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30 juin 2014 1 30 /06 /juin /2014 15:56

 

Source : www.mediapart.fr

 

BNP Paribas ébranlé par l'amende record infligée par la justice américaine

|  Par martine orange

 

 

 

La banque devrait se voir infliger une amende de 8,9 milliards de dollars pour avoir violé des embargos américains contre l’Iran, le Soudan et Cuba. Cette sanction pourrait précipiter un changement de direction. Pour le monde financier, les États-Unis deviennent un territoire juridiquement risqué.

Les ultimes tractations et interventions gouvernementales n’auront pas suffi à alléger la sanction. « Je veux le dire clairement : nous serons sanctionnés lourdement. Parce que des dysfonctionnements sont intervenus et que des erreurs ont été commises », a prévenu Jean-Laurent Bonnafé dans un message adressé vendredi aux salariés de BNP Paribas. Les autorités judiciaires américaines devraient annoncer leur sanction lundi soir après la clôture de Wall Street. Selon le New York Times, la banque se verrait infliger une amende record de 8,9 milliards de dollars (6,52 milliards d’euros). Ayant accepté de plaider coupable, elle se verrait également interdire pendant un an toute compensation sur les opérations de négoce en pétrole et en gaz. Une sanction lourde : BNP Paribas est l'un des cinq premiers acteurs mondiaux sur ce marché qui ne travaille qu’en dollars. Enfin, une trentaine de personnes, considérées comme responsables d’avoir mené des opérations en violation des lois américaines sur l’embargo décrété contre l’Iran, le Soudan et Cuba notamment, seraient sanctionnées. Certaines sont déjà parties, d’autres seraient sur le chemin du départ.

Les sanctions réclamées à BNP Paribas par le département américain de la justice figurent parmi les plus lourdes jamais imposées à une banque étrangère depuis la crise financière, tant par le montant de l’amende que par les conséquences judiciaires. À l’exception du Crédit suisse, condamné pour évasion fiscale, aucune banque poursuivie depuis le début de la crise financière n’a été contrainte de plaider coupable.

 

© Reuters

La justice américaine justifie la rigueur des sanctions demandées par l’ampleur des violations commises par BNP Paribas. Pendant toute la procédure, la direction de la banque s’est montrée très discrète sur les faits qui lui étaient reprochés par les autorités judiciaires américaines. Comme nous l’avions écrit (voir notre article Huit questions sur les poursuites judicaires contre BNP Paribas), ce sont les opérations menées par BNP Paribas Suisse qui sont en cause. Pendant des années, cette ancienne filiale de Paribas, spécialisée dans le négoce de matières premières, en cheville avec les plus grands négociants dont beaucoup sont basés en Suisse, a poursuivi des opérations en dollars en contournant l’embargo américain décrété contre l’Iran ou le Soudan.

Mais les accusations des autorités américaines ne s’arrêtent pas là. Car, après avoir été averti par les autorités américaines, BNP Paribas aurait poursuivi ses activités avec les pays frappés par l’embargo américain bien après 2006. Des transactions suspectes auraient duré au moins jusqu'en 2009, voire au-delà.

La justice, qui aurait examiné plus de 100 milliards de transactions en dollars réalisées au cours des cinq dernières années, aurait relevé, selon le Wall Street Journal, plus de 30 milliards d’opérations en violation avec les embargos décrétés par le gouvernement américain. Le quotidien mentionne notamment d’importantes opérations réalisées au Soudan, la plupart liées à des négoces de pétrole. Plus grave encore, des opérations auraient été maquillées pour masquer leur origine. Ce qui démontrerait que des responsables savaient parfaitement qu’ils étaient en contravention avec les lois américaines.

Silencieux tout au long de la dernière phase de la procédure, les membres de la direction espèrent en finir avec ces mois de cauchemar, une fois la sanction prononcée. Leurs espoirs, cependant, risquent d’être douchés. Car les conséquences de la condamnation de la justice américaine s’annoncent très lourdes.

Financièrement, d’abord. Au moment où les autorités de régulation exigent des banques d’augmenter leurs fonds propres, afin d’afficher des ratios prudentiels plus élevés pour faire preuve d’une meilleure résistance en cas de crise, BNP Paribas va devoir puiser dans ses réserves pour payer les quelque 9 milliards de dollars d’amende. Pour y faire face, la banque prévoit, selon le Wall Street journal, de ne pas verser de dividende pendant un an voire deux et de vendre une partie de son portefeuille obligataire.

Mais les sanctions américaines risquent de créer de nombreux remous. La banque est atteinte dans son image et sa réputation. Depuis le début de la crise financière, en 2008, BNP Paribas – oubliant un peu vite qu’elle avait été l'un des déclencheurs de la crise des subprime, en suspendant en août 2007 certains de ses fonds – n’a cessé de se présenter comme un modèle du système bancaire, victime plutôt que coupable des agissements de Wall Street. Son ancien président, Michel Pébereau, figure tutélaire de la banque, ne manquait pas de souligner « les mérites de la banque universelle à la française » et de la vertueuse BNP. Une arrogance qui en a irrité plus d’un. La réalité vient détruire la « belle histoire » : pas plus que les autres, BNP Paribas n’a échappé aux dérives du monde financier.

Au-delà du discours, les sanctions imposées par les autorités judiciaires américaines posent des problèmes immédiats. Le fait d’avoir accepté de plaider coupable, ce qui jusque-là n’a été imposé à aucune banque américaine, a des répercussions immédiates. La décision est loin d’être symbolique : elle interdit à un certain nombre d’acteurs, dont les fonds de pension, d’apporter des financements à l’établissement condamné. Or BNP Paribas finance une grande partie de ses activités en dollars grâce à des fonds monétaires achetés par ces acteurs, entre autres.

Les grands requins de la finance ne vont pas manquer de tirer parti de cette fragilité. Ses concurrents ont déjà insisté sur le risque que pouvaient représenter de telles condamnations sur les marchés financiers. Dès le mois de mai, le président de Goldman Sachs, Lloyd Blankfein, s’inquiétait des conséquences du plaider coupable imposé au Crédit suisse et à BNP Paribas. Il s’interrogeait benoîtement sur les conséquences de cette décision de justice. Il se demandait quelles pourraient en être les suites et s’il serait possible de continuer à avoir des relations avec les deux banques condamnées, tout en affirmant que son établissement le ferait. Une façon de voler au secours de ses concurrents tout en leur tirant dans le dos.

Le troisième risque identifiable porte sur les responsabilités de la direction de la banque, mais aussi des autorités de régulation. « Qui savait quoi et quand ? » se sont interrogés des analystes depuis l’irruption de l’affaire. Selon Le Monde, Stuart Levey, sous-secrétaire au Trésor américain, chargé du contrôle financier et de la lutte contre le terrorisme, a fait spécialement (en 2006)le déplacement à Paris pour mettre en garde les autorités et les banques françaises sur les embargos américains. D’après nos informations, la mise en garde était générale, le gouvernement américain étant surtout préoccupé d’asphyxier les banques iraniennes.

Mais les avertissements ont eu quelques effets au sein de la banque. Selon les révélations de L’Express, une note interne, rédigée par les conseillers juridiques de la banque, insistait sur les risques juridiques encourus par la banque si elle continuait à mener des opérations, même en dehors des États-Unis, en violation des lois sur les embargos américains. 

Ces avertissements n’ont pas été ignorés. Des notes internes ont été rédigées par la direction de la banque pour rappeler l'interdiction de mener des opérations avec l'Iran, le Soudan et Cuba. Elles auraient été suivies d'effet, à en croire le témoignage d’un ancien salarié de BNP Paribas Suisse. « Après l’amende infligée à ABM Amro (en 2006 - ndlr), une enquête a été diligentée par l’OFAC (office of foreign assets control) sur la période 2002-2007. Il y a eu une investigation en Suisse par une société d’audit. Un rapport a été fait et il a été transmis aux Américains fin 2007. Dès 2007, la banque est entrée dans un processus de désengagement (à l’égard des opérations liées au Soudan, l’Iran ou Cuba). La FINMA (l’autorité de surveillance des marchés financiers en Suisse) a été mise au courant de ce processus de désengagement. Une fois ce processus terminé, un système de filtre a été mis en place pour repérer les transactions qui pouvaient violer l’embargo. Mais aussi sophistiqués soient ces systèmes de filtres, il y a forcément quelques opérations qui peuvent échapper à la vigilance. Aucune banque, ne peut garantir qu’elle a la maîtrise totale de ses filtres. C’est sans doute ce qui est arrivé. Des opérations qui violaient l’embargo n’ont pas été identifiées. Celles qui ont été identifiées par nos filtres, ont fait l’objet de dénonciations volontaires (volontary disclosure). Quand on découvrait une transaction suspecte, la procédure était toujours la même : on informait le siège à Paris et de concert avec eux on saisissait les avocats américains et dans la majorité des cas on dénonçait. L’investigation interne durait alors assez longtemps, quelques mois. À l’époque, nous n’avions pas eu de retour négatifs (de la part des Américains), puisque les opérations suspectes étaient découvertes par le groupe et dénoncées par le groupe. Cela prouvait notre bonne foi », raconte-t-il.

La statue du commandeur

Pourtant, d’après les indiscrétions de presse, certaines opérations ont été poursuivies par la suite. Qui les a menées ? Étaient-elles connues des responsables de la banque ? Le département américain de la justice a pointé  la responsabilité de Vivien Levy-Garboua, le « senior advisor » (conseiller principal) de BNP Paribas, chargé de veiller à la conformité des réglementations lors des opérations de la banque.  Son départ a été obtenu, après celui de Georges Chodron de Courcel, président du conseil d’administration de BNP Paribas et directeur général de la banque. Ce dernier, comme le rappelle le Wall Street journal, avait vu son bonus augmenter de 17 % en mars dernier, la banque le félicitant pour « la qualité et la prudence » de son travail. Dominique Rémy, chargé de l’investment banking et très présent à BNP Paribas Suisse, avant d’être nommé chez Fortis, a quant à lui disparu des listes des salariés de la banque depuis fin 2013. Jean Clamon, directeur général de BNP Paribas, responsable de la conformité du groupe bancaire, et qui siégeait au conseil d’administration de la filiale suisse du groupe, paraît lui aussi sur la sellette.

 

Baudouin Prot et Michel Pébereau en 2011 
Baudouin Prot et Michel Pébereau en 2011 © Reuters

Cela s’arrêtera-t-il là ? La question de la responsabilité des dirigeants est posée. Invoquer la tromperie de certains salariés revient à donner des arguments aux critiques des méga-banques, qui dénoncent le poids de ces établissements si vastes qu’ils en sont devenus incontrôlables, ce qui renforce les risques systémiques. Mais reconnaître une responsabilité des dirigeants appelle aussi à demander des comptes et surtout au premier d’entre eux, Michel Pébereau, PDG de BNP Paribas de 1993 à 2011 et membre du conseil d’administration de BNP Paribas Suisse. Ceux qui l’ont approché pendant de longues années ne comprennent pas. Tous décrivent un homme extrêmement prudent, contrôlant tout. C’est l’image qu’il s’est forgée pendant des années. Comment imaginer qu’il ait pu tout ignorer des pratiques de BNP Paribas Suisse ?

Pour l’instant, la direction de BNP Paribas se tait. Comment s’attaquer à la statue du commandeur de la banque et plus largement du capitalisme français ? N’est-il pas l’homme qui dictait les décisions du gouvernement, installé dans les bureaux mêmes de la ministre des finances, Christine Lagarde, au plus fort de la crise financière de 2008 ? On comprend l’embarras. Mais en même temps, difficile de ne donner aucun signe, de ne pas répondre aux actionnaires qui ne manqueront pas de relever la lenteur de la direction et la sous-estimation des risques encourus – BNP Paribas n’a indiqué la procédure judiciaire aux États-Unis qu’en février 2014 en provisionnant 1,1 milliard d’euros –, et l’apathie des autorités de régulation comme l’Autorité des marchés financiers (AMF) et l’autorité de régulation prudentielle, à qui incombe la responsabilité de contrôler les banques françaises, qui ont tardé à demander des mesures.

Dans l’intérêt bien compris de tous, tout le monde a conscience, semble-t-il, qu’il faut donner un signal. Baudouin Prot, président de BNP Paribas, paraît être désigné comme la victime expiatoire. Brusquement, des informations commencent à circuler, mentionnant ses absences, sa déprime – il aurait fait un burn out ces derniers mois, dit-on. Dans le même temps, le rôle de Jean-Laurent Bonnafé, directeur général de la banque, en première ligne dans les discussions avec les autorités américaines, est mis en exergue. « Pendant des années, Baudouin Prot a été l’exécutant fidèle de Michel Pébereau. Il pensait lui succéder à son départ. Sa patience a été vaine. Au départ de Michel Pébereau, celui-ci a imposé une dyarchie, en imposant Jean-Laurent Bonnafé comme directeur général. Baudoin Prot a compris qu’il ne serait jamais PDG de BNP Paribas, coincé entre Jean-Laurent Bonnafé, héritier désigné, et Michel Pébereau, qui , malgré des distances, garde toujours un œil sur la banque. Aujourd’hui, il apparaît comme la victime désignée, car il ne sert à rien dans le dispositif de la banque », décrypte un connaisseur. Les mois qui viennent diront si la prévision est juste.

Au-delà de BNP Paribas, la décision judiciaire américaine risque d’avoir aussi de lourdes répercussions dans le monde bancaire. Déjà, des actionnaires de Citigroup, troisième banque américaine, pressent la direction de la banque d’en finir avec ce qu’ils qualifient de chantage des autorités judiciaires : la banque est aussi menacée d’une amende de 10 milliards de dollars. Plutôt qu’un accord à un prix prohibitif avec les autorités judiciaires, autant aller jusqu'au procès, réclament-ils. Au moins, ce sera carte sur table devant un jury, font-ils valoir, pensant que la banque sera alors plus en mesure de se défendre. 

Mais ce sont surtout les banques européennes qui regardent avec inquiétude le règlement de la procédure BNP Paribas. La Deutsche Bank, le Crédit agricole et la banque italienne Unicredit sont elles aussi aux prises avec les autorités américaines, et pour les mêmes motifs : violation de l’embargo américain. Au vu des sanctions imposées à la banque française, elles se demandent quel sort va leur être réservé. Pour l’instant, toutes disent travailler en étroite collaboration avec la justice américaine. En coulisses, cependant, le président de la banque centrale européenne, Mario Draghi, a tiré le signal d’alarme, faisant savoir que les actions de la justice américaine risquaient de déstabiliser le système bancaire européen, avec toutes les conséquences que cela pourrait avoir sur le système financier international.

Dans les états-majors bancaires, des travaux ont été lancés sur le changement d’attitude des autorités américaines. Même si elles ne prévoient pas pour l’instant de se passer du dollar dans les transactions internationales, les banques commencent à étudier les possibilités de transfert de risques aux clients. Plus généralement, elles se demandent comment travailler aux États-Unis à l’avenir, à la lumière des expériences juridiques récentes. Car ce n’est pas le moindre paradoxe de cette histoire : les États-Unis sont en train de devenir pour le monde financier un territoire juridiquement risqué.

 

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Source : www.mediapart.fr

 

 

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30 juin 2014 1 30 /06 /juin /2014 15:35

 

Source : www.mediapart.fr

 

L’hôpital public, fossoyeur des lanceurs d’alerte

|  Par Caroline Coq-Chodorge

 

 

 


Le médecin DIM de l’hôpital de Saint-Malo est « au placard », le responsable de la filière AVC du CHU de Strasbourg est devenu « transparent » : nous avions enquêté il y a quelques mois sur ces deux lanceurs d’alerte. Leurs carrières sont aujourd’hui ruinées. Les dysfonctionnements dénoncés ont été étouffés et des patients se retrouvent pris dans cette spirale de discrédit.

Le professeur Christian Marescaux a cette définition du cynisme : « Je n’ai pas cette manière d’être cool, supposément équilibré, qui permet de tout relativiser. » Et cet autoportrait, presque désobligeant : « Il faut avoir une certaine rigidité de caractère pour ne pas supporter l’injustice. » Voilà ce qui distingue, et isole, le lanceur d’alerte. L’ancien responsable de la filière AVC (accident vasculaire cérébral) du CHU de Strasbourg en fait aujourd’hui l’expérience douloureuse. En janvier dernier, il dénonçait dans Mediapart un accès problématique des urgences aux IRM (imagerie par résonance magnétique) du CHU de Strasbourg, en partie occupées par les consultations privées des radiologues. Les alertes du professeur Marescaux sont restées sans effet, comme les plaintes de trois patients.

Christian Marescaux est aujourd’hui « transparent. Je n’existe plus. Je n’ai plus aucune autorité sur mon service. Je me contente de mes consultations et de cours à l’université. L’hôpital peut dire que c’est mon choix, puisque j’ai accepté de prendre du recul. Si j’avais continué à gérer la filière AVC, cela aurait été un handicap pour les patients. Mais cela n’a rien réglé : les difficultés d’accès aux IRM ont encore augmenté ! » Plus grave, « les internes refusent de rejoindre le service, trois postes sont vacants ».

C’est toute la filière neurologique du CHU qui est désormais fragilisée. Car elle vient aussi de perdre son chef du service de neurochirurgie*, décédé à la fin du mois de mai d’un malaise cardiaque. En janvier dernier, il nous avait confié sa « souffrance professionnelle » : « Il faut sans cesse se déplacer, discuter, insister, pour obtenir une IRM. Pour une tumeur, on nous propose un rendez-vous dans 15 jours ou 3 semaines : c’est trop tard ! Et après une opération, on nous refuse des IRM de contrôle. Cela fait des années qu’on travaille ainsi, en mode dégradé, alors qu’on livre de vraies batailles pour nos patients. Depuis un an, la situation est encore plus difficile, c’est insoutenable. » En janvier, ce professeur était à la fois « désolé et content » que ce conflit entre les services de neurologie et de radiologie soit rendu public : « Au moins, ça va bouger », a-t-il espéré, en vain.

 

Jean-Jacques Tanquerel 
Jean-Jacques Tanquerel © CCC / MP

À Saint-Malo non plus, rien ne bouge. « Je suis au placard depuis janvier. J’ai un poste de médecin hygiéniste, un bureau, mais rien à faire. Je ne reçois aucun coup de fil, aucun courrier, je n’ai aucune relation professionnelle », raconte Jean-Jacques Tanquerel. Il a été longtemps été le chef du département d’information médicale (DIM) de l’hôpital. Il a même été chef de pôle, le poste médical le plus important à l’hôpital. En septembre dernier, après des tentatives répétées d’alerte en interne, auprès de la direction comme du corps médical, il a publiquement dénoncé l’exploitation par une société privée des dossiers des patients, au mépris du secret médical. Nous lui avions alors consacré une enquête. Il pouvait s’appuyer sur le soutien de l’Ordre des médecins et sur un avis de la Commission nationale de l'informatique et des libertés (Cnil), mettant en demeure l’hôpital de mettre fin à ces pratiques. Neuf mois plus tard, la société privée dont il a dénoncé les pratiques continue à travailler à Saint-Malo, sous l’autorité d’un médecin DIM plus arrangeant. L’administration a tenté d’exfiltrer Jean-Jacques Tanquerel de Saint-Malo en lui proposant des postes qu’il a refusés, puisque « aucune justification n’a été donnée à mon éviction du poste de DIM, aucune faute ne m’a été reprochée ».

 

 

Il a mis à profit ses heures vides à l’hôpital pour écrire un livre, Le Serment d’Hypocrite. Il y parle du rôle central des médecins DIM, de la pression qu’ils subissent en période de disette budgétaire puisque, dans le système de tarification à l’activité, de leur travail de codage informatique des actes médicaux dépend le budget de l’hôpital. Il décrit cette spirale qui pousse la plupart des établissements français, publics et privés, à s’asseoir sur une règle éthique élémentaire, le secret médical. La limite est aussi mince, explique-t-il, entre l’optimisation et le surcodage, qui est une fraude à l’assurance maladie. Il ne cache pas non plus les menaces et les intimidations qu’il subit, et même sa « mise à mort » professionnelle. L’hôpital a porté plainte pour diffamation, et perdu le 30 mai dernier, condamné à payer 1 500 euros à Jean-Jacques Tanquerel et 1 500 euros à sa maison d’édition. Et voilà que le conseil départemental de l’Ordre des médecins porte à son tour plainte pour « propos mensongers et manquement à mon devoir de confraternité. C’est la loi du plus fort, je suis découragé », souffle-t-il.

Ne « jamais aborder le problème de fond »

À Strasbourg, contre Christian Marescaux, il n’y a aucune plainte. Il le regretterait presque : « Les menaces ne sont jamais frontales. On cherche à ancrer l’idée d’une fragilité psychologique, d’une paranoïa. On dit de moi que j’ai été interné à l’hôpital psychiatrique de Rouffach. En réalité, j’y ai travaillé trois ans, nuance… Mais les rumeurs tournent très bien. »

Quant à la jeune Alexandra Belhadj, 24 ans, elle se veut au-dessus de ça, mais tout de même : « Mon père commence à en avoir assez d’entendre dire que sa fille a des problèmes psychologiques. » Dès la prise en charge d'Alexandra Belhadj aux urgences du CHU, le 13 avril 2010, le diagnostic psychiatrique est privilégié pour expliquer ses forts maux de tête et ses fourmillements dans tout le corps, qui évoluent très vite vers une tétraplégie. Elle présente pourtant tous les signes cliniques d’un AVC. Mais elle attendra 16 heures avant de passer une IRM, l’examen de référence, qui aurait dû être réalisé en urgence. Parce que le cliché est d’abord mal lu, elle passe une « nuit d’enfer » à l’hôpital, seule dans une chambre, entièrement paralysée et en détresse respiratoire. Ce n’est que le lendemain qu’un neurologue repère enfin l’AVC sur le cliché de l’IRM. Alexandra sera alors immédiatement envoyée en réanimation et mise sous assistance respiratoire. Elle mettra de longs mois à récupérer une partie de sa motricité.

Aujourd’hui handicapée à 79 %, elle doit se réinventer une vie de jeune femme. Mais quatre ans après, elle attend toujours une reconnaissance de son accident médical par la chambre régionale de conciliation et d’indemnisation (CRCI). « Cet hôpital nous traite comme des malpropres, s’emporte Noredine Belhadj, le père d’Alexandra. Ils veulent nous avoir à l’usure. » La première expertise lui était défavorable, mais Christian Marescaux est intervenu pour la faire casser. Depuis, Alexandra est ballottée d’expertise en expertise, plus ou moins favorables. La dernière, rendue en avril, reconnaît le retard dans la prise en charge (il était d’abord nié). Mais l’expert, qui a suivi l’avocat de l’hôpital, estime qu’une prise en charge immédiate « n’aurait, en rien, changé l’importance des troubles, et l’importance des séquelles ». Au cours de l’expertise, un médecin extérieur à l'affaire a déclaré « sentir la magouille à plein nez » devant l’ensemble de la commission, Alexandra, son avocat et sa famille…

Alexandra vient de recevoir l’avis de la CRCI : elle lui refuse toute indemnisation. « C’est hallucinant », se désole Christian Marescaux. « C’est incroyable, injuste, mais tellement prévisible, soupire Alexandra. Tout le monde sait que ma prise en charge est allée de catastrophe en catastrophe, de nombreux médecins l’ont reconnu, assure-t-elle. Il n’y a eu aucune humanité lors de ma prise en charge aux urgences. Mais depuis qu’on demande des comptes à l’hôpital, c’est de pire en pire. Qui accepterait que son enfant soit traité ainsi par le service public ? » Elle est aujourd’hui prête à aller au tribunal administratif, même si elle n’y croit « plus vraiment ».

Pour Christian Marescaux, l’hôpital le disqualifie et entrave les procédures d’indemnisation des patients pour ne « jamais aborder le problème de fond ». Même constat à Saint-Malo : « La direction essaie de faire croire que le recours à cette société privée, donc ma mise à l’écart, est la seule manière pour l’hôpital de redresser ses comptes, estime Jean-Jacques Tanquerel. Mais c’est faux, ces sociétés coûtent horriblement cher. Il faut donner des moyens au médecin DIM, qui doit rester le garant du secret médical. »

Le directeur général des hôpitaux universitaires de Strasbourg, Jean-François Lanot, a refusé notre demande d’interview et semble incapable de trancher le conflit qui gangrène les services neurologie et de radiologie. L’Agence régionale de santé (son directeur, Laurent Habert, a lui aussi refusé de répondre à nos questions), tutelle de l’hôpital, semble atteinte par la même paralysie. À Saint-Malo, devant la communauté médicale, le directeur, Jean Schmid, a été clair : « C’est lui ou moi », rapporte Jean-Jacques Tanquerel.

« Le venin et la boue »

 

Le professeur Christian Marescaux. 
Le professeur Christian Marescaux. © CCC / MP

Une histoire a « fortement impressionné » Christian Marescaux. C’est la pneumologue Irène Frachon qui la lui a racontée. En 1978, le médecin Olivier Roujansky a le premier porté plainte contre le laboratoire Servier pour publicité mensongère pour son coupe-faim, Pondéral, l’ancêtre du Mediator. Le Dr Roujansky a publié ses recherches sur la véritable nature de ce coupe-faim, un dérivé de l’amphétamine. « Quand j’ai débuté au CHU de Strasbourg, il était considéré comme un fou, personne ne voulait travailler avec lui », souffle Christian Marescaux, ahuri. Irène Frachon, qui a dénoncé en 2010 l’escroquerie du Mediator, a apporté son soutien à Christian Marescaux, non pas sur le fond – « Je ne connais pas le détail de cette histoire » –, mais parce qu’elle recueille sans cesse « des histoires de médecins qui mettent en cause l’institution hospitalière et le corps médical, qui sont intimidés, ligotés, mis au placard. On en arrive très vite à des techniques de harcèlement. C’est d’une violence absolue ». Le monde médical et hospitalier a, explique-t-elle, « des réactions de corps, collectives et synergiques. Individuellement, ce sont souvent des gens bien. Mais ils se défendent ainsi contre la violence de ce métier, qui peut avoir des conséquences très graves sur le plan médico-juridique. Quand l’affaire du Mediator a éclaté, la majorité des médecins se souciaient moins des patients que de leurs plaintes. Beaucoup de médecins considèrent que les accidents sont le prix à payer : on ne peut pas faire d’omelette sans casser des œufs ».


 

William Bourdon, auteur de la tribune Une plate-forme de protection des lanceurs d’alerte, co-écrite avec Edwy Plenel et parue dans Le Monde, a récemment publié un Petit manuel de désobéissance civile, pensé comme un vade-mecum à l’intention du lanceur d’alerte. D’Irène Frachon à Edward Snowden, il décrit « le venin et la boue » jetés pour les disqualifier, l’expérience qu’ils font « dans leur chair, leur vie familiale, de ces campagnes de discrédit ». Il les incite à la « vigilance », à « évaluer par tous les moyens l’impact » de leurs révélations. William Bourdon a accepté de défendre le médecin DIM de Saint-Malo, Jean-Jacques Tanquerel. Il constate « le raidissement dramatique de la hiérarchie hospitalière. On est dans une spirale de défiance ». Face à de telles situations de blocage, et d’isolement des lanceurs d’alerte, il est convaincu qu’il faudra « créer une autorité indépendante ».

Il n’est pas le seul. Les Assises du médicament, réunies en 2012 à la suite du scandale du Mediator, proposaient de « créer un statut du lanceur d’alerte », de « donner un délai de réponse impératif aux autorités sanitaires », et de créer « une instance d’appel ». Ces préconisations n’ont pas été mises en œuvre. La loi du 16 avril 2013, à l’initiative des Verts, créée une Commission nationale de la déontologie et des alertes en matière de santé publique et d'environnement. Faute de décret d’application, la loi reste pour l’instant lettre morte.

 

 

Source : www.mediapart.fr

 

 

 

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29 juin 2014 7 29 /06 /juin /2014 17:26

 

Source : www.mediapart.fr

 

Orange veut licencier un lanceur d’alerte

|  Par Michel Deléan

 

 

 

 

Après avoir dénoncé une série de soupçons de malversations au sein de son entreprise, Yves Garcia est menacé par une procédure disciplinaire. Il est convoqué lundi 30 juin à l'inspection du travail, Orange ayant demandé son licenciement.

 

Yves Garcia, un cadre travaillant chez Orange et qui s’est progressivement mué en lanceur d’alerte, est actuellement l’objet de mesures de rétorsion de la part de son employeur qui risquent d’aboutir à son licenciement. Cet homme de 60 ans, défendu par l’avocat Norbert Tricaud et le syndicat Unsa, dont il est responsable de section, a comparu en commission consultative paritaire (CCP) disciplinaire le 23 mai dernier, et il est convoqué le 30 juin à l’inspection du travail dans le cadre d’une « enquête contradictoire », Orange ayant déposé une demande d’autorisation de licenciement.

Yves Garcia assure que son employeur veut, en fait, lui faire payer des démarches qu’il a effectuées à bon droit et de bonne foi, tant au sein de l’entreprise qu’en direction de la justice. Il a notamment déposé une plainte récemment auprès du procureur national financier, Éliane Houlette.

Entré en 1998 chez France Télécom (devenue Orange), Yves Garcia a mené une carrière sans histoire, d'abord dans la logistique puis le secteur commercial, cela jusqu’aux années 2007-2008, quand il est expatrié en Guinée-Équatoriale. Il dépend alors de la société Getesa (une filiale de France Télécom-Orange), à Malabo.

 

Yves Garcia 
Yves Garcia © DR

Les soucis commencent en 2008, quand Yves Garcia est chargé par son employeur de résoudre une affaire épineuse, que Getesa qualifie alors prudemment de « relation extra-conjugale » d’un expatrié français avec une jeune Guinéenne, et ayant donné lieu à une naissance non reconnue. « La jeune fille n’avait que 14 ans, il s’agissait ni plus ni moins que d’un viol sur mineure », affirme Yves Garcia à Mediapart. Celui-ci s’est démené pour que l’enfant soit reconnue et la jeune mère indemnisée.

Mais cette reconnaissance de paternité, censée mettre un terme à l’affaire, ne lui suffit pas, loin de là. Il décide d’alerter le siège d’Orange sur le dossier complet, et sur le risque pénal encouru par l’entreprise, comme l’ont raconté L’Express et Le Canard enchaîné.

En Guinée-Équatoriale, Yves Garcia fouine aussi dans certaines opérations commerciales et financières qui lui paraissent suspectes. La filiale Getesa aurait ainsi réglé des prestations surfacturées à des sous-traitants locaux, avec la complicité de certains dirigeants français de l’entreprise, accuse-t-il. Il dit aussi avoir mis au jour un important système de détournement de cartes à gratter prépayées.

Yves Garcia en fait-il trop aux yeux de certains ? En 2008, il est muté en République centrafricaine, chez Orange. Là encore, il continue à mettre son nez dans les comptes, et détecte des soupçons de corruption. Curieusement, il échappe alors de peu à une arrestation et à une extradition vers la Guinée-Équatoriale, un régime qui n’est pas des plus démocratique. « Après son départ de Malabo, un dossier a été monté contre lui et cela a abouti, sans qu’il en soit informé, et en son absence, à un procès et à une peine de prison », explique Norbert Tricaud, le défenseur d’Yves Garcia.

De fait, la direction équato-guinéenne de Getesa l’avait dénoncé aux autorités de Malabo. « Je n’ai réussi à m’enfuir que grâce à des amis », raconte Yves Garcia, qui assure ne pas comprendre pourquoi son employeur ne l’a pas prévenu de cette procédure judiciaire qui a failli l’expédier en prison.

À Bangui, là encore, il met son nez dans les comptes, et assure découvrir des faits de corruption. Pour finir, il est muté au Niger en 2010. Et il pose encore des questions. Yves Garcia estime que cela lui vaut d’être rapatrié en France en 2011, et « placardisé » depuis lors. Ce qui ne l’empêche pas de découvrir, assure-t-il, des bizarreries dans les flux financiers du système Orange Money, un système de transferts de fonds d’un ordinateur vers un téléphone portable, au moyen d’unités de valeur, très utilisé en Afrique de l’Ouest.

Une plainte classée par le procureur financier

Le 23 mai, Yves Garcia et Me Tricaud ont adressé une plainte simple au procureur national financier, Éliane Houlette, synthétisant des soupçons de malversations repérés dans plusieurs pays d’Afrique où il a travaillé, ainsi que d’autres qui lui ont été transmis par des collègues (notamment en République démocratique du Congo, au Ghana, en Afrique du Sud et en Ouganda).

Les faits visés par la plainte sont qualifiés de « faux », « abus de biens sociaux », « présentation de comptes inexacts », « diffusion d’informations fausses ou trompeuses », « escroquerie en bande organisée », « détournements de fonds publics », « trafic d’influence » et « corruption ». Le raisonnement étant, en résumé, que des malversations éventuellement commises dans des filiales étrangères fausseraient les comptes consolidés du groupe Orange.

Cette plainte a été classée « sans suite » le 13 juin, faute d’éléments suffisants aux yeux du parquet financier. Mais selon Norbert Tricaud, son avocat, Yves Garcia compte revenir à la charge en déposant une nouvelle plainte, avec constitution de partie civile cette fois.

 

Yves Garcia 
Yves Garcia © DR

Auparavant, Yves Garcia s’était déjà manifesté dans le dossier judiciaire de « viol sur mineure » ouvert à Paris, dans lequel il estime que des faux ont été produits pour modifier l’âge de la victime. Suite à la destruction du disque dur de son ordinateur portable par sa hiérarchie, il avait auparavant déposé une première plainte qui avait été classée sans suite.

Il avait alors déposé une autre plainte, avec constitution de partie civile, pour des faits présumés de « subornation de témoins », « destruction de preuves » et « entrave à la justice ». Ce dossier a été confié à la juge d’instruction parisienne Raphaëlle Agenie-Fecamp en janvier dernier, et suit encore son cours, malgré des réquisitions de non-lieu prises récemment par le parquet de Paris.

Dans le cadre de la procédure de licenciement « pour cause réelle et sérieuse » engagée par Orange contre Yves Garcia, dont Mediapart a pu prendre connaissance, l’entreprise dément catégoriquement avoir couvert quelque affaire de malversation que ce soit, et conteste la plupart des affirmations de ce salarié rebelle. La direction des ressources humaines reproche notamment à Yves Garcia d’avoir diffusé par mail, à vingt personnes, un courrier adressé le 2 avril 2013 à Stéphane Richard, le PDG d’Orange, « qui met en cause la direction de l’entreprise, ses produits et ses services ».

Selon Orange, les « allégations » contenues dans ce courrier ont été « largement diffusées dans l’intention de porter atteinte à l’image de France Télécom-Orange, de ses dirigeants et de ses produits, M. Garcia ayant parfaitement conscience de leur inexactitude ».

En ce qui concerne les affaires de la Guinée-Équatoriale, Orange assure que toutes les alertes ont reçu une réponse. L’entreprise dit avoir « pris l’initiative de mettre en place plusieurs actions pour lutter contre la fraude et la corruption », bien qu’elle ne soit « qu’actionnaire minoritaire de sa filiale Getesa », et qualifie d’« infondées » certaines accusations de corruption lancées par Yves Garcia, comme le fait qu’il ait été mal défendu dans le procès de Malabo.

Par ailleurs, les « allégations » lancées par Yves Garcia sur le lancement du produit Orange Money en Afrique de l’Ouest sont « fausses », « destinées à nuire à un produit phare de la zone», et « portent atteinte à la réputation de l’entreprise », fait valoir Orange auprès de l’inspection du travail. En amont, le comité de déontologie avait estimé que les faits que dénonçait le lanceur d'alerte n’étaient pas établis.

Quoi qu’il arrive, si Yves Garcia devait être licencié, Me Tricaud prévient qu’il adressera immédiatement un recours au ministre du travail.

 

Lire aussi

 

Source : www.mediapart.fr

 

 


 

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29 juin 2014 7 29 /06 /juin /2014 17:03

 

Source : www.lesinrocks.com


 

Daniel Mermet: “Les médiocres sont de retour dans la vallée fertile”
29/06/2014 | 14h37
Daniel Mermet (photo Christophe Abramowitz)

Vendredi matin Laurence Bloch, la nouvelle directrice de France Inter, a annoncé l’arrêt de l’émission “Là-bas si j’y suis”, créée et présentée depuis 1989 par Daniel Mermet. Le taulier de l’émission dénonce “une décision politique”, guidée par “des attitudes de revanche personnelle”. Dans son collimateur, Frédéric Schlesinger, l’actuel directeur délégué aux antennes et aux programmes de Radio France, qui avait déplacé “Là-bas si j’y suis” de 17h à 15h en 2006, quand il était directeur délégué de France Inter. A cette époque il avait dû faire face à une pétition de soutien à l’émission qui avait recueilli 216 000 signatures.

Comment Laurence Bloch a-t-elle justifié auprès de vous l’arrêt de votre émission ?

Elle m’a indiqué cela ce matin (vendredi 27 juin, ndlr). Il y avait des rumeurs, des papiers qui étaient sortis, sans qu’elle ait pris soin de me prévenir, de me voir, ni de dialoguer avec moi en aucune façon. Il n’y a pas eu de confrontation, ni de négociation. La décision a été prise, m’a-t-elle dit, de suspendre l’émission et de suspendre aussi ma présence à l’antenne.

Vous a-t-elle expliqué pourquoi elle a pris cette décision ?

Oh mais oui ! Elle a avancé plusieurs arguments fallacieux, mais ça ne lui coûte rien de mentir : elle a tout pouvoir, et je n’en ai aucun. Il est par exemple fallacieux et mensonger de dire qu’il y a eu un tassement de l’audience sur la tranche horaire de Là-bas si j’y suis. Lorsque nous avons été placés sur cet horaire en 2006 – et tout le monde le sait bien à la radio, à commencer Frédéric Schlesinger (nouveau directeur délégué aux antennes et aux programmes de Radio France, qui était directeur de France Inter à l’époque, ndlr) -, l’audience de cette tranche était de 150 000 auditeurs. Aujourd’hui elle est à 450 000 auditeurs. Donc Là-bas si j’y suis a amené au moins 300 000 auditeurs à France Inter : c’est la plus grosse audience sur cette tranche dans l’histoire de la station. Je suis très au courant de cela. Il y a eu un léger tassement cette dernière année, parce qu’ils ont amputé eux-mêmes l’émission d’une heure le vendredi, et de dix minutes à la fin de chaque émission. Sa progression s’est faite malgré une marginalisation permanente, et un refus constant de la promouvoir sur l’antenne. Vous n’avez jamais entendu une promotion de Là-bas si j’y suis dans une journée de France Inter quand Laurence Bloch était à la direction de l’antenne (Laurence Bloch était directrice adjointe de France Inter depuis 2010, avant d’être nommée directrice en mai 2014, ndlr).

La direction de France Inter explique aussi qu’elle veut rajeunir la station.

C’est vrai que je vais avoir 72 ans cette année, mais je n’en ai pas honte du tout ! Faire du jeunisme ou de la gérontophobie est tout à fait honteux. Est-ce que Radio France va faire de la gérontophobie avec Edgar Morin ou Ken Loach ? C’est absolument dégueulasse de dire qu’il faut virer les vieux pour les remplacer par des jeunes. Ce n’est pas parce que les journalistes sont jeunes que le public se rajeunit. Aujourd’hui Noam Chomsky est lu en terminal. Cet argument ne marche pas. Il n’y a pas eu de vieillissement de cette émission, car elle est nourrie par l’actualité, par l’air du temps. Leur point de vue n’est pas défendable. Que reste-t-il alors comme argument ? Il faut changer, il faut rajeunir, soit. Mais pourquoi faire disparaître une émission, alors qu’on aurait pu la mettre le week-end ? Il y a une volonté de la faire disparaître. C’est la réalité. Quand vous avez débusqué ces mensonges arrogants, il reste que c’est une décision politique. C’est une émission qui déplaît, à cause de sa ligne éditoriale, à l’actuelle direction de Radio France, tout simplement. En vertu peut-être – c’est plus compliqué – des attitudes de revanche personnelle qui peuvent dicter la conduite de cette direction.

Laurence Bloch vous a-t-elle proposé un retrait plus progressif, ou une autre émission, à vous et votre équipe ?

Elle nous fait vaguement miroiter des reportages pour l’été prochain, mais c’est très flou. C’est à voir. A priori c’est très douteux, il n’y a aucune confiance entre nous. Elle va recevoir l’équipe la semaine prochaine. Ils sont cinq à être au tapis: Giv Anquetil, 17 ans de Là-bas si j’y suis, Antoine Chao, 14 ans de Là-bas si j’y suis, Charlotte Perry, 6 ans, Gaylord Van Wymeersch et Anaëlle Verzaux, respectivement 3 ans et 2 ans. Ce sont tous de formidables journalistes de radio. J’avais dit et répété – et nous en sommes d’accord avec l’équipe – que j’étais favorable à une transition, c’est-à-dire que les plus expérimentés, Giv et Antoine, devaient prendre le relais. J’en avais parlé à Frédéric Schlesinger, qui disait que c’était une bonne idée, et l’équipe était d’accord pour se lancer dans l’aventure, s’approprier sur quelques mois l’édition, et vogue la galère ! Moi je continuerai à avoir une heure peut-être par semaine, c’était une transition qui permettait de garder l’image de Là-bas si j’y suis, de faire cela respectueusement vis-à-vis de gens qui ont passé leur vie entière à France Inter, ce qui est mon cas. Et non, c’est ce qu’ils ne veulent pas.

Pensez-vous accepter l’idée d’une émission composée de reportages l’été prochain ?

 

Non, je pense que c’est trop humiliant. C’est très difficile à accepter. Je pense qu’ils font une très grosse erreur humaine vis-à-vis de moi. C’est tout simplement une conduite que je peux qualifier d’inélégante : on ne traite pas des personnes qui ont passé trente-cinq ans de leur vie à France Inter, qui ont donné toute leur vie à la radio, de cette façon. Ce sont des gens brutaux, arrogants, et qui font une faute professionnelle lourde. Je pense qu’ils trahissent les potentialités de cette maison, et sa vocation d’être un haut lieu de l’éducation populaire. Ils se sont approprié cette maison, ses moyens, pour des horizons extrêmement étriqués et mesquins. Il y a une vraie lutte. Alors que tout se privatise, le service public n’a toujours pas de pub. C’est à pleurer de constater que ce potentiel est entre les mains de médiocres. En 2010, j’avais qualifié la direction de France Inter de médiocres dans une vallée fertile. Aujourd’hui les médiocres sont de retour dans la vallée fertile.

La direction de la radio affirme qu’elle a proposé une hebdomadaire aux membres de votre équipe. Est-ce suffisant ?

Cette rumeur circule. Moi je pense que c’est un contre-feu pour essayer de calmer la colère des auditeurs qui est en train de monter. Mais que feront-ils quand ils seront à cinq sur une heure d’émission? Ils vont avoir cinq cacahuètes à se partager, alors que là ils avaient toute la place pour poursuivre. Et ce n’est qu’une vague promesse, ce n’est pas acté. Ils pourraient le faire très vite, cela pourrait être une issue, mais le mode de gestion de tout cela est détestable. Il faut souligner que si cette situation est possible, c’est à cause de la précarité dans laquelle nous sommes. Les personnels des programmes sont en CDD, c’est-à-dire qu’ils sont précaires, et la précarité mène à la docilité. Or docilité et journalisme ne devraient pas être des mots que l’on puisse associer. C’est un mode de gestion extrêmement commode de menacer de nous virer, ou de ne pas renouveler notre contrat à la fin du trimestre. On finit par s’écraser, et par traiter de sujets plus faciles.

Comment expliquez vous que l’émission ait traversée toute la période Sarkozy, avec Philippe Val, qui ne vous était pas favorable, à la tête de France Inter, et qu’aujourd’hui elle disparaisse, sous un gouvernement de gauche ?

Pendant la période Val-Hees, l’émission était très respectée par Jean-Luc Hees, parce qu’à la différence de la direction actuelle, Hees est un journaliste. Même s’il n’était pas d’accord avec la ligne éditoriale de l’émission, avec une certaine façon d’aborder les sujets, de les traiter, il la respectait beaucoup. Il appliquait le principe bien connu: je ne suis pas d’accord avec ce que vous dites, mais je ferai tout pour que vous puissiez le dire. Jean-Marie Cavada, dieu sait si nous ne sommes pas sur la même ligne éditoriale, mais quand il était président de Radio France il avait trouvé que cette émission était très bien, car nous étions les seuls à Radio France à l’avoir. Pour lui c’était une émission alter-mondialiste, il disait: “vous êtes très bien sur ce créneau là, sur cette ‘niche’ là, continuez”. C’est comme ça que cela se passait avec les journalistes. Ce n’est plus le cas aujourd’hui. Quelle est la légitimité de cette petite oligarchie cooptée qui est aux commandes de l’audiovisuel public? Il s’agit d’abus de pouvoir, ils n’ont pas de légitimité. C’est une affaire qui concerne 400 000 auditeurs. Il ne faut pas oublier que la radio leur appartient, c’est eux qui la financent. Or ils ne sont pas considérés dans les prises de position de la direction, pas plus que dans la nomination des personnels, puisque c’est le CSA qui décide.

Avant d’être nommée directrice de France Inter en mai 2014, Laurence Bloch était directrice adjointe depuis 2010. Quel était l’état de vos relations avec elle ?

Cela s’est très mal passé. Pour faire vite, nous n’avons pas du tout la même sensibilité politique, elle l’a manifesté à maintes reprises. On était par exemple très fiers d’avoir un entretien exclusif avec Julian Assange, qui était à l’ambassade de l’équateur à Londres, mais elle n’a jamais voulu que l’on fasse la promotion d’une émission comme celle-là. Je trouve normal, légitime et même nécessaire qu’une direction intervienne sur le fond, qu’on ait des discussions sur une ligne éditoriale, mais ils ne le font jamais, par manque de courage, de compétence ou d’envie. Ils préfèrent se séparer d’une émission plutôt que d’en discuter le contenu. Philippe Val le martelait : “faites de la culture, ne faites pas de la politique”. Il est vrai que Là-bas si j’y suis a une tonalité particulière, mais il ne faut pas être dans la caricature. Ce sont des émissions qui ont un regard critique sur les choses. Les messages laissés sur le répondeur ne sont pas tous univoques. C’est l’esprit critique et indépendant qui m’ont fait passer pour un bolchevik le couteau entre les dents. Il arrive que l’on ne soit pas neutres, mais à mon avis la neutralité est impossible : les auditeurs connaissent notre grille de lecture.

le 29 juin 2014 à 14h37
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27 juin 2014 5 27 /06 /juin /2014 18:13

 

Source : www.reporterre.net

 

 

 

Les hyper-riches ont augmenté leur fortune en 2014

Camille Martin (Reporterre)

jeudi 26 juin 2014

 

 

Légende du dessin : « Oui, la planète a été détruite. Mais pendant une merveilleuse période, nous avons créé beaucoup de valeur pour les actionnaires »



Selon le magazine Capital, les cent plus grosses fortunes de France ont accumulé un pactole de 257 milliards d’euros en 2014 ! Ce montant a progressé de 10 % par rapport à l’an précédent.

En tête du palmarès : la famille Mulliez, qui possède le groupe Auchan : fortune de 38 milliards d’euros, en augmentation de 3,8 % par rapport à 2013. Ce groupe veut notamment bétonner le triangle de Gonnesse, la ferme des Bouillons et des champs à St-Jean-de-Braye...

 

*Suite de l'article sur reporterre

 

 

 

Source : www.reporterre.net

 

 

 

 

 

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27 juin 2014 5 27 /06 /juin /2014 17:47

 

Source : www.reporterre.net

 

 

Les marchés financiers spéculent sur les catastrophes que provoquera le changement climatique

Philippe Desfilhes (Reporterre)

vendredi 27 juin 2014

 

 

Jouer sur les catastrophes naturelles à venir pour s’assurer un bon rendement quand les marchés boursiers flageolent : c’est la dernière mode chez les assureurs et les financiers. Bienvenue dans le monde des cat bonds, les placements sur la catastrophe !

 


 

On connait Axa, cette compagnie française d’assurances qui est une des premières du monde. Mais qui sait qu’en novembre dernier, Axa a battu un record en matière de levée d’argent sur les marchés financiers ? Pour se prémunir contre les risques de tempête en Europe, l’assureur français a émis une « obligation-catastrophe » (en anglais « catastrophe bond » ou « cat bond ») de 350 millions d’euros, un montant record en Europe.

Le deal avec les investisseurs est simple. Si d’ici fin 2016 ou d’ici fin 2017 (le cat bond d’Axa se décompose en deux classes de 185 millions et de 165 millions), aucune tempête n’occasionne de dégâts dépassant le seuil prévu dans le contrat, ils empochent leur rémunération (2,60 % pour les obligations de classe A et 2,90 % pour celles de classe B, un « coupon fixe » auquel s’ajoutent les intérêts du capital). Dans le cas contraire, ils peuvent perdre jusqu’à l’intégralité de leur mise.

Les risques de tempête ont été simulés et correspondent à deux tempêtes exceptionnelles survenant sur la côte Atlantique tous les 150 ans ou tous les 200 ans. L’arbitre est Perils, une société suisse indépendante qui collecte les informations relatives aux sinistres et émet la plupart des indices utilisés en Europe pour déclencher les cat bonds.

On le voit à cet exemple, les contrats d’assurance transformés en action que sont les « obligations catastrophe » sont une affaire de spécialistes. « L’émission d’un cat bond réunit autour de la table l’émetteur, ses juristes, des banquiers conseils et des experts en modélisation climatique car les catastrophes sont assurées dans des conditions techniques et financières très précises », explique Lofti Elbarhadadi, directeur du secteur Assurances de l’agence de notation Standard & Poor’s.

Une banque d’affaires part ensuite lever les fonds lors des « road shows » qui réunissent les investisseurs potentiels. « Les investisseurs sont en majorité des fonds avec une forte compétence en gestion et évaluation des risques de catastrophes naturelles », indique à Reporterre Thomas Kretzschmar, directeur des opérations de réassurance d’Axa Global P&C, la branche spécialisée dans les opérations de réassurance.

La nature : un marché comme un autre



- Après le cyclone Andrew, en 1992 -


Ce petit bijou d’ingénierie financière n’est pas une nouveauté. Les assureurs se prémunissent contre les catastrophes naturelles majeures grâce aux cat bonds depuis une vingtaine d’années. « La plus grande partie des couvertures contre ce type d’événement est placée auprès de ré-assureurs traditionnels mais les marchés financiers offrent une alternative à ce mode de cession », explique Thomas Kretzschmar (Standard & Poor’s évalue le marché mondial des cat bonds à 17 milliards de dollars alors que l’on estime à 350-400 milliards les montants globaux destinés à l’assurance).

Michael Diez, spécialiste de l’assurance enseignant à Paris VIII, fait remonter leur origine au passage d’Andrew en Floride en 1992 qui provoqua pour plus de trente milliards de dollars de dégâts dont les deux tiers ont donné lieu à une indemnisation.

« L’industrie de l’assurance a vite compris la leçon. Elle s’est tournée vers les marchés financiers pour trouver de nouvelles sources de financement et leur transférer une partie des risques que représente pour elle le coût exorbitant de certaines catastrophes naturelles », explique-t-il.

Plus de deux cents cat bonds ont été émis depuis, toujours pour de courtes durées (2 à 3 ans maximum) principalement aux Etats-Unis mais aussi en Europe et en Asie notamment au Japon. « Leur marché a été en expansion constante jusqu’en 2007, puis il a connu une décélération en raison de la crise avant de repartir à la hausse depuis trois ans boosté par la faiblesse des taux d’intérêt », observe Lotfi Elbarhadadi.

Les fonds sont attirés par ces produits qui leur permettent de diversifier et d’équilibrer leurs portefeuilles. Il faut savoir qu’une caractéristique importante d’un portefeuille boursier est son degré de diversification qui permet d’atteindre un juste milieu entre le risque et la rentabilité.

« Or il n’y a pas de corrélation entre une tempête ou un tremblement de terre et les hauts et les bas du dow jones ou du CAC 40 », explique Michael Diez. Autrement dit, les cat bonds permettent aux financiers d’être moins dépendants des cycles des marchés boursiers usuels.

Les investisseurs apprécient d’autant plus les « obligations catastrophe » qu’elles peuvent être très rentables. « Les rendements des cat bonds varient d’un peu moins de 2 % à plus de 15 % en fonction du niveau de risque », indique Thomas Kretzschmar.

 


- Entre 2007 et 2012, les cat bonds (ligne rouge) ont connu un meilleur rendement que les marchés boursiers (source : Swiss Re) -


Un marché, le Catex pour Catastrophe Risk Exchange leur est dédié. Leur valeur fluctue en fonction de la plus ou moins grande probabilité que la menace se réalise et en fonction de l’offre et de la demande du titre concerné. Il arrive que des titres continuent de s’échanger à l’approche d’une catastrophe ou au cours de son déroulement, par exemple lors d’une canicule en Europe ou d’un ouragan en Floride...

 

*Suite de l'article sur reporterre

 

 

 

Source : www.reporterre.net

 

 

 

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27 juin 2014 5 27 /06 /juin /2014 17:37

 

Source : cadtm.org

 

CADTM

 

 

La violence des riches

Vidéo

26 juin par Michel Pinçon , Monique Pinçon-Charlot , Yannick Bovy

 


 


Voici un couple de sociologues qui cogne dur et parle clair. Entretien avec Monique Pinçon-Charlot et Michel Pinçon, autour de leur livre « La violence des riches - Chronique d’une immense casse sociale » (Editions Zones - La Découverte 2013).

La lutte de classes n’a pas disparu, elle s’aiguise et ce sont les riches qui sont à l’initiative. Comme le montrent Monique Pinçon-Charlot et Michel Pinçon, les riches ont réussi à faire payer la facture de leurs dettes privées par le peuple. La dette des riches et de leurs entreprises qui ont provoqué la crise de 2007-2008 a été transformée en dette publique illégitime par les gouvernants à leur service.

Réalisation : Yannick Bovy - 26 mn.

Une émission proposée par la FGTB wallonne & produite par le CEPAG

 

 

 

Voir en ligne : http://www.fgtb-wallonne.be/

 

 

 

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27 juin 2014 5 27 /06 /juin /2014 17:30

 

Source : cadtm.org

 

CADTM

 

Comment la Banque mondiale finance le massacre de dizaines de paysans

25 juin par Antonio Gambini

 

 

 

 

La Banque mondiale a financé un projet de plantation de palmiers à huile de la société Dinant au Honduras. Or, cette société accumule les critiques, tandis qu’un rapport interne dénonce le non-respect par la Banque mondiale de ses propres procédures...

La vallée de Bajo Aguàn au Honduras est depuis des décennies le théâtre de conflits très durs liés à la terre. Pendant les années 1960 et 1970, le gouvernement a mis en œuvre une réforme agraire qui a permis à des milliers de petits paysans, regroupés en coopératives, de cultiver légalement ces terres. En 1992 cependant, le gouvernement change de politique et favorise le rachat de ces terres par des entreprises plus importantes, susceptibles de les « valoriser » au mieux. Depuis lors, des milliers d’hectares ont changé de main, au profit notamment de l’entreprise Dinant de M. Miguel Facussé Barjum, un des hommes les plus riches et puissants du pays.

Les paysans protestent et affirment que les contrats de vente de terres sont le résultat d’une campagne d’escroqueries, d’intimidations, de menaces et de fraude de la part des nouveaux acquéreurs. Le conflit devient de plus en plus sanglant. Les journalistes trop curieux sont assassinés, ainsi que les avocats qui osent défendre devant les cours et tribunaux les intérêts des paysans et des coopératives. Quant aux paysans eux-mêmes et leurs familles, ils sont victimes d’une campagne de répression sans précédent (132 morts selon certaines sources, d’innombrables cas de torture, d’enlèvement et de destruction de maisons) organisée par les compagnies de sécurité privée engagées par Dinant, souvent avec la collaboration active des forces de l’ordre et de l’armée.

Sur le plan politique, le Président Zelaya, qui apparaissait comme n’étant pas complètement insensible aux revendications paysannes, est renversé par un coup d’état militaire en 2009 et évacué du pays, à bord d’ailleurs d’un avion appartenant à M. Facussé. L’activité aéronautique de M. Facussé est particulièrement intrigante. Outre l’évacuation de dirigeants politiques démocratiquement élus, selon des câbles secrets de l’ambassade américaine de 2004 publiés par Wikileaks, pas moins de trois avions chargés de centaines de kilos de cocaïne ont atterri sur des pistes appartenant à M. Facussé.

De son côté, Dinant se lance dans un projet très ambitieux de plantation de palmiers à huile, pour lequel il parvient à obtenir en 2008 un prêt d’une centaine de millions de dollars auprès d’investisseurs publics internationaux, y compris la Banque mondiale, à hauteur de 30 millions de dollars. Dans le dossier d’approbation de prêt, la Banque reconnaît quelques risques mais assure qu’ils sont parfaitement gérables. Or le rapport du CAO, sorte de service de médiation interne à la Banque mondiale qui s’est saisi du dossier en 2013, est accablant : la Banque mondiale et sa branche spécialisée dans le secteur privé, l’IFC, ont délibérément ignoré leurs propres procédures et règles internes en matière de droits de l’homme, afin de maximiser les volumes d’investissements... synonymes de bonus pour les employés de l’IFC concernés par le prêt.

La première réponse de l’IFC à ce rapport accablant est particulièrement décevante : en gros, l’IFC conteste en bloc toutes les accusations et prétend que M. Facussé et son entreprise sont parfaitement honnêtes. L’affaire prend cependant de l’ampleur, avec des articles très critiques notamment dans le Guardian, le Financial Times et le New York Times. L’IFC change alors de fusil d’épaule et reconnaît finalement avoir commis quelques erreurs et promet de suspendre le déboursement des nouvelles tranches du prêt initial de 30 millions de dollars.

Mais l’histoire ne s’arrête pas là : l’IFC investit de plus en plus via des « intermédiaires financiers » pour financer des PME de taille trop modeste pour avoir directement accès aux prêts de la Banque mondiale. Ainsi, l’IFC a pris une participation au capital de la banque Banco Financiera Comercial Hondureña à hauteur de 10 %. Or cette banque figure parmi les principaux créanciers de la société Dinant... Vous avez dit conflits d’intérêts ?

Source : article publié dans dlm, Demain le monde, n°25, mai-juin 2014.

Source : cadtm.org

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27 juin 2014 5 27 /06 /juin /2014 17:21

 

Source : france.attac.org

 

 

 

Le Conseil des droits de l’Homme de l’ONU favorable à la fin de l’impunité des multinationales. La France vote non.
jeudi 26 juin 2014, par AITEC, Attac France

 

Ce jeudi 26 juin, malgré l’opposition de la France, de l’Allemagne et des États-Unis, le Conseil des droits de l’Homme de l’ONU s’est prononcé en faveur d’un projet de résolution déposé par l’Équateur et l’Afrique du Sud afin d’élaborer de nouvelles normes internationales contraignantes sur les entreprises multinationales et les droits humains. Attac France et l’Aitec dénoncent le vote français contre une initiative bienvenue et justifiée, tant il est urgent de mettre fin à l’impunité dont bénéficient les multinationales et garantir l’accès à la justice pour les victimes de leurs activités.

 

 

C’est par 20 votes pour, 14 contre et 13 abstentions que la résolution en faveur d’un futur instrument légalement contraignant envers les multinationales a été adoptée au Conseil des droits de l’Homme (CDH) de l’ONU. Cette résolution, dont le principe avait été soutenu par 85 États de la planète en septembre dernier, ouvre une opportunité historique pour combler un manque flagrant : il n’existe pas, au niveau international, d’instrument juridiquement contraignant, pourvu de mécanisme de sanction, pour réguler et contrôler les impacts des multinationales sur les droits humains et assurer l’accès à la justice pour les victimes de leurs activités.

Les multinationales bénéficient ainsi d’une asymétrie dans le droit international puisqu’elles disposent aujourd’hui de toute une batterie d’instruments normatifs (accords de libre-échange, traités bilatéraux sur les investissements, mécanismes d’arbitrages internationaux, etc.) qui protègent leurs droits et leurs intérêts, renforçant d’autant leur pouvoir économique et politique. Toutes les tentatives passées pour sérieusement contrôler leurs activités et leurs impacts sur les droits humains ont échoué, notamment suite à leur fort lobbying, et seuls existent aujourd’hui des codes volontaires et des principes directeurs juridiquement non-contraignants et absolument inefficaces.

Pourtant, de Bhopal au Rana Plaza en passant par le cas de Chevron en Équateur ou de Marikana en Afrique du Sud, nous ne manquons pas de cas d’études et de documentation, y compris au sein des instances internationales, pour justifier la double nécessité de destituer l’architecture d’impunité dans laquelle évoluent les multinationales, et d’introduire des dispositions contraignantes garantissant que les droits économiques, sociaux, politiques et environnementaux des populations ne puissent être violés par les multinationales, et rester impunis.

Des centaines d’organisations et de mouvements sociaux du monde entier soutiennent la proposition initiée par l’Équateur et l’Afrique du Sud et se sont mobilisés cette semaine à Genève, et ailleurs, pour faire pression sur les États membres du CDH et sensibiliser l’opinion publique internationale. En votant en bloc contre le projet de résolution, les pays européens et de l’OCDE (hormis le Chili qui s’est abstenu) ont fait passer les intérêts des multinationales au-dessus de la protection des droits humains.

Attac France et l’Aitec appellent le gouvernement français à revoir sa position, et à s’expliquer à défaut. Nous considérons en effet que le soutien français à cette résolution n’aurait contredit ni la mise en application des principes directeurs relatifs aux entreprises et aux droits humains de l’ONU, ni le projet de loi français en cours de préparation sur la responsabilités des acteurs économiques à l’étranger, qui ne devrait comporter aucune mesure contraignante. Le lobby des multinationales françaises et le ministère de l’économie et des finances, qui étaient parvenus à grandement limiter la portée du contenu de la loi sur le développement et la solidarité internationale adoptée en février dernier [1] quant aux obligations des entreprises françaises vis à vis de leurs filiales et sous-traitants, a-t-il été plus fort que l’obligation de la France à respecter ses engagements internationaux sur les droits humains ?

Nos deux organisations suivront avec attention les suites qui seront données à cette résolution, en particulier les travaux du groupe de travail intergouvernemental qui devrait être créé d’ici 2015 pour construire des propositions plus précises. Elles s’engagent également à poursuivre leurs initiatives et mobilisations visant à réduire l’emprise du secteur privé, notamment à travers les accords de libre-échange et d’investissement, sur nos économies, sur la nature et sur nos vies.

 

P.-S.

Photo : BriYYZ from Toronto, Canada, licence CC by-sa 2.0.

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27 juin 2014 5 27 /06 /juin /2014 17:09

 

 

 

Source : www.youtube.com

 

 

 

 

 

S.O.S. AMAZÔNIA / STOP BELO MONTE (fr): une main verte, une main rouge, peuples levez vous !

Ajoutée le 27 mai 2014

http://raoni.com/actualites-786.php : Coupe du monde (Brésil 12 juin - 13 juillet 2014), refaites le match et rejoignez symboliquement une équipe de soutien à la sauvegarde de l'Amazonie, poumon de la planète.

REJOIGNEZ LES ÉQUIPES 'S.O.S. AMAZÔNIA' (main verte) et 'STOP BELO MONTE!' (main rouge).

Portez, utilisez et diffusez ces deux emblèmes pour briser le mur du silence.

Main verte : http://raoni.com/mao-verde.jpg
Main rouge : http://raoni.com/mao-vermelha.jpg

 

 

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