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3 novembre 2014 1 03 /11 /novembre /2014 21:29

 

Source : zad.nadir.org

 

 

infos de la semaine du 3 au 9 novembre

lundi 3 novembre 2014, par zadist

 

 


Si vous voyez des mouvements de police anormaux autour de la zone, contactez-nous ! sur le numéro d’urgence au 06.43.92.07.01.


Infos sur la répression

Manifs du 1er novembre contre les violences policières

  • 21 arrestations a nantes, a priori 10 ont deja été relacher ( 1 gav pour porte d’un opinel, plusieurs rappels a la loi, 1 convocation)
  • 13 arrestations a toulouse, pas plus de nouvelles
  • 5 arrestations a lile, pas plus d’informations

Engué est toujours en prison suite à la manif’ du 22 février ; il purge une peine de 16 mois !
Pour suivre ses nouvelles, consultez les articles postés par son groupe de soutien.


Appel à matos et connaissances

- Appel à matos pour plusieurs chantiers à la Ouardine et San-Antonio (mise à jour du 10 octobre)


Nouvelle date en novembre pour la black plouc kitchen ici ou directement la rubrique black plouc kitchen dans l’onglet sème ta zad


Rassemblements contre la violence policière Listes des Manifestations à venir partout en france en réponse à l’assassinat de Rémi ici


Lundi 3 novembre

- Un appel d’opposants à la construction du center Parc dans la forêt des Chambaran à s’organiser contre le début des travaux à lire ici. Ainsi que quelques moyens d’actions proposées dans les commentaires sur leur site internet.

Nouvelle date en novembre pour la black plouc kitchen ici , directement la rubrique black plouc kitchen dans l’onglet sème ta zad ou sur le blog de la black plouc kitchen

 

 

Source : zad.nadir.org

 

 

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3 novembre 2014 1 03 /11 /novembre /2014 21:23

 

 

Source : www.marianne.net

 

 

Merci confrères

Euro 2016 : pas de panique, c'est un hold-up fiscal !
Lundi 3 Novembre 2014 à 19:00

 

Loïc Le Clerc

 

Ce sont nos confrères des "Échos" qui révèlent cette incroyable information : les sociétés qui organisent l'Euro 2016 en France seront exonérées d'impôts. Une sorte de cadeau concédé par la France aux chantres du "foot business". Et tant pis si les contribuables français ont mis, eux, très généreusement la main à la poche pour accueillir la compétition.

 

ZIHNIOGLU KAMIL/SIPA
ZIHNIOGLU KAMIL/SIPA

Au pays merveilleux du foot business, on n'aime pas trop l'impôt. On se souvient par exemple comment la taxe à 75 % avait fait trembler — pauvres chéris — les clubs de Ligue 1 (en réalité seulement 14 des 20 clubs étaient concernés, principalement le PSG, allez savoir pourquoi). Maintenant, ce sont Les Échos qui viennent nous apporter une nouvelle preuve de la « fiscalophobie » ambiante dans le milieu : « Les sociétés organisatrices (de l’Euro 2016) seront exonérées de tout impôt, hors TVA »
 
On savait déjà que la TVA serait réduite pour la vente de billets, mais là, ça va beaucoup plus loin. L'UEFA et ses filiales françaises ne verseront donc pas un euro d'impôt à l'Etat grâce à la création d'une « structure juridique ad hoc, baptisée "Euro 2016 SAS" et détenue à 95 % par l’UEFA et à 5 % par la Fédération française de football », nous dit le quotidien de l'économie ! Ou comment cette instance du foot européen a réussi à mettre la main sur tout : le beurre, l'argent du beurre, la crémerie, la crémière et ses descendants sur trois générations !

Car, à la limite, si cette fameuse SAS s’occupait de tout, peut-être y aurait-il moins à redire, mais elle ne fait qu’organiser l’événement. La construction des stades (Bordeaux, Lyon, Nice, Lille), c’est pour qui ? Bibi ! Et la remise aux normes des « vieilles » enceintes sportives (Marseille, Saint-Etienne, Toulouse, Lens, Paris) ? Bibi, toujours lui ! Sans compter le développement d'infrastructures permettant le transport des supporteurs jusque sur les sites sportifs. Au total, ce sont 2 milliards d’euros que la République va investir. Et l’UEFA ? 20 millions seulement...

Pour le site Hexagones.fr, cette « gabegie financière » sous couvert de PPP pourrait d'ailleurs coûter bien plus cher que prévu au contribuable. On peut par exemple se pencher sur le cas de Bordeaux. Déjà, dans le contrat de base, la municipalité dirigée par Alain Juppé s'est engagée à verser 4 millions d'euros annuelle à la société SBA pour l'exploitation et la maintenance du stade, et ce pour trente années... Alors  bien sûr, la mairie va louer au Girondins de Bordeaux l'accès au stade pour 3,85 millions par an. Reste tout de même 150 000 euros annuels à sortir du porte-monnaie du contribuable. Et l'air de rien, ce cher Juppé vient d'annoncer des hausses d'impôts, sans faire mention aucune du nouveau stade. Et ce n'est là que l'exemple bordelais...

Quoi qu'il en soit, partout en France, après l'Euro 2016, on bénéficiera de 100 000 places de plus pour aller voir la Ligue 1 en famille le dimanche. Etaient-elles vraiment nécessaires ? La saison dernière, le taux moyen de remplissage des stades étaient de 72,2 %, la honte de l’Europe… Quant aux retombées économiques (évaluées à 900 millions d’euros), comme elles ne concernent quasiment que la vente de billets et les droits de retransmission (faut-il rappeler à qui appartient BeIn Sport ?), le pays peut s'assoir dessus !

Mais pourquoi tant de soumission envers l'UEFA ? En 2010, en présentant sa candidature, la France a juré qu’elle serait fiscalement clémente en cas d’élection. Et, à l’inverse des élections démocratiques, là, les promesses sont tenues ! On pouvait toujours sourire gentiment aux revendications populaires des Brésiliens, lors de la Coupe du monde, l'été dernier... Car maintenant, c'est notre tour de casser la tirelire pour que l’Allemagne vienne nous apprendre à jouer au foot. A domicile, en plus...

 

 

Source : www.marianne.net

 

 

 

 

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3 novembre 2014 1 03 /11 /novembre /2014 20:12

 

Source : rue89.nouvelobs.com

 

 

Tribune 03/11/2014 à 16h31
Finissons-en avec les PPP, ces boulets que l’Etat s’accroche au pied

Mathilde Moracchini, Hadrien Toucel

 

 

 


Lors du premier épisode de l’abandon de l’écotaxe, « reportée sine die », Ségolène Royal lançait tous azimuts des propositions aussi diverses qu’improvisées afin de compenser le manque à gagner.

Making of
Mathilde Moracchini (cadre dans l’économie sociale et solidaire) et Hadrien Toucel (doctorant CNRS) sont les auteurs de « Partenariats public-privé : pillage et gaspillage » (éd. Bruno Leprince, septembre 2014), il nous ont proposé cette tribune. Ce qu’ils y dénoncent est non seulement grave, mais symptomatique d’un raisonnement à courte vue : soulager l’Etat à court terme en concédant des quasi-rentes à des groupes privés. Après avoir largement dénoncé ce système, le gouvernement en place le perpétue, sous d’autres mots. Xavier de La Porte

S’ouvre à présent l’épisode 2, au cours duquel le gouvernement tente le rapport de force pour limiter les surcoûts occasionnés par la rupture du contrat avec Ecomouv : en effet, sortir du partenariat public-privé (PPP) avec la société Ecomouv implique le paiement d’une compensation qui pourra atteindre plus d’un milliard d’euros aux frais des contribuables.

Au-delà de cet immense gâchis d’argent public, qui implique la responsabilité de ce gouvernement mais également de la majorité précédente, l’absurdité de la situation révèle les failles intrinsèques aux « partenariats publics-privés » – au moment même où gouvernement et collectivités envisagent de les multiplier pour des services publics essentiels.

A l’encontre de l’intérêt général

Le principe du contrat en partenariat public-privé consiste à confier à un opérateur privé la maîtrise d’ouvrage et l’exploitation d’un équipement collectif contre un loyer de longue durée. Ce dispositif est autorisé depuis 2004 en France.

Or, le bilan de ces contrats est à observer de près : les PPP se sont systématiquement avérés :

  • plus coûteux (le prix de la transaction représente le triple d’une procédure classique d’achat, et les cabinets de consultants coûtent en moyenne sur les petits projets 10% de l’ensemble de l’investissement) ;
  • moins performants pour les usagers et les agents ;
  • antidémocratiques (bloqués sur des décennies, impossibles à adapter à l’évolution des besoins) ;
  • et monopolistiques (92% des contrats PPP vont à trois entreprises, Eiffage, Vinci, Bouygues).

En somme, ils vont à l’encontre de l’intérêt général.

Inédit depuis l’Ancien Régime

L’écotaxe est un exemple parfait de ces dérives. Avec 3,2 milliards d’euros versé sur treize ans à la société Ecomouv, elle permettait – chose inédite en France depuis l’Ancien Régime – à un acteur privé de collecter une taxe en s’arrogeant une commission de 20% (soit vingt fois le taux moyen de recouvrement de l’impôt en France), et demeurait comme tous les PPP protégé par le secret commercial, interdisant tout contrôle citoyen.

Déjà, en avril 2014, le mythe des PPP éclatait avec la résiliation du PPP du Centre hospitalier sud-francilien avant son terme pour la modique somme de 800 millions d’euros au profit d’Eiffage. Le motif ? Huit mois de retard, près de 8 000 malfaçons constatées, une réévaluation à la hausse des loyers et du devis accrus de 100 millions d’euros... En bref, un désastre financier et sanitaire.


Le Centre hospitalier sud-francilien à Evry, le 29 septembre 2011 (MARS JEROME/JDD/SIPA)

 

Puis, en juillet 2014, un rapport de la commission des lois du Sénat est venu s’ajouter aux nombreux documents à charge contre les PPP. Les termes employés sont sans équivoque : les sénateurs qualifient l’infrastructure PPP de « bombe à retardement budgétaire », « concurrençant les marchés publics classiques ou les délégations de service public », « infantilisants » entraînant « un renoncement par la personne publique à sa compétence de maîtrise d’ouvrage » et un « effet d’éviction des petites et moyennes entreprises et des très petites entreprises ».

Pourtant, ce constat d’échec et l’alarme tirée quant aux dangers des PPP se heurtent toujours aux lobbies et aux intérêts privés. Preuve s’il en est : un nouveau PPP a été signé en mai 2014 avec l’université d’Aix-Marseille pour un montant de 120 millions d’euros. Et plus récemment, c’est le ministère de la Défense qui annonce vouloir privilégier ces mêmes partenariats public-privé et ainsi privatiser une partie de notre sécurité nationale.

Les reniements de Hollande et Valls

Qu’il est loin le temps où François Hollande, en 2012, dénonçait les partenariats public-privé comme « un outil qui favorise la vie à crédit et le surendettement » et « un système qui a dérapé », ainsi que le temps où Manuel Valls s’opposait à la construction et à la gestion de l’hôpital sud-francilien par Eiffage. Le Premier ministre d’aujourd’hui soutient les PPP dénoncés hier.

Il est intéressant de constater que, conscients de l’opposition croissante envers les PPP, le gouvernement, les lobbyistes et les entreprises transnationales évitent soigneusement de prononcer l’acronyme. Ainsi le ministère de la Défense parle-t-il de « société de projet » au capital mixte, tandis que le « club des PPP » préfère parler de « CP » : contrat de partenariat.

L’adoption par l’Assemblée nationale de la loi Semop, le 7 mai, laisse présager de nouveaux cadeaux aux géants du BTP. La création juridique de Sociétés d’économie mixte à objet unique (Semou) permet à chaque collectivité « d’allier les valeurs de la gestion directe en redonnant à la collectivité la maîtrise de son service public et les atouts de la gestion déléguée en faisant appel aux compétences et à l’innovation d’un opérateur privé ».

Il s’agit donc de PPP déguisés, d’autant plus dangereux qu’ils échappent encore davantage à la régulation que les PPP classiques.

Par exemple, aucune obligation d’évaluation préalable pour les comparer avec la maîtrise d’ouvrage publique n’est imposée. Une maîtrise d’ouvrage par la personne publique apparaît complètement illusoire, car la partie privé pourra détenir jusqu’à 64% des parts de la Semou, soit la majorité, laissant les coudées franches au secteur privé pour opérer les décisions stratégiques et trancher les choix de services.

L’emballage change, les pratiques demeurent

Les Semou permettront cette situation ahurissante dans laquelle un partenaire privé, juge et partie, décidera et réalisera les travaux. Les Semou dérogeront à la règle de prise en compte de l’endettement sur le long terme, et permettront comme les PPP avant 2011 de faire de l’endettement caché. Protégés par le secret commercial, écartant les TPE et les PME, ces Semou servent les seuls intérêts des grands groupes privés. L’emballage change, les pratiques demeurent.

Après dix années qui ont permis de constater l’échec des PPP et leur non-conformité avec l’intérêt général, une prise de conscience et des mesures fortes s’imposent : il devient urgent de supprimer et interdire ce dispositif exorbitant pour les fonds publics et les contribuables.

Cette interdiction doit s’inscrire dans la loi, comme elle l’était avant la directive de 2004 puisque depuis 1985, la loi française interdisait de confier la conception et la construction d’un ouvrage à un même acteur pour limiter le poids des grands trusts.

Il est du devoir de l’Etat envers ses citoyens et contribuables de mettre fin au gaspillage et à l’inefficacité des partenariats publics-privés.

 

Source : rue89.nouvelobs.com

 

 

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3 novembre 2014 1 03 /11 /novembre /2014 19:43

 

 

Source : www.bastamag.net

 

 

Business ou idéologie ?

Élections aux États-Unis : quand des champions du CAC 40 financent des extrémistes

par Olivier Petitjean 3 novembre 2014

 

 

 

Les États-Unis votent ce 4 novembre pour renouveler leur Chambre des représentants et une partie du Sénat. Comme pour les précédentes campagnes électorales, l’argent coule à flots. Les entreprises françaises ne sont pas en reste : elles ont dépensé plusieurs centaines de milliers de dollars via leurs « political action committees ». Et soutiennent en majorité… les candidats du parti Républicain, la droite états-unienne, dont certains figurent parmi les plus rétrogrades en matière d’écologie ou de droits des minorités. Objectif affiché : entraver toute nouvelle régulation environnementale, sociale ou financière, alors que se négocie le futur traité de libre-échange entre l’Europe et les Etats-Unis.

Les élections de mi-mandat se déroulent ce mardi 4 novembre aux États-Unis. En jeu, le renouvellement d’une partie du Congrès et du Sénat. Comme lors des précédents scrutins, l’argent coule à flots pour alimenter les campagnes électorales des futurs sénateurs et congressmen. Des sommes titanesques, comparées aux budgets d’une campagne présidentielle française, collectées par les « political action committees » (PACs). Ces structures sont créées par des grandes fortunes, des entreprises, des lobbies en tout genre pour financer les dépenses des candidats, ou acheter des annonces publicitaires dans les médias pour éreinter leurs adversaires. Et aux États-Unis, il n’existe aucune limite.

Exemple ? Le PAC lancé par Thomas Steyer, un milliardaire partisan d’Obama, et à la fibre écologiste, a récolté 76 millions de dollars pour soutenir les démocrates. En face, les frères Koch, à la tête d’un empire pétrochimique considéré comme l’un des plus gros pollueurs aux États-Unis, ou le milliardaire Karl Rove, un « stratège » politique présenté comme l’architecte des victoires de George Bush Junior, ont investi chacun plus de 20 millions de dollars en faveur des candidats républicains les plus conservateurs [1]. Ce déferlement d’argent peut jouer un rôle crucial : les Républicains, alignés idéologiquement sur leur frange la plus extrémiste, celle du tea party, ambitionnent de consolider leur mainmise sur la Chambre des représentants et de conquérir la majorité au Sénat, avec pour conséquence de bloquer encore davantage les institutions et d’empêcher l’adoption de toute nouvelle régulation sociale ou environnementale.

Une vingtaine de grandes entreprises françaises participent de près aux élections états-uniennes : leurs propres « political action committees » ont récolté près de trois millions de dollars. Et pour financer qui ? Les Républicains, en majorité, et quelquefois les plus réactionnaires de leurs candidats. Lors des élections présidentielles de 2012 aux États-Unis, Basta ! et l’Observatoire des multinationales avaient déjà publié une longue enquête sur l’implication financière des entreprises françaises dans la campagne électorale pour la Maison blanche – un sujet jusqu’alors totalement ignoré en France.

Les entreprises françaises préfèrent les Républicains

Cette enquête avait révélé l’ampleur du soutien financier apporté par des entreprises telles que Sanofi, GDF Suez, Lafarge, Vivendi ou Areva à des candidats républicains, y compris ceux défendant les positions les plus réactionnaires, voire extrémistes [2]. Parmi les hommes et femmes politiques bénéficiant des largesses des « champions » du CAC 40 figuraient ainsi des proches du tea party – la droite extrême états-unienne –, des candidats qui prêchent le déni du changement climatique, le créationnisme, l’abrogation de toute forme de régulation environnementale, l’homophobie ou le renvoi des immigrés chez eux.

Deux ans plus tard, à quelques exceptions près, plusieurs grandes entreprises françaises, via leurs PACs, continuent de miser sur les mêmes écuries. Les données ci-dessous sont tirées du site opensecrets.org, qui collecte et met en ligne les déclarations transmises à la Commission électorale fédérale (Federal Electoral Commission, FEC). Il s’agit des chiffres déclarés au 24 octobre 2014.

Top 20 des entreprises françaises impliquées financièrement dans la campagne 2014



C’est Sanofi qui, via son comité d’action politique, investit le plus dans la campagne électorale. Au fil des scrutins, ses financements n’ont cessé d’augmenter et se dirigent de manière toujours plus marquée vers les Républicains : 210 000 dollars lors des élections de mi-mandat de 2010, 489 000 en 2012, et près du double cette année, dont les deux tiers au profit de la droite états-unienne. Une tendance que l’on ne peut manquer de mettre en rapport avec les options de son directeur exécutif récemment « débarqué », Chris Viehbacher, qui voulait diriger l’entreprise pharmaceutique depuis les États-Unis. En plus de sa contribution au PAC de Sanofi, celui-ci a d’ailleurs financé directement, à titre personnel, plusieurs figures de l’establishment républicain. Les financements d’Areva sont eux aussi en hausse, quoique de manière plus modérée, avec une nette inflexion vers les Républicains. Michelin, Airbus et ArcelorMittal déclarent des chiffres globalement stables, mais de plus en plus nettement marqués en faveur des Républicains.

Autre cas notable : celui de la Société générale, particulièrement mise en cause suite à la publication de notre article en 2012. Deux ans plus tard, elle n’affiche plus que 36 936 dollars de financements. C’est vingt-cinq fois moins qu’en 2012 (933 670, à 83% pour les Républicains). Difficile de savoir si ces financements ont continué par un autre biais. Reste que le patron de la banque aux États-Unis, Craig Overlander, ne cache pas ses préférences : il a versé une contribution personnelle de 15 000 dollars au Comité national républicain pour les sénatoriales [3]. Quant à Danone, Alcatel et le groupe Banque populaire Caisse d’épargne, ils sont les rares à préférer les Démocrates.

Bannir toute régulation

Qui sont les candidats qui bénéficient de ces largesses ? Les entreprises françaises ont tendance à privilégier les leaders républicains en place plutôt que les plus extrémistes du tea party. Mais la notion d’« extrémisme » semble devenue très relative au sein de la droite états-unienne dès lors que l’on touche à des sujets comme le changement climatique, les armes à feu, la fiscalité ou le droit à l’avortement. Parmi les candidats préférés des entreprises françaises, des personnalités politiques se sont particulièrement illustrés dans ce domaine. Areva, Sanofi et GDF-Suez ont ainsi dépensé plusieurs milliers de dollars en faveur de Ed Whitfield (Kentucky), auteur d’une législation bannissant toute régulation des gaz à effet de serre. Ces mêmes entreprises, aux côtés d’ArcelorMittal ou du groupe Louis Dreyfus, l’un des leaders dans le négoce de matières premières, ont ensemble accordé plus de 15 000 dollars à John Shimkus (Illinois), qui avait déclaré ne pas craindre la montée des mers parce que, selon la Bible, Dieu a promis à Noé que l’humanité ne serait plus jamais menacée par un déluge...

Si les Républicains conquièrent effectivement le Sénat, le mieux placé pour occuper la présidence du Comité de l’environnement et des travaux publics – une position stratégique – n’est autre que James Inhofe, sénateur de l’Oklahoma. Airbus, Sanofi, Areva et Michelin en ont fait un de leurs favoris. Problème : c’est aussi l’un des climato-sceptiques les plus fanatiques du parti républicain. Il considère que la question du changement climatique n’est qu’une vaste conspiration [4]. Il a aussi été classé comme le membre le plus à droite de tout le Sénat : il s’illustre régulièrement par son soutien à l’ultra-droite israélienne et par son combat contre les droits des immigrés ou des homosexuels.

Armement, finance, médicaments : des intérêts bien compris

Après nos révélations de 2012, l’excuse la plus souvent avancée par les entreprises pour justifier ces financements pour le moins dérangeants est que les PACs sont des fonds créés officiellement par leurs employés. Les grands groupes concernés n’exerceraient donc aucune influence sur la destination des fonds collectés. Or, ces PACs sont souvent hébergés au sein des entreprises. Certaines ont même encouragé leurs employés à y contribuer. Et leurs plus gros donateurs ne sont autres que les dirigeants de ces entreprises, ce qui ne les empêche pas de financer par ailleurs les candidats républicains à titre personnel, comme Chris Viehbacher de Sanofi, Craig Overlander de la Société Générale, ou encore Clyde Selleck, le patron de Michelin aux États-Unis [5] : Chris Viehbacher pour Sanofi, le directeur général Louis Schorsch pour ArcelorMittal, le directeur général Allan McArtor et sa femme pour Airbus (aux côtés de Marc Paganini, président d’Aribus Helicopters et de Guy Hicks, directeur du bureau de Washington)]].

Étrangement, quelle que soit l’étiquette politique des candidats financés, leur profil et leur programme correspondent très étroitement aux intérêts des entreprises. Les financements accordés par BNP Paribas bénéficient par exemple à des hommes politiques hawaiiens, la banque y possédant une importante filiale, la First Hawaiian Bank. Cela explique pourquoi BNP Paribas penche plutôt vers les Démocrates, Hawaii étant un bastion historique de ce parti. Mais les autres PACs liés à BNP Paribas sont largement favorables aux Républicains. Autre exemple : les PACs de Michelin, Safran ou Airbus privilégient les candidats siégeant dans des comités déterminants pour les contrats d’équipement militaires. Parmi les principaux bénéficiaires de la générosité d’Airbus, on trouve ainsi Buck McKeon de Californie, président du Comité des forces armées de la Chambre des représentants (le Congrès), ou encore Jeff Miller de Floride, lui aussi membre du Comité des forces armées de la Chambre des représentants.

Le traité de libre-échange en toile de fond

Il n’y a pas que les entreprises françaises qui s’immiscent dans la campagne électorale. Les entreprises européennes – en particulier des firmes britanniques et des banques suisses – sont de loin les plus impliquées. Ces multinationales favorisent elles aussi nettement les Républicains, davantage hostiles à toute forme de régulation, environnementale, sanitaire ou financière. Les banques, les firmes pharmaceutiques et chimiques et les industries d’armement apparaissent comme les principaux contributeurs. Le PAC de la banque suisse UBS a ainsi collecté plus de 1,3 million de dollars tandis que celui du groupe d’armement britannique BAE System y a investi plus de 800 000 dollars. Cette ingérence illustre l’interpénétration des intérêts politiques et économiques des deux côtés de l’Atlantique, alors même que se négocie un futur traité de libre-échange entre l’Europe et les États-Unis.

Ces données ne constituent très probablement que la pointe de l’iceberg. Depuis la décision Citizens United de la Cour suprême américaine, en janvier 2012, toutes les barrières pour limiter l’influence de l’argent en politique sont tombées. Le fonctionnement de l’institution chargé de contrôler ces financements, la Federal Elections Commission (FEC), est délibérément entravé par ses membres républicains. Le nombre de procédures de contrôle ou de sanction initiées par la FEC s’est effondré. Les financements des entreprises peuvent être canalisés à travers des PACs, lesquels sont soumis à certaines obligations de transparence. Mais l’argent arrive aussi, et de plus en plus souvent, par d’autres biais : sociétés fantoches créées pour l’occasion, organisations à but non lucratif, ou encore associations professionnelles. N’étant pas soumises à l’obligation de déclarer la source de leur argent, ces structures permettent aux entreprises ou aux milliardaires de peser sur les campagnes électorales en toute discrétion. Aucun moyen ou presque de savoir si les entreprises françaises et leurs filiales y ont recours, et dans quelle mesure.

Neutralité de façade

Les entreprises qui souhaitent maintenir une neutralité de façade ont également recours à des associations professionnelles. Elles leur permettent de mener campagne de manière souterraine contre une législation ou un candidat. Si l’on ne connaît pas le montant des donations éventuelles effectuées par les firmes françaises, on connaît au moins les organisations professionnelles dont elles sont des membres actives, en siégeant au conseil d’administration. C’est le cas pour la plus puissante d’entre elles, la Chambre de commerce états-unienne (US Chamber of Commerce). Autrefois chambre de commerce classique, elle s’est muée en véritable machine de guerre au service des lobbies économiques… et des candidats républicains. L’US Chamber of Commerce est pour l’instant le principal financeur de la campagne électorale 2014, avec 31,8 millions de dollars dépensés au 25 octobre, quasi exclusivement en faveur de candidats républicains, et dans les circonscriptions les plus contestées [6].

« Lorsque des grandes entreprises décident qu’elles veulent pousser leurs propres candidats mais qu’elles ne souhaitent pas que cela se voit, elles appellent l’US Chamber of Commerce », explique Lisa Gilbert de Public Citizen. On sait peu de choses sur ces généreux contributeurs. Mais deux entreprises françaises, Sanofi et Air Liquide, siègent, via leurs directeurs exécutifs, au Conseil d’administration de l’US Chamber of Commerce. Sans surprise, le lobby patronal est aujourd’hui l’un des principaux acteurs, à Washington comme à Bruxelles, de la promotion du traité de libre-échange transatlantique (TTIP).

150 millions de dollars en loblying

Les associations professionnelles sectorielles jouent aussi un rôle important dans la campagne. L’American Chemistry Council (Conseil américain de la chimie), grand défenseur du gaz de schiste et pourfendeur de la régulation des produits chimiques, a ainsi dépensé 2,4 millions de dollars. Air Liquide, Arkema, Solvay et Total en sont membres, et toutes, sauf Arkema, siègent à son conseil d’administration. Même phénomène pour l’American Petroleum Institute (Institut américain du pétrole), qui représente les intérêts de l’industrie pétrolière et gazière, ou PhRMA qui représente l’industrie pharmaceutique.

Les dirigeants des entreprises françaises expliqueront qu’ils ne font que suivre l’exemple – et souvent à une bien plus petite échelle – des entreprises nord-américaines avec lesquelles elles sont en concurrence. « Le système [états-unien] est totalement différent des usages européens », argumenteront-ils. Leurs entreprises doivent bien s’adapter ! Les entreprises françaises ne sont d’ailleurs pas avares en dépenses de lobbying. En quatre ans, vingt groupes français cotés ont ainsi dépensé près de 150 millions de dollars pour des actions de lobbying à Washington. Et on retrouve une partie de celles qui sont les plus impliquées dans l’actuelle campagne électorale, comme le montre le tableau ci-dessous [7].

Les 20 entreprises françaises les plus actives dans le lobbying à Washington



Problème : entre mener des actions de lobbying et s’immiscer directement dans une campagne électorale, en tentant d’influencer le résultat, il existe une frontière éthique. Le rôle toujours croissant des entreprises et des milliardaires dans la vie politique est un sujet suffisamment polémique aux États-Unis – une importante campagne citoyenne est en cours pour limiter à nouveau rigoureusement le rôle de l’argent en politique – pour que des groupes français prennent davantage de précaution. En particulier si c’est pour soutenir des candidats parmi les plus extrémistes. Et a fortiori lorsque ces groupes sont majoritairement ou partiellement propriété de l’État français, comme c’est le cas d’Airbus, d’Areva et de GDF Suez. Les représentants de l’État au sein de ces groupes ont-ils pour mandat de cautionner le soutien financier à des climato-sceptiques ou des représentants de l’ultra-droite ?

Entre business et idéologie

Ce que révèle l’implication des multinationales françaises dans la politique états-unienne, c’est aussi l’amalgame de plus en plus fort entre ce qui relève des « intérêts économiques bien compris » des entreprises et de l’idéologie. L’hostilité envers l’État régulateur, le déni du changement climatique ou de la gravité des diverses formes de pollutions, la promotion de la liberté individuelle… autant de points de convergence entre un certain radicalisme d’extrême-droite et la vision du monde néolibérale. C’est cette convergence nouvelle – inventée aux États-Unis depuis quelques années, et qui fonde aujourd’hui l’identité même du parti républicain – que les firmes françaises paraissent prêtes à encourager. Le feront-elles demain en France et en Europe ?

Olivier Petitjean

Photo : CC BlankBlankBlank

Notes

[1Lire ici, en anglais.

[2] La version longue de cette enquête est disponible ici.

[3Lire ici.

[4] Il est l’auteur d’un livre paru en 2012 intitulé Le plus grand hoax de tous les temps : comment la conspiration du changement climatique menace votre futur (The Greatest Hoax : How the Global Warming Conspiracy Threatens Your Future).

[5] Voir ici).

[6] Voir le rapport publié il y a quelques jours par l’ONG Public Citizen. Lire aussi cette enquête du Washington Post.

[7] Ces données sont aussi tirées du site OpenSecrets.org. Elles sont vraisemblablement très incomplètes, pour les mêmes raisons que celles invoquées à propos des financements politiques, notamment le rôle des associations professionnelles.

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Source : www.bastamag.net

 

 

˜

Entreprise

Financements déclarés, en dollars

Part des financements aux Républicains

1

Sanofi

933 270

63%

2

Airbus

370 602

78 %

3

AXA

284 740

57%

4

Vivendi

218 330

47%

5

Areva

217 927

58%

6

BNP Paribas

119 250

32%

7

ArcelorMittal

93 360

63%

8

Michelin

56 416

74%

9

GDF Suez

56 200

55%

10

Lafarge

53 000

47%

11

Louis Dreyfus

48 450

89%

12

Arkema

47 600

64%

13

Société Générale

36 936

70%

14

Safran

36500

47%

15

Suez environnement

35 700

15%

16

Alcatel

33165

26%

17

Air Liquide

28750

59%

18

Danone

25850

0%

19

BPCE/Natixis

24150

27%

20

Sodexo

20490

76%

˜

Entreprise

Dépenses de lobbying déclarées 2010-2014, en millions de dollars

1

Sanofi

36,695

2

Airbus

18,965

3

Vivendi

15,32

4

Renault-Nissan

11,5

5

ArcelorMittal

7,97

6

Alstom

7,48

7

Alcatel-Lucent

6,31

8

Safran

5,792

9

Michelin

4,662

10

SNCF

3,95

11

AXA

3,89

12

Areva

3,58

13

Arkema

3,32

14

Sodexo

3,225

15

Pernod-Ricard

3,04

16

Lafarge

2,92

17

Air liquide

2,475

18

GDF Suez

2,28

19

Thales

1,84

20

Veolia

1,545

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3 novembre 2014 1 03 /11 /novembre /2014 17:10

 

 

Source : www.mediapart.fr

 

Sivens: le barrage pourrait être déclaré illégal

|  Par Nicolas Bérard

 

 


Saisie, la justice administrative pourrait bien suivre les arguments des opposants au projet de barrage et déclarer illégale sa construction. Le conseil général du Tarn a conscience des nombreuses failles juridiques de son projet mais refuse de l’abandonner. L'État devra trancher à l'issue de la réunion de mardi.

Il reviendra finalement au gouvernement de trancher. Quel que soit le choix de Ségolène Royal et Manuel Valls, ils devront prendre en compte un élément de taille : d’ici un ou deux ans, s’il est construit, le barrage de Sivens a de fortes chances d'être déclaré illégal par la justice. La ministre de l’écologie réunit mardi les acteurs locaux pour faire le point sur le dossier. Entre l’émotion populaire suscitée par la mort de Rémi Fraisse, la pression de la FNSEA et l’entêtement des élus locaux, Ségolène Royal devra choisir, elle qui a estimé dimanche que ce projet était le fruit «d'une erreur d'appréciation» : faut-il, ou non, poursuivre la réalisation d’un projet décrit comme « médiocre » par ses experts et sur lequel pèse un tel risque juridique ?

Cette perspective n’est pas pour autant suffisante pour faire reculer le président socialiste du conseil général du Tarn, Thierry Carcenac, et pas davantage la Compagnie d’aménagement des coteaux de Gascogne (CACG). Ils ont déjà démontré leur faculté à passer outre les décisions de justice pour mener à bien leurs projets, comme le démontre le précédent du barrage de Fourogue (lire ici notre précédent article).

La retenue de Fourogue est exploitée dans l’illégalité depuis plus de quinze ans, sa gestion donnant lieu à des arrangements entre le département et la CACG. Cette dernière assure aujourd’hui aux services de l’État qu’elle met tout en œuvre pour régulariser la situation. Il serait temps : mise en service fin 1998, cette retenue n’a, depuis, jamais pu jouir d’un véritable statut juridique et l’ouvrage n’aurait jamais dû voir le jour. La déclaration d’utilité publique (DUP), autrement appelée DIG (déclaration d’intérêt général), indispensable à la réalisation de ce type d’ouvrage, n’était plus valable dès le 16 octobre 1997, suite à une décision rendue par le tribunal administratif de Toulouse. Or, à cette date, les travaux de construction étaient encore en cours.

 

La zone humide du Testet déboisée. Image extraite d'une vidéo tournée par les manifestants. 
La zone humide du Testet déboisée. Image extraite d'une vidéo tournée par les manifestants.

Aujourd’hui à la retraite, Bernard Viguié était à cette époque l’avocat de l’association Vère Autrement, qui s’était opposée à la construction de cette retenue. De ce dossier, il garde un souvenir très vif : « Un véritable scandale ! Je n’avais jamais vu un tel déni de la loi ! » À sa grande surprise, en effet, les promoteurs de la retenue n’avaient tenu aucun compte du jugement de sursis à exécution de l’arrêté d’utilité publique rendu par le tribunal administratif. Douze jours après la signification de cette décision, l'avocat écrivait donc un premier courrier au procureur de la République d’Albi : « Je viens d’apprendre que du gros matériel est à pied d’œuvre sur le site depuis le 27 octobre 1998. [Or], le sursis, comme l’a souligné le Président du Tribunal administratif dans une lettre adressée à la CACG, dont vous avez eu communication, emportait l’arrêt du chantier. » Malgré ses relances, ses demandes de poursuites « contre la CACG et toute entreprise susceptible de réaliser des travaux sans autorisation sur le chantier », adressées au procureur de la République d’Albi, étaient restées lettre morte.

A la suite d'une intervention personnelle du président du tribunal administratif, le préfet avait tenté de stopper les promoteurs. Après avoir constaté la poursuite illégale des travaux, le représentant de l’État avait pris un arrêté « portant mise en demeure de suspension de la mise en eau du barrage de Fourogue », précisant notamment que « dans l'attente du jugement sur le fond, la CACG est mise en demeure à compter de la date de notification du présent arrêté de suspendre sous 24H la mise en eau de l'ouvrage ».

Résultat ? Aucun. Les travaux se sont poursuivis. « Et après, on dira que les opposants au barrage de Sivens ne respectent pas l’État de droit ! », peste Bernard Viguié. En 2005, la cour d’appel de Bordeaux avait définitivement tranché le litige : elle confirmait l’annulation de la déclaration d’utilité publique relative au barrage de Fourogue. Depuis, juridiquement, le barrage n’existe pas. Mais dans les faits, si.

En ira-t-il de même avec le barrage de Sivens ? Thierry Carcenac, le président du conseil général, n’a pas renoncé à le construire. Après la mort de Rémi Fraisse et compte tenu de la crispation politique autour de ce dossier, il a accepté, à reculons, de « suspendre » les travaux. Mais, à aucun moment, il n’a été question pour lui d’annuler l’opération. Et pourtant… « Pour faire annuler la DUP relative au barrage de Fourogue, j’étais confiant, mais je ne pouvais pas être sûr du résultat, confie Bernard Viguié. Dans le cas de Sivens, c’est du 100 % ! La DUP sera annulée ! »

Trente agriculteurs demandeurs, et non quatre-vingts

Les arguments des opposants sont nombreux. Mais deux d’entre eux, au moins, paraissent particulièrement solides. Il y a, d’abord, le type de contrat passé entre le conseil général et la CACG. La « concession d’aménagement » signée entre les deux parties assurait non seulement à la CACG de mener les études relatives aux besoins en eau, mais aussi les études de faisabilité de la retenue, et, in fine, la construction de l’ouvrage. Cette démarche permet à la CACG et au conseil général du Tarn d’avancer main dans la main. Le problème, c’est que, pour ce genre de réalisation, ce type de contrat est illégal.

Une jurisprudence de 2007 de la cour administrative d’appel de Bordeaux établit en effet qu’une « opération unique et isolée de construction ne constitue pas, malgré son importance, une action ou une opération d'aménagement ». Ce jugement portait sur la construction d’une retenue de 20 millions de m3, quand celle de Sivens n’en fait que 1,5 million.

S’agit-il là d’une subtilité juridique ignorée du conseil général du Tarn ? Non. Selon des documents dont Mediapart a obtenu copie, le département est parfaitement au courant de cette règle administrative. Le rapport d’audit réalisé en 2014 sur le barrage de Fourogue mentionne bien, en effet, que la réalisation de cette retenue « constituait une opération de construction et ne pouvait donc pas faire l’objet d’une concession d’aménagement ». Le technicien du conseil général a même surligné ce passage et annoté : « Attention, argumentaire utilisé par les opposants de Sivens ». Conscient de l’illégalité très probable de sa démarche, le conseil général n’en continue pas moins à soutenir la réalisation du projet de Sivens.

 

Image extraite d'une vidéo tournée par les manifestants. 
Image extraite d'une vidéo tournée par les manifestants.

Ce n’est pourtant pas ce point de procédure qui saute d’abord aux yeux de Bernard Viguié. Selon l'ancien avocat, les arguments qui pourraient être retenus par le tribunal administratif portent sur l’insuffisance des études et « l’erreur manifeste d’appréciation ». Des points souvent difficiles à faire valoir mais, dans le cas présent, le rapport officiel remis à Ségolène Royal pourrait balayer les hésitations des juges : les experts ont été dépêchés par l’État pour analyser froidement le dossier, et ce travail leur a permis de relever de notables faiblesses.

Ils pointent notamment l’absence de solutions alternatives proposées par la CACG, ce qui répond directement à la question de l’insuffisance de l’étude remise au conseil général par la Compagnie. La volonté affichée par la CACG de réaliser ce barrage à Sivens ne se justifie par aucune réalité écologique ni économique. Ce serait plutôt l’inverse : la zone humide de Sivens abritait plus de 80 espèces protégées et les caractéristiques de la zone rendent le projet particulièrement onéreux. Mais la CACG, qui savait qu’elle aurait en charge la construction de l’ouvrage, n’avait pas de meilleure solution à proposer…

Quant à l’erreur manifeste d’appréciation, les experts ont souligné le surdimensionnement de l’ouvrage tel qu’il a été recommandé par la CACG : ils l’estiment entre 35 % et 40 % trop grand. Quelques jours passés à étudier le dossier leur auront suffi pour constater que le nombre d’exploitants agricoles susceptibles de bénéficier de la retenue avait été largement surévalué. Ils en ont dénombré une bonne trentaine, contre 81 annoncés par la CACG. Le Collectif Testet, qui parle plutôt d’une petite vingtaine, avait découvert que, dans la liste de la CACG, se trouvaient des exploitants situés hors de la zone concernée par le barrage, et même des opposants au projet. « Même si on considère que trente agriculteurs sont demandeurs, on n’est plus dans un projet d’intérêt général, mais dans le subventionnement d’intérêts privés », analyse Ben Lefetey, le porte-parole du collectif.

Ce n’est pas la seule manœuvre utilisée par la CACG dans son étude pour gonfler les chiffres. La compagnie a par exemple justifié la nécessité de construire une retenue de 1,5 million de m3 par une mesure de soutien d’étiage du Tescou – le cours d’eau sur lequel doit être construit le barrage. 30 % du volume de la retenue y est destiné, soit environ 450 000 m3. Ce volume, avancé lors de la première étude réalisée en 2001, devait permettre au Tescou de retrouver une bonne qualité d’eau, principalement mise à mal par les rejets d’eaux blanches d’une laiterie. Au milieu des années 2000, cette laiterie s’est dotée d’une station d’épuration, ce qui lui a permis de ne plus polluer le cours d’eau.

Mais, dans son actualisation de 2009, la CACG n’a tenu aucun compte de ce facteur et a maintenu son chiffre de 2001. Quant au nombre d’hectares qui devaient être irrigués grâce à la retenue, il est passé de 309 en 2001 à 369 en 2009, sans aucune justification, et alors que les surfaces agricoles irriguées de la région sont globalement en diminution… « Pour tourner, la CACG a besoin d’un certain volume d’affaires par an. Et elle se débrouille pour y parvenir », résume le député écologiste Gérard Onesta, originaire d’Albi. Dans sa démarche, elle peut compter sur le soutien des barrons locaux du PS et du PRG, dont certains siègent au conseil d’administration de cette société d’économie mixte.

Le tribunal administratif, saisi par les opposants au barrage, a donc de bonnes chances d'annuler la Déclaration d’utilité publique. Mais une ou deux années vont s’écouler avant que le jugement soit rendu. Or Thierry Carcenac et la CACG s’entêtent à mener leur projet à terme. Car en reculant sur Sivens, c’est tout un système qui pourrait s’effondrer et une vingtaine d’autres projets de barrage qui pourraient disparaître.

En ne mettant pas aux voix la suspension des travaux vendredi 31 octobre, Thierry Carcenac s’est épargné une réouverture des débats au sein de son assemblée. Les experts du ministère de l’écologie ont quant à eux estimé que le chantier était trop avancé pour annuler le projet. Pourtant, « on parle ici de quelques centaines de milliers d’euros qui passeraient en pertes et fracas. C’est bien sûr regrettable, mais ça ne justifie pas de s’entêter de la sorte sur un projet qui ne tient pas la route. Et surtout pas au moment où le gouvernement a reculé sur l’écotaxe, ce qui pourrait lui coûter un milliard d’euros ! » rappelle Gérard Onesta. Seul le préfet – donc le gouvernement – peut aujourd’hui arrêter le projet en « annulant » sa DUP. 

 

 

Lire aussi

 

 

 

Source : www.mediapart.fr

 

 

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3 novembre 2014 1 03 /11 /novembre /2014 16:13

 

Source : www.liberation.fr

 

 

 

Derrière Sivens, une question de démocratie
Anahita GRISONI Sociologue, urbaniste 3 novembre 2014 à 16:24
 (Illustration Stefano Rossetto)
TRIBUNE

La mort de Rémi Fraisse marque un tournant dans le mouvement écologiste mais souligne surtout le fossé de plus en plus béant entre une démocratie de façade et la démocratie réelle.

 

La mort violente du botaniste Rémi Fraisse, lors de la manifestation contre la construction du barrage de Sivens, marque un tournant dans le mouvement écologiste. Celui-ci semble d’ailleurs s’éloigner chaque jour davantage des institutions de la politique écologique, d’EELV au projet ministériel d’une transition énergétique de surface. L’écologisme contemporain s’en prend directement aux projets d’un Etat qui, droite et gauche libérale confondues, ne reconnaît même pas à la fameuse «société civile» le droit de manifester son opinion quant aux projets d’aménagement du territoire. En opposant les mouvements violents et non-violents, en condamnant, souvent arbitrairement, les «désobéissants», en multipliant des déclarations musclées et inefficaces, le gouvernement tente de déplacer l’attention du public sur les

En l’occurrence, ce n’est pas de cela dont il s’agit, mais plutôt du fossé de plus en plus béant entre une démocratie de façade et la démocratie réelle que les opposants aux GP2I (1) semblent appeler de leurs vœux. Si la loi du 13 juillet 1983 relative à la démocratisation des enquêtes publiques et à la protection de l’environnement ne confère à l’Etat qu’une obligation d’information du public quant aux projets d’aménagement d’envergure, et à l’enquête une valeur consultative. D’autres mesures juridiques, plus récentes, parmi lesquelles la loi SRU (Solidarité et renouvellement urbains) du 13 décembre 2000 visant entre autre à renforcer les mesures de «démocratie participative» ou la réforme du Grenelle II, datant du 12 juillet 2012 et relative à «l’engagement national pour l’environnement», se sont succédées dans cette direction.

Il semblerait pourtant qu’un nombre toujours croissant de personnes ne se reconnaisse pas dans ces définitions de la démocratie ou de la participation. Au-delà du cadre des mouvements contre les GP2I, l’actualité récente des mobilisations – mouvement du 15 mai espagnol, parc Gezi à Istanbul, Occupy Wall Streat – montre que, en France comme ailleurs, les modalités de participation mise à disposition de la population sont au mieux obsolètes, au pire une mascarade et que seule une réforme en profondeur du droit à l’engagement permettra réellement de parler de démocratie.

 (1) GP2I est le sigle utilisé par les opposants aux Grands Projets Inutiles et Imposés.

Anahita GRISONI Sociologue, urbaniste
fractures sociales.Sur le même sujet

 

Source : www.liberation.fr

 

 

 


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2 novembre 2014 7 02 /11 /novembre /2014 17:18

 

Source : blogs.mediapart.fr/edition/les-invites-de-mediapart

 

 

Solidarité avec les opposants au barrage de Sivens, non à la criminalisation des mouvements sociaux

Plusieurs associations, parmi lesquelles Attac-France, CADTM-Maroc, la Fondation Franz Fanon ou encore la Ligue tunisienne des droits de l'Homme, réunies ce samedi à Tunis, ont lancé un appel pour exprimer « leur solidarité avec les éco-activistes français et les organisations de la société civile dans leur lutte contre le projet de construction d’un barrage inutile, à Sivens ». « Nous demandons au gouvernement français d’arrêter les projets qui détruisent la nature et aggravent le changement climatique », déclarent-elles notamment.



Hommage à Rémi Fraisse

Solidarité avec les opposants au barrage de Sivens

Non à la criminalisation des mouvements sociaux

 

Tunis le 1er novembre

Français, English below 

Nous, organisations du Conseil International du Forum Social Mondial réunies à Tunis les 1er et 2 novembre, expriment leur solidarité avec les éco-activistes français et les organisations de la société civile dans leur lutte contre le projet de construction d’un barrage inutile, à Sivens dans le Sud-Ouest de la France. 

Dans la nuit du 25 et 26 octobre, Rémi Fraisse, âge de 21 ans, a été tué par une grenade de la police au cours d’affrontements extrêmement violents. 

Depuis plusieurs mois, les activistes ont décidé d’occuper la forêt où le barrage doit être construit. Ils ont fait face à une violente repression de la police depuis le démarrage des travaux et la destruction de la zone humide. Ils ont alerté les autorités mais les décideurs locaux et le gouvernement ont choisi d’imposer leur choix par la force. Remi est mort après un rassemblement non-violent de 5000 personnes demandant aux autorités locales et au gouvernement de stopper le projet. 

Pourtant un rapport demandé par la Ministre de l’environnement en réponse à la lutte critique très fortement le projet.

Un an avant la conférence de l’ONU sur le climat à Paris en décembre 2015, nous demandons au gouvernement français d’arrêter les projets qui détruisent la nature et aggravent le changement climatique, et de soutenir les initiatives et solutions qui émergent des sociétés au lieu de telles absurdes destructions.

Nous sommes très inquiets de cette criminalisation des mouvements sociaux et écologistes ; elle illustre la radicalisation des stratégies des élites pour la capture des ressources naturelles. 

Liste des signataires :

ABONG, Association brésilienne d’ONG, Brésil

AITEC, France

ARCI, Italie

ASC (Aliajnza Social Continental), Mexique

ATFD, Tunisie

ARCI, Italie

Attac- France

Attac-Germany

CADTM, Maroc

Commission Justice et paix, Brésil

CRID (Centre de Recherche international pour le développement)

CUT, Brésil

DEBO, Tunisie

ENDA Tiers monde, Sénégal

EEC, Tunisie

FGESRS/UGTT, Tunisie

FIDES, Tunisie

FDIH, Brésil,

FMAS, Forum marocain des alternatives sociales, Maroc

Fondation Franz Fanon,

FTDS, Tunisie,

Global Social Justice, Belgique

IAI, International alliance of inhabitants, Italie

IBASE, Brésil

LJO, Lyban Juges Organization, Lybie

LTDH, Tunisie

No Vox International

Papiers pour tous, Maroc

PNGO, Palestinian NGOs Network, Palestine

Réseau Doustourna, Tunisie

ROAD, Côte d’Ivoire

Transform, Europe

Unialter, Canada

CRID (Centre de Recherche international pour le développement)

WSF, Forum social mondial, Tunisie

 

 

 

 

We, the undersigned organisations of the International Council of the World Social Forum, gathered in Tunis on 1st of november, stand in solidarity with the French eco-activists and the civil society organizations in their struggle against the useless dam which is about to be built in Sivens, south west of France.

In the night of the 25th to the 26th of October, Remi Fraisse, 21 years old, was killed by a police grenade during an extremly violent attack.

For many months, the activists decided to occupy the forest where the dam is supposed to be built. They've faced a violent police repression since the beginning of the dam construction and the destruction of the wetland. They have alerted the authorities, but the local decision-makers as well as the government chose to impose their choice by force. Remi died after a non violent rally of 5 000 people urging local authorities and the government to stop the project.

Yet a report commissioned by the Minister of environment in response to the struggle  strongly criticises the project.

One year before the UN climate conference on climate foreseen in Paris, December 2015, we urge the French Government to stop all these projects that destroy Nature and worsen climate change, and to support the people’s solutions instead of such absurd destructions.

We are very concerned by this criminalization ot social and ecological mouvements that underlines the radicalization of the elites’ strategies to capture natural resources.

List of signatories.

ABONG, Association brésilienne d’ONG, Brésil

AITEC, France

ATFD, Tunisie

Attac-France

Attac-Germany

CADTM, Maroc

Commission Justice et paix, Brésil

CRID (Centre de Recherche international pour le développement)

CUT (Centre unique des travailleurs), Brésil

DEBO, Tunisie

EEC, Tunisie

FGESRS/UGTT, Tunisie

FIDES, Tunisie

FDIH, Brésil,

FMAS, Forum marocian des alternatives sociales, Maroc

Fondation Franz Fanon,

FTDS, Tunisie,

Global Social Justice, Belgique

IAI, International alliance of inhabitants, Italie

IBASE, Brésil

LJO, Lyban Juges Organization, Lybie

LTDH, Tunisie

No Vox International

Papiers pour tous, Maroc

PNGO, Palestinian NGOs Network, Palestine

Réseau Doustourna, Tunisie

ROAD, Côte d’Ivoire

Transform, Europe

Unialter, Canada

CRID (Centre de Recherche international pour le développement)

WSF, Forum social mondial, Tunisie

Source : blogs.mediapart.fr/edition/les-invites-de-mediapart

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1 novembre 2014 6 01 /11 /novembre /2014 21:38

 

 

Source : www.mediapart.fr

 

Podemos, ce mouvement qui bouscule l'Espagne

|  Par Ludovic Lamant

 

 

 

 

L'esprit des « indignés » a-t-il un avenir dans les urnes? Podemos cherche à transformer le mouvement surgi des assemblées en Espagne en une machine électorale pour les législatives de 2015. Mêlant références à la gauche latino-américaine et à la social-démocratie des années 1980, la mue de Podemos, orchestrée par Pablo Iglesias, en surprend plus d'un. Enquête à Madrid.

De notre envoyé spécial à Madrid. Pablo Iglesias est un fan de la série télé Game of Thrones. La figure du mouvement Podemos s'apprête à publier ces jours-ci à Madrid un livre qu'il a coordonné sur les « leçons politiques » à tirer de cette saga produite par HBO, récit de guerres civiles moyenâgeuses sous forte influence shakespearienne. Avec une certaine dose de provocation, le titre de l'ouvrage reflète assez bien l'état d'esprit qui règne parmi les « meneurs » de Podemos en cette fin d'année : Gagner ou mourir (éditions Akal).

Gagner ou mourir ? Appliqué au contexte espagnol très tendu, l'alternative devient : remporter les élections générales de novembre 2015, ou laisser s'effondrer le pays, ravagé par les politiques de la « caste » au pouvoir. « Nous vivons des temps de réorganisation systémique (…) et si nous voulons livrer la bataille idéologique nécessaire pour aller jusqu'à gouverner, il faut miser sur le rajeunissement, la radicalisation et l'habileté à communiquer », écrit Iglesias, 36 ans, dans un essai publié à la fin de l'été (Disputar la democracia, éditions Akal).

Surgi en janvier dernier, Podemos (« Nous pouvons ») est devenu, à la surprise quasi générale, la quatrième force politique du pays, aux européennes de mai (1,2 million des voix, 8 % des suffrages, cinq eurodéputés). Depuis, la dynamique est de leur côté. Iglesias et ses lieutenants sont des invités réguliers des plateaux télé, où ils tempêtent contre la « caste » des vieux partis qu'ils jugent corrompus et responsables des 24 % de chômeurs dans le pays. Des sondages les donnent désormais au coude à coude avec le parti socialiste (PSOE, opposition), pour la deuxième place, devant les écolo-communistes d'Izquierda Unida (IU), mais derrière le parti populaire (PP, droite au pouvoir).    

Le mouvement, qui veut « convertir l'indignation en changement politique », vient de franchir une étape clé. Au terme d'un congrès mouvementé, où deux projets se sont opposés, il s'est doté d'une organisation stable. Plus de 80 % des 112 000 Espagnols qui ont voté sur le site de Podemos, pendant la semaine qu'a duré la consultation, ont soutenu la résolution défendue par Iglesias et son équipe, selon des résultats dévoilés lundi.

C'est un succès majeur pour le professeur de science politique de l'université de Madrid, qui a fait ses gammes tout au long des années 2000 au sein de La Tuerka, « sa » chaîne de télé indépendante diffusée sur internet, spécialisée dans les débats politiques. Iglesias devrait être élu haut la main, en novembre, pour devenir le secrétaire général de Podemos, conformément à l'organigramme qu'il a lui-même mis au point. Mais l'homme a aussi pris un risque majeur : banaliser un mouvement dont l'ADN est celui de la démocratie directe, au nom de l'« efficacité politique ».

Son projet met sur pied un « conseil citoyen », censé exprimer la voix des « cercles », ces centaines d'assemblées qui forment la colonne vertébrale du mouvement, mais surtout un « conseil de coordination » – un bureau d'une dizaine de personnes toutes désignées par le secrétaire général. Pendant le congrès, nombre d'activistes de base de Podemos ont critiqué une organisation trop verticale, qui donnera presque tous les pouvoirs à un seul homme et ses proches.

Pablo Iglesias, le 30 mai, à Madrid, après le succès électoral de Podemos aux européennes. © Reuters. 
Pablo Iglesias, le 30 mai, à Madrid, après le succès électoral de Podemos aux européennes. © Reuters.

« Le projet d'Iglesias fait un peu trop "vieille politique", avec ce leader unique du parti, qui va pouvoir désigner ses conseillers à sa guise », commente Victor Alonso Rocafort, un sociologue passé par la Complutense de Madrid, qui suit Podemos depuis ses débuts. « Ils sont en train d'inventer une Sparte numérique. À Sparte, les dirigeants fixaient l'agenda, et les citoyens décidaient par acclamation. Podemos réinvente l'acclamation via internet. Mais il n'y aura pas de dialogue, de prise en compte au quotidien de l'avis de tous ces gens qui forment les "cercles" de Podemos. » L'universitaire redoute qu'une nouvelle « oligarchie » se forme, par-delà les discours sur la démocratie retrouvée.

Le projet concurrent à celui de Pablo Iglesias, rejeté par la majorité des votants, prévoyait une structure plus souple, avec trois porte-parole, et surtout une meilleure prise en compte des « cercles » dans les processus de décision. Il imaginait même l'introduction du tirage au sort, pour désigner une partie d'un « conseil citoyen ». Iglesias et ses alliés ont bataillé ferme contre ce projet, au nom d'un certain réalisme politique, pour gagner en « efficacité » d'ici aux élections de l'an prochain.

En ouverture du congrès à Madrid, Iglesias eut cette formule définitive, qui a dû bousculer plus d'un « indigné » dans la salle : « Ce n'est pas par consensus que l'on s'empare du ciel. On le prend d'assaut. » Le message lyrique – une référence à Marx – était limpide : impossible, selon Iglesias, de remporter les élections de 2015, en continuant à pratiquer le « consensus », cette marque de fabrique des assemblées « indignées » de 2011, qui prend du temps et affadit parfois les positions les plus offensives.

Le combat du « peuple » contre la « caste »

Au fil des mois, Podemos s'est transformé en un objet politique étrange, pétri des contradictions qui affleuraient déjà sur les places d'Espagne il y a trois ans. Le mouvement défend l'« horizontalisme » des assemblées mais recourt à un leader très médiatisé et tout-puissant. Son programme est ancré à gauche (Podemos appartient au groupe de la GUE au parlement européen, le même que celui du Front de gauche), mais le collectif se considère « ni de droite ni de gauche ». C'est un mouvement très identifié à une poignée d'universitaires à Madrid, mais il a fait son meilleur score électoral, en mai… dans les Asturies, une province du nord-ouest (13,6 %).

Il est facile de se perdre, tant les fausses pistes sont nombreuses. « Podemos rassemble des gens venus d'horizons très divers, qui partagent au moins trois convictions : le rejet absolu de la corruption, la nécessité d'appliquer d'autres politiques économiques à celles en place aujourd'hui, et le besoin de récupérer la politique pour les citoyens, alors qu'elle est aujourd'hui confisquée par une élite », clarifie Cesar Castañon Ares, un historien de 27 ans, membre intégrant du « cercle » Podemos de Barcelone.

 

« A partir du moment où l'on ressemblera à la caste, on sera morts. » Entretien de P. Iglesias sur la Sexta (lire boîte noire) 
« A partir du moment où l'on ressemblera à la caste, on sera morts. » Entretien de P. Iglesias sur la Sexta (lire boîte noire)

S'ils se gardent de la formuler haut et fort, Iglesias et ses proches ont une intuition : l'important n'est pas tant d'accompagner les mouvements sociaux qui secouent toute l'Espagne (ils ont déjà leur soutien), que d'aller séduire des classes populaires les plus dépolitisées du pays – ce vivier d'électeurs frappés par la crise, dégoûtés par la politique, et que Podemos estime être le seul capable de « récupérer ». C'est ici, selon eux, que se situe la majorité électorale, celle qui leur permettra de passer devant le PP et le PSOE d'ici un an.

De cette intuition découle une rhétorique musclée, qui renforce encore le leadership d'Iglesias. Il n'est plus question d'un clivage gauche/droite, mais bien du « peuple » contre la « caste » (un face-à-face qui rappelle le slogan « 99 % » contre « 1 % » d'Occupy Wall Street). Les expressions de « crise de régime » ou de « néolibéralisme », qu'Iglesias et ses proches ont théorisées à longueur d'émissions de La Tuerka, sont désormais bannies, jugées trop « académiques » : elles sont laissées aux écolo-communistes d'IU. À l'inverse, Iglesias parle de plus en plus souvent de la « patrie espagnole », qu'il lie à la défense des services publics, et à la souveraineté économique qu'il faudrait reconquérir.

« Cela ne veut pas dire que le clivage droite-gauche n'existe plus. Mais le système d'opposition traditionnel droite-gauche issu de la transition (après la mort de Franco en 1975, ndlr) a volé en éclats. Pendant des décennies, être de gauche, c'était voter pour le PSOE. Être de droite, c'était voter pour le PP. On est en train de dépasser cela », estime Cesar Castañon Ares.

 

« Si je ne gagne pas les législatives, je ne reste pas (simple député). » Entretien d'Iglesias sur la Sexta (lire boîte noire) 
« Si je ne gagne pas les législatives, je ne reste pas (simple député). » Entretien d'Iglesias sur la Sexta (lire boîte noire)


Dans les discours de ses dirigeants, Podemos se risque à une alliance étonnante, entre un populisme assumé, venu des gauches latino-américaines, et des références issues des débuts de la social-démocratie européenne – en particulier sur le front économique. Ces croisements viennent de loin : ils ont été imaginés par plusieurs proches d'Iglesias, tous passés par l'Amérique latine, qui forment le noyau dur du mouvement.

Juan Carlos Monedero est l'une des figures les plus influentes du collectif. À 51 ans, le « Mick Jagger de la science politique », comme il se fait appeler dans les émissions décontractées de la Tuerka, est le maître à penser d'Iglesias. Il a conseillé au début des années 2000 le patron des écolo-communistes (IU), Gaspar Llamazares, a donné des cours dans de nombreux pays d'Amérique latine et rêve aujourd'hui de s'emparer de la mairie de Madrid aux municipales de 2015, en surfant sur le succès de Podemos.

Son dernier essai, Leçon de politique dans l'urgence, à l'usage de gens décents (édition Seix Barral, 2013), en est à sa dixième édition. C'est un texte lyrique et foisonnant de références (Gramsci, Debord, Semprun, Harvey…) qui se présente comme une « boîte à outils subversive ». Monedero y passe surtout son temps à trucider la « vieille politique » espagnole, responsable d'avoir fait basculer le régime issu de la transition dans une forme de « fascisme social » (« Les démocraties de basse intensité sont des régimes démocratiques, d'un point de vue formel, mais fascistes, d'un point de vue social »).

L'autre très proche d'Iglesias est l'un de ses meilleurs amis (encore un homme) : Iñigo Errejon, 32 ans. Iglesias et Errejon ont partagé, durant leurs études madrilènes, le même directeur de thèse. Errejon a consacré ses recherches au MAS, le parti socialiste créé par Evo Morales en Bolivie, et a vécu un temps à La Paz. Il travaillait comme politologue au Venezuela quand l'aventure Podemos l'a convaincu de revenir en Espagne. Il fut le concepteur de la campagne (à succès) des européennes de mai.

Quelles propositions concrètes ?

C'est lui, Errejon, qui tire le parti vers une forme de péronisme adapté à l'Espagne. Sa référence principale n'est autre qu'Ernesto Laclau, intellectuel argentin contesté, théoricien subtil d'un « populisme » qui n'aurait rien de péjoratif ou d'irrationnel, et qui pourrait même être mobilisé au service d'idéologies progressistes. Si l'on s'en tient à Laclau, c'est à la condition d'appliquer des politiques progressistes et radicales que l'on peut parvenir à former un « peuple ».

À la mort de Laclau au printemps 2014, Errejon s'est fendu de plusieurs hommages dans la presse espagnole (ici ou ). Ce jeune universitaire fait de l'Europe du Sud, frappée par la crise, l'arène d'une politique européenne en voie de « latino-américanisation », « non pas pour copier, sinon pour traduire, reformuler, s'emparer d'une batterie de concepts et d'exemples », écrit-il. Avant d'affirmer, en référence à Podemos : « Ce n'est un secret pour personne qu'une initiative politique récente dans notre pays n'aurait pas été possible, sans la contamination intellectuelle, et l'apprentissage des processus de changement en cours en Amérique latine. »

Cette mainmise d'une poignée d'universitaires sur la stratégie de Podemos ne se fait pas sans heurts. Teresa Rodriguez, l'une des cinq eurodéputés du mouvement, s'est moquée, en douceur, de cette stratégie des « cerveaux » de la Complutense de Madrid, efficace sur le papier, mais qu'il reste à concrétiser : « Podemos n'est pas une expérience universitaire », a-t-elle mis en garde lors du congrès d'octobre.

Pour le sociologue Victor Alonso Rocafort, la volonté des « meneurs » de Podemos de ne pas s'enfermer sous l'étiquette, trop étriquée à leurs yeux, de la « gauche critique » pose d'autres problèmes. « Podemos s'est montré très discret, pendant la campagne des européennes, sur le projet de loi qui devait durcir l'accès à l'avortement dans le pays (le texte a depuis été retiré - ndlr). Même chose sur l'immigration aujourd'hui. Ils évitent de monter au créneau sur ces sujets qui divisent la société espagnole. Sur le fond, Podemos est opposé à ce texte de loi anti-avortement, et défend une politique migratoire différente de ce qui se pratique aujourd'hui. Mais ils ont choisi de ne pas le dire. C'est un choix dangereux. Ce sont des sujets délicats sur lesquels il me semble important de faire de la pédagogie, si l'on prétend gouverner. C'est bien de vouloir gagner les élections, mais encore faut-il les gagner correctement. »

 


 

Un débat de l'émission « Fort Apache » consacré à François Hollande (lire la boîte noire)

Au-delà de ces débats sur la stratégie électorale, qui ont beaucoup occupé les esprits des responsables de Podemos cet automne, d'autres s'inquiètent des flous et des manquements béants de leur programme. « Les Podemos ont tout misé sur la crise de régime, sur les questions de représentation politique, sur la dénonciation de la "caste" des politiques », constate Florent Marcellesi, un membre du parti écolo EQUO, qui sera eurodéputé à partir de 2017. « À nos yeux, c'est nécessaire, mais ce n'est pas suffisant. La crise n'est pas seulement liée aux failles du système politique, c'est une crise de civilisation qui est devant nous. Il faut sortir du modèle productiviste. »

Mais que défend Podemos, au juste ? Le mouvement est jeune et l'élaboration d'un programme prend du temps. Dix mois après la naissance, les contours restent flous. À l'occasion de son congrès, Podemos a soumis aux votes des internautes inscrits sur le site 97 propositions qui sont remontées des « cercles », partout en Espagne. Au terme de trois jours de consultation sur internet, le collectif a adopté les cinq résolutions les plus recommandées. Les voici, par ordre décroissant de soutien :

  • La défense de l'éducation publique, en soutien aux mouvements des « marées » contre les coupes budgétaires dans le secteur éducatif (17 289 votes, 45 %).
  • La lutte contre la corruption avec, notamment, un durcissement des peines pour les cas de corruption d'agents publics, et la suppression des privilèges de juridiction pour les élus (16 186 votes).
  • L'interdiction des expulsions immobilières « sans alternative » et la reconnaissance du droit au logement social (14 889 votes).
  • La défense de la santé publique – y compris pour les migrants sans papiers – qui prévoit, par exemple, la suspension des règlements qui autorisent certaines communautés autonomes à privatiser certains hôpitaux publics (12 129 votes).
  • Un audit citoyen de la dette (8 981 votes) pour identifier les dettes « illégitimes » et « restructurer » la dette globale de l'Espagne, en fonction des résultats (c'est-à-dire en supprimant la part de dette « illégitimement » contractée).

En vrac, d'autres résolutions proposaient le blocage du projet de traité de libre-échange avec les États-Unis, l'aide aux migrants, le renforcement des droits des animaux, le recours régulier aux référendums… Mais elles n'ont pas obtenu de scores suffisants pour être retenues (lire l'intégralité des 97 propositions et leur classement ici).

Vers une « social-démocratisation » de Podemos ?

Lors des dernières semaines, Pablo Iglesias s'est aussi prononcé pour le « droit à décider » des Catalans (c'est-à-dire pour la tenue d'un référendum sur l'indépendance, ce que refusent PP et PSOE), même s'il reconnaît, à titre personnel, ne pas souhaiter l'indépendance de la Catalogne. Idem pour les Canaries : Podemos soutient, tout comme les autorités locales et les écologistes, la tenue d'un référendum sur les prospections pétrolières au large de l'archipel – ce que refuse le gouvernement de Mariano Rajoy, favorable au démarrage du projet.

Au-delà de ces prises de position, des débats de fond agitent le mouvement. En particulier sur les orientations économiques. Relance, alternatives à l'austérité, mandat de la BCE, euro, régulation financière… Impossible de mettre en avant des positions officielles et précises sur ce type de sujets. Tout au plus Iglesias a-t-il multiplié les sorties, ces dernières semaines, pour vanter le programme social-démocrate des années 1980, se référant explicitement… au Felipe Gonzalez de 1982.

Extrait de son dernier ouvrage, sorti fin août (Disputar la democracia) : « Parler de réforme fiscale, d'un audit de la dette, de contrôle collectif des secteurs énergétiques, de la défense et de l'amélioration des services publics, de la récupération des attributions de la souveraineté et du tissu industriel, des politiques d'emploi par l'investissement, de favoriser la consommation, de s'assurer que les entités financières publiques protègent les PME et la famille, et bien d'autres choses, c'est ce que n'importe quelle formation sociale-démocrate d'Europe occidentale aurait dit il y a 30 ou 40 ans. »

Iglesias, caricaturé par certains médias comme un dangereux gauchiste adorateur de Chávez, cherche à donner des gages à l'électorat traditionnel du PSOE, pour mieux siphonner les voix du vieux parti social-démocrate. Il dit même désormais vouloir « occuper la "centralité" de l'échiquier politique ». Début octobre, l'universitaire a surpris tout le monde, en annonçant lors d'un entretien télé avoir demandé à deux économistes (Vicenç Navarro et Juan Torres) de travailler à un programme de « sauvetage citoyen » qui serait appliqué lors des cent premiers jours suivant l'arrivée de Podemos au pouvoir.

L'initiative en a braqué plus d'un, au sein du mouvement. Sur la forme d'abord, elle revient à court-circuiter le travail d'un des « cercles » les plus respectés des Podemos, celui consacré à à l'économie et l'énergie, en imposant deux « experts » venus de l'extérieur… Sur le fond, l'affaire est encore plus délicate : Navarro est un économiste prestigieux né en 1937, ex-conseiller de Salvador Allende au Chili, mais aussi de Bill Clinton dans les années 1990. Certains ont du mal à comprendre comment ce vieil économiste étiqueté « néokeynésien », soucieux du retour de la sacro-sainte « croissance », aurait les réponses à la hauteur de la crise protéiforme des années 2010…

Faut-il voir dans ce passage en force, par-delà les assemblées, un avant-goût de la gestion de Podemos par son futur secrétaire général ? Sans doute. Mais il reste très difficile d'anticiper le reste, d'ici novembre 2015. Un an est une éternité à l'échelle de la crise espagnole, scandée, presque chaque mois, par de nouveaux scandales de corruption. Des élections municipales sont prévues en mai (Podemos a décidé de faire l'impasse, pour ne pas se brûler les ailes), couplées, dans certains cas, avec des scrutins régionaux (auxquels Podemos devrait, cette fois, participer), en amont des législatives fin 2015.

Iglesias, lui-même, se montre très prudent pour la suite : « Le PSOE peut remonter dans les sondages, avec le nouveau leadership de Pedro Sanchez. Les médias privés, qui ne cessent de parler de nous, et d'inviter nos porte-parole, peuvent nous blacklister si leurs propriétaires le décident. Et nous-mêmes pouvons commettre des erreurs que, pour l'instant, nous n'avons pas commises dans un contexte nouveau et très complexe. Quant au PP, il fait montre d'une grande capacité de résistance électorale, malgré les scandales de corruption et le désastre de sa gestion. » Le scénario espagnol est plus ouvert que jamais.

 

 

La conférence de lancement de Podemos, le 16 janvier 2014 à Madrid.


Prochain reportage : avec Ada Colau, figure des mouvements sociaux espagnols, candidate à la mairie de Barcelone en 2015, à partir d'une plateforme inédite de partis et mouvements de la gauche catalane.

J'ai suivi les deux journées de l'« assemblée citoyenne » de Podemos les 18 et 19 octobre derniers à Madrid. L'ensemble des personnes citées dans l'article ont été interrogées à cette occasion, à l'exception de Florent Marcellesi, avec qui j'ai échangé à Bruxelles, où il travaille.

Une partie des illustrations de l'article (page 2) sont des captures d'écran du dernier numéro de Salvados, le programme phare de la chaîne de télé La Sexta, diffusé dimanche dernier et intitulé Pablo en Ecuador (« Pablo en Équateur »). Cette visite de Quito aux côtés d'Iglesias a attiré près de cinq millions de téléspectateurs... un record d'audience pour ce programme.

J'ai aussi glissé dans l'article (page 3) l'un des derniers débats de Fort Apache, l'une des émissions sur internet de Pablo Iglesias, consacré aux « adieux de François Hollande à la social-démocratie » (Fort Apache, le titre de l'émission, est une référence à l'un des westerns de John Ford, qui est l'un des premiers westerns à dénoncer le racisme envers les Indiens – Iglesias adore le cinéma politique). Iglesias, eurodéputé depuis mai, y débat notamment avec un autre eurodéputé espagnol, socialiste celui-là, Juan Fernando Lopez Aguilar (ex-ministre de la justice sous Zapatero), des raisons de l'impasse française.

 

 

 

 

 

Source : www.mediapart.fr

 

 

 

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1 novembre 2014 6 01 /11 /novembre /2014 21:09

 

Source : blogs.mediapart.fr/blog/mireille-alphonse

 

 

 

Sivens : pour honorer la mémoire de Rémi Fraisse

Dans le drame de Sivens il y a tout. Tout ce que nous, les écologistes (militant-e-s politiques et/ou associatifs, citoyen-n-es) redoutions depuis des années. Dans ce constat navré, nulle espèce de satisfaction du genre “nous vous avions bien dit que cela terminerait comme cela”, ni de plaisir morbide face à un prétendu “martyr écolo” comme certains ont eu l'indécence de l'écrire ; mais tout au contraire, l'immense tristesse de voir se réaliser ce que nous craignions : l'engrenage de la violence avec in fine, la mort d'un jeune homme engagé pour le respect de la nature.

Tout : l'incapacité des pouvoirs publics locaux et des principaux agriculteurs à prendre la mesure de ce qui est en marche – le changement climatique. Mercredi, sur France Info, un agriculteur FDSEA du Tarn, qui aurait été l'un des bénéficiaires du barrage de Sivens, se plaignait des « années de sécheresse qui se multiplient » et insistait sur son besoin en eau et la nécessité du barrage. Mais le changement climatique est une réalité avec laquelle nous devons apprendre à vivre définitivement ! Cela ne va pas aller mieux dans deux ans : les risques de sécheresse sont au contraire en train de s'accentuer et notamment dans les zones méridionales de notre pays. C'est un mouvement de fond, long et durable. L'eau n'est déjà plus un bien accessible à tous dans des dizaines de pays du sud : nous allons devoir apprendre à l'économiser dans nos climats tempérés. Et vite ! Il y a fort à parier que le barrage de Sivens, s'il était construit (ce que je ne souhaite pas), serait à nouveau insuffisant d'ici une dizaine d'années pour alimenter suffisamment en eau des agriculteurs qui refusent de changer de cultures…

Tout : le refus de comprendre, justement, qu'il faut changer de modèles dans tous les domaines. Et notamment dans le secteur agricole. Nous ne pouvons plus soutenir un modèle d'agriculture intensif, fondé sur des cultures voraces en eau et sur des plantes incapables de résister aux différents stress climatiques. Le même agriculteur évoquait ses cultures de maïs, de tournesol, de soja… Dans la période dans laquelle nous sommes entrés, la question désormais vitale pour les exploitations agricoles, pour les paysans et bien sûr in fine, pour les consommateurs que nous sommes tous, est de savoir sélectionner les plantes robustes et les techniques de cultures qui résistent au manque d'eau et sont capables de survivre dans un environnement moins clément. Les chercheurs de l'INRA qui travaillent depuis des années sur ces questions, les paysans réunis au sein du mouvement des Semences Paysannes, tous les militant-e-s d'organismes comme les Colibris ou Kokopelli connaissent ce sujet par cœur et peuvent dès demain proposer aux agriculteurs du Tarn des cultures leur permettant de s'adapter.

Tout : l'incapacité, en cette période de crises multiples – économique, financière, démocratique, sociale – à prendre au sérieux la nécessaire défense de la biodiversité et le rôle essentiel des écosystèmes. La zone humide du Testet est un réservoir de vie pour 94 espèces protégées. Alors que les différents rapports internationaux s'alarment du nombre d'espèces en voie de disparition (ou disparues) dans un laps de temps ultra rapide, inconnu depuis l'apparition de l'homme sur terre, la protection de la faune et de la flore prennent une dimension de toute première importance. Par ailleurs, les zones humides jouent également un rôle essentiel dans nos campagnes, ainsi que le souligne l'ancienne députée européenne EELV, Sandrine Bélier : « Si elles font l’objet d’un effort de protection au niveau national, européen et international, c’est qu’elles ont un rôle économique et social tout aussi important. Elles participent à la régulation des ressources en eau et ont un très fort pouvoir d’épuration naturelle de l’eau. Elles filtrent les polluants et agissent comme une station d’épuration naturelle de l’eau potable. On est là dans les services dits «écosystémiques» rendus gratuitement par la nature et pointés lors du Grenelle de l’environnement.Comme elles sont un milieu de rétention d’eau, elles jouent aussi un rôle dans la prévention des crues. Elles participent aussi à la captation de CO2 et donc à la lutte contre le dérèglement climatique. »

Tout : les errances d'un pouvoir central désorienté, se retrouvant pris au piège de la violence d'État, dans un effort désespéré – vain et dramatique – de masquer son incapacité à comprendre le présent et à préparer l'avenir. Comment en effet appeler autrement l'aveuglement qui amène un Président de Conseil général et un préfet à faire se déployer des gendarmes armés (grenades, Taser…) sur un site naturel, pour “protéger”… l'on ne sait pas bien quoi et ceci alors même que le rapport demandé aux experts du ministère de l'Écologie est encore attendu ? Le président Carcenac disait au Monde, ce jeudi : « Il n'est pas possible que des gens violents imposent leur décision à tous les autres » ! Mais de quel côté se trouve la violence lorsque l'on parle d'un site naturel et d'un futur chantier protégés comme si l'on se trouvait en situation de guérilla ? Lorsque l'on parle d'actes entraînant la mort d'un jeune homme ? Où réside la violence fondamentale lorsque des décideurs politiques ne comprennent pas, et ne veulent pas essayer d'écouter, le message de militant-e-s environnementalistes refusant que l'on détruise une zone naturelle exceptionnelle pour le seul profit d'une trentaine de grands exploitants agricoles ? Où se cache le droit, lorsque les pouvoirs publiques ne sont plus capables d'orchestrer une prise de conscience collective fabriquant de l'intérêt général et se trouvent réduits, au lieu de cela, à obéir aux pressions de quelques-uns ?

Tout : l'incapacité grandissante à se parler, entre groupes aux motivations différentes, dans laquelle notre pays s'enferme. Comment ne pas y voir, avec grande inquiétude, une spirale mortifère pour la démocratie ? De Notre-Dame des Landes au Testet, des Contis à Florange, nous ne savons plus résoudre les crises collectivement. Nous ne savons plus construire une vision d'avenir commun. L'engrenage bras de fer, contestations, reculades, répressions, passages en force et, désormais, mort se reproduit, avec le sentiment, très amer, qu'au final, tout cela ne sert à rien. Le chômage continue son travail de sape dans tous les territoires, les entreprises ferment, les petits agriculteurs sont ultra endettés, 90 % de notre société ne cesse de s'appauvrir (avec au premier rang, les personnes âgées et les jeunes) ! Notre démocratie est au bord du coma… Il est urgent de la ramener en vie en réactivant toutes les formes de démocratie (représentative, participative, locale…), en prenant le temps de co-construire les projets et de faire se rencontrer des intérêts divergents au départ.

En expliquant le nécessaire changement de rapports sociaux, de style de vie et au fond, de civilisation, qu'il nous faut opérer si nous voulons survivre pacifiquement au changement climatique et à la baisse inéluctable des énergies fossiles, André Gorz écrit, dans Ecologica « La sortie du capitalisme aura lieu d'une manière ou d'une autre, civilisée ou barbare. » La barbarie, elle existe déjà : avec le pouvoir islamo-fasciste de Daesh et son pétrole de contrebande ; avec les puissances comme l'Inde ou la Chine qui achètent des terres agricoles au pays du sud les plus pauvres, etc. Mais rien n'est encore inéluctable : la messe n'est pas dite, nous avons encore le choix. Pour que la mémoire de Rémi Fraisse soit honorée dignement, pour tous les enfants du monde : il nous faut emprunter la voie civilisée. Un beau projet pour la – vraie – gauche, me semble-t-il.

 

 

 

Source : blogs.mediapart.fr/blog/mireille-alphonse

 

 



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1 novembre 2014 6 01 /11 /novembre /2014 19:58

 

 

Source : rue89.nouvelobs.com

 

 

« T’as Internet ? » 01/11/2014 à 18h09
Sivens : comment ils sont devenus « zadistes »
Camille Polloni | Journaliste Rue89

 

Le CPE ou la Constitution européenne, Pierre Rabhi ou Notre-Dame-des-Landes : Adeline, Bassam et les autres racontent le chemin qui les a conduits au Testet.


Cratère de grenade dans la ZAD du Testet, en octobre 2014 (Gaspard Glanz/Rue89)

(De Lisle­-sur-Tarn) Une fois assise sur l’herbe de la ZAD (« zone à défendre ») du Testet (Tarn) avec un ordinateur ouvert sur les genoux, un chien blanc­ gris couché à côté, une clope et une bouteille d’eau, la question est de savoir comment commencer cet article. Et puis une fille en kaki avec des dreads s’approche.

« Excuse, t’as Internet ? »

Elle a besoin d’aller sur Facebook pour chercher un numéro de téléphone. Juste à côté du barnum bleu à rayures marqué « accueille » où défilent les journalistes toute la journée, on découvre ensemble que des esprits astucieux ont apporté du wifi dans la vallée : MediaZad. Cinq minutes plus tard, la fille revient :

« Excuse­-moi de t’embêter, mais t’aurais pas un téléphone ? »

Incidents à Nantes et Toulouse
Six jours après la mort de Rémi Fraisse, le militant écologiste tué par l’explosion d’une grenade offensive lancée par un gendarme sur le site du barrage de Sivens, plusieurs manifestations « contre les violences policières » ont été organisées ce samedi 1er novembre. A Nantes et Toulouse, des violences ont éclaté entre manifestants et forces de l’ordre. On compte au moins cinq blessés à Nantes.

Les occupants disposent de matériaux de construction, de bois pour le feu, de nourriture et de pansements, grâce aux dons de tous ceux qui convergent vers la ZAD et à « la récup ». Mais au moins trois ressources manquent : l’eau courante, l’électricité et le réseau.

Les téléphones ont du mal à attraper l’antenne et un accès à Internet est quasiment inespéré. Ceux qui campent ici profitent de leurs excursions pour récupérer leurs textos. Le reste du temps, ils comptent sur le bouche à oreille, les voisins croisés d’un bout à l’autre du site de 2 km de long et les talkies-walkies.

Les discussions sont permanentes, qu’on se connaisse ou pas. Leur volonté autogestionnaire rend les « zadistes » éclectiques : nourris les uns des autres, ils échangent leurs vues sur tout, de la meilleure façon de faire une salade à l’intérêt de mettre en place des discussions non­ mixtes. Et changent parfois d’avis au gré d’une rencontre.

La politique « classique » ? Très peu pour eux

Dans ce qui reste de la forêt de Sivens, personne ne revendique une étiquette définitive. Aucun ne porte sa famille politique en étendard : anarchiste, écologiste, féministe, antifasciste, autonome, pacifiste, antispéciste... Tous insistent sur la pluralité de courants qui les traversent et fondent leur identité.

Pour expliquer leur engagement ou marquer des étapes dans leur parcours, chacun cite des événements différents : les manifs contre le CPE, la vie en communauté, un contre­-sommet, l’expérience de la répression... Ils relient ces luttes les unes aux autres a posteriori.

Ces expériences très variées les ont tous conduits au même endroit, l’opposition au barrage de Sivens, en 2014.

Dresser le portrait intellectuel des « zadistes » oblige à admettre que les frontières bien carrées des mouvements s’effacent devant les influences croisées, les affinités et les parcours en devenir.

« La stratégie d’occupation est pertinente »

« Camille » a 22 ans et des cheveux bouclés, blond vénitien. Elle ne s’appelle pas Camille « pour de vrai ». Comme beaucoup d’autres depuis Notre­-Dame­des-­Landes, elle utilise ce prénom générique pour répondre à la presse sans être trop identifiable. (Depuis que cette coutume existe, plus personne ne me croit quand je donne mon prénom sur une ZAD, mais c’est un détail.)

Camille coupe du chou rouge et accepte très facilement de raconter sa trajectoire, comme la plupart des gens dans la mesure où ils conservent l’anonymat.


« Camille » sur la ZAD, en octobre 2014 (Gaspard Glanz/Rue89)

Malgré « des parents pas du tout militants », elle a toujours eu « une grosse sensibilité et une tendance à la remise en question ». Etudiante à Bordeaux, elle campe sur la ZAD depuis quelques semaines.

« Ici, certains critiquent plutôt la domination masculine, d’autres la domination de classe ou l’exploitation animale. Tout ça va de pair, je me sens à la confluence des luttes féministes, écologistes, anars. Ici, il y a à la fois une interdépendance entre nous et une indépendance vis-à-vis d’un système qui ne nous convient pas. Pour moi le barrage est l’emblème d’un système oppressant, capitaliste et productiviste.

Je suis assez déçue par la stratégie légaliste, les recours, même si c’est hyper important, parce que même si le barrage est déclaré illégal des années après avoir été construit, ça sera trop tard.

La stratégie d’occupation est pertinente : confondre le lieu de lutte et le lieu de vie. Comme à Notre­-Dame­-des-­Landes, ou à la ferme des Bouillons à Rouen. On peut se réapproprier collectivement des savoirs. Dans la même journée, tu peux être jardinière, charpentière, cuisinière... Je ne me vois pas faire la même chose tout le temps.

Ça fait drôle de raconter ma vie comme ça, mais ma présence ici est l’aboutissement logique d’un parcours. »

« La politique est noyautée par l’industrie »


Hélène Duffau à Gaillac, en octobre 2014 (Camille Polloni/Rue89)

Hélène Duffau, elle, a 49 ans. Elle vit dans la région toulousaine depuis vingt ans, apporte un soutien fidèle à la ZAD et fait partie de la « commission communication », mise en place pour faciliter la diffusion des revendications auprès des soutiens et de la presse.

L’écrivaine et consultante m’envoie ce texto avant notre rencontre :

« Bonjour Camille, je peux vous accueillir à la gare, vous guider vers votre hébergement et vous emmener ensuite déguster un verre de gaillac. »

Cheveux courts et gris, béret et imper noirs, foulard noué autour du cou, elle traverse d’un pas vif le centre ­ville de Gaillac où elle habite depuis six mois, indiquant leur chemin à deux aspirants zadistes, et s’assoit à la terrasse d’un bar à vin. Jamais Hélène n’a milité dans un parti politique.

« J’entretiens un rapport au pouvoir incompatible avec ce que je perçois des partis : l’obligation de grenouiller, de séduire, d’être une femme de réseaux. Mais j’ai souvent prêté main forte à Europe écologie - Les Verts et j’ai l’esprit républicain. Le problème est que la politique est noyautée par l’industrie et le système économique néolibéral. »

Particulièrement sensible à « la cause paysanne » et aux « questions relatives à l’alimentation », elle apprécie « l’intelligence collective, le respect, l’écoute bienveillante » au Testet. Plusieurs gendarmes passent sur la place. « Ils sont nombreux ces jours­-ci », constate très calmement la quinquagénaire.

« J’aurais vraiment envie d’aller les voir et de leur dire : bonjour messieurs, excusez­-moi de vous déranger. Est­-ce l’un d’entre vous qui a tué Rémi ? »

« A Paris, qui sait faire un feu ? »

« BBD », barbu­ chevelu en poncho, a 23 ans. Malgré « des influences familiales de gauche socialiste », il était « plutôt apolitique à la base ». Il a « traîné avec des gens du NPA » en Bretagne, en 2011­-2012. Brièvement.

« Ils défendaient les sans-­papiers et avaient des idées concrètes, mais j’ai du mal à me fondre dans des groupes politiques. Il y a toujours des divergences, des questions d’ego. Et la démocratie représentative est une grosse blague, ce n’est pas le peuple mais les représentants qui ont réellement le pouvoir. »


« BBD » dans la ZAD du Testet, en octobre 2014 (Camille Polloni/Rue89)

Depuis l’âge de 16 ans, il travaille une partie de l’année à planter et récolter des melons. L’an dernier, il a « atterri à Notre­-Dame-­des-­Landes » et s’y est retrouvé, pas seulement pour « le lien avec la nature ».

« C’est une expérience qu’on ne peut pas vivre ailleurs, une forme de liberté totale qui touche à l’anarchie au sens étymologique. Une communauté qui respecte aussi les individualités. »

C’est une rupture dans son parcours.

« J’ai pris conscience d’un système arrivé à bout de souffle. Aujourd’hui, il existe un écran entre nous et les savoir­-faire, la nourriture, les représentants. A Paris, qui sait faire un feu ?

Je suis en train de refaire le chemin vers l’enracinement, de me reconnecter à la réalité. »

« On a tapé “ barrage de Sivens ” sur Internet »

Même impression chez Adeline, 32 ans, qui travaille dans l’artisanat. Elle vit dans une maison à Gaillac, à une dizaine de kilomètres de la ZAD, avec son compagnon et leurs deux filles.

« On est du coin mais on n’était pas du tout au courant avant l’été 2013. Quand on a vu des tags “non au barrage”, en ville, on a tapé “barrage de Sivens” sur Internet. On est allés voir sans a priori. D’habitude, je survole le monde politique sans m’y attarder. Je n’ai jamais été membre d’un parti, d’un syndicat ou d’une association.

Sur la ZAD, les gens parlent d’une autre façon de vivre. Ils ont construit des fours en terre, pour la poterie ou le pain, un métier à tisser. Je ne pourrais pas vivre dans la forêt tout le temps, mais les filles sont ravies quand on y va. Quelqu’un leur apprend à faire un collier, juste après une marionnette en paille, c’est merveilleux pour elles. J’aimerais qu’on s’entraide autant entre voisins, c’est une richesse. »


Adeline, en octobre 2014 (Gaspard Glanz/Rue89)

L’opposition à ce projet est le premier engagement sérieux d’Adeline. Elle participe à la diffusion de la propagande sur Internet. Avant, elle avait seulement protesté contre une fermeture de classe dans l’école de sa fille, et contre la réforme des rythmes scolaires.

« Ça nous concernait plus directement. »

D’autres sont plus chevronnés. « Bassam », une brune de 29 ans venue de Marseille, vit sur la ZAD depuis le 15 août. Elle se souvient très bien du Traité constitutionnel européen, en 2005, son expérience fondatrice.

« Je m’y suis vraiment intéressée. Je suis allée à la fac de droit pour demander des explications à des gens, on a passé des jours de discussion dans la cour de mon immeuble, avec mes voisins. On a fini par voter non. On nous a dit qu’on n’avait pas lu, ou pas compris, et justement, si. C’était notre premier engagement. Je venais juste de commencer à voter et il y a eu une cassure. »

Des banques de semences

Ses jalons à elle ne ressemblent pas à ceux des autres. Elle cite des souvenirs très précis, « mon intérêt pour l’Afghanistan, à 12 ans j’adorais Massoud » et « les lois sur le vivant, qui m’inquiétaient beaucoup ». Elle a toujours privilégié « l’action ultralocale » en lien avec l’agriculture et la transmission du savoir, les banques de semences, les fermes pédagogiques. Pendant dix ans, elle travaille dans le secteur de l’éducation populaire.

« Je me suis rendue compte de l’énorme schisme entre le discours et les actes. Je croyais qu’il s’agissait de développer l’esprit critique des gens pour qu’ils soient en mesure de choisir. En fait, l’éducation populaire est bouffée par la recherche de subventions. »

Sur la ZAD, elle a découvert « la violence policière » :

« Je ne connaissais pas. Depuis que je suis là, j’ai dû partir plusieurs fois me reposer ailleurs pour réussir à gérer cette violence récurrente : la destruction de nos affaires, les blessures, la disparition d’hectares de forêt du jour au lendemain, qui nous faisait perdre tous nos repères sur le terrain. »

Le barrage lui apparaît comme un dossier « symptomatique » :

« L’idée de bien commun et d’intérêt général passe complètement au­-dessus de la tête de nos représentants. J’ai fait une réunion avec une élue, elle demandait tout le temps quel était notre intérêt, qui nous instrumentalisait.

Elle avait pris l’habitude d’un non ­contrôle citoyen sur l’argent public. Il y a une disproportion. Bush et Blair peuvent envahir l’Irak en s’appuyant sur de faux documents, et nous on passe en comparution immédiate dès qu’on jette un caillou. Un grand projet peut être déclaré illégal des années après sans aucune conséquence, et si un particulier construit sans permis on détruit sa maison. »

En ce moment, Bassam s’inquiète aussi du traité Tafta et de la montée du Front national.

« Le sentiment dominant ici, c’est qu’on est en train de perdre les rênes. On ne sait plus où donner de la tête, mais nous ne sommes pas résignés. C’est peut­-être ça qui nous différencie des autres. »

Le CPE, la LRU, les Amap

« BBD », le barbu­chevelu en poncho, a débuté par des luttes plus répandues dans sa génération : le CPE, la LRU quand il était au lycée. A côté de lui son ami « Check », 24 ans, roule des mécaniques.


« Check », dans la ZAD du Testet, en octobre 2014 (Camille Polloni/Rue89)

Lui aussi a débarqué de Notre­-Dame­-des-­Landes fin août, en prévision des travaux. Au lycée, il est passé par plusieurs groupes communistes libertaires et des sections antifascistes dans l’Est de la France. Son baptême du feu : le sommet de l’Otan en 2009. Il a lu des bouquins de Nietzsche, de Cioran, et beaucoup de science-fiction.

« Pas tant d’auteurs “ politiques ” que ça. Sur la ZAD, il y a des légalistes balèses en droit, mais assez peu de gens hyper formés politiquement. »

Parmi les plus anciens, peut­-être ? Hélène Duffau se rappelle la lutte contre l’implantation de la centrale nucléaire de Golfech, en 1976. « J’écoutais en boucle “Radioactivity”, du groupe Kraftwerk. » Ses prises de conscience ont souvent été liées à la musique et la littérature : The Cure et Beckett, Camus. Plus récemment des essais, comme ceux de Pierre Rabhi.

Elle est surtout guidée par une volonté de mettre en adéquation ses actes avec ses convictions : elle a lancé une Amap (Association pour le maintien de l’agriculture paysanne) dès 2004, a opté pour un fournisseur d’électricité coopératif, finance aussi bien Osez le féminisme que Greenpeace et Mediapart, tient des blogs et sert de « point relais douche » pour les zadistes sans eau courante qui peuvent venir se laver chez elle.

La jeune Camille réfléchit aux livres qui l’ont marquée. Elle cite un texte de Jo Freeman : « La tyrannie de l’absence de structure. » Plus récemment, « Le Tour de France des alternatives » (éd. Seuil, 2014), mais aussi deux films de Pierre Carles : « Volem rien foutre al païs » et « Attention danger travail ».

Salon de tisane bio, végétarien et autogéré

Allongé sur l’herbe, un gars écoute la conversation et intervient. « Il y a aussi “La désobéissance civile” de Thoreau. » « Oui mais ça j’ai pas trop aimé », regrette­-t-­elle. Elle revient sur presque dix ans d’initiation politique :

« J’ai fait le CPE au collège, sans trop comprendre sans doute, mais parce que je trouvais ça injuste. Au lycée, dès qu’il y avait une instance ouverte aux élèves, je participais. Comme la “ commission menus ”, où j’ai poussé une gueulante contre le gaspillage alimentaire. J’ai participé à une course organisée par Action contre la faim, puis monté un club de musique avec des copains, plus ou moins autogéré, avec une présidence collégiale.

Quand je suis allée dans des endroits comme ici, des squats politiques et des éco­villages en Amérique latine pendant mes études, j’ai compris que c’était ce que je cherchais. »

Elle continue à faire du bénévolat dans deux associations :

« Un salon de tisane bio, végétarien et autogéré, qui est aussi le QG de plein de collectifs de réflexions. Et une association de vélo-­couture. »

Après avoir entendu ça, je tombe par hasard sur un quadragénaire anglophone qui vit d’habitude dans une forêt du même style près de Cologne. Il se fait appeler Guk et garde une barricade au cas où les gendarmes reviendraient.

Partant pour raconter son « historique » militant, il commence à parler des G8, du mouvement Occupy, des « climate camps » et de l’extinction des espèces. Prêt à laisser surgir des souvenirs de toutes les contestations de ces quinze dernières années. Indéfiniment et en désordre.

 

 

Source : rue89.nouvelobs.com

 

 

 

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