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20 juillet 2014 7 20 /07 /juillet /2014 17:21

 

 

Source : www.agoravox.fr

 

 

Les banquiers vous diront qu’ils ne créent pas de monnaie... pourquoi ?
par André-Jacques Holbecq (son site)
mercredi 16 juillet 2014

 

 

Bien qu'il s'agisse d'un article un peu "technique", j'espère que le lecteur comprendra mieux pourquoi les banquiers vous répondront en général "mais je ne crée pas de monnaie, je me contente de prêter les dépôts".
Heureusement nous savons tous maintenant que les banques secondaires créent la monnaie scripturale dont nous nous servons. Cet article a pour but d'éclairer les esprits sur ce sujet difficile.

 

JPEG - 111.8 ko
Banquiers - Monnaie
Image source : https://www.flickr.com/photos/truth...
par Truthout.org https://www.flickr.com/photos/truthout/
(CC BY-NC-SA 2.0) https://creativecommons.org/license...

 

Plutôt que de répéter la démonstration qu’on trouve habituellement dans tous les livres d’économie, à savoir l’explication par étape en considérant d’abord que tout le système n’existe qu’au sein d’une seule banque, puis en introduisant deux banques avec des parts de marché différentes, puis pour finir en introduisant une banque centrale dans la démonstration (banque centrale qui seule peut satisfaire à la demande de monnaie centrale, la plus connue étant la monnaie dite « fiduciaire »), essayons de nous mettre à la place du « petit » banquier, simple directeur d’agence.

Dans son activité, ce banquier, trésorier d’agence, ne s’inquiète pas de savoir s'il crée de la monnaie ou pas : le banquier-trésorier va uniquement chercher à équilibrer ses comptes à la Banque Centrale (la « banque des banques »), par rapport aux autres banques. Si sa banque prête trop par rapport aux autres, c'est le système qui va la rappeler à l'ordre, car il faudra soit qu'il s'endette auprès des autres banques (et les lignes de crédit ne sont pas illimitées), soit qu'il mobilise des actifs sur le marché monétaire (et là non plus, son bilan n'est pas inépuisable....)

1 - Au niveau d'une banque prise isolément, les deux positions suivantes correspondent à l'expérience du banquier :
a) il crée des dépôts en achetant (en monétisant) une créance (une reconnaissance de dette) et en payant cet achat de créance par une inscription immédiate du montant au crédit du compte à vue du client, lequel pourra utiliser ce compte pour régler ses dépenses.
b) il a besoin de dépôts car il va devoir financer son déficit de trésorerie vis à vis des autres banques (si ce n'est pas le cas il devra se refinancer en monnaie centrale car pour avoir des comptes équilibrés en elles, les banques doivent "marcher au même pas" entre les parts de marché de crédits et les parts de marché de dépôt dans une zone monétaire ).

Donc le banquier isolé n'a pas le sentiment qu'il peut créer de la monnaie avec son stylo, parce qu'il faudra bien qu'il "finance" le prêt qu'il a accordé.

2 - Au niveau du système bancaire dans son ensemble, toutes les banques prêtent (elles font toutes le point 1a ci-dessus), et vont donc (pas forcément consciemment) se refinancer les unes les autres.

Prenons un cas très simple où la monnaie n'est composée que de dépôts bancaires (pas de réserves obligatoires ni de demande de billets de la part de sa clientèle, la seule nécessité restant la compensation interbancaire) et où l’ensemble des dépôts des clients dans tout le réseau bancaire est de 100 000.

Supposons une toute petite banque A qui fait 1% de part de marché de l'ensemble des dépôts toutes banques confondues. Les dépôts de ses clients sont donc de 1 000 et la part de marché des autres banques prises dans leur ensemble est donc de 99% de l’ensemble des dépôts, ce qui représente un total de 99 000

Supposons que cette banque A augmente ses crédits (et donc – instantanément - ses dépôts à vue) de 100 (10%). Elle va devoir financer 99 (la quasi totalité) qui part vers les autres banques (les fuites), puisque 99% des comptes à vue sont détenus par des clients dans les autres banques (toutes choses égales par ailleurs).

Mais, heureusement, les autres banques vont aussi prêter (si elles ne le faisaient pas, elles perdraient une partie de leur clientèle qui irait vers la banque prêteuse et donc des dépôts), c'est-à-dire créer des dépôts et subir des sorties qui vont aller vers les autres banques.
Supposons donc que les autres banques augmentent leurs crédits/dépôts à vue de 10% également, c'est-à-dire de 9 900. Elles vont subir globalement une fuite de 1% de 9 900 vers la banque A soit 99.

La banque A reçoit donc ces 99 sous forme de dépôts, lesquels vont "financer" le crédit qu'elle a consenti, mais on comprend bien que le crédit qu’elle a fait précède les dépôts.

Donc, le système bancaire dans son ensemble aura créé 10 000 de monnaie de crédit, mais chaque banquier-trésorier aura eu le sentiment qu'il les a financés par des dépôts venant des autres banques et qu'il a ainsi mobilisé de l'épargne préexistante. Ainsi, le témoin extérieur de cette opération aura l’impression que ce sont les dépôts à vue qui sont prêtés, alors qu’il s’agit de création monétaire par le crédit, créant ces dépôts.

Dans ce qui précède la simplification est patente. Un réseau bancaire (« une banque »), lorsqu’il monétise des créances, est tenu de disposer :

a) Dans son bilan, de sensiblement 8% (qui peut descendre à 4%) des crédits en cours sous forme de capitaux propres pondérés formant une « base de capital » (ratio Mac Donough dans le cadre des règles de Bâle III). Il n’y a évidemment pas de dépôt de ces 8% en banque centrale, mais ce sont ces besoins de 8% de fonds propres qui expliquent l’idée que les banques peuvent créer 12,5 fois la monnaie qu’elles détiennent.

b) d’une certaine quantité de monnaie centrale correspondant à ce que l’on nomme « fuites », et qui correspond 1) à la demande de monnaie fiduciaire par le secteur non bancaire, 2) aux réserves obligatoires – montant bloqué en Banque Centrale – et correspondant à 1% des dépôts (dépôts à vue, dépôts à terme d’une durée inférieure ou égale à deux ans, dépôts remboursables avec un préavis inférieur ou égal à deux ans, titres de créances d’une durée initiale inférieure ou égale à deux ans), 3) aux besoins de compensation qui se produisent dans les cas montrés ci-dessus.

S’il est connu que l’ensemble des réseaux bancaires (puisque les compensations entre les banques s’annulent), peut émettre une quantité limitée de monnaie scripturale (reconnaissances de dettes), à partir d’une quantité donnée de monnaie centrale qu’il détient ou qu’il peut se procurer. Ce coefficient multiplicateur est connu de tous les économistes et il est égal à 1 / [X + Z (1 – X)] (avec X le coefficient de préférence pour les billets et Z celui des réserves obligatoires).
Un exemple avec X=13% des dépôts et Z=2% des crédits donne ce multiplicateur théorique (encore faut-il la demande ou la faiblesse d’une épargne préalable proposée sur le marché) à 6,7842.

Néanmoins, dans un document du 6 mai 2009, Patrick Artus a confirmé que les banques n’utilisaient pas totalement ce pouvoir de création monétaire : « Une porosité entre base monétaire et masse monétaire est le multiplicateur monétaire. Or, il s’est effondré. Alors que les banques européennes génèrent habituellement 4800 euros à partir de 1000 euros de monnaie banque centrale, leur capacité de création monétaire est tombée à 3500 euros depuis Lehman. »

Pour finir n’oublions pas de préciser que lorsqu’un emprunteur rembourse, à sa banque, le capital emprunté (et dépensé), sa banque efface sa reconnaissance de dette : la monnaie est ainsi détruite (nous ne parlons pas ici des intérêts). En effet la création de monnaie scripturale par un réseau bancaire est stricto sensu l’inscription simultanée du montant du crédit sur le compte de l’emprunteur qui va ainsi pouvoir payer ses fournisseurs, parallèlement à l’inscription de la dette (je préfère dire « la garantie »), à l’actif du bilan de la banque. Inversement, le remboursement du prêt équivaut à la suppression simultanée de l’inscription à l’actif et du montant équivalent sur le compte de l’emprunteur (qui avait donc dû le rendre créditeur du même montant) : il n’y a pas de transfert du capital remboursé de la part de l’emprunteur vers la banque.

Je précise bien que nous avons parlé ici de la création de « monnaie » bancaire privée scripturale et non du second rôle des banques, celui de « circulateur d’épargne ». Comme l’écrit André Chaîneau : « L'étonnant est que pendant très longtemps - et peut-être même encore ! - la création monétaire a été ignorée comme élément des moyens de financement de l'économie ! En effet, la théorie limitait l'offre de fonds prêtables à n'être qu'une offre de ressources épargnées par les agents du secteur non bancaire, une offre qui ne débordait pas du cadre de ce secteur non bancaire. En conséquence, le secteur bancaire était ignoré ! Mais le problème que les banques vont maintenant poser n'est évidemment pas celui de leur existence, mais celui de leur double fonction. Elles ne sont pas seulement les institutions créatrices de monnaie étudiées jusqu'à maintenant ; elles sont également des institutions collectrices d'épargne. Aussi participent-elles au financement de l'économie non seulement en y injectant de la monnaie, mais également en y faisant circuler l'épargne. »

Mais, d’où vient cette épargne préalable ? Qui l’a « fabriquée » à l’origine ? Je vous laisse y réfléchir.

 

 

Source : www.agoravox.fr

 

 

 

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20 juillet 2014 7 20 /07 /juillet /2014 16:19

 

Source : www.agoravox.fr

 

 

La crise systémique 2.0 a commencé
dimanche 20 juillet 2014

Pendant que Tsahal organise le massacre à Gaza le 18 juillet 2014, la crise systémique 2.0 (deux point zéro) commence dans le silence général. La holding Rioforte, actionnaire majoritaire (20,1 %) de la 1ère banque portugaise, Banco Espirito Santo (BES) qui a fait un énorme défaut de paiement est officiellement en faillite depuis le 18 juillet. Rioforte a fait défaut sur sa dette de 847 millions d’euros contractée auprès de Portugal Telecom. Il est bon de signaler que la banque française Crédit Agricole est le deuxième actionnaire de BES avec 14,6 %. Le système bancaire mondial est d'ailleurs à bout de souffle, voici un petit tour d'horizon :

  • En France, le besoin de fonds propres des banques est estimé à 50 milliards d'euros selon l'OCDE, un chiffre qui rappelle étrangement le plan d'économie du gouvernement français.
  • Corporate Commercial Bank (KTB) en Bulgarie a bloqué les comptes de tous ses clients (particuliers, entreprises, hôpitaux et municipalités) et le Parlement bulgare a rejeté jeudi 17 juillet le vote d’un budget rectificatif afin de résoudre la crise bancaire.
  • En Autriche, les députés ont adopté mardi 15 juillet 2014 un projet de loi créant une structure de défaisance afin d’effacer les dettes de la banque Hypo Alpe Adria qui a été nationalisée après une perte de 5,5 milliards d’euros. Plusieurs milliards de dollars supplémentaires vont ainsi être ajoutés à la dette nationale autrichienne.
  • Le juge du tribunal new-yorkais de Manhattan a empêché l’Argentine d’honorer ses créances en bloquant le compte de la banque centrale Argentine à la Bank of New York. L’Argentine risque d’être officiellement en défaut de paiement le 30 juillet 2014. BNP, JP Morgan Chase, Bank of America, Citigroup, etc, etc, ont été lourdement sanctionnés par le gouvernement américain. En 2014, Citigroup a versé 7 milliards de $, BNP Paribas 8,9 milliards et Bank of America est actuellement en cours de jugement avec une amende évaluée à 17 milliards de $. JP Morgan Chase a dû débourser 13 milliards de $ en 2013. Qui veut la peau du système bancaire ?
 
Il est bon de rappeler que la mise en œuvre des accords de Bâle III engendrera une perte de liquidité de plus de 15 000 milliards de $ sur 5 ans dont 60 % soit 9000 milliards de $ en 2015, une véritable crise de la régulation que j'ai annoncée à l'ONU à Rabat au mois de mars 2014. Malgré l’assouplissement des critères de liquidité auxquelles elles seront soumises à partir du 1er janvier 2015, les banques devront provisionner à hauteur de 60% cette même année, puis 70% en 2016 et ainsi de suite pour atteindre 100% en 2019. Le chômage sera la première victime collatérale.
 
Amendes records, mises en œuvre des accords de Bâle III, impact de la crise, États en faillites incapables de devenir prêteurs en dernier ressort, le système bancaire mondial est au bord de l’implosion et la crise systémique 2.0 qui se transforme en guerre globale (Gaza, Ukraine, Irak, Libye, etc., etc.) ne fait que commencer...
Source : www.agoravox.fr

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18 juillet 2014 5 18 /07 /juillet /2014 20:12

 

Source : bigbrowser.blog.lemonde.fr

 

 

DÉSÉQUILIBRÉ – La Suisse compte plus de millionnaires que de bénéficiaires de l’aide sociale

 

 

 

franc suisse 2

 

C'est le genre de constat qui risque de ne pas passer inaperçu chez les Helvètes. "En Suisse, 330 000 millionnaires côtoient 250 000 bénéficiaires de l'aide sociale, soit 3,1 % en 2012. Or le nombre de riches progresse comme celui des pauvres, là est le problème", a fait remarquer Felix Wolffers, le nouveau coprésident de la Conférence suisse des institutions d'action sociale – institution qui élabore des normes qui servent de base aux législations cantonales en Suisse –, dans une interview donnée au quotidien Le Temps, vendredi 18 juillet.

Ce n'est pas la première fois que l'aide sociale – l'une des prestations sociales liée à la sécurité sociale – fait l'objet d'une polémique dans la Confédération. Mais "au lieu d’accuser l’aide sociale, le politique devrait plutôt s’occuper des causes de ces problèmes et faire des propositions pour enrayer la diffusion de la pauvreté", estime M. Wolffers.

Les coûts de l'aide sociale ne représentent que 2 % de la totalité des dépenses du système de sécurité sociale, soit 2,8 milliards de francs suisses (2,3 milliards d'euros), précise-t-il par ailleurs.

 

 

Source : bigbrowser.blog.lemonde.fr

 

 

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18 juillet 2014 5 18 /07 /juillet /2014 16:48

 

 

Source : blogs.mediapart.fr/blog/etape-libertaire

 

 

Désobéissance et démocratie radicale

Un des textes de la philosophe Sandra Laugier discutés lors de la séance du séminaire ETAPE (Explorations Théoriques Anarchistes Pragmatistes pour l’Emancipation) de juin 2014 consacrée à la désobéissance civile…

 

Sandra Laugier est professeure de philosophie à l’Université de Paris 1. Elle est, entre autres, l’auteure de : Une autre pensée politique américaine. La démocratie radicale d’Emerson à Stanley Cavell (Michel Houdiard éditeur, 2004), Wittgenstein. Les sens de l’usage (Librairie philosophique J. Vrin, 2009) et, avec Albert Ogien, Pourquoi désobéir en démocratie ? (La Découverte, 2010).

 

 

Désobéissance et démocratie radicale

Par Sandra Laugier

Tokyo, 2011

 

 

Peut-on compter sur soi-même, et comment ? Le penseur américain Henry David Thoreau, le jour où il s’installe au bord du lac de Walden – un 4 juillet, anniversaire de l’Indépendance américaine – décide qu’il construira sa maison de ses mains, et vivra seul, au milieu des bois : « je gagnais ma vie grâce au seul travail de mes mains ». Utopie ? Au bout de deux ans, Thoreau retourne à la civilisation, mais l’esprit de Walden vit toujours. En témoignent, aux Etats-Unis dans les années 1960 au moment de la bataille des droits civiques, et aujourd’hui en France, les multiples actes de désobéissance civile, concept inventé aussi par Thoreau. Je peux et dois m’opposer à la loi commune, m’isoler de la société, si je ne m’y reconnais pas. La désobéissance se fonde que sur un principe moral, la confiance en soi, qui encourage l’individu à refuser la loi commune et acceptée des autres, en se fondant sur sa propre conviction qu’elle est injuste.

 

Tradition et actualité de la désobéissance

 

La désobéissance civile est le refus volontaire et ostensible d’appliquer un texte réglementaire. Il ne faut pas imaginer, donc, que désobéir est un acte qui recouvre toutes les résistances et toutes les révoltes. La désobéissance civile est une forme d’action qui répond à une définition précise : refuser, de façon non-violente, collective et publique, de remplir une obligation légale ou réglementaire au motif qu’elle viole un « principe supérieur » afin de se faire sanctionner pour que la légitimité de cette obligation soit appréciée à l’occasion d’un appel en justice. La France d’aujourd’hui vit un moment marqué par la prolifération du nombre d’actes de désobéissance civile. Loin de marquer un rejet du politique, ces refus en appellent à une extension des droits et des libertés qu’une démocratie devrait assurer à ses citoyens. Ce qui est résumé par la question de notre livre : Pourquoi désobéir en démocratie ? (avec Albert Ogien, Paris, La Découverte, 2010). La désobéissance civile pourrait être tenue pour une forme d’action politique désuète, et inadéquate. C’est que, dans un régime démocratique, les libertés de vote, d’expression, de manifestation, de grève, de conscience et d’association sont apparemment garanties ; des mécanismes de « dialogue social » ont été institués, dans le travail parlementaire, le paritarisme ou les négociations collectives ; et la défense des droits fondamentaux est une réalité juridique qu’on peut faire jouer. Dans ces conditions, on ne voit plus pourquoi l’expression d’un mécontentement devrait prendre les allures de la désobéissance, et on peut même s’inquiéter d’un geste qui remet en cause le principe même de la démocratie, à savoir le fait que la minorité s’engage à accepter la légitimité de ce qu’une majorité décide, en attendant une éventuelle alternance. La désobéissance est une modalité de contestation dont le bien-fondé est mis en doute pour des raisons de légitimité (de quel droit se soustraire à la loi républicaine ?), pour des raisons politiques (pourquoi revendiquer les intérêts des individus contre ceux de la collectivité), ou pour des raisons d’efficacité (elle ne s’attaque pas aux racines de l’aliénation et de la domination).

 

Or la désobéissance s’impose quand on a épuisé l’expression du désaccord par les moyens politiques classiques, qui respectent les règles du dialogue : elle est une mise en cause certes non-violente, mais radicale, d’un pouvoir devenu sourd à la contestation. Nous souhaitons ici donner des éléments pour décrire ce phénomène, en prendre acte et montrer en définitive la justesse de ces gestes, qui sont conçus non pas comme une mise en cause, mais une réaffirmation des principes de la démocratie.

 

 

Le recours à la désobéissance fait en effet curieusement revivre une tradition née aux Etats-Unis, et semble s’écarter des modes d’action politique reconnus dans la France contemporaine. C’est que Henry David Thoreau (1817-1862) et Ralph Waldo Emerson (1803-1882), les promoteurs américains de la désobéissance civile, s’exprimaient en contexte démocratique – pas tyrannique à proprement parler – contre une trahison des idéaux de ma démocratie : c’est ce sentiment qui suscite la désobéissance, on ne se reconnaît pas dans l’Etat et sa parole, on ne veut plus parler en son nom (ni qu’il prétende nous exprimer). La désobéissance civile surgit quand un fonctionnement public apparemment démocratique suscite le dégoût, et le refus : notamment par sa forme d’expression, son langage. Les motifs des « grandes causes » qui lui ont donné ses lettres de noblesse (Gandhi, la Guerre d’Algérie, celle du Viet Nam, le combat contre la colonisation, la ségrégation raciale, ou les luttes pour le droit à l’avortement ou à la libre sexualité) se retrouvent dans la volonté de soutenir des illégaux et des clandestins, exprimée dans un certain nombre d’actions plus ou moins spectaculaires. Mais d’autres manières de désobéir existent aujourd’hui. La première consiste, pour un groupe de citoyens organisés, à se mettre délibérément en infraction tout en cherchant à articuler cette action à celle qu’une opposition politique livre dans le cadre du débat démocratique. La seconde suscite moins d’intérêt médiatique : elle consiste, pour une poignée de citoyens, à refuser ostensiblement d’appliquer une disposition légale ou réglementaire qu’ils sont chargés de mettre en œuvre mais dont ils estiment qu’elle est attentatoire à la justice ou à la démocratie. Ce qui est le cas lorsque des agents de l’Etat refusent de suivre des instructions dont ils pensent qu’elles font peser des menaces sur l’égal accès des citoyens à des besoins fondamentaux (santé, éducation, justice, etc.) ; ou nuisent aux libertés individuelles ; ou dégradent la qualité des prestations offertes aux usagers d’un service public. La désobéissance civile prend alors une allure inédite et plus discrète. Elle renvoie à un sentiment de dépossession de la voix.

 

La voix et la dissidence

 

Nous sommes partis, au plan philosophique, de l’importance chez Ludwig Wittgenstein (1889-1951), comme chez Emerson, de l’idée de voix et de revendication (claim). Lorsque Wittgenstein dit que les humains « s’accordent dans le langage qu’ils utilisent », il fait appel à un accord qui n’est fondé sur rien d’autre que la validité d’une voix. Dans son ouvrage Dire et vouloir dire (1969), Stanley Cavell, reprenant Kant, définissait la rationalité du recours au langage ordinaire, sur le modèle du jugement esthétique, comme revendication d’une « voix universelle » : se fonder sur moi pour dire ce que nous disons. Cette revendication est ce qui définit l’accord, et la communauté est donc, par définition, revendiquée, pas fondatrice. C’est moi – ma voix – qui réclame la communauté, pas l’inverse. Trouver ma voix consiste, non pas à trouver un accord avec tous, mais à faire une revendication. On peut ainsi dire que chez Cavell et Wittgenstein la communauté ne peut exister que dans sa constitution par la revendication individuelle et par la reconnaissance de celle d’autrui. Elle ne peut donc être présupposée, et il n’y a aucun sens à résoudre le désaccord moral ou le conflit politique par le recours à elle. Il ne s’agit pas d’une solution au problème de la moralité : bien plutôt d’un transfert de ce problème, et du fondement de l’accord communautaire, vers la connaissance et le revendication de soi.

 

La voix est forcément dissidente, contre le conformisme. On préférera ici l’idée de désobéissance à celle d’émancipation. Le dissensus est propre à la démocratie et à ce type même de conformisme que suscite la démocratie, celui que déplore Emerson lorsqu’il revendique la « Self-Reliance » (ou « Confiance en soi », 1841). Penser la désobéissance en démocratie revient à penser le retournement du conformisme. Elle est liée à la définition même d’une démocratie, d’un gouvernement du peuple c’est-à-dire par le peuple, comme le disait très clairement la déclaration d’indépendance américaine (à laquelle Emerson et Thoreau veulent être fidèles contre les dérives de la Constitution puis de sa mise en œuvre jacksonienne) : un bon gouvernement démocratique est le gouvernement qui est le nôtre, le mien – qui m’exprime et que je puis exprimer. La question de la démocratie est bien celle de la voix. Je dois avoir une voix dans mon histoire, et me reconnaître dans ce qui est dit ou montré par ma société, et ainsi, en quelque sorte, lui donner ma voix, accepter qu’elle parle en mon nom. La désobéissance est la solution qui s’impose lorsqu’il y a dissonance : je ne m’entends plus, dans un discours qui sonne faux, dont chacun de nous peut faire l’expérience quotidienne (pour soi-même aussi, car pour Emerson le conformisme qu’on doit d’abord chasser est le sien propre).

 

Démocratie radicale : assentiment en conversation et dissentiment

 

Dans cette approche, la question de la démocratie est affaire de langage : elle devient celle de l’expression. L’illusion est que si ma société est raisonnablement libre et démocratique, mon dissentiment n’a pas à s’exprimer sous forme radicale : comme si j’avais minimalement consenti à la société, de façon que mon désaccord puisse être raisonnablement formulé dans ce cadre. Mais quel consentement ai-je donné ? La démocratie radicale veut continuer la conversation en ce qu’elle considère que non, je n’ai pas donné mon consentement : pas à tout. La critique est au fondement même de la démocratie, elle n’est pas sa dégénérescence ou une faiblesse interne. L’idée même de désobéissance civile est d’abord une approche américaine de la démocratie, à l’époque où elle essaie de se réinventer sur le sol américain, et dans le cadre d’une déception par la démocratie devenue conformiste et marchande. Elle est cependant caractéristique de ces moments où on désespère de la démocratie, où elle dégénère en conformité. Cette voie du dissentiment est particulièrement importante dans la tradition culturelle américaine, et on l’a retrouvée dans les mouvements minoritaires d’opposition à la guerre en Irak de G. W. Bush. On peut même imaginer que par un détour elle a mené au changement politique et au retour d’un pouvoir démocrate, assorti du signe important, au pays de l’esclavage, que fut l’élection d’un président à moitié noir.

 

Emerson et Thoreau refusaient la société de leur temps pour les mêmes raisons que l’Amérique avait voulu l’indépendance, et revendiqué les droits que sont la liberté, l’égalité, la recherche du bonheur. Ils prenaient à la lettre la Déclaration d’Indépendance : « Les gouvernements sont établis parmi les hommes pour garantir ces droits, et leur juste pouvoir émane du consentement des gouvernés ». C’est ici et maintenant, chaque jour, que se règle mon assentiment à ma société ; je le l’ai pas donné, en quelque sorte, une fois pour toutes. Non que mon assentiment soit mesuré ou conditionnel : mais il est, constamment, en discussion, ou en conversation – il est traversé par le dissentiment. Thoreau dans la Désobéissance civile (1849) déclare : « je souhaite refuser de faire allégeance à l’Etat, m’en retirer de manière effective ». Si l’Etat refuse de dissoudre son union avec le propriétaire d’esclaves, alors « que chaque habitant de l’Etat dissolve son union avec lui (l’Etat) ». «Je ne peux reconnaître ce gouvernement pour mien, puisque c’est aussi celui de l’esclave», dit Emerson. Nous sommes tous esclaves et notre parole sonne faux. Plutôt que de revendiquer à leur place, et de les maintenir ainsi dans le silence, ils préfèrent revendiquer les seuls droits qu’ils puissent défendre, les leurs. Leur droit d’avoir un gouvernement qui parle et agit en leur nom, qu’ils reconnaissent, à qui ils donnent leur voix.

 

Désobéissance civile et individualisme

 

On comprend alors quelle est l’actualité de la confiance en soi, et de la désobéissance contre le conformisme, et le désespoir démocratique. Le modèle de la désobéissance réapparaît comme manifestation non pas de révolte, mais d’espoir, contre tout ce désespoir.

 

La désobéissance oblige ainsi à revendiquer une forme d’individualisme – car ne faut pas laisser le monopole de l’individu, si l’on peut dire, au néolibéralisme et à certaines formes destructrices d’individualisme. Et la pensée de Cavell, celle de la tradition de pensée américaine du XIXe siècle, Emerson et Thoreau, théoriciens de la désobéissance civile et de la confiance en soi, ouvre sur la réhabilitation d’une forme radicale et critique d’individualisme. Ils montrent, comme Wittgenstein et la philosophie du langage ordinaire, que la réflexion sur l’individu passe par une redéfinition de ce qu’est une expression juste, une voix cohérente ; il ne suffit pas de s’exprimer pour avoir une voix. La voix est indissolublement personnelle et collective, et plus elle exprime le singulier, plus elle est propre à représenter le collectif. Une voix doit alors être revendicatrice, exprimer les autres : pas seulement parler au nom de ceux qui ne peuvent parler, idée condescendante et sans avenir. On ne parle pas à la place de quelqu’un, il faut déjà être capable de parler pour soi, d’assumer la responsabilité d’une prise de parole.

 

A la base de la question de la voix, il y a la question : qu’est-ce qui permet de dire nous ? JE (seul) puis dire ce que NOUS disons. L’usage commun du langage pose directement une question politique, qui est celle de la nécessité de la voix individuelle et du dissensus. C’est l’idée qu’il faut trouver sa voix en politique : cette thématisation de la voix se trouve chez Emerson et dans l’idée de confiance en soi (Self-Reliance). Emerson affirme que l’expression individuelle est légitimée comme publique quand elle est authentique.

 

Croire votre pensée, croire que ce qui est vrai pour vous dans l’intimité de votre cœur est vrai pour tous les hommes - c’est là le génie. Exprimez votre conviction latente, et elle sera le sentiment universel; car ce qui est le plus intime finit toujours par devenir le plus public.

 

Cela conduit Emerson à une critique du conformisme et du moralisme, conçus comme incapacité à prendre la parole, à vouloir dire soi-même ce qu’on dit, à être bien sujet de sa parole. La confiance n’est pas un fondement sur une individualité existante, elle la constitue : cette constitution de l’individu s’accomplit par la recherche par chacun de sa voix, du ton juste, de l’expression adéquate. Il s’agit à la fois de constitution individuelle  – « suivre sa constitution » dit Emerson –  et commune : trouver une constitution politique qui permette à chacun de trouver expression, d’être exprimé par le commun et d’accepter de l’exprimer.

 

L’individualisme devient alors principe démocratique, celui de la compétence politique et expressive de chacun. Il s’agit de savoir pour chacun ce qui lui convient, et à chaque fois de façon singulière. Le vrai individualisme, ce n’est pas l’égoïsme, c’est l’attention à l’autre en tant que singulier, et à l’expression spécifique de chacun ; c’est l’observation des situations ordinaires où sont pris les autres. C’est pour ces raisons qu’un enjeu de l’individualisme est aussi l’attention aux vulnérables. L’individualisme véritable devient attention concrète à chacun.

 

Désobéir pour la démocratie

 

Pour finir,la désobéissance en démocratie n’est pas un refus de la démocratie, au contraire. Elle est liée à la définition même d’une démocratie, d’un gouvernement du peuple, c’est-à-dire par le peuple, comme le disait la déclaration d’indépendance : un gouvernement démocratique est le gouvernement qui est le nôtre, le mien – qui m’exprime, où j’ai ma voix. Je dois avoir une voix dans mon histoire, et me reconnaître dans ce qui est dit ou montré par ma société, et ainsi, en quelque sorte, lui donner ma voix, accepter qu’elle parle en mon nom. La question politique première devient celle de l’expression. La position de Thoreau et d’Emerson est simple : on a non seulement le droit mais le devoir de résister, et donc de désobéir, lorsque le gouvernement agit contre ses propres principes. Thoreau refuse de reconnaître le gouvernement comme sien, et refuse de lui donner sa voix, sa contribution financière ; il refuse qu’il parle en son nom – lorsqu’il promeut l’esclavage ou fait la guerre au Mexique. C’est là un affect politique fondamental, qu’on retrouvait dans les oppositions internes à la guerre en Irak : Not in our name. C’est aussi une reconception du contrat social. L’installation de Thoreau à Walden est une protestation contre la vie que mènent les autres hommes (« a life of quiet desperation »), contre sa société telle qu’elle existe. Emerson et Thoreau refusent la société de leur temps pour les mêmes raisons que l’Amérique a voulu l’indépendance, et revendiqué les droits que sont la liberté, l’égalité, et ne l’oublions pas, la recherche du bonheur. Ils prennent à la lettre la Déclaration d’Indépendance : « Les gouvernements sont établis parmi les hommes pour garantir ces droits, et leur juste pouvoir émane du consentement des gouvernés. Toutes les fois qu’une forme de gouvernement devient destructive de ce but, le peuple a le droit de la changer et de l’abolir, et d’établir un nouveau gouvernement. » Lorsque Emerson embrasse comme Thoreau la cause abolitionniste dans de célèbres discours (en 1844 et 1854), et dans sa défense de John Brown, il dénonce avec l’esclavage la corruption des principes mêmes de la constitution américaine, et la corruption des politiques, représentants de la nation – il  recommande alors de désobéir à la loi, dans sa dénonciation scandalisée de la loi inique sur les esclaves fugitifs.

 

Le fondement de cette position est encore une fois la confiance en soi, qui loin d’être une assurance ou une prétention, se définit en opposition au conformisme. Pour Thoreau, ce n’est pas le silence qui guette d’abord l’intellectuel, mais en effet le conformisme. Contre la conformité, Emerson et Thoreau demandent donc une vie qui soit à nous, à laquelle nous ayons consenti, avec notre propre voix. Thoreau écrit : « Je réponds qu’il ne peut pas s’y associer sans se déshonorer. Je ne peux pas un seul instant reconnaître comme mon gouvernement une organisation politique qui est ainsi le gouvernement de l’esclave ». Si j’accepte la société, la reconnais comme mienne, JE suis esclave, nous le sommes tous. Thoreau et Emerson ne visent pas à parler pour les autres, les « sans-voix » – ils revendiquent leur droit d’avoir un gouvernement qui parle et agit en leur nom.

 

La question de la désobéissance ne concerne donc pas seulement ceux qui ne parlent pas, ceux qui, pour des raisons structurelles ne peuvent pas parler (qui ont définitivement été « exclus » de la conversation de la justice) : elle concerne également ceux qui pourraient parler, mais se heurtent à l’inadéquation de leur parole. Du coup, dans la société actuelle, paradoxalement, le problème ce ne sont pas seulement les exclus, au sens des exclus de la parole, mais aussi ceux dont la parole n’est pas écoutée à sa juste valeur, est dévalorisée. L’idéal d’une conversation politique - de la démocratie - serait celui d’une circulation de la parole où personne ne serait sans voix. Et c’est là qu’on retrouve l’égalité comme exigence politique, et sa revendication comme forme de la résistance.

 

 

Aujourd’hui la désobéissance civile pourrait être tenue pour une forme d’action politique désuète, et inadéquate – surtout en un temps de lutte pour la démocratie même dans des dictatures en cours d’effondrement. La relecture de Thoreau nous permet alors de comprendre le sens de la désobéissance civile aujourd’hui, et son essence démocratique. Le recours à la désobéissance, qui paraît s’écarter des modes d’action politique reconnus, exprime, comme autrefois chez Thoreau, le sentiment d’une perte de la voix, d’une trahison des idéaux de la démocratie : on ne se reconnaît pas dans l’Etat et sa parole, on ne veut plus parler en son nom (ni qu’il prétende nous exprimer). Pourquoi désobéir en démocratie ? Mais justement : on ne désobéit qu’en démocratie – quand on n’a plus dans la vie publique les conditions de la conversation où l’on pourrait raisonnablement exprimer son différend, quand on est dépossédé de sa voix, et du langage commun. La désobéissance est un rappel du fondement de la démocratie, qui est l’expression de chacun, la recherche d’une parole authentique et juste, contre une parole qui, pour reprendre le mot d’Emerson, « nous chagrine » ou est étouffée. Une manière de reprendre possession est la désobéissance, comme revendication personnalisée et publique, au nom de ce que la collectivité des citoyens réclame.

 

***********************************************

 

* Ce texte a été discuté lors de la 9e séance du séminaire ETAPE (Explorations Théoriques Anarchistes Pragmatistes pour l’Emancipation) de 20 juin 2014 à Paris sur le thème « Ethique perfectionniste, individualisme démocratique et désobéissance civile ». On trouve l’ensemble textes discutés et issus de cette séance sur le site de réflexions libertaires Grand Angle : http://conversations.grand-angle-libertaire.net/etape-seminaire-9/. On peut aussi se reporter directement aux différents textes concernés :

 

- Sandra Laugier : « Ne pas laisser l’individualisme à la droite » (2007)

 

 

- Sandra Laugier : « Désobéissance et démocratie radicale » (2011)

 

- Sandra Laugier : « Romantisme et démocratie au cinéma : To the Wonder (A la merveille) de Terrence Malick » (2013)

 

- Didier Eckel : « Rapport "compréhensif" sur trois textes de Sandra Laugier » [onglet Rapport compréhensif]

 

- Manuel Cervera-Marzal : « Rapport "critique" sur trois textes de Sandra Laugier » [onglet Rapport critique] ; Manuel Cervera-Marzal est notamment l’auteur de Désobéir en démocratie. La pensée désobéissante de Thoreau à Martin Luther King (Aux forges de Vulcain, 2013)

 

 

- Philippe Corcuff : « Désobéissance, critique sociale, individualisme, émancipation et Révolution. Quelques notes à partir du séminaire ETAPE du 20 juin 2014 autour de Sandra Laugier » (29 juin 2014)

 

* L’ensemble des informations et des textes sur les séances du séminaire ETAPE se trouvent sur le site Grand Angle : http://www.grand-angle-libertaire.net/etape-explorations-theoriques-anarchistes-pragmatistes-pour-lemancipation/

 

 

Source : blogs.mediapart.fr/blog/etape-libertaire

 

 

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18 juillet 2014 5 18 /07 /juillet /2014 16:43

 

Source: www.bastamag.net


 

 

 

ça bouge ! Conversion écologique

Alternatiba : la dynamique prometteuse des villages des alternatives

par Collectif 18 juillet 2014

 

 

 

Le mouvement altermondialiste basque Bizi ! a initié en octobre 2013 un grand village des alternatives dénommé Alternatiba, en plein cœur de Bayonne. Depuis cet événement, des dizaines de villes et territoires ont vu éclore des initiatives pour préparer des Alternatiba. De Lille à Bastia, en passant par Nantes et Bordeaux, ces villages visent à mettre en valeur les alternatives au changement climatique et à la crise sociale et écologique. Basta ! relaie les dates des prochains Alternatiba.

Le 6 octobre 2013 à Bayonne, quelques jours après la publication du cinquième rapport du GIEC [1] sur le dérèglement climatique en cours, 12 000 personnes ont investi les rues et les places de tout le centre-ville pour une journée consacrée aux multiples alternatives concrètes qui existent déjà à la crise économique, sociale, écologique et climatique.

Un millier de bénévoles, d’exposants et d’associations sont venus faire découvrir ce que l’on peut faire dès aujourd’hui dans tous les domaines de la vie quotidienne : agriculture et alimentation, énergie, habitat, transports, consommation, finance, travail, éducation, etc. En transformant le temps d’une journée tout un centre-ville en « village des alternatives », ces milliers de citoyens ont montré non seulement que les solutions existent, mais aussi qu’elles construisent une société plus agréable à vivre, plus conviviale, plus solidaire, plus juste et plus humaine.

Cette journée, nommée « Alternatiba », s’est clôturée par une déclaration traduite en une vingtaine de langues européennes pour appeler à organiser 10, 100, 1000 autres « Alternatiba » en Europe d’ici 2015, date de la conférence des Nations Unies sur les changements climatiques qui aura lieu en France (voir l’appel ici).

Vous pouvez d’ores et déjà inscrire plusieurs dates dans vos agendas :
- Agen (Lot-et-Garonne), le 13 septembre 2014
- Gonesse (Val d’Oise), les 20 et 21 septembre 2014
- Nantes (Loire-Atlantique), 28 septembre 2014
- Lille (Nord), les 4 et 5 octobre 2014
- Socoa (Pyrénées-Atlantiques), 5 octobre 2014
- Gironde, les 11 et 12 octobre 2014
- Tahiti, les 29 et 30 novembre 2014
- Bastia (Corse), les 6 et 7 juin 2015
- Joigny (Yonne), le 4 juillet 2015
- Ile de France, les 26 et 27 septembre 2015
- Caen (Calvados), les 3 et 4 octobre 2015

Cliquez sur l’image ci-dessus pour accéder à la carte des Alternatiba.

Plus d’infos sur http://alternatiba.eu/

Tous nos articles sur « Alternatiba ».

 

 

Notes

[1Groupement intergouvernemental des experts sur le climat

 

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Source: www.bastamag.net

 

 

 

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17 juillet 2014 4 17 /07 /juillet /2014 18:22

 

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Justice

Première victoire judiciaire pour les opposants au grand projet Lyon-Turin

par Sophie Chapelle 16 juillet 2014



 

Une première bataille judiciaire a été remportée le 11 juillet par les opposants au projet de ligne à grande vitesse entre Lyon et Turin. La société Lyon Turin Ferroviaire (LTF) poursuivait Daniel Ibanez, l’un des plus fervents opposants au projet, pour injure publique. Ce dernier contestait ces propos qui lui avaient été attribués par un journal local. « S’il y a injure dans cette affaire, c’est une injure au bon sens en voulant utiliser des deniers publics pour un projet inutile détruisant des terres agricoles » a ainsi lancé Daniel Ibanez, devant quelque 150 militants français et italiens, avant d’entrer dans le palais de justice de Chambéry.

Cette première procédure en France concernant la ligne Lyon-Turin a finalement tourné court. Le tribunal a en effet jugé la citation à comparaitre irrecevable, les avocats de LTF n’ayant pas joint les bilans et comptes de résultats de la société comme l’exige la procédure. « C’est terminé, sauf s’ils font appel », a commenté l’avocat de Daniel Ibanez, Stephen Duval. « Ce projet n’a pas seulement un enjeu régional, avec les dévastations des terres agricoles, a rappelé Daniel Ibanez à la sortie du tribunal. C’est un projet dangereux économiquement par le tarissement des finances publiques, au moment où le gouvernement cherche 50 milliards chez les contribuables, que des écoles et des hôpitaux sont fermés alors que la ligne existante n’est pas utilisée. »

Soulagé, Daniel Ibanez a tenu à exprimer sa solidarité aux militants italiens poursuivis, « victimes d’une répression organisée ». Les membres du mouvement No Tav en Italie font en effet l’objet d’une centaine de procédures, certains étant même accusés d’ « acte de terrorisme » (voir notre article). « Nous sommes aujourd’hui devant le palais de justice de Chambéry mais nous pourrions être aussi devant celui de Turin », renchérit Paolo Prieri, du mouvement No Tav. « C’est un combat pour l’environnement, la démocratie et l’argent public. » Un appel à rejoindre les manifestations dans le Val de Suse du 17 au 27 juillet a été lancé.

- Tous nos articles sur le projet Lyon-Turin

 

CC Sophie Chapelle

 


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17 juillet 2014 4 17 /07 /juillet /2014 18:11

 

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Mobilisations

Gaz de schiste : des paysans polonais font plier Chevron

par Maxime Combes 16 juillet 2014

 

 

 

 

Pour les anti-gaz de schiste, c’est une belle victoire. Celle de quelques paysans et habitants d’une commune rurale polonaise, Żurawlow, contre la multinationale Chevron, quatrième plus grande entreprise pétrolière de la planète. Le 7 juillet, le géant pétrolier a décidé de se retirer de la zone où il souhaitait effectuer des forages exploratoires de gaz de schiste. Pendant près de 400 jours, les habitants de la région ont empêché la multinationale de débuter les travaux, en maintenant un camp « Occupy Chevron » pour bloquer l’accès aux véhicules et matériels de Chevron.

Chevron n’a pourtant pas dit son dernier mot. Elle poursuit une trentenaire d’habitants devant la justice polonaise, après avoir filmé le campement pendant de longues semaines. Chevron leur reproche de l’avoir empêchée de mener à bien ses activités. A l’inverse, les habitants considèrent que les autorisations dont disposait Chevron n’étaient plus valables (voir notre article). L’affaire n’est pas encore jugée. Les habitants et leurs conseillers craignent que la justice polonaise privilégie les intérêts de la multinationale. C’est néanmoins avec beaucoup de fierté et de soulagement qu’ils ont accueilli le départ du pétrolier.

De part leur détermination, et grâce aux films de Lech Kowalski (Holy Field Holy War et Drill Baby Drill), la lutte des paysans et habitants de Żurawlow est devenue un symbole de la lutte contre les gaz de schiste en Europe et dans le Monde. Avec le départ de Chevron, elle l’est encore un peu plus.

 

 


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17 juillet 2014 4 17 /07 /juillet /2014 18:01

 

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Biodiversité

La Commission européenne va t-elle transformer la nature en registre comptable ?

par Sophie Chapelle 17 juillet 2014

 

 

 

 

 

 

Une consultation publique vient d’être lancée par la Commission européenne jusqu’au 17 octobre prochain. Malgré un intitulé quelque peu énigmatique – « initiative européenne visant à enrayer toute perte nette de biodiversité » [1] –, l’enjeu est majeur. Car ce projet de réglementation concerne l’ensemble des impacts liés aux activités humaines, de la création d’un entrepôt à la réalisation des grandes infrastructures de transport. « Pour stopper cette détérioration (de la biodiversité, ndlr), les pertes dues aux activités humaines doivent être contrebalancées par des gains, précise la Commission européenne. Lorsque ces gains sont au moins équivalents aux pertes, le principe visant à éviter toute perte nette est respecté. » Traduction ? Concrètement, quand une activité économique détruit une portion de nature, et de biodiversité, celle-ci doit être recréée ailleurs. L’intention paraît louable. Sauf que pour la Commission européenne, tous les écosystèmes seraient substituables les uns aux autres. Un projet bétonne plusieurs hectares de vallons, de bois et d’étang dans une région ? Il pourra être compensé par une action équivalente en faveur de l’environnement dans une autre région. Comme si tout se valait.

En réaction à cette proposition de la Commission, plusieurs organisations écologistes britanniques [2] diffusent une vidéo parodique de trois minutes autour de la « compensation biodiversité ». On y voit la directrice d’une société fictive, GreenLite Energy, se réjouir d’avoir découvert du gaz de schiste sous le Regent’s Park – un parc situé en plein cœur de Londres. Soutenue par le gouvernement anglais, la société assure pouvoir compenser la destruction du parc, voué à l’extraction d’hydrocarbures. Comme si le bénéfice pour la flore et la faune était forcément quantifiable à un instant donné. Ce dont se moque la vidéo : un expert tente de compter chaque abeille en train de butiner et inventorie grossièrement les oiseaux dans les arbres. Impossible de croire en la mise en place d’unités de mesure fiables permettant de calculer la valeur naturelle de Regent’s Park...

 

 

(cliquez sur ’CC’ en bas à droite de la vidéo pour faire apparaitre les sous-titres en français)

Dans une lettre ouverte à la Commission européenne, les organisations à l’initiative de cette vidéo préconisent l’abandon des plans de compensations. « La compensation biodiversité commercialise la nature et envoie un message dangereux selon lequel la nature est remplaçable, écrivent-elles. Or, la biodiversité et les écosystèmes sont complexes et uniques. Il est impossible de réduire la biodiversité à un système de crédits, tel que le prévoient de nombreux systèmes de compensation. » Elles appellent à l’élaboration de plans de développement en partenariat avec les citoyens concernés. En France, des mesures de compensation des zones humides sont notamment envisagées pour les projets de ligne à grande vitesse Lyon-Turin et l’aéroport de Notre-Dame des Landes.

Sur le même sujet :
- lire notre entretien avec le chercheur Christophe Bonneuil : Comment s’enrichir en prétendant sauver la planète

Notes

[1Le titre anglais original est EU initiative on No Net Loss of biodiversity and ecosystem services

[2Counter Balance, Fern, Re:Common, Carbon Trade Watch et WDM

 

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Source : www.bastamag.net


 

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17 juillet 2014 4 17 /07 /juillet /2014 16:48

 

Source :  www.mediapart.fr

 

Le sinistre centenaire de l’impôt sur le revenu

|  Par Laurent Mauduit

 

 

Commémorant le centenaire de l'impôt sur le revenu, l'Institut des politiques publiques livre une note ravageuse montrant comment, depuis trente ans, ce prélèvement a été progressivement démantelé. Cette radiographie constitue un réquisitoire contre la politique fiscale conduite par François Hollande, au mépris de « l’esprit de la République ».

C’est un anniversaire important mais que les dignitaires socialistes français, oublieux des combats de leurs glorieux prédécesseurs, se sont bien gardés de commémorer : instauré par la loi du 15 juillet 1914, l’impôt sur le revenu vient juste d’avoir cent ans. Aucun oubli pourtant dans cette absence de célébration : si ni François Hollande ni Manuel Valls n’ont jugé opportun de saluer cet événement historique, c’est qu’en vérité, la politique fiscale qu’ils conduisent aujourd’hui tourne radicalement le dos aux principes de justice fiscale et sociale qui ont été à l’origine de la création du plus célèbre des prélèvements français.

En douterait-on, il suffit de consulter la passionnante étude que vient de publier à cette occasion l’Institut des politiques publiques (IPP). Retraçant l’histoire fiscale du siècle écoulé, elle établit une radiographie consternante de ce qu’est devenu l’impôt sur le revenu : un impôt croupion, qui taxe bien davantage les classes moyennes que les très hauts revenus.

Même si les dirigeants socialistes français d’aujourd’hui ont la mémoire courte, c’est peu dire, en effet, que ce 15 juillet 1914 est une date importance dans l’histoire fiscale française. Plus que cela : dans l’histoire même de la République. Car, dès les premiers soubresauts de la Révolution française, la question de l’égalité des citoyens face à l’impôt est au cœur du soulèvement populaire pour mettre à bas l’Ancien régime féodal. Dans le prolongement de la nuit du 4-Août, qui procède à l’abolition des privilèges, l’Assemblée constituante adopte ainsi, le 26 août 1789, la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen qui, en son article 13, érige un principe majeur : « Pour l'entretien de la force publique, et pour les dépenses d'administration, une contribution commune est indispensable : elle doit être également répartie entre tous les citoyens, en raison de leurs facultés. » En clair, la République considère qu’un impôt progressif fait partie de ses valeurs fondatrices.


Joseph Caillaux. 
Joseph Caillaux.

Pourtant, cet impôt progressif, il va falloir attendre plus d’un siècle, après d’interminables controverses, pour qu’il finisse par voir le jour. Défendu dès 1907 par le radical Joseph Caillaux (1863-1944), le projet de création d’un impôt général sur les revenus alimente ainsi de violentes polémiques dans les années qui précèdent la Première Guerre mondiale. Résumant le point de vue virulent de la droite, Adolphe Thiers (1797-1877) y avait vu en son temps « l’immoralité écrite en loi ». Mais les socialistes de la SFIO se rallient à l’idée, et leur porte-voix, Jean Jaurès (1859-1914), met sa formidable éloquence au service de cette révolution fiscale.

 

Source: Institut des politiques publiques 
Source: Institut des politiques publiques

Dans un discours remarquable, mais peu connu (dont on peut trouver de larges extraits sur le site de l’Office universitaire de recherche socialiste), prononcé le 24 octobre 1913 à Limoges, à l’occasion du congrès de la fédération socialiste de la Haute-Vienne, il a ces mots formidables : « Oui, nous voterons tous énergiquement, passionnément pour instituer l’impôt général et progressif sur le revenu, sur le capitalisme et sur la plus-value avec déclaration contrôlée. Nous le voterons parce que, quelle que soit la répercussion possible, et il en est toujours, les impôts ainsi établis sur le grand revenu et le grand capital sont moins fatalement répartis et pèsent moins brutalement sur la masse que les impôts directs qui atteignent directement le consommateur ou le paysan sur sa terre et sur son sillon. Nous le voterons donc et nous le voterons aussi parce qu’il serait scandaleux, je dirais, parce qu’il serait humiliant et flétrissant pour la France qu’à l’heure des crises nationales, quand on allègue le péril de la patrie, la bourgeoisie française refuse les sacrifices qu’a consentis la bourgeoisie d’Angleterre et la bourgeoisie d’Allemagne. »


Jean Jaurès, en 1904, par Nadar. 
Jean Jaurès, en 1904, par Nadar.

Mais dans le même temps, Jean Jaurès fait comprendre que, s’il soutient le projet radical, la SFIO a, pour sa part, une ambition beaucoup plus forte : « Eh ! bien, nous voterons l’impôt sur le revenu, mais il faut qu’il soit bien entendu que ce n’est pas ainsi que nous l’avions conçu, que ce n’est pas à cette fin que nous l’avions destiné. Nous voulions qu’avant tout, l’impôt progressif et global servît à dégrever les petits paysans, les petits patentés, de la charge trop lourde qui pèse sur leurs épaules. (…) Voilà à quoi nous destinions le produit de ces grands impôts sur la fortune, sur le revenu et sur le capital. Par là, nous ne servions pas seulement la masse des salariés, des travailleurs, mais aussi la production nationale elle-même, car à mesure que la masse gagnera en bien-être, la force de consommation s’accroîtra et, par suite, le débouché intérieur le plus vaste, le plus profond et le plus sûr sera ouvert à la production elle-même. »

En 1986 commence le déclin

C’est donc avec ce formidable appui que le ministre des finances, Joseph Caillaux, finit par faire voter cette loi du 15 juillet 1914, qui instaure pour la première fois en France un impôt général sur les revenus. Ou plus précisément, la réforme instaure un impôt à deux étages, avec un premier étage qui instaure des taux d’imposition proportionnels pour différentes catégories de revenus, et un deuxième étage, constitué d’un impôt général adossé à un barème progressif.

C’est ce jour-là que voit enfin le jour, dans les circonstances tumultueuses de cet été 1914, la grande promesse portée par la Déclaration des droits de l’homme. La grande promesse de l’égalité des citoyens devant l’impôt et de la justice sociale, résumée par ce principe : plus on est riches, plus on paie !

Las ! Un siècle plus tard, le bilan est proprement consternant. Car après être monté en puissance jusqu’au début des années 1980, l’impôt sur le revenu a ensuite été progressivement démantelé. Et François Hollande et Manuel Valls veulent continuer cette œuvre de destruction. Voilà en résumé ce qu’établit cette note très documentée de l’Institut des politiques publiques, que nous évoquions tout à l’heure.

Produit d’un partenariat entre la prestigieuse École d’économie de Paris et le Centre de recherche en économie statistique (CREST – un organisme adossé à l’Insee), l’IPP produit périodiquement des notes visant à évaluer les politiques publiques. Or, le moins que l’on puisse dire, c’est que la dernière note (n°12, juillet 2014), consacrée aux cent ans de l’impôt sur le revenu, est la bienvenue.

Cette note, on peut la télécharger ici ou la consulter ci-dessous :

 

Cette note commence par des rappels historiques précieux. Elle pointe en particulier que l’impôt sur le revenu ne prend sa forme définitive qu’en 1949, avec la suppression du premier étage d’imposition (les impôts dits cédulaires, en fonction de l’origine des revenus) et l’instauration d’un nouvel impôt, dit impôt sur le revenu sur les personnes physiques (IRPP), qui restera en vigueur jusqu’en 1971. Puis, en 1971, une nouvelle réforme dessine les contours d’un impôt sur le revenu moderne.

Mais quelles que soient ces mutations au fil des ans, la note relève qu’il faut distinguer deux périodes : pour l’impôt sur le revenu, il y a un âge de stabilité qui va de 1950 à 1986 ; on entre ensuite dans une période de déclin.

Pour la première période, celle de la stabilité, la note dresse ces constats : « Après une montée en charge du barème entre 1946 (5 tranches) et 1949 (9 tranches), le taux marginal supérieur va rester inchangé à 60 % de 1946 à 1982 (exception faite des deux années 1964 et 1967 et sans tenir compte des majorations exceptionnelles). Le nombre de tranches et les taux sont restés quasiment identiques pendant 25 ans, entre 1949 et 1974 : le barème typique de cette période possède 8 à 9 tranches avec une progression simple et quasi-arithmétique des taux : 0 %, 10 %, 15 %, 20 %, 30 %, 40 %, 50 % et 60 %. Le barème de l’impôt sur le revenu a connu ensuite une période faste entre 1975 et 1986, prolongeant la logique des décennies 1950 à 1970 : la progressivité a été plus étalée sur 13 à 14 tranches avec des taux échelonnés par pas de 5 points entre 0 % et 65 %. »

La note ajoute : « Les années de 1975 à 1986 constituent la période où le barème de l’imposition des revenus est le plus progressif de l’après-guerre. En 1986, la 14e et dernière tranche présentait un taux marginal de 65 % pour les revenus supérieurs à 241 740 francs (soit environ 48 000 € en euros 2014). »

Un impôt de plus en plus microscopique

Puis, après 1986, tout bascule. Sous les effets de la vague libérale, la droite française se convertit à une politique de baisse des impôts à marche forcée. Et les socialistes lui emboîtent le pas. Par coup de boutoirs successifs, l’impôt sur le revenu va alors commencer à être démantelé et sa progressivité remise en cause, pour le plus grands profits des plus hauts revenus.

Ce démantèlement progressif de l’impôt sur le revenu, qui est pourtant au cœur des valeurs fondatrices de la République, la note la présente de façon saisissante en quelques graphiques ou tableaux qui, le plus souvent, parlent d’eux-mêmes.

Le nombre de tranche d’imposition qui culmine à 14 en 1983, garantissant la véritable progressivité du prélèvement, est d’abord spectaculairement réduit, comme le rappelle le tableau ci-dessous :

                            

En trente ans, la progressivité de l’impôt sur le revenu est donc gravement mise en cause, avec une réduction de 14 à 6 du nombre des taux d’imposition.

 

Mais il n’y a pas que la progressivité de l’impôt sur le revenu qui est remise en cause au cours de ces trois dernières décennies. C’est le poids même de cet impôt sur le revenu dans le système global des prélèvements obligatoires français qui est aussi radicalement allégé. En clair, l’impôt sur le revenu, seul impôt progressif dans le système français avec l’impôt de solidarité sur la fortune et les droits de succession, devient de plus en plus microscopique, tandis que les autres impôts, de nature proportionnelle et donc beaucoup plus injustes, prennent progressivement une part croissante, comme le résume ce graphique :

                           

 

Commentaire de la note : « En 2013, avec 68,5 milliards d’euros, les recettes de l’impôt sur le revenu ne représentent que 7 % de l’ensemble des prélèvements obligatoires. À titre de comparaison, la contribution sociale généralisée (CSG) représente 91,7 milliards d’euros (soit 4,3 % du PIB), 144,4 milliards d’euros pour la taxe sur la valeur ajoutée (TVA) (soit 6,8 % du PIB) et 44,3 milliards d’euros pour l’impôt sur les sociétés (IS) (soit 2,1 % du PIB). Le graphique 2 présente la part des recettes de l’impôt sur le revenu dans le total des prélèvements obligatoires depuis 1914 : dans l’après-guerre, la part de l’impôt sur le revenu dans les prélèvements obligatoires a suivi une phase d’expansion jusqu’en 1981, dépassant 12 % des PO pour ensuite décroître jusqu’au début des années 2000 à environ 6 % des PO. »

Au mépris de « l’esprit de la République »

Et ce qu’il y a de très spectaculaire, c’est que dans cette vague libérale qui a submergé la planète, la France a fait du zèle. Contrairement à une idée reçue, propagée par la droite, les milieux patronaux – mais tout autant aujourd’hui, par les hiérarques socialistes –, la France a démantelé son impôt sur le revenu bien au-delà de ce qui a été pratiqué dans les pays les plus libéraux, les États-Unis et la Grande-Bretagne en tête. La preuve, c’est cet autre graphique qui l’apporte :

                           

 

Et au profit de qui l’impôt sur le revenu est-il été progressivement démantelé ? C’est le constat le plus ravageur de cette note, qui établit précisément que depuis un siècle, les ultrariches (les 1 % les plus favorisés) ont été de plus en plus avantagés par des exonérations ou abattements successifs, cumulés avec la diminution de la progressivité de l’impôt. Dans le même temps, pour les 90 % des moins riches, le poids de l’impôt a fortement progressé, comme le résume le graphique ci-dessous :

                           

 

Du coup, on comprend pourquoi les socialistes ont eu la très pertinente idée, dans le milieu des années 2000, de faire leur autocritique et, tournant le dos à cette politique de démantèlement de l’impôt sur le revenu, de proposer de refonder en France un grand impôt citoyen et progressif sur tous les revenus, sur le modèle de la « révolution fiscale » préconisée par l’économiste Thomas Piketty.

Mais on comprend aussi la gravité du reniement dont s’est ensuite rendu coupable François Hollande en oubliant cette promesse de la campagne présidentielle et en annonçant qu’il en revenait à la politique de baisse de l’impôt sur le revenu, initiée par la droite française en 1986 et amplifiée par les socialistes en 2000. Versant de nouveau dans le clientélisme et le poujadisme antifiscal, François Hollande vient en effet de confirmer, lors de son allocution du 14 juillet (lire Hollande déroule son plan de campagne pour 2017), que de nouvelles baisses de l’impôt sur le revenu pourraient intervenir en 2015, après celles annoncées pour cet automne 2014 par Manuel Valls. En clair, la doxa néolibérale a repris le dessus, et le cap fiscal est de nouveau fixé sur des baisses d’impôts. Un cap très gravement inégalitaire, comme cette note l’établit.

Dans des formules gentiment diplomatiques, la note conclut de la manière suivante : « Proposer une nouvelle jeunesse à ce centenaire est un enjeu démocratique. » Mais pour l’instant, on n’en prend pas du tout le chemin. Au lieu de la « révolution fiscale » promise, c’est une contre-révolution qui est en marche. La grande réforme fiscale est tombée aux oubliettes, et selon la belle formule dont se sert Jean Jaurès dans ce même discours, c’est un peu « l’esprit de la République » qui est de la sorte piétiné.

 

Lire aussi

 

 

 

Source :  www.mediapart.fr

 

 

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15 juillet 2014 2 15 /07 /juillet /2014 18:47

 

Source : www.reporterre.net

 

Etats-Unis : la crise revient

Jean Gadrey

mardi 15 juillet 2014

 

 

 

Selon le dogme officiel, la reprise de l’économie s’amorcerait. La prédiction repose sur la conviction que l’activité repart aux Etats-Unis, la première économie mondiale. Mais celle-ci accumule les mêmes ingrédients qui avaient conduit à l’effondrement de 2008...


Dernier épisode de cette série « Yes, they can ». Ils (les 1 %) pourraient bien être à l’origine d’un effondrement financier plus grave que le précédent. Propos d’un Cassandre direz-vous, alors que le taux de chômage officiel est de 6,1 % et que, de 2010 à 2013, la croissance annuelle est restée comprise entre 2 % et 2,8 %, ce qui ferait rêver nos dirigeants ? Il y a bien eu cette mauvaise nouvelle d’une chute brutale de 2,9 % du PIB américain au premier trimestre 2014, mais la Maison Blanche a promis un beau rebond dès le deuxième trimestre. Il n’est pas exclu que cela se produise. Là n’est pas le problème.

Car derrière ces chiffres on en trouve d’autres, non conjoncturels, qui portent sur des tendances de fond. L’obsession de la conjoncture rend aveugle. Après tout, la crise qui a (vraiment) démarré en 2008 avait été précédée, elle aussi, par une belle croissance et un faible taux de chômage officiel. Or les données qui suivent ressemblent pour certaines à celles dont on disposait en 2007.

 

MARCHE DU TRAVAIL ET SALAIRES

Le rôle du marché du travail et des salaires est crucial, même si d’autres facteurs interviennent. Commençons par l’évolution des salaires horaires réels (déduction faite de l’inflation) entre le début de 2009 et la fin de 2013, par déciles (source : Economic Policy Institute, Issue Brief n° 374, janvier 2014). Ils ont plongé pour tous les déciles, surtout ceux du bas de l’échelle, la seule exception concernant les 5 % les plus élevés. Et pendant ce temps, la productivité horaire du travail (avec toutes les limites de cette mesure) progressait de 4,8 % sur cette période…

Cette chute des années 2009-2013 fait suite à plusieurs décennies de salaires horaires réels quasiment stagnants. Cela date en fait des années 1970. Voici un graphique épatant (EPI briefing paper n° 378, juin 2014) représentant l’évolution de la productivité horaire du travail et celle de la rémunération horaire moyenne des salariés non cadres depuis 1948 :

 

LE TAUX DE PARTICIPATION AU MARCHE DU TRAVAIL A PLONGE APRES 2008

Cet indicateur (rapport entre l’emploi et la population de 16 ans et plus) est à manier avec précaution car il peut diminuer pour de bonnes raisons, en particulier, aux Etats-Unis, du fait de l’arrivée à l’âge de la retraite de la génération des « baby boomers » nés entre 1946 et 1964. Cela joue sans aucun doute, mais ne peut pas expliquer la brutalité de sa chute de près de 5 points entre 2007 et 2010. Depuis, il stagne plus ou moins. Même le taux de participation à l’emploi des 25/54 ans, qui a progressé de 1,5 points depuis 2010, reste inférieur de 3,5 points à son sommet de 2007.

FORTE HAUSSE DU NOMBRE DE CHOMEURS DECOURAGES OUMISSING WORKERS

 

On doit à l’excellent Economic Policy Institute de Washington une estimation de la vive croissance, depuis 2010, du nombre de « travailleurs manquants » qui ne sont ni en emploi ni à la recherche d’un emploi en raison de la dégradation du marché du travail. Je passe sur la méthode pour privilégier un graphique qui compare le taux de chômage officiel et ce qu’il serait si l’on comptait les travailleurs manquants. L’écart n’a cessé de se creuser et il correspond à 3,5 points de chômage en plus en mai 2014. En passant, cela peut expliquer le paradoxe d’un taux de participation à l’emploi en chute libre et d’un faible taux de chômage officiel.

On a d’une part des facteurs socio-démographiques (les baby boomers partant à la retraite), d’autre part la qualité déplorable des emplois dits non qualifiés et des petits boulots, décourageant la recherche d’emploi. La part des travailleurs pauvres dans la population active (avec la définition américaine très restrictive de la pauvreté « absolue ») est passée de 5 % en 2000 à 7,1 % en 2012, dernier chiffre connu.

 

EXUBERANCE BOURSIERE

Je l’ai déjà évoquée dans un billet précédent mais il faut y revenir. En cinq ans, le Dow Jones, le principal indice boursier de New York, a plus que doublé. A 17 000 points, il dépasse de très loin son précédent sommet historique (14 000 points en 2007). Même la mauvaise nouvelle, fin juin, de la forte baisse du PIB au premier trimestre n’a pas stoppé l’envol. C’est « l’exubérance irrationnelle des marchés », selon la formule d’Alan Greenspan. Des marchés qui ont été également dopés par le maintien sous « perfusion monétaire » de l’économie (et surtout de la finance), par la Fed depuis des années. Mais cette perfusion est en train de prendre fin...

 

*Suite de l'article sur reporterre

 

 

Source : www.reporterre.net

 

 

 

 

 


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