Un auditeur a pris l'antenne de France Inter ce 18 janvier pour interpeller Manuel Valls en s'amusant de la gifle reçue la veille : "C'était juste trop bon."
La gifle verbale. Mardi 17 janvier, lors d'un déplacement en Bretagne, Manuel Valls a été visé par un jeune homme de 18 ans qui a tenté de lui mettre une gifle et est parvenu à le toucher. Il a annoncé avoir porté plainte contre l'auteur. La scène, notamment filmée par Le Télégramme et Quotidien, a beaucoup tourné. Et a fait des émules. Au micro de France Inter ce 18 janvier, un autre jeune homme - un certain Guillaume, de Grenoble - est parvenu à interpeller en direct l'ancien Premier ministre. Mais en lieu et place de question, il lance :
"C’était pour te dire Manu… Je sais pas si tu trouves ça normal ou pas mais la claque on est juste 66 millions à vouloir te la mettre, c’était juste trop bon ! Sans déconner quoi, il a été parfait le bonhomme !"
Il est immédiatement interrompu par le journaliste Patrick Cohen : "Alors cet appel à la violence sur l'antenne de France inter, c'est non !" On ne sait pas encore si le jeune homme a pu prendre l'antenne sous un prétexte fallacieux ou si le programmateur était conscient du propos qui serait tenu.
Manuel Valls est pour sa part resté sur sa ligne de conduite depuis l'épisode de la gifle : dénoncer "toute forme de violence", "la violence de notre société" qu'il "combat". Visiblement un peu perturbé par l'intervention, il évoque du tout au tout "les gens qui souffrent, ceux qui sont au RSA" puis son "combat contre Dieudonné", puis ajoute : "Quand, sur une antenne, on fait profession de violence, ça veut dire qu'il y a quelque chose qui bascule." Il conclut : "C'est parce que je peux gagner qu'on me vise, je ne me laisserai pas impressionner".
Depuis plus de dix ans, chaque jour vers dix-sept heures, Sophie attend que son téléphone sonne. Ce coup de fil, c’est l’assurance de pouvoir aller bosser une fois la nuit tombée, à l’aéroport de Roissy. Une décennie d’intérim à se flinguer la santé, à subir les abus de pouvoir, le mépris et le sexisme au travail. Ouvrière de nuit, femme, épouse, maman, l’histoire de Sophie, c’est un peu celle de tous les galériens du travail. De ceux qui subissent pour gagner plus, mais perdent beaucoup. L’histoire d’une battante qui donne tout pour sa famille. Et qui ose aujourd’hui parler au nom des oubliés de la nuit.
Cet article a été initialement publié par la revue en ligne Sans A, sous le titre « Sophie, l’oubliée de la nuit ».
Une journée comme les autres, Sophie* pète les plombs. Il est dix heures du matin, elle est au volant de sa voiture sur une petite route de Seine-Saint-Denis quand une femme tente de la doubler. Elle ne se laisse pas faire, tient le cap, puis jette un coup d’œil dans le rétro : la conductrice s’agite et l’insulte. Sophie pile, serre le frein à main, descend en trombe de sa voiture et s’avance, menaçante. « Je sais pas ce qui m’a pris, j’ai donné un coup dans sa portière. J’ai dit : c’est quoi ton problème ? Ouvre la fenêtre ! Heureusement qu’elle ne l’a pas fait. Je l’aurais sortie de là par les cheveux. »
Pourtant, Sophie n’est pas du genre à se mettre en rogne. Mais ce jour-là, la jeune femme de 36 ans n’a pas dormi depuis 24 heures. « C’est pas du tout dans ma nature. Elle n’est pas censée savoir que je n’ai pas dormi. » Le genre de craquage qu’on peut tous avoir un jour. Quand le boulot stresse, fatigue, pousse à bout. Sauf que Sophie n’est pas exactement comme tous les travailleurs.
Boulot, maison... boulot
D’abord, Sophie travaille la nuit. Depuis dix ans, cette maman de trois enfants bosse à l’aéroport Roissy Charles de Gaulle quand tout le monde dort. Ensuite, Sophie est intérimaire. Un « bouche-trou » traité « comme de la merde », que ce soit par l’agence qui l’envoie en mission ou par la boîte qui l’emploie, une grande compagnie de transport de fret. Elle y a fait le tour des missions, du chargement au déchargement de colis jusqu’au nettoyage des avions. Depuis quelques années, elle remplit les containers prêts à partir au bout du monde. Une sorte de jeu Tetris grandeur nature, en moins drôle. Un « milieu d’hommes », éprouvant et physique. Et quand elle rentre à la maison vers cinq heures, Sophie dort quelques heures puis se charge de l’appartement. Elle range, lave le linge et prépare le déjeuner de ses trois gosses qui rentrent chaque jour du collège entre midi et deux. L’après-midi, peu de temps pour soi avant de refaire une petite sieste à dix-huit heures pour tenir le coup la nuit suivante.
Avant, Sophie jonglait entre deux boulots : la nuit à l’aéroport, le jour dans les supermarchés à présenter des offres promotionnelles. L’enfer. Le corps et le mental n’ont pas tenu. Alors quand il a fallu choisir entre le jour et la nuit, Sophie a « choisi » la nuit. Parce que ça rapporte plus. Aujourd’hui, c’est « moins pire qu’avant », mais c’est toujours compliqué. En bossant de nuit elle peut espérer gagner entre 900 et 1 800 euros par mois. Tout dépend si on l’appelle. Ce dont elle est sûre, en revanche, c’est qu’à la fin du mois, avec le mari et les trois gosses, le compte en banque est toujours à découvert. « T’es tout le temps en train d’appréhender le mois d’après. » Une insécurité constante qui l’oblige à parer au pire. Sophie a des cartes de paiement en plusieurs fois plein le portefeuille. L’intérim de nuit, une aubaine pour certains. Mais pour Sophie, les gens ne se rendent pas compte : « On est mieux payés, mais à quel prix ? On sait jamais si on va travailler, on a pas de droits, on peut nous mettre à la porte du jour au lendemain. »
Les joies de l’intérim
Car même de nuit, l’intérim reste un monde sans sécurité. Chaque jour depuis dix ans, Sophie attend que son téléphone sonne, généralement à dix-sept heures, pour savoir si elle va pouvoir travailler cinq heures plus tard. Un contrat par nuit et « des montagnes de papier qui s’entassent à la cave ». L’intérim, c’est aussi ne pas faire de vagues. « Faut surtout pas se mettre mal avec la boîte d’intérim. Si t’as un accident du travail, faut surtout pas le déclarer. Ils te blacklistent et te rappellent plus pendant des semaines. Et tu peux rien faire. » Pareil pour les formations. Sophie a longtemps pensé que c’était à elle de les payer. « Le chef d’agence me disait : on vous paye déjà, on va pas payer ça en plus. » Elle finit par réclamer le remboursement, s’accroche, se bat pour ses droits. Résultat : « J’ai plus eu de missions pendant trois semaines. »
Ne pas trop en demander et se faire bien voir. C’est le créneau de certaines boîtes d’intérim comme celle de Sophie. « Il faut faire des petits cadeaux pour avoir beaucoup de missions, ça peut être du chocolat, des petits parfums… c’est monnaie courante. » Autrement dit : rincez votre patron, vous pourrez peut-être bosser. Et quand on a ce genre de petit pouvoir, ça peut aller encore plus loin. Trop loin. « Les superviseurs viennent te voir, te disent : “On pourrait boire un café ensemble ? Je vais donner ton nom”... » Des chefs d’agence qui se prennent pour des maquereaux, la totale. « Autant que j’aille au Bois de Boulogne, je gagnerai plus et au moins je travaillerai pas en plus ! » Des abus confirmés par l’USCI-CGT, principal syndicat de l’intérim, régulièrement alerté par les travailleurs.
« J’appelle ça Guantanamo »
Sophie en a marre de l’intérim. Depuis plusieurs années elle tente d’obtenir le statut de salariée dans la boîte qui l’emploie presque chaque nuit, à l’aéroport. Trois candidatures, trois refus. Mais toujours là, en intérim. Et dans cette grande compagnie de transport de colis, sur le papier, salariés et intérimaires c’est même boulot mais pas « même combat ». Aux containers, les « embauchés » déchargent cinq à six avions par nuit. Pour les intérimaires, ça peut monter à dix. « Nous, le régulateur nous appelle à la radio : alpha, tango, machin. Vas là-bas, reviens ici… ». Les intérimaires sont mobiles, déplaçables comme des pions au gré des besoins, quand les embauchés, eux, gardent leur position toute la nuit.
Aux intérimaires aussi de se coltiner « les tâches les plus ingrates ». Avant, Sophie bossait de nuit au nettoyage des avions. « Tu manipules des produits toxiques : il y a une tête de mort dessus, rien d’autre. Et ça commence à te gratter. Tu as des pauvres gants, dont tu finis par mettre quatre paires, mais tu as quand même des boursouflures sur tout le bras. » Et quand elle demande ce qu’il y a dans le flacon, on lui dit : « Tu le fais, c’est tout ». Mais le pire est ailleurs. « L’esclavagisme moderne », c’est au déchargement des colis. Là-bas, tout doit aller très vite. Et en cas de fléchissement, les « cordos », les superviseurs, sont là pour accélérer la cadence. « J’appelle ça Guantanamo. Ils te surveillent de là-haut. Quand ça va pas assez vite, ils arrivent derrière toi et ils te stressent. » Sophie ne prend plus de missions là-bas : « C’est trop dur. Au bout d’un moment, on en peut plus. »
Sexisme nocturne
C’est aussi au pôle de déchargement que le sexisme est le plus fort. Là-bas, on veut des mecs, des durs. Mais quand on est une femme, il n’y a pas trente-six options si on veut bosser de nuit pour gagner plus. On se retrouve toujours dans des milieux d’hommes. Sophie a donc appris à encaisser. « J’étais une des rares filles, et un des superviseurs m’a dit clairement : “On devrait interdire les femmes ici, porter des colis c’est pas pour les femmes”. » Mais les femmes aussi, ont « besoin de manger ». Alors Sophie doit vivre avec les remarques sexistes de ses supérieurs, mais aussi de ses collègues. « Ils se permettent de faire des blagues lourdes. Certains disent à mon mari : “Ah bon ! tu laisses ta femme travailler la nuit ! C’est comme si je faisais la pute”. »
Les plaisanteries douteuses, les discussions qui tournent en boucle, Sophie en a marre. On a tous un collègue un peu chiant qui nous raconte sa vie à la pause. Mais ceux de Sophie, c’est un cran au dessus dans le décalage. Elle encore, a sa famille. Mais beaucoup d’autres n’ont plus de vie sociale. « Ils dorment la journée, ils se traînent jusqu’à 19h, c’est l’heure de manger, ils se traînent ensuite au travail. Ils sont pas sortis de chez eux. Ils ne voient que leur travail. Ils répètent toujours les mêmes trucs. J’en ai marre, je leur dis : vous êtes tous déformés ici ou quoi ? » L’ambiance de travail, l’insécurité de l’emploi, les cadences de nuit… Sophie est forte mais a ses limites.
Crèmes « bonne mine » et Lexomil
A force de rester debout et de porter des objets lourds, son corps lâche. A commencer par le dos. Pour soulager la douleur, Sophie fait appel à ses trois rejetons : « Je dis aux enfants de m’écraser le dos, ils marchent sur mon dos, ça claque, ça aide ». Avant, Sophie enchaînait les missions sans dormir, jour et nuit, sans moufter. Mais aujourd’hui, l’esprit non plus n’y est plus. « Je suis fatiguée, je suis irritée, parfois j’ai plus envie d’y aller. A 40 ou 50 ans, je ne sais pas comment je vais faire. » Elle dort en décalé et ne parvient pas à se réveiller reposée. « Le vendredi et le dimanche soir je ne travaille pas. Je dors la nuit et après je me sens bien. C’est un autre réveil. » Pour cacher la fatigue, la jeune femme a ses petits secrets : un attirail de crèmes « bonne mine », toujours rangé dans son sac.
Il y a plusieurs mois, les petites astuces n’ont plus suffi. Sophie est passée au Lexomil. « A cause des problèmes de sommeil, mais aussi de stress, de ne jamais savoir si tu vas travailler ou pas. » Nerveuse, fatiguée, irritable, elle choisit les anxiolytiques pour éviter de s’énerver ou de craquer. « Avec le Lexomil tu es vraiment calme, mais tu deviens un robot. Tu n’arrives même plus à pleurer, tu n’as pas d’émotions. » Avant de mettre le hola : « J’ai pensé à ma santé, je me suis dit : je travaille déjà de nuit, je fume beaucoup, alors je préfère m’énerver, au moins ça sort ». Parfois, une fois rentrée chez elle, Sophie envoie tout péter : « De toutes manières, je ne peux pas le faire au boulot. »
« Que mes enfants n’aient pas à galérer comme moi »
Il y a cinq ans, la super maman a pris ses cliques et ses claques et s’est installée chez sa sœur, le temps de réfléchir. A cette période, elle enchaîne deux boulots, travaille le jour et la nuit. Son mari, commercial de formation, tente de monter pour la deuxième fois sa boîte. Mais il rame. En attendant, Sophie charbonne et les fins de mois, la famille se retrouve au maximum du découvert autorisé : 800 euros. « Je devais travailler pour deux. T’es fatiguée, t’es toujours énervée contre l’autre, t’as l’impression qu’il fait pas d’effort. » Le couple frôle la séparation. Aujourd’hui, les tensions sont toujours là, mais Sophie et son mari ont repris le dessus, notamment pour les enfants.
Elle le reconnaît à demi-mot, si les petits n’étaient pas là, elle aurait arrêté depuis longtemps de se tuer au boulot toutes les nuits. Mais elle continuera tant qu’elle pourra, « pour qu’ils puissent partir en vacances, voir autre chose que Bondy 93 ». À onze, treize et quatorze ans, les jeunes ados se rendent bien compte que leur maman s’épuise au travail. Elle souffre de certains de leurs regards, de leurs inquiétudes, des « Tu as l’air fatiguée aujourd’hui », ou des « Repose-toi maman ». « J’ai l’impression qu’ils ont pitié de moi ». Le plus dur, c’est le week-end, quand ils veulent profiter d’une journée en famille, « aller ici ou là, et que moi je leur dis : “Non, je dors, je suis fatiguée”. » Sophie aimerait être plus présente mais aussi ne pas compter quand elle les emmène manger un « MacDo » ou voir un film au ciné. « Quand ils gaspillent, je leur dis que je suis debout la nuit, que je ne dors pas pendant qu’ils sont dans leur lit, que je charge des choses lourdes pour pouvoir leur payer. Je leur demande de faire attention. » Inculquer des valeurs, réussir leur éducation, c’est ce qui importe le plus. « Pour qu’ils n’aient pas à galérer comme moi ».
Changement de perception
Pourtant Sophie a fait du chemin. Lorsqu’elle arrive en France à l’âge de dix ans, elle vit avec ses parents et ses quatre frères et sœur dans un petit studio du quartier Oberkampf, à Paris. « A l’époque, c’était les pauvres là-bas, c’était pas bourgeois comme aujourd’hui. » La famille ne parle pas français, n’a pas de papiers et ne bénéficie pas d’allocations. Sophie va à l’école mais comprend vite que pour s’en sortir, il va falloir trimer. Ado, elle travaille avec ses parents dans les ateliers de confection du Sentier. A dix-huit ans, elle obtient ses papiers : « Je me suis dit, là, il faut que je travaille, que j’ai mon propre argent pour pouvoir me payer des chaussures, des vêtements, n’importe. Avec mes parents, c’était pas évident. » Elle enchaîne les petits boulots : vendeuse, caissière, tout pour pouvoir devenir indépendante. « C’était pas parce que je ne voulais pas étudier, c’est parce que je n’avais pas les moyens d’étudier. »
Maman à son tour, Sophie voit maintenant les choses autrement. Elle sait ce que c’est de ne pas pouvoir offrir à ses gosses les dernières baskets ou consoles à la mode. « Avant je me disais : c’est à cause de mes parents tout ça. Maintenant quand j’y pense, cinq enfants, pas de droit, travail au noir… Je vois mon père quand il a dû demander sa retraite, il lui manquait plein de papiers. » Elle, au moins, s’estime heureuse d’avoir des contrats de travail, de pouvoir cotiser mais s’inquiète pour ses droits. « A la retraite, les salariés normaux, ils peuvent faire valoir qu’ils ont bossé la nuit mais nous, les intérimaires, comment ça va se passer ? » Sophie s’inquiète pour l’avenir et commence à se renseigner sur ses droits. Des recherches qui ont fini par changer sa perception du travail. « Avant je pensais : “Grâce à eux j’ai du travail”. Maintenant je pense autrement. Je les voyais en bons samaritains, mais en fin de compte, c’est moi qui leur donne de l’argent. »
Comme ses parents avant elle, Sophie espère aujourd’hui le meilleur pour ses enfants. Eux voulaient que leur fille soit française et puisse travailler. Elle, souhaite maintenant que ses enfants « étudient et soient protégés par un vrai CDI ». En attendant qu’ils choisissent leur voie, l’important pour Sophie est de passer du temps avec eux, de leur faire plaisir. Depuis longtemps, les petits rêvent de passer une journée en famille à Disneyland Paris. Mais une journée dans le monde magique de Mickey coûte cher. Trop cher pour Sophie, oubliée de la nuit.
*Pour éviter à Sophie de se retrouver sans boulot pour avoir pris le risque de témoigner, son prénom a été changé.
Cet article a été publié par le site Sans A. Sans A vise à changer le regard de tous sur les exclus. Il cherche à « rendre Visibles les Invisibles » pour lutter contre les préjugés et les stéréotypes à l’encontre des personnes précaires et rendues invisibles dans notre société.
L'instruction sur la mort du militant écologiste, tué en octobre 2014 sur le site du barrage de Sivens, est désormais close. Le parquet dispose de trois mois pour formuler ses réquisitions. Le père du jeune homme, qui craint que l'affaire ne s'achève sur un non-lieu, a déposé deux nouvelles plaintes afin de relancer l'affaire.
Plus de deux ans après le drame, l'enquête sur la mort de Rémi Fraisse est désormais close. Son père, Jean-Pierre Fraisse, a été informé de la clôture de l'instruction ce mercredi. Ce jeune militant écologiste de 21 ans est mort le 26 octobre 2014, après avoir été touché par une grenade offensive tirée par un gendarme, lors d'affrontements sur le site du barrage de Sivens. Les deux juges d'instruction qui enquêtaient sur les circonstances de sa mort ont remis, le 11 janvier, leur dossier au parquet. Celui-ci dispose désormais de trois mois pour formuler ses réquisitions.
Cette procédure, craint le père, a de grandes chances de déboucher sur un non-lieu. «Un non-lieu? C'est le risque, un risque important», a-t-il réagi auprès de l'AFP. Aucune personne n'est en effet poursuivie dans le dossier. Le gendarme qui a tiré la grenade est sous le statut de témoin assisté depuis mars dernier, tout comme deux autres capitaines, membres du même escadron, rappelle Mediapart. Il a été entendu une fois dans ce cadre, mais aucune mise en examen n'a été prononcée.
Deux nouvelles plaintes déposées
Dans une dernière tentative pour «relancer l'enquête», le père du militant a annoncé le dépôt de deux plaintes. L'une d'elles, déposée à Toulouse, vise le préfet du Tarn à l'époque du drame, Thierry Gentilhomme, pour homicide involontaire, ainsi que son directeur de cabinet. Le gendarme en charge de l'enquête sur la mort du jeune homme est également visé pour subornation de témoin.
La famille de Rémi Fraisse entend notamment appuyer cette plainte sur un enregistrement audio auquel elle a récemment eu accès, précise Le Monde, qui a pu écouter le document sonore. Il s'agit de l'enregistrement d'une discussion survenue cinq jours avant la mort du militant et à laquelle a participé le préfet ainsi que plusieurs élus, dont la députée écologiste Cécile Duflot. «J'ai des inquiétudes sur quelque chose qui pourrait arriver», l'entend-on déclarer. «Monsieur le Préfet (…) il faut que ça s'arrête (…) même au pire moment, à Notre-Dame-des-Landes, ça n'est jamais arrivé», insiste Cécile Duflot. La député fait alors référence à un accident survenu quelques semaines auparavant: une jeune femme de 25 ans avait été blessée à la main en ramassant une grenade de désencerclement jetée dans une caravane par un gendarme, mis en examen depuis selon Mediapart.
L'autre plainte, déposée à Paris, accuse de faux témoignages trois gendarmes, dont l'auteur du tir de la grenade présumée mortelle. La famille s'appuie sur les comptes rendus d'auditions, qui montreraient que les versions des faits ont changé au fil des entretiens, souligne Le Monde. Depuis le début des investigations, l'objectivité de l'enquête, «menée par des gendarmes sur des faits commis par des gendarmes, donc sur des collègues»faisaient valoir les avocats de la famille un an après les faits, est au cœur des critiques.
«Nous souhaitons que cette affaire ne soit pas enterrée»
Dans les trois mois qui viennent, la famille peut encore déposer plusieurs requêtes auprès des juges d'instruction toulousaines, ce qu'a fait Jean-Pierre Fraisse. Ce dernier a notamment demandé que soit entendu l'ancien préfet, accusé de négligence pour n'avoir pas pris en compte l'importante tension qui régnait sur le chantier, qui venait de débuter.
«Nous souhaitons que cette affaire ne soit pas enterrée», a confié Jean-Pierre Fraisse au Monde. «Nous espérons encore que la justice en France est capable de faire éclater la vérité. Mais nous commençons à en douter.» Le père a également dénoncé «une proximité entre les gendarmes et la justice» auprès de l'AFP. L'avocat du gendarme estime, de son côté, que «l'issue inéluctable du dossier est un non-lieu». Pour Me Jean Tamalet, «la conclusion aujourd'hui est la même que lors de son audition: c'est un abominable accident mais un accident.»
Un rapport de l'Inspection générale de la gendarmerie (IGGN) avait déjà blanchi le gendarme en décembre 2014. Il avait estimé que les avertissements nécessaires avaient été effectués avant le tir de la grenade. En décembre, le Défenseur des droits avait également conclu à «l'absence de faute de la part du gendarme» auteur du tir de grenade. Jacques Toubon soulignait toutefois dans son avis «le manque de clarté des instructions données aux militaires déployés sur la zone, par l'autorité civile et par leur plus haute hiérarchie, ainsi que l'absence de toute autorité civile au moment du drame, malgré le caractère à la fois sensible, dangereux et prévisible de la situation». En mars, de nouveaux témoignages avaient été ajoutés au dossier d'instruction, selon lesquels Rémi Fraisse avait les mains en l'air et criait «Arrêtez de tirer» aux gendarmes au moment où il a reçu la grenade qui a causé sa mort.
» VIDÉO - Barrage de Sivens: la justice donne raison aux écologistes (lien)
L’enquête sur la mort du militant tué par une grenade lancée par un gendarme s’achève sans mise en examen à ce jour. La famille porte plainte mercredi contre l’ex-préfet du Tarn.
C’est une tache au bilan de la gauche. Mais elle pourrait s’effacer en même temps que s’achève le quinquennat, sans que toute la lumière ait été faite sur la façon dont le drame s’est produit, dans la nuit du 25 au 26 octobre 2014, sur le site du projet de barrage de Sivens (Tarn). D’après nos informations, les deux juges toulousaines saisies de l’enquête sur la mort de Rémi Fraisse ont communiqué leur dossier au procureur de la République, le 11 janvier, afin qu’il prenne ses réquisitions. Procédure préalable à la clôture de l’instruction, dont la famille du militant écologiste, décédé à l’âge de 21 ans, craint qu’elle ne débouche sur un non-lieu.
Les deux années d’enquête n’ont en tout cas mené jusqu’à présent à aucune mise en examen. Le gendarme auteur du tir de grenade offensive dont l’explosion a causé la mort de Rémi Fraisse a été placé sous le statut de témoin assisté en mars 2016 et interrogé une seule fois par les juges. Le préfet du Tarn de l’époque n’a pour sa part jamais été entendu par celles-ci.
Son rôle, en tant que responsable du dispositif de maintien de l’ordre, est pourtant central. Dans un avis publié le 1er décembre, le défenseur des droits considérait ainsi que « le manque de clarté des instructions données aux militaires déployés sur la zone » et « l’absence de toute autorité civile au moment du drame » avaient « conduit les forces de l’ordre à privilégier (…) la défense de la zone, sur toute autre considération, sans qu’il soit envisagé à aucun moment de se retirer ». Ce soir-là, 23 grenades offensives ont été employées par les gendarmes mobiles.
D’après nos informations, la famille de Rémi Fraisse devait déposer deux plaintes mercredi 18 janvier. L’une pour homicide involontaire à l’encontre du préfet, Thierry Gentilhomme, et de son chef de cabinet, Yves Mathis – cette plainte vise également un gendarme, chef de l’enquête sur la mort du militant, qui est accusé de subornation de témoins.
La seconde plainte est déposée à l’encontre de trois gendarmes, dont l’auteur du tir mortel de grenade, pour faux témoignages, du fait de contradictions apparues dans leurs différentes auditions. « Nous souhaitons que cette affaire ne soit pas enterrée, explique Jean-Pierre Fraisse, le père de la victme. Nous espérons encore que la justice en France est capable de faireéclater la vérité. Mais nous commençons à en douter. »
La famille, comme elle peut le faire jusqu’à la clôture de l’instruction, devait également déposer mercredi plusieurs demandes d’actes d’enquête auprès des juges toulousaines. « Jusqu’à présent, toutes nos demandes ont été refusées », explique l’avocat de la famille Me Alimi. Certains actes ont finalement été réalisés par les juges, d’autres pas, tels que l’organisation d’une reconstitution ou l’audition de l’ancien préfet. « Depuis le début, on sent bien que le contexte local est pesant, et on pense que ça ne permet pas une instruction sereine et complète », explique Jean-Pierre Fraisse.
La plainte déposée à l’encontre du préfet et de son directeur de cabinet vise à changer la donne. Elle se prévaut notamment d’un enregistrement audio récemment porté à la connaissance de la famille Fraisse et que Le Monde a pu écouter. Il s’agit d’une conversation qui a eu lieu le 20 octobre 2014, cinq jours avant la mort de Rémi Fraisse, et à laquelle ont notamment participé le préfet, son directeur de cabinet et plusieurs élus, parmi lesquels la députée EELV Cécile Duflot. Cette dernière met en garde le préfet : « J’ai des inquiétudes sur quelque chose qui pourrait arriver. »
« Instructions floues »
La situation sur le site de Sivens est alors particulièrement tendue. Le chantier a débuté depuis début septembre, tandis que le dialogue est totalement rompu depuis près d’un an entre les opposants au projet et la préfecture. Sur le site, des militants se plaignent que les gendarmes mettent le feu à leurs affaires et, le 7 octobre, une jeune femme de 25 ans, Elsa Moulin, a été grièvement blessée à la main en ramassant une grenade jetée à l’intérieur d’une caravane par un gendarme.
La députée insiste auprès du préfet : « On risque le dérapage à tout instant. Je pense que la grenade qui a été lancée dans la caravane, ça peut être très grave (…). Monsieur le Préfet (…) il faut que ça s’arrête (…) même au pire moment, à Notre-Dame-des-Landes, ça n’est jamais arrivé. » Au cours de la conversation, le préfet dit vouloir« faire baisser la pression ».
Son directeur de cabinet fait pourtant état de considérations qui traduisent une lecture pour le moins surprenante de la situation : « Il y a des personnes qui clairement se rattachent à la mouvance islamiste radicale, assure-t-il. J’ai été accueilli au cri de “Allahou akbar” par des gens qui portaient manifestement un drapeau de l’Etat islamique. »
Interrogée aujourd’hui, Mme Duflot se souvient : « Je n’avais jamais vu ça, la situation n’était pas du tout gérée, il n’y avait aucune stratégie de désescalade, aucune réunion de dialogue… Le lendemain, j’alerte tout le monde par SMS, notamment le président de la République. Je les préviens que je suis très inquiète vis-à-vis de la manifestation prévue le samedi [un rassemblement d’opposants], et que je suis choquée par ce que j’ai vu des méthodes des gendarmes, et que les conditions sont réunies pour que ça se passe mal. »
Ainsi que Me Alimi le fait valoir dans la plainte qu’il entend déposer, la famille de Rémi Fraisse considère que le préfet était informé « de la gravité de la situation sur place ». Pourtant, il n’était pas présent sur les lieux et se serait contenté de donner« des instructions floues, incomprises par les unités opérationnelles ». Cette « série de négligences et d’imprudences » constitue, aux yeux de Me Alimi, « une faute caractérisée d’une particulière gravité ».
Dans sa plainte, la famille Fraisse vise également le capitaine de gendarmerie Jean-Luc M., chef de l’enquête sur la mort de Rémi Fraisse, pour des faits de subornation de témoins. Certains auraient délibérément été ignorés, d’autres « malmenés », au point de faire état d’une « crainte à s’exprimer ». La seconde plainte, déposée cette fois au tribunal de grande instance de Paris, dénonce des faux témoignages qu’auraient commis trois gendarmes. Lors de leurs différentes auditions, « ces derniers ont dénaturé la nature des faits à base de contradictions et d’omissions, de façon intentionnelle », argumente Me Alimi.
Le gendarme Jean-Luc A. dit par exemple, dans une première audition, qu’il a « donné l’ordre au chef J. de jeter une grenade ». Un mois plus tard, il rectifie : « Ce n’était pas un ordre direct (…); il n’y a pas de consigne donnée ». Quant à l’auteur du tir, Jean-Christophe J., il évolue également dans ses déclarations, notamment à propos des précautions prises avant de lancer la grenade ou des sommations effectuées. Pour Me Alimi, déterminé à ne négliger aucune responsabilité, il s’agit d’une « altération volontaire de la vérité ».
Pour lutter contre le projet de site d’enfouissement de déchets nucléaires Cigéo, des dizaines de personnes se sont installées temporairement ou pour longtemps autour du village de Bure, dans la Meuse. Contre l’atome, elles veulent habiter le territoire et « empaysanner » la lutte, espérant ainsi fonder une nouvelle manière de militer.
Bure (Meuse), de notre envoyée spéciale.- Faire la queue dans sa propre cuisine pour se servir à dîner, voilà une drôle de situation. Un soir de janvier, à la Maison de la résistance à Bure, dans la Meuse : les convives sont si nombreux qu’une file indienne s’est créée entre les tables de bois pour accéder à la marmite de riz et à la poêlée de légumes – fournies par une coopérative de Fribourg. « Ne vous servez pas trop ou il n’y en aura pas pour tout le monde », s’écrie un habitant. Pas de vin dans les verres ; c’est une soirée sans alcool.
Entre 30 et 40 personnes se pressent, une assiette entre les mains. Aussitôt son repas avalé, on se lève pour céder la place à ceux qui n’ont pu en trouver sur les bancs. Une réunion du groupe de recherche anarchiste de Bure, le GRAB, doit avoir lieu sur le thème du soin. Elle sera remplacée par la projection d’un film sur un homme de Cro-Magnon immortel, The Man from Earth. À l’étage, des duvets sont étendus sur tous les matelas du dortoir chauffé. Des cigarettes fument dans la salle de la chaufferie, où aiment se réfugier ceux qui ont passé une nuit dans la forêt.
Cela ressemble à un squat, mais c’est une maison collective, avec jeux de société, eau chaude et réserve d’infusions, et elle leur appartient. En 2004, l’association Bure zone libre et le Réseau Sortir du nucléaire ont acheté cette ancienne ferme pour la transformer en lieu d’accueil, de rencontres et d’échanges pour les militants anti-atome. À une poignée de kilomètres de là, l’Agence nationale pour la gestion des déchets radioactifs (Andra) prévoit de stocker et d’enfouir pour des millénaires les rebuts les plus toxiques des centrales nucléaires. À 500 mètres de profondeur, les 300 kilomètres de futures galeries souterraines doivent enfermer 99 % de la radioactivité produite par le système nucléaire national. Pour ses détracteurs, c’est une future « poubelle nucléaire ».
Devant le potager des anti-Cigéo à Bure, 10 janvier 2017 (JL)
Depuis l’été dernier, ils occupent la forêt qui fait face au futur centre d’enfouissement, Cigéo, où fonctionne un laboratoire de recherche. En août, plusieurs centaines de personnes ont fait tomber le mur de béton que l’Andra avait érigé pour en bloquer l’accès à ses détracteurs. Des heurts ont eu lieu avec des vigiles. La justice a donné partiellement raison aux militants et ordonné à l’Agence d’arrêter le déboisement et de remettre les lieux en état dans les six mois suivants, en l’absence d’autorisation préfectorale pour défricher. Une demande est en cours et le seul occupant du bois à s’être officiellement déclaré aux autorités, Sven Lindstroem, est convoqué devant le tribunal de grande instance de Bar-le-Duc, le 25 janvier, en vue de son expulsion.
Habiter la forêt, construire des cabanes, s’installer dans les villages alentour, acheter des maisons, s’ancrer dans le terroir, planter des légumes et fabriquer son pain pour lutter contre l’« atomisation du monde », c’est-à-dire sa désertification à cause de l’énergie nucléaire : c’est l’aventure politique dans laquelle se lancent plusieurs dizaines de personnes, hommes et femmes, plutôt jeunes, venues des villes et des campagnes, de France et d’ailleurs, autour du village de Bure, contre le projet d’enfouissement des déchets radioactifs. Elles ont le projet d'y vivre, temporairement ou à long terme.
Ces personnes se démarquent de l’approche habituelle du mouvement antinucléaire par le choix d’une politique des modes de vie. Un potager a vu le jour à côté d’une gare désaffectée, sur deux hectares « repris » à l’Andra avec la Confédération paysanne et le réseau militant Reclaim the fields. Y poussent des pommes de terre, des oignons, des betteraves et des courges. « C’est un champ des possibles. On apprend à travailler la terre et à nourrir la lutte », explique un habitant, qui évoque son souhait d'« empaysanner la lutte ».
Un conservatoire de semences anciennes est en projet (le poulard, le rouge d’Alsace…), afin de ranimer des savoirs et pratiques agricoles disparus dans ce territoire d’élevage et de cultures intensifs. Un paysan boulanger pourrait s’installer et un four à pain se mettre en route. « On s’oppose au nucléaire, mais pour ses conséquences sur le territoire : l’artificialisation des terres, des bois, l’omniprésence de la police et des vigiles, l’hélicoptère qui vient voler au-dessus de nos têtes dès qu’on organise un événement, décrit un habitant. S’opposer au défrichement d’une forêt, c’est une lutte concrète. Tu dois devenir le territoire que tu défends. »...
Dans ce village de Côte-d’Or, un groupe animé par l’envie de reconnecter l’agriculture au territoire fait grandir un projet autant agricole que culturel, mêlant vignoble bio, culture du houblon, élevage de poules, mais aussi café associatif, habitat participatif ou encore université populaire. Reportage photographique.
Mâlain (Côte-d’Or), reportage
Mâlain est un village de Côte-d’Or de 750 habitants, à 25 km de Dijon. Depuis deux ans, un petit groupe s’y est installé et impulse une belle dynamique collective autour d’un projet alternatif agriculturel étonnant.
Jennifer, Renaud, François, Claire, Myriam, Léo, Hélène, Jeff, Cyril, Gaëlle… tous sont animés par l’envie de reconnecter l’agriculture au territoire, de créer une agriculture à taille humaine, respectueuse de l’environnement et créatrice de lien social, d’œuvrer pour une éducation populaire. Tous sont convaincus que c’est en se rassemblant que l’on peut faire avancer ses idées. Tous ont le cœur à l’ouvrage.
La reprise en bio du vignoble du village, la création du groupement foncier agricole (GFA) citoyen Champs libres, l’achat collectif d’un bâtiment et de terres agricoles ont été les principaux points d’appui qui ont permis à cette dynamique de s’assurer une assise. Sur ce terreau, comme dans un jardin fertile, les projets germent et les énergies se multiplient.
Plusieurs projets, dont celui de café associatif, d’épicerie participative ou encore d’université populaire
Les 123 associés du GFA ont déjà acquis collectivement environ 6 ha de terres agricoles qui servent pour un projet d’élevage de poules pondeuses bio et un jardin potager permaculturel, et bientôt pour de la culture de céréales paysannes et de houblon. Le bâtiment acheté, qui se situe en continuité de terres du GFA, a été réhabilité pour y accueillir un habitat participatif, une brasserie artisanale bio, un café associatif et un fournil. Dans cette effervescence est également née l’association Risomes (Réseau d’initiatives solidaires mutuelles et écologiques) qui anime plusieurs projets, dont celui de café associatif, d’épicerie participative ou encore d’université populaire.
Aujourd’hui, après un an et demi de chantiers, les trois logements de l’habitat participatif sont occupés. Les travaux de la brasserie et du fournil se terminent avec un commencement des activités prévues en ce début d’année 2017. Arriveront ensuite les 250 cohabitantes gallinacées qui devraient être ravies de découvrir leur nouvelle maison en bois. L’ouverture du café associatif est attendue de tous, plusieurs chantiers collectifs bénévoles sont prévus dans les mois qui viennent pour concrétiser ce projet. Et une grande fête agriculturelle pourrait bien célébrer toutes ces réalisations l’été prochain.
L’association Risomes s’est constituée en février 2016 et compte aujourd’hui plus de 140 adhérent-e-s. Elle s’organise horizontalement à partir de groupes-actions : université populaire et buissonnière ; pratiques d’échanges non marchands ; café associatif ; épicerie coopérative…
Alors que la vague de froid s’intensifie, le réseau électrique français est à la limite de sa capacité. En cause : trop de nucléaire, inadapté aux pointes de consommation, et trop de chauffage électrique. Les experts écologistes recommandent un autre mix énergétique.
Vous l’avez sans doute déjà senti lundi, mais c’est surtout à partir de ce mardi 17 janvier, et jusqu’à vendredi que la vague de grand froid s’installe sur la France. Météo France nous promet des « journées sans dégel », avec des températures négatives allant jusqu’à – 10 degrés, inférieures de quatre à huit degrés aux normales saisonnières.
Une vague de froid moins importante que celle de février 2012, mais qui arrive dans un contexte particulier. « On approche d’un pic de consommation d’électricité historique, alors que les moyens de production sont historiquement bas », note-t-on chez Réseau de transport d’électricité (RTE), en charge de la gestion du réseau électrique. Car cinq réacteurs nucléaires sont à l’arrêt cette semaine, contre un seul à la même période l’an dernier. Le parc nucléaire français en compte 58, fournissant les trois quart de l’électricité.Dès novembre,RTE prévoyait un hiver difficile. Reporterre vous avait raconté pourquoi la découverte d’irrégularités dans la conception de certaines pièces avait poussé l’Autorité de sûreté nucléaire à demander la mise à l’arrêt et le contrôle d’une douzaine de réacteurs.
Or, « un degré de moins à l’extérieur, c’est 2.400 mégawatts de consommation supplémentaire, soit celle de Marseille et Lyon réunis », rappelle RTE. Ce mardi, la pointe de 19 h devrait atteindre une puissance appelée de 91.300 MW, qui sera comblée par 89.000 MW de production française et une possibilité d’importation de 6.000 MW. Aucune mesure exceptionnelle ne devrait être mise en place. L’incertitude plane sur demain mercredi, où le pic pourrait atteindre 95.000 MW. « La situation est fragile, mais il n’y a pas de coupures d’électricité programmées pour l’instant », rassure-t-on chez RTE. Avant le black-out, une série de solutions ont été prévues pour diminuer la demande. Dans l’ordre, il est donc possible :
Couverture d’importer plus d’énergie de chez nos voisins,
Couverture d’interrompre l’approvisionnement de 21 sites industriels très consommateurs,
et enfin de baisser la tension (une ampoule électrique éclairera moins par exemple).
Aucune de ces solutions n’a jamais eu à être mise en place encore en France, et RTE prévoit d’éviter grâce à elles les coupures d’électricité. Sinon, il promet « de maintenir l’électricité au plus grand nombre de clients possibles » avec des coupures « momentanées » et « programmées » sur le réseau.
Risques dans le nucléaire
Pour consulter l’évolution en temps réels des consommations et moyens de production, suivre ce lien RTE
Mais l’hiver risque d’être long, même après cette semaine de grand froid. « En ce moment, pour faire face au pic, on sollicite beaucoup l’hydraulique. On va rapidement l’épuiser, alors que les réserves dans les barrages ne se reconstituent qu’au printemps, à la fonte des neiges », explique Benjamin Dessus, ingénieur et économiste spécialiste des énergies, président de l’association Global Chance. Côté importations, il est tout aussi dubitatif : « Il fait aussi froid en Allemagne ! On n’est pas sûrs de trouver de l’électricité sur le marché à chaque fois que l’on en a besoin, et en plus elle est très chère. »
Surtout, il s’inquiète des conséquences sur la sécurité nucléaire. EDF a obtenu le report de l’arrêt du réacteur n°2 de la centrale du Tricastin, qui devait être lui aussi contrôlé. Finalement, il ne s’arrêtera de fonctionner que dans deux semaines, le 3 février. « On prend des risques, proteste Benjamin Dessus. C’est comme dire que l’embrayage de la voiture est trop usé, mais qu’on continue encore de rouler. Sauf que là, il s’agit d’un réacteur nucléaire... »
Le responsable de la crise, c’est le chauffage électrique
Un thermostat de radiateur.
« On paye aujourd’hui des décisions irrationnelles », estime Marc Jedliczka, porte-parole de l’association d’experts en énergie Negawatt. La France a un mix énergétique très particulier. « Le problème est structurel : on a fait le choix du nucléaire, une énergie qui est faite pour fonctionner le plus longtemps possible dans l’année, et en même temps du chauffage électrique, qui crée une pointe de consommation en hiver. C’est aberrant ! », poursuit-il. Déjà en 2009, Negawatt faisait le constat que l’essentiel de la hausse de consommation d’électricité en hiver est dû au chauffage électrique, et montrait qu’entre 1996 et 2009, le nombre de logements équipés avait presque doublé, de même que la « sensibilité au froid », c’est à dire le lien entre température extérieure et hausse de la consommation d’électricité. « Résultat, quand il fait froid, c’est le bazar », résume-t-il...
Pour la prise de pouvoir par le peuple : Dix propositions afin de ne pas reproduire la capitulation que nous avons connue en Grèce
28 décembre 2016 par Eric Toussaint
Pour éviter de reproduire la capitulation que nous avons connue en Grèce en 2015, je fais dix propositions sur la prise de pouvoir par le peuple |1|.
La première proposition est la nécessité, pour un gouvernement de gauche, de désobéir, de manière très claire et annoncée au préalable, à la Commission européenne. Le parti qui prétend, ou la coalition de partis qui prétendent gouverner et, bien sûr, je pense par exemple à l’Espagne, devront refuser d’obéir, dès le début, aux exigences d’austérité, et s’engager à refuser l’équilibre budgétaire. Il faudra dire : « Nous ne respecterons pas l’obligation décrétée par les traités européens de respecter l’équilibre budgétaire » parce que nous voulons augmenter les dépenses publiques pour lutter contre les mesures anti-sociales et d’austérité, et pour entreprendre la transition écologique. Par conséquent, le premier point est de s’engager d’une manière claire et déterminée à désobéir. Selon moi, après la capitulation grecque, il est essentiel d’abandonner l’illusion d’obtenir de la Commission européenne et des autres gouvernements européens qu’ils respectent la volonté populaire. Conserver cette illusion nous conduirait au désastre. Nous devons désobéir.
Deuxième point : S’engager à appeler à la mobilisation populaire. Tant au niveau de chaque pays qu’au niveau européen. Cela aussi a échoué l’année dernière en Grèce. Il est évident que les mouvements sociaux européens ne furent pas à la hauteur en termes de manifestations, qui certes eurent lieu, mais ne montrèrent pas un niveau suffisant de solidarité avec le peuple grec. Mais il est vrai aussi que l’orientation stratégique de Syriza ne prévoyait pas de faire appel à la mobilisation populaire au niveau européen, ni même de faire appel à la mobilisation populaire en Grèce. Et quand ils ont appelé à la mobilisation par le référendum du 5 Juillet 2015, ce fut pour ensuite ne pas respecter la volonté populaire de 61,5% des Grecs, qui refusèrent d’obéir aux exigences des créanciers.
Troisième point : S’engager à organiser un audit de la dette avec la participation des citoyens. Je dirais que cet audit devra être simultané à la suspension des remboursements de la dette. Les situations dans 28 pays de l’Union européenne sont différentes. Il y a des pays européens où la suspension des remboursements est une mesure de nécessité absolue et prioritaire, comme dans le cas de la Grèce, et comme serait le cas du Portugal et de Chypre. En Espagne, il faudrait voir. Dans d’autres pays, il est possible de réaliser d’abord l’audit et ensuite décider de la suspension des remboursements. Ces mesures doivent être mises en œuvre en tenant compte de la situation spécifique de chaque pays.
Quatrième mesure : Mettre en place des contrôles des mouvements de capitaux. Et tenir compte de ce que cela signifie. C’est à dire aller à l’encontre de l’idée selon laquelle il serait interdit aux citoyens de transférer quelques centaines d’euros à l’étranger. Il est évident que les transactions financières internationales seront autorisées jusqu’à un certain montant. Par contre, il s’agit de mettre en place un contrôle strict sur les mouvements de capitaux au-dessus d’un certain montant des transferts.
Cinquième mesure : Socialiser le secteur financier et le secteur de l’énergie. Selon moi, socialiser le secteur financier ne consiste pas seulement à développer un pôle bancaire public. Il s’agit de décréter un monopole public sur le secteur financier, à savoir les banques et les sociétés d’assurance. Une socialisation du secteur financier sous contrôle citoyen. C’est-à-dire transformer le secteur financier en service public |2|. Dans le cadre de la transition écologique, bien sûr, la socialisation du secteur de l’énergie est également une mesure prioritaire. Il ne peut y avoir de transition écologique sans monopole public sur le secteur de l’énergie, tant au niveau de la production que de la distribution.
Proposition numéro six : Création d’une monnaie complémentaire, non convertible. Que ce soit dans le cas d’une sortie de l’euro ou d’un maintien dans la zone euro, de toute façon, il est nécessaire de créer une monnaie complémentaire non convertible. Autrement dit, une monnaie qui sert, en circuit court, aux échanges à l’intérieur du pays. Par exemple, pour le paiement de l’augmentation des retraites, des augmentations de salaire aux fonctionnaires, pour le paiement des impôts, pour le paiement des services publics ... Utiliser une monnaie complémentaire permet de se détacher et de sortir partiellement de la dictature de l’euro et de la Banque Centrale Européenne. Bien sûr, on ne peut pas éviter le débat sur la zone euro. Je pense que dans plusieurs pays, la sortie de la zone euro est également une option qui doit être défendue en tant que partis et syndicats de classe. Plusieurs pays de la zone euro ne pourront pas réellement rompre avec l’austérité et lancer une transition écosocialiste sans quitter la zone euro. Dans le cas d’une sortie de la zone euro, selon moi, il faudra faire une réforme monétaire redistributive. Qu’est-ce que cela signifie ? Cela signifie décréter, par exemple, que jusqu’à 200.000 euros liquides, le taux de change serait de 1 euro pour 100 pesetas. Mais au-dessus de 200.000 (ou peut-être au-dessus de 100.000), le taux de change serait de 1.5 euros pour obtenir 100 pesetas. A un niveau encore supérieur, il serait de 2 euros. Au-delà de 500.000, il faudrait donner 10 euros pour obtenir 100 pesetas. Ceci consiste en une réforme monétaire redistributive. Cela diminue le liquide en circulation et redistribue la richesse liquide des ménages. Et bien sûr, cela élimine une partie des actifs liquides des 1% les plus riches. Sachant que, je ne connais pas exactement ce que les données du Pays basque et de l’Espagne, mais près de la moitié de la population n’a même pas d’épargne. 30% de la population, les moins riches, ont des dettes, pas d’actifs liquides. Ils ont éventuellement du patrimoine en termes de logement (hypothéqué ou non), mais cette proportion de la population n’a pas de capital.
La septième mesure : Bien sûr, une réforme radicale de la fiscalité. Supprimer la TVA sur les biens et les services de consommation de base, comme la nourriture, l’électricité et l’eau, et d’autres bien de première nécessité. Par contre, une augmentation de la TVA sur les biens et les produits de luxe, etc. Nous avons aussi besoin d’une augmentation des impôts sur les bénéfices des entreprises privées et des revenus au-dessus d’un certain niveau. Autrement dit, un impôt progressif sur les revenus et sur le patrimoine.
Huitième mesure : Déprivatisations. « Racheter » les entreprises privatisées pour un euro symbolique. Ainsi, de ce point de vue, utiliser l’euro pourrait s’avérer très sympathique, en payant un euro symbolique à ceux qui ont profité des privatisations. Et renforcer et étendre les services publics sous contrôle citoyen.
Neuvième mesure : Réduire le temps de travail avec maintien des salaires. Abroger les lois anti-sociales et adopter des lois pour remédier à la situation de la dette hypothécaire. Cela pourrait très bien se résoudre par la loi, en évitant des procès (car il y a de nombreux procès sur la dette hypothécaire où les ménages sont confrontés aux banques). Un Parlement peut décréter par une loi l’annulation des dettes hypothécaires inférieures à 150.000 euros, par exemple. Cela permettrait d’éviter d’aller en justice.
Dixième mesure : Entamer un véritable processus constituant. Il ne s’agit pas de changements constitutionnels dans le cadre des institutions parlementaires actuelles. Il s’agirait de dissoudre le parlement et de convoquer l’élection au suffrage direct d’une Assemblée constituante. Bien sûr, il faudra tenir compte des questions de nationalités, etc. mais il s’agit d’ouvrir un véritable processus constituant, que ce soit aux niveaux des nationalités ou au niveau de l’État en tant que tel. Et de rechercher à insérer ce processus dans d’autres processus constituants au niveau européen.
Ce sont pour moi dix propositions de base à soumettre au débat. Mais je mets ces mesures à un niveau élevé de priorité. Parce que je crois que, sans mesures radicales annoncées depuis le début, il n’y aura pas de rupture avec des politiques d’austérité. Il n’y a pas de marge de manœuvre pour rompre avec les politiques d’austérité sans prendre des mesures radicales contre le grand capital. Ceux qui pensent qu’ils peuvent éviter cela, ce sont des « enfumeurs » qui ne pourront pas obtenir de réelles avancées concrètes. Le niveau européen, l’architecture européenne est telle, et la crise du capitalisme est tellement étendue qu’il n’y a pas de réel espace pour des politiques productivistes néo-keynésiennes. Selon moi, l’écosocialisme ne doit pas être à la marge mais au cœur du débat, d’où doit venir les propositions immédiates et concrètes. Il faut mener à bien la lutte contre l’austérité et se lancer sur le chemin et la transition de éco-socialiste est une nécessité absolue et immédiate.
Traduit par Trommons
Notes
|1| Ce texte correspond à la conférence que Eric Toussaint a donnée à Bilbao le 25 Septembre 2016 lors de la troisième réunion écosocialiste internationale http://alterecosoc.org/?lang=fr
ENQUÊTE - Alors que la répression du putsch raté du 15 juillet ne faiblit pas, une nouvelle génération de reporters met tout en oeuvre pour faire parler les «sans voix». Notre correspondante à Istanbul est allée à leur rencontre.
En Turquie, où la répression de l'après-putch avorté du 15 juillet étouffe chaque jour un peu plus les voix critiques, la presse indépendante est dans le collimateur du pouvoir. Accusés, pêle-mêle, de propagande terroriste, d'espionage, de tentative de coup d'Etat, 177 médias (journaux, radios et télévisions confondus) ont été fermés en quelques mois.
A ce jour, plus d'une centaine de journalistes sont derrière les barreaux. Mais à l'exil - une option choisie par certains -, de jeunes reporters opposent une envie farouche de continuer à exercer leur métier, de prendre des chemins de traverse pour éviter que la Turquie ne se transforme en trou noir de l'information.
Avec souvent pour seule arme la caméra de leur téléphone portable, ils improvisent des studios télévisés dans des cafés, des locaux associatifs, des tribunaux. Une seule devise, faire parler les «sans-voix»: enseignants limogés, intellectuels black-listés, épouses de dissidents arrêtés. Il en résulte des forums de discussion, filmés et diffusés en direct sur des cyberchaînes grâce, entre autres, à l'application Periscope. Une nouvelle génération de télévisions, sans filtre ni tabou qui défie la loi du silence…
Près d'un hectare de colza a été arraché dans le hameau des Herbuottes par les faucheurs volontaires de Côte-d'Or la nuit dernière.
Nouvelle action. Le collectif écologiste de la Confédération paysanne qui prône la désobéissance civile, les Faucheurs Volontaires, a arraché tous les pieds de colza sur une plateforme d'essai la nuit dernière. Elle est située au hameau des Herbuottes à Messigny-et-Vantoux, au nord de Dijon.
Près d'un hectare
Précisément 7 000 mètres carrés, soit trois-quart d'un hectare de plants de colza sont concernés par la nouvelle action des Faucheurs Volontaires. C'est presque deux mois après une action similaire sur une parcelle de Dijon Céréales pour dénoncer des herbicides présents dans ces plateformes d'essai.
PHOTOS. Les 8 ultra-riches qui possèdent autant que la moitié de l'humanité
Huit personnes détiennent autant de richesse que la moitié la plus pauvre de la population mondiale. C'est le constat accablant que dresse l'ONG britannique Oxfam dans un rapport publié avant l'ouverture du Forum économique mondial à Davos, le 16 janvier. Au premier rang du classement des huit personnes les plus riches de la planète, culmine sans surprise le fondateur de Microsoft, Bill Gates, avec un patrimoine estimé à 75 milliards de dollars.
L'Espagnol Amancio Ortega, à la tête d'Inditex, la maison mère de Zara, est en deuxième position avec 67 milliards de dollars. Les montants des fortunes de ces magnats du business ont été établis par le magazine "Forbes".
Warren Buffett détient 60, 8 milliards de dollars. Le PDG et premier actionnaire de Berkshire Hathaway se hisse à la troisième place de ce classement des plus riches.
L'ancien maire de New York, Michael Bloomberg, fondateur et PDG de Bloomberg LP, dont le patrimoine est estimé à 40 milliards de dollars, arrive en huitième position dans le classement "Forbes".