée a révélé qu'ils étaient hébergés en Israël. « Les religions doivent être remises à leur place, leur petite place, l'idée de sacrifice, de la volonté de Dieu ou des superstitions ne doivent pas primer sur ce que nous décidons. C'est plus grave que le foulard, l'exception ne doit pas devenir la règle, il y a là un défi démocratique majeur », estime Corine Pelluchon, rejoignant ainsi Elisabeth de Fontenay : « Il ne faut plus reculer, le combat prioritaire est bien l'étiquetage. La moindre des libertés est de pouvoir décider soi-même et, pour que les choses changent, le consommateur doit savoir qu'il mange un animal qui aura souffert longtemps avant de mourir. »

 

Source : www.marianne.net

 



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11 mai 2014 7 11 /05 /mai /2014 17:34

 

Source : www.mediapart.fr

 

Egypte: l'armée systématise les violences sexuelles pour réprimer la jeunesse

|  Par Claire Talon

 

 


Insultes, viols, tortures... L'armée et les forces de sécurité égyptiennes ont recours à une violence décuplée à quelques jours de l'élection présidentielle. Premières victimes : les jeunes, arrêtés en masse et au hasard, et tous ceux qui peuvent sembler proches de l'opposition. Des témoignages donnent l'ampleur du phénomène.

Le Caire, correspondance. « Dis : je suis une femme », « Dis : je suis une pute », « Dis : je suis un pédé », « Dis que ta mère est une pute », « Dis que ton père est une pute » : voilà en substance le grand oral auquel la police et l’armée égyptiennes soumettent la jeunesse à l’heure des examens de fin d’année.

Ce programme d’humiliation a été mitonné par le ministère de l’intérieur. Il vient appuyer des travaux pratiques destinés à « casser » une jeunesse frondeuse, soupçonnée de manquer d’empathie pour le régime en place. Viols, doigts dans l’anus, électrocution des parties génitales, attouchements, « tests de virginité », tests de grossesse, séances de déshabillages collectifs, menaces de viol sur les proches et la famille : par-delà les opposants au régime désigné par le général al-Sissi, les activistes ou les journalistes, ils sont des milliers de jeunes à être livrés en pâture à ce qui apparaît de plus en plus comme une gigantesque entreprise d’humiliation sexuelle collective.

Pris à partie au hasard, aux abords des manifestations, par la police ou par des hommes de main en civil, de plus en plus de jeunes, d’adolescents, voire d’enfants, sont précipités sans ménagement dans un labyrinthe de commissariats, de camps militaires, de prisons et de centres de détention secrets transformés en salles de torture. Une réalité d’autant plus répandue que, selon Reda Marhi, juriste à l’Initiative égyptienne pour les droits des personnes (EIPR), « tous les commissariats de l’Égypte se sont aujourd’hui transformés en prisons, sans compter les lieux de détention secrets. Cela fait plus d’un millier de prisons à l’échelle du pays : beaucoup plus que les 42 reconnues par les autorités ».

Une vidéo, qui circule sur les réseaux sociaux, dit montrer l’arrestation par l’armée de « manifestants contre le coup militaire », dans le quartier de Hanoville à Agami, à l’ouest d’Alexandrie :

 

 

Abasourdis, relâchés après des semaines, parfois des mois, de va-et-vient entre les mains des militaires, des policiers, et de juges iniques ou débordés, ils témoignent maladroitement, à grand renfort de périphrases, les mâchoires serrées, des manies scabreuses et sadiques des services de sécurité… Au fil des témoignages, un même scénario se répète, qui indique que la violence sexuelle est pratiquée à tous les échelons de la machine policière et judiciaire : des commissariats aux antichambres des salles d’audience, elles aussi transformées en salles de torture.

Ce chemin de croix commence dans les sous-sols des commissariats de quartier, aux alentours desquels, selon les témoignages de plusieurs parents, des vendeurs ambulants, soudoyés par les policiers, sont sommés de faire du chiffre en ramenant régulièrement de la chair fraîche aux gardiens de l’ordre.

À l’ombre des immeubles cossus de Garden City, le commissariat Qasr Al Nil, à deux pas de la place Tahrir, au Caire, est, comme ceux de Mosky et de Azbakya, le théâtre d’une véritable débauche. Hany Raif, étudiant en première année d’architecture, en a fait l’expérience, le 19 novembre dernier. Blessé dans l’attaque d’une manifestation antimilitaire, il se rend à l’hôpital pour soigner sa main atteinte par une balle réelle. Dénoncé par le personnel médical, il est arrêté par la police accourue sur place, qui l’emmène à Qasr Al Nil.

« Ils m’ont jeté dans une cellule au sous-sol. Dedans, il y avait deux hommes en érection qui se dandinaient en slip, et qui se sont jetés sur moi, dit Hany, baissant les yeux, peu enclin à s’appesantir sur les détails. J’ai hurlé tellement fort qu’ils ont fini par venir me sortir de là. » Près d’une semaine plus tard, quand il recouvre la liberté, il apprend qu’au même moment, son amie Rawda, 16 ans, partageait quant à elle sa cellule avec un groupe de prostituées hilares qui l’ont humiliée pendant des heures.

« Deux jours après mon arrestation, le 21 novembre, deux écoliers de quatorze ans sont arrivés d’une école toute proche, la Ibrahimya school, ajoute Hany. Ils avaient été dénoncés par leur professeur qui avait vu des tracts "Ni Morsi ni Sissi" dans leur cartable. Ils les ont déshabillés et les ont battus à même le sol pendant une heure. Ils baignaient dans le sang. Quand leurs parents sont arrivés pour les chercher, leurs mères se sont évanouies. »

Une fois débarqués au commissariat, les détenus sont systématiquement déshabillés, aspergés d’eau froide, frappés, torturés, harcelés sexuellement, photographiés et filmés avec des armes disposées devant eux. Pour les filles, un traitement spécial est prévu : les plus chanceuses se voient imposer des « tests de grossesse », les plus récalcitrantes des « tests de virginité », pratiqués avec des spéculums ou à main nue, menottées sous l’œil des policiers. « Examen vaginal » censé protéger les militaires de toute accusation de viol ultérieure, et protéger les victimes des tentatives d’agression, cette pratique constitue un trauma indescriptible pour des jeunes femmes, souvent très jeunes et qui, pour beaucoup, ne sont jamais allées chez le gynécologue.

« Ils ont mis leurs mains partout »

Arrivés au seuil de la prison, après des heures de tabassage dans les fourgons de la Sécurité centrale (Al Amn Al Markazi), le cauchemar continue. Dénudés, affublés de prénoms féminins, garçons et filles font à nouveau l’épreuve de la veulerie scabreuse de fonctionnaires de police qui rivalisent de perversité.

« Les soldats m’ont tirée par les cheveux jusque dans leur camion et là, le harcèlement a commencé, raconte Ayat Hamada, étudiante à Al Azhar, arrêtée le 28 décembre sur le campus de son université au cours d’une manifestation « contre le coup » d'État qui a renversé Morsi. Ils ont mis leurs mains partout. Le militaire qui avait glissé des cartouches dans mon sac s’est approché de moi, il m’a dit : “Je vais faire en sorte que tu ne sois plus une fille et je vais te faire toutes les choses que tu n’as pas envie que je te fasse.” Et là, ils nous ont harcelées sexuellement, verbalement et physiquement, moi et les 14 autres filles, en nous frappant tout le long du chemin. »

« Quand on est arrivé au camp de la Sécurité centrale, ils ont aligné toutes les filles contre un mur et ont placé les garçons devant nous. Ils les ont déshabillés sous nos yeux, en ne leur laissant que leurs sous-vêtements. Toute fille qui essayait d’avoir la moindre réaction, ils l’insultaient, elle et sa mère, d’une manière que personne ne pouvait supporter, en la menaçant d’un test de virginité, d’un viol, etc. Ils se sont mis à frapper les garçons avec des ceintures et des bâtons. Ils leur ont demandé de chanter “Bénies soient tes mains, armée de mon pays”. Et puis ils leur ont dit : “Allez ! Dites que vous êtes des femmes, vous êtes des femmes ou des hommes ?” Et ils les ont insultés jusqu‘à ce que l’un d’entre eux dise : “Ok, on est des femmes.” Ils leur ont aussi demandé de dire “nous sommes des chiens et des esclaves et vous êtes nos maîtres”.

« Ensuite, on nous a jetés dans une cellule dans laquelle ils ont ouvert l’eau. Une fois à la prison de Qanater, on a été déshabillées par des gardiennes à notre tour, soumises à un test de grossesse et menacées de tests de virginité. Et ainsi de suite », achève la jeune fille qui a, en tout, passé 54 jours en prison.

 

Manifestation contre les violences sexuelles à l'encontre des femmes, au Caire, le 12 février.Manifestation contre les violences sexuelles à l'encontre des femmes, au Caire, le 12 février. © (dr)

Une fois arrivé au tribunal, ce n’est pas fini : lorsque l’on n’est pas bastonné par le procureur lui-même ou son substitut, on est soumis à des fouilles au corps qui se transforment en harcèlement sexuel. Mercredi 9 avril 2014, en arrivant à une audience qui se tient au sein même de la prison de Tora, Hind Nafie est fouillée au département de sécurité :

« L’officier de police responsable de la sécurité a demandé à une gardienne de me fouiller au corps dans une pièce fermée ; elle s’est jetée sur moi et a attrapé toutes les parties sensibles de mon corps d’une manière déshonorante : une fois, deux fois, trois fois. Je me suis débattue, j’ai crié : “Tu me fouilles ou tu me harcèles ??!” Et elle m’a répondu : “Laisse-moi faire, c’est les ordres.” Cela a duré dix minutes ; dix minutes de cris et de combat. Quand il a fallu entrer dans le couloir vers la salle du tribunal, le même officier a dit : “Fouillez-la à nouveau”, et ça a recommencé. J’ai refusé de rentrer dans la pièce. Il a dit : “Si tu veux aller à l’audience, tu repasses à la fouille”, et comme je refusais, il a dit à la gardienne : “Dans ce cas, fais-lui ça ici, attrape-la par toutes les parties de son corps ici, devant tout le monde.”  L’un de mes collègues, Ahmed Hassan, est intervenu et il a dit à l’officier : “Tu aimerais qu’on fasse ça à ta fille ?” Il s’est immédiatement fait frapper par un autre policier. Ça a provoqué une bataille entre les policiers et les autres prisonniers. »

« En Égypte, la violence sexuelle est ce qu’il y a de pire pour les gens, explique Farah Shash, chercheur au centre Nadeem, l’une des plus importantes ONG de lutte contre la torture. Cela casse l’honneur de toute la famille. Les gens sont très pauvres, ils n’ont rien, pas d’argent : ils n’ont que leur honneur. On peut faire avouer n’importe quoi à quelqu’un dont on menace de violer la femme, la sœur, ou que l’on humilie sexuellement. C’est cela leur but : te casser au point où tu ne puisses pas te relever, c’est un traumatisme inimaginable. Nous savons que des filles ont affirmé avoir été violées (notamment celles arrêtées dans les rafles d’Al-Azhar et d’Alexandrie), mais on n’a pu obtenir aucune preuve : les familles refusent de parler. »

Surmontant la honte qui submerge les victimes, deux jeunes gens de 15 et 19 ans ont témoigné des viols dont ils avaient été victimes. Dans une conférence publique organisée par des ONG égyptiennes des droits de l’Homme, Fadi Samir, 15 ans, un Copte arrêté le 8 janvier, a décrit son arrivée dans les locaux de la Sécurité centrale en ces termes : « Ils nous ont fait entrer tous ensemble, ils nous ont agressé sexuellement, en nous faisant tomber par terre et en nous touchant à… des endroits que je ne peux pas nommer ici », a déclaré le jeune homme, à visage découvert, au cours d’une conférence de presse, avant d’avouer plus tard au Guardian qu’on lui avait introduit un doigt dans l’anus à deux reprises et fait subir des attouchements aux toilettes. « L’officier n’aimait pas mes réponses : il a demandé à un officier plus jeune de me mettre son majeur dans l’anus. Ce qu’il a fait à deux reprises. » Après 42 jours de détention et de torture, Fadi, accusé à tort d’appartenir aux Frères musulmans, est relâché.

Un autre étudiant, Omar Shouykh, affirme dans une lettre révélée par le Guardian, qu’il a réussi à faire passer hors de prison, avoir été violé le 24 mars, de la même manière et à deux reprises par des officiers en civil, dans un commissariat de l’est du Caire.

« C’est une répression sexuelle qui touche tout le monde : islamistes et laïcs, hommes et femmes, et même enfants et adolescents, affirme Ahmed Mefreh de l’ONG suisse Karama. Mais il est très difficile que les victimes acceptent de témoigner nommément, les familles refusent de donner les noms. Nous avons trois cas de viols de femmes documentés et des indications de dizaines d’autres, deux viols d'hommes reconnus nommément, mais on a des dizaines de cas d’agressions sexuelles par semaine, de viols d'hommes et femmes pendant les interrogatoires dans les prisons secrètes dans le désert, parfois avec des bâtons en bois. »

« La tête collée dans les ordures sous les insultes »

Ahmed Mefreh cite le cas d’une détenue, arrêtée dans une manifestation hostile à l’armée, à Abbasseya au Caire, violée pendant son interrogatoire alors qu'elle avait les yeux bandés : « Elle affirme que 30 femmes détenues avec elle ont été soumises au même traitement. »

D’autres détenus décrivent différentes formes de torture, notamment l’électrocution au moyen d’une barre de fer sur laquelle on fait asseoir une brochette de prisonniers nus que l'on asperge d’eau. Mais tous dénoncent surtout une entreprise beaucoup plus large d’humiliation, fondée sur l’insulte obscène et qui consiste à faire ramasser les ordures aux détenus, à les faire dormir nus, à inonder les cellules avec des eaux d’égout, etc. Pour ces jeunes, dont le seul tort est d’avoir été là au mauvais moment ou d'avoir manifesté, d'avoir filmé, d'exercer leur métier de journaliste, ou seulement d’appartenir à la famille d’un Frère musulman, la pilule passe d’autant plus mal que, malgré l’incohérence des charges qui pèsent contre eux, ils ne sont pour beaucoup relâchés – pour ceux dont on ne perd pas la trace – qu’après des semaines, voire des mois de détention.

« Le sentiment que tu as quand tu es comme ça, allongé par terre, nu, la tête collée au sol dans les ordures sous une pluie d’insultes, tu as juste envie de te mettre le feu à toi-même », décrit Mohammed Ihab, élève au collège, arrêté le13 mars à Alexandrie.

 

Le général Abdel Fattah al-Sissi, nouvel homme fort de l'Égypte. 
Le général Abdel Fattah al-Sissi, nouvel homme fort de l'Égypte. © (Reuters)

Désorientés, leurs proches sont intarissables sur l’absurdité des chefs d’accusation. Ils ont réuni les preuves qui attestent que leur parent n’était pas là où on l’accuse d’avoir mené un acte « terroriste ». « On a le certificat de l’employeur qui prouve qu’il était au bureau à l’heure de la manifestation », hurle la sœur d’un détenu, venue raconter le calvaire de son frère au siège de la fondation Hisham Moubarak (une organisation de défense des droits de l’Homme), mercredi 7 mai. « Ils accusent mon fils d’avoir stocké des tanks et des avions sur notre terrasse, ricane la mère de Abdel Rahmane Sayyed Rizq. Des tanks et des avions sur la terrasse ! Vous imaginez ça ? Il y a vraiment quelque chose qui ne tourne pas rond dans ce pays : comment se peut-il que des jeunes de 16, 17, 18 ans disparaissent tous de la même manière, en rentrant de l’école ou en allant chercher du pain ? » 

Le phénomène jette une lumière complexe sur le fléau du harcèlement sexuel qui plombe la vie des Égyptiens et des Égyptiennes. Il suggère que la violence sexuelle en Égypte participe d’un système général de domination, rendu possible et pratiqué au premier chef par le pouvoir et les services de sécurité et qui atteint aujourd’hui un niveau sans égal.

« Nous sommes aujourd’hui convaincus que les viols collectifs place Tahrir ont été organisés par les forces de sécurité, affirme Farah Shash, du centre Nadeem contre la torture. Les agresseurs agissent selon une méthode identique pour chaque agression, en cercles concentriques : c’est d’ailleurs très visible sur les vidéos. Ils ont une méthode très précise : des dizaines d’hommes se focalisent sur une seule fille, il peut y en avoir dix autour dans la foule mais elles ne sont pas embêtées alors qu’elles sont à côté. La femme agressée n’est jamais volée : son sac à dos et ses affaires sont intacts. L’utilisation de la violence sexuelle est une stratégie qui remonte à la montée de la contestation contre Moubarak, en 2005. »

Abdel Fattah al-Sissi, premier défenseur des « tests de virginité » et dont le programme politique se résume pour l’instant à des protestations de virilité, incarne à lui seul, de ses meetings à ses affiches électorales, cette relation de plus en plus scabreuse tissée par leurs dirigeants avec les Égyptiens.

« Arrêtez, vous allez nous faire des problèmes avec les hommes », a susurré le général, plus sirupeux que jamais, à une foule de femmes en transe, venues l’acclamer aux cris de « Toi le Père, toi le Frère, Sissi, nous t’aimons », lundi 5 mai, dans une conférence retransmise en direct.

Dans sa première interview télévisée, à l’occasion du lancement de sa campagne électorale pour l'élection présidentielle qui se tient les 26 et 27 mai, il a par ailleurs promis de « rétablir la moralité en Égypte ». De là à faire passer ses opposants pour des déviants sexuels et des sous-hommes… Il n’y a qu’un pas, que les militaires, la police et des médias aux ordres sont prêts à franchir en toute bonne conscience. Le lancement de la campagne présidentielle coïncide d’ailleurs avec une série de raids et d’arrestations dans les milieux homosexuels, menés à grand renfort de fuites vidéo.

 

 

Source : www.mediapart.fr

 

 

 

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11 mai 2014 7 11 /05 /mai /2014 17:13

 

Source : www.mediapart.fr

 

Quand les banquiers infiltrent les sommets de l’Etat

|  Par Laurent Mauduit

 

 

 

Nicolas Namias, ancien du groupe BPCE et ex-conseiller de Jean-Marc Ayrault à Matignon pour le financement de l’économie, va être nommé directeur de la stratégie de la banque d’investissement Natixis. Avec d'autres, ce pantouflage en dit long sur la stratégie d'infiltration du monde de la finance.

Nicolas Namias, ex-conseiller de Jean-Marc Ayrault pour le financement de l’économie, à Matignon, va être nommé directeur de la stratégie de la banque d’investissement Natixis, filiale du groupe BPCE. Révélée par Les Échos, l’information est loin d’être anecdotique. Au contraire, elle prend valeur de symbole : alors que François Hollande avait promis de faire de la finance son ennemie mais a finalement pactisé avec elle, ce pantouflage révèle la totale porosité qui existe entre le monde de la banque et les sommets de l’appareil d’État.

La trajectoire de Nicolas Namias, qui est le fils de Robert Namias, figure connue de TF1, et frère de Fabien, qui dirige Europe 1, ne manque, de fait, pas d’intérêt. De juillet 2008 à avril 2012, l’intéressé a en effet déjà dirigé le pilotage et l'analyse de la performance au sein du groupe BPCE. Après avoir passé presque deux ans à Matignon pour conseiller le premier ministre sur les questions ayant trait au financement de l’économie — c’est-à-dire, pour parler clair, ayant trait au rôle des banques —, c’est donc un retour au bercail qu’il effectue aujourd’hui.

Or, ce mouvement d’essuie-glace — un jour dans une banque, le lendemain dans les sommets de l’État, le surlendemain à nouveau dans la même banque — pose naturellement des questions en cascade.

D’abord, cela pose une question majeure de déontologie. Car, en théorie, le code pénal interdit à un haut fonctionnaire ayant exercé l’autorité publique sur une entreprise privée d’aller ensuite y travailler dans les trois années suivantes. Et la Commission de déontologie de la fonction publique est chargée de remettre des avis aux hauts fonctionnaires qui envisagent de passer dans le privé.

Mais depuis que François Pérol, ancien secrétaire général adjoint de l’Élysée, a pris la présidence de BPCE dans des conditions controversées, conduisant à sa mise en examen pour prise illégale d’intérêt (lire ici toutes nos enquêtes), la Commission de déontologie qui a accepté, à l’époque, de jouer un rôle scabreux, a perdu toute autorité et toute légitimité. Et du même coup, une jurisprudence laxiste s’est installée. Ancien secrétaire général de l’Élysée sous Nicolas Sarkozy, Xavier Musca en a ainsi profité en devenant directeur général délégué du Crédit agricole en juin 2012. Et c’est donc de cette même jurisprudence que vient, semble-t-il, de profiter le collaborateur de Jean-Marc Ayrault, car selon la direction de la communication de BPCE, la Commission de déontologie de la fonction publique aurait émis un avis favorable à son pantouflage.

Il faut toutefois observer que le nouveau président de la Commission de déontologie, Jacques Arrighi de Casanova (la liste des membres est ici), serait plus strict que son prédécesseur, selon les témoignages recueillis par Mediapart, et enclin à rendre des avis un peu moins laxistes.

Ce transfert pose un problème politique et éthique encore plus profond. Entre autres dossiers, Nicolas Namias s’est naturellement occupé à Matignon de la réforme annoncée par François Hollande visant à organiser une partition des banques. En application du célèbre engagement de François Hollande pris pendant la campagne présidentielle au Bourget (« Mon ennemi, c’est la finance »), cette partition des banques, pour isoler les activités spéculatives des activités commerciales, devait être l’une des réformes majeures du gouvernement de Jean-Marc Ayrault. Or, on sait ce qu’il en est advenu : la grande réforme a tourné à la pantalonnade, et à peine plus de 0,5 % du bilan des grandes banques a fait l’objet d’un cantonnement.

Il faut donc regarder la question en face : un haut fonctionnaire qui a pantouflé dans une grande banque et qui, passant ensuite dans un cabinet ministériel, peut-il véritablement faire des recommandations énergiques contre cette même banque, sachant qu’il a de bonnes chances d’y retourner travailler ? C’est La Tribune qui soulève cette interrogation, et elle est naturellement fondée : « Comment réformer son futur employeur ? » se demande le site internet.

En vérité, la question ne concerne pas au premier chef les hauts fonctionnaires  — car après tout, si la Commission de déontologie a donné son feu vert, pourquoi Nicolas Namias se priverait-il de retourner à BPCE ? Non, elle concerne surtout la puissance publique et tout particulièrement Matignon et l’Élysée. Il est assez étonnant d’observer que les dirigeants socialistes, après s’être indignés du scandale Pérol sous le quinquennat précédent, n’aient en rien cherché à reconstruire une déontologie de la fonction publique. Et puis encore, il est stupéfiant d’observer qu’ils tolèrent et même organisent eux-mêmes une véritable « infiltration » — c’est le terme judicieux utilisé par La Tribune — des sommets de l’État par les directions des grandes banques françaises.

En quelque sorte, l’affaire Namias révèle un problème majeur, celui du pantouflage à l’envers, du privé vers le public. Car Nicolas Namias, venu de BPCE et conseillant Jean-Marc Ayrault, n’était naturellement pas le seul « pantoufleur » à l’envers. Il y en a d’autres, à commencer par Emmanuel Macron qui, ex-associé gérant de la banque Rothschild, est désormais secrétaire général adjoint de l’Élysée auprès de François Hollande, et retournera vraisemblablement au sein de la banque Rothschild plus tard.

L’affaire Namias est en quelque sorte l’un des symptômes, parmi de très nombreux autres, de la mort lente du socialisme français : il est incapable de générer lui-même des élites intellectuelles qui portent ses valeurs et va les recruter dans le monde de la finance. Là, commencent la tyrannie de la finance et l'effondrement de la gauche.

 

 

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11 mai 2014 7 11 /05 /mai /2014 16:53

 

 

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Optimisation fiscale : un rapport dénonce les « petits arrangements entre amis »

|  Par Dan Israel

 

 

Sous l'égide de l'OCDE et du G20, des débats cruciaux ont cours actuellement pour mettre fin aux pratiques les plus agressives d'optimisation fiscale des multinationales. Un rapport de l'ONG Oxfam dénonce la prédominance des pays riches et des grandes entreprises dans les discussions.

Enfin, la communauté internationale s’est saisie de la question des « Intaxables », ces multinationales passées maîtres dans l’art d’éviter de payer des impôts, en jonglant entre les pays où elles déclarent leurs bénéfices. Mais dans les discussions sur les mesures visant à remédier à ces stratégies, les pays riches et les grandes entreprises ne seraient-ils pas juges et parties ? C’est la question posée par un récent rapport publié par l’ONG Oxfam, qui s’inquiète de la façon dont l’OCDE met sur pied son plan de lutte contre la fraude fiscale des entreprises, que Mediapart présentait ici.

Intitulé « Petits arrangements entre amis », le rapport d’Oxfam salue le travail actuel de l’OCDE, censé aboutir pour la fin 2015, « opportunité unique de réviser les règles fiscales internationales pour les entreprises afin d'assurer des retombées plus équitables pour tous les pays et toutes les entreprises ». Mais il souligne aussi qu’il existe toutefois « un risque considérable de voir les propositions de révisions des règles servir uniquement les intérêts des pays les plus riches et les plus puissants ».

 

 

 Comment faire payer aux entreprises leur juste niveau d’impôt ? À l’heure où Google ne paye pas plus de 3 % d’impôts sur les bénéfices hors des États-Unis, les faits sont désormais bien connus. Les multinationales qui adoptent des stratégies de planification fiscale agressives exploitent les lacunes qui existent entre les règles fiscales de différents pays. Elles transfèrent leurs bénéfices vers des pays accueillants, qui acceptent de ne pas leur réclamer de taxes trop importantes, et se débrouillent pour faire baisser artificiellement leurs profits déclarés dans les autres pays.

Outre les montages fiscaux acrobatiques, toutes ces sociétés poussent au maximum la manipulation des « prix de transfert » entre filiales basées un peu partout dans le monde. En attribuant des prix fantaisistes aux produits et aux services échangés entre leurs diverses entités, elles rendent facilement déficitaires (ou au moins peu imposables) les succursales basées dans des pays à fort taux d’imposition, et engrangent les bénéfices réels dans des pays peu regardants en matière fiscale, c’est-à-dire des paradis fiscaux.

D'après l'OCDE, alors que des multinationales s’arrangent grâce à ces artifices pour payer 5 % d'impôt sur les sociétés, les petites entreprises s’acquittent, elles, d’une taxe aux alentours de 30 %. D’où le travail de l’organisation internationale, club de réflexion des pays riches, soutenu par le G20. Mais « en l'état actuel, ce processus n’engendrera sûrement pas des systèmes fiscaux plus progressifs dans le monde, dans lesquels les multinationales payeraient leur dû où la valeur économique est générée », craint l’ONG.

L’association, qui travaille en étroite relation avec les pays en développement, reproche aux négociations en cours de se limiter à d’aimables discussions entre gens de bonne compagnie, aux intérêts bien compris. D’abord, regrette-t-elle, le processus n’a pas laissé beaucoup de place aux pays pauvres, membres ni de l’OCDE, ni du G20. Seules quelques consultations ponctuelles ont été organisées. « La manière dont les conclusions de ces consultations seront prises en compte n'est pas clairement définie. Ce qui serait un minimum est que ces consultations régionales ne soient pas que des événements ponctuels », pointe Oxfam.

Pourtant, les pays en développement sont les premiers concernés. Le montant de l'impôt dû par les entreprises non perçu est estimé à 104 milliards de dollars par an, assure Oxfam. Selon les sains principes de la concurrence fiscale qui sévit aussi en Europe (lire l’article de Mediapart sur le sujet), les gouvernements concernés ont aussi accordé nombre d’exemptions fiscales aux grandes entreprises s’installant sur leur territoire, pour un coût total de 138 milliards par an.

Le rapport explique que, selon ses propres calculs, le Bangladesh perd chaque année plus de 300 millions de dollars de recettes fiscales. Et « au Pérou, un audit de l'administration fiscale sur seulement 27 cas de prix de transfert en 2013 a révélé des gains non déclarés de 350 millions de dollars, soit une évasion fiscale d'environ 105 millions de dollars ».

Première conséquence de cette absence des principaux concernés aux débats, les questions clés pour eux, qui concernent notamment « le secteur agro-industriel » et « les industries extractives », sont à peine abordées dans le travail de l’OCDE, qui se concentre beaucoup sur les grandes entreprises numériques, qui font la une sur ces questions depuis des mois. En Grande-Bretagne, Amazon s’est encore une fois illustré ces derniers jours, en ne payant que 10 millions de livres sterling (12 millions d’euros environ), pour un chiffre d’affaires de… 4,3 milliards de livres. Et au passage, l’entreprise a aussi empoché 2 millions de subventions publiques.

« Bonne nouvelle », salue KPMG

Autre fait marquant, ceux qui participent activement aux débats sont ceux qui défendent le plus le statu quo, qui sert leurs intérêts. Exemple avec le groupe de travail réfléchissant notamment à la mise en place d’un « reporting pays par pays », qui imposerait aux entreprises de déclarer pour chacune de leurs filiales, partout dans le monde, quelle est leur activité, combien elles font de bénéfices et combien elles payent d’impôts. Pensé comme une mesure de transparence permettant d’évaluer clairement les stratégies fiscales des entreprises, la mesure n’est bien sûr pas très populaire parmi les multinationales.

Or, sur les 135 contributions écrites présentées au groupe de travail sur cette question, « 130 proviennent de pays riches, avec une part considérable (43 %) provenant du Royaume-Uni et des États-Unis », note l’ONG. Et sans surprise, plus de 85 % sont issues du secteur des affaires, qui combat dans son immense majorité la proposition. Résultat, dans une récente présentation publique, l’OCDE a annoncé que plusieurs points importants concernant le reporting seraient abandonnés, notamment la publication des données permettant d’évaluer la cohérence des prix de transfert dans le domaine des services intra-groupes.

En d’autres termes, on ne pourra toujours pas savoir si les « frais marketing », facturés par une filiale basée dans un paradis fiscal à toutes les autres filiales d’une entreprise, servent à autre chose qu’à dégonfler artificiellement les impôts payés par ces dernières. Une annonce que la société de consulting KPMG, reine dans la création des stratégies d’optimisation fiscale, a salué comme étant une « bonne nouvelle ».

Au vu des acteurs engagés dans le processus, il n’est pas non plus surprenant que les idées les plus radicales ne soient même pas examinées. Par exemple, l’idée promue dans une étude publiée en décembre par le Tax justice network (TJN), un réseau d’ONG qui lutte activement contre les paradis fiscaux. Le TJN milite pour que les multinationales soient soumises à la « taxation unitaire » : au lieu d’utiliser les opaques prix de transfert, elles devraient considérer l’ensemble de leurs filiales comme une seule et même entreprise, évaluer leurs bénéfices totaux, où qu’ils soient localisés, puis les diviser proportionnellement en fonction des pays où l’activité de l’entreprise est réellement effectuée. Chaque État serait ensuite libre de taxer à la hauteur qu’il le souhaite la portion de bénéfices qui lui a été « attribuée ». Une solution qui ne sera même pas discutée par l’OCDE.

Le degré de consanguinité entre gens de bonne compagnie est, il est vrai, impressionnant. Ainsi, un groupe de sociétés numériques américaines a missionné le cabinet d'avocats d'affaires américain Baker & McKenzie pour les représenter dans les débats en cours. Et notamment une nouvelle employée, qui travaillait jusqu'en 2011 pour l'OCDE, où elle gérait les questions de politique fiscale concernant les géants du Net… En sens inverse, « l'OCDE a récemment annoncé que le nouveau responsable de son service 
“Prix de transfert” était jusqu'à il y a peu l'un des partenaires de KPMG à Londres », souligne Oxfam. Une proximité dérangeante. « Le personnel ne devrait, dans aucun des domaines de l’élaboration de politiques publiques, aller et venir d’une institution politique à une entreprise privée prenant part à des activités de lobby, si cette entreprise voit un intérêt à influencer le processus d’élaboration de la politique », regrette l’ONG.

Dans le même ordre d’idées, un groupe de travail examine en ce moment « les pratiques fiscales dommageables » tolérées par les États qui cherchent à attirer les entreprises par tous les moyens, au mépris de leurs voisins (pour se faire une idée des « arguments » déployés, lire notre reportage au Luxembourg). Un travail salutaire et très probablement instructif. Mais qui sera effectué à huis clos, pour ne pas indisposer les États membres de l’OCDE. Pour Oxfam, les travaux en cours sont une opportunité « trop rare et trop importante pour être gâchée ». Ses critiques ne devraient pourtant pas être entendues par les « amis » aux manettes des débats.

 

 

Source : www.mediapart.fr

 

 

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9 mai 2014 5 09 /05 /mai /2014 21:39

 

Source : www.bastamag.net


 

 

Suisse

Nestlé condamné pour avoir espionné les altermondialistes

par Agnès Rousseaux 28 janvier 2013

 

 

 

Dix ans après les faits, la justice suisse a condamné le 25 janvier la multinationale Nestlé et la société de surveillance Securitas pour espionnage et infiltration du mouvement altermondialiste Attac. Les deux sociétés devront verser 3 000 francs suisses (2 400 euros) pour préjudice moral à chacun des plaignants, notamment les huit auteurs du livre Attac contre l’Empire Nestlé, publié en 2004. Le tribunal civil de Lausanne a ainsi reconnu l’infiltration dans le groupe des auteurs de deux employées de Securitas, sur mandat de Nestlé. Celles-ci ont assisté à des réunions, obtenu des informations confidentielles et des détails sur la vie privée des auteurs, et rédigé des rapports à l’attention de la multinationale.

Une procédure pénale avait été lancée par Attac en 2008, après la révélation de cette affaire par la Télévision suisse romande. Attac a dénoncé les « lacunes béantes » de ce procès, qui a abouti à un non-lieu en 2009. Un livre, Affaire classée. Attac, Securitas, Nestlé, d’Alec Feuz, a pointé les nombreuses zones d’ombre de ce verdict. Le juge d’instruction affirmant notamment l’impossibilité matérielle pour les agents de police judiciaire de procéder à une perquisition des locaux de Nestlé. Ce juge – devenu depuis chef de la police cantonale – avait par ailleurs estimé au début de l’instruction qu’il n’y avait « aucune raison de douter de la bonne foi de Nestlé et de Securitas ».

Attac Suisse s’est déclarée très satisfaite de cette condamnation au civil. Quant à la multinationale Nestlé, elle a rappelé que « l’incitation à l’infiltration est contraire aux principes de conduite des affaires du groupe ». Qui a pourtant été impliqué dans d’autres affaires d’espionnage de groupes militants, en Suisse.

 


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9 mai 2014 5 09 /05 /mai /2014 21:32

 

 

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Plusieurs grands patrons refusent de « modérer » leurs salaires et bonus

par Rodho 7 mai 2014

 

 

 

 

Pierre Gattaz, patron du Medef et dirigeant de Radiall, une entreprise de composants électroniques, a bénéficié d’une augmentation de 29% en 2013 (lire ici). La rémunération du PDG de Sanofi a augmenté de 40% en 4 ans (lire ici). Et celui de Carrefour de 40% en un an (lire ici).

Voir aussi : Ecarts de rémunérations entre salariés et PDG : quelles sont les entreprises françaises les plus inégalitaires ?.

Retrouvez les dessins de Rodho sur son blog

 

 

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9 mai 2014 5 09 /05 /mai /2014 21:21

 

 

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Coût du capital

Le directeur général de Sanofi augmenté de 40% en quatre ans

par Ivan du Roy 7 mai 2014

 

 

40 % d’augmentation en quatre ans : la rémunération accordée par le groupe pharmaceutique à son directeur général Christopher Viehbacher ne connaît pas les affres de l’austérité. Les revenus du DG atteignent 8,6 millions d’euros en 2014, contre 6,1 millions en 2010. 23 700 euros par jour ! Une situation que dénoncent les représentants des salariés. « Les salariés subissent restructuration sur restructuration et un grave recul du pouvoir d’achat pendant que le directeur général et l’ensemble de la direction du groupe perçoivent des revenus exorbitants en constante augmentation », critique la CGT. Le syndicat reproche à la direction de Sanofi d’avoir supprimé 4 000 CDI en cinq ans et d’avoir gelé les augmentations collectives en 2013. En France, Sanofi emploie 28 000 personnes, soit un quart de ses effectifs dans le monde [1].

Le N°3 mondial de la pharmacie a pourtant largement bénéficié du crédit d’impôt : 150 millions d’euros en 2013 selon les chiffres communiqués par la CGT, plus du double qu’en 2008. « L’argent public est dilapidé en pure perte, car l’entreprise n’a aucun engagement à respecter en termes d’emplois, que ce soit pour le crédit d’impôt recherche (CIR) ou compétitivité emploi (CICE) », déplore le syndicat (lire aussi notre article sur le pacte de responsabilité). L’année dernière, Sanofi avait reversé 70 % de son bénéfice à ses actionnaires (3,5 milliards d’euros), dont le groupe L’Oréal. « Les salariés par leur travail créent les richesses, les actionnaires et dirigeants les dilapident », proteste la CGT. Elle dénonce un « coût du capital » destructeur et craint que de nouveaux emplois disparaissent avec de possibles cessions d’actifs (voir la fiche Sanofi sur l’Observatoire des multinationales).

 

 

Notes

[1CDI et CDD, selon le document de référence du groupe sur l’exercice 2012.

 

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9 mai 2014 5 09 /05 /mai /2014 21:11

 

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Corruption, blanchiment d’argent… Ce que personne ne dit sur Alstom
Vendredi 9 Mai 2014 à 05:00

 

Patricia Neves

 

General Electric, Siemens, Toshiba... Les offres de reprise de la branche énergie du groupe français Alstom se multiplient comme des petits pains. Mais Alstom n'est pas qu'une proie. Au Brésil, par exemple, l'entreprise spécialisée dans les transports et l'énergie a joué au prédateur.

 

Les locaux à Levallois d'Alstom - ROMUALD MEIGNEUX/SIPA
Les locaux à Levallois d'Alstom - ROMUALD MEIGNEUX/SIPA
Après General Electric et Siemens, voilà Toshiba. Les offres de reprise de la branche énergie du groupe français Alstom se multiplient. Plus encore depuis que l’Etat a fait monter les enchères, notamment par la voix du ministre de l’Economie, Arnaud Montebourg. Celui-ci expliquait, tout récemment sur RTL, que les entreprises françaises n'étaient pas des « proies ». Mais ce dernier oubliait de dire une chose : les entreprises françaises sont parfois, tout comme les groupes qui les menacent aujourd’hui, des prédateurs.
Alstom en est en effet un bon spécimen, au bec aussi aiguisé que son concurrent General Electric (GE) qui propose désormais de reprendre ses activités énergétiques (énergies renouvelables et solutions de transmission d'électricité) pour un montant supérieur à 10 milliards d’euros. Ou que l’allemand Siemens, « premier employeur privé » outre-Rhin qui, lui, s’engage, sur trois ans, à maintenir les emplois des 20 000 salariés en France.

Entente illicite

Siemens et Alstom se connaissent d'ailleurs très bien. Et les deux entreprises savent même parfois travailler très « étroitement » ensemble. La preuve par le Brésil où les deux rivaux n’ont pas hésité à nouer de précieuses ententes illicites lors d'appels d’offres lancés par la CFTM, gestionnaire du métro de Sao Paulo, entre 1999 et 2009, d'après les soupçons du Conseil administratif de défense économique brésilien.
 
Dans le cadre de cette affaire, la justice brésilienne a bloqué les biens d’Alstom au Brésil (60 millions de reais, soit une vingtaine de millions d’euros), en novembre dernier, suite à l’ouverte d’une enquête judiciaire. Il faudra donc prévenir les éventuels repreneurs de la branche énergie d’Alstom, s’ils n’étaient toutefois pas au courant, que cette dernière se porte d’autant plus mal qu’elle est doublement menacée par les fédéraux brésiliens.

Pots-de-vin et comptes bancaires suisses

Récemment, c’est pour une affaire de corruption et de blanchiment d’argent, qu’onze prévenus — parmi eux d’anciens cadres dirigeants d’Alstom — ont été mis en examen, comme le soulevait Marianne quelques jours avant que n’éclate, cet hiver, le scandale. En cause cette fois, le versement de pots-de-vin, à la fin des années 2000, à de grands hommes politiques autant qu’à des petits fonctionnaires de l’administration publique du secteur de l’énergie de l’Etat de Sao Paulo, soudoyés par le groupe français à hauteur de 23,3 millions de reais, (7,5 millions d'euros).

En jeu pour Alstom : un supplément de contrat d’un montant avoisinant les 181 millions de reais (58 millions d'euros) destiné à la construction de trois stations électriques fournies, entre autres, à l’EPTE, l’entreprise publique de transmission d’énergie de la mégalopole brésilienne. L’argent transitait via des sociétés écrans dont les comptes bancaires, détenus en Suisse, servaient à redistribuer l’argent.

Coutumier du fait, et en vue de la signature de ce volet énergétique supplémentaire, Alstom avait déjà arrosé, dix ans plus tôt, l’ancien secrétaire à l’Energie de l’Etat, Joao Owaldo Leiva, selon le quotidien A Folha de Sao Paulo. Plus tard, c’est le conseiller de la Cour des comptes, Robson Marinho, à la tête de la Casa Civil (l’équivalent du ministère de l’Intérieur), entre 1995 et 1997, qui sera accusé par un cadre du groupe français d’avoir lui aussi profité des largesses d’Alstom. Chargé d’enquêter sur l’affaire, il aurait favorisé Alstom dans un jugement rendu en 2001.

 

 

Source : www.marianne.net

 

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9 mai 2014 5 09 /05 /mai /2014 20:59

 

Source : www.reporterre.net

 

 

L’épandage aérien de pesticides est enfin interdit

Bénédicte Martin (Reporterre)

jeudi 8 mai 2014

 

 

 

C’est une belle victoire de la société civile : le Conseil d’Etat a suspendu le 6 mai les autorisations d’épandage aérien de pesticides en France. La bataille juridique a été menée par des environnementalistes antillais.

 


 

La semaine dernière, des associations antillaises étaient venues à Paris pour présenter devant le Conseil d’Etat, une demande d’abrogation de l’arrêté permettant de déroger à l’interdiction de l’épandage aérien de pesticides en France. Nous avions rencontré Béatrice Ibéné, présidente de l’Association pour la Sauvegarde et la réhabilitation de la faune des Antilles (ASFA) et porte-parole du mouvement de lutte contre les épandages aériens en Guadeloupe.

Le Conseil d’Etat vient de donner sa réponse : son ordonnance interdit cette pratique en France et condamne les ministères concernés à verser mille euros aux associations.

Malgré leur interdiction par le règlement européen de 2009, les épandages aériens continuaient en France, profitant d’un arrêté ministériel autorisant des demandes de dérogations.

Les Antilles, où l’on cultive intensivement les bananes, se battaient depuis plusieurs années pour empêcher les ballets d’avions au-dessus de leurs têtes. Déjà très touchée par la pollution au chlordécone, la population ne supportait plus de voir les îles saupoudrées de produits phytosanitaires toute l’année, au mépris de la santé des habitants et de la biodiversité exceptionnelle des Antilles.

Depuis 2012, les associations...

 

*Suite de l'article sur reporterre

 

 

Source : www.reporterre.net

 

 


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