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3 juillet 2014 4 03 /07 /juillet /2014 19:24

 

Source : www.reporterre.net

 

 

EXCLUSIF - Tout connaitre de la Zad de Notre Dame des Landes avec la carte interactive

Camille Martin (Reporterre)

jeudi 3 juillet 2014

 

 

 

Ce week-end se tiendra le grand rassemblement d’oposition au projet d’aéroport de Notre Dame des Landes. Pour s’y retrouver, Reporterre a réalisé la première carte interactive de la zone à défendre, alias Zad.


Les samedi 6 et dimanche 7 juillet se tiendra sur la Zad de Notre Dame des Landes le grand Rassemblement contre le projet d’aéroport.

Nous serons des milliers à nous y retrouver, pour un programme de concerts, mais aussi - et surtout - de débats et de discussions (Reporterre animera le débat de dimanche après-midi sur le climat).

Pour vous retrouver sur la ZAD (Zone à défendre) et la connaître, Reporterre en publie une carte. Visualisez les lieux symboliques et les repères pratiques, en textes et en images, du porte-drapeau des combats contre les grands projets inutiles et imposés.

 

*Suite de l'article sur reporterre

 

Source : www.reporterre.net

 


 

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3 juillet 2014 4 03 /07 /juillet /2014 18:08

 

Source : www.mediapart.fr

 

TISA, cette autre négociation secrète sur la mondialisation financière

|  Par martine orange

 

 

 

Depuis des mois, des négociateurs américains, européens et d’une vingtaine d’autres pays se retrouvent secrètement à Genève pour discuter d’un futur accord sur les services financiers. Sans Wikileaks, nous n’en aurions rien su. Dominique Plihon, économiste atterré, revient sur ce projet de traité qui veut couper « toute capacité des États à réguler la finance ».

Un nouveau sigle est apparu : TISA. Pour Trade in services agreement (accord sur le commerce des services). Sans les révélations de Wikileaks le 19 juin, décryptées en partie par L’Humanité le 25 juin, ce qui se trame à Genève serait resté totalement secret.

Depuis quelques mois, les pays de l’Union européenne, les États-Unis et une vingtaine de pays allant du Canada à la Chine, se retrouvent secrètement à l’ambassade d’Australie à Genève pour discuter d’une nouvelle libéralisation, celle des services financiers. Leur objectif est de passer outre les blocages de l’Organisation mondiale du commerce (OMC) pour parachever la vaste entreprise de dérégulation mondiale, entreprise depuis plus de trente ans.

Jusqu’alors rien n’avait filtré de ces discussions. Aucun gouvernement, aucune organisation n’avait évoqué le sujet. Les négociations devaient rester si confidentielles que les documents, révélés par Wikileaks, insistent sur l’impérative obligation de ne les divulguer sous aucun prétexte, de travailler sur des ordinateurs sécurisés, de n’en faire aucune photocopie.

« Ce projet, c’est comme si nous n’avions rien appris de la crise financière. Il couperait toute capacité des États à réguler la finance. Tout serait abandonné », constate Dominique Plihon, professeur d’économie à Paris XIII, économiste atterré et membre d’Attac. Explications.

Mediapart. Sans Wilikeaks, les négociations sur la dérégulation des services financiers, qui se tiennent entre un certain nombre de pays, seraient restées inconnues. Quels sont les objectifs poursuivis dans ces négociations secrètes ?

Dominique Plihon. Ce que nous découvrons aujourd’hui n’est guère surprenant. Toutes les négociations dans le cadre de l’OMC sont dans l’impasse. Un certain nombre d’États ont décidé, sous la pression des lobbies financiers, de reprendre les discussions sur les services financiers. Des pays comme le Brésil et l’Inde ne veulent pas en entendre parler. Mais les autres, emmenés par les États-Unis et l’Union européenne, rejoints par vingt-deux pays, espèrent créer une dynamique et trouver un accord qui finira par s’imposer à tous.  

Le paradoxe est que les États-Unis se refusent à discuter des services financiers dans le cadre des négociations sur le traité transatlantique. Mais là, ils paraissent s’engager pleinement dans les discussions. Cette contradiction semble indiquer que les points de vue divergent entre les différentes insistances américaines. De même, le FMI serait en désaccord avec ce projet d’accord, si l'on se fie à ses prises de position. En effet, selon l'institution internationale, revenir sur les encadrements décidés depuis 2008, réinstaurer une dérégulation, ne serait pas souhaitable.

Mais les lobbies financiers sont puissants. Ils veulent ce traité, afin d’avoir les moyens de contrer une nouvelle régulation financière. Un accord sur les services financiers, adopté au niveau international, serait pour eux la meilleure garantie pour l’avenir. Cela poserait les principes d’une dérégulation globale et empêcherait par effet de cliquet tout retour en arrière, toute tentative de contrôle de la finance. TISA se veut une plateforme qui impose un cadre à tous les accords futurs. C’est le but de ce projet d’accord : interdire par traité toute régulation financière.

 

 

 

 

Selon le projet révélé, l’accord prévoit une large libéralisation de tous les services financiers. Quels sont les secteurs les plus menacés ? 

Le texte est juridiquement compliqué et plein d’ambiguïtés. Mais il apparaît clairement que tout pourrait être remis en cause. Des assurances maritimes aux fonds souverains en passant par le livret A et le financement du logement social, tout ce qui porte la marque de l’État est menacé. Il y a des risques de démantèlement partout. Tout pourrait être ouvert à la concurrence, tout serait appelé à ne plus comporter ni contrôle ni garantie de l’État. Il n’y a pas un segment de marché, dans ce projet, qui semble devoir échapper à l’emprise du monde financier.

Même notre système de retraite et de sécurité sociale paraît menacé. Le texte se réfère au modèle anglo-saxon de système public de retraite. Ce qui est évident, c’est que les rédacteurs refusent tout monopole public sur les retraites et les assurances sociales. Pour eux, cela constitue une concurrence inacceptable pour les fonds de pension et les assurances privées.

On peut craindre dès lors que notre système de retraite par répartition soit menacé, comme notre système de sécurité sociale. C’est en tout cas ce qu’on peut déduire de la plateforme de l’accord. Même s’il y a nombre d’ambiguïtés dans la rédaction, l’objectif est de supprimer toutes les entraves pour les acteurs financiers, de leur livrer tout. À l'inverse, liberté serait donnée pour les produits financiers innovants comme les CDS (credit default swaps), à l'origine de la crise financière.

Comment expliquer que les gouvernements, après tous les engagements pris depuis la crise, acceptent de discuter d’un tel projet de traité ?

Il est évident que les États ont tourné leur veste. Ils semblent à nouveau prêts à tout céder aux banques. Ce projet est un monstre. S’il voyait le jour, il couperait toute capacité des États à réguler la finance. Les maigres avancées qui ont pu être obtenues ces dernières années, les problèmes sur la stabilité du système financier, l’encadrement des banques, tout serait abandonné. Alors que la crise a démontré l’importance des États, les seuls à pouvoir voler au secours des banques, le projet est de leur dénier tout pouvoir.

Les banques n’ont rien appris de la crise financière. Elles recommencent comme avant, retrouvent les mêmes comportements dangereux. Les banques n’ont rien compris et nos dirigeants les laissent faire. On ne peut que constater le fossé énorme entre nous et eux. Les autorités sont déconnectées du reste de la société.

Ce traité peut-il aller jusqu’au bout ?

Les négociateurs espéraient manifestement qu’il n’y aurait pas de fuite pour continuer à négocier dans le secret. Cela devient une habitude : le traité transatlantique se négocie aussi dans le secret et on ne connaît toujours pas le texte de l’accord signé avec le Canada (lire notre article Des pans de régulation financière mis à mal par les négociations avec Washington).

Dans le cas de TISA, les négociateurs tiennent d'ailleurs tellement au secret qu’il est prévu dans le projet d’accord que le traité devrait rester secret pendant cinq ans après son adoption. Cette clause est sidérante : voilà un accord qui doit s’appliquer, servir de référence pour tous les autres traités, mais sans être connu.

Les révélations de Wikileaks sont une tuile pour eux. Ils n’ont plus le bénéfice de la discrétion. Je pense que cela va devenir très difficile. Mais une vigilance de tous les instants s’impose.

 

 

 

Source : www.mediapart.fr

 

 

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2 juillet 2014 3 02 /07 /juillet /2014 21:53

 

Source : www.reporterre.net


 

Le gouvernement plie devant le lobby des pesticides. Faisons-lui entendre raison !

François Veillerette (Générations Futures)

mercredi 2 juillet 2014

 

 

 

 

Beaucoup de promesses ont été faites sur la réduction des pesticides. Mais le gouvernement se distingue par son inaction, cédant aux lobbies de l’agriculture intensive. Les citoyens doivent agir et pousser leurs députés à légiférer sur l’exposition des populations aux pesticides !


Beaucoup de mots, peu d’actes

Quand on en reste aux grands principes, tout le monde, ou presque, est d’accord : il faut réduire l’utilisation des pesticides, et particulièrement pour protéger les populations les plus sensibles.

Rappelons ici les bonnes intentions affichées par le plan Ecophyto en 2008 ou couchées sur le papier dans le rapport de mission d’enquête des sénateurs en 2013. Les problèmes commencent quand il faut prendre des mesures concrètes pour transformer ces intentions en actes.

Ainsi, malgré les propos du Ministre de l’Agriculture, le plan Ecophyto n’a depuis 2008 pas produit la moindre réduction de la dépendance de notre système agricole aux pesticides. (1)

Réduire l’exposition des populations les plus sensibles

Pourrait-on au moins espérer que, faute de pouvoir réduire l’usage des pesticides, les responsables seraient capables de réduire l’exposition des populations les plus sensibles à ces redoutables toxiques ? C’est ce qu’ont commencé à faire les sénateurs lors de la première lecture de la Loi d’avenir pour l’agriculture et la forêt (LAAF) en votant sous la houlette de Nicole Bonnefoy un amendement permettant au ministre de l’Agriculture d’interdire la pulvérisation de pesticides autour des zones habitées (dans l’article 23 de la LAAF). (2)

Alors que le texte allait arriver en deuxième lecture à l’Assemblée nationale, la ministre de l’Ecologie, Ségolène Royal, proposait d’interdire toute pulvérisation de pesticides dans un rayon de deux cents mètres autour des écoles, pour protéger la santé des enfants, particulièrement sensibles aux effets sanitaires des pesticides. (3)

Comme pour confirmer que l’exposition aux pesticides est une question de santé publique, une nouvelle étude scientifique faisait l’actualité au même moment (4). Elle rappelait que l’exposition de femmes enceintes à des pesticides par leur environnement agricole augmente la probabilité que leur enfant souffre d’autisme…

Le lobby de l’agriculture intensive ne veut aucune réglementation

Mais la FNSEA (Fédération nationale des syndicats d’exploitants agricoles) se mit à hurler contre « l’inflation règlementaire » (5) – une fois de plus -, prenant comme cible la proposition de Ségolène Royal d’interdiction des pesticides près des écoles.

Peu soucieux du respect des faits, le syndicat mélangeait la position du Sénat et celle de Mme Royal et hurlait à la mort de l’agriculture française, qui se trouverait privée selon leur imagination délirante de treize millions d’hectares suite à une supposée mesure d’interdiction de l’usage des pesticides dans un rayon de deux cents mètres de toutes les zones habitées… qu’aucun responsable politique n’avait pourtant jamais proposée !

Peu importe la réalité de la menace supposée, sonnant le glas de notre agriculture, les tracteurs étaient dans les rues, les élus locaux étant sommés par le lobby de l’agriculture intensive de demander à leur député de refuser toute réglementation restreignant l’usage des pesticides.

Les politiques plient

Sentant le vent du boulet, le ministre de l’Agriculture Stéphane Le Foll se fendait à la vitesse de la lumière d’un communiqué pour rassurer les agriculteurs : aucune mesure d’interdiction n’était envisagée, tout au plus des mesures de précaution pouvaient être imaginées. (6)

A l’Assemblée nationale, l’examen de la LAAF commençait la semaine dernière en Commission des affaires économiques. Sans surprise, l’UMP, en fidèle serviteur des intérêts de la FNSEA, attaquait de front toute mesure de restriction de l’usage des pesticides, même près des écoles.

Aucun autre groupe politique ne semblait désireux de monter au front pour défendre le principe d’une zone d’exclusion pour les pesticides près des écoles ou dans d’autres zones accueillant un public sensible. Les débats semblaient donc se diriger tranquillement vers une position de la commission qui recommanderait, au mieux, quelques mesures de protection dans lesdites zones accueillant un public sensible....

 

*Suite de l'article sur reporterre

 

 

Source : www.reporterre.net

 

 

 

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2 juillet 2014 3 02 /07 /juillet /2014 21:44

 

Source : www.reporterre.net

 

 

Joyeuse mobilisation populaire à Amiens pour le premier procès des Mille vaches

Vladimir Slonska-Malvaud (Reporterre)

mercredi 2 juillet 2014

 

 

 

Neuf militants de la Confédération paysanne étaient convoqués, ce mardi 1er juillet, devant le tribunal correctionnel d’Amiens pour leurs actions de protestation contre la ferme-usine des Mille vaches. Le procès a été reporté. Environ 300 sympathisants avaient fait le déplacement pour les soutenir dans une ambiance joyeuse.


- Amiens, reportage

Reporté au 28 octobre. Les centaines de sympathisants réunis devant les grilles du palais de justice d’Amiens, dans le centre-ville, laissent éclater leur joie, malgré le côté attendu de la décision. À l’intérieur, les neufs militants de la Confédération paysanne, poursuivis pour des « dégradations » à la ferme-usine des mille vaches – une action de septembre 2013 et le démontage d’installations de la salle de traite, le 28 mai – ont fait valoir l’impossibilité de préparer leur défense du fait de difficultés d’accès à certaines pièces de la procédure. Le contrôle judiciaire dont ils faisaient l’objet – interdiction de se rencontrer, de quitter le territoire national et de se rendre dans la Somme – a été partiellement maintenu avec la reconduction de l’interdiction de séjourner dans le département.


- Quatre prévenus : Pierre-Alain Prévost, Laurent Pinatel, Thierry Bonnamour et Valentin Sic -

Tôt le matin, des cars étaient partis de plusieurs endroits en France, notamment de Paris et de Rouen, avec à leur bord de nombreux militants de la Confédération paysanne, d’associations de protection de l’environnement et de la condition animale. À Paris, le bus, parti de Gallieni aux premières heures du jour, est plein. Objectif du rassemblement : apporter un soutien visible aux neufs militants poursuivis et poursuivre la contestation contre ce projet de ferme-usine géante de 1750 têtes. Mille vaches laitières et 750 veaux et génisses doivent en effet former à terme cette exploitation intensive et hors-sol sur le territoire des communes de Drucat-le-Plessiel et de Buigny-Saint-Maclou, dans la Somme, près d’Abbeville, en combinaison avec un méthaniseur géant pour produire de l’électricité ensuite revendue à EDF.

Semer des graines de mobilisation

« On ne veut pas de ce projet chez nous, mais on n’en veut pas ailleurs non plus », expliquent Alain Miarlet et Gérard Leborgne, deux militants de la première heure de Novissen, l’association des opposants à la ferme-usine, rencontrés dans le rassemblement. « C’est un mode de vie qui va s’étendre si on ne fait rien », s’alarment les deux amis, qui se définissent comme « des militants de la base ».


- Gérard Leborgne et Alain Miarlet -

Dans le petit square situé au pied du palais de justice, l’impression de lutter contre le poste avancé de l’industrialisation de l’agriculture est généralisée. Les drapeaux de la Confédération paysanne dominent, mais il y a aussi les oriflammes d’EELV, du Front de gauche-PC, de Sud, et de la Fédération anarchiste.

Des parallèles sont dressés avec les autres combats sociaux et environnementaux. « Je ne me voyais pas ne pas être là, nous dit Magalie, fonctionnaire du service pénitentiaire d’insertion et de probation.


- Magalie -

Les luttes doivent se rejoindre ; il faut semer des graines, elles fleuriront bien à un moment ». « Ce qui est fort, c’est la convergence », renchérit Laurent, étudiant en master de sciences sociales des religions. Depuis peu investi comme clown militant, il se félicite, lui aussi, du caractère transversal du combat contre la ferme-usine.


- Laurent (à gauche) -

« Ce qui se passe ici touche à différentes sphères, comme l’écologie, l’emploi ou l’économie. » « La lutte réunit énormément de personnes de beaucoup de milieux culturels et politiques différents : c’est un vrai mouvement citoyen, avec déjà plus de 2000 membres », confirment pour leur part les deux adhérents de Novissen.

Au chapitre des convergences, les neufs désobéissants de la Confédération paysanne peuvent aussi compter sur la présence de syndicalistes de la CGT, dont Xavier Mathieu, ancienne figure de la lutte des Conti, et du soutien du syndicat Sud. Des militants du Parti communiste (PCF), pourtant en rupture avec les écologistes sur le projet d’aéroport de Notre-Dame-des-Landes ou sur le nucléaire, sont également venus soutenir les prévenus. « On est franchement pour l’agriculture paysanne », expliquent Michel Guillochon et Chantal Leblanc, la secrétaire de section du PCF à Abbeville. « Avec ce type de projets, il va se passer dans la filière laitière ce qu’on a déjà vu avec la concentration dans d’autres secteurs : les supermarchés qui ont fait disparaître les petits commerces, par exemple », dit Michel Guillochon. « Il faut se poser la question de l’intérêt pour la population ; certaines industries peuvent être bénéfiques, mais ici cela ne crée pas d’emploi et nous aurons des produits de moins bonne qualité », continuent les deux militants, également très critiques de l’utilisation de terres agricoles pour la production d’agrocarburants. « Nous ne sommes pas contre la transition énergétique, mais cela ne peut pas se faire contre les salariés », se défendent-ils quand on leur rappelle les positions souvent favorables aux industriels du PCF.


- Xavier Compain, Michel Guillochon et Chantal Leblanc -

« Pas paysan pour aller à l’usine »

Vers 10h15, la sortie des militants poursuivis du tribunal et l’annonce du report du procès interrompent momentanément les prises de paroles qui se succèdent, depuis le matin, sur l’estrade installée par la Confédération paysanne devant le palais de justice. De nombreux applaudissements accueillent leurs premiers mots suite à l’audience....

 

*Suite de l'article sur reporterre

 

 

Source : www.reporterre.net

 

 

 

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2 juillet 2014 3 02 /07 /juillet /2014 21:37

 

Source : www.marianne.net


 

Les faux pas d’Hollande et Valls dévastent le dialogue social
Mercredi 2 Juillet 2014 à 15:30

 

Grand reporter au journal Marianne En savoir plus sur cet auteur

 

Confronté à une grosse colère du patronat, Matignon reporte partiellement à 2016 la réforme sur la pénibilité qui doit permettre à certains salariés de partir plus tôt en retraite. La CFDT et FO hurlent au déni de démocratie. Révélations sur ce pataquès politique qui mine la conférence sociale des 7 et 8 juillet.

 

VILLARD/SIPA
VILLARD/SIPA

C’est le zigzag de trop. Pour ramener le patronat aux différentes tables rondes de la conférence sociale des 7 et 8 juillet, le Premier ministre Manuel Valls a tranché : jetant à la poubelle les projets de décrets rédigés par les équipes de Marisol Touraine, la ministre des Affaires sociales et de la Santé, il reporte d’un an, au premier janvier 2016, l’obligation pour les entreprises de répertorier exhaustivement les dix facteurs de risques auxquels elles exposent leurs salariés sur des fiches individuelles. Fiches qui, à l’avenir, doivent leur permettre de partir plus tôt en retraite (1). En 2015, seuls seront pris en compte : le travail de nuit, le travail répétitif, en équipe alternative ou sous pression hyperbare.
 
Sur le fond, plus que ce demi recul, ce qui effare, c’est la capacité de l’Elysée et de Matignon, à ruiner ce « dialogue social », sur lequel ils comptent cependant pour sortir le pays de la nasse du chômage de masse…
 
En effet, selon nos informations, la grosse colère du patronat de ce début de semaine, a pour origine… une promesse élyséenne non tenue. Car lorsque le président avait reçu Pierre Gattaz accompagné d’une délégation patronale, en présence de Manuel Valls, le chef de l’Etat lui aurait déjà promis, les yeux dans les yeux, le report à 2016 du dispositif pénibilité. Une « bonne nouvelle » que Gattaz avait alors vendue, mi-juin à sa base pour la calmer, notamment les petits patrons du BTP. Le 17 juin, lors de sa conférence de presse, le patron des patrons promettait donc tout sourire d’assurer « le succès de la phase deux du pacte de responsabilité élyséen ». Et scoop pour les partenaires sociaux, « de ne plus chercher à passer en force sur les sujets qui fâchent. » Tous les signaux étaient au vert…
 
Cependant, quelques jours plus tard, en découvrant que les premiers décrets rédigés par Marisol Touraine ne respectaient pas à son sens, la parole élyséenne et que les chefs d’entreprises devraient d’ici à la fin de l’année, répertorier toutes les tâches pénibles imposées à leurs employés, Gattaz sortait de ses gonds. « Non seulement on s’est senti floué, mais nombre de petits patrons ne disposent pas des logiciels permettant cette collecte. » rugit-t-on, avenue Bosquet, au siège du Medef. D’où ce grand cirque : une tribune du patronat uni dans le JDD et la menace de boycotter la Conférence sociale…
 
Voilà pour le zig. Le zag, c’est que ce sont désormais les syndicats de salariés qui se sentent bernés d’être ainsi traités. « Il suffit que le patronat éternue pour que le gouvernement lui apporte la boîte de mouchoirs, s’est insurgé ce matin sur France inter, Jean-Claude Mailly le secrétaire général de Force ouvrière. Qu’on ne nous parle pas de dialogue, moi j’appelle cela du diktat social. » Cet après-midi, Laurent Berger, le secrétaire général de la CFDT monte au filet dans le Monde, en qualifiant l’interview de Manuel Valls dans les Echos  annonçant le report, de « rupture dans le dialogue social » et l’accuse « d’avoir fait une erreur. » en cédant au « lobbying » patronal.  « Si cette “usine à gaz” de la pénibilité est difficile à mettre en œuvre comme s’en plaint le patronat, c’est entièrement de sa faute, tacle pour sa part Gérard Rodriguez, conseiller fédéral de la CGT. Car il s’est refusé, comme nous le souhaitions, à définir plus simplement une pénibilité par métier, de peur de payer plus. »
 
Bref après un tel pataquès, les débats de la conférence sociale risquent les 7 et 8 juillet d’être glaçants. D’autant qu’ils doivent aborder les sujets épineux de la simplification du code du travail et de l’évolution des seuils sociaux permettant aux salariés d’avoir des représentants. Le quinquennat de François Hollande, lui, lesté de 5,3 millions d’inscrits à Pôle emploi, soit l’équivalent de la population active de la Bretagne, de la Normandie et des Pays-de-la-Loire, est à son heure de vérité.


(1) Les critères de pénibilité reportés (températures extrêmes, risques chimiques, manutentions manuelles, vibrations) sont ceux qui concernent le plus grand nombre. Du fait du report, les salariés proches de la retraite, se retrouvent exclus du dispositif pénibilité.

 

 

 

Source : www.marianne.net

 

 

 

 

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2 juillet 2014 3 02 /07 /juillet /2014 21:25

 

 

Source : 2014.rmll.info

 

 

Rencontres Mondiales du Logiciel Libre 2014 à Montpellier (5-11
juillet)

 

Les RMLL sont un cycle non commercial de conférences, tables rondes et ateliers pratiques autour du Logiciel Libre et de ses usages. L’objectif est de fournir un lieu d’échanges entre utilisateurs, développeurs et acteurs du Logiciel Libre. Osez !

En 2014, les RMLL font leur retour en France, à Montpellier !

Bienvenue aux 15èmes Rencontres Mondiales du Logiciel Libre !

Week-end grand public - 5 et 6 juillet 2014 - Esplanade Charles de Gaulle

Les RMLL s’installent pour le week-end en plein centre ville de Montpellier, à proximité de la place de la Comédie...

Semaine à l’université - du 7 au 11 juillet 2014 - Campus UM2

...Et continuent la semaine à l’université avec les conférences, ateliers, tables rondes, Village du Libre, install party !

 

Brèves

  • Interview d’Ange Albertini ("Joue avec la crypto")

    2 juillet

    RMLL : Peux-tu te présenter au public des RMLL en quelques phrases ? Ange Albertini : Je suis reverser depuis pas mal d’années, et je partage librement mes trouvailles et mes créations sur mon site Corkami.com. Entre autre, j’y traite de formats de fichiers, avec beaucoup d’exemples fait main (...)

  • Pour les RMLL, le DIY sort de son garage !

    25 juin

    Cette année à Montpellier, ne manquez-pas le thème DIY - Do It Yourself : Fais-le toi-même !
    Pour la première fois présent aux RMLL, le thème DIY permettra à tout un chacun d’assister à des conférences et ateliers divers et variés, avec des moyens à portée de tous et réalisables aussi à la maison. Brasser (...)

 

Source : 2014.rmll.info

 

 

 


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2 juillet 2014 3 02 /07 /juillet /2014 21:10

 

Source : rue89.nouvelobs.com

 

Observatoire des inégalités 02/07/2014 à 12h00
Citoyens, que feriez-vous avec 46 milliards d’euros ?

 

 

 

Observatoire des inégalités"
Louis Maurin | Observatoire des inégalités
 

Le gouvernement a choisi de réduire les prélèvements. La baisse atteindra 46 milliards d’euros chaque année à partir de 2017.

Cette somme aurait pu servir à autre chose. Que feriez-vous avec 46 milliards d’euros à dépenser pour la collectivité ? Baisser les cotisations des entreprises et les impôts des ménages, comme le gouvernement l’a décidé ? Ou créer des places de crèche, des commissariats de quartier, des logements sociaux, un minimum social pour les jeunes ?

L’Observatoire des inégalités a mis au point un évaluateur des dépenses publiques qui vous permet d’évaluer le coût de mesures qui auraient pu contribuer à moderniser notre pays. Allez tester notre évaluateur en cliquant sur l’image ci-dessous.

 

image

1 Avec 46 milliards d’euros, il était possible de répondre à des besoins concrets

 

Les 46 milliards de baisse de prélèvements par année (à partir de 2017) auraient permis d’accorder, par exemple :

  • un minimum social de 500 euros par mois à 200 000 jeunes (1,2 milliard),
  • de rénover et construire chaque année 100 000 logements sociaux (3 milliards),
  • d’ouvrir 200 000 nouvelles places de crèche supplémentaires pour 4 milliards d’euros,
  • de créer 300 commissariats dans les quartiers sensibles pour environ 1 milliard d’euros,
  • d’allouer un chèque autonomie de 500 euros mensuels à 500 000 personnes âgées démunies (3 milliards),
  • de créer 200 000 emplois d’aides éducative en milieu scolaire (5 milliards),
  • de proposer un chèque loisirs-culture de 350 euros par an à 14 millions de jeunes de moins de 20 ans (4,8 milliards),
  • de créer 200 000 emplois d’utilité publique par an (4 milliards),
  • de rendre accessibles les bâtiments publics aux personnes à mobilité réduite (2 milliards pour une année),
  • ou encore de rénover 6 000 places de prison par an (1 milliard)....

(Pour plus de détails, reportez-vous à notre note méthodologique.)

Nous aurions pu allonger la liste des urgences
Making of
Nos amis de l’Observatoire des inégalités nous ont proposé de reprendre cet article, qu’ils publient en même temps sur leur site. Rue89

Cet inventaire à la Prévert a un côté absurde. Il ne s’agira jamais de faire tout cela en même temps, même si, potentiellement, ce serait envisageable. Il montre simplement l’univers du possible, très large.

Nous aurions aussi pu allonger la liste des urgences. Chiffrer des écoles de la deuxième chance, des murs antibruit, des financements pour les énergies renouvelables, des bourses pour les étudiants, des tablettes pour les écoliers, le remboursement de certains soins coûteux comme les prothèses dentaires, etc.

Parmi toutes ces mesures (dont nous avons largement surestimé les coûts) proposées dans notre outil, rares sont celles qui ne dépassent pas le clivage politique gauche/droite. Toutes ou presque sont considérées comme des urgences. Les deux bords politiques reconnaissent :

  • que nos prisons sont dans un état indigne,
  • que l’on manque de policiers dans les cités où le trafic de drogue se développe,
  • qu’une partie des personnes âgées aux faibles revenus finissent leur vie dans des conditions indignes.

En même temps, nous avons délibérément limité nos mesures aux besoins sociaux de la population.

Logique comptable et a priori idéologique

Nous aurions pu aussi envisager un volet destiné au soutien des entreprises à la création d’emplois.

  • Par exemple un fonds de 10 milliards d’euros par an destiné à soutenir la recherche, le développement, ou les nouvelles technologies.
  • Pourquoi pas, pour encourager l’envie d’entreprendre, un fonds de garantie pour la création d’entreprise ?

L’impact serait bien plus fort que la réduction de cotisations sociales qui va aussi bien nourrir les multinationales les plus profitables que les PME qui se débattent.

Notre évaluateur des dépenses publiques est destiné à susciter un débat sur les services publics et leurs rôles, sur les besoins collectifs. Ce qui frappe avant tout, c’est l’absence de réflexion collective sur ce sujet, remplacée par une logique comptable qui part de l’a priori idéologique (et médiatiquement entretenu) que les prélèvements sont trop élevés en France. Nombreux sont ceux qui intègrent l’idée que l’Etat n’a plus d’argent dans les caisses, alors qu’en même temps il se prive d’une somme qui représente l’équivalent du budget de l’enseignement primaire et secondaire.

2 Des emplois utiles pour beaucoup moins cher

 

L’argument mis en avant par les partisans de la baisse des cotisations des entreprises est la création d’emplois, la contrepartie du « pacte de responsabilité ». Selon Valérie Rabault, rapporteure socialiste du Budget, les mesures de baisses de prélèvements auraient pour effet de créer 190 000 emplois à l’horizon 2017. 40 des 46,6 milliards prévus sont destinés aux entreprises. Chaque emploi coûterait donc 216 000 euros, soit un salaire de 18 000 euros par mois, environ 9 000 euros net sans les cotisations patronales et salariales (chiffre obtenu en divisant le coût de la baisse des charges, 40 milliards par an en 2017 par 190 000 emplois créés). Même si l’effet était deux fois plus important, la dépense n’aurait aucun sens.

Heureusement, le coût net ne sera pas si élevé. Ces emplois entraînent de l’activité, donc des recettes fiscales. Le chiffrage n’a de sens qu’en comparaison avec d’autres options en matière de création d’emplois. Par exemple, subventionner 200 0000 emplois associatifs à hauteur de 20 000 euros annuels par emploi (beaucoup d’associations en créent avec bien moins) dans l’humanitaire, l’environnement, l’action caritative, la culture, le soutien scolaire ou dans d’autres domaines jugés d’utilité publique, coûterait 4 milliards, moins de dix fois le manque à gagner du pacte de responsabilité.

Dans notre évaluateur des dépenses publiques, nos 200 000 emplois d’aides éducative coûtent 5 milliards. Et eux aussi entraînent de l’activité, donc un coût net bien moins grand. La comparaison est sans appel.

L’impact des baisses de dépenses

Le gouvernement prévoit 50 milliards de baisses de dépenses par an d’ici 2017. L’impact économique de cette décision dépend du type de dépense.

  • S’il s’agit de prestations sociales, qui bénéficient en grande partie aux plus modestes (beaucoup sont versées sous conditions de ressources), l’effet est fortement et rapidement négatif.
  • Si elles concernent les commandes publiques, l’effet va se répercuter sur l’activité des entreprises privées prestataires de services aux collectivités.
  • Si l’on réduit le nombre de fonctionnaires, il y aura une conséquence directe sur le nombre d’emplois global, un impact sur la croissance (les salaires de ces derniers alimentent l’activité), mais aussi sur les services rendus (moins de sécurité dans les rues, plus d’élèves par classe, etc.).

Au total, selon les prévisions du ministère des Finances, citées par la rapporteure du Budget, le plan de réduction des dépenses de 50 milliards devrait détruire 250 000 emplois à l’horizon 2017.

 

Pour autant, dépenser pour dépenser n’a pas plus de sens que la réduction des prélèvements. Ce n’est pas l’effort budgétaire lui-même qui est en cause. L’endettement et le niveau du déficit public ne sont pas les seuls ni même les principales raisons pour lesquelles il faut réduire les dépenses (montant du déficit public 2013 : 88,2 milliards ; montant de la dette publique fin 2013 : 1,9 milliard ; source : Insee).

Celles-ci sont prélevées dans le porte-monnaie de chaque citoyen, qui ne peut l’accepter que si elles servent l’intérêt général et qu’elles ont une utilité sociale démontrée. La réduction des dépenses inutiles (chasse aux niches fiscales et à la fraude, services publics en doublon, coûts surévalués des commandes publiques, dépenses militaires, etc.) doit permettre de répondre à des nouveaux besoins, à moderniser l’action de l’Etat.

3 Comment en est-on arrivé là ?

 

Il est difficile de répondre à cette question. Il faut comprendre comment le Parti socialiste s’est converti aux baisses d’impôts à partir de la fin des années 80.

Gauche et « dépensolâtres »

En 1999, Laurent Fabius, alors ministre des Finances, raillait déjà les « dépensolâtres », pour défendre les baisses d’impôts.

 

La gauche économique moderne et influente est celle de la politique de l’offre (voir encadre). Elle ne craint pas de remettre en cause les « tabous », nouveau nom des « acquis sociaux ». Elle utilise une comparaison des dépenses publiques en Europe totalement biaisée, notamment parce qu’en France les retraites sont pour l’essentiel financées par les prélèvements obligatoires alors qu’ailleurs les prélèvements privés sont plus développés.

De nombreux facteurs jouent, de l’emprise de la société de communication (médias, sondeurs, etc.) sur le Parti socialiste – comme bien entendu les autres partis –, à la proximité entre ses dirigeants et les élites du pouvoir, en passant par la sociologie des militants.

La difficulté actuelle n’est pas propre à la gauche

Les baisses d’impôts qui ont eu lieu de 2000 à 2009 ont coûté au moins 80 milliards, selon le rapporteur du Budget UMP de l’époque Gilles Carrez (voir aussi « Que faire de la dette ? », collectif pour un audit citoyen de la dette publique, mai 2014). Elles n’ont jamais relancé l’activité et l’emploi et pourtant, on recommence.

A partir de 2010, les gouvernements se sont résolus à augmenter les impôts devant l’ampleur des déficits. Une partie des baisses antérieures ont été annulées. Les prélèvements ont augmenté de 65 milliards entre 2011 et 2013. C’était de trop.

A partir de l’été 2013, le ministre de l’Economie Pierre Moscovici lui-même lance la thèse d’un « ras-le-bol fiscal », qui sera ensuite largement relayée en utilisant des sondages sans valeur ce qui constitue une tactique ancienne.

La difficulté actuelle n’est pas propre à la gauche. Quelques-uns à droite, surpris par le revirement du Parti socialiste se lancent dans la surenchère : toujours plus de baisses d’impôts, toujours moins de dépenses publiques. Ces politiques ne peuvent se faire qu’au détriment des catégories populaires, celles là même qui paient les conséquences de la crise et le font savoir dans les urnes. Plutôt que d’alimenter le vote extrême en se livrant à la démagogie, de droite comme de gauche, conservateurs ou progressistes, chacun des camps ferait mieux de réfléchir aux besoins de la population et à la façon d’y répondre.

 

Combien vont coûter les baisses d’impôts ?

Le coût des baisses de prélèvements, 46,6 milliards d’euros, est un montant annuel, une fois que toutes les mesures entrent en activité, c’est-à-dire en 2017. Contrairement à ce que beaucoup pensent, il ne s’agit pas d’un montant à étaler sur quatre années, de 2014 à 2017. Une baisse de cotisations entraîne un coût supplémentaire sur une année donnée qui se maintient l’année suivante, sauf à revenir en arrière en augmentant à nouveau les taux. 11,6 milliards de pertes de recettes sont prévues dès 2014, 29 milliards en 2015 et 40 milliards en 2016. De 2014 à 2017, la collectivité aura perdu 128 milliards d’euros (la somme cumulée de chaque année).

Economiquement, le coût pour la collectivité n’est pas aussi élevé. Les diminutions de prélèvements vont accroître l’activité, ce qui va faire entrer de l’argent dans les caisses de l’Etat. Le coût réel dépend de ce que les économistes appellent l’effet « multiplicateur ». Le coût brut n’a d’intérêt qu’en comparaison des dépenses qui auraient pu être effectuées à la place, dont nous donnons quelques exemples dans notre outil, qui elles aussi auraient un impact. Du point de vue de la conjoncture, les économistes s’accordent pour dire qu’une hausse de dépenses a un effet supérieur à une baisse de prélèvements, dont une partie est directement épargnée. A long terme, la différence se fait dans la nature des activités. Une dépense publique doit répondre à un besoin collectif réel, sinon elle stérilise une partie de la croissance économique.

 

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2 juillet 2014 3 02 /07 /juillet /2014 21:09

 

Source : www.mediapart.fr

 

Les inégalités se creusent de manière vertigineuse

|  Par Laurent Mauduit

 

 

 

Selon l'Insee, les inégalités ont atteint en 2011 « leur plus haut niveau enregistré depuis 1996 ». L'année a été exceptionnellement faste pour les hauts revenus, tandis que la pauvreté a touché 8,7 millions de personnes, un niveau historique. Les priorités retenues par François Hollande risquent d'aggraver encore plus ces fractures sociales.

Dans le contexte politique et social délétère dans lequel baigne la France, c’est une étude importante que publie ce mercredi l’Institut national de la statistique et des études économiques (Insee). Selon l’édition 2014 de son enquête sur Les revenus et le patrimoine des ménages, les inégalités ont atteint en 2011 en France des niveaux sans précédent depuis 1996. Si le niveau de vie médian des Français est resté étale, celui des Français les plus riches a fortement augmenté, tandis que celui des plus modestes s’est effondré, contribuant à une envolée du nombre de pauvres. Ce constat constitue un véritable réquisitoire contre la politique économique française, celle conduite durant le quinquennat de Nicolas Sarkozy, mais tout autant celle impulsée depuis par François Hollande.

La publication par l’Insee de cette enquête éclairante suscite, certes, chaque année la même déception. Alors que l’on aimerait naturellement connaître en temps réel les évolutions des revenus et de patrimoine, l’institut révèle ses diagnostics avec trois ans de retard. Dans le cas présent : le diagnostic de l’Insee porte sur 2011. Mais c’est le prix à payer pour disposer d’un étude méticuleuse et indiscutable. Car le seul moyen fiable pour disposer de ce genre de diagnostic, c’est d’exploiter les résultats de la traditionnelle enquête sur les revenus fiscaux et sociaux des Français. Or, pour cela, il faut beaucoup de temps pour que les données soient accessibles, puis interprétées.

Ce long délai ne change pourtant pas grand-chose. Car en vérité, ce sont des évolutions graves que révèle l’Insee. Et de nombreux indices laissent à penser que ces évolutions se sont sans doute encore accentuées depuis 2011.

Pour commencer, voici donc cette étude de l’Insee. Il est possible de la télécharger ici ou de la consulter ci-dessous.

Le premier constat que dresse l’Insee peut faire illusion. Il fait en effet apparaître pour 2011 que « le niveau de vie médian de la population est stable en euros constants par rapport à 2010, après avoir baissé l’année précédente (– 0,5 % entre 2009 et 2010) ». Concrètement, ce niveau de vie médian a été de 19 550 euros en 2011, soit 1 630 euros par mois. Ce qui veut donc dire que 50 % des Français ont eu un niveau de vie supérieur, et 50 % un niveau de vie inférieur.

Cette donnée offre une première mesure de l’état social de la France : si la moitié des Français a disposé cette année-là d’un niveau de vie inférieur à 1 630 euros par mois, c’est bel et bien que les fractures sociales du pays sont béantes.

Des inégalités sans précédent depuis 1996

Mais il y a plus grave. Cette stabilité apparente des niveaux de vie recouvre en fait un fort creusement des inégalités, avec une envolée des hauts revenus et une régression sensible des niveaux de vie des plus modestes. Le tableau ci-dessous donne la mesure de ce creusement des inégalités :

                          (Cliquer pour agrandir le tableau)

Dans ce tableau, on retrouve le niveau de vie médian des Français de 19 550 euros en 2010 comme en 2011 (arrondi dans le tableau à 19 600 euros). Mais on y découvre aussi que pour les 10 % des Français les plus modestes (le premier décile de niveau de vie) le niveau de vie a reculé de 10 600 euros en 2010 à 10 500 euros en 2011 (soit 875 euros par mois), tandis que pour les 10 % des Français les plus favorisés, le niveau a fait dans le même temps un bond de 36 700 euros à 37 500 euros (soit 3 125 euros par mois).

Ce creusement des inégalités est un phénomène massif, qui ne concerne pas que les plus riches ou les plus pauvres. L’Insee donne de ce point de vue des chiffres impressionnants : « La situation continue de se dégrader pour la moitié inférieure de la distribution des niveaux de vie, tandis qu’elle s’améliore dans la moitié supérieure. Les quatre premiers déciles de niveau de vie diminuent en euros constants, entre – 0,2 % et – 0,8 % selon le décile, bien que la diminution soit moins forte qu’en 2010. À l’inverse, les quatre derniers déciles de niveau de vie augmentent, entre + 0,1 % et + 0,8 %, et même + 2,2 % pour le neuvième décile. »

Et l’Insee en vient à cette première conclusion, qui donne la tonalité de toute cette étude : « Compte tenu de ces évolutions différenciées le long de l’échelle des niveaux de vie, la plupart des indicateurs montrent une progression des inégalités et atteignent leur plus haut niveau enregistré depuis 1996. Ainsi, le rapport entre le premier décile, niveau de vie plafond des 10 % les plus modestes, et le neuvième décile, niveau de vie plancher des 10 % les plus aisés, continue de croître, passant de 3,5 en 2010 à 3,6 en 2011. »

Des inégalités qui ont atteint « leur plus haut niveau enregistré depuis 1996 » : voilà effectivement un constat qui en dit long sur la situation sociale française.

Si le creusement des inégalités est un phénomène massif et affecte dans un sens ou dans l’autre toutes les couches de la population, il n’en est pas moins vrai que la tendance prend des proportions spectaculaires aux deux extrémités de l’échelle sociale, avec une progression sensible des très hauts revenus et une envolée de la pauvreté.

Pour les plus riches, voici le constat impressionnant que dresse l’Insee : « Le redressement des très hauts revenus enregistré en 2010 se poursuit en 2011. Le dernier centile de revenu déclaré par unité de consommation progresse de 1,9 % en euros constants après une progression de 1,5 % en 2010. Le dernier millile (le seuil où on devient très aisé) et le dernier dix-millile (le seuil où on entre dans la catégorie des plus aisés) progressent à des rythmes plus soutenus (+ 4,8 % et + 8,0 %, après + 5,6 % et + 11,2 % en 2010). Ainsi, sur la période 2004-2011 couverte par ces données, la crise qui débute en 2008 n’a interrompu que momentanément le dynamisme des très hauts revenus. Sur l’ensemble de cette période, le dernier centile progresse de 1,6 % en moyenne par an, le dernier millile de 3,0 %, contre + 1,1 % par an pour la médiane des revenus déclaré par unité de consommation. »

Le tableau ci-dessous résume ces évolutions très favorables que les plus hauts revenus ont connues durant cette période allant de 2004 à 2011.

                                                (Cliquer pour agrandir le graphique)

Et si les hauts revenus ont connu une année 2011 particulièrement faste, la raison en est simple : « Au niveau macroéconomique, 2011 est une année de rebond des revenus financiers, après deux années de recul : la rémunération des produits de placements se redresse très fortement (+ 18,4 % en 2011 contre – 23,5 % en 2010), en lien avec la remontée des taux d’intérêt, les dividendes perçus par les ménages sont également très dynamiques avec une progression de + 10,3 % (contre – 1,7 % en 2010). Les revenus d’assurance-vie diminuent en revanche de 4,3 %. Or le patrimoine des ménages est très concentré au sein de la population. Les derniers résultats de l’enquête Patrimoine 2010 montraient que, fin 2009, près de 20 % du patrimoine net était détenu par le pourcent de ménages les plus fortunés. »

Un autre tableau, extrait des annexes de cette étude, montre de manière encore plus criante la très forte envolée des très hauts revenus. Le voici :

                                      (Cliquer pour agrandir le tableau)

Ce tableau fait ainsi apparaître la hausse hallucinante des revenus des Français figurant parmi le 1 pour 1000 les plus favorisés : en euros constants, ils disposaient au moins 567 700 euros de revenus en 2004 et cette somme est passée à 810 700 euros en 2011. Époque bénie, s’il en est, pour les plus riches…

Vers les 10 millions de pauvres

Et à l’autre extrémité de l’échelle, c’est la pauvreté qui a encore gagné du terrain. « À l’opposé des très hauts revenus, qui ont rebondi dès 2010, les niveaux de vie des plus modestes (le premier décile) diminuent en euros constants en 2011 pour la troisième année consécutive. En 2011, le taux de pauvreté continue d’augmenter (+ 0,3 point) mais à un rythme plus modéré qu’en 2009 et 2010 (+0,5 point ces deux années), pour s’établir à 14,3 % de la population totale. 8,7 millions de personnes vivent en dessous du seuil de pauvreté monétaire en 2011 (977 euros par mois) », constate l’Insee.

Par convention, les économistes classent le plus souvent comme « pauvres », les populations dont le niveau de vie est inférieur à 60 % du niveau de vie médian. Du même coup, le niveau de vie médian étant de 1 630 euros par mois, sont donc classés comme pauvres tous les Français dont le niveau de vie est inférieur à 60 % de ce montant, soit ces 977 euros évoqués par l’Insee.

Or, dans une annexe à cette étude, l’Insee établit à quel point la pauvreté ne cesse de gagner du terrain, comme le montre le tableau ci-dessous :

                                       (Cliquer pour agrandir le tableau)

Les évolutions sur longue période sont difficiles à interpréter car, à partir du début de 2010, l’Insee a modifié son mode de calcul des revenus financiers. Ce tableau fait tout de même apparaître qu’en 2011, la France comptait précisément 8 729 000 pauvres, soit 209 000 pauvres en plus en une seule année. Ce niveau de 8 729 000 pauvres constitue un triste record historique.

Sur les avancées de la pauvreté, l’Insee apporte ces précisions : « 11,9 % des personnes vivant sous le seuil de pauvreté sont des chômeurs, mais leur nombre progresse fortement. Les chômeurs contribuent pour près de la moitié à l’augmentation du taux de pauvreté en 2011, si bien que leur taux de pauvreté augmente de plus de trois points, passant de 35,8 % en 2010 à 38,9 % en 2011 (figure 7). L’autre catégorie très touchée en 2011 est celle des salariés, dont le taux de pauvreté augmente de 0,6 point, de 6,3 % en 2010 à 6,9 % en 2011. C’est évidemment beaucoup plus faible que pour les chômeurs, mais une hausse du taux de personnes pauvres parmi les salariés n’avait pas été enregistrée depuis 2007. Elle s’explique par une quasi-stabilité des bas salaires en euros constants et même une baisse de 0,3 % du Smic horaire brut en moyenne annuelle. Compte tenu du poids des salariés dans la population, cette évolution contribue également fortement à la progression du nombre de personnes pauvres parmi les personnes de 18 ans ou plus en 2011. »

Ces chiffres constituent donc bel et bien un réquisitoire de la politique économique inégalitaire conduite sous Nicolas Sarkozy, car ils mettent en évidence que la crise qui commence en 2007 n’est pour pas grand-chose dans ce creusement des inégalités. Ce creusement, c’est d’abord la conséquence de la politique impulsée par le bien nommé « président des riches » : ce sont les pauvres qui ont servi de variable d’ajustement à la crise, tandis que les plus fortunés ont été aidés par la cascade de mesures dont on se souvient : bouclier fiscal, démantèlement partiel de l’impôt de solidarité sur la fortune (ISF) et des droits de succession.

Mais il ne fait guère de doute que ce creusement des inégalités relevé par l’Insee pour 2011 s’est poursuivi et même accéléré depuis 2012. Plusieurs facteurs ne laissent aucun doute sur le sujet. D’abord, on sait que le pouvoir d’achat des ménages a connu en 2012 et 2013 des baisses historiques, sans précédent depuis 1984. De surcroît, la hausse du chômage n’a cessé de s’accélérer, pour atteindre actuellement des niveaux historiques en France, de l’ordre de 10,1 % de la population active.

Enfin, et surtout, François Hollande n’a changé en rien les priorités de la politique économique française. Conduisant une politique favorable aux plus hauts revenus (dont le symbole est le non-rétablissement de l’ISF dans sa configuration ancienne), et une politique défavorable aux plus bas revenus (dont le symbole est le refus d’accorder le moindre coup de pouce au Smic), l’actuel gouvernement a, lui aussi, fait le choix d’un creusement des inégalités. On apprendra donc sans doute d’ici trois ans par l’Insee qu’en 2014, la France dirigée par les socialistes était en chemin vers les 10 millions de pauvres.

Et le pire, c’est qu’il n’est même pas certain que les dirigeants socialistes aient pris la mesure du séisme social – et de la colère radicale – que cette politique alimente dans le pays. Le 27 juin 2014, le chômage a ainsi atteint en France un nouveau record, et le premier secrétaire du Parti socialiste, Jean-Christophe Cambadélis, a eu l’impudeur, ce jour-là, sur i>Télé, de minimiser la gravité du drame social, en lâchant ce commentaire : « Je crois que c'est un mauvais moment à passer et après nous aurons les conditions d'une croissance qui permettra, je l'espère, si ce n'est d'inverser, tout du moins de redémarrer du point de vue de l'emploi. »

Jean-Christophe Cambadélis n’a même pas dû penser, en prononçant ces mots terribles, ce qu’ils pouvaient avoir de révoltant. Un « mauvais moment à passer » ? Pour les 3,4 millions de Français qui sont recensés comme demandeurs d’emplois pour la seule catégorie A ; pour les 5,6 millions de chômeurs toutes catégories confondues ; pour les quelque 10 millions de pauvres que risque de connaître bientôt la France, c’est le genre de phrases désinvoltes et cyniques, prononcées périodiquement par des nantis, qui ont fait enfler depuis si longtemps dans le pays un sentiment irrépressible de colère radicale, dont le Front national fait son miel.

 

 

 

Source : www.mediapart.fr

 

 

 

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2 juillet 2014 3 02 /07 /juillet /2014 20:58

 

Source : www.mediapart.fr

 

Compte pénibilité : Manuel Valls «a cédé à l’ultimatum du Medef », selon la CFDT

|  Par La rédaction de Mediapart

 

 

 

La CFDT qualifie de « rupture en termes de dialogue social » l'annonce faite par le premier ministre d'un report partiel d'un an de l'entrée en vigueur du compte pénibilité.

Le premier ministre Manuel Valls a annoncé, dans une interview publiée mercredi 2 juillet par Les Echos, le report partiel à 2016 de l’entrée en vigueur du compte pénibilité, une mesure demandée par le patronat.

Dimanche, le président du Medef avait en effet menacé de boycotter la conférence sociale qui doit s’ouvrir le 7 juillet si le gouvernement ne reportait pas d’un an l’application de ce dispositif.

Le compte pénibilité avait été une des seules concessions accordées aux syndicats dans le cadre de la négociation sur la réforme des retraites. Il doit permettre aux salariés du secteur privé travaillant dans des conditions réduisant leur espérance de vie d’accumuler des points calculés en fonction d’une liste de dix facteurs de risques. Ces points pourront ensuite être utilisés pour travailler à temps partiel, suivre une formation, ou partir plus tôt à la retraite. L’ensemble du dispositif devait entrer en vigueur le 1er janvier 2015.

Mais face à la menace du Medef de boycotter la conférence sociale, Manuel Valls a décidé de céder. « L’année 2015 sera une année de montée en charge progressive. (…) L’objectif est d’aboutir à une généralisation en 2016, dans les meilleurs conditions », explique le chef du gouvernement aux Echos.

Selon le quotidien économique, le dispositif qui entrera en vigueur en janvier 2015 ne sera que partiel et ne tiendra compte que de quatre facteurs sur dix : le travail de nuit, le travail répétitif, le travail posté et le travail en hyperbare, c’est-à-dire dans des conditions de pression supérieures à la pression atmosphérique. L’exclusion des six autres facteurs va permettre à des secteurs entiers d’échapper à la mise en place du compte pénibilité. C’est notamment le cas du bâtiment qui aurait dû prendre en compte des facteurs tels que le port de charges lourdes ou les postures pénibles.

La CFDT, seul syndicat avec la CFTC à soutenir le pacte de responsabilité, a vivement réagi aux annonces de Manuel Valls, dénonçant « une rupture en termes de dialogue social ». « Le premier ministre a cédé à l’ultimatum du Medef qui n’accepte pas qu’on crée des droits pour les salariés », a déclaré au Monde le secrétaire général de la confédération Laurent Berger. « Ce report est inacceptable. A quatre jours de la conférence sociale, répondre à une menace du patronat, cela n’entre pas dans la conception de la démocratie sociale qu’a la CFDT. Le premier ministre fait une erreur. »

 

 

Source : www.mediapart.fr

 

 


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1 juillet 2014 2 01 /07 /juillet /2014 21:54

 

Source : blog.mondediplo.net

 

De Renzi à Stiglitz

Le rêve éveillé européiste

lundi 30 juin 2014, par Frédéric Lordon

C’est probablement d’avoir pris pareille raclée aux dernières élections européennes qui pousse irrésistiblement le parti européiste aux ultimes recours du rêve éveillé. En l’occurrence le rêve a une figure nouvelle, jeune et avenante, et puis aussi un nom : ceux de Matteo Renzi. Il n’avait d’ailleurs pas fallu vingt-quatre heures aux Déconfits pour se jeter sur cette providence inespérée, et célébrer en le président du conseil italien la preuve vivante et formelle que « Vrai (sic) leçon pour @fhollande : Matteo Renzi montre que les réformes et le courage politique payent » – évidemment c’est du Quatremer dans le texte, en date du 26 mai même, car le cri de joie n’attend pas, qui plus est en langue twitter, mais peu importe, il y a bien là comme le fond d’une pensée, et d’ailleurs en tous les sens du terme. Largement partagé au demeurant : tout ce que la presse compte de répétiteurs libéraux, c’est-à-dire à peu de choses près, toute la presse, s’est jeté sur le pauvre Italien comme sur un guérisseur thaumaturge. Comme toujours encouragés à bêler par les bêlements des autres, les éditorialistes en troupeau nous offrent une fois de plus un de ces concerts des alpages qui est devenu en soi l’index de l’inepte : « Renzi regonfle la gauche », assure Libération [1], il est « l’espoir de l’euro-gauche », certifie le Nouvel Observateur, à l’époque encore sous la direction éclairée de Laurent Joffrin [2]. Et les experts de service ne sont pas en reste, avec aussi peu d’imagination : Matteo Renzi est « le nouvel espoir de la gauche européenne » pour Marc Lazar [3] ; il a compris qu’il est « illusoire de demander à nos partenaires européens la mutualisation de la dette quand on donne la preuve de l’inaptitude à tenir nos engagements », soutient l’inénarrable triplette Aghion-Cette-Cohen, conseillers de l’actuel gouvernement de deuxième droite, et qui n’hésitent plus à parler comme la première, au cri de « Refusons les recettes usées de la gauche taxophile » [4] – cela, ils le refusent  : des résistants, en somme.

L’Europe rose – des éléphants ? Retour à la table des matières

Il ne faut pas davantage que la perspective d’un numéro de duettiste transalpin au sommet européen des 26-27 juin pour mettre en pâmoison l’euroland de gauche de droite. Libération, qui a très justement trouvé la voie du renouveau en se donnant un jeune directeur, voit avec l’acuité qu’on lui connaît tout à la fois « un axe Paris-Rome », un « plein virage politique [5] » et, car la gauche (de droite) façon Libération c’est aussi une touche d’humour et de poésie, « le rose qui pousse en Europe [6] ».

En kiosques mercredi : Raffaele Laudani, « Matteo Renzi, un certain goût pour la casse », Le Monde diplomatique, juillet 2014. Pour voir du rose, et probablement sous forme d’éléphants, il a sans doute fallu que la jeune direction de la rédaction médite longuement dans le Glennfidich, c’est du moins ce qu’on suppose puisqu’on ne saurait imaginer que les héritiers de Sartre et d’Hemingway carburent au Chateauneuf du Pape. On ne voit en tout cas pas d’autre hypothèse que celle des substances auxiliaires pour rendre compte d’une telle altération de la vision des couleurs et faire imaginer une Europe tournant à « gauche ». Il est vrai que la définition de la « gauche », commune au gouvernement et à sa presse ancillaire, est désormais telle que n’importe quel élément de droite y entre sans la moindre difficulté, congruence logique de la Droite complexée au pouvoir et d’éditorialistes qui n’ont jamais cessé de l’encourager au motif que la « gauche » n’est jamais si bien elle-même que lorsqu’elle est de droite. Et manifestement au point que les programmes d’ajustement structurel connus sous l’appellation de « réforme » passent désormais pour une démonstration de progressisme en marche.

Car voilà l’immense avancée et le grand troc qui signalent l’habileté stratégique de l’axe franco-italien : se soulager d’un peu d’austérité budgétaire contre promesse d’ajustement structurel – soit prendre la peste contre le choléra. En réalité le grand ripage était programmé depuis très longtemps, et comme une manière de remplacer une erreur par une autre, puisque c’est là le seul domaine ou l’Union européenne persévère. Car il était bien clair que la « coordination » – pour le pire – des politiques d’austérité à l’échelle européenne ne pouvait aboutir qu’à la contraction généralisée. Il aura fallu cependant faire droit quelques années à l’obsession orthodoxe pour que les résultats en soient expérimentalement tirés, et qu’on doive passer à autre chose… mais autre chose qui corrige un premier contresens macroéconomique par un second.

Si nous mettons nous-mêmes nos demandes internes en carafe, n’est-il pas brillant de faire tirer la croissance par nos demandes externes ? suggère « la réforme » avec ingénuité. Dans cet admirable mouvement de la pensée, les exportations sont censées palier les effets violacés de la suffocation austéritaire (organisée), puisqu’il ne se trouve plus grand monde pour croire aux vertus expansionnistes de la rigueur budgétaire – l’impérissable « rilance » de Christine Lagarde. S’il nous faut abandonner le terrain de la demande interne, délibérément mis en jachère, pour ne plus penser qu’au salut par les exportations, c’est que le moment de la compétitivité est venu. Donc celui de l’offre – en ses structures à « ajuster ».

Evidemment c’était beaucoup demander à nos géniaux stratèges que d’aller jusqu’à imaginer que, comme la « coordination » dans l’austérité est désastreuse à tous, la simultanéité dans l’ajustement structurel, elle, n’est d’aucun effet, du fait même que l’avantage compétitif est une notion relative, qui n’a de sens que par démarcation unilatérale – qu’on se rassure toutefois : quoique d’une totale inefficacité, tout ça n’est pas perdu pour tout le monde, et le MEDEF engrange au passage un lot de conquêtes inespérées.

Renzi et Hollande,
ou le destin commun de l’échec néolibéral Retour à la table des matières

C’est pourquoi la chromatique sous substance des éditorialistes de droite complexée s’y trompe à tous les coups, et voit en rose le décor d’une inaltérable couleur mouscaille de l’Union européenne. Il faut d’ailleurs avoir le wishful thinking libéral-européen chevillé au corps pour prendre au sérieux la thèse que le succès électoral de Renzi serait la juste sanction de sa politique éclairée, par là offerte en modèle à la « social-démocratie » européenne. La seule chose que Renzi ait pu produire en trois mois tient en quelques effets d’annonce, additionnés d’un état de grâce dont il faut sans doute le créditer de l’avoir entretenu avec talent.

Mais on ne sache pas que la « communication » ait l’effet de masquer durablement les effets réels des politiques réelles. Et l’on ne voit pas davantage quelle exception miraculeuse promettrait celles de Renzi à un autre destin que celui des politiques identiques déjà engagées ailleurs : elles sont néolibérales et elles échoueront. L’éditorialisme réuni peut donc bien se jeter sur Renzi dans la nuit même qui suit le scrutin européen, c’est une ruée qui transpire plus l’angoisse que l’analyse, et dont on peut déjà prédire ce qu’il en restera à échéance de douze ou dix-huit mois, quand la macroéconomie aura fait son travail : rien.

Quant au Grand Bargain qui nourrit les rêves en couleur de la deuxième droite, il appelle lui aussi une généreuse distribution de bicarbonate. C’est qu’il faut d’abord avoir l’euphorie débridée jusqu’à l’aveuglement pour imaginer que, contre les promesses de l’ajustement structurel – de toute manière déjà intégrées dans le six-pack [7] ! –, l’Allemagne acceptera de céder quoi que ce soit de significatif sur les principes d’orthodoxie financière qui sont toute sa vie – et le pistolet sur la tempe dont elle a assorti sa participation à l’euro.

Supposé même qu’un rapport de force exceptionnellement favorable l’y plie si peu que ce soit (ce dont par parenthèse le sommet européen des 26-27 juin atteste qu’on n’en prend pas le chemin), on peut compter sur la BCE, comme elle l’a déjà fait par le passé, pour entrer dans le jeu et y rectifier le tir. Moins d’ailleurs par la menace d’une hausse directe des taux d’intérêt – quoiqu’elle sache très bien faire si besoin est – que par le pouvoir tout aussi efficace de la parole, quand c’est celle du banquier central, parole qui prend à témoin les marchés financiers et emmène avec elle les investisseurs dans l’expression de son dissentiment – à ceci près que ces derniers ont leur manière bien à eux de l’exprimer : mouvements de vente spéculatifs et réouverture des spreads sur les taux souverains. A l’époque de la libéralisation des marchés de capitaux, c’est là la manière oblique, indirecte, et spécialement hypocrite de faire de la politique monétaire sans en avoir l’air : pour ainsi dire par délégation, et en induisant, par le simple jeu de la parole ajustée, les investisseurs à faire le boulot dont la banque centrale veut garder les mains propres. Directement opérée ou indirectement induite, la hausse des taux est donc la prévisible représaille à toute incartade financière – et la banque centrale a juste à ouvrir la bouche pour faire connaître aux gouvernements où se trouve exactement le curseur du rapport de force entre eux et elle.

Même dans l’hypothèse la plus favorable, de celles qui, entre le bon vouloir allemand et la débonnaire tolérance de la BCE, supposent tout de même d’improbables alignements de planètes, on se demande bien ce que l’axe rose peut vraiment espérer au-delà de quelques concessions d’interprétation quant au rythme de l’ajustement budgétaire, variations de second ordre, par définition impropres à modifier les données de premier ordre qui font la camisole de la conjoncture économique présente. Ah si ! On parlera à loisir d’ambitieux programmes d’investissements, d’infrastructures et de société de l’information, c’est-à-dire de l’habituelle verroterie qui permet à François Hollande de revenir à Paris avec le sourire demi-niais de celui qui, à défaut de la moindre victoire sur les choses, a décroché le lot de consolation sur les mots, et fait croire qu’avoir réussi à dire « croissance », parfois même à l’avoir fait écrire, est une sorte de triomphe – occasion par là même d’extasier ses éditorialistes, qui n’ont pas besoin de tant pour annoncer des réorientations stratégiques, des tournants majeurs, et du rose, toujours plus de rose, une vague de rose et d’espérance pour l’Europe.

L’européisme savant mal réveillé Retour à la table des matières

Autant le dire tout de suite, l’européisme savant a en partage les mêmes propensions au rêve éveillé que l’européisme éditorial – et il ne faut pas compter sur le premier pour dessiller le second. En vérité, dans le camp du Bien, la fraction experte-universitaire n’a fini par sortir de la torpeur que brutalement réveillée par le bruit du fracas, pour s’aviser que la chose chérie était en train de partir en morceaux. Même la maison Rosanvallon est aux cent coups – disons aux cinquante… –, et l’on consent à y dire que tout, dans la construction européenne, n’a pas toujours été parfait. Daniel Cohen, qui est bien du genre à n’avoir pas froid aux yeux, est même allé jusqu’à insinuer que le ver était dans le fruit dès le début, et la malfaçon pour ainsi dire d’origine [8] – que ne nous en avait-il avertis plus tôt ? Heureusement, un calme précaire flottant sur la zone euro, il est revenu à de meilleurs sentiments et pense maintenant que « l’euro a été victime de son succès [9] » – on ne voit pas, en effet, de quoi d’autre une construction si brillante aurait pu être victime.

Il n’empêche, on sent bien qu’il ne suffit plus de soutenir, pourtant avec une grande finesse comme Jean-Marie Colombani, que « la France du refus de l’euro, c’est la France du repli identitaire, la France du rejet de l’autre aussi bien l’immigré que l’Européen, l’Arabe ou le Juif […], la France de Vichy [10] ». Aussi les intellectuels organiques de la construction européenne ont-ils maintenant conscience que les deux registres habituels du discours européiste – la célébration du triomphe de la paix et la stigmatisation des partisans des miradors – sont nettement entrés dans la zone des rendements décroissants, et qu’il est temps de proposer autre chose – du « positif » !

Evidemment, les sommeils dogmatiques trop brutalement interrompus, les bouches pâteuses et les neurones qui poissent ne sont pas propices aux envols immédiats de la pensée. C’est pourquoi les appels légèrement angoissés lancés par des collectifs de toutes sortes, fraîchement réveillés, – Glienicke en Allemagne, en France le groupe Eiffel, l’appel dit « Rosanvallon-Piketty » – sont voués à passer à côté de la plupart des problèmes centraux – fondamentalement politiques –, ou à croire que les solutions techniques, d’économistes, par exemple les eurobonds ou une union bancaire, pourraient leur tenir lieu de réponses. Regrettablement, une récente tribune de Joseph Stiglitz [11], qui ne fait pourtant pas partie des gens qui ont trop roupillé depuis quinze ans, offre un concentré des impasses et des insuffisances où les amis de l’euro, chef d’œuvre en péril, ont placé leurs derniers espoirs.

Les faux-semblants de l’union bancaire Retour à la table des matières

Dans ce catalogue d’« une autre politique pour l’euro », même la quincaillerie technique est branlante. A commencer par la « véritable union bancaire, avec une surveillance commune, une assurance-dépôt commune et une résolution commune [12] ». Sans surprise les moindres progrès de l’union bancaire ont été accueillis comme autant d’attestations de l’Europe en marche, et le vote au Parlement de la directive ad hoc comme un triomphe historique. L’union bancaire : la réponse à la crise financière, la preuve même que l’Europe médite les leçons de l’histoire et se dresse contre la finance.

Malheureusement l’union bancaire européenne est à l’image exacte de tous les avortons de re-régulation financière qui n’approfondissent que l’art du passage de la serpillière sans jamais manifester la moindre velléité de toucher aux canalisations – en d’autres termes : pas un de ces projets n’a quelque ambition de prévenir la survenue de nouvelles crises financières, simplement celle de tenter d’en absorber un peu moins mal les effets. Et pour cause : si vraiment on voulait tenir avec conséquence la leçon de 2007-2008, dont il faut tout de même rappeler qu’il y est allé de la possibilité d’un effondrement total du système financier international et, partant, d’un cataclysme tel que la Grande Dépression grecque, par exemple, n’est en comparaison qu’une insignifiante fluctuation, si donc on avait voulu tenir ce point avec conséquence, il aurait fallu s’en prendre directement, et brutalement, aux structures mêmes de la libéralisation financière et du système bancaire [13]. Mais il aurait fallu un miracle pour qu’une telle volonté vînt à se former, au degré de corruption et de colonisation par les intérêts de la finance que connaissent désormais les appareils d’Etat, personnel politique et hauts fonctionnaires mêlés.

Prévenir, et non pas éponger, les crises financières :
pour des taux d’intérêt dédoublés Retour à la table des matières

La démission totale en cette matière, dont le cas Hollande n’a réussi qu’à être la plus visible et, il faut bien le dire, la plus grotesque illustration, ne laisse d’autre alternative que de réfléchir à la forme du balai de pont si jamais une nouvelle vague de boue venait à déferler… et à prier en fait qu’elle ne survienne pas. Pari assurément aventureux au moment, précisément, où tous les signes s’accumulent – de nouveau ! – d’une ébullition financière généralisée – marchés d’actions, immobilier, frénésie des fusions-acquisitions, spécialement dans les valeurs technologiques, et dont on connaît l’unique mode de résolution : le krach.

Sans le moindre espoir d’avoir le moindre effet, on profitera néanmoins de l’occasion pour rappeler que dans une panoplie anti-finance un peu sérieuse, il est un instrument, pour le coup protégé de toute imputation subversive par ses apparences techniques, et qui pourrait néanmoins s’avérer d’une réelle efficacité, au point même d’intéresser potentiellement un banquier central, il s’agit des taux d’intérêt dédoublés (split rates) : l’un à destination du refinancement des crédits alloués par les banques aux activités de l’économie réelle (consommation et production), l’autre réservé au refinancement des crédits dirigés vers les opérations de marchés financiers, le découplage des deux taux permettant d’élever le second aussi haut qu’on veut, pour casser les reins de la spéculation, dont il faut rappeler qu’elle carbure intensivement à l’effet de levier [14], sans toucher aux taux d’intérêt à destination de l’économie réelle. Soit le meilleur moyen, le seul en fait, de sortir du dilemme de la politique monétaire qui, entre deux objectifs et un seul instrument, ne sait pas comment maîtriser l’instabilité financière sans tuer la croissance, et le plus souvent fait le choix de laisser vivoter la croissance en attendant dents serrées la prochaine explosion des marchés.

L’union bancaire, très légèrement vêtue Retour à la table des matières

Quand cette explosion surviendra, et si elle est d’une taille comparable à celle de 2007-2008, il ne faut pas escompter la moindre protection de l’union bancaire. En premier lieu, et sans même parler du fait qu’il laisse de côté bon nombre de « petites banques », le dispositif de « surveillance » exprime synthétiquement l’esprit de la nouvelle « régulation » – identique en tout à celui de la précédente – : imposer aux banques l’encadrement d’un certain nombre de ratios, dont le dépassement est supposé entraîner une intervention correctrice des régulateurs, là où il faudrait interdire des pratiques, et fermer des marchés [15].

Malheureusement les ratios de solvabilité et les exigences de capitalisation n’ont jamais empêché en aucune manière les dynamiques de crise financière qui ont pour mécanisme central le renversement brutal, et polarisé, des anticipations, et l’évaporation de la liquidité. On rappellera que Lehman Brothers coule en septembre 2008, comme Bear Stearns avant elle en 2007, avec un ratio Tier-1 [16] plus qu’honorable – et supérieur aux seuils de la présente régulation [17] ! Tout ceci pour ne rien dire de l’arbitraire de leurs modes de calcul, notamment sous l’effet des opérations de pondération des risques, comme de juste laissées à la discrétion des régulés…

Que les choses soient bien claires : aucune des dispositions actuelles n’a le moindre pouvoir d’empêcher la reformation d’une bulle – ou de plusieurs comme c’est le cas actuellement ! L’union bancaire demande alors à être jugée d’après ses capacités à résister à la matérialisation d’un risque systémique – soit un scénario du type Lehman, avec menace d’écroulement généralisé et de runs bancaires en tous sens. Or poser la question c’est y répondre. Le fonds de garantie des dépôts, abondé par les banques elles-mêmes, vise les 60 milliards d’euros de dotation… à échéance de 2025. Et bon courage d’ici là. De tout façon, de deux choses l’une : ou bien il n’est question que d’une faillite bancaire ponctuelle et circonscriptible, et alors un fonds européen n’apporte aucune différence significative par rapport aux dispositifs nationaux de garantie ; ou bien l’on a affaire à une authentique situation de risque systémique, et les 60 milliards d’euros sont du dernier ridicule en comparaison des garanties potentielles à émettre qui sont de l’ordre du millier de milliards d’euros. Une surveillance qui ne surveille rien et un fonds de garantie voué à être dépassé là où, en vérité, seule une banque centrale – déjà là – a les moyens d’intervenir : voilà le mirifique bilan de « l’union bancaire » dont la croyance qu’on peut avoir en ses protections réelles vaut à peine mieux que celle en la vertu calorique du paréo en plein hiver sibérien.

Le contresens politique des eurobonds Retour à la table des matières

L’autre grand cheval de bataille de l’économicisme européiste, les eurobonds, ne vaut pas mieux que le précédent. Vu de loin, on comprend sans peine le fervent enthousiasme dont ils jouissent, tout ce qui commence par « euro- » ayant la vertu de signifier l’Europe en marche, et l’amorce de fédéralisation des finances publiques étant vue comme celle de la fédéralisation tout court. Au prix cependant de l’illusion récurrente que les fédéralisations économiques – après celle de la monnaie, celle de la dette – auraient en elles-mêmes la propriété d’induire la fédéralisation politique, peut-être même, qui sait, d’en tenir lieu. L’expérience désastreuse de la monnaie unique n’ayant pas suffi à établir dans ces esprits que les choses doivent s’agencer dans l’ordre inverse, et la construction – si elle est possible ! – d’une communauté politique précéder celle des communautés monétaire et financière, pourquoi donc, en effet, ne pas récidiver avec la dette ?

Si l’on devait ramener la tare intellectuelle de l’économicisme à son noyau le plus essentiel, ce serait bien à cette croyance en l’autonomie de l’économie, en son pouvoir d’autosustentation, et sa souveraine indépendance de tout ancrage politique. Il est vrai que la première époque de la construction européenne, à partir du Traité de Rome, était idéalement faite pour nourrir cette illusion : l’Europe ne s’est-elle pas d’abord construite par le marché, la CEE permettant même d’accomplir des rapprochements que la voie politique directe n’aurait pas pu obtenir à ce moment-là ? Extrapoler sans limite cette tendance initiale cependant, c’était ne pas voir qu’il est des seuils de l’intégration économique – la monnaie, les finances publiques – qui produisent des différences qualitatives, et ne peuvent plus prétendre s’effectuer sans des soubassements politiques préalables, qui en fait leur donnent leurs conditions de possibilité. Mais peu importe que la monnaie unique ait déjà démontré en vraie grandeur les désastres qui suivent de cette ignorance, récidivons-donc avec la dette !

Par charité, on ne posera même pas à l’axe Rosanvallon-Piketty la question de savoir par quel miracle de générosité l’Allemagne pourrait entrer dans pareil dispositif des eurobonds en acceptant un renchérissement significatif de ses coûts d’endettement puisque, à une prime de liquidité près résultant de l’effet de taille, le taux des eurobonds sera plus proche de la moyenne pondérée des taux nationaux actuels que du taux allemand. Stiglitz imagine que l’effet de consolidation jouera à plein et que la comparaison des endettements globaux de l’Union et des Etats-Unis, qui se fera en faveur de la première, se reflètera dans les taux. Mais rien n’est moins sûr. Et, comme toujours, pour une raison toute politique, qui tient en l’occurrence à l’absence d’unité souveraine de politique économique en Europe – unité que les eurobonds par eux-mêmes sont bien incapables de faire surgir.

Quand bien même on parviendrait à faire prendre aux investisseurs le point de vue de la consolidation, c’est-à-dire à envisager l’Union comme un tout plutôt qu’en ses parties, et à rendre ainsi les eurobonds opportuns, il faut bien voir quelle en serait la contrepartie institutionnelle : une surveillance draconienne des politiques nationales à côté de laquelle l’actuel TSCG est l’équivalent du règlement intérieur d’un camp de hippies. Car il est évidemment exclu que l’Allemagne entre dans quelque dispositif de responsabilité solidaire sans s’être préalablement assurée qu’un ordre inflexible y règnera. C’est pourquoi la moindre déviation des paramètres financiers, bien en amont du seuil de 3% (pour les 60% de la dette, il faudrait d’abord y retourner…), donnera lieu aux interventions d’un pouvoir de tutelle européen ultra-renforcé, dûment constitué à cette fin, avec sans doute des options de prise directe des commandes de la politique économique, à la manière dont les gouvernements grecs ont été dépossédés. Soit au total des formes de troïkation généralisée, mais devenue procédures régulières, et réduisant les Etats déviants – on voit d’avance lesquels – au statut de protectorats économiques.

Pour des économistes devenus ignorants de ce qu’est vraiment une économie politique, par croyance en l’existence d’une inexistante « science économique », il est à craindre que ces choses-là soient inaccessibles. Et inaccessible également l’idée que les eurobonds ne font que reconduire en pire la crise politique de souveraineté qui, fondamentalement, dévaste l’Union européenne. On dira que parmi ces économistes, il y a supposément un historien du politique, éponyme de l’appel. Le fait est pourtant qu’on aura rarement vu « Manifeste pour une union politique de l’euro » [18] si étranger aux données réelles de la politique, jusqu’au point d’imaginer qu’une usine à gaz bicamérale, ajoutant au Parlement européen un parlement additionnel de l’euro, pourrait procurer quelque supplément démocratique autre que de pur simulacre, quand les principes effectifs encadrant la conduite des politiques économiques seront inscrits dans des super-traités, et plus que jamais soustraits à toute remise en cause – c’était déjà le prix à payer pour avoir l’Allemagne dans la monnaie unique, ce le sera davantage encore pour l’avoir dans l’eurobond unique. Faute de quoi, et notamment d’accord allemand, le « parlement de l’euro » et tous les manifestes « politiques » de la même farine pourront être renvoyés au domaine des songes creux.

Good bye and good luck… Retour à la table des matières

Ce sont évidemment les mêmes raisons qui conduisent fatalement à regarder la plupart des autres propositions de Stiglitz comme aussi chimériques. Car on peut bien demander que la BCE poursuive des objectifs de croissance et d’emploi [19], ou bien que soient abandonnées les politiques d’austérité [20], c’est-à-dire de s’assoir sur le traité de Lisbonne et le TSCG réunis : autant vouloir la chute des corps de bas en haut ou la neige en juillet. A l’inverse cependant des manifestes de l’européisme savant, Stiglitz, lui, a au moins le mérite de fournir un discours complet : « voici ce qu’il faudrait faire… et si on n’y arrive pas, il faudra se résoudre à tirer l’échelle » [21]. Or le « ce qu’il faudrait faire » est suffisamment éloquent d’improbabilité pour que la conclusion qui s’ensuit logiquement, l’abandon de l’euro, devienne une option de discussion légitime plutôt qu’un motif d’évocation des années sombres de notre histoire pour les plus ridicules, ou bien simplement d’entêtement inconséquent pour les plus désireux de continuer à croire.

Mais c’est bien là le genre de tendance que l’argumentation seule ne désarme pas facilement. Aussi souffrirons nous encore un moment la prédication européiste, les cris de victoire au moindre progrès de trotte-menu, voire à sa seule illusion, les appels à la patience, au temps long de l’histoire – pendant que la persécution économique bat son plein : en Grèce, au Portugal, en Espagne, ailleurs. Bref, les perspectives bien propres sur elles de Rosanvallon et de Piketty, dont, soit dit en passant, il faudra bien un jour mesurer le succès médiatique à l’innocuité de ses propos, comme en témoignent le refus de toucher à quoi que ce soit de fondamental des structures du capitalisme, et le repli dans des solutions bien faites pour ne jamais voir le jour – l’impôt mondial ! avec le même souci du réalisme que pour l’Europe fédérale et sociale. A la manière de George Clooney donc : Good bye and good luck…

Notes

[1] « Italie : Renzi regonfle la gauche », Libération, 26 mai 2014.

[2] « Renzi, ou l’espoir de l’euro-gauche », Le Nouvel Observateur, 5 juin 2014.

[3] Marc Lazar, « Matteo Renzi, le nouvel espoir de la gauche européenne », Slate, 27 mai 2014.

[4] Philippe Aghion, Gilbert Cette, Elie Cohen, « Refusons les recettes de la gauche taxophile », Le Monde, 24 juin 2014.

[5] Eric Decouty, « L’Union européenne en plein virage politique », Libération, 25 juin 2014.

[6] « Le rose pousse en Europe », « une » de Libération, 26 juin 2014.

[7] Le six-pack est un ensemble constitué de cinq régulations et une directive, qui couvrent non seulement la surveillance des finances publiques, mais également, beaucoup plus largement, la « surveillance macroéconomique », et notamment tout ce qui touche aux efforts de compétitivité, domaine défini de manière tellement vague et extensive qu’on peut y faire entrer à peu près tout ce qu’on veut.

[8] « La crise tient fondamentalement aux vices de la construction de la zone euro », déclare-t-il à L’Express – incroyable : il y avait donc des vices ? (« Des économistes ont joué les pythies », L’Express, 5 juin 2013).

[9] « Un monde d’idées », France Info, 18 mai 2014.

[10] Jean-Marie Colombani, « La France du repli et du rejet », Direct Matin, 3 février 2014.

[11] Joseph Stiglitz, « Une autre politique pour l’euro », Mediapart, 26 juin 2014.

[12] Joseph Stiglitz, art. cit.

[13] « Quatre principes et neuf propositions pour en finir avec les crises financières », avril 2008 ; Jusqu’à quand ? Pour en finir avec les crises financières, Raisons d’agir, 2008.

[14] C’est-à-dire qu’elle ajoute des louches de dette à quelques cuillerées de fonds propres.

[15] Voir « Si le G20 voulait… », 18 septembre 2009.

[16] Le Tier-1 est un ratio de solvabilité qui rapporte une certaine définition des fonds propres de la banque à ses engagements risqués, chaque actif n’étant pas compté à sa valeur nominale mais pondéré par son niveau de risque.

[17] Pour une discussion plus substantielle sur ce sujet, voir Frédéric Lordon, « L’effarante passivité de la re-régulation financière », in Les Economistes Atterrés, Changer d’économie, Editions Les Liens qui Libèrent, 2012.

[18] Pierre Rosanvallon, Thomas Piketty et alii, « Manifeste pour une union politique de l’euro », Le Monde, 16 février 2014.

[19] « Une banque centrale se concentrant non seulement sur l’inflation, mais également sur la croissance, l’emploi et la stabilité financière », Joseph Stiglitz, art. cit.

[20] « Le remplacement des politiques d’austérité anti-croissance par des politiques pro-croissance se concentrant sur les investissements dans les peuples, la technologie et les infrastructures », Joseph Stiglitz, art. cit.

[21] « Si l’Allemagne et d’autres pays ne sont pas prêts à faire ce qu’il faut […] alors il se pourrait que l’on doive abandonner l’euro pour sauvegarder le projet européen », Joseph Stiglitz, art. cit.


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