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15 juin 2014 7 15 /06 /juin /2014 16:33

 

 

Source : www.reporterre.net

 

 

Société

Les acheteurs honteux du lait de la ferme-usine des Mille vaches

Barnabé Binctin (Reporterre)

samedi 14 juin 2014

 

 

 

Le lait que veut produire la ferme-usine des Mille vaches sera-t-il vendu au groupe alimentaire Senoble ? C’est ce qu’affirment des associations, dans une video percutante. Nous avons voulu aller plus loin.


Après sa première vidéo en décembre dernier, le collectif de la Vache en colère a de nouveau fait parler de lui en publiant cette nouvelle vidéo détonnante :

 

 

L’objet du courroux, cette fois, vise un contrat qui lierait Senoble, un groupe important de produits laitiers, à la ferme-usine des Mille vaches. Le lait produit dans cette ferme-usine vivement contestée par la Confédération paysanne et des associations écologistes, pourrait se retrouver dans les produits revendiqués « haut-de-gamme » de Senoble.

L’affaire a été révélée par l’association locale Novissen, qui lutte de longue date contre le projet implanté à Drucat (Somme). Sans trouver de répondant : « Nous avons interpellé les responsables de Senoble au moyen d’une campagne mail, l’idée étant de les obliger à réagir publiquement à cette rumeur. Nous posions une question simple : ‘’Avez-vous un contrat avec la Ferme des Mille Vaches ?’’ mais nous n’avons jamais eu de réponse », dit Michel Kfoury, le président de Novissen.

Pour vérifier ces allégations, Reporterre a commencé par appeler le promoteur de la ferme-usine, Michel Ramery. Nous l’avons joint sur son portable. Réponse : « Senoble ? On a un contrat qui continue, pas de problème. Mais je suis au Sénégal, appelez donc Michel Welter, chef de projet sur les Mille Vaches ».

Nous téléphonons donc à Michel Welter, qui finit par dire : « Je n’ai aucune garantie de vente sur mon lait, pas plus qu’aucun agriculteur en France. Le marché va être complètement bouleversé dans les mois à venir par la fin des quotas laitiers ».

La ferme-usine des Mille vaches prenant du retard – l’inauguration d’abord annoncée au 1er juillet pourrait se faire autour de septembre –, qu’en est-il aujourd’hui ? Car M. Welter est associé d’une coopérative d’élevages laitiers, situé à 26 kilomètres de Drucat, la SCL Lait Pis Carde.

Il explique : « Oui, actuellement, Senoble ramasse mon lait, dans les proportions que représente mon quota de lait, à savoir 2,8 millions de litres par an ».

Mais si actuellement Senoble se fournit chez lui, pourrait-il se fournir à la ferme-usine des Mille Vaches, dont la capacité de production est évaluée à neuf millions de litres par an, lorsqu’elle sera opérationnelle ? « Il pourrait. Mais où est le problème ? Mon lait sera produit dans les mêmes conditions que 95 % de la production laitière française, et on n’utilisera même pas de soja ! », répond M. Welter.

Allo Senoble... euh, Senagral ?

 

 

*Suite de l'article sur reporterre

 

 

Source : www.reporterre.net

 

 


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15 juin 2014 7 15 /06 /juin /2014 16:08

 

 

Source : rue89.nouvelobs.com

 

  15/06/2014 à 11h46

Le Wi-Fi dans la prairie : une aventure collective en zone blanche

Pierre Alonso

 

 

« On se rend compte qu’Internet, ça n’arrive pas comme ça. » En Haute-Garonne, des villages sans haut débit ont choisi le réseau sans fil communautaire. « Du lien se crée » aussi entre les adhérents.


L’entrée de Monès (Haute-Garonne), « zone blanche » sans accès internet classique (Pierre Alonso/Rue89)

(De Monès) A l’entrée de Monès (Haute-Garonne), on en voit déjà la sortie. Entre les deux panneaux, distant l’un de l’autre d’une centaine de mètres : une maison communale et la mairie, une ferme, une chapelle et son cimetière.

Sur le toit de la mairie, une petite parabole et un boîtier blanc s’accrochent à l’antenne râteau de télévision. La première est reliée à un autre village, le Pin-Murelet, à 2 km. Le second renvoie vers sept foyers de la commune. A Monès, une cinquantaine de kilomètres au sud-ouest de Toulouse, Internet est un réseau visible.

Les 250 hectares de la commune sont situés dans des zones blanches (sans haut débit) ou grises (ADSL bas débit), selon les coteaux.


Une antenne sur le toit d’un adhérent Tetaneutral (Pierre Alonso/Rue89)

Depuis deux ans, la mairie propose aux quelque 72 habitants une connexion très haut débit grâce aux services d’un fournisseur d’accès à Internet associatif de la région, Tetaneutral. La mairie elle-même est ainsi connectée. Un service public ? « Un service à la personne », corrige Patrick Nodinot, maire sans étiquette du village depuis 2008.

Artisan « plus artiste qu’entrepreneur », en cours de reconversion dans le social, il a abandonné les solutions proposées par le conseil général en partenariat avec d’autres opérateurs.

« C’était fastidieux, la connexion était assez lente et notre interlocuteur unique, Orange, n’était pas toujours disponible. Il fallait au moins deux jours pour une intervention, sauf que la secrétaire intercommunale vient un jour par semaine, si Internet était “crashé” ce jour-là, il fallait attendre une semaine de plus… »

Il insiste sur l’absence de coûts supplémentaires avec Tetaneutral. Le matériel est fourni par l’association qui facture aux utilisateurs 28 euros par mois, auxquels s’ajoutent 20 euros d’adhésion annuels, pour une connexion illimitée.

Un réseau fait main

A Monès, un habitant avait déjà fait quelques tentatives de désenclavement. Adrien Van Den Bossche a grandi sur la commune. Il est aujourd’hui maître de conférence à l’Institut de recherche en informatique de Toulouse.

Pour connecter un foyer, il avait utilisé les services d’une autre association, antérieure à Tetaneutral, Toulouse sans fil :

« Ce n’était pas un opérateur, mais un groupe spécialisé qui voulait développer des normes, des spécifications, des recettes pour déployer des réseaux sans fil communautaires. »

La recette est reprise par Tetaneutral, assortie de toutes les garanties légales obligatoires pour un opérateur.

Chaque utilisateur obtient dès lors une adresse IP individuelle et nominative. Le réseau, lui, a été fabriqué à la main.

Des utilisateurs patients et bricoleurs

Au Pin-Murelet, un adhérent de Tetaneutral ouvre sa connexion très haut débit. Par une liaison sans fil, il émet vers un relais situé sur la commune de Monès qui renvoie vers la mairie.

Celle-ci devient la porte d’entrée vers Internet pour tous les foyers connectés, toujours grâce aux connexions sans fil. D’où les boîtiers blancs qui se font face de toit en toit. Trois nouveaux foyers sont sur le point de rejoindre les sept adhérents actuels.


Patrick Nodinot, maire de Monès (Pierre Alonso/Rue89)

« Tout le monde participe ! » s’enthousiasme le maire, Patrick Nodinot. « Il y a même un habitant qui fait relais, mais ne se connecte pas via Tetaneutral. »

Adrien Van Den Bossche, le premier initié, s’occupe de l’administration du réseau, intervient lorsque des habitants lui signalent par SMS des problèmes de connexion.

« J’ai été surpris par les réactions, les gens sont tout à fait humains dans leur appréhension de la technologie. En cas de coupures, ils savent se montrer patients. »

Voire bricoleurs : pour maintenir l’Internet du village, il faut parfois improviser. Patrick Nodinot raconte ainsi qu’un soir de fête, le disjoncteur de la mairie a sauté, coupant le relais sur le toit et l’accès à Internet des habitants. Impossible de le réparer immédiatement. Décision est donc prise de brancher le relais sur l’éclairage public, pas affecté par la coupure d’électricité. Internet repart.

Monès est l’un des quatre déploiements radio de Tetaneutral. Hormis Toulouse et Saint-Gaudens, un autre village s’y intéresse de près depuis quelques mois.

« Internet, ça n’arrive pas comme ça »

Mauvaisin, 40 km au sud de Toulouse, 220 âmes. Un petit village divisé en deux bourgs et de nombreuses exploitations agricoles. Sur « la forge », une dépendance de la maison de maître qui domine le village, une antenne se connecte à l’accès internet très haut débit d’un habitant de Nailloux, à 7 km, plein Est.

La grande propriété appartient à Renaud de Mauvaisin, qui a ouvert des chambres d’hôtes, un restaurant et un espace d’exposition. En bras de chemise, casquette-béret sur la tête, il raconte comment il est passé chez Tetanautral il y a deux mois, après des expériences peu fructueuses avec d’autres fournisseurs d’accès recommandés par le conseil général. Plus rapide, moins cher, et un réseau à créer par les habitants :

« On se rend compte qu’Internet, ça n’arrive pas comme ça. »

Il a fallu configurer les routeurs, monter sur les toits pour installer les antennes. Renaud de Mauvaisin n’est pas informaticien, il n’y connaît rien, dit-il, mais d’autres l’ont aidé. Comme Olivier Brun, chercheur sur les réseaux dans un laboratoire du CNRS à Toulouse, également habitant du village. Lui aussi invoque tant des raisons pratiques qu’un choix politique :

« Tetaneutral permet de diminuer le nombre d’intermédiaires, d’éviter les opérateurs classiques ».

« Du lien se crée dans le village entre les adhérents », poursuit Renaud de Mauvaisin, par ailleurs conseiller municipal. « Des personnes qui ne se connaîtraient pas autrement se rencontrent. »

Une antenne sur le toit de l’église

Une sorte de prolongement technique du festival qu’il organise tous les ans au château. L’année dernière, en octobre, la formule avait justement été renouvelée : un Open Bidouille Camp où l’on vient apprendre à concevoir sa lessive ou à passer sous Linux… C’est là qu’ils ont découvert Tetaneutral.

Le président de l’association, Laurent Guerby, compare ses services avec ceux d’une Amap (Association pour le maintien d’une agriculture paysanne). Local, sans intermédiaire…

Huit foyers sont aujourd’hui connectés à Mauvasin. Pour étendre encore le réseau, les adhérents imaginent de placer une antenne unique pour l’ensemble des habitants sur le toit de l’église, point culminant du village.

Elle permettrait de contourner la principale difficulté de ces réseaux sans fil : la végétation. Au printemps, elle pousse. A Mauvaisin comme à Monès, elle risque de bloquer les connexions de ces réseaux des communes.

 

 

 

 

Source : rue89.nouvelobs.com

 

 

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13 juin 2014 5 13 /06 /juin /2014 23:13

 

Source : www.reporterre.net

 

 

En forêt d’Amazonie, l’équivalent de deux mille terrains de football disparaît chaque jour

Marie Astier (Reporterre)

vendredi 13 juin 2014

 

 

 

Après un répit pendant la présidence de Lula, la pression a recommencé à s’exercer sur la forêt amazonienne : elle recule à nouveau fortement. C’est l’information qu’est venue rappeler aux Européens le cacique Raoni et son successeur Megaron.


Si les terres de son peuple Kayapo sont préservées, grâce à une protection officielle, elles sont désormais cernées par les terres déboisées. « On voit de plus en plus de coupeurs de bois et de chercheurs d’or », témoigne Megaron, neveu et successeur de Raoni, lors de leur passage récent à Paris.

« Quand on survole l’Amazonie, sur le chemin avant d’arriver aux terres Kayapos, on ne voit plus que des champs, des pâturages et des plantations d’eucalyptus », ajoute Gert-Peter Bruch, président de l’association Planète Amazone, qui a fait venir les deux caciques en Europe.

Un quart de la forêt amazonienne déjà dévastée

Pour la première fois depuis cinq ans, la déforestation est à nouveau en augmentation. Selon les derniers chiffres officiels 5.843 km2 de forêt amazonienne ont disparu entre août 2012 et juillet 2013. C’est la taille d’un département français moyen, ou encore l’équivalent de 818.347 terrains de football aux dimensions de la FIFA, 2.242 terrains par jour... Aujourd’hui, en tout, un quart de la forêt amazonienne a déjà été rasée.

Les coupeurs de bois sont toujours les premiers à arriver. « C’est le front pionnier, explique Jérôme Frignet, chargé de mission forêts à Greenpeace. Ils tracent les routes, défrichent, installent des petites villes et ouvrent la voie aux autres activités. »

Les premiers à suivre sont les éleveurs. 80 % des terres défrichées sont ensuite occupées par des pâturages. C’est ce qu’indiquent les travaux de Philippe Léna, chercheur émérite à l’IRD.

Mais depuis quelques années, le scientifique note « des déboisements pour planter directement du soja ou du maïs. » Car le Brésil mise de plus en plus sur les matières premières agricoles pour ses exportations (soja, viande bovine, sucre...).

Entre 2007 et 2010, leur part a « subitement augmenté », indique le même document de l’IRD. Elle est passée d’environ 40 % depuis les années 1990 à plus de 50 % en trois ans. Le Brésil est ainsi devenu « le premier exportateur mondial de viande de boeuf », indique l’institut.

Des routes, des barrages, des mines, des ports

Autre signe que la pression s’accentue : « Il y a de plus en plus de grandes infrastructures pour exploiter l’Amazonie », s’alarme Philippe Léna. Les ports, les routes, les mines et les barrages se multiplient. Le projet le plus emblématique est celui du barrage de Belo Monte dénoncé par le cacique Raoni. Il pourrait être le troisième plus grand barrage au monde. 500 km2 de forêt seraient engloutis. Les peuples de la rivière seraient obligés de quitter leurs terres.

Autre projet significatif, le nouveau port de la société d’agroalimentaire Cargill, prévu pour exporter notamment du soja. « La demande mondiale en maïs, en soja, en bois, et en produits miniers est très forte », insiste le géographe.

Les représentants de l’agrobusiness à l’Assemblée

Une pression sur les territoires qui s’accompagne d’une pression politique. Peu avant la coupe du monde, les représentants des indiens d’Amazonie se sont rendus comme chaque année à Brasilia. « Lorsque nous sommes arrivés à côté du stade de la coupe du monde, la police nous a reçus de manière très violente, avec des gaz lacrymogènes, raconte le cacique Megaron. Mais ensuite nous avons été reçus par le président de la chambre des députés. »

En ligne de mire des représentants des Indiens, les amendements constitutionnels 215 et 237 : « Il nous a promis qu’ils seraient retirés et ne seraient pas soumis au vote », affirme Megaron.

Des amendements qui pourraient réduire les droits des Indiens sur leurs terres. « Par exemple, ces amendements constitutionnels prévoient que si l’intérêt national l’exige, on peut mener des projets sur leur territoire, on peut y faire passer des routes ou implanter des cultures sans les consulter », ajoute l’historien Arkan Simaan, qui accompagne le cacique Megaron et assure la traduction.

Ces amendements ont été proposés par les « ruralistas », les députés représentant les grands propriétaires terriens. « C’est un front parlementaire d’environ 200 députés représentants de l’agrobusiness », explique Philippe Léna.

Ils ont déjà obtenu la mise en place d’un nouveau code forestier, moins protecteur que le précédent. « Il réduit notamment la dimension des zones protégées, ces aires autour des fleuves et des lacs auxquelles on ne peut pas toucher », détaille le chercheur. Selon lui, les scientifiques s’accordent : « L’augmentation de la déforestation est un effet direct du nouveau code forestier. »

Résultat, il observe que « les droits des populations traditionnelles et indigènes sont plus menacés qu’il y a dix ans. On le voit aussi par la violence : il y a plus d’assassinats de leaders indigènes. »


- La leader indigène Sônia Guajajara et une centaine de sympathisants manifestent le 14 mars 2014 à Paris contre la construction d’une série de méga-barrages dans la forêt amazonienne. -

Un gouvernement « laxiste »

 

*Suite de l'article sur reporterre

 

 

Source : www.reporterre.net

 

 

 

 

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13 juin 2014 5 13 /06 /juin /2014 21:51

 

Source : www.mediapart.fr

 

L’indécent chassé-croisé entre Bank of America et le pouvoir socialiste

|  Par Laurent Mauduit

 

 

 

La polémique autour de Laurence Boone, l’ex-chef économiste pour l’Europe de Bank of America Merrill Lynch, n’est pas même close qu’une autre risque de naître, à cause du probable départ de l’actuel directeur de l’Agence des participations de l’État (APE), David Azéma, vers… le même établissement !

La polémique autour de Laurence Boone, l’ex-chef économiste pour l’Europe de Bank of America Merrill Lynch, n’est pas même close qu’une autre risque de naître, à cause du probable départ de l’actuel directeur de l’Agence des participations de l’État (APE), David Azéma, vers… le même établissement, pour en devenir le directeur général pour la France ! Si l’information se confirme, elle risque de faire grand bruit. D’abord parce que la régularité de ce pantouflage pourrait poser problème. Ensuite parce que ce jeu de chaises musicales autour de la même banque vient confirmer la porosité entre les milieux bancaires et le pouvoir socialiste.

Selon des informations recueillies par Mediapart, la Commission de déontologie de la fonction publique s’est réunie jeudi 12 juin et, dans le lot des avis qu’elle a rendus, l’un d’eux concerne David Azéma, l’actuel directeur de l’APE, la très puissante administration de Bercy qui gère les plus grosses participations détenues par l’État (les 84,5 % dans le capital d’EDF ; les 36,7 % dans GDF-Suez ; les 11 % dans Airbus ; les 14,1 % dans PSA ; etc.).

Une fois qu’ils sont rendus, les avis sont publiés mais avec beaucoup de retard, et les noms des personnes concernées sont « anonymisés ». Pour l’heure, il n’est donc pas possible de savoir par les voies officielles quel a été l’avis dans le cas de David Azéma. Selon nos sources, il aurait toutefois été positif, mais la commission de déontologie l’aurait assorti de réserves, comme elle le fait souvent.

Quand François Pérol avait par exemple quitté le ministère des finances en 2004, où il était directeur adjoint au cabinet de Nicolas Sarkozy, pour rejoindre la banque Rothschild, la Commission de déontologie avait donné un avis favorable à ce départ mais en fixant une réserve : le « pantoufleur » devait s’abstenir de travailler comme banquier d’affaires sur des dossiers qu’il avait eus à connaître comme haut fonctionnaire – réserve que l’intéressé n’avait d’ailleurs pas respectée, puisqu’il avait ensuite conseillé les Banques populaires pour la création de Natixis. De même, quand Stéphane Richard a quitté ses fonctions de directeur de cabinet de Christine Lagarde à Bercy pour passer chez France Telecom, la commission de déontologie a émis un avis favorable assorti de réserves identiques. Et c’est pour cette raison que Stéphane Richard a commencé, à France Telecom, à ne s’occuper que des dossiers portant sur les divisions internationales du groupe.

Dans le cas de David Azéma, l’avis favorable, même avec réserve, de la Commission de déontologie n’en reste pas moins inattendu. Sa situation ne peut, certes, être comparée à celle de François Pérol. Car à l’époque, en 2009, quand le proche collaborateur de Nicolas Sarkozy avait voulu prendre la présidence des Caisses d’épargne et des Banques populaires, pour organiser leur fusion et donner naissance à BPCE, la saisine de la Commission de déontologie n’était plus obligatoire mais seulement facultative ; et précisément, François Pérol n’avait pas jugé nécessaire de la saisir officiellement. À l’époque secrétaire général de l’Élysée, Claude Guéant avait juste eu un échange informel avec le président de la Commission, Olivier Fouquet. Et c’est de cet échange que François Pérol s’était ensuite prévalu pour prétendre que son pantouflage avait été régulier. Alors qu’en réalité, on sait ce qu’il en est advenu : l’affaire a créé une crise au sein de la Commission de déontologie, qui a été de la sorte discréditée ; et François Pérol a finalement été mis en examen pour prise illégale d’intérêts (on retrouvera ici nos très nombreuses enquêtes sur l'affaire Pérol).

Le cas de David Azéma, tant que l’avis n’est pas rendu public, une question reste en suspens : comment un tel pantouflage a-t-il pu recevoir un « feu vert », puisque Bank of America Merrill Lynch, que pourrait rejoindre le haut fonctionnaire, a été la banque conseil de l’État pour plusieurs grandes affaires, dont la récente restructuration du capital du constructeur automobile PSA. Même si à Bercy on fait valoir que David Azéma n’est pas celui qui a personnellement supervisé l’embauche de l’établissement comme banque conseil, il n’en reste pas moins qu’il était le patron de l’APE pour laquelle la banque travaillait.

Nous avons essayé de joindre le nouveau président de la Commission de déontologie, le conseiller d’État Jacques Arrighi de Casanova (on peut consulter ici la liste des membres), mais il n’a pas donné suite à notre appel.

Au demeurant, la Commission de déontologie émet un avis, mais celui-ci ne s’impose pas au haut fonctionnaire qui veut passer dans le secteur privé et cela ne le prémunit pas d’éventuelles poursuites pénales pour une possible prise illégale d’intérêts.

Mais ce n’est pas la seule raison pour laquelle ce possible « pantouflage » risque d’alimenter la controverse. À cela, il y a aussi une deuxième raison. La déontologie des fonctions publiques, qui a fait l’objet d’un remarquable ouvrage de Christian Vigouroux (éditions Dalloz), édicte une première règle : servir et non se servir ! Et dans cette règle, il y a une obligation, au moins morale, d’effort et de continuité. En clair, un haut fonctionnaire ne peut pas postuler à une fonction prestigieuse pour, peu de temps après, user de cette notoriété nouvelle qu’elle lui a apportée et rebondir ailleurs.

Or, depuis quelque temps, c’est la fâcheuse habitude qu’ont prise quelques hauts fonctionnaires. Il faut dire que le mauvais exemple vient des plus hauts sommets de l’État : instable, voulant perpétuellement changer de fonction, d’abord sous Nicolas Sarkozy, aujourd’hui sous François Hollande, c’est Jean-Pierre Jouyet qui a instauré cette jurisprudence. Tour à tour directeur du Trésor, chef du service de l’Inspection des finances, secrétaire d’État, il est devenu en juillet 2012 directeur général de la Caisse des dépôts et consignations, grâce à l’appui, démocratiquement choquant, de son meilleur ami, François Hollande, prenant une place à laquelle d’autres hauts fonctionnaires sans doute plus légitimes auraient pu postuler. Et non content d’avoir profité de ce passe-droit, il n’a pas même effectué les cinq ans de son mandat. S’ennuyant, il a, de nouveau, pris la poudre d’escampette pour rejoindre l’Élysée. Et dans cet empire financier qu’est la Caisse des dépôts – immense empire qu’il faut beaucoup de temps à connaître et donc à piloter avec doigté – cette inconstance est préjudiciable.

Or David Azéma, lui aussi, dirige une direction de Bercy qui est stratégique pour l’État. À la tête de l’APE, il faut un patron qui ait beaucoup d’expérience et de compétence. Un patron, donc, qui ait de la bouteille et qui ne change pas perpétuellement.

Or, c’est tout l’inverse qui advient. David Azéma n’est en effet directeur de l’APE que depuis le 1er septembre 2012 (le décret de nomination est ici). Et, très vite, à peine un an plus tard, des indiscrétions ont fait comprendre qu’il souhaitait rebondir ailleurs. En début d’année, il a ainsi été sur les rangs pour prendre la présidence de Veolia. Et comme cela ne s’est pas fait et que l’État a fait le carré autour d’Antoine Frérot, voilà que David Azéma lorgne sur Bank of America Merrill Lynch. Dans tous les cas de figure, le départ de ce haut fonctionnaire vers le privé, moins de deux ans après sa nomination, poserait donc au moins un problème éthique. Ce serait un signe de plus du mépris que certains hauts fonctionnaires, notamment ceux de Bercy, affichent pour l’État, quand bien même celui-ci a grandement contribué à faire leur carrière.

Ce mépris vient de très loin, et ce n’est pas David Azéma qui est ici seul en cause. Il est consubstantiel à ce système d’oligarchie auquel l’ENA a donné lieu et qui, avec les grandes vagues de privatisations des années 1980 et 1990, a irrigué tous les milieux d’affaires. C’est l’une des indignations qu’exprimait par exemple dans L’Étrange défaite, écrit au creux de l’été 1940, juste après la Débâcle, l’historien et grand républicain Marc Bloch qui déplorait la tentation de soustraire à l’Université le soin de former les élites françaises. C’est effectivement le gouvernement de Front populaire, en la personne de son ministre de l’éducation nationale Jean Zay (1904-1944), qui a la malencontreuse idée d’exhumer un très vieux projet, déjà caressé en 1848, de créer une filière unique de formation des hauts fonctionnaires, en créant une École d’administration – projet qui finalement bute à l’époque sur l’hostilité du Sénat et qui aboutit seulement en 1945. Mais en tout cas, le constat est celui-là : c’est effectivement la gauche qui dès cette époque porte l’idée de créer cette fameuse École nationale d’administration, qui jouera ultérieurement, et singulièrement à partir des années 1980 et 1990, un rôle si détestable dans la propagation de la pensée unique néolibérale.

Et ce rôle funeste, l’historien en explique dès cette époque les ressorts, en prolongeant sa réflexion : « Quelle que soit la nature du gouvernement, le pays souffre si les instruments du pouvoir sont hostiles à l’esprit même des institutions publiques. À une monarchie, il faut un personnel monarchiste. Une démocratie tombe en faiblesse, pour le plus grand mal des intérêts communs, si ses hauts fonctionnaires, formés à la mépriser et, par nécessité de fortune, issus des classes mêmes dont elle a prétendu abolir l’empire, ne la servent qu’à contrecœur. » L’histoire de Jean-Pierre Jouyet ou de David Azéma est tout entière contenue dans cette sage maxime. Ralliant l’empire, Benjamin Constant (1767-1830) avait dit les choses avec moins de doigté : « Servons la cause ! Et servons-nous ! »

Depuis plus de deux décennies, Bercy entretient donc une chronique interminable, celle de certains de ces hauts fonctionnaires qui, formés désormais à l’école de la « pensée unique » néolibérale, ont un grand mépris pour l’État qu’ils sont censés servir, et qui par flots ininterrompus rejoignent dès qu’ils le peuvent le secteur privé et ses alléchantes rémunérations, stock-options et autres golden parachutes…

Et puis, le possible départ de David Azéma vers Bank of America Merrill Lynch agit comme un révélateur pour une troisième raison : c’est qu’il vient confirmer la porosité entre les milieux bancaires et les sommets de l’oligarchie socialiste. À preuve, le caricatural jeu de chaises musicales qui est en train de s’organiser : cette banque américaine que David Azéma pourrait rejoindre, c’est celle-là même que Laurence Boone quitte pour devenir conseillère économique de François Hollande à l’Élysée, en remplacement d’Emmanuel Macron, qui lui-même venait de la banque Rothschild (lire Hollande change de cabinet, pas de politique).

Et comment et par qui Laurence Boone a-t-elle, elle-même, été recrutée ? Ce n’est évidemment pas indifférent à notre histoire : elle a été enrôlée à l’Élysée par Jean-Pierre Jouyet qui, en 2005, a été pendant quelques mois le patron de la filiale française de la banque Barclay’s, établissement qui était à l’époque le port d’attache… de l’économiste.

Et cette porosité – disons même… cette consanguinité – a des effets désastreux. Car c’est évidemment la clef de l’histoire que nous sommes en train de vivre avec François Hollande. Après avoir promis en janvier 2012 au Bourget que son « adversaire », ce serait « le monde de la finance », il a fait un loupé qui restera dans l’Histoire, tant il est pathétique – et même en certains aspects, grotesque – puisque le chef de l’État a fait de la finance son amie, au point d’embaucher à l’Élysée une Laurence Boone qui a écrit dans le journal néolibéral L’Opinion, il n'y a que quelques jours, que son nouvel employeur avait « un bilan économique désastreux ».

Une économiste de Bank of America s’en va à l’Élysée ; un haut fonctionnaire de Bercy veut au même moment se faire embaucher par le même établissement : cette partie de ping-pong entre la grande banque américaine et le pouvoir socialiste a, en tout cas, quelque chose d’indécent.

 

 

Lire aussi

 

 

Source : www.mediapart.fr

 

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13 juin 2014 5 13 /06 /juin /2014 21:45

 

 

Source : www.bastamag.net

 

 

 

Décroissance

Retraites, chômage, santé : comment réinventer les mécanismes de solidarité dans une société sans croissance ?

par Aurélien Boutaud 13 juin 2014

 

 

 

 

 

 

Les principaux mécanismes de solidarité nationale, hérités des trente glorieuses, ont été conçus dans un contexte de forte croissance. Sécurité sociale, assurance chômage, retraites, minima sociaux : comment réinventer ces mécanismes dans une société sans croissance ? Quelles formes de solidarité sont possibles ? Et comment faire en sorte que la décroissance ne soit pas synonyme de mise à mort de l’État-providence ?

Cet article a initialement été publié dans la revue Silence.

Depuis quarante ans, les questions du travail et de l’emploi ont été assez largement abordées par les penseurs de l’écologie politique et de la décroissance. Mais une autre question importante en matière de solidarité reste posée : comment financer les systèmes de protection sociale hérités des trente glorieuses dans une économie sans croissance ? Assurance chômage, retraites par répartition, sécurité sociale, minima sociaux : Cyrille Di Méo et Jean-Marie Harribey [1] se demandent ce « que deviendraient ces solidarités institutionnalisées, obtenues par les luttes sociales, dans une société de décroissance démonétarisée ? »

On touche là un sujet sensible. Car l’obsession de nos dirigeants pour la croissance n’est pas seulement idéologique, elle est aussi pratique, notamment en termes de prélèvements sociaux. En effet, si l’activité économique s’accroît, alors on assiste en théorie à une augmentation proportionnelle des moyens alloués aux mécanismes de solidarité. La croissance a là encore des vertus quasiment magiques : si la masse monétaire augmente, alors les prélèvements opérés sur cette masse s’accroissent également, et ce sans avoir besoin d’augmenter les taux d’imposition. Alors que les attaques libérales se multiplient pour réduire les taux de prélèvement [2], comment imaginer maintenir ces systèmes de solidarité dans une société sans croissance, dans un contexte où la base d’imposition serait, en plus, amenée à se contracter ?

Avant tout, mieux partager le gâteau

En matière de solidarité, l’argumentaire productiviste repose sur l’hypothèse selon laquelle l’économie est tirée vers le haut par les acteurs économiques les plus dynamiques : ils s’accaparent la plus grosse partie du gâteau, mais leur enrichissement profiterait à toute la société. Autrement dit, dans une économie de croissance, les riches prennent les plus grosses parts, mais il reste également plus de miettes pour les pauvres. Si une croissance infinie n’est pas possible, alors cette hypothèse d’un « effet de ruissellement » s’effondre.

Dans une économie sans croissance, puisque le gâteau ne peut plus s’agrandir, la première urgence consiste donc à mieux en répartir les parts. Et ceci est d’autant plus vrai qu’une meilleure répartition résoudrait d’emblée une bonne partie des problèmes de financement des mécanismes de solidarité. Les chercheurs Richard Wilkinson et Kate Pickett montrent par exemple avec force argumentaire que plus une société est inégalitaire et plus les problèmes sociaux sont nombreux : maladies mentales, usage de stupéfiants, insécurité, obésité, problèmes de santé, décrochage scolaire [3].

L’augmentation des inégalités provoque donc une multitude de coûts sociaux supplémentaires. La New Economics Foundation a tenté d’évaluer ce qu’une baisse des inégalités générerait comme gains pour la société britannique, si le niveau de partage des richesses équivalait à celui du Danemark. En estimant les économies réalisées dans le domaine de la santé, de la criminalité et de l’éducation, les auteurs en concluent que les effets pour la société britannique seraient largement positifs, tant pour le bien-être de la population que pour l’équilibre des comptes de la nation [4].

La réduction des inégalités, qui pourrait par exemple se traduire par un revenu maximal autorisé [5], doit donc être entendue comme une condition première de la décroissance, puisqu’elle génèrerait des économies en termes de coûts sociaux. Cette baisse des dépenses permettrait de compenser la réduction des moyens financiers prélevés – du fait de la baisse du PIB.

Faire décroître les activités insoutenables

Dans le même ordre d’idée, le fait de produire et consommer des biens et des services de meilleure qualité, mais en moindre quantité, permettrait également de limiter les atteintes portées à l’environnement et à la santé. Logiquement, les coûts de réparation ou de compensation seraient donc réduits. On peut se donner une idée plus précise de ce bilan « coût-bénéfice » dans le domaine de la santé en prenant un exemple caricatural : si la population d’un pays est en meilleure santé car elle mange mieux et moins, alors c’est sans doute une mauvaise nouvelle pour une partie importante de l’industrie agro-alimentaire ; c’est également une mauvaise nouvelle pour le secteur médical au sens large (moins de dépenses) ; et c’est donc une mauvaise nouvelle pour la croissance du PIB… Mais cela réduit d’autant le coût pour la société en termes de soins.

Pour l’illustrer, l’économiste Jean Gadrey compare l’évolution des dépenses de santé aux États-Unis et en France entre 1960 et 2006 [6]. Très proches au début des années 1960, les dépenses de santé par habitant sont aujourd’hui plus de deux fois supérieures aux États-Unis. Pourtant, sur la même période, la France a accru davantage son espérance de vie, qui dépasse aujourd’hui celle des États-Unis de plus de deux ans et demi. Cela signifie que les États-uniens dépensent deux fois plus d’argent que les Français pour leur santé, pour des résultats nettement moins bons ! L’une des raisons de cette médiocre performance est l’explosion de l’obésité parmi la population états-unienne : cette forme de surconsommation génère plus de 147 milliards de dépense de santé par an [7]. Or ces dépenses « défensives » sont comptabilisées positivement dans le PIB et considérées à ce titre comme création de richesse !

Il est évident qu’une décroissance sélective, ciblée sur les secteurs qui ont des effets néfastes sur la société et l’environnement, réduira à termes les besoins de financement pour soigner ou réparer ces maux. Le toxicologue André Cicolella [8] multiplie les exemples dans le domaine de la santé (lire l’interview de Basta !). Il montre comment, en privilégiant la prévention plutôt que la guérison, il serait possible de consacrer beaucoup moins d’argent au système de santé, et ainsi sauver la sécurité sociale [9].

Gratuité de l’usage, renchérissement du mésusage

Enfin, on trouve sous la plume d’écologistes réformistes tels Alain Lipietz [10] ou Sandrine Rousseau [11] de nombreuses propositions visant notamment à construire une fiscalité à la fois écologique et sociale. Sandrine Rousseau, par exemple, préconise d’orienter les comportements de consommation vers des productions écologiquement responsables, notamment par des mécanismes de bonus-malus. Ceux-ci seraient adossés à des contributions de type taxe carbone, dont les fruits seraient redistribués de façon à éviter de pénaliser les plus pauvres. Le fruit des taxes sur la pollution permettrait ainsi d’accroître les moyens de la solidarité nationale.

Ce à quoi pourraient s’ajouter des formes de tarification progressive de l’énergie, de l’eau ou de toute autre ressource ou service issus de la nature, afin de permettre un accès universel pour les besoins de base tout en pénalisant fortement les abus. C’est ce que Paul Ariès appelle « la gratuité de l’usage et le renchérissement du mésusage » [12] (lire l’interview de Basta !). Le principe est simple : l’usage d’une ressource serait gratuit pour répondre aux besoins essentiels. Il s’agirait par exemple de rendre gratuit l’accès à quelques dizaines de litres d’eau par jour et par personne. Au-delà d’un certain seuil, le tarif augmenterait progressivement, jusqu’à devenir prohibitif afin d’éviter les comportements de gaspillage, comme le fait d’utiliser des centaines de litres d’eau pour laver une voiture ou des milliers de litres pour remplir une piscine.

Le principe, déjà en vigueur dans quelques pays ou collectivités, pourrait s’étendre à l’usage de tous les biens communs. Il présenterait ainsi de nombreux avantages, notamment celui de concilier liberté et responsabilité. Paul Ariès prévient néanmoins : « Le danger serait bien sûr que cette politique renforce les inégalités en permettant l’accès aux mésusages à une petite minorité fortunée (…). C’est pourquoi ce paradigme de la ‘gratuité de l’usage’ et du ‘renchérissement du mésusage’ ne peut aller sans une diminution importante de la hiérarchie des revenus. » Une fois de plus, mieux partager les richesses semble un préalable indispensable à toute forme de décroissance.

Favoriser la solidarité directe ?

Évidemment, l’enjeu de la solidarité ne se limite pas aux mécanismes institutionnels comme l’assurance chômage, les systèmes de retraites ou la sécurité sociale. Les mouvements se réclamant de la décroissance ou de la transition sont également riches de propositions concrètes qui visent à renforcer les formes de solidarité directe. Dans les pays anglo-saxons, où les initiatives de transition sont très développées, le vide laissé par le retrait de l’État-providence a paradoxalement entraîné un dynamisme assez spectaculaire des pratiques de solidarité locale, qui se caractérisent par une prise en charge plus directe des problèmes par les habitants eux-mêmes.

Mais ces innovations sociales commencent aujourd’hui à faire apparaître leurs limites… Et rien ne prouve qu’elles parviendront à prendre le relais des formes de solidarité plus institutionnelles et centralisées, héritées des luttes sociales et détruites par les politiques libérales. Les tenants de la décroissance vont donc devoir sérieusement se pencher sur cette question brûlante et encore largement inexplorée : comment construire une forme de solidarité qui ne dépende plus de la croissance et qui ne détruise pas pour autant les acquis sociaux du passé ?

Aurélien Boutaud


Quelques notions pour comprendre la société post-croissance : contre-productivité, dépenses défensives et décroissance sélective

Dans les années 1970, le penseur Ivan Illich a introduit la notion de contre-productivité pour désigner le moment où, passé une certaine masse ou un certain degré de complexité, un système ou une institution finit par produire plus d’effets négatifs que positifs. Par exemple, le système de santé finit par trouver un intérêt à ce qu’il y ait davantage de malades, moins autonomes, plus médicalisés, etc. : son objectif n’est alors plus que les gens soient autonomes et en bonne santé, mais que l’activité économique du secteur de la santé (qu’on devrait alors appeler secteur de la « guérison ») se développe.

Les économistes utilisent une notion proche, celle de dépenses défensives. « Ces dernières désignent des situations où le PIB augmente du fait d’activités qui consistent seulement à réparer des dégâts commis par d’autres activités, qui, elles aussi, gonflent le PIB. Par exemple, dépolluer. Il y a alors croissance économique mais aucune progression du bien-être puisqu’on ne fait, dans le meilleur des cas, que revenir au point de départ. » Pour reprendre l’exemple de la santé, pour augmenter le PIB et de la croissance, mieux vaut ne pas remettre en cause certaines pratiques alimentaires (la « malbouffe ») et s’appuyer sur les maladies générées pour développer un nouveau secteur d’activité dans le domaine de la « guérison ».

La décroissance sélective vise à faire décroître l’activité économique dans ces secteurs où l’on observe une contre-productivité, qui génère des dépenses défensives. Par exemple, faire décroître la consommation de tabac réduit les coûts nécessaires pour soigner les maladies liées à cette consommation. Faire décroître les teneurs en gras et en sucre dans l’alimentation réduit les coûts de traitement des maladies liées à ces surconsommations. La conséquence logique est que les besoins de solidarité nécessaires pour prendre en charge ces dépenses défensives diminuent.

Cet article a été publié dans le cadre du dossier de mai 2014, « Quelles solidarités sans croissance ? » de la revue écologiste S !lence (voir sa présentation sur notre page partenaires). Ce dossier veut montrer comment une logique de décroissance peut permettre de créer de nouvelles formes de solidarité. Un numéro découverte gratuit de la revue Silence est disponible sur simple demande au 04 78 39 55 33.

 

Notes

[1Di Méo C., Harribey J-M., 2006. « Du danger de la décroissance » in Politis, n°917, 14 septembre 2006.

[2En particulier ceux portant sur les entreprises, qui sont progressivement transférés sur les particuliers.

[3Wilkinson R., Pickett K., 2010. The Spirit Level : Why Equality is Better for Everyone. Penguin, Londres.

[4The New Economics Foundation, 2009. The Great Transition. NEF, Londres.

[5L’économiste Gaël Giraud et la philosophe Cécile Renouard proposent par exemple d’appliquer à l’ensemble de la société un facteur 12, déjà appliqué dans la fonction publique : le revenu maximal autorisé ne pourrait pas dépasser 12 fois le salaire le plus faible. Source : Giraud G., Renouard C., 2012. Le facteur 12. Pourquoi il faut plafonner les revenus. Carnets Nord, Paris.

[6Gadrey J., 2010. Adieu à la croissance. Bien vivre dans un monde solidaire. Les Petits Matins, Paris.

[7Finkelstein E.A., Trogdon J.G., Cohen J.W., Dietz W., 2009. « Estimates Annual Medical Spending Attributable To Obesity : Payer-And Service-Specific » in Health Affairs, 28, no.5 (2009), pp 822-831

[8Cicolella A., 2007. Le défi des épidémies modernes : comment sauver la Sécu en changeant le système de santé. La Découverte, Paris.

[9Voir également le dossier « Décroissance et santé » dans S !lence, n°341.

[10Lipietz A., 2012. Green deal. La crise du libéral productivisme et la réponse écologiste. La Découverte, Paris.

[11Rousseau S., 2012. Oui, l’écologie, c’est social ! Les Petits Matins, Paris.

[12Ariès P., 2007. La décroissance. Un nouveau projet politique. Golias, Villeurbanne.


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13 juin 2014 5 13 /06 /juin /2014 21:32

 

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Europe

Pour interdire un OGM, les Etats devront demander la permission aux entreprises

par Sophie Chapelle 13 juin 2014

 

 

 

Voilà plus de quatre ans qu’une nouvelle procédure pour interdire nationalement la culture d’OGM était en discussion. Le 12 juin, un « accord politique » a finalement été trouvé entre les ministres de l’Environnement des 28 États membres de l’Union européenne [1]. « Ce nouveau système garantit aux États la possibilité de choix, s’ils souhaitent cultiver ou non » s’est réjouie la ministre française Ségolène Royal au cours du Conseil.

Mais tous les gouvernements ne partagent pas cet enthousiasme. La représentante luxembourgeoise Carole Dieschbourg, émet de sérieuses réserves sur la solution retenue en raison du « rôle important laissé aux entreprises de biotechnologies » et redoute « une vague d’autorisation de cultures » dans l’UE. Olivier Belle, ministre de l’Environnement belge, s’est également abstenu sur ce compromis craignant des disséminations transfrontalières.

L’OMC en embuscade

Jusqu’à présent, les États ne pouvaient interdire les cultures transgéniques qu’en prenant sur leur territoire des clauses de sauvegarde ou des mesures d’urgence, justifiées par des impacts sur la santé ou l’environnement. Désormais, chaque État membre pourra enjoindre une entreprise qui désire commercialiser un OGM d’exclure son territoire de la demande d’autorisation.

Si l’entreprise refuse, le pays pourra invoquer des arguments éthiques ou socio-économiques, mais en aucun cas des arguments scientifiques. Or, comme le souligne Pauline Verrière de l’association Inf’OGM, « l’Organisation mondiale du commerce ne reconnaît comme valides que les décisions basées sur des arguments scientifiques ». Il y a donc peu de chance qu’un pays utilisant cette procédure puisse maintenir l’interdiction de mise en culture sur son sol s’il se retrouve poursuivi par l’OMC.

« Droits sans précédent » pour les multinationales

Pour les organisations opposées aux OGM, cette proposition de loi accorde des « droits sans précédent » aux entreprises. « Avec cette loi, ce ne sont plus nos gouvernements qui décideront, mais les multinationales des biotechnologies », dénonce Christian Berdot des Amis de la terre France. « Les gouvernements doivent garder leur droit à interdire des OGM indésirables et dangereux, sans avoir à demander la permission aux entreprises qui gagnent de l’argent grâce à eux », renchérit Mute Schimpf des Amis de la Terre Europe.

Ce projet de loi conforte surtout la Commission européenne dans son objectif : obtenir des États membres qu’ils cessent de s’opposer aux autorisations d’OGM à la culture comme à l’importation, et malgré la défiance des Européens à l’encontre des OGM. Ce texte doit encore être soumis au Parlement européen pour une adoption définitive d’ici début 2015. « S’il aboutit, prévient Pauline Verrière, la Commission européenne aura les coudées franches pour accélérer le train des autorisations à la culture et à l’importation. » Sept OGM sont en attente d’une autorisation de culture dans l’UE, dont le maïs MON810 de Monsanto et le maïs TC1507 du groupe Pioneer.

 

Notes

[1Le Luxembourg et la Belgique se sont abstenus.


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13 juin 2014 5 13 /06 /juin /2014 21:24

 

Source : www.marianne.net


 

Bygmalion : le listing intégral des conventions bidons de l’UMP
Vendredi 13 Juin 2014 à 05:00

 

Marc Endeweld

 

"Marianne" s'est procuré le rapport interne de l'UMP que Jean-François Copé a commandé au lendemain des révélations de "Libération" sur les fausses conventions organisées par le parti. Bien discret depuis le début de l’affaire, son auteur, Eric Césari, directeur général de l’UMP et proche de Nicolas Sarkozy, y charge la barque de Bygmalion... Mais lui-même que savait-il vraiment ?

 

WITT/SIPA
WITT/SIPA
Après les révélations de Libération le 15 mai dernier sur les vraies-fausses factures réglées par l’UMP à l’agence Event & Cie, filiale de Bygmalion, Jean-François Copé a demandé un rapport interne, que Marianne s’est procuré.

Un court rapport de sept pages écrit par Eric Césari, le directeur général de l’UMP, et remis à Copé peu avant le bureau politique du 27 mai, au cours duquel ce dernier s’est retrouvé acculé à la démission. Dans ce document figure notamment le listing précis des 72 conventions et colloques payés par le parti entre le 3 janvier 2010 et le 10 juin 2012, pour un total de plus de 19 millions d’euros (voir ci-dessous le deuxième document).
 
Sauf que la plupart de ces événements, comme l'expliquait Libé, n’ont jamais eu lieu. Signe qui ne trompe pas, le même montant revient à longueur de page : 299 000 euros tout rond. Un camouflage comptable grossier…

 

Bygmalion : le listing intégral des conventions bidons de l’UMP

 

Bygmalion : le listing intégral des conventions bidons de l’UMP
Les explications du directeur général
 
Mais il y a plus savoureux dans ce document. Car le plus sérieusement du monde, Eric Césari imagine dans son rapport les raisons d’un tel dysfonctionnement par ces mots :

 

« Deux hypothèses apparaissent alors :
 
Hypothèse 1 : Des engagements de dépenses ont été signés en rapport avec une demande réelle à un moment donné, l’événement ayant été ensuite annulé sans que le service de facturation ait été informé.
 
Cette hypothèse paraît peu probable ou en tout cas, pas dans de telles proportions. Quoi qu’il en soit, cela pose le problème de la facture émise par le prestataire.
 
Hypothèse 2 : Des engagements de dépenses et des factures ont été signés alors qu’ils ne correspondaient à aucune prestation réelle et ce avec une intention frauduleuse de l’un ou plusieurs des signataires trompant les autres.
 
Là encore, le problème de l’émission de la facture par le prestataire est posé »

 

Eric Césari - WITT/SIPA
Eric Césari - WITT/SIPA


Un air bien connu qui pourrait se résumer par : « C'est pas moi, c’est les autres ». Car Césari, dans les deux hypothèses renvoie la faute in fine sur la seule société Bygmalion… Or, comme l’ont révélé les premiers éléments issus de l’enquête préliminaire, ces fausses factures « ventilées » sur des conventions bidons de l’UMP étaient destinées à maquiller les dépassements faramineux des comptes de campagne de Nicolas Sarkozy.
 
« Il faut sauver le soldat Césari »
 
Notre enquête publiée dans Marianne cette semaine démontre d’ailleurs que l’étau se resserre autour de l’ex-président de la République et de son entourage. Alors que Jérôme Lavrilleux ne disposait pas de la délégation de signature durant la campagne présidentielle, qui d’autre en dehors d’Eric Césari, chargé également des meetings, aurait pu signer les devis d’Event & Cie ? En début de semaine, Libération a d’ailleurs révélé que seule la signature d’Eric Cesari figurait sur les devis des conventions bidons. 
 
Voilà pourquoi « l’opération “il faut sauver le soldat Césari” a été enclenchée », commente un acteur du dossier. Bien discret depuis le début de l’affaire Bygmalion, le directeur général de l’UMP est une des pièces maîtresses de la Sarkozie. Ancien collaborateur de Charles Pasqua, il a connu Nicolas Sarkozy en 2004, quand ce dernier s’est replié sur la présidence du Conseil général des Hauts-de-Seine, avant de prendre la tête de l’UMP.
 
Justement, si Nicolas Sarkozy semble à plus d’un titre vouloir revenir dans le jeu politique et hâter son retour à la tête du parti, c’est aussi parce que la maison UMP renferme de lourds secrets à ne pas laisser dans n’importe quelles mains. Les pièces comptables qui permettraient d’y voir plus clair — les devis et les engagements de dépenses —, avaient d’ailleurs été mises sous scellés fin février, sur demande de Jérôme Lavrilleux. Elles ont alors été entreposées dans le bureau 504, au 5ème étage du siège de l’UMP. Ces pièces étaient celles des campagnes présidentielles de 2012… et de 2007. On comprend mieux la panique de la Sarkozie…

 

 

 

Source : www.marianne.net

 

 

 

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13 juin 2014 5 13 /06 /juin /2014 21:11

 

 

Source : rue89.nouvelobs.com

 

 

Connexions dangereuses 12/06/2014 à 19h02
Webcams, imprimantes... comment protéger vos objets connectés
Gurvan Kristanadjaja | Journaliste Rue89

 


 

Vous avez lu notre article sur Shodan, le moteur de recherche qui, entre autres choses, donne accès aux objets connectés non sécurisés. Et maintenant, vous avez peur ; vous n’osez même plus allumer votre imprimante et avez collé un Post-it sur votre webcam.

Vous avez été nombreux à nous demander comment faire pour sécuriser correctement votre réseau et les périphériques connectés. Voici quelques solutions faciles.

1 La bonne vieille méthode

Sur « off » et avec une gommette

 


Le Post-it (Alper Cugun/Flickr/CC)

 

Le plus simple : reprenez le contrôle de vos périphériques. De plus en plus, ils sont conçus pour être connectés à Internet et pour être les plus polyvalents possible. Une imprimante-scanner reliée au Wi-Fi ? Oui, c’est bien pratique pour imprimer des documents sans avoir à chercher ce foutu câble USB qui traîne au fond d’un tiroir de votre bureau et qu’on ne trouve jamais.

Mais pensez à l’éteindre, voire à la débrancher une fois que vous l’avez utilisée ; le moyen le plus efficace de rendre un périphérique inaccessible d’une autre personne que vous, c’est encore de l’éteindre.

Le Scotch, cet art de vivre

 


Sinon, il y a la chaussette (Gavin Stewart/Flickr/CC)

 

Même chose pour les tablettes, les ordinateurs ou les smartphones : pensez à les mettre sur « off » lorsque vous ne vous en servez pas. Vous aurez ainsi la garantie que l’on ne vous observe pas sur votre canapé.

Vous pouvez aussi placer un Scotch opaque ou une gommette sur la webcam.

2 Changez vos mots de passe

Exemple : Rue89SixMai2007

 

Pour rappel, lors de notre enquête sur Shodan, nous avons pu accéder à certaines webcams et imprimantes parce qu’elles ou leur réseau n’avaient pas de protection. Mais il existe aussi tout un nombre de périphériques qui ont conservé leur mot de passe par défaut, ce qui est tout aussi dangereux.

Qu’est-ce qu’un serveur ?

Un serveur informatique est un dispositif qui permet de stocker ou de faire transiter des données. Il permet notamment le partage d’imprimantes, la connexion à Internet et la conservation de bases de données.

 

Lorsque vous vous abonnez à Internet, vous faites symboliquement la location d’un serveur personnel.

Que ce soit votre serveur, ou vos périphériques, il faut absolument y mettre des protections personnalisées. Les trois situations à proscrire absolument :

  • ne pas avoir de mot de passe : pour vérifier que votre serveur est sécurisé – il l’est par défaut –, entrez votre adresse IP dans votre barre d’adresse de votre navigateur ; par exemple : 192.168.1.1. (Le site Mon-IP.com vous indique l’IP du périphérique sur lequel vous êtes connecté.) Si vous pouvez y accéder sans aucune manipulation, c’est qu’il n’est pas protégé. Il faut donc y mettre un mot de passe de toute urgence, et pour cela rendez-vous dans la page « mon routeur » de votre fournisseur d’accès internet ;
  • avoir gardé le mot de passe d’origine : sur Shodan, beaucoup d’utilisateurs proposaient des recherches types de caméras ou d’imprimantes qui restaient configurées par défaut. Laurent Heslault, responsable des stratégies sécurité chez Symantec, nous expliquait, au sujet du hacking récent d’un distributeur par des jeunes de 14 ans :

« C’est le gros souci : le mot de passe par défaut ou dit “d’usine”. Il faut penser à le modifier. En France, on jouit d’un système assez sécurisé, notamment pour les routeurs. Nous n’avons d’ailleurs pas de routeurs à proprement parler comme c’est le cas dans d’autres pays. Nous avons des “box” vendues par nos fournisseurs d’accès. L’avantage, c’est qu’elles ont très souvent un mot de passe complexe et différent pour chaque utilisateur. »

Les deux ados canadiens sont parvenus à accéder au terminal bancaire parce que celui-ci avait justement conservé son mot de passe d’origine.

  • avoir un mot de passe trop simple : oubliez les « 1234 », « azerty », dates de naissance, et prénoms de vos enfants. Complexifiez au maximum la saisie (majuscules et minuscules, chiffres, ponctuation quand c’est accepté...), même si c’est contraignant à l’usage.

3 Maîtrisez votre mode de connexion

Clef WEP ou WPA

 

Si vous vous connectez par Wi-Fi à votre domicile, pensez à en crypter l’accès via une clef WEP (Wired Equivalent Privacy) ou WPA (Wi-Fi Protected Access) - de préférence, choisissez une clef WPA qui est plus sûre et réputée incassable. Vous savez, c’est cette clef longue pleine de lettres et de chiffres que l’on demande quand on veut se connecter chez quelqu’un et qu’il faut parfois aller chercher au dos du modem.

Optez pour plus de personnalisation et changez-la ; c’est simple et ça devrait être obligatoire dès l’acquisition de votre « box » :

  • rendez-vous dans la rubrique « mon compte/me connecter » de votre fournisseur d’accès à Internet ;
  • choisissez « configurer mon Wi-Fi » ;
  • puis, dans l’espace « ma clef WPA », modifiez-la.

Gwendal Le Grand, chef du service de l’expertise informatique à la Cnil, explique :

« Il faut absolument penser à un chiffrement adapté à votre connexion : si vous vous connectez via Wi-Fi chez vous ou sur votre smartphone par exemple. C’est de cette façon que vous protègerez par exemple le réseau de votre imprimante. Dans tous les cas, il ne faut pas laisser un réseau ouvert [sans mot de passe, ndlr], c’est un gros risque. »

La double erreur

Laurent Heslault, de Symantec, précise :

« Les imprimantes que vous avez trouvées en libre accès sur Shodan sont un bon exemple d’une double erreur : celle de l’utilisateur et du constructeur. L’utilisateur, d’abord, n’a pas protégé son Wi-Fi. Les constructeurs qui ont pensé le produit, quant à eux, ne l’ont pas conçu en réfléchissant à la sécurité mais à la fonctionnalité. Ils ont imaginé une façon plus simple et intuitive de s’en servir, mais n’ont pas pris la mesure des risques que ça engendrait pour l’utilisateur, et qu’on pouvait en prendre le contrôle.

La responsabilité revient donc au propriétaire de l’imprimante qui doit être prévoyant et crypter sa connexion Wi-Fi. »

4 Attention au réseau

Le Wi-Fi de la fac

 

En effectuant nos recherches sur Shodan, nous avons pu le constater : les réseaux les plus vulnérables sont ceux qui sont les plus utilisés. Universités, foyers, entreprises... tous hébergent des centaines de serveurs et il n’est pas toujours évident de les sécuriser correctement. Lorsque vous vous y connectez, faites-le donc avec prudence.

Les « documents publics » de Windows

D’abord, contrôlez le partage de vos fichiers. Sur nos ordinateurs, il peut être pratique d’utiliser ce système pour échanger des fichiers via le réseau sans utiliser de clef USB ou de disque dur. Mais attention à ce que vous laissez dans vos dossiers partagés. Une fois connecté sur le serveur de votre entreprise ou de votre faculté, n’importe qui peut y accéder : votre patron, votre collègue, des inconnus. Ce n’est pas pour rien que Windows appelle ce dossier « documents publics ».

Surtout, faites attention aux données que vous affichez et accumulez. En ayant conscience qu’un réseau d’une grosse entreprise est plus difficile à sécuriser qu’un réseau personnel, posez-vous les questions : « Est-ce que ce que je fais là est dangereux pour ma sécurité ? Est-ce que ça peut attendre que je sois chez moi ? »

5 Mettre à jour ses logiciels

« La base de données VPS a été mise à jour »

 

Souvent, vous remettez à plus tard les mises à jour de vos périphériques, voire les ignorez. Pourtant, elles sont importantes, parce qu’elles cachent souvent des grosses corrections de sécurité, comme l’explique Laurent Heslault :

« Les constructeurs vont proposer une mise à jour, qui d’apparence apparaît comme une correction mineure. En fait, souvent, ils se servent de ces mises à jour mineures pour corriger d’énormes failles de sécurité sans trop que ça s’ébruite. »

6 Se poser les bonnes questions

Et rougir

 

C’est ce que Laurent Heslault appelle « la gestion du risque » :

« Il faut se poser la question : “qu’est-ce qui se passe si...” Par exemple :

  • “Qu’est-ce qui se passe si on m’observe ?”
  • “Qu’est-ce qu’on y verra ?”
  • “Qu’est-ce qui se passe si on prend le contrôle de mon imprimante ?”

C’est ça la gestion du risque, c’est être conscient qu’il est possible que ces choses se produisent. Et donc agir en conséquence. »

 

 

 

 

Source : rue89.nouvelobs.com

 

 

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13 juin 2014 5 13 /06 /juin /2014 20:53

 

Source : blogs.mediapart.fr/blog/vieille-dame

 

 

Suppression de la dispense de recherche d'emploi !!!!

je viens de m'apercevoir d'un truc horrible : les plus de 60 ans ne sont plus dispensés de recherche d'emploi pour toucher les ASS (équivalent à quelques euros près du RSA pour ceux qui ont suffisamment cotisé !).

Cette mesure n'a pas fait beaucoup de bruit, et ceux qui ne suivent pas les méandres de notre bureaucratie nationale n'ont pas vu venir le coup !!! http://droit-finances.commentcamarche.net/faq/1662-dispense-de-recherche-d-emploi-pour-les-chomeurs

Surprise : nous allons établir que vous n'y avez pas droit, et nous allons donc établir que votre recherche n'est pas sérieuse... et hop, on vous coupe les ASS, sans prévenir (le préavis n'est pas dans les mœurs des bureaucrates, ils adorent les mesures couperet, les meilleures pour jeter à la rue des gens qui commençaient seulement à respirer à nouveau par exemple) ... et comme pour faire un dossier de RSA il faut trois mois de misère totale... vous allez pendant trois mois ne plus avoir de revenu du tout !!!

Salauds, salauds !

(ce n'est pas moi qui suis concernée,(heureuse retraitée au minimum vieillesse !) et c'est seulement ce qui RISQUE d'arriver à certains d'entre nous (nous, les humains) )

 

 

 

Source : blogs.mediapart.fr/blog/vieille-dame

 

 


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13 juin 2014 5 13 /06 /juin /2014 20:35

 

 

Source : www.mediapart.fr

 

Conflit à la SNCF : « Hollande est plus ferme à l’égard des cheminots que de la finance »

|  Par Rachida El Azzouzi

 

 

 

L'exécutif – François Hollande en tête – a appelé vendredi les cheminots à cesser la grève. Mais ces derniers durcissent le ton et reconduisent la grève samedi. Entretien avec le sociologue Marnix Dressen, spécialiste des conditions de travail des agents du rail, sur les raisons de la colère qui dépasse, selon lui, le simple cadre de la réforme ferroviaire

Le 11 juin 1936, alors que les grèves du Front populaire paralysaient la France depuis des semaines, Maurice Thorez, le patron du parti communiste, appelait la gauche prolétarienne et trotskyste à « savoir terminer la grève ». Soixante-dix-huit ans plus tard, c’est François Hollande, le président le plus impopulaire que la cinquième République et la gauche aient connu, qui reprend ses termes pour monter l’opinion publique contre les cheminots à l’origine du premier grand mouvement social à la SNCF de l’ère Hollande.

Depuis la principauté d’Andorre qu’il visite en « co-prince », le chef de l’État a déclaré ce vendredi 13 juin : « Il y a un moment où il faut savoir arrêter un mouvement et être conscient des intérêts de tous (...). À un moment, c'est le travail qui doit reprendre. » Comme dans le dossier des intermittents du spectacle où la tension ne faiblit pas et menace les festivals culturels, moteur de croissance quand l’été venu, l’économie tourne au ralenti (lire nos articles ici et ), le gouvernement a choisi la fermeté. Quitte à s’installer dans l’impasse et envenimer ce conflit qu’il n’a pas vu venir et qui perturbe fortement depuis trois jours l'ensemble du trafic ferroviaire en France, les grandes comme les petites lignes, en Ile-de-France et en province, pénalisant des millions d'usagers au point que certains lancent à leur tour une grève des billets. « Il n'y a aucune raison que la grève continue », a martelé de son côté le premier ministre Manuel Valls.

 

 
© reuters

La ligne dure est risquée à l’heure où la CGT-Cheminots et Sud-Rail, majoritaires dans l'entreprise et à l’origine de la grève avant d'être rejointes par FO et UNSA-Rail, durcissent le ton en ce vendredi 13, appelant à poursuivre et amplifier le mouvement entamé mardi 10 juin. D'assemblées générales en manifestations jusque sur les rails des gares, les cheminots (17,49 % de grévistes aujourd'hui selon la SNCF) ne décolèrent pas. Ils ont voté la reconduction de la grève ce samedi 14 et il n'est pas exclu que les perturbations soient encore très fortes lundi, menaçant les candidats au baccalauréat.

Au centre de la contestation : la réforme ferroviaire qui arrive en discussion mardi 17 juin à l’Assemblée nationale après plus de deux ans de débats, d’assises et de rapports. Destinée à stabiliser la dette du secteur ferroviaire (44 milliards d'euros) et à préparer son ouverture totale à la concurrence, elle prévoit de regrouper dans une nouvelle structure la SNCF et Réseau ferré de France (RFF), qui gère avec déjà de nombreux dysfonctionnements le réseau.

La CGT-cheminots demande « un grand débat télévisé » avec le secrétaire d’État Frédéric Cuvillier. Thierry Nier, secrétaire de l'organisation syndicale, entend qu'y soit évoqué l'avenir de la SNCF « pour que les Français aient l'ensemble des éléments pour juger ». Selon lui, les Français ignorent certaines conséquences qu'aurait la réforme ferroviaire du gouvernement. « Ils ne savent pas que la SNCF va être complètement éclatée et incapable de répondre à leurs besoins de transport, qu'il y aura des milliers de camions supplémentaires sur les routes, de plus en plus de gares et de lignes fermées. »

Mais comme nous l’explique ci-dessous dans un entretien à Mediapart Marnix Dressen, sociologue spécialiste des conditions de travail des agents de transport ferroviaire, enseignant à l'université de Versailles-Saint-Quentin-en-Yvelines, derrière ce conflit – le plus important depuis celui de 2010 contre la réforme des retraites Sarkozy –, se cachent d’autres frustrations et inquiétudes. À commencer par le délitement et le traumatisme d'une corporation pour qui la question de la sécurité importe plus que la compétitivité depuis le déraillement du Paris-Limoges en juillet 2013, déraillement dû à de graves défaillances de la SNCF selon un rapport indépendant dévoilé cette semaine.

Les cheminots ont voté la reconduction de la grève pour ce samedi 14 juin pour la quatrième journée consécutive. Pourquoi cette grève maintenant ?


© dr

On pourrait se demander au contraire, pourquoi une grève seulement maintenant ? Non pas qu’elle arrive trop tard, mais il est vrai que ce qui se profile, à savoir la mise en place de trois établissements publics industriels et commerciaux (EPIC), était sur les rails de longue date. La question de la dette de la SNCF et du devenir du statut des cheminots ne date pas d’aujourd’hui non plus. En fait, si la grève n’a été déclenchée que cette semaine, c’est qu’organiser une grève à la SNCF est beaucoup plus compliqué que ce que s’imaginent beaucoup de nos concitoyens. Ils se représentent volontiers les cheminots comme étant toujours entre deux grèves. Or, il n’en est rien.

D’une part, toute une série de verrous ont été mis en place, tout particulièrement à la SNCF, pour contraindre les acteurs sociaux, direction et organisations syndicales, à s’assoir autour d’une table avant d’engager un bras de fer. De ce point de vue, ceux qui disent qu’à la SNCF, on commence par s’affronter avant de discuter, ne savent tout simplement pas de quoi ils parlent. À moins de se livrer à des grèves sauvages – et on n’est pas en ce moment dans ce cas de figure –, ce n’est pas faisable. Mais plus fondamentalement, pour comprendre pourquoi la grève a été longue à se déclencher, il faut imaginer le long travail de maturation des idées au sein de chaque organisation syndicale, des échanges internes et des discussions intersyndicales et aussi des rencontres formelles ou informelles avec la direction de la SNCF et son ministère de tutelle.

Les organisations syndicales prennent aussi le pouls de la base. Les cheminots sont-ils « chauds », c’est-à-dire prêts à la mobilisation, à « prendre la parole » comme on dit dans notre jargon de sociologue ou au contraire, la « loyauté » domine-t-elle, c’est-à-dire la passivité par pragmatisme ou par découragement ? Il n’est pas rare aussi que la compétition entre syndicats joue un rôle lorsqu’un nombre significatif de cheminots se montrent prêts à en découdre. On est très loin du stéréotype de la grève presse-bouton.

On remarquera d’ailleurs que les élections professionnelles ne sont pas en jeu puisqu’elles ont eu lieu le 20 mars dernier à la SNCF. Lorsqu’il y a de la rivalité dans l’air entre les syndicats, la question peut être de déterminer qui est le meilleur défenseur des salariés et du service public ferroviaire dans le camp des organisations les plus radicales – la CGT et SUD-Rail – ou au contraire qui est le plus raisonnable du côté des réformistes – l’UNSA et la CFDT. Parfois, les clivages connaissent de petits déplacements et des syndicats réformistes haussent un peu le ton, signe que leur base, fût-elle grandement composée de l’encadrement – agents de maîtrise et cadres – comme c’est le cas de l’UNSA à la SNCF, est aussi tentée par la mobilisation.

«La corporation cheminote menacée de délitement éprouve le besoin de ressouder ses rangs»

Le mouvement se durcit partout en France, mais la communication de la SNCF et du gouvernement visent à dire l’inverse en s'appuyant sur les statistiques… Quelle est votre lecture ?

N’étant pas dans le secret des dieux, il vaut mieux se borner à dire qu’on peut compter les trains qui roulent et ceux qui ne roulent pas. Cela donne des indications sur la mobilisation de catégories particulières qui sont susceptibles de bloquer les trafics : les conducteurs et les contrôleurs, ainsi que les aiguilleurs. Mais il y a bien d’autres professions à la SNCF, les commerciaux, les services administratifs, etc., qui peuvent ou non être en grève mais avec moins de visibilité immédiate.

On constate en tout cas une fois de plus que les statistiques des grèves sont des enjeux de lutte et que les nombres de grévistes sont des projectiles utilisés dans la guerre psychologique que se livrent les protagonistes. Cela fait partie de la construction ou du maintien du rapport de force. Ce n’est pas d’aujourd’hui et ce n’est pas spécifique à la SNCF, même si recourir à cette arme est plus banal dans les conflits des chemins de fer.

Si vraiment ces questions sont importantes, il conviendrait de mettre en place un dispositif d’observation comme celui dont on parle régulièrement à propos du nombre des manifestants, quels que soient les objets des défilés.

 

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«  Il y a un moment où il faut savoir arrêter un mouvement et être conscient des intérêts de tous (…). À un moment, c’est le travail qui doit reprendre », a déclaré ce vendredi matin François Hollande, reprenant à son compte une formule célèbre de l’ancien leader communiste Maurice Thorez en 1936 (« Il faut savoir terminer une grève »). Ne prend-il pas un gros risque politique en mettant la pression sur les grévistes et en s’impliquant de la sorte dans le conflit ?

Aura-t-on la cruauté de faire remarquer que le président Hollande est plus ferme à l’égard des cheminots que de la finance, dont il avait prétendu faire son adversaire au moment où il essayait de rassembler sur son nom le peuple de ce pays et donc notamment les cheminots ? Mais l’essentiel n’est pas là. Je ne pense pas qu’il prenne un gros risque politique, je crains même qu’il ne joue sur du velours. Attendons de voir ce que révéleront les enquêtes sur la perception de cette grève. Mais il faut bien convenir que les cheminots souffrent, comme diraient les agences de communication, d’un « déficit d’image », et lorsque les circulations sont perturbées, on sent souvent à leur égard de la part d’une partie au moins des usagers et des clients une sorte d’hostilité, surtout d’ailleurs du côté de ceux à qui l'on donne la parole ou qui la prennent.

La lecture des blogs de la grande presse permet de mesurer la dose d’animosité que suscitent les travailleurs du rail. Les rumeurs les plus invraisemblables sont colportées à leur encontre, comme par exemple que la dette de RFF résulterait du « statut en or massif » des cheminots… Il est vrai aussi que dans certaines circonstances – cela avait été souligné en 1995 lors de la mobilisation contre le plan Juppé, les sondages montraient que les salariés non cheminots étaient contents de « faire grève par délégation ».

Il y a là, du point de vue des syndicats grévistes, un vrai enjeu. Se donnent-ils la peine de se faire comprendre, d’expliquer les raisons du conflit et par exemple la nature du lien qui peut exister entre conservation d’un statut social protecteur et défense du service public « à la française » ? La tâche est vaste, car nombre d’organes de presse et de chaînes de télévision d’informations continues ou non sont très hostiles a priori aux conflits du travail en général et aux conflits des cheminots en particulier. Elles seront plus crédibles le jour où elles donneront aussi la parole à des usagers solidaires du conflit. Il y en a, mais on ne leur tend pas souvent le micro… En prenant d’ailleurs un peu de recul, force est de constater que si les grèves sont si perturbatrices, c’est bien que le service ferroviaire est d’une certaine utilité…

La dernière grande grève à la SNCF remonte à 2010, sous Nicolas Sarkozy, contre la réforme des retraites. Celle-ci peut-elle connaître la même ampleur au vu de l’impasse actuelle ?

Gardons-nous de tout prophétisme, il est encore trop tôt pour le dire. Pour l’heure, observons seulement que comme le remarque l’historien sociologue Georges Ribeill, la corporation cheminote menacée de délitement par la nature des restructurations permanentes, éprouve très régulièrement le besoin de ressouder ses rangs autour de grandes revendications mobilisatrices.  

La réforme ferroviaire et la politique d’austérité conduite par Guillaume Pepy cristallisent toutes les craintes des cheminots. Mais n’y a-t-il pas, derrière ce conflit, d’autres frustrations et colères ?

En l’occurrence, il ne s’agit pas seulement de la politique de Guillaume Pepy, mais aussi de celle du gouvernement Valls et des orientations vraiment très libérales de la Commission européenne. Oui, bien sûr, vous avez raison, les inquiétudes sont multiples. Dans toute lutte sociale, les composantes du mouvement sont hétérogènes. Et justement, en dehors des luttes contre les fermetures d’entreprise – et encore – la lutte se déclare lorsque des groupes aux attentes diverses se mobilisent simultanément et trouvent un dénominateur commun.

La création d’un troisième EPIC alors que deux ont montré de manière assez éclatante leur caractère dysfonctionnel, la question de la dette que personne ne veut assécher et du devenir du statut ne sont pas seuls en cause. L’ouverture à la concurrence du transport voyageur international, les appels d’offres qui se profilent pour le marché des TER dans les régions, la multiplication des filiales dans le groupe SNCF (près d’un millier à travers le monde dont deux filiales de fret qui, en France même, concurrencent Fret-SNCF), sont aussi des motifs d’inquiétude.

N’oublions pas non plus que la productivité des cheminots a été considérablement accrue à peu près sans discontinuer depuis 1945 et que les travailleurs du rail conservent néanmoins l’image de petits travailleurs tranquilles. Eux savent bien cependant ce qu’ils vivent en interne et les restructurations incessantes. Avec un collègue, Dominique Andolfatto, nous préparons une communication sur les structurations et restructurations internes de l’opérateur historique. Et un des premiers résultats de notre enquête en cours est que nombre de cheminots, à tous les niveaux de cette entreprise de 150 000 personnes, sont incapables de dire quel est aujourd’hui le découpage interne de la SNCF.

Que reste-t-il par exemple de l’échelon régional ? On entend même dire que certains cheminots sont incapables d’identifier leur hiérarchie, car les organigrammes vont moins vite que les recettes miracles vendues par les cabinets de consultants et achetées très cher par la SNCF. Chacun de ces génies de l’organisation tire à hue et à dia et parvient à imposer sa panacée, mais personne ne parvient à donner une cohérence d’ensemble à tout ça. Finalement, on peut dire des grévistes d’aujourd’hui ce que Georges Ribeill écrivait déjà de leurs prédécesseurs de 1986 : « Les agents de conduite ont en particulier la sacoche pleine de revendications précises, et d’aspirations plus floues. »

«Même au plus haut niveau du statut du cheminot, on est très loin des salaires du privé»

Au moment même où la grève démarrait, un rapport pointait les graves défaillances et négligences de la part de la SNCF dans le déraillement du Paris-Limoges à Brétigny-sur-Orge, qui a fait en juillet 2013 sept morts et trente-deux blessés. Est-ce que cela contribue à durcir le mouvement ?

Durcir le mouvement, c’est difficile à dire, mais ce qui est bien probable, c’est que c’est une grande souffrance pour les cheminots qui ont été socialisés à la culture de la sécurité – sécurité des circulations, du travail, etc. – de constater que faute de crédits suffisants et du fait du caractère aberrant de la séparation entre la roue (la SNCF) et le rail (RFF), les contrôles de fiabilité des installations ne sont plus à la hauteur de ce qu’ils devraient être. Il ne s'agit donc pas ou pas seulement de graves défaillances et négligences de la SNCF – on verra si le procès conclura en ce sens –, mais de tout un système qui semble se déliter et porter atteinte à l’identité professionnelle d’une corporation. Or, on le sait, les conflits sur le symbolique sont parfois plus déterminés et reposent sur des soubassements plus profonds que les revendications matérielles.

Temps de travail inférieur à la durée légale, augmentation de salaire, gratuité des transports, etc., les agents de la SNCF sont souvent dépeints à l’image de la Cour des comptes en 2010 comme une caste de privilégiés arc-boutée sur ses acquis sociaux. Qu’en est-il réellement ?

Il est probablement nécessaire qu’une institution se livre à l’exercice de repérage de l’affectation de l’argent public et dispose de moyens importants pour mener ses investigations. Et c’est un fait que les rapports de la Cour des comptes sont souvent bien documentés. Mais on aimerait bien que ces magistrats s’indignent d’autre chose que des « privilèges » des couches populaires. Car le moins que l’on puisse dire est qu’ils ont l’indignation sélective. Que ne comparent-ils pas les ressources qui sont les leurs avec celles des universités ? Mais bon, n’esquivons pas la question. Il se peut que certains cheminots, comme c’est le cas dans toutes les entreprises de certains salariés, aient une durée de travail effective inférieure à ce que prévoient les textes.

En ce qui concerne les cheminots, cela peut tenir à des organisations du travail complexes, par exemple celle des conducteurs de train. Une fois un TGV amené de Paris à Nice, le temps de travail écoulé n’épuise pas complètement la journée de travail mais le solde ne leur permet pas non plus de tracter un nouveau train avant de bénéficier d’un repos. Il y a donc conflit de règles. Il semble préférable qu’un agent de conduite ne fasse pas tout à fait son temps réglementaire plutôt que dépasser ses horaires comme c’est très souvent le cas chez les opérateurs privés, où l'on voit des conducteurs de trains exploser leurs horaires au mépris d’une réglementation du travail en théorie particulièrement stricte dans le transport ferroviaire pour des raisons de sécurité.

Au rang du temps de travail perdu, on pourrait aussi examiner les réorganisations déficientes. Mesurons que les restructurations permanentes et à jet continu, bien souvent chaotiques on l’a dit, génèrent souvent plus de problèmes qu’elles n’en résolvent. Un documentaire comme Les cheminots, de Luc Joullé et Sébastien Jousse, réalisé en  2010, montre bien le caractère absurde du découpage de l’entreprise par branche d’activité. Que de temps perdu à chercher du matériel depuis la disparition de la mutualisation entre « le transport voyageur » et le « transport du fret » ! Ce temps-là, absurde, stressant, coûteux psychologiquement et financièrement, brille par son absence dans les rapports de la Cour des comptes.

Et tant qu’à parler de temps de travail, parlons aussi de ceux qui dans les bureaux ramènent du travail à la maison, ce travail gratuit se pratiquant dans certaines fonctions à la SNCF comme dans toujours plus d’organisations professionnelles, publiques ou privées. Enfin on pourrait aussi conseiller aux auteurs de rapports, d’enquêter comme nous l’avons fait sur les sociétés de gardiennage sous-traitantes de la SNCF il y a encore quelques mois et qui pouvaient faire travailler des maîtres-chiens, sans papiers, trente jours d’affilée et quinze heures par jour. C’est vrai, il faut sérier les problèmes, mais si l'on ouvre le dossier du temps de travail, il faudra recueillir toutes les pièces pertinentes.

Et les salaires ?

Alors là, il est plaisant d’en dénoncer le niveau. Les recrutements dans l’exécution se font à peine au SMIC. Comparons aussi les salaires des conducteurs de TGV avec celui des pilotes du transport aérien, du moins dans les compagnies héritières des opérateurs historiques, Air France par exemple. Et même au plus haut niveau du statut du cheminot, on est très loin des salaires qui se pratiquent dans les entreprises privées. Comparons ce que gagne un polytechnicien qui a décidé de faire carrière dans le transport ferroviaire avec les revenus de ses camarades de promotion qui ont opté pour l’industrie pétrolière… Comparons aussi les dix plus hauts salaires de la SNCF avec celui de leurs homologues des banques…

Ce qui est vrai, c'est que jusqu’à présent, les cheminots gravissent des échelons au fil de leur carrière mais c’est aussi le cas des universitaires titulaires et des… magistrats de la Cour des comptes. En fait, derrière toutes ces polémiques, se joue bien autre chose : ce que beaucoup reprochent aux grévistes de la SNCF, c’est de résister, de ne pas se laisser plumer et ravaler au niveau de leurs camarades cheminots des sociétés ferroviaires privées comme Euro Cargo Rail, premier concurrent de la SNCF dans le fret ferroviaire.

Toutes ces querelles faites aux cheminots évoquent le passé. De tous côtés, même Nicolas Sarkozy ne s’en était pas privé, on célèbre, un siècle après sa mort, le grand homme qu’a été Jean Jaurès. Eh bien écoutons-le affronter Clemenceau le 13 mars 1906, et on percevra peut-être mieux les luttes des cheminots, même si Jaurès ne pensait pas particulièrement à eux. « Ces hommes donc, quand ils luttent sont des forces de civilisation. Et ce qu’il y a de beau chez eux, ce qu’il y a de grand, et d’admirable, c’est qu’ils ne luttent pas que pour eux-mêmes, c’est qu’ils luttent pour tous leurs camarades, pour toute leur classe, c’est souvent qu’ils luttent, qu’ils continuent le combat, sentant bien qu’eux-mêmes vont être vaincus mais sachant aussi qu’ils préparent pour des efforts nouveaux et pour des générations nouvelles, des conditions d’existence meilleures. »

 

 

Source : www.mediapart.fr

 


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