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31 août 2014 7 31 /08 /août /2014 14:06

 

Source : rue89.nouvelobs.com

 

 

 

Mouchards 30/08/2014 à 12h23
Grâce à vos données, on peut tout savoir de vous : voyez par vous-même
Philippe Vion-Dury | Journaliste Rue89

 

 

En vous observant, Facebook peut deviner quand vous tombez amoureux, Google sait quelles langues vous parlez ou si vous avez l’habitude de fréquenter un lieu de culte.

 


Un smartphone (Andy Rennie/Flickr/CC)

 

Depuis les révélations d’Edward Snowden, on ne cesse de vous bassiner de données et métadonnées. Les entreprises les captent, les Etats les soutirent, les citoyens les fuitent, tout le monde surveille tout le monde.

Dans ce débat qui confine à la paranoïa, les internautes se rassurent comme ils peuvent. Après tout, je suis un être complexe, ce n’est pas en espionnant mon profil Facebook et mes recherches YouTube qu’on va me cerner. Et puis, quand bien même, « je n’ai rien à cacher ».

Certes, il n’est pas question ici de tout savoir sur vous, citoyen lambda, pour vous faire chanter ou vous extorquer quoi que ce soit. Les buts sont bien plus pratiques : marketing, publicité, développement de services, faire de l’argent.

Pourquoi, malgré tout le travail de sensibilisation réalisé sur l’importance du droit au respect de la vie privée, y a-t-il si peu d’inflexion dans nos usages numériques ? Probablement la « donnée » est-elle un concept trop abstrait.

Dans ce cas, donnons-lui un corps.

1 Vos e-mails

Amis, collègues, proches...

 

On peut en apprendre beaucoup sur vous en regardant vos courriels. Au risque de surprendre, ce n’est pas tant leur contenu qui est révélateur que les métadonnées qui y sont associées : avec qui vous correspondez, quand, où...

Si vous êtes l’heureux détenteur d’une messagerie Gmail, troisième service e-mail en France, ou d’un compte Yahoo, vous pouvez faire le test vous-même grâce à des chercheurs du MIT (Massachussetts Institute of Technology) qui ont mis en ligne une application se synchronisant avec votre compte : Immersion.

 


Capture d’écran d’Immersion (Philippe Vion-Dury)

 

Qu’est-ce qu’on y découvre ? Le nombre d’e-mails échangés, de contacts, la temporalité des communications. On peut identifier ses cercles relationnels : famille, travail, université, école.

On peut encore repérer la date de leur création, donc la date de rencontre ou de début de contrat, les lieux où l’on a travaillé, étudié, vécu, et combien de temps.

2 Vos réseaux sociaux

« Likes », statuts, relations...

 

Viennent les réseaux sociaux et leur alpha mâle incontesté : Facebook. Que révèlent les données liées à votre activité sur ce réseau qui entretient un écosystème subtile où intimité et exhibitionnisme se fondent ?

L’entreprise WolframAlpha met à disposition un outil gratuit pour jeter un œil dans ses données. Il y a des informations peu utiles comme le nombre de publications, la part de statuts, commentaires, liens, photos, mots-clefs...

En revanche, on retrouve, à quelques erreurs et oublis près, les différents cercles d’amis, des personnes marquées d’un code couleur pour leur rôle qu’elles ont joué dans notre vie sociale (proches, entremetteurs, outsider...).

On y trouve aussi les liens postés, donc les musiques « likées », articles de journaux partagés, et par extension on peut deviner aisément certains goûts, intérêts voire penchants politiques.

 


Capture d’écran de WolframAlpha

 

On sait aussi que Facebook peut corréler des données et discerner des choses qui nous échappent : évaluer la charge émotionnelle de nos messages par exemple, ou encore deviner si nous tombons amoureux ou démarrons une relation intime.

3 Vos moteurs de recherche

Passions, achats, régime, vacances, porno...

 

Le mastodonte des moteurs de recherche, c’est définitivement Google avec près de 95% de parts de marché en France. Lorsque vous tapez une recherche, le moteur va automatiquement vous proposer de compléter votre phrase, vous suggérer des requêtes alternatives, faire remonter certaines réponses et colorer les liens où vous vous êtes déjà rendus en violet.

Pas de mystère sur ce petit miracle algorithmique : les données. Toutes vos errances sur le Web sont enregistrées dans les serveurs colossaux de la firme, des sites d’information aux questionnements sur la perte de poids en passant par les emplettes et la consommation pornographique. Et ça vaut pour YouTube également, propriété de Google.

Un outil maison aux fonctionnalités plutôt limitées permet d’y accéder. On peut retrouver les milliers, les dizaines de milliers de recherches effectuées ces dernières années. On peut aussi y deviner le rythme de travail, des horaires aux jours en passant par les vacances.

Google peut aussi deviner quelles langues étrangères sont parlées, les destinations de vacances, les centres d’intérêt, les sites préférés, les livres lus etc.

 


Capture d’écran d’un historique Web

 

Vous pouvez effacer cet historique de manière assez précise, mais ne vous leurrez pas : les données ne sont pas supprimées mais seulement « plus associées » à votre compte. Google a d’autres moyens de suivre votre navigation grâce aux cookies ou au navigateur Chrome, développé par l’entreprise.

4 Votre navigation

 

Le cookie, c’est un petit bout de programme placé dans votre ordinateur par un site que vous visitez ou par d’autres sites avec l’accord du premier. Il sert de témoin (pour ne pas dire de mouchard) de votre navigation.

Pour résumer : il ne vous lâche pas d’une semelle et récupère des données sur vous. Mais même sans déposer de cookies, des sites tiers peuvent également être avertis de votre navigation.

Faites le test (et réglez vos paramètres) en installant des modules directement dans votre navigateur, comme Ghostery ou Disconnect. Ce dernier permet de visualiser pour chaque visite le nombre de sites avertis de votre présence.

 


Capture d’écran de Disconnect

 

Vous pouvez aussi visualiser et observer toute votre navigation en téléchargeant Cookie Viz, logiciel proposé par la Cnil (Commission nationale de l’informatique et des libertés), ou plus simplement en installant le module Lightbeam sur Firefox.

 


Capture d’écran Lightbeam

 

Chaque triangle représente un site tiers qui sait que vous avez visité le site principal. Certains d’entre eux (liens violets) en ont profité pour déposer un cookie sur votre machine. En deux jours, c’est près de 350 sites tiers qui ont repéré mon activité (non protégée), soit quatre fois plus que les sites visités en première intention.

5 Votre smartphone

 

Votre smartphone lui aussi est connecté au réseau. Il est plus difficile en revanche d’estimer où vont les données que vous générez. Si vous utilisez les services populaires comme (Gmail, Chrome, Facebook, Twitter), toutes les données vues précédemment sont pareillement générées et synchronisées sur les serveurs principaux.

Mais d’autres données sensibles sont stockées sur votre téléphone : identité, informations personnelles, carnet d’adresses, textos, photos, etc. Et lorsque vous installez une application, certaines d’entre elles demandent l’accès et se servent.

 


Capture d’écran My Permissions

 

Pour s’en rendre compte et faire un peu de nettoyage, l’application My Permissions est plutôt pratique. On peut s’apercevoir par exemple qu’une appli « lampe » accède à la position géographique du porteur, ou que des jeux vidéos scannent vos e-mails et vos contacts.

Difficile ensuite de savoir où vont ces données et quelles utilisations en sont faites.

Reste une donnée générée par votre smartphone, peut-être la plus sensible lorsque liée à votre identité réelle : la géolocalisation. Là encore, Google se taille la part du lion avec son appli Google Maps et son système d’exploitation Android.

Il faut aller sur un outil bien caché : Location History. Une fois activée, cette option vous permet de consulter tous vos historiques de déplacement. Ce qui donne une idée très, très détaillée de votre journée.

 


Capture d’écran de l’historique de déplacement Google (Challenges)

 

On se rend compte que celui qui a accès à ces données peut savoir où vous habitez, travaillez, déjeunez, si vous vous rendez dans un lieu de culte, combien de fois vous sortez par semaine, vos habitudes de shopping, votre niveau social, la nature de vos loisirs, où vous voyagez, partez en week-end...

Et pas facile de s’en débarrasser : « La suspension de l’historique des positions ne désactive pas non plus la mise à jour de la position ni les services de localisation de votre appareil », vous rappelle Google.

En se penchant un peu sur les informations obscures que nous donne Google, on se rend vite compte que les données ne sont pas supprimables, que des données seront toujours collectées, et qu’à moins de ne se servir d’aucune appli utilisant la géolocalisation, on ne peut pas échapper au géant si on fait partie des 85% d’individus qui utilisent Android dans le monde.

6 Et si on croise ces données...

 

A ce stade, on peut encore se dire qu’après tout, ces données sont de natures variées, que les entreprises qui les récoltent sont nombreuses, et que prises indépendamment, elle ne sont finalement pas si utiles.

Certes. Mais croisez ne serait-ce que trois jeux de données : recherches internet, géolocalisation et e-mails. Vous obtenez une description extrêmement précise de chaque individu, de ses penchants politiques à ses croyances religieuses, de ses loisirs à son travail, de ses habitudes de consommation à ses centres d’intérêt intellectuels, de ses réseaux relationnels à ses aventures extra-conjugales...

Ces trois jeux de données, Google les a. Mais tous les acteurs du Web aujourd’hui tendent à cette centralisation, et tous ambitionnent d’être le « hub » auquel toutes nos activités sont liées.

Cette concentration des données est inquiétante, et l’on peut rapidement se sentir impuissant devant l’omniprésence des géants du Web. Une « hygiène numérique » simple suffit pourtant à limiter fortement ce pouvoir, en protégeant et paramétrant correctement votre smartphone, en changeant quelques pratiques et outils sur votre ordinateur.

Vous pouvez vous tourner vers les guides de défense proposés par les organisations de défense des droits comme EFF ou La Quadrature du Net, et suivre les recommandations et fiches techniques de la CNIL.

 

 

Source : rue89.nouvelobs.com

 

 

 

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31 août 2014 7 31 /08 /août /2014 13:49

 

 

Source : www.mediapart.fr

 

Vies alternatives (1/6): objecteurs de croissance

|  Par Sophie Dufau

 

 

Comment trouver d'autres formes de vie commune afin de résister à l'accélération financière et technologique? Pour Mediapart, Philippe Borrel, réalisateur de L'Urgence de ralentir (Arte, 2 septembre, 22h50), a sélectionné dans ses rushes une quinzaine d'exemples. Aujourd'hui, ceux qui refusent la surconsommation.

Résister à l'accélération financière et technologique qui nous mène vers des catastrophes écologiques et sociales ; trouver d'autres façons de vivre ensemble pour façonner un autre monde : c'est ce qu'interroge le documentaire L'Urgence de ralentir (de Philippe Borrel sur une idée de Noël Mamère) diffusé le mardi 2 septembre sur Arte, à 22 h 50.

Un film qui, à partir des critiques et réflexions de philosophes, sociologues et économistes tels Edgar Morin, Pierre Dardot, Douglas Rushkoff, Geneviève Azam, Rob Hopkins, Jeremy Rifkin, Alberto Acosta, Bunker Roy, Tim Jackson, etc., sillonne la planète à la recherche de « ces nouveaux rebelles contemporains vivant à contretemps du modèle dominant, ces précurseurs qui redécouvrent un rapport attentif, patient et fertile au temps », explique le réalisateur.

Pour Mediapart, Philippe Borrel a sélectionné plus d'une quinzaine de séquences, non montrées dans le film, qui donnent chair au propos du documentaire. Alternatives radicales ou plus modestes, embryons d'organisation ou système quasi fermé, nous diffuserons ces expériences tout au long de la semaine, accompagnées à chaque fois de l'entretien vidéo avec un des intellectuels rencontrés pour le film.

  • 1er volet : Objecteurs de croissance

Dans les Appalaches en Caroline du Nord, la Wildroots Community a été fondée par un ancien ingénieur et sa compagne, tous deux la quarantaine passée. En pleine forêt, cette communauté de « survivalistes » accueille ceux et celles qui comme eux veulent réapprendre à vivre en pleine autonomie au cœur de la nature. Complètement coupés de la société de surconsommation américaine. (7min14)


(*vidéo visible sur  mediapart)


À Paris, en mai 2013, au Cabaret Sauvage, se tient la première conférence européenne sur l’économie collaborative (le OuiShare Fest) : à cette occasion, le philosophie Bernard Stiegler appelle à une transition radicale vers une économie collaborative du savoir et du partage. (3min38)


(*vidéo visible sur mediapart)


Entretien avec Paul Ariès, politologue, militant de la décroissance et auteur de Nos rêves ne tiennent pas dans les urnes. Éloge de la démocratie participative (Max Milo Éditions, 2013) : « Pour revenir à la primauté de la culture et de la politique » (5min36)


(*vidéo visible sur mediapart)

 

Séquences inédites du film L'Urgence de ralentir écrit, filmé et réalisé par Philippe Borrel d'après une idée originale de Noël Mamère.
Montage Marion Chataing et Morgan Le Pivert. Musique originale Piers Faccini. Assistantes réalisateur Ophélie Thomassin et Carmela Uranga. Archive film Notre Dame des luttes réalisé par Jean-François Castell. Directrice de production Marlène Vanthuyne. Assistants de production Gaëlle Cottais et Timothé Fessy.
Une coproduction Cinétévé / Arte France. Pour Cinétévé, producteur délégué Fabienne Servan Schreiber. Producteur exécutif Estelle Mauriac. Pour ARTE France, unité société et culture Martine Saada. Chargée de programmes Alex Szalat.
© Cinétévé - Arte France  -  Mediapart 2014

 

Voici le sommaire de cette série : 31 août, Objecteurs de croissance. 1er septembre, Génération déconnectée. 2 septembre, Tisser des liens pour agir. 3 septembre, Le temps du partage. 4 septembre, Redonner du sens. 5 septembre, Mobilisations militantes.

 

 

Source : www.mediapart.fr

 

 

 

 

 


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29 août 2014 5 29 /08 /août /2014 18:31

 

Source : www.mediapart.fr

 

OGM et pesticides: le désastre argentin, la guerre transatlantique

|  Par Paul Moreira

 

 


Les OGM permettent d'utiliser moins de pesticides et de produits chimiques: c'est l'argumentaire de l'industrie transgénique. Problème: il est faux et l'Argentine, massivement convertie au soja OGM, est en train d'en payer le prix fort sur le plan sanitaire et agricole. Le journaliste Paul Moreira en revient, avec un documentaire diffusé lundi sur Canal+. Enquête et extraits.

Manuel Valls est un chaud partisan des OGM. Dans son programme pour la primaire socialiste en 2011, intitulé « l'abécédaire de l'optimisme », il en vantait les bienfaits. Pour l'environnement notamment. Les OGM, expliquait-il, permettaient d'utiliser chaque fois moins de pesticides et de produits chimiques dangereux (voir sa vidéo en cliquant ici). C'est exactement le message que répand partout l'industrie transgénique. Toujours plus d'OGM, c'est toujours moins de pesticides...

Avec cette promesse, elle a conquis presque toute la planète. Une poignée de pays européens traîne encore les pieds. Mais pour combien de temps ? Depuis le début de la conquête transgénique, le gouvernement américain s'est littéralement mis au service de la firme Monsanto. Et lors des prochaines négociations du traité transatlantique de libre-échange (ou TAFTA), les OGM risquent d'être imposés partout en Europe.

Quinze ans se sont écoulés depuis l'arrivée de l'agriculture transgénique. C'est assez de recul pour pouvoir évaluer la véracité des promesses. Les OGM demandent-ils vraiment toujours moins de produits chimiques ? Si c'est le cas, c'est une aubaine du point de vue de l'écologie et de la santé. Car, on le sait maintenant, les pesticides sont un poison dangereux. Pour se faire une idée, il y a deux méthodes. S'en tenir à la lecture des études menées par les firmes transgéniques qui garantissent l'innocuité de leurs produits et de leur modèle agricole. Ou bien, aller voir sur place... Entre décembre 2013 et juin 2014, j'ai visité la face cachée du modèle transgénique.

Je m'étais déjà intéressé aux OGM, il y a quinze ans, pour l'émission 90 minutes, sur Canal Plus. J'ai même été l'un des derniers journalistes critiques à avoir la chance de pénétrer avec une caméra dans les laboratoires de Monsanto. J'avais eu droit à une visite guidée, surveillée de très près par un homme de la communication. Mon guide, Ted, m'avait expliqué la technologie des plantes modifiées.

 

 

« This is good technology ! Super technology ! » Ted jouait l'enthousiasme. Il était payé pour. Il s'était attardé devant le « pistolet à gènes », la machine « la plus cool » de leur laboratoire. Elle projetait un gène dans une plante avec un petit bruit sec de pistolet à air comprimé. Rigolo, non ?...

Mais devant un plant de soja, Ted avait remarquablement accéléré le débit de son explication, jusqu'à la rendre incompréhensible. Le soja était « résistant à un herbicide »... En vérité, je n'avais pas compris le mécanisme. Faute professionnelle. Je devrais le savoir, quand le discours devient opaque, c'est qu'il dissimule une information importante. L'info, c'était « plante génétiquement modifiée pour résister à un herbicide »... L'agriculteur peut planter sans avoir à labourer et arracher les mauvaises herbes. Pour ça, il lui suffit d'arroser son champ d'herbicide. Le pesticide brûle tout sauf la plante OGM. Je ne voyais pas le problème...

À l'époque, je m'intéressais exclusivement aux questions de brevets. J'étais fasciné par l'idée qu'une firme puisse breveter le vivant comme un logiciel. J'avais négligé les dangers potentiels pour la santé. Ils ne semblaient pas réels. Je me trompais.

Ce qu'il fallait comprendre, c'est que les OGM n'existent pas sans produits chimiques. C'est un couple indissociable. Quand Monsanto vend ses OGM, il vend surtout des millions de litres de Round Up Ready, son herbicide à base de glyphosate. Sans lui, les plantes OGM seraient asphyxiées par les mauvaises herbes. Aujourd'hui, cette technique, le soja résistant à l'herbicide, est au centre d'une future catastrophe. C'est ce que j'ai vu dans les plaines d'Argentine, quinze ans plus tard.

L'Argentine a entamé sa course au transgénique depuis 1996. Elle a multiplié sa surface cultivée par trois en quinze ans. Un triomphe du point de vue financier. Le soja OGM massivement exporté vers l'Europe a permis à l'Argentine de retomber sur ses pieds économiquement. Aujourd'hui, c'est quasiment 100 % du soja produit en Argentine qui est OGM, et qui résiste au glyphosate.

On devrait dire « qui résistait au glyphosate ». Car il ne résiste plus. Hector Rainero est fonctionnaire à l'INTA, l'Institut national de technologie agricole. Cette institution gouvernementale a convaincu les agriculteurs argentins d'adopter les plantes OGM. Aujourd'hui, il reconnaît l'échec : « À force d'être attaquées au glyphosate jusqu'à quatre fois par an, les mauvaises herbes se sont adaptées, elles ont muté, elles sont devenues elles aussi résistantes à l'herbicide. Alors, pour en venir à bout, il faut augmenter les doses, rajouter des produits chimiques, chercher de nouveaux cocktails. Heureusement, les firmes transgéniques nous aident beaucoup... »

Les sols argentins sont imbibés de combinaisons d'agrotoxiques. De l'aveu même du gouvernement, personne n'a étudié l'impact sanitaire de ces combinaisons chimiques, leur synergie, leurs effets combinés. Sur un tracteur d'épandage, j'ai découvert des fûts de Round up mélangés à de l'Atrazine, un agrotoxique interdit en Europe (il change le sexe des grenouilles...) et du 2,4 D, un des composants actifs de l'agent Orange, le célèbre défoliant militaire qui a provoqué des vagues d'enfants déformés au Viêtnam.

Aujourd'hui au Danemark, demain en France ?

Dans la province du Chaco, ces méthodes ont un coût humain. Dans certains villages agricoles, près des champs OGM, le nombre des enfants difformes a été multiplié par trois depuis l'explosion du transgénique. Le gouvernement argentin n'a déclenché aucune étude médicale pour connaître la cause de ces difformités. Il prend les choses avec fatalisme. Viviana Perez qui élève une fille de 12 ans frappée d'une grave affection génétique inconnue dit : « J'ai mille fois eu envie de baisser les bras. Mais, non, jusqu'à ce que Dieu en décide autrement, je dois continuer... »

Alejandro Mentaberry, vice-ministre des sciences argentin et partisan des OGM, ne nie pas l'existence de cette vague d'enfants malades. C'est le prix du miracle argentin : « Malheureusement, il y a toujours des victimes dans ce genre de processus, c'est inévitable... », concède-t-il.

 

 

 

Si, au gouvernement, personne ne connaît l'impact de ces cocktails, il est difficile d'imaginer que chez Monsanto, on ne s'y intéresse pas. Mais Monsanto ne souhaite pas commenter cette défaillance de sa technologie. Ni les conséquences possibles de mélanges avec des produits toujours plus durs. Le groupe Monsanto s'est fermé totalement aux regards extérieurs s'ils sont suspects d'être critiques. Leur politique de communication est stricte. Éviter d'exposer les gens de l'industrie dans les « killing fields », les zones de feu que sont les interviews polémiques. Un document interne leur conseille d'utiliser plutôt des experts, des figures emblématiques, des gens qui sont des histoires à eux tout seuls et qui peuvent répliquer « au feu par le feu » (lire ici ce document sur leur stratégie de communication).

Nous avons rencontré l'un des agents d'influence les plus mis en avant par l'industrie transgénique : Patrick Moore. Officiellement, c'est un écologiste, un ancien de Greenpeace.

 

 

 

Il dit aujourd'hui promouvoir le riz doré OGM afin de combattre les carences en vitamine A dans le tiers-monde. Mais il prend la défense de l'industrie transgénique avec virulence, quel que soit le sujet. L'industrie transgénique tente de nier autant que possible la réalité sanitaire qui frappe l'Argentine. Elle tente d'effacer les zones de soupçon en affirmant que ses produits sont testés. Mais il suffit de suivre la trace du soja OGM, jusqu'en Europe, pour continuer à avoir des doutes.

Au Danemark, les élevages de porcs sont confrontés à la « mort jaune », une épidémie inexpliquée de diarrhée violente tuant jusqu'à 30 % des porcelets. Elle pourrait être liée à une agression contre certaines bactéries du système digestif. Des centaines de bêtes meurent de maladies gastriques aux causes inconnues. Là-bas, les bêtes sont nourries à 100 % aux OGM. Certains fermiers mettent en cause le combo transgénique : soja OGM+herbicide glyphosate. Une poignée d'entre eux, comme Ib Pedersen, a abandonné les OGM et affirme que leurs bêtes se portent mieux. Le gouvernement a demandé à une université d'agronomie d'évaluer l'impact du glyphosate sur les bactéries digestives.

Le problème pourrait dépasser le royaume du Danemark. En France, il faut savoir qu'il y a une chance sur deux pour que la côtelette de porc que nous mangeons vienne d'une bête nourrie au soja transgénique. La moitié des bêtes d'élevage françaises sont nourries aux OGM. Pourquoi alors, aucun éleveur, aucun magasin, aucun importateur de nourriture animale n'accepte d'en dire un mot ? Que craint-on ? Un nouveau scandale alimentaire ? Xavier Beulin, le président de la FNSEA, le reconnaît : « Il y a une omerta en la matière car les éleveurs ont été trop exposés dans des scandales à répétition dont ils n'étaient pas responsables. »

L'enjeu du traité transatlantique

Nous vivons au cœur de la grande guerre du transgénique. Elle est restée invisible mais n'en est pas moins violente. Grâce aux câbles diplomatiques américains dévoilés par Wikileaks en 2012, on sait que le gouvernement américain s'est littéralement mis au service de l'industrie transgénique, a exercé des pressions, amicales ou plus musclées, pour que Monsanto puisse s'imposer partout. Nous avons pu reconstituer certains épisodes de cette offensive du soft power pro-transgénique.

Ainsi, en France, en 2007, l'ambassadeur Craig Stapleton a monté une réunion secrète entre des représentants des firmes transgéniques et un patron de l'agriculture française pour élaborer une stratégie commune. J'ai retrouvé cet agriculteur. Il raconte qu'il fallait faire plier le gouvernement français et réduire l'influence de José Bové dont le nom apparaît des dizaines de fois dans les câbles (ces documents peuvent être lus ici). Il existe au ministère américain des affaires étrangères un homme dont le rôle exclusif est d'assurer la promotion du transgénique. Il s'appelle Jack Bobo. Il l'a expliqué lors d'une conférence dans une université américaine : « Le transgénique est pour nous une affaire de sécurité nationale... » Voir, ci-dessous, sa conférence à Cornell University, en décembre 2013.

Le prochain épisode de la grande guerre du transgénique se jouera très certainement lors des négociations du traité transatlantique de libre-échange. Ce traité commercial vise officiellement à harmoniser les normes sanitaires et réglementaires entre les États-Unis et l'Europe. S'il venait à être imposé selon les termes que souhaitent les Américains, il serait sans doute difficile de refuser les importations d'OGM au nom du principe de précaution. Il serait même probablement impossible de les étiqueter pour en informer le public. L'industrie transgénique considère l'étiquette OGM comme une « atteinte au droit à rester silencieux » et poursuit l'État du Vermont qui a osé l'autoriser dans les supermarchés. L'étiquette OGM était l'une des promesses de campagne de Barack Obama. Elle n'a toujours pas été imposée au niveau fédéral.

Après la signature du traité, s'il est signé, de nouveaux acteurs vont rentrer en jeu : les arbitres. Si une firme estime qu'un État ne respecte pas sa liberté de commerce, elle peut demander réparation devant une cour arbitrale. Il ne s'agit pas de juges mais d'anciens avocats d'affaires ou de lobbyistes, spécialistes du droit commercial. À titre d'exemple, Daniel Price, un ancien lobbyiste de Monsanto, est arbitre. Price intervient notamment dans le cas Philip Morris contre l'État de l'Uruguay. Le gouvernement uruguayen imposant des avertissements santé un peu trop gros sur le paquet de cigarettes, la multinationale du tabac le poursuit.

Corinne Lepage, ex-députée européenne, qui s'est battue contre le projet de traité transatlantique explique : « Si demain Monsanto n'accepte pas que la France étiquette leurs OGM ou les refuse, ils nous poursuivront devant des arbitres et demanderont des centaines de millions de dollars de dommages et intérêts. Pour discrimination commerciale... C'est une guerre qui ne dit pas son nom. » Évidemment, dans ce monde nouveau, l'avis des citoyens français, majoritairement réticents à consommer des OGM, est totalement facultatif...

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« Bientôt dans vos assiettes ! (de gré ou de force...) », un documentaire de Paul Moreira
Diffusion lundi 1er septembre à 20 h 50, Canal plus.

 

 

Source : www.mediapart.fr

 


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29 août 2014 5 29 /08 /août /2014 18:17

 

Source : www.alternatives-economiques.fr

 

 

La fin des 35 heures, les entreprises n’en veulent pas
Sandrine Foulon

 

 

 

 

Le nouveau patron de Bercy sonne une énième charge idéologique contre les 35 heures. Pourtant, sur le terrain, les entreprises qui ont déjà toute latitude pour les détricoter, n’y dérogent pas.

 

« Nous pourrions autoriser, les entreprises et les branches, dans le cadre d'accords majoritaires, à déroger aux règles de temps de travail et de rémunération. C'est déjà possible pour les entreprises en difficulté. Pourquoi ne pas étendre à toutes les entreprises, à condition qu'il y ait un accord majoritaire avec les salariés? » La veille de son arrivée à la tête du ministère de l’économie, Emmanuel Macron lançait, dans un entretien au Point publié le lendemain, une énième offensive contre les 35 heures, responsables attitrées de tous les maux de l’économie française depuis leur création en 2000. « Je crois qu’il nous faut en sortir », déclarait déjà le candidat Sarkozy en 2007. Et de fait, le précédent chef de l’Etat a largement débloqué les issues. La loi du 20 août 2008 qui a réformé le temps de travail a fait sauter le premier verrou. Par accord collectif, une entreprise a toute latitude pour réorganiser le temps de travail de manière beaucoup plus souple. La durée légale du temps de travail a beau rester à 35 heures, les salariés ont la possibilité de travailler jusqu’à 40 heures par semaine, les heures supplémentaires se déclenchant après 35 heures. Si le retour de la gauche a signé la fin de la défiscalisation des heures sup – qui a surtout provoqué des effets d’aubaine – les entreprises peuvent toujours y avoir recours et dépasser le seuil des 220 heures par an. Le forfait annuel en jours fixé à 218 jours a lui aussi explosé, dans la limite absolue de 282 jours. Jusqu’alors réservé aux cadres, il a été étendu, sous réserve que le salarié accepte, à tous ceux qui sont autonomes dans leur travail. La loi a même bousculé la hiérarchie des normes en permettant aux entreprises de négocier des accords de temps de travail qui ne soient pas conformes à ceux en vigueur dans la branche.

Très peu d'accords compétitivité 

Dès 2008, les directions avaient donc un boulevard pour dénoncer leurs accords d’entreprise sur le temps de travail et renégocier avec les syndicats le nombre de jours de RTT accordés. Certains quotas très généreux ont d’ailleurs fondu comme neige au soleil. Mais cela reste quantité négligeable. Les entreprises ne sont pas bousculées pour remettre à plat leurs accords sur le temps de travail. Elles ne se sont pas davantage précipitées lorsque la loi de sécurisation de l’emploi de juin 2013 a fait sauter le deuxième verrou. Le texte issu de la négociation avec les partenaires sociaux permet lui aussi de déroger aux lois Aubry. Par le biais des accords de maintien dans l’emploi, une entreprise en difficulté peut augmenter le temps de travail sans compensation financière, voire le diminuer avec baisse de salaire en contrepartie d’engagements sur l’emploi. Mais les accords de compétitivité des constructeurs automobiles Renault et PSA, négociés et signés avant la loi, n’ont pas fait d’émule. De l’équipementier alsacien Malhe Behr à la PME nantaise Walor, en passant par Stor Technologies à la Réunion ou Aeorotech en Charente, les accords de maintien dans l’emploi signés depuis un an se comptent sur le doigt d’une main.

Fragiles équilibres sociaux

En grande difficulté financière ou non, les entreprises rechignent, dans leur grande majorité, à s’attaquer à leurs accords de temps de travail. « La question des 35 heures est une affaire purement politicienne. Dans les entreprises, les DRH n’ont aucune envie de renégocier des équilibres sociaux qu’ils ont eu parfois beaucoup de mal à mettre en place. Et ce n’est pas maintenant, alors que la situation sociale et économique est tendue, qu’ils vont se risquer à tout faire éclater. Aujourd’hui, la vraie question n’est pas celle de la durée mais de l’organisation du travail » plaide Hervé Garnier, en charge de ces sujets à la CFDT. Stéphane Richard, le PDG d’Orange, le répétait également le 28 août au micro de France Inter, ouvrir le dossier des 35 heures « n’est pas la priorité ». Au-delà des dangers sociaux encourus, beaucoup d’entreprises n’ont aucun désir d’abandonner un dispositif qui leur a offert la possibilité d’annualiser le temps de travail. Une vieille revendication de la grande distribution par exemple. Depuis dix ans, ce secteur peut à loisir moduler les périodes de fortes et basses activités sans avoir à payer trop d’heures supplémentaires.

Pour autant, la charge idéologique contre les 35 heures revient régulièrement sur le tapis. « Les 35 heures ne sont pas un sujet tabou » déclarait Jean-Marc Ayrault en octobre 2012. Un débat repris à la volée par Manuel Valls, l’UMP ou le Medef de Pierre Gattaz. L’attaque du nouveau patron de Bercy a bien vite été enterrée par Matignon. En attendant la prochaine salve, le dossier des 35 heures n’est pas près d’être ouvert. Il n’a d’ailleurs pas besoin de l’être. La boîte à outils est déjà à disposition des volontaires.



En chiffres (source : Dares, indicateurs. Juin 2014)

83,9% des salariés travaillent à temps complet (dans les entreprises de 10 salariés ou plus, hors agriculture et emplois publics)

13,1% d’entre eux sont au forfait annuel en jours

86,9% d’entre eux travaillent en moyenne 35,6 heures par semaine

350 000. C’est le nombre d’emplois que les 35 heures auraient créés entre 1998 et 2002 selon la dernière enquête Insee-dares publiée en 2004. http://www.insee.fr/fr/ffc/docs_ffc/es376377b.pdf

En savoir plus

 

- Audition d’Yves Struillou, le directeur général du travail sur l’impact de la réduction progressive du temps de travail à l’Assemblée nationale. http://videos.assemblee-nationale.fr/video.5766.reduction-du-temps-de-travail--audition-de-m-yves-struillou-dg-de-la-dgt-ministere-du-travail-d-30-juillet-2014. Sur proposition du groupe centriste UDI, les députés ont en effet créé une commission d'enquête sur le sujet qui devrait rendre ses conclusions en décembre.

-aménagement du temps de travail après la loi du 20 août 2008. http://travail-emploi.gouv.fr/informations-pratiques,89/les-fiches-pratiques-du-droit-du,91/duree-du-travail,129/amenagement-du-temps-de-travail,1015.html

 

Sandrine Foulon

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29 août 2014 5 29 /08 /août /2014 17:43

 

Source : www.mediapart.fr

 

 

Logement: Valls taille en pièces la loi Duflot

|  Par Michaël Hajdenberg et martine orange

 

 

 

 

Manuel Valls a annoncé vendredi 29 août des mesures pour relancer la construction. Il abandonne l'encadrement des loyers, qui est réduit à une simple expérimentation à Paris. Le premier ministre tourne ainsi la page Duflot, et sa loi taxée depuis quelques semaines de tous les maux. Lui faire porter le chapeau n'a pourtant pas grand sens alors que l'explosion des prix constitue le premier obstacle. Décryptage.

Manuel Valls a confirmé ce vendredi 29 août qu’il voulait tourner la page Duflot. Parler d’un « plan de relance » serait largement exagéré. Mais la communication gouvernementale est censée constituer le déclic psychologique qui dynamisera le marché de la construction.

Pour que les propriétaires vendent vite leur terrain et libèrent ainsi du foncier, le gouvernement met en place un abattement exceptionnel de 30 % sur les plus-values de cession des terrains à bâtir, pour toute promesse de vente conclue avant le 31 décembre 2015. Parallèlement, les terrains à bâtir seront exonérés d'impôt sur le revenu au bout de 22 ans, contre 30 actuellement.

Ensuite, le gouvernement veut favoriser les investissements locatifs par de nouveaux mécanismes fiscaux. Le Pinel remplace le Duflot et permettra à l’investisseur qui souhaite une réduction fiscale (qui variera selon la durée) de louer son bien neuf pendant 6, 9 ou 12 ans. Comme attendu, les investisseurs pourront par ailleurs louer ces bien à leurs ascendants ou descendants. Une mesure qui fait polémique (voir ci-dessous). Dans le registre familial, le Premier ministre a également annoncé un abattement exceptionnel de 100.000 euros pour les donations aux enfants et petits-enfants de nouveaux logements neufs.

Enfin, l’encadrement des loyers, promesse de campagne de François Hollande et mesure phare de la loi Duflot, est réduit à une expérimentation à Paris. Alors que le projet devait voir le jour d’ici la fin de l’année dans toute l’Ile-de-France, et dans les autres régions en 2015… L’ensemble de ces mesures ne devrait pas bouleverser la donne. Mais le message est clair, dans la lignée des dernières semaines. Priorité aux professions immobilières. L’ancienne ministre avait tout faux.

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Haro sur Duflot ! L’ancienne ministre du logement est accusée, non seulement par l’opposition, mais par les lobbies de l’immobilier et à présent par le premier ministre, d’avoir plombé l'immobilier. Selon Le Canard enchaîné, Manuel Valls assure à ses interlocuteurs que la loi ALUR (Accès au logement et pour un urbanisme rénové) aurait coûté 0,4 à 0,5 point de croissance à la France. Rien que ça.

Tomber sur Cécile Duflot est devenu ces derniers jours si fréquent et si grossier qu’un hashtag est apparu sur twitter, #lafauteaDuflot, qui l’accuse de tous les maux, français ou internationaux.

 

Et Matignon ne semble pas vouloir s’arrêter en si bon chemin. À en croire un courriel interne issu de Matignon et publié mercredi par Libération, le nouveau gouvernement « n'appliquera pas (…) les mesures de la loi Duflot (…) et l’annoncera clairement pour lever l’attentisme ». Le premier ministre devrait annoncer vendredi un train de mesures censé relancer le marché de la construction.

Il est curieux de clouer au pilori une ministre que Manuel Valls jugeait encore si inefficace il y a quelques semaines qu’il lui a proposé de devenir numéro 2 de son gouvernement ! Mais au-delà des querelles politiciennes, reste la polémique de fond. Alors qu’elle n’a été promulguée que le 24 mars et que la plupart de ses décrets d’application ne sont pas entrés en vigueur, comment la loi Duflot a-t-elle pu faire des ravages ? Décryptage en trois points.

  • 1.- Le manque de constructions ne date pas d'hier
La Une du Journal du dimanche, ce 24 août 
La Une du Journal du dimanche, ce 24 août

De mois en mois, le marché de la construction poursuit sa chute. Les mises en chantier, qui avaient baissé au premier trimestre, ont continué de reculer au second. Elles s’établissent à 73 468, soit un recul de 13,3 % sur un an, selon les statistiques du ministère du logement publiées mardi 26 août. Sur les douze mois achevés en juillet, le nombre de logements neufs mis en chantier affiche un recul de 10,8 % à 305 079 unités.

Les perspectives ne sont guère plus encourageantes. Le nombre de permis de construire accordés pour des logements neufs – qui feront les mises en chantier futures – n'a diminué que de 1,1 % de mai à juillet, à 101 885, selon le ministère du logement. Cette stabilisation ne permet pas d’effacer la chute spectaculaire de 25 % enregistrée au premier trimestre.

Le même ralentissement est constaté sur les ventes de logements neufs. Elles ont reculé de 12,1 % au deuxième trimestre par rapport à la même période de 2013. Même si le nombre de logements mis en vente a diminué, les stocks restent très élevés à 103 681. Les délais de vente ne cessent de s’allonger passant de 4,6 à 4,9 trimestres pour les appartements et à 5,9 trimestres pour les maisons individuelles, tandis que les annulations de réservations augmentent à 15 %.

Selon l’Insee, cette chute de la construction, qui représente un poids considérable de l’économie, risque de se traduire par un manque à gagner de l’ordre de 0,4 % de PIB sur l’ensemble de l’année. La préoccupation du gouvernement d’agir vite sur ce secteur – un des seuls où il dispose encore de quelques outils – est donc devenue très forte, à un moment où l’activité économique, au mieux, stagne.

À entendre les lobbies de la construction, écoutés avec une grande complaisance par le gouvernement, le décrochage serait lié à la loi Alur, défendue par Cécile Duflot et votée en mars. Tous les malheurs actuels de l’immobilier et du BTP proviendraient de ces nouveaux dispositifs législatifs, même s’ils ne sont pas encore entrés en vigueur. « Je comprends votre surprise : la loi a été promulguée le 24 mars », explique Jean-François Buet, président de la Fnaim.  « Mais en novembre dernier, un client me disait déjà : la loi Duflot a fait des ravages. Je lui ai fait de gros yeux : "M’enfin ! Elle n’est pas encore entrée en vigueur !" Seulement il y a eu tellement d’effets d’annonces. À force de messages négatifs, on a un impact négatif », raconte-t-il.

Le président de la Fédération française du bâtiment (FFB), Jacques Chanut, en convient : « Dire aujourd’hui que la loi Duflot est responsable des blocages est un raccourci soit politique, soit médiatique. Mais il y a eu un impact, plus psychologique que factuel. Le discours de Duflot sur les droits des locataires a bloqué le marché. Les propriétaires ont eu le sentiment qu’ils n’auraient plus la maîtrise de rien. »

Accabler l’ancienne ministre du logement reviendrait cependant à faire fi de la situation européenne. Selon les dernières statistiques d’Eurostat publiées le 20 août, le secteur de la construction dans la zone euro affiche un recul de 0,7 % en juin 2014. Est-ce à dire que la déflation serait en train de toucher l’investissement des ménages ? Surtout, à la Fondation Abbé-Pierre, Patrick Doutreligne ironise sur les critiques actuelles : « Si la loi Duflot est responsable, alors c’est la première loi à effets rétroactifs. Et sur bon nombre d’années ! »

Principal obstacle, la hausse des prix

Car le manque de mises en chantier n’est pas nouveau en France. « Au premier trimestre 2014, l’investissement des ménages, principalement en logement, a continué de baisser pour le neuvième trimestre consécutif (-2,6 % après -2,2 %) », écrivait l’Insee en avril 2014. Dans les faits, la chute de l’immobilier a commencé avec la crise de 2008 et s’est accélérée depuis 2012. En 2007, la construction de logements avait atteint son niveau le plus élevé avec 446 000 logements individuels construits. Il s’en construit aujourd’hui à peine 300 000.

 

 

Les raisons de ce décrochage sont multiples. La première est liée à la très forte hausse des prix. Depuis 2000, ils ont explosé dans l’immobilier. Selon l’Insee,le prix du mètre carré construit est passé de 2 030 euros en 2000 à 3 884 euros en 2013, soit une hausse de 91,3 %. Le foncier n’explique pas tout. Les montants ont augmenté dans les mêmes proportions pour les travaux de rénovation ou d’amélioration de l’habitat. Pour le logement ancien, les prix moyens qui étaient sur la base d’un indice 100 en 2000 sont en moyenne à l’indice 220. Dans le même temps, le revenu disponible brut des ménages est passé en moyenne de l’indice 100 à 145.

 

 

 

La première source des blocages de la construction réside donc dans le décalage entre les prix de l’immobilier et le revenu des ménages. Dans les études de l’Insee sur le patrimoine, le logement est devenu la première cause d’inégalité. Il y a les propriétaires et les autres. À l’exception du Royaume-Uni, il n’y a qu’en France que ce problème se pose avec une telle acuité. Selon des chiffres cités par le Financial Times, le prix d’un 70 mètres carrés au Danemark correspond à 2,7 ans de revenus quand il représente 7,6 années de revenus en France.

Cette réalité, qui est apparue dès le milieu des années 2000, a été masquée par une série de mesures. Crédit à taux zéro, défiscalisation, aides en tout genre, l’État a dépensé des dizaines de milliards chaque année – les aides à la construction s’élevaient à 41 milliards d’euros en 2013 – pour soutenir le secteur et aider les acheteurs. Les banques, de leur côté, ont aidé artificiellement à soutenir une demande et à empêcher une correction des prix qui aurait pu leur être préjudiciable, en proposant des crédits de plus en plus longs. De 10 à 15 ans, la durée des crédits est passée de 25 à 30 ans dans de nombreuses acquisitions. Autant dire que les acquéreurs sont plutôt des locataires à long terme de leur banque.

La crise de 2008 a cassé partiellement ces mécanismes. Pendant un temps, ce sont les banques, totalement déstabilisées par la crise, qui n’ont plus voulu prêter. Désormais, ce sont les ménages qui ne peuvent plus ou ne veulent plus emprunter, même si les taux sont très bas. D’autant que les prix de l’immobilier et de la construction, totalement bloqués par des artifices et des dispositifs fiscaux, n’ont pas baissé dans les proportions nécessaires pour rendre la demande solvable. La preuve est là aussi dans les chiffres : les primo-accédants sont quasiment sortis du marché. Ils étaient 135 000 à acheter un logement neuf dans les années 2006-2007. Ils sont 35 000 aujourd’hui. La décrue est comparable dans l’ancien.

« Tout compris, neuf et ancien, on tourne autour de 100 000 primo-accédants alors qu’il en faudrait 180 000 pour être en phase avec les objectifs du gouvernement », estime Jacques Chanut. « Il n’y a pas de problème de taux pour ces jeunes. Mais un problème d’apport. »

La demande des secteurs professionnels d’augmenter les prêts à taux zéro, de l’ouvrir à des acquisitions dans l’ancien ne peut permettre de remédier à cette situation. Le marché du logement paie aujourd’hui les conséquences de quarante ans d’une politique reposant à la fois sur une déréglementation totale et des subventions massives, l’État étant censé payer pour corriger les excès de cette libéralisation pervertie.

Revenus diminués, emploi incertain, chômage, peur du présent et de l’avenir, rien n’incite les ménages à se lancer dans des investissements lourds et de longue durée. D’autant qu’à mesure que la précarité s’installe, que les contrats à temps partiel, à durée déterminée, avec des salaires réduits, deviennent la norme, les garanties exigées pour contracter un crédit ou même louer sont sans cesse alourdies, au point de demander à des salariés de quarante ans installés depuis longtemps dans la vie la caution de leurs parents.

Si certains ménages ont de l’épargne – le taux d’épargne représente plus de 16 % du revenu disponible –, ils la gardent sur des comptes courants, pour faire face en cas de coups durs. Ou ils préfèrent attendre une baisse des prix, la déflation anticipée devenant souvent auto-réalisatrice.

Pourquoi « le Duflot » fait baisser les investissements locatifs

Tout en relevant l’échec des mesures de défiscalisation pour soutenir la politique du logement, Cécile Duflot a, comme ses prédécesseurs, mis en place un nouveau dispositif à la fin de 2013. Celui-ci est destiné à prendre la suite du dispositif Scellier et d’en corriger les nombreux travers. Des promoteurs, mettant en avant le seul avantage fiscal pour attirer les investisseurs particuliers, ont construit de nombreux logements dans des villes où il n’existait pas de besoins réels mais où le foncier était bon marché, laissant des propriétaires dans l’incapacité de louer leur logement tout en devant rembourser leur prêt.

Ministère du logement ou de l'immobilier ?

Pour remédier à ce détournement, le dispositif Duflot est encadré. Il n’est possible que dans les zones, définies par un décret, où la situation du logement est tendue. Il permet à ceux qui achètent dans le neuf de bénéficier d'une réduction d'impôt équivalente à 18 % des sommes investies, dans la double limite de 300 000 euros et de 5 500 euros par mètre carré. En contrepartie, l'investisseur s'engage à louer le bien pendant 9 ans en respectant des plafonds de loyers (environ 20 % inférieurs à ceux du marché), mais aussi en fonction des revenus du locataire. Les logements doivent par ailleurs répondre à certaines normes en matière d’économie d’énergie.

Pour soutenir la construction neuve, le gouvernement envisage d’ouvrir cet avantage fiscal à des acheteurs qui loueraient leur bien à des membres de leur famille. Cécile Duflot s’était opposée à cette mesure jugeant que l’État n’avait pas à soutenir les avantages patrimoniaux dans des familles qui en bénéficiaient déjà. Cet assouplissement est demandé notamment par la fédération des promoteurs immobiliers qui a habillé la demande sous la forme du concept de «  solidarité intergénérationnelle ». Pour Jacques Chanut, de la Fédération française du bâtiment, « si on veut construire 500 000 logements par an, il en faut 60 à 70 000 au moins d’investissement locatif. C’était le seuil atteint avec le Scellier. Aujourd’hui, il nous en manque 30 000 à 40 000. Cela avantagerait les familles riches ? Ça, c’est un débat politique, nous n’avons pas à nous prononcer là-dessus. Nous, on explique que cette mesure ferait construire 6 000 à 10 000 logements. »


 

Même Nicolas Sarkozy n’avait pas osé s’avancer sur ce terrain. Si la loi Scellier n'interdisait pas de louer à ses enfants, il fallait, pour bénéficier des avantages fiscaux, que le locataire remplisse une déclaration d'impôts séparée. Ce qui est rare lorsque l'enfant est encore étudiant.

Pour Patrick Doutreligne, une telle décision serait « scandaleuse. Par l’impôt, par l’argent des contribuables, on va aider les familles aisées à maintenir leur progéniture dans la même aisance, à s’enrichir sur plusieurs générations ! Depuis le Robien (dispositif fiscal comparable mis en place par le ministre centriste Gilles de Robien en 2003), tout est fait pour les classes moyennes supérieures. Là, il n’y aurait qu’un seul bénéficiaire : l’emploi. Ce n’est certes pas négligeable, mais c’est très cher payé. » Faudra-t-il dès lors rebaptiser le ministère du logement en ministère de l’immobilier ?

Le député UMP Gilles Carrez avait chiffré le coût du Scellier pour l’État à 2,3 milliards d’euros en 2011 ! « On critique le coût des emplois aidés, mais ces dispositifs fiscaux sont bien plus coûteux et reviennent à un prix aberrant pour construire seulement 30 000 logements de plus. Même Bercy a fait l’analyse que ce n’était pas une bonne solution», estime-t-il.

Cet assouplissement « familial » s’ajouterait à une autre mesure déjà annoncée en juin par la ministre du logement, Sylvia Pinel, puisqu’un avantage supplémentaire sera accordé aux investisseurs qui s’engagent à louer leur appartement plus longtemps. L’avantage pourrait être de l’ordre de 3 points supplémentaires de réduction fiscale pour une location de douze ans. Dans le cadre de cette révision, le dispositif est appelé à changer de nom. Comme chez les Égyptiens qui martelaient sur leurs monuments les noms des pharaons passés honnis, le gouvernement ne saurait garder quelque part le nom de Duflot. 

L’encadrement des loyers et la garantie universelle des loyers auraient eu un impact psychologique

L'encadrement des loyers devait être la mesure phare de la loi Duflot. Il n’en restera pas grand-chose ; s’il en reste quelque chose. Au vu de la flambée des prix exigés, l’idée était de plafonner les loyers dans les zones tendues en se référant à un loyer médian. Petit à petit, pendant la discussion parlementaire, le projet est devenu de moins en moins ambitieux. À tel point qu’aujourd’hui, il n’est plus question de l’appliquer qu’à l’Île-de-France. « Le dispositif actuel est tellement faible qu’il n’aura d’impact que sur les tout petits logements très chers à Paris », analyse Patrick Doutreligne. D’autant que les censures du Conseil constitutionnel ouvrent la voie aux dérogations et donc à des compléments de loyers.

Alors comment, en n’étant toujours pas entré en vigueur, l’encadrement, promis par François Hollande pendant sa campagne présidentielle, aurait-il pu avoir un impact négatif ? « En plus des risques de voir son locataire tomber au chômage, qu’il ne paye pas son loyer, qu’il dégrade l’appartement, le propriétaire s’est dit que son locataire allait pouvoir remettre en cause son loyer », assure le président de la Fnaim, qui n’a visiblement jamais pu encadrer la ministre. « Cécile Duflot donne l’impression d’être dogmatique. La communication de son ministère a participé à apeurer et provoqué l’attentisme des vendeurs, des acquéreurs, ainsi que la trouille des investisseurs. »

L’analyse de Patrick Doutreligne diffère : « Les professions immobilières, qui ont fait leurs vaches grasses pendant dix ans n’ont pas supporté qu’on veuille encadrer leurs pratiques. Elles ont fait un énorme lobbying contre toute la loi Duflot et à partir du moment où Valls a ouvert la porte à un aménagement de la loi, les lobbies se sont engouffrés pour redémarrer. »

Il n’a cependant pas fallu attendre que Manuel Valls soit nommé premier ministre pour qu’une autre mesure forte, la garantie universelle des loyers (GUL), ait du plomb dans l’aile. Le dispositif n’avait pourtant a priori rien d’affolant pour les propriétaires, bien au contraire : l’État devait se porter garant des locataires et payer le propriétaire si celui-ci ne percevait plus de loyer.

Sauf que Cécile Duflot n’a jamais été bien claire sur le dispositif. Et encore moins sur son financement. « Comme le projet n’était pas financé, les propriétaires se sont dits que ça retomberait sur eux, qu’ils auraient une assurance de plus à payer. Des associations de propriétaires ont laissé entendre ça, explique Jacques Chanut. Le manque de clarté a permis toutes les interprétations. Il faut être prudent sur ce qu’on avance. »

Patrick Doutreligne s’étonne : « La GUL est aujourd’hui devenue facultative. Le propriétaire la prend s’il le souhaite. Je ne vois donc pas comment cela a pu déstabiliser le marché. » Le délégué général de la Fondation Abbé-Pierre n’en demeure pas moins circonspect sur la clarté des choix : « On discute pendant huit mois d’un dispositif au Parlement. On finit par trouver une sorte d’équilibre, même a minima. Le Conseil constitutionnel valide. Et là, on décide de le remettre en cause ! On dirait une alternance. » Confirmation attendue vendredi.

 

 

Source : www.mediapart.fr

 

 

 

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29 août 2014 5 29 /08 /août /2014 17:16

 

Source : bo.rue89.com

 

 

Pour votre bien 29/08/2014 à 17h40
iPhone 6 : après l’empreinte digitale, Apple veut ficher votre état de santé
Gurvan Kristanadjaja | Journaliste Rue89
 
La firme de Cupertino présentera son nouveau smartphone le 9 septembre. A l’intérieur, HealthKit, une application santé dont les données pourraient intéresser votre mutuelle.

A quelques jours de la très attendue présentation de l’iPhone 6 par Apple – le 9 septembre –, plusieurs caractéristiques du nouveau smartphone sont déjà connues. Son écran devrait être plus grand, ses lignes plus arrondies, et de nouvelles applications pourraient y être intégrées.

Parmi elles, HealthKit, développée au mois de juin par la firme de Cupertino. Cette appli permettrait à tout propriétaire d’un iPhone 6 de quantifier et de stocker toutes ses données de santé. Apple en explique vaguement le principe sur son site :

« HealthKit permet aux applications qui fournissent des services de santé et de fitness de partager leurs données sur cette nouvelle application de santé et avec les autres utilisateurs.

Leurs informations sont stockées dans un endroit centralisé et sécurisé, et seul l’utilisateur décide des données qui doivent être partagées avec votre application. »

Fitness, sommeil, pouls...

Healthkit va en fait regrouper et gérer toutes les applications que l’on utilise déjà pour mesurer son état de santé sur son téléphone (Nike Running, Sleep alarm, ...) en plusieurs catégories :

  • diagnostics,
  • fitness,
  • résultats d’analyses de laboratoire ( !),
  • médicaments,
  • régime alimentaire,
  • sommeil,
  • mesures (pouls, etc.).
La présentation d’iOS 8 avec Health Kit

Keynote d’Apple, en anglais

L’application pourrait être synchronisée à une montre ou à un bracelet connecté, et une puce devrait également être intégrée dans le smartphone pour recueillir et analyser les données.

Le risque de revente à des mutuelles

La promesse est énorme : simplifier et regrouper les documents de santé en une seule et même application. Imaginez alors que vous puissiez consulter vos analyses sanguines sur votre smartphone au lieu de faire la queue pour aller les chercher : l’idée est plutôt cool, non ?

Samsung est aussi intéressé
Samsung avait devancé Apple en annonçant dès le mois de mai son projet Simband, qui vise comme le Healthkit à mesurer et quantifier les données de santé des utilisateurs récoltées grâce aux bracelets connectés.

Le problème, c’est que toutes ces données récoltées seront stockées sur les serveurs d’Apple, et donc potentiellement commercialisées. Si la firme a pour le moment modifié les conditions d’utilisation de l’iOS 8 afin d’interdire la revente de données par des développeurs tiers, Bloomberg croit savoir qu’Apple serait en discussion avec deux des plus grosses mutuelles de santé américaines – United Health et Humana –, dans le cadre d’un accord commercial.

On peut facilement imaginer ce qui se joue en ce moment : ces mutuelles vont racheter les données récoltées afin d’ajuster le prix du forfait en fonction de l’état de santé du propriétaire du téléphone (en échange d’une grosse somme reversée à Apple). Si votre iPhone révèle par exemple que vos récentes analyses de sang sont mauvaises, votre mutuelle augmentera le prix de son forfait.

Pour l’instant, aucune assurance française ou européenne n’a communiqué publiquement quant à un éventuel accord commercial du même type.

« Si c’est gratuit, vous êtes le produit »

Avec l’iPhone 5S déjà, Apple avait réussi le défi de récolter les empreintes digitales de millions d’utilisateurs grâce à leur technologie Touch ID (qui permet de déverrouiller son téléphone via à l’empreinte de son doigt), sans choquer outre-mesure.

Car tout cela est le fruit d’une communication simple et bien rodée : faire passer pour un service gratuit ce qui est en réalité un service commercial. Healthkit est à l’image de Facebook et des modèles économiques qui tendent à se démocratiser dans le numérique : on ne verse pas d’argent pour s’en servir, mais l’utilisateur paye en fournissant ses données personnelles qui, elles, n’ont pas de prix.

 

 

Source : bo.rue89.com

 

 


 

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29 août 2014 5 29 /08 /août /2014 16:56

 

Source : leblogalupus.com

 

 

Les défaillances du système reconnues par un banquier Par Andreas Hofert

 

Politique monétaire. Raghuram Rajan estime que les banques centrales n’ont pas les outils adaptés à leur rôle.


 

Les demi-dieux de la finance se sont retirés sur leur Olympe, dans les Rocheuses. Les intervenants du marché attendaient impatiemment la bonne parole. Les économistes, analystes et autres experts qui ont suivi le sommet ont rivalisé de jeux de mots plus ou moins subtils. «Doux message du Grand Téton» qu’a osé un de mes collègues francophones d’une banque d’affaires britannique, est – à mon avis – celui qui mérite la palme cette année. Nul doute, le symposium de Jackson Hole, «Davos des banquiers centraux», a été l’événement à ne pas manquer de la semaine passée.

Mais la montagne a accouché d’une souris. Intitulée «Réévaluation des dynamiques du marché de l’emploi», la conférence se penchait sur la question suivante: pourquoi, cinq ans après la fin de la Grande Récession, les marchés du travail continuent à rester atones aux Etats-Unis, voire carrément déprimés en Europe dite périphérique?

Janet Yellen, la présidente de la Fed, nous a gratifié d’un numéro d’économiste à deux mains (selon la formule anglaise «on the one hand, on the other hand…») bien normand. Certes, il y a des éléments structurels qui permettent de comprendre pourquoi le chômage reste élevé malgré une politique monétaire ultra-expansive. Mais, comme il y a également des éléments cycliques, il convient de ne pas se précipiter dans une politique monétaire plus restrictive. Donc, on ne change rien, on laisse du temps au temps. La première hausse des taux n’interviendra au plus tôt que vers la mi-2015 et sera dépendante de l’évolution du marché de l’emploi… dont on ne sait pas vraiment comment il évoluera d’ici là.

Mario Draghi, le président de la Banque centrale européenne (BCE), a , une fois de plus, longuement pontifié sur les causes structurelles du chômage en Europe. Rien de bien nouveau par rapport au message qu’il avait envoyé lors de la dernière annonce officielle de la BCE: «Il est assez clair que les pays qui ont entrepris un programme convaincant de réformes structurelles fonctionnent mieux – beaucoup mieux – que les pays qui ne l’ont pas fait ou qui l’ont fait dans une mesure limitée.» Suivez mon regard. Si la France stagne et que l’Italie en est à sa troisième récession depuis 2008, ce n’est certainement pas la faute à la politique monétaire, mais bien au manque de réformes.

Réformes structurelles par ci, réformes structurelles par là. N’y a-t-il vraiment pas d’autre explication que celle de l’absence de réformes au fait que l’Italie a actuellement un PIB réel inférieur à celui qu’elle avait en 2000? Ashoka Mody, jusqu’à récemment l’un des responsables de l’Europe au Fonds monétaire international (FMI), a osé affirmer, il y a quelques semaines, dans une interview au Daily Telegraph de Londres: «Réformer comme on l’entend de la part des élites européennes, c’est prendre ses désirs pour des réalités. En effet, la structure du marché de l’emploi ne diffère pas autant qu’on le croit entre l’Italie et l’Allemagne et il n’est pas plus facile d’embaucher et de licencier en Allemagne qu’en Italie.»

Le cru Jackson Hole 2014 n’a donc eu aucune saveur particulière. Ceux qui croyaient que la Fed ou la BCE dévoileraient des informations quant à l’évolution de leurs politiques monétaires réciproques – comme ce fut le cas en 2012 quand Ben Bernanke annonça le QE3 – ne peuvent être que déçus.

Ce n’était pas non plus le terrible cru de 2005, la célèbre fête d’adieu et de triomphe d’Allan Greenspan, où un seul homme osa briser l’euphorique consensus en questionnant avec prescience les risques de plus en plus importants concernant le système financier. Vilipendé à l’époque, Raghuram Rajan, devenu depuis président de la Banque centrale de l’Inde, fut l’un des très rares économistes à avoir anticipé la crise financière.

Les mots de la fin lui reviennent donc. Ils n’ont pas été prononcés à Jackson Hole, où il n’était pas sur la liste des participants, mais lors d’une interview avec le Financial Times, il y a deux semaines: «D’énormes responsabilités ont été transmises aux banquiers centraux afin de compenser, pour l’essentiel, les défaillances du système politique. Et mon souci est que nous n’avons pas suffisamment d’outils pour assumer cette responsabilité, mais nous ne sommes pas prêts à le dire. Par conséquent, nous usons jusqu’à la corde les outils existants, et cela peut créer bien plus de risques dans le système.» Enfin un banquier central suffisamment humble (ou naïf) pour avouer que malheureusement nous ne savons presque rien. Et donc que pas grand-chose est vraiment sous contrôle.


Permalien de l'image intégrée

ANDREAS HÖFERT  Chef économiste UBS Wealth Management/ AGEFI SUISSE

http://www.agefi.com/une/detail/archive/2014/august/artikel/politique-monetaire-raghuram-rajan-estime-que-les-banques-centrales-nont-pas-les-outils-adaptes-a-leur-role-380161.html

 

 

 

Source : leblogalupus.com

 

 

 

 


 

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28 août 2014 4 28 /08 /août /2014 18:25

 

Source : actualutte.com

 

 

Fraude et évasion fiscale : une industrie prospère
25 août 2014
 

 

 

 

Il est clair aujourd’hui, pour tout analyste économique ou financier objectif, que deux des grands maux qui mènent le libéralisme à la faillite sont la fraude et l’évasion fiscale (légale ou illicite) et le coût prohibitif du capital « improductif » imposé aux entreprises de biens et de services qu’elles soient publiques ou privées.
Si la seconde cause a largement été expliquée par le Centre lillois d’études et de recherches sociologiques et économiques (Clersé), il n’est pas inutile d’aller voir de plus près l’impact dévastateur que le non respect du devoir citoyen devant l’impôt peut avoir sur l’enlisement de nos sociétés dans une spirale de crise sociale, économique et structurelle.
Quel serait donc le poids financier que représente cette fuite de capitaux qui devrait servir aux finances publiques ?
Le problème de l’évaporation de cette manne financière, qui devrait servir au bien collectif, cache bien des zones sombres, des soumissions, des compromissions et devrait mener bien souvent des hommes politiques, des banquiers, des patrons d’industrie devant les tribunaux.

 

Des constats désespérants :

Pour avoir une échelle de valeur de l’ampleur du phénomène, il suffit d’aligner quelques chiffres révélateurs des sommes en jeu.
Les avoirs dissimulés au fisc français équivalent à la recette annuelle fiscale de la France. Pour les spécialistes, ils représentent même cinq fois le produit de l’impôt sur le revenu perçu en 2010. Chaque année, ce sont au moins 2,5 milliards d’euros qui s’évadent rien qu’en Suisse, et cela depuis plus de dix ans, ce qui représente entre 100 000 et 150 000 comptes non déclarés. Si on y ajoute d’autres paradis fiscaux (Luxembourg, Caïmans, Lichtenstein..), ce sont près de 15 milliards d’euros d’évasion sur dix ans gérés par les banques suisses seules.
Les spécialistes estiment que les avoirs dissimulés en Suisse s’élèvent à environ 100 milliards d’euros, tandis que le total estimé dans les autres paradis fiscaux se situent autour de 220 milliards d’euros. Ces sommes représentent un manque de rentrées fiscales annuelles de 10 milliards d’euros. Sans compter que ces avoirs « travaillent » pour leurs propriétaires à l’abri des taxes.

Mais les banques françaises ne sont pas en reste. BNP, Crédit Agricole, Banque Populaire, Société Générale pratiquent aussi l’évasion fiscale. En détournant chaque année quelque 370 milliards d’euros dans des paradis fiscaux, ce sont 20 milliards d’euros supplémentaires qui échappent encore au fisc.
Ces banques disposent, à elles seules, de plus de 360 entités offshore pour permettre l’évasion des avoirs des entreprises du CAC40 ou d’autres grandes entreprises.
C’est en définitive, pour la France, un montant de 590 milliards d’euros qui s’évapore dans la nature, un tiers des impôts potentiels qui ne sont pas perçus par l’Etat, soit une trentaine de milliards d’euros.
Si on y ajoute les diverses fraudes des entreprises, escroquerie à la TVA, travail au noir, fiscalité locale non versée, prélèvements sociaux non effectués, la fraude fiscale approche plutôt les 80 milliards annuels.

D’après les anomalies remarquées par le FMI dans la balance mondiale des paiements , on peut estimer, pour 2011, que 6 000 milliards d’euros sont détenus par des ménages dans le monde dans des paradis fiscaux, avoirs gérés pour le tiers par des banques suisses. Ces 8% de la richesse mondiale, qui sont hors de portée des fisc nationaux, rapportent en plus des dividendes qui échappent aussi aux impôts ( cf : Gabriel Zucman « la richesse cachée des nations »).

Une réalité déformée par la fraude :

Ces avoirs privés européens, auxquels il faut ajouter les dividendes issus de leurs placements dans des fonds d’investissements, représentent près de 10% de la richesse privée européenne. Ce sont alors 2 275 milliards d’euros qui n’entrent pas dans les comptes financiers de l’Europe.
Cette distorsion entre les comptes officiels des Etats et la réalité financière bancaire présente l’Europe comme une région pauvre et endettée, alors que d’après les avoirs bancaires, elle est une des plus riche de la planète. Soumettre ces avoirs bancaires cachés aux impôts serait une partie de la solution à la fameuse dette publique… illégitime.
Si comme aux Etats Unis ces avoirs étaient taxés à 50%, cette taxe d’assainissement s’élèverait à quelque 66 milliards d’euros rien que pour la France et serait une solution non négligeable vers un début de sortie de crise.

UBS : une industrie à évasion fiscale.

 
La championne toute catégorie de montages offshore pour industrialiser l’évasion fiscale se trouve être la banque Suisse UBS.
En 2004, elle avait déjà créé aux USA plus de 900 sociétés écrans pour organiser la fuite fiscale anonymisée de richissimes clients étasuniens via 52 000 comptes.
Pour ce qui concerne la gestion des fortunes privées investies hors de leurs pays d’origine, cette banque s’octroie à elle seule 27% de cette manne financière mondiale (chiffre datant de 2007…)
Elle accuse en 2010 un résultat d’exploitation de plus de 26 milliards d’euros et réalise un profit net de 6,1 milliards d’euros.
Pour s’assurer les bonnes grâces gouvernementales face au secret bancaire, chaque année, le secteur financier Suisse verse 15 milliards d’euros d’impôts et pourvoit au salaire de quelque 150 000 enseignants du secteur primaire. Quand à UBS, elle participe à hauteur de 1,65 milliards d’euros aux impôts suisses.
Et pourtant, depuis son implantation en France en 1998, elle accuse un déficit structurel (560 millions d’euros en 1998), car ses activités masquées d’évasion fiscale ne peuvent être prises en compte dans ses chiffres d’affaires, les comptes offshore non déclarés étant illégaux. Car la véritable raison de son implantation en France est la création illégale de comptes offshore à Singapour, Luxembourg, Hong Kong et autres paradis fiscaux, le tout géré depuis la Suisse.
Alors que depuis 2003 les enquêteurs du ministère des finances (tracfin), les contrôleurs de la banque de France, la brigade financière et le service national de douane judiciaire ont toutes les preuves du système d’évasion fiscale monté par UBS, les bureaux de cette banque n’ont été perquisitionnés qu’à partir de 2013 ….
En 2009, 2010, 2011, l’autorité de contrôle prudentiel de la Banque de France a reçu une masse importante d’informations et de notes précises sur « l’évasion fiscale au sein d’UBS France ».
Ces notes détaillent les doubles comptabilités d’UBS pour masquer l’évasion fiscale, mettent en évidence les transferts douteux de fonds entre les agences de Paris, Strasbourg, Lille, Cannes … et la Suisse, la Belgique ou le Luxembourg, détaillent des transferts de fonds de comptes non déclarés vers des zones offshore, prouvent des actes de démarchages illégaux de chargés d’affaires suisses, sous le couvert d’UBS France et de son Management.
D’autres détaillent aussi les mystérieux « carnets du lait » et « la vache », notes secrètes des chargés d’affaires suisse en « poste » illégalement en France pour récupérer de riches clients désireux de déménager leur fortune hors de portée du fisc français.
On y retrouve des footballeurs professionnels, de nombreux sportifs, des chanteurs, de riches rentiers, des politiques, des grands patrons du CAC40, des journalistes sportifs, des jockeys, des réalisateurs de films, des naviguateurs et de grandes familles bourgeoises….

Un début de réaction :

Le groupe UBS a finalement été mis en examen en juin 2013 en tant que personne morale pour « démarchage illicite » et sa filiale française pour complicité.
Une nouvelle mise en examen est tombée en juin 2014 pour blanchiment aggravé de fraude fiscale portant sur la période 2004-2012 et démarchage illicite auprès de fortunes françaises. Une caution de 1,2 milliard d’euros a été fixée dans le cadre de cette procédure.
Finalement, la perspective d’une condamnation d’UBS en France est de plus en plus réelle.
L’avocat fiscaliste lausannois Philippe Kenel déclare notamment :  » Je crains qu’UBS ne soit la première d’une longue liste. Il est à prévoir que les Français s’attaquent à d’autres banques suisses(…) Si aucune solution n’est trouvée et que les procédures pénales se multiplient, avec à chaque fois des amendes à la clé, nos banques courent à la faillite »
Et l’avocat d’affaires suisse Jean Russotto insiste lui aussi : »… deux interrogations demeurent. D’abord, l’honorabilité de la maison mère fait partie des conditions d’octroi et de maintien d’une licence bancaire pour les filiales actives dans les différents pays. Il n’est pas exclu qu’une condamnation pénale de la maison mère en France puisse conduire l’un ou l’autre des régulateurs nationaux à remettre en question la licence bancaire de l’une ou l’autre de ses filiales. Ensuite, il y a certainement un effet d’entraînement chez les juges, d’un pays à l’autre. »
Après les condamnations étasuniennes, la mise en danger du secret bancaire institutionnel, les mises en examen françaises, sans doute des fonds se sont déjà envolés vers d’autres coffres bien scellés pour les fisc européens. Les banques suisses vont perdre sans doute un peu de leur attrait, mais d’autres ont déjà pris le relais et les banques françaises ne sont pas les dernières…

Epilogue :

…Et la Suisse ne figure toujours pas sur la liste noire ou grise des paradis fiscaux, alors qu’elle gère presque un tiers de l’évasion fiscale mondiale.
Cette évasion fiscale élevée au rang d’activité industrielle par toutes les banques françaises ou étrangères est un désastre pour les finances publiques, amplifie la dette publique, prive d’investissement les entreprises et installe la récession.

Cette analyse non-marxiste du capitalisme a au moins l’honnêteté de l’objectivité.
Elle est un premier pas vers une remise en cause du paradigme ultra libéral et, si elle passe par une répartition plus égalitaire des richesses, elle aboutira peut être à la remise en cause de l’exploitation du travail par le capital.

Source :

« Ces 600 milliards qui manquent à la France » – Antoine Peillon – Seuil
« La richesse cachée des nations » – Gabriel Zucman – Seuil

Article d’Albidochon sur  demagocratie

 

 

Source : actualutte.com

 

 

 

 

 

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28 août 2014 4 28 /08 /août /2014 18:04

 

Source : www.bastamag.net

 

 

 

Alternative

« Les biens communs nous offrent davantage de liberté et de pouvoir que ne le font l’État et le marché »

par Olivier Petitjean 23 avril 2014

 

 

 

 

 

 

Qu’y a-t-il de commun entre une coopérative, un potager partagé, un collectif de hackers ou une communauté autochtone gérant une forêt ? Tous « agissent et coopèrent avec leurs pairs, de manière auto-organisée, pour satisfaire leurs besoins essentiels », explique David Bollier. Ce chercheur états-unien et militant infatigable des biens communs nous invite à ne plus être des « créatures du marché », des consommateurs isolés sans autre pouvoir que de voter occasionnellement, mais à devenir plutôt des « commoneurs » : des acteurs d’un système de production, de relations sociales et de gouvernance alternatif au néolibéralisme.

La notion de « biens communs » attire de plus en plus l’attention et l’intérêt de divers acteurs du changement social. Qu’il s’agisse d’écologie, de défense des services publics, de culture ou de technologie, les biens communs – ou, plus simplement, les « communs » – ont pour principal attrait de dessiner une alternative pratique aux logiques de commerce et de contrôle, mettant l’accent sur la coopération et le partage, et redonnant du pouvoir et de l’autonomie aux simples citoyens. La notion de « biens communs » est invoquée à propos de choses très différentes entre elles, depuis la gestion collective des ressources naturelles jusqu’à Linux et Wikipedia, en passant par la préservation des traditions indigènes, les services et infrastructures publics, les coopératives et l’économie solidaire, les jardins partagés et les AMAP… Difficile parfois de trouver un fil conducteur.

David Bollier, chercheur indépendant et militant états-unien, se consacre depuis une douzaine d’années à l’enjeu des communs, dialoguant aussi bien avec les pionniers du logiciel libre ou des licences Creative Commons qu’avec des groupes de paysannes indiennes ou des représentants de peuples indigènes. Dans un livre qui vient de paraître en France [1], il propose une « brève introduction » aux communs. L’ouvrage entend expliquer ce qui rapproche les pratiques et les initiatives disparates que l’on regroupe aujourd’hui sous le terme de « communs », et en quoi elles dessinent ensemble une alternative pratique au néolibéralisme, mais aussi à une partie des traditions de la gauche.

Basta ! : On parle de plus en plus des « biens communs », ou plus simplement de « communs », dans des sphères très diverses : militants écologistes et défenseurs des droits des communautés locales, hackers et activistes du numérique, chercheurs et artistes, défenseurs des services publics ou promoteurs de l’économie sociale et solidaire. De quoi s’agit-il, et pourquoi cet intérêt grandissant ?

David Bollier : Je pense que de plus en plus de gens se rendent compte que les gouvernements et les marchés ne peuvent pas, et ne veulent pas, résoudre leurs problèmes. Tous deux sont structurellement limités dans leurs capacités. Les gouvernements sont souvent bureaucratiques et corruptibles, tandis que les marchés ont une optique prédatrice et impersonnelle. Les communs séduisent de nombreuses personnes parce qu’ils leur fournissent les moyens de définir collectivement leurs propres règles et de concevoir leurs propres solutions pratiques. Le sens fondamental des communs est précisément celui-là : agir et coopérer avec ses pairs, de manière auto-organisée, pour satisfaire ses besoins essentiels.

Jusqu’il y a dix ou quinze ans, les communs étaient considérés soit comme un système de gestion inefficace (la « tragédie des communs », le risque de surexploitation d’une ressource en accès libre, ndlr), soit comme une relique archaïque de l’époque médiévale, soit comme une curiosité anthropologique mise en œuvre dans certains pays retardés du Sud pour gérer des forêts ou des terres agricoles. La culture de l’internet est venue changer radicalement les perspectives sur les communs. Nous pouvons tous constater comment les communs numériques nous permettent de gérer collectivement toutes sortes de ressources créatives ou informationnelles. La « production par les pairs basée sur les communs », comme on l’appelle parfois, peut faire mieux que le marché en recherchant la « coopérativité » plutôt que la compétitivité. L’essor du système d’exploitation Linux et de Wikipédia en sont les exemples les plus célèbres. Pour construire ces systèmes, il n’y a eu besoin ni de marchés, ni d’agences gouvernementales, ni de contrats juridiques, ni même d’employés. Ils ont été construits par des « commoneurs » – des gens qui trouvaient une satisfaction et des avantages personnels à y participer. Les commoneurs de l’internet ont prouvé que les droits de propriété privée et les marchés n’étaient pas le seul moyen d’avancer et d’innover.

Entre le mode de vie d’un peuple indigène, la gestion collective d’une forêt ou d’une ressource en eau, un jardin partagé, un parc public, une coopérative, le logiciel libre Linux ou l’encyclopédie Wikipédia, quel est le point commun ?

Tous – à l’exception peut-être du parc public – reposent sur une coopération auto-organisée, en vue de concevoir collectivement les règles et la gouvernance requises pour la gestion de ressources partagées. Dans chaque cas, il s’agit de se faire les garants de ressources collectives. Le type de ressource peut être très différent, et nécessiter en conséquence un mode de gestion lui aussi différent. Par exemple, les forêts et l’eau sont finies, et peuvent se trouver surexploitées, tandis que les ressources numériques peuvent être copiées et partagées pour un coût virtuellement nul. Cependant les communs ne se définissent pas par le type de ressource qu’il s’agit de gérer, mais par les pratiques sociales, les valeurs, l’éthique et la culture mises en œuvre à travers cette gestion. Même les communs numériques reposent sur des ressources matérielles, physiques (les ordinateurs, l’électricité, les infrastructures de télécommunication), et même la gestion des communs « naturels » repose sur des savoirs et des pratiques sociales.

En ce qui concerne les parcs, s’ils sont entièrement gérés par des administrations municipales, ils ne sont peut-être pas des communs au sens strict du terme. Ils sont certes une ressource partagée, mais les commoneurs n’auront pas forcément de rôle significatif dans la définition des règles d’usage et de gestion du parc. J’appelle ce type de ressource commune gérée par le gouvernement des « communs sous garantie étatique ». Cette expression illustre bien le fait que l’État agit en tant que garant au nom des commoneurs, et qu’il n’est pas lui-même le propriétaire ultime de la ressource (en l’occurrence, le parc).

Pourquoi est-il utile de réfléchir à ce qu’il y a de commun entre les communs ?

Il vaut la peine de souligner que le « marché » lui aussi est une abstraction, utilisée pour qualifier des phénomènes absurdement divers : de l’échange de titres financiers aux magasins de quincaillerie, en passant par les restaurants et les stands de vente de limonade. C’est une convention culturelle et un récit partagé que nous utilisons pour parler d’activités sociales présentant certains traits similaires (vendeurs et acheteurs, échange d’argent, etc.).

Lorsqu’on parle des « communs », c’est exactement la même chose. Cela revient à noter qu’il y a des similarités générales entre la gestion collective de l’eau par les peuples indigènes, les logiciels open source, les fêtes de quartier ou encore les trusts fonciers. Les communs constituent un récit partagé qui permet aux gens de reconnaître les affinités entre leurs diverses formes de « faire commun ». Celles-ci sont également liées entre elles par le fait qu’elles proposent un système de production, de relations sociales et de gouvernance alternatif à la fois à l’État et au marché. Les communs offrent aux commoneurs davantage de liberté, de pouvoir et de responsabilité que ne le font l’État et le marché – qui, au fond, nous invitent seulement à consommer, à voter occasionnellement et, parfois, à jouer les faire-valoir dans les processus décisionnels, qui souvent ont été largement accaparés par de grandes institutions éloignées des citoyens.

Parlez-nous un peu de votre trajectoire politique : comment en êtes-vous venu à vous consacrer à la cause des communs ?

À la fin des années 1970 et au début des années 1980, j’ai travaillé pour le grand défenseur des consommateurs américains Ralph Nader et pour des organisations de défense de l’intérêt public à Washington. Malgré les critiques qui lui ont été adressées du fait de son rôle lors des élections présidentielles américaines de 2000 [Il s’était présenté sous l’étiquette des Verts et a été accusé d’avoir provoqué la défaite du candidat démocrate Al Gore contre George Bush Jr., ndlr.], Nader a joué un rôle crucial depuis quarante ans pour politiser et mettre au centre du débat public toute une série d’enjeux, depuis la sécurité des automobiles à la transparence administrative en passant par la pollution de l’eau. Une grande partie de ces dossiers était liée à la protection de ressources appartenant aux citoyens, mais sur lesquels nous n’avons aucun pouvoir effectif et dont nous ne tirons pas les bénéfices. Nader a contribué à montrer comment les entreprises ont pris le contrôle de ressources collectives aussi diverses que les ondes hertziennes, les terres du domaine public, la recherche pharmaceutique publique, la recherche scientifique, le savoir et la culture. Fondamentalement, il s’agissait déjà dans tous ces efforts de « récupérer les communs » – c’est-à-dire de remettre notre richesse collective sous contrôle des citoyens.

Ces constats m’ont poussé, en 2000, à écrire un livre sur ces diverses formes d’« enclosure des communs », lesquelles n’étaient en général pas reconnues comme participant d’un même phénomène global. En effet, les catégories économiques qui dominent le débat politique ne permettaient pas d’envisager de réelles alternatives. L’écriture de ce livre – finalement publié en 2002 sous le titre Silent Theft : The Private Plunder of Our Common Wealth (« Vol silencieux. Le pillage privé de notre richesse commune ») – m’a lancé dans l’étude et la défense politique des communs. Je me suis basé sur l’œuvre de précurseurs tels que la chercheuse Elinor Ostrom [prix Nobel d’économie 2009 pour ses travaux sur les communs, Ndlr], le pionnier du logiciel libre Richard Stallman, ou le créateur des Creative Commons Lawrence Lessig, ainsi que sur ma propre expérience militante à Washington. De 2003 à 2010, j’ai été l’éditeur du site OntheCommons.org, qui rassemblait un petit groupe de penseurs et de militants désireux de faire avancer le paradigme des communs.

Au fil du chemin, j’ai découvert que de nombreuses autres personnes au niveau international travaillaient sur les communs, sans s’être vraiment rencontrées. J’ai noué des liens étroits avec deux autres militants des communs, Silke Helfrich en Allemagne et Michel Bauwens de la P2P Foundation en Thaïlande, et nous avons fondé ensemble Commons Strategies Group. L’idée était d’apprendre mutuellement des travaux des autres tout en aidant à faire avancer la cause et les pratiques des communs parmi nos amis et nos alliés. Nous avons organisé deux grandes conférences internationales à Berlin en 2010 et 2013 [2] et publié une anthologie d’essais sur les communs [3], tout en effectuant un grand nombre d’interventions publiques ou de missions de conseil stratégique avec d’autres commoneurs.

En quoi la notion d’« enclosure » – la captation d’un bien commun par un intérêt privé – est-elle différente de celle de « privatisation », plus largement dénoncée ?

Le terme de « privatisation » entretient le préjugé selon lequel il n’existerait réellement que deux types de gouvernance et de gestion : « public », le gouvernement, opérant à travers conseils d’élus et administrations, et « privé », les entreprises, opérant à travers le marché. Mais cette dichotomie est trompeuse. Le terme « enclosure » est plus riche parce qu’il ne renvoie pas seulement à des alternatives « publiques » – gouvernementales – mais aussi aux communs. Les enclosures sont une entreprise de privatisation et de marchandisation des ressources dont dépendent les commoneurs pour leurs besoins essentiels. Lorsque des entreprises s’accaparent des terres publiques, construisent des centres commerciaux sur des espaces urbains auparavant utilisés comme lieux de réunion publique, brevètent le génome humain ou acquièrent des terres utilisées depuis des générations par des peuples indigènes, il ne s’agit pas seulement de « privatisation » au sens classique du terme. Il s’agit de vol pur et simple, qui foule au pied les titres traditionnels et les croyances morales des gens, souvent avec la complicité des gouvernements. Les enclosures peuvent détruire la culture et l’identité d’une communauté. Elles impliquent de convertir des groupes dotés du sens du collectif en individus isolés, en employés et en consommateurs : en créatures du marché.

Actuellement en Europe, on a le sentiment que beaucoup de gens se sentent abandonnés par leurs gouvernements, du fait de l’austérité, des coupes budgétaires. Paradoxalement, ils continuent de placer tous leurs espoirs de changement dans les États dirigés par ces mêmes gouvernements. Comment les communs peuvent-ils nous aider à sortir de cette contradiction ?

Il est normal que les citoyens comptent sur leurs gouvernements pour apporter des changements et des réformes. Les élus ont la reconnaissance officielle, la responsabilité et le pouvoir d’introduire des changements pour répondre aux enjeux actuels. Le problème est que souvent, en réalité, les gouvernements ne représentent leurs citoyens et ne sont responsables devant eux que de manière très marginale. En tant qu’institutions centralisées et hiérarchiques, les gouvernements ne sont pas forcément très efficaces ni très réactifs lorsqu’il s’agit de gérer la complexité décentralisée de la vie moderne. En outre, la centralisation de l’État le rend d’autant plus vulnérable aux influences corruptrices – notamment celles des intérêts économiques. L’État a été en grande partie capturé par les grandes entreprises et la finance, avec pour résultat une forme corrompue de gouvernance que j’appelle le duopole Marché/État – une alliance étroite entre factions économiques et politiques sous le signe du culture de la croissance et de l’intégration aux marchés globalisés.

Mais cette vision est en train d’imploser sous nos yeux. Elle ne peut plus se justifier par la prospérité et les opportunités qu’elle prétendait apporter. Elle détruit les écosystèmes de la planète. Ses prétentions à l’équité sociale apparaissent désormais comme des mensonges. Et la mise en avant des « marchés libres » et de la « main invisible » apparaît désormais comme une grande escroquerie, au regard du renflouement public massif des banques, des subventions et des privilèges juridiques offerts aux entreprises.

Les communs proposent une vision foncièrement différente du développement humain, de la protection de l’environnement, des moyens de produire et partager les choses dont nous avons besoin. Plutôt que de présupposer que nos sociétés sont composées d’individus égoïstes, rationnels, cherchant à maximiser leurs « utilités » et dont l’aspiration ultime serait le consumérisme – la fiction de l’homo economicus qui est au fondement de l’économie et des politiques publiques actuelles –, les communs reposent sur une vision plus riche et plus complexe des êtres humains. Ils sont différents des entreprises commerciales en ce qu’ils n’ont pas pour objectif et aspiration de gagner de l’argent, mais de servir leurs membres à travers la coopération sociale et le soutien mutuel : cela se vérifie dans des systèmes aussi divers que les mutuelles et les coopératives, les trusts fonciers, les banques de temps, les monnaies alternatives ou les espaces de travail partagé. Mais aussi dans les innombrables communs numériques comme les communautés du logiciel libre, Wikipédia et ses divers rejetons, les milliers de revues scientifiques open access, les projets de « science ouverte », le mouvement des ressources pédagogiques en libre accès, etc.

Vous soulignez la différence entre le paradigme des communs et les traditions progressistes classiques, qui participent de ce que vous appelez la « conception libérale du monde ». Quelles sont selon vous les limites de ces traditions ?

Les systèmes juridiques occidentaux tendent à ne reconnaître de droits qu’aux individus, et principalement en vue de protéger leurs droits de propriété privée, leurs libertés personnelles et leurs intérêts commerciaux. Il n’est pas étonnant que les communs restent invisibles et virtuellement impensables dans le droit occidental moderne ! Les communs proposent de redéfinir fondamentalement ce qui a de la valeur dans une société, la manière dont cette valeur est générée, et la conception même de l’être humain. La tradition progressiste libérale, en revanche, suppose que l’État – pourvu qu’on lui donne assez de temps et qu’on exerce suffisamment de pression sur lui – peut et veut garantir tous les droits humains et civils des individus, y compris l’égalité sociale et les opportunités, et que la « croissance » est le moteur indispensable de ces gains sociaux. Il me semble que les profondes limites, sinon les contradictions, de ces présupposés sont de plus en plus évidentes pour tout le monde, particulièrement depuis la crise financière de 2008.

La tradition politique libérale représente de nombreuses valeurs importantes et dignes d’être défendues, qui ne doivent pas être rejetées sommairement. Mais elle n’est pas capable de se réformer « de l’intérieur ». Je vois les communs comme un moyen de repenser nos modes de gouvernance eux-mêmes (construits pour une large part au cours des XVIIIe et XIXe siècles) et de soulever de nouvelles questions sur la manière dont nous devrions concevoir la participation démocratique à une époque de réseaux électroniques omniprésents, de communications instantanées, et de marchés globalisés.

Fondamentalement, le paradigme des communs affirme que nous sommes capables et que nous devrions pouvoir déterminer nos propres conditions de vie. Nous devrions avoir l’autorité d’identifier et de résoudre les problèmes, de négocier avec les autres, d’inventer nos propres solutions, et pouvoir compter sur une gouvernance légitime et réactive. Ces principes sont au cœur même des communs – et pourtant ils ne peuvent exister que dans des espaces sociaux et politiques que ni l’État ni le marché ne veulent reconnaître. De sorte que les commoneurs doivent lutter pour obtenir reconnaissance et protection de leurs communs.

Propos recueillis par Olivier Petitjean

Photo : CC Bindalfrodo

 

Notes

[1David Bollier, La renaissance des communs. Pour une société de coopération et de partage, Paris, éditions Charles Léopold Mayer, 2014, 192 pages, 19 euros. Pour commander ce livre dans la librairie la plus proche de chez vous, rendez-vous sur le site Lalibrairie.com.
.

[2Voir ici et ici

[3Disponible en ligne : The Wealth of the Commons. A World beyond Market and State. http://wealthofthecommons.org/

 

 


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Source : www.bastamag.net

 

 

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28 août 2014 4 28 /08 /août /2014 17:25

 

Source : cadtm.org

 

CADTM

 

 

Série : Les États au service des banques au prétexte du « Too big to fail » (partie 2)

Les cadeaux et aides des gouvernements aux grandes banques privées

26 août par Eric Toussaint


 


Les aides des gouvernements consistent en garanties et en injections de capitaux afin de recapitaliser les banques. Pour la période d’octobre 2008 à décembre 2011, 1 174 milliards d’euros (soit 9,3 % du PIB de l’UE |1|) de garanties ont été accordées par les gouvernements de l’Union européenne pour assumer les dettes bancaires en cas de nécessité. Il faut y ajouter 442 milliards d’euros (3,5 % du PIB de l’UE) d’injections de capitaux publics dans le capital des banques. En 2012 et en 2013, les recapitalisations ont continué : environ 40 milliards d’euros en Espagne rien qu’en 2012, plus de 50 milliards d’euros en Grèce, une vingtaine de milliards d’euros à Chypre, 4 milliards d’euros supplémentaires pour Dexia en Belgique, 3,9 milliards d’euros pour Monte dei Paschi en Italie, 3,7 milliards d’euros aux Pays-Bas pour la banque SNS, 4,2 milliards d’euros au Portugal, sans oublier l’Irlande, la Slovénie, la Croatie. La quasi faillite de la principale banque portugaise Banco Esperito Santo en juillet 2014 a également un coût pour l’État portugais. Il faut préciser que ces aides directes apportées par les gouvernements l’ont généralement été sans que soit exigée en contrepartie l’entrée des représentants des États dans les conseils d’administration des banques en vue de contrôler l’utilisation des fonds mis à disposition |2|.

Un petit calcul approximatif peut donner une idée de l’importance des injections de capitaux si on compare le volume de celles-ci au capital dur des banques. Les 20 plus grandes banques européennes ont en 2012 des actifs de l’ordre de 23 000 milliards d’euros, si on considère qu’en moyenne leur capital dur représente 3 % des actifs, le capital dur total s’élève grosso modo à 700 milliards d’euros. Si on prend en compte que les pouvoirs publics européens ont réalisé en quelques années des injections de capitaux dans ces 20 grandes banques pour 200 milliards d’euros (il faudrait faire un calcul précis prenant en compte les injections dans des banques comme Fortis qui ont été rachetées par BNP Paribas), on se rend compte que l’apport est tout à fait impressionnant.

Par ailleurs, se référant aux garanties octroyées par les États aux grandes banques trop grandes pour faire faillite, certains auteurs parlent de subsides implicites aux grandes banques et en dénoncent les effets pervers (voir encadré).

Les grandes banques bénéficient de subsides implicites

Les banques systémiques savent qu’en cas de problème, du fait de leur taille et du risque que représenterait la faillite de l’une d’elles (« too big to fail »), elles pourront compter sur le soutien des États qui les renfloueront sans sourciller, et ce, quoi qu’elles aient fait (on parle ici d’aléa moral).

Cela, les créanciers de ces banques le savent également. Cela constitue donc pour eux une incitation à prêter aux banques puisqu’il n’y a pas, en principe, de risque pour eux. Les créanciers savent en effet que, dans l’hypothèse où elles feraient faillite, ils n’auraient pas à en subir les coûts, dans la mesure où ceux-ci seraient assumés par l’État, agissant en tant que garant en dernier ressort. Cette situation caractérisée par un risque d’impayé très faible pour le prêteur, permet aux banques emprunteuses de négocier des taux bas (puisque le niveau du taux est proportionnel au niveau de risque).

Le montant des subsides implicites représente le coût d’intérêts supplémentaires que les banques auraient dû verser à leurs prêteurs dans l’hypothèse où elles n’auraient pas bénéficié de la garantie de l’État.

Les Verts européens ont estimé que le subside implicite offert par les pouvoirs publics aux grandes banques européennes s’est élevé, pour la seule année 2012, à 233,9 milliards d’euros. Ils étayent ce calcul sur la base d’une étude rigoureuse qu’ils ont fait réaliser |3|.

Cette garantie implicite a des effets pervers :

  • Elle pousse les grandes banques à continuer à prendre des risques exagérés.
  • Elle favorise la concentration des grandes banques, car les petits établissements ne bénéficiant pas d’une telle garantie sont obligés de se financer à des coûts plus élevés et en cas d’exacerbation de la concurrence, les petits établissements moins rentables peuvent être amenés à disparaître ou à se faire racheter par leurs concurrents.
  • Enfin, ces gains sont entièrement privatisés et ne bénéficient pas à la collectivité publique.

Il faut également mentionner d’autres formes d’aides des gouvernements aux banques :

Les gouvernements empruntent sur les marchés financiers en émettant des titres de la dette publique souveraine. Ils confient la vente de ces titres à de grandes banques privées, appelées les primary dealers (les banques choisies comme primary dealers font en règle générale partie des 30 plus grandes banques internationales |4|) qui y trouvent une source de revenus. Ensuite, via la banque centrale, ces gouvernements rachètent aux banques sur le marché secondaire une partie des titres qui ont été vendus sur le marché primaire via les banques primary dealers. Fin janvier 2014, on trouvait dans le bilan de la banque centrale des États-Unis, 2 228 milliards de dollars de bons du Trésor achetés aux banques. Dans le bilan de la Banque d’Angleterre, à la date du 13 mars 2014, on trouvait pour 371 milliards de livres sterling de gilts |5|, i.e. des bons du trésor britannique, achetés également sur le marché secondaire, et dans le bilan de la BCE, à la date du 31 décembre 2013, on trouvait pour 185 milliards d’euros de titres souverains italiens, espagnols, irlandais, grecs et portugais, tous acquis également auprès des banques sur le marché secondaire |6|.

La baisse des impôts sur les bénéfices effectivement payés par les banques. Elles ont déclaré des pertes en 2008 et 2009 (parfois pour d’autres années) qui leur permettent d’éviter de payer des impôts pendant plusieurs années. En effet, les pertes sont reportées sur les années suivantes, ce qui permet du coup de réduire fortement les impôts versés aux États. Il est probable que BNP Paribas va tenter d’arnaquer le fisc de la France en comptabilisant comme perte l’amende de 9 milliards de dollars qu’elle va payer aux États-Unis. Cela lui permettra de verser moins d’impôts. Il est possible que le gouvernement français va couvrir ce forfait car il est étroitement lié aux patrons des banques.

Le refus des gouvernements de condamner des banques considérées comme « trop grandes pour être condamnées » |7|. Depuis 2007-2008, aucune banque de l’Union européenne, d’Amérique du Nord ou du Japon, quelle que soit la gravité des délits et abus commis, ne s’est vue retirer la licence bancaire (c’est-à-dire le droit d’exercer le métier de la banque), les amendes payées sont mineures |8| et permettent aux banques d’éviter une condamnation en bonne et due forme. Aucun dirigeant de banque n’a été emprisonné (sauf en Islande qui ne fait pas partie de l’UE) ou n’a fait l’objet d’une interdiction d’exercer la profession. Les seules condamnations concernent des agents ou des employés de la banque qui, la plupart du temps, sont condamnés pour avoir porté préjudice à leur banque. On a pu le vérifier avec quelques traders, comme Jérôme Kerviel, qui ont joué le rôle de bouc émissaire. En adoptant cette attitude laxiste à l’égard des banques, les États encouragent et laissent prospérer l’aléa moral.
Le refus de prendre des mesures véritablement contraignantes qui imposent aux institutions financières une authentique discipline afin d’éviter la reproduction de crises bancaires |9|.

Le refus de forcer les banques qui reçoivent les prêts de la BCE à les utiliser pour octroyer du crédit aux ménages et aux PME (qui constituent les principaux employeurs) et pousser à la relance de l’économie. Les banques ont tout le loisir d’utiliser les prêts reçus comme bon leur semble et sans que cela ait un impact positif pour l’économie réelle. La preuve : les crédits aux entreprises, en particulier les PME, ont baissé en 2012 et en 2013. Du coup, la BCE a annoncé en juin 2014 que lors de ses prochains crédits à long terme aux banques, elle exigera que ceux-ci crédits soient utilisés pour octroyer des prêts aux entreprises et aux ménages. On verra si elle mettra en pratique cette promesse.


Partie 1
Partie 2

Notes

|1| Commission européenne, « Aides d’État : le tableau de bord confirme la tendance à la diminution et à un meilleur ciblage des aides non liées à la crise », Bruxelles, 21 décembre 2012.

|2| L’État belge a acquis 10% du capital de la principale banque française BNP Paribas (qui a promis de payer une amende de 9 milliards de dollars aux autorités des États-Unis en juin 2014), ce qui en fait le principal actionnaire, mais elle n’a pas de droits de vote au CA et les deux administrateurs qu’elle a désigné siègent au CA en tant qu’indépendants !

|3| Voir un résumé : http://www.philippelamberts.eu/233-milliards-deuros-le-subside-implicite-percu-par-les-grandes-banques-en-europe/ et l’étude complète : http://www.philippelamberts.eu/wp-content/uploads/2014/01/ImplicitSubsidy-of-Banking-sector_Greens-in-the-EP-study_January-2014.pdf

|4| Il faut souligner que ce sont celles qui justement sont impliquées dans différents scandales, délits, abus et manipulations que nous avons analysés précédemment dans ce livre : manipulation du Libor, du marché des changes, du marché de l’or, du marché physique des commodities, dans l’évasion fiscale massive…

|5| Voir sur le site de la Banque d’Angleterre : http://www.bankofengland.co.uk/markets/Pages/apf/results.aspx

|6| Titres souverains irlandais : 9,7 milliards d’euros ; titres grecs : 27,7 milliards d’euros ; titres espagnols : 38,8 milliards d’euros ; italiens : 89,7 milliards d’euros ; portugais : 19,8 milliards d’euros.

|7| Voir : Éric Toussaint, Série : Les banques et la doctrine « trop grandes pour être condamnées » (en 9 parties). La partie 1 a été publiée le 9 mars 2014, http://cadtm.org/Les-banques-et-la-nouvelle

|8| L’amende de 9 milliards $ qu’a promis de payer BNP Paribas aux autorités américaines afin d’échapper à une condamnation n’affectera pas la santé de la banque a déclaré en juin 2014 son directeur général. Voir Patrick Saurin et Éric Toussaint, "BNP Paribas sanctionnée par les autorités des États-Unis : il faut aller plus loin", publié le 13 juillet 2014, http://cadtm.org/BNP-Paribas-sanctionnee-par-les

|9| Voir : Éric Toussaint, "Comment les banques et les gouvernants détruisent les garde-fous", publié le 13 janvier 2014, http://cadtm.org/Comment-les-banques-et-les

Éric Toussaint, maître de conférence à l’université de Liège, préside le CADTM Belgique et est membre du conseil scientifique d’ATTAC France. Il est auteur des livres Bancocratie, Aden, 2014 ; Procès d’un homme exemplaire, Editions Al Dante, Marseille, 2013 ; Un coup d’œil dans le rétroviseur. L’idéologie néolibérale des origines jusqu’à aujourd’hui, Le Cerisier, Mons, 2010.

 

 

Source : cadtm.org

 

 

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